les noms ont une histoire
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les noms ont une histoire
VALVERDE ANNONCE LA COULEUR Candidat à la victoire finale, l’Espagnol a frappé un grand coup en remportant, hier, la 1ère étape. QUATRE PAGES SPÉCIALES 53-56 N°18 804 dimanche 6 juillet 2008 www.clicanoo.com 1€ LA CARTE DU TOUR P. 56 SAINT-GILLES Agression au tournevis en centre-ville P. 4 SURF Près de 20 ans d’école aux Roches Noires P. 18&19 LES NOMS ONT UNE HISTOIRE DERRIÈRE CHAQUE PATRONYME INDIEN SE CACHE SON ORIGINE P.10 & 11 SCIENCE Maurice Jay, dernier expert en coquillages P. 27 DOSSIER JOURNAL DU DIMANCHE 6 juillet 2008 10 Dis-moi ton nom indien, je te dirai d’où tu viens HISTOIRE. Derrière chaque nom indien ou “malbar” de la Réunion se cache un métier, une caste, une région ou un “Bon Dié”. Jean-Régis Ramsamy, journaliste et écrivain, a suivi leur évolution depuis l’arrivée des premiers engagés dans l’île. Il nous emmène dans “La galaxie des noms malbars” où le temps, les circonstances ont parfois altéré et souvent déformé des patronymes. Résultat : les arbres généalogiques se construisent difficilement dans les familles d’origine indienne… Cet ouvrage interpelle tous ceux qui s’intéressent à la richesse pluriculturelle de de la Réunion Minatchy, Paleressompoullé, Ramassamy, Govindin, Latchimy : des noms indiens loin des patronymes d’origine européenne tels que Rivière ou Payet. Ils se développent pourtant naturellement dans notre île et se métissent au fil des ans. « La grande majorité des Réunionnais d’origine indienne portent un nom tamoul », affirme le journaliste et écrivain Jean-Régis Ramsamy Nadarassin. Rien d’extraordinaire à cette situation : la plupart des engagés venaient du sud de l’Inde (ports de Karikal, Madras, Yanaon). ces imprimées. Jean-Régis Ramsamy s’est alors lancé dans un tri de documents des Archives Départementales et de lieux divers (cimetières, mairies, prisons, archives de l’Evéché…) afin d’établir un corpus d’un millier de noms. Il a ensuite réalisé quelques entretiens. Puis, il a reconstitué le long cheminement des noms entre l’Inde et la Réunion sur plus de soixante-quinze ans. Il déplore au passage la faiblesse des fonds sur l’immigration indienne aux Archives Départementales de la Réunion. Un nom d’objet, souvent avilissant L’orthographe des patronymes a été modifiée Dans le cadre de ses recherches qui ont abouti à son ouvrage intitulé “La galaxie des noms malbars”, il s’est penché sur l’étude de Sudel Fuma, «La mémoire du Nom» ou «le nom, image de l’homme» qui traite de l’histoire des noms Réunionnais, d’hier à aujourd’hui à partir des registres d’affranchis de 1848, (Tome 1 & 2. Université de La Réunion). L’historien avait pu alors comprendre le mécanisme de dénomination des affranchis de 1848 mais pour les” Indiens Malbar”, surtout confrontés à l’engagisme, tout était à faire. Une tâche ardue au regard de la dispersion des documents et de la faiblesse des sour- On estime à 10 000, voire 20 000 le nombre d’Indiens esclaves vivant à la Réunion à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle. Ils portaient le nom que leur maître voulait bien leur donner (parfois, un nom d’objet, souvent avilissant). En fait, l’esclave était un bien meuble et ne pouvait prétendre à un vrai nom. Ainsi, les dénommés Alençon Cipaille, Julian Camalan (de la caste des Camalar ?), Caroline India, Anna-Rosette Malbarin, Augustin Rama présentent des profils de l’Indien esclave. Plus tard, l’engagé avait droit à un matricule comme en témoignent les registres consultés par l’auteur. Le souhait de Jean-Régis Ramsamy : créer un dictionnaire des noms de famille indiens Le journaliste s’est rendu compte d’emblée que des patronymes ont été réduits en raison de leur longueur. « L’altération du nom serait survenue à l’enregistrement des données d’état civil des premiers engagés dans l’île au milieu du 19e siècle. Certains ne parvenaient pas à restituer facilement leurs noms aux fonctionnaires de la colonie », rappelle Jean-Régis Ramsamy. Les anciens continuent toujours d’ailleurs d’évoquer, non sans agacement, les distorsions subies par leurs noms lors de l’enregistrement