En Corée, les hommes du Sud cherchent des femmes venues du Nord
Transcription
En Corée, les hommes du Sud cherchent des femmes venues du Nord
2,00 € Première édition. No 10914 VENDREDI 24 JUIN 2016 www.liberation.fr Pas d’incidents lors du défilé circulaire à Paris: la nouvelle manifestation contre la loi El Khomri a réenclenché le bras de fer entre syndicats et gouvernement. LOI TRAVAIL ÇA TOURNE EN ROND EUROPE PLUS RIEN NE SERA COMME AVANT Comment refonder l’UE mise à mal par le référendum anglais et en proie aux populismes ? INTERVIEW DE DANIEL COHNBENDIT ET SYLVIE GOULARD, PAGES 12-13 LIRE AUSSI NOS TRIBUNES, PAGES 20-21 NEIL HALL . REUTERS Hier, à Paris. PHOTO CYRIL ZANNETACCI PAGES 2-4 Montebourg En Corée, les hommes du en campagne Sud cherchent à la campagne des femmes Il ne l’a pas encore officiellement annoncé, mais l’ancien ministre venues de l’Economie vise la primaire PS. «Libé» l’a suivi en tournée en du Nord Indre-et-Loire. PAGE 6 PAGES 14-15 IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA. 2 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 «On voulait une manif, pas un tour de manège» Finalement autorisé dans un périmètre réduit et sous très haute surveillance, le cortège parisien contre la loi travail a réuni environ 20000 personnes jeudi, sans débordements notables. Par AMANDINE CAILHOL, MARINE GIRAUD, ROZENN MORGAT, et LUC PEILLON Photos CYRIL ZANNETACCI «N asse party», «zoo», «cage à hamster» : les participants au cortège parisien contre la loi travail, jeudi, ne manquaient pas d’ironie pour qualifier cette dixième manifestation organisée dans la capitale depuis le début du mouvement. En cause: les conditions drastiques imposées par la préfecture de police pour ce défilé très encadré autour du bassin de l’arsenal, à Bastille, et que le gouvernement avait envisagé, dans un premier temps, d’interdire. Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 20000 personnes ont néanmoins répondu présent à Paris (sur 70 000 dans toute la France), soit moins que la journée nationale du 14 juin, mais autant que les défi- Grilles anti-émeutes, canon à eau, fouille des manifestants avant leur entrée dans le lés précédents dans la capitale. réponse à la lettre envoyée à FranFoulards et masques prohibés, dou- çois Hollande le 20 mai». Puis le ble fouille des sacs, parcours circu- cortège s’ébranle sur le boulevard laire réduit à 1,6 kilomètre, zone du Bourdon, qui longe le bassin de cortège entièrement entourée par la l’arsenal. Pas l’ombre d’un «autopolice et des grilles de protection, nome» en vue. le dispositif sécuritaire (lire ci-con- Marie, venue de l’Yonne, s’exclame tre) a provoqué l’amertume de plus au milieu de son petit groupe d’un participant. «J’ai failli ne pas d’amis: «C’est scandaleux que cette venir, explique François, la cin- manifestation ait failli être interquantaine, qui se dit dite. C’est anticonstitunon encarté. Les syndi- REPORTAGE tionnel. Mais ce qui est cats n’auraient jamais bien, c’est que cet épidû accepter d’être enfermés sode a renforcé notre déterminacomme ça, c’est une honte.» Sa tion.» Même sentiment pour voisine opine: «Moi aussi, j’ai hésité. Maxime, étudiant à Sciences-Po PaC’est vraiment pas normal, on est ris et membre de l’Unef : «Ce qui où là ?» change dans la lutte depuis le 14 juin, c’est qu’il y a une crise. «C’EST UNE FARCE !» Aujourd’hui, le gouvernement nous La place de la Bastille se remplit taxe de mouvement antidémocratiprogressivement. En tête de cor- que, alors que c’est lui qui a recours tège, Philippe Martinez, secrétaire à de telles pratiques! C’est d’autant général de la CGT, tente de répon- plus important de continuer la dre à la forêt de micros devant lui. lutte.» Yvan, membre du NPA, a, lui, «Non, je ne suis pas lassé», dit l’impression d’avoir été «trahi» et l’homme qui attend «toujours une «provoqué» de façon croissante de- puis le début de la lutte : «Il y a eu le 49.3, les violences policières, et maintenant cette menace d’interdiction. C’est une farce !» Avant de lâcher, presque réjoui: «Le gouvernement est allé plus loin que tout ce qu’on pouvait imaginer…» Reste que pour lui, les «intimidations» de l’exécutif semblent avoir insufflé une nouvelle énergie au mouvement: «Il y a un climat d’intimidation, mais notre lutte rebondit. On disait qu’avec l’Euro, les inondations etc., ça allait s’arrêter. Mais on est toujours là ! Ce mouvement, ça fait quatre mois qu’il nous surprend. Notre colère lui donne toujours plus d’énergie», s’exclame-t-il. «OS À RONGER» Le trajet est si court que, trente minutes plus tard, le cortège entame le retour, de l’autre côté du bassin. «On voulait faire une vraie manif, pas un tour de manège», s’agace Grégory, militant de la CGT Santé de Clermont, dans l’Oise. Avec ses deux comparses, Carole et Valérie, il sont déçus de s’être déplacés «pour ça». «On a l’impression qu’on veut nous donner un os à ronger, s’énerve Carole. Mais on ne compte pas s’en contenter.» Tous trois songent à des actions plus longues, sur plusieurs jours, en participant notamment à des blocages. «On tourne en rond, comme si on nous avait mis dans une bergerie», se désole également Alex, street medic, alors que la tête de cortège se déverse maintenant place de la Bastille. Le jeune homme de 23 ans explique faire de «la médecine de rue» et porte une croix rouge sur un brassard, une autre sur le sac à dos. «Ça a été compliqué pour passer tous les contrôles policiers. Dès que tu as du matériel de protection, c’est vu comme un signe de volonté de confrontation avec la police. Il y a un climat de suspicion», pointe-t-il. Mais certains n’auraient pas pu entrer avec leur matériel, explique Alex, qui regrette que «les flics em- Libération Vendredi 24 Juin 2016 u 3 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Côté Intérieur, une opération rondement menée Face à des manifestants amers d’avoir été parqués, Cazeneuve peut se féciliter d’avoir réussi son pari. Q uelle étrange sensation que de manifester en vase clos ! A fortiori en tournant autour du bassin de l’Arsenal (IVe arrondissement), cadre bucolique se prêtant plus volontiers aux premiers rencards… Jeudi, après à peine une heure de parade, le cortège antiloi travail s’est dispersé sans heurt aucun. De ce point de vue, la réussite est totale pour la préfecture de police, son taulier Michel Cadot, et le ministère de l’Intérieur. En début de soirée, Bernard Cazeneuve s’en est d’ailleurs félicité, soulignant «qu’il n’y avait pas eu de casse, aucun blessé, et qu’aucune grenade lacrymogène n’avait été tirée». Mais pour les manifestants, remontés comme des coucous, la pilule est terriblement amère. Souricière. A 14 heures, alors périmètre, interpellations... Le dispositif policier était imposant, jeudi, autour du port de l’Arsenal. pêchent souvent les street medics de faire leur boulot. C’est de la répression politique.» Un autre évoque trois arrestations aux points de contrôle. Les présents, eux, s’accordent sur un même constat: «C’est calme aujourd’hui.» «Tant mieux», conclut Alex. BALLONS ROUGES Journaliste au chômage, Hélène, la quarantaine, a, elle, pris «le compromis proposé par Cazeneuve comme un recul». Alors cette manif, elle l’accepte «pour l’instant». Car «le mouvement se joue sur le long terme, c’est loin d’être fini». Ce défilé exceptionnellement réduit lui semble donc préférable au rassemblement statique proposé, un temps, par la préfecture de police. «Etre coincés avec des milliers de personnes à un endroit, c’est un cauchemar», argumente-elle. Au début de la rue de Lyon, vers 16 heures, une centaine de militants se regroupent et marchent à «Le gouvernement nous taxe de mouvement antidémocratique alors que c’est lui qui a recours à de telles pratiques!» MAXIME étudiant et membre de l’Unef contresens de la manif, autour d’une fanfare et d’une banderole «Liberté». «Des gens de Nuit debout, pour beaucoup», précise l’un. «Ils nous la mettent à l’envers, alors on la fait à l’envers», explique un autre. Pour eux aussi, le mini-parcours