administratif. Il n’est pas exclu qu’ils étaient contraints de les changer… Pas étonnant donc que des familles “malbar” aient beaucoup de mal à concevoir leur arbre généalogique. Pire : dans certains cas, l’orthographe des patronymes a été modifiée. Certains esclaves étaient même affublés du nom d’un pays d’origine : Marie Vinquebar, Antoine Madrax, Marie Bengale… De même, beaucoup de descendants d’engagés portent le nom de leurs aïeuls, de leurs grand-mères notamment. Par ailleurs, des prénoms ont été utilisés à la place des noms. Dans le cadre de ses recherches, le journaliste s’est rendu compte également que les personnes qui possèdent des noms malbars similaires n’ont pas nécessairement des ancêtres communs, proches ou lointains… «Tous les Kichenin ne sont pas issus d’un parent commun», dit-il. Des patronymes en lien avec les divinités Ce permis de séjour gratuit délivré en 1892 fait office de carte d’identité (collection personnelle de Jean-Régis Ramsamy) Se penchant sur les suffixes malbar, il remarque que le suffixe «Samy», d’origine tamoule, est le plus couramment cité (Virassamy, Mounoussamy, Ayassamy Annasamy, Ramassamy…). Autre suffixe d’origine tamoule : “Poullé” (Parimanompoullé, Amourga- tapillé, Moutoupoullé, Moutéyapoullé, Souprayapoullé…) On le retrouve chez des grandes familles (Virapoullé, Catapoullé) ou encore chez des présidents de temples (Adrien Minienpoullé à SaintDenis, M.Jaganardinpoullé, à la Rivière des Galets), et même chez des immigrants en provenance de l’île Maurice. Les suffixes «Ama», «Retty», «Moulou» ou «Gadou» appartiennent à la langue Télégoue, dont : Vingatama, Palaniama, Papama, Incana, Angama, Soupaya… Les patronymes des engagés peuvent être aussi en lien avec des divinités 11 DOSSIER JOURNAL DU DIMANCHE 6 juillet 2008 Laurent à la recherche de tous les “Coutaye” Laurent Coutaye-Caroumbin est né à Paris il y a 44 ans d’un père Réunionnais - venu jeune dans l’Hexagone chercher du travail - et d’une mère métropolitaine. Cet informaticien, marié et père d’un enfant, a créé le portail des Coutaye (http://www.coutaye.fr ), le blog (http://laurent.coutaye.free.fr/wp/ ) et le site familial (http://laurent.coutaye.free.fr/). Son but : retrouver tous les Coutaye de la Réunion et d’ailleurs… Installé dans la banlieue sud de Paris, Laurent s’est lancé sur les traces de ses ancêtres depuis plus de cinq ans. Sa passion pour la généalogie, il la partage avec son épouse Laurence. “Cette enquête familiale entamée par jeu dans un premier temps s’est vite transformée en loisir principal”, avoue Laurent qui, après s’être renseigné sur les meilleures méthodes pour faire son arbre généalogique (livres, Internet, émissions, salons, associations, outils informatiques...), a commencé par “le plus facile, le côté maternel” avant d’aborder “le côté paternel, de la même façon”. De questions en collectes de documents d’état-civil, il a amassé des données. Aligner des noms et des dates n’étant pas ce qu’il y a de plus passionnant, il a fini par s’intéresser à la signification des patronymes, à la vie de ses ancêtres et de leurs contemporains et finalement à l’histoire locale. Pendant ses vacances d’été, il a fait du tourisme généalogique… “J’ai ainsi pu visiter la maison pratiquement inchangée d’un arrière-arrière-grand-père, découvrir les sépultures émouvantes d’autres aïeux et visiter de nouveaux lieux marqués de l’empreinte de tous ces hommes et femmes”, explique Laurent qui, au total, a effectué trois voyages à la Réunion. Au premier, il avait entre 10 et 12 ans. C’était pour la mort de son grand-père André qu’il n’a pas connu, décédé dans un accident de pèche au Port. “Je me souviens de la case en tôle qui n’existe plus à cause de l’agrandissement du port et… du fait que je ne voulais plus revenir en métropole ! “, se souvient-il. Son dernier voyage dans notre île remonte en mars 2004, suite à son initiation à la généalogie. Une association de généalogie L’ODI, une banque de données Frédéric Souprayenmestry, un chef d’entreprise saint-andréen, a créé l’Association de généalogie des descendants d’engagés indiens de La Réunion (AGDEIR) afin d’aider les familles dans leurs recherches de patronymes indiens. Frédéric Souprayenmestry s’est plongé lui aussi dans son histoire familiale en vue de reconstituer l’arbre des descendants de son arrière-grand-père, arrivé dans l’île vers 1880 : Rangapamodély Souprayenmestry dit “L’Indien”. L’ouvrage (un livre gros de 800 pages en format A3 avec plus de 600 photos) est en cours de finition. Présidée par Jean-Régis Ramsamy, l’Organisation pour les initiatives de la diaspora (ODI) est une association de loi 1901 qui a été créée à la Réunion en septembre 2007. Son rôle : organiser les recherches entre l’Inde et la Réunion sur le plan culturel ou de la recherche. Elle a ainsi aidé un étudiant réunionnais à trouver un lieu de stage en Inde et soutient un artiste de Chennai . L’ODI est née en Inde. Elle existe également en Afrique du Sud. “La voiture à 100 000 roupies, l’ordinateur à 1 euro : l’Inde explose”, fait remarquer Jean-Régis Ramsamy. “L’idée est de ne pas se renfermer… L’idée, c’est un rapprochement, la mise en valeur de la diaspora et de la culture indienne dans le respect des instructions de la République française et de la pluriculturalité réunionnaise”. Contact : AGDEIR. Tél/fax : 02 62 46 75 12. Email : [email protected] Des études sur “la malbarité” A la Réunion, une association étudie “la malbarité” : c’est le GERM. Le Groupe d’études et de recherches sur la malbarité est présidé par Sully Santa Govindin, enseignant et auteur de plusieurs travaux remarquables. Il travaille depuis de longues années sur ce concept. “Malbarité, c’est ce qui est spécifique aux migrants qui ont dû s’adapter et conjuguer un héritage culturel et les évolutions nécessaires imposées Voici le passeport valable pour un voyage remis à l’engagé avant son départ pour la Réunion. (Collection personnelle de Jean-Régis Ramsamy) (Govindin, Minatchy, Kichenin, Rama, Permal, Sevagamy, Latchoumy, Ramin, Narayanin, Darmalingom, Armougom, Tiroumalé…), avec des castes (Naidou, Singh, Padeatchy, Poullé, Mestry, Retty, Modely, Chetty…), des qualificatifs (Sinan=petit, Périanin = grand-frère, Caroupana = frère noir, Siny = sucre, Viran ou Vira = le fort). Aujourd’hui, on remarque encore que des Réunionnais d’origine indienne possèdent un nom composé : patronyme + le prénom d’un aïeul réunionnais. Exemples de ces noms à particule : Bruno Mamindy-Pajany, le maire de Sainte-Rose, Gilbert Moutien-Canabady, Claude MoutouallaguinAllagapal, feu Philippe Ponin-Ballom. D’autres engagés ont laissé aussi bien leurs noms que leurs prénoms à leurs descendants : Barcatoula Ramjane, Canjamalé Palanipandarom, Baba Latchimy, Sornom Ali, Ponapin Egambareddy, Couteyen Carpaye, Souprayenmestry, Rangapamodely Moutou, Latchimy, Sadeyen Velleyen, Ringuin Velleyen. Jean-Régis Ramsamy le reconnaît lui-même : d’autres réflexions méritent d’être menées… Si «Bondié i ve», il fera un dictionnaire des noms de famille indiens ! Un jour… Textes : Juliane Ponin-Ballom Sully Santa Govindin, président de GERM. par la société d’accueil”, explique Sully Santa Govindin. C’est , selon lui, “un vécu, un concept “ afin de marquer “la nécessité de respecter les Réunionnais qui sont issus d’une culture ancestrale, villageoise et rurale et qui évoluent aujourd’hui au sein de la société réunionnaise”. Mais, dit-il encore, “ la malbarité se caractérise surtout par un processus évolutif, par une dynamique d’intégration au sein de l’espace réunionnais, et du coup constitue un facteur d’unité, de cohésion et de stabilité pour la société globale”. Le GERM a pour objectif essentiel de mener des réflexions et des recherches d’ordre intellectuell concernant les engagés indiens et leurs descendans métissés ou pas, désignés à travers les termes de (z)indien, tamoul, malbar, cooli, voire malbarkaf et évoluant au sein de la diaspora. Cette association vise une meilleure connaissance et compréhension des sociétés pluriculturelles des espaces insulaires. Son champ d’investigation s’exerce tant dans le domaine des Arts (musique, chorégraphie, iconographie, artisanat) que des sciences humaines (lettres, histoire et ethnologie). Contact : GERM - Tél : 0262 266 215. Site : http://monsite.wanadoo.fr/germ Email : [email protected]