proposé par la préfecture a du mal à passer. «Super, le tour de manège», s’agace un troisième. En face, le cortège «officiel» des syndicats arrive droit devant, avec ses ballons rouges. Entre eux: un cordon de CRS. L’ambiance est bon enfant. «Paris, debout, soulève-toi», chante le petit groupe de manifestants indépendants, en attendant l’arrivée des syndicalistes. «Rendez-vous ! Vous êtes cernés», lâchent-ils ensuite, un peu plus piquants, avant d’être autorisés à avancer vers eux. S’ensuivent quelques – légères – échauffourées entre manifestants indépendants et le service d’ordre syndical (lire page 4), au son de «SO collabos!» et «tout le monde déteste le PS!» En tête de cortège, Jean-Claude Mailly et Philippe Martinez, les numéros 1 de FO et de la CGT, grillent une cigarette. Avant d’arriver, tant bien que mal, place de la Bastille, devancés par les militants de Nuit debout. Prochain rendez-vous mardi, pour une nouvelle manifestation, dont les contours et modalités restent encore à négocier. • que les gendarmes mobiles procèdent aux premières fouilles minutieuses des sacs à dos, une pancarte, tenue par un golgoth tatoué, annonce la couleur : «Bienvenue au zoo !» Sur le bitume brûlant, on peut lire: «Par ici le tour de manège.» Cette ironie ne quittera jamais les quelque 20 000 contestataires présents. Il faut dire que les autorités avaient mis les petits plats dans les grands. Des grilles anti-émeutes étirées tout autour de la place de la Bastille dessinaient une souricière ultraserrée. Plus de 2 000 policiers et gendarmes encadraient le cortège. Des caméras avaient été installées en sus de celles du parc de la ville de Paris. Et le ca- non à eau confirmait son grand retour sur la scène parisienne. A sa vue, le cortège de Solidaires s’époumone : «On a chaud, envoyez le canon à eau !» Certains n’hésitant pas, ensuite, à poser devant pour enchaîner les selfies. Derrière, les cheminots de SUD Rail craquent des fumigènes et parachèvent les railleries en hurlant «Allez les Bleus, allez les Bleus.» Alors que le cortège conquiert les deux rives du bassin de l’Arsenal, un homme, la quarantaine fatiguée, s’esclaffe: «On est les babouins, de l’autre côté, ce sont les chimpanzés !» Stoïques, les unités de forces mobiles ne bronchent pas. Escalade. Vers 15 h 30, le gros des troupes file déjà dans les grandes largeurs. Les camions de merguez remballent leurs poêles à frire et une fanfare tournoie autour de la colonne de la Bastille. C’est alors qu’un groupe refuse d’obéir aux injonctions de quitter la place. Immédiatement, les CRS les encerclent vigoureusement. Durant plusieurs minutes, une centaine de personnes se retrouve acculée au pied du monument. Les plus kamikazes se lancent dans une escalade hasardeuse. En vain. A 17 h 30, hormis quelques invectives et le sempiternel slogan «tout le monde déteste la police», le trafic automobile reprend peu à peu. En début de soirée, un bilan provisoire faisait état de 100 interpellations à Paris, surtout en amont de la manifestation pour détention de projectiles. Onze personnes ont tout de même été placées en garde à vue : deux pour «port d’arme», deux pour «dégradations», une pour «violence», quatre pour «attroupements armés» et deux pour «possession d’engins pyrotechniques». WILLY LE DEVIN IIIE IV E PARIS Place de la Bastille XIE Bassin de l’Arsenal XIIE 200 m VE 4 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 ÉDITORIAL Par LAURENT JOFFRIN Il est temps Après les heurts du 17 mai, les syndicats étaient particulièrement sous pression, jeudi. PHOTO CYRIL ZANNETACCI Les services d’ordre des syndicats pris entre deux feux Accusés par certains manifestants de se plier aux desiderata de l’exécutif, les gros bras de la CGT et de FO défendent leur place sur le terrain. I ls sont en civil, portent un brassard et veulent voir notre carte de presse avant de nous répondre. Ce ne sont pas des policiers de la BAC mais des membres des services d’ordre (SO) des syndicats, très présents lors de la manifestation de jeudi contre la loi travail. Il faut dire que la préfecture de police leur avait mis la pression, la veille, lors des rudes négociations ayant abouti à ce drôle de défilé en forme de manège de 1,6 km de long. «Les autorités voulaient qu’on protège des bâtiments, des agences immobilières qui sont sur l’itinéraire. On a refusé», raconte Jacques Girod, secrétaire général adjoint de Force ouvrière à Paris. Les SO n’étaient pas non plus sur les barrages filtrants, mis en place aux abords de la place de la Bastille, comme l’aurait souhaité la préfecture de police de Paris. «On n’est pas des collabos!» se défend-il, en référence à des slogans scandés par des manifestants non syndiqués dans de précédents défilés. Le 17 mai, des heurts avaient éclaté entre des manifestants masqués et le SO de la CGT, dont certains membres étaient équipés de bâtons, de gourdins et de matraques. tants, tout équipement est proscrit et confisqué aux barrages. Chaque SO est accompagné d’un officier de liaison de la préfecture. Au départ de la manifestation, Ahmed, fonctionnaire au ministère de la Justice dans le Val-deMarne et membre du service d’ordre de la CGT, a rejoint l’équipe chargée d’entourer le carré de tête. Il a fait toutes les manifestations du mouvement. «Je viens pour assurer la sécurité des camarades que les forces de l’ordre n’assument pas délibérément», lance ce solide trentenaire, lunettes de piscine autour du cou. A quelques minutes du départ de la manif, il n’a pas d’appréhension particulière: «Tout est fait pour que ça se passe bien.» Le SO de la CGT s’est positionné aux deux extrémités de la passerelle du bassin de l’arsenal, autour duquel circule la manifestation. Quand le défilé passe, les visages des hommes aux brassards sont fermés. Personne ne répond. Un jeune leur lance : «Y a pas besoin de vous les gars !» Il poursuit son chemin sans entendre la réplique d’un grand baraqué du SO: «Sans nous, il y avait pas de manif aujourd’hui ! Charlot, va !» «Charlot, va !» Jacques Girod est venu avec «Les autorités voulaient qu’on protège des bâtiments, des agences immobilières qui sont sur l’itinéraire. On a refusé.» une casquette renforcée. D’autres avec des casques de motos et des lunettes de plongée, voire des gants de moto, alors que pour les manifes- JACQUES GIROD Secrétaire général adjoint de Force ouvrière à Paris Le service d’ordre de FO est, lui, chargé de sécuriser les deux virages du parcours qui ramène le défilé à la Bastille. Un cortège hétéroclite, sans drapeau, s’est entre-temps formé devant le carré. Le groupe de quelques centaines de personnes veut aller tout droit. Problème: ils font face à des grilles antiémeute surmontées d’un canon à eau. Les SO se placent 30 mètres devant les forces de l’ordre pour faire tourner le cortège syndical sans qu’il s’en approche. Lorsqu’il passe, des manifestants huent le barrage syndical en criant: «Une manifestation, c’est pas tourner en rond !» Un membre du SO se justifie auprès d’un militant: «On est là pour faire retirer la loi.» «SO, fachos!» Avec ses comparses à gros bras de la CGT, Ahmed est venu en renfort de FO dans le virage. Il accuse les forces de l’ordre de «provoquer» les manifestants. Quand un collectif féministe «issu des luttes du syndicalisme de précaires», le Glumf, chante «SO-Patrons, même combat», puis «SO, fachos, on aura ta peau», Ahmed ne cille pas: «On sait pourquoi on est là, on assure même leur sécurité.» Le passage de ses camarades de la CGT Val-de-Marne sera plus chaleureux. Le micro demande de les acclamer. Applaudissements. A 15h43, tous les camions de la CGT sont passés. Le SO quitte le virage et remonte le défilé jusqu’à la Bastille. Brassard CGT au bras, D., qui ne veut pas donner plus qu’une initiale de son prénom, trouve que «la manif s’est bien déroulée» et s’en réjouit: «On est fatigués. Depuis trois mois, il y a presque deux manifs par semaine.» La prochaine est prévue mardi. PIERRE ALONSO Une manifestation sans violences : on n’osait plus y croire. L’action de petites minorités agressives une fois prévenue, la règle démocratique reprend le dessus. Chacun peut afficher sa satisfaction devant une journée qui ressemble – Euro oblige – à un match nul. La palinodie gouvernementale de mercredi aurait pu coûter très cher : une manifestation interdite se tenant tout de même, une police épuisée et débordée, un cortège syndical dispersé à coups de matraques… On a échappé au pire. Les leaders syndicaux ont fait, en l’espèce, preuve de responsabilité en acceptant ce défilé en forme de tour de stade. L’exécutif a rattrapé in extremis une fausse manœuvre difficilement compréhensible en autorisant ce qu’il se disposait à interdire. Les syndicats peuvent revendiquer une mobilisation toujours vivace, ranimée par la menace d’interdiction. Et le gouvernement constater que les grèves se sont pratiquement arrêtées – elles n’ont jamais réuni une grande proportion de salariés – et que les manifestations ne progressent pas en nombre. Ce retour à la normale protestataire augure-t-il d’un compromis ? Rien n’est moins sûr. Jean-Claude Mailly en appelle au président de la République, en passant par-dessus la tête de Manuel Valls. Mais l’Elysée et Matignon ont passé un pacte discret avec la CFDT, qui soutient la loi El Khomri à ses risques et périls et qui n’admettrait pas d’être soudain prise à revers par Hollande et Valls. La partie se jouera en fait au Parlement en juillet, dans un tête-à-tête de la gauche avec ellemême, sous l’œil de syndicalistes méfiants. Il est temps qu’elle se termine : on a rarement vu un courant politique aussi acharné à sa propre perte, à un an d’une élection majeure où la droite, sûre d’elle-même, décidée à la rupture libérale, se retrouve en position de grande favorite. • Libération Vendredi 24 Juin 2016 ÉDITOS/ ANALYSE Le cas Balkany gâche la fête sarkozyste Par ALAIN AUFFRAY Journaliste au service France @alainauffray vestitures précoces des candidats aux législatives. Pour Juppé, Fillon et Le Maire, il fallait naturellement attendre la désignation du candidat de la droite à la présidentielle avant d’engager, en décembre, le travail de la CNI. Nicolas Sarkozy, lui, voulait absolument que ce processus soit bouclé avant le conseil national LR qui doit se réunir le 2 juillet. De sorte qu’à l’automne prochain, les candidats choisis sous son autorité seront naturellement enclins à le soutenir dans la campagne de la primaire. Pour réussir cette opération, le chef de Les Républicains a im- posé à la CNI, instance majoritairement sarkozyste présidée par Christian Estrosi, un rythme de travail effréné depuis le début de ses travaux, le 6 juin. Pour boucler les 577 investitures, chaque département est expédié en moins d’un quart d’heure. «C’est de l’abattage», commente un proche de Bruno Le Maire. Comme tous les non-sarkozystes, il note que l’engagement pris de «réserver» les circonscriptions où il n’y a pas consensus sur le nom du candidat n’est pas respecté et que la CNI a souvent choisi le passage en force. Dans le camp Juppé, on se contente d’indiquer que la vraie liste des candidats Les Républicains aux législatives ne sera validée qu’en décembre. En attendant on ne se sent «pas lié» par les pré-investitures décidées ce mois-ci. Voilà Patrick Balkany ou Georges Tron, lui aussi investi, prévenus. Nicolas Sarkozy se serait évidemment bien passé de cette controverse autour du prolongement de la carrière politique de son ami. De la désignation précipitée des candidats aux législatives, il espérait faire une éclatante démonstration de son leadership. Ce n’est pas exactement ce qu’il en ressort. • Sur la loi El Khomri, le Front national incapable de travailler en équipe Par DOMINIQUE ALBERTINI Journaliste au service France @dom_albertini «Les positions économiques du Front national ? On ne les connaît pas, tellement il y a à boire et à manger», jugeait un entrepreneur présent au «rendez-vous de Béziers», ce colloque de la «vraie droite» organisé fin mai par Robert Ménard. A coup sûr, l’attitude du Front national vis-à-vis de la loi travail n’aura pas dissipé cette perplexité. La position officielle du parti est pourtant simple : opposé à une loi «dictée par Bruxelles», le mouvement d’extrême droite réclame son retrait pur et simple. Dans le détail, toutefois, les choses sont moins claires, tant revirements et contradictions se multiplient parmi les figures frontistes. Signe d’un certain opportunisme, mais aussi d’une diversité interne que le parti tente vainement de glisser sous le tapis. Dernier exemple en date : la tenue ou non du défilé syndical organisé jeudi. Le 20 mai, sur Europe 1, Marine Le Pen se déclarait favorable aux interdictions de manifestation : «En situation d’état d’urgence, il n’y a pas de manifestation», tranchait-elle. Un mois plus tard, volte-face : «Moi je respecte la loi et notamment les grandes libertés publiques», a finalement décidé la présidente du FN sur TF1, mardi soir. Le Front national est-il plus cohérent sur le fond du débat ? Derrière l’unanime rejet de la loi travail, le choix des mots varie beaucoup selon l’ora- teur. Tandis que Marine Le Pen et Florian Philippot dénonçaient un «choc de précarisation» pour les salariés, le vice-président, Louis Aliot, jugeait que, même décevante dans son contenu, la loi était «issue de bonnes réflexions du monde de l’entreprise». De leur côté, les députés Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard déploraient par communiqué que la loi n’aille pas assez loin et laisse subsister de «multiples entraves à l’embauche et à l’investissement». Comble de la confusion : le sort de ces amendements préparés par les parlementaires frontistes et visant à modifier le texte dans un sens favorable aux chefs d’entreprise. Des contributions finalement retirées sur ordre de la direction frontiste : «trop libéraux» et inutiles, puisque le FN exige le retrait de la loi et pas son «amélioration». En fait de ligne économique, c’est donc une étonnante cacophonie qu’a affichée le Front national. C’est que la position du parti est délicate. Ses sympathisants sont largement hostiles à la loi El Khomri : selon une récente enquête Ifop, 72 % d’entre eux jugent «justifié» le mouvement de protestation contre celle-ci, contre 59 % pour l’ensemble des sondés. Ce sentiment est relayé à la tête du FN par son numéro 2, Florian Philippot. Mais une partie des cadres frontistes, sceptique vis-à-vis du slogan «ni droite, ni gauche», lui préférerait un positionnement plus identitaire et libéral. Conséquence: au Front national, on aura entendu tout et son contraire. Une habitude chez ce parti chantre de la laïcité, mais aussi des racines chrétiennes de la France; opposé au mariage homosexuel, mais «bouclier» des minorités sexuelles face à l’islamisme; ou encore, comme l’a expliqué Florian Philippot sur France Inter, jeudi, «ni libéral, ni pas libéral». Ce grand écart n’empêche certes pas le FN de multiplier les performances électorales, tant la répulsion est aujourd’hui forte vis-à-vis de ses concurrents. Mais outre que la négation systématique par le Front de ces divergences confine au ridicule, elles le contraignent à des «synthèses» aussi précaires qu’improbables. • NA ÑE RA SG LUI Patrick et Nicolas, inusable romance. Cette ancestrale amitié vient de s’enrichir d’un nouveau témoignage : sous la présidence de Sarkozy, le parti LR a décidé d’accorder à Balkany son investiture pour les législatives de l’année prochaine. Le député sortant des Hauts-de-Seine, élu pour la première fois en 1988, va donc pouvoir se lancer, en juin 2017, dans sa 7e campagne législative! Et puisque Sarkozy a promis de rétablir le cumul des mandats s’il redevient chef de l’Etat en 2017, son vieux complice a bon espoir de pouvoir continuer à cumuler son mandat de parlementaire avec celui de maire des Levalloisiens, ces derniers l’ayant réélu, en 2014, dès le premier tour. S’ils parviennent tous deux à se faire élire, Patrick et Nicolas pourront célébrer, en 2022, près d’un demi-siècle d’amitié politique. C’est en effet au début des années 70 que le premier – qui avait ses entrées au palais de l’Elysée– avait accompagné les tout premiers pas politiques du second, son cadet de six ans. Mais à droite, cette belle histoire n’est pas du goût de tous. Inexistant dans le travail parlementaire, Balkany est en revanche omniprésent sur le front judiciaire où il cumule quatre mises en examen: pour fraude fiscale, blanchiment, corruption passive et déclaration mensongère de patrimoine. Il est, par ailleurs, l’une des vedettes des «Panama Papers», où l’on trouve la trace de sociétés écrans, propriétaires de son désormais célèbre riad marocain. A l’Assemblée nationale, ceux qui siègent à ses côtés sur les bancs de l’opposition trouvent que cela commence à faire beaucoup. «Je désapprouve l’investiture de Patrick Balkany. Toujours la même vieille politique!» a tweeté mercredi Bruno Le Maire, député LR de l’Eure, candidat du «renouveau» dans la primaire à droite. Autre candidat à la primaire, Hervé Mariton renchérit jeudi France Info: «La manière de faire de la politique de Patrick Balkany est totalement contraire à mes principes. Il est parfaitement choquant que notre parti politique continue d’accorder sa confiance dans un tel contexte.» Pour le reste, les parlementaires LR de toutes obédiences sont gênés aux entournures. Sur le principe, juppéistes, fillonistes, lemairistes et sarkozystes étaient d’accord pour que la Commission nationale d’investiture (CNI) valide la réinvestiture quasi automatique des sortants. Chacun convient, par ailleurs, que le parti Les Républicains doit respecter le principe de la présomption d’innocence. Il est vrai que dans le cas contraire, Nicolas Sarkozy lui-même, doublement mis en examen, ne pourrait pas être candidat à la primaire de novembre… En revanche, les adversaires de l’ancien chef de l’Etat s’étaient tous prononcés contre les in- u 5 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe 6 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR Les Pages jeunes Tous les vendredis, Libération fait le point sur l’actualité du livre jeunesse. Cette semaine, un album estival, sublime conte écologique aux couleurs éclatantes et subtiles, qui raconte l’histoire tendre et contrariée d’une méduse et d’une jeune baigneuse. Je suis la méduse (éd. les Fourmis rouges). Dès 5 ans. EXPRESSO/ Les deux Corées (ré)unies par les liens du mariage Se disant effrayés ou rejetés par des femmes de plus en plus émancipées, les Sud-Coréens sont nombreux à se tourner vers des réfugiées nord-coréennes. Par EVA JOHN Correspondante à Séoul «L es hommes les plus beaux viennent du Sud, les femmes les plus belles du Nord.» Ce proverbe coréen date de bien avant la division de la péninsule après la Seconde Guerre mondiale. Mais alors que Nord et Sud sont ennemis, il a pris une tout autre signification et renvoie à des agences matrimoniales qui présentent des réfugiées du Nord à des célibataires sud-coréens. Celle de Hong Seung-woo, l’une des plus anciennes, fête cette année ses 10 ans d’existence et se targue d’avoir organisé près de 560 mariages. Transfuges. Visage rond et cheveux gominés, Hong gère ce business avec sa troisième épouse, une Nord-Coréenne. En 2006, quand il a créé l’agence, il était marié à une autre réfugiée nord-coréenne, qu’il avait rencontrée par l’intermédiaire d’un ami: «Quand il m’a proposé de me la présenter, j’ai d’abord eu peur. Je n’avais encore jamais rencontré de Nord-Coréens et je les associais au diable, comme on me l’avait appris depuis l’enfance. Je les suspectais d’être des espions et je craignais qu’on m’accuse d’être pro-Pyongyang.» Rapidement, Hong oublie ses préjugés et entre, via son épouse, dans la communauté des réfugiés. Après avoir plusieurs fois joué l’intermédiaire pour des amis, il entrevoit une opportunité d’affaires. Pour un peu moins de 2 300 euros, les clients se voient présenter jusqu’à cinq femmes. Les deux parties sont ensuite libres de donner suite ou non au premier rendez-vous. «Généralement, les refus viennent des femmes», précise Hong. Kim Ji-hae, 35 ans, fluette et timide infirmière en formation, épousera bientôt un professeur d’anglais originaire de Busan, ville portuaire du Sud. Elle l’a rencontré en mars 2015 grâce à l’agence. «Mon fiancé a une situation stable. Il m’aide et essaye de me comprendre. Les hommes nord-coréens sont plus machos.» Son seul regret: qu’aucun membre de sa famille, restée au nord du 38e parallèle, ne pourra assister à la cérémonie. Les femmes constituent la maj eure par tie de s 29000 transfuges installés au Sud et 80% de ceux qui sont arrivés l’an dernier. Elles peuvent fuir le régime des Kim plus facilement que les hommes, qui pointent à l’usine, et peuvent survivre en Chine en épousant des paysans qui les rachètent. Pour celles qui s’installent au Sud, le mariage constitue une promesse d’intégration au sein d’une société ultramoderne, aux antipodes de ce qu’elles ont connu auparavant, et encore peu ouverte aux réfugiés. «C’est leur extrême solitude L’HISTOIRE DU JOUR qui les pousse à s’inscrire dans ces agences», estime Kim Seok-hyang, du département d’études nord-coréennes de l’Université pour femmes Ewha de Séoul. Quant aux hommes, ils ont des profils très variés, si l’on en croit Hong. Certains viennent des campagnes désertées par les jeunes filles, d’autres sont des citadins et des divorcés «déçus par les Sud-Coréennes», assure-t-il. Ce dernier est étonnamment remonté contre les femmes de son pays, qui ont, selon lui, «pris le pouvoir». «Les Sud-Coréennes sont si exi- «Les SudCoréennes sont si exigeantes et vénales. De vraies croqueuses de diamants.» HONG SEUNG-WOO patron d’une agence matrimoniale geantes et vénales. De vraies croqueuses de diamants», poursuit-il. Son agence, comme une poignée d’autres qui officient, vante à l’inverse les «mérites» des Nord-Coréennes, qui seraient des épouses plus traditionnelles, entendez douces et dociles. Il y a deux ans, l’une de ces agences avait suscité la polémique en les décrivant dans une publicité comme «belles, sincères et gentilles, au contraire des Sud-Coréennes aux visages refaits, calculatrices et rusées». Pour des raisons similaires, les mariages «mixtes» avec des étrangères, venues principalement d’Asie du SudEst, sont devenus courants. Le phénomène est tel qu’il est encadré et même encouragé Un couple qui s’est rencontré via une agence matrimoniale intercoréenne. EVA JOHN par le gouvernement sud-coréen. Moins nombreuses et plus confidentielles (aucune donnée officielle et peu de littérature sur le sujet), les unions «intercoréennes» ont l’avantage de ne se heurter à aucune barrière de langue. «Désirs». Mais tout n’est pas rose pour autant. «Nous sommes très différents. Les SudCoréens ne peuvent pas nous comprendre complètement. Au début de notre mariage, ça n’a pas toujours été facile», confie Lee Hana (1), l’actuelle épouse de Hong Seung-woo. Arrivée au Sud en 2011 après avoir vécu pendant six ans en Chine, elle a décidé de rejoindre Séoul, laissant derrière elle son enfant pour qu’il travaille à la ferme. A l’agence, c’est elle qui se charge d’assortir les couples. «Beaucoup de Sud-Coréens dénigrent les Nord-Coréennes. Ils pensent que tant qu’elles ont à manger, elles seront contentes. Or, elles ont bien sûr d’autres désirs. C’est justement parce qu’elles ont connu des situations difficiles qu’elles ont envie de vivre mieux», regrette-t-elle. Une dizaine d’unions nées à cette agence se seraient soldées par un divorce. • (1) Le prénom a été modifié. Libération Vendredi 24 Juin 2016 u 7 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Bientôt un vaccin contre Zika ? Des chercheurs européens L’ESPOIR ont annoncé jeudi avoir découvert de «puissants» anticorps capables de «neutraliser» le virus Zika, une découverte ouvrant la voie à un vaccin contre ce virus à l’origine de lésions cérébrales chez le fœtus. Dans des travaux menés en laboratoire, les anticorps ont permis de «neutraliser» à la fois Zika et le virus voisin de la dengue, «ce qui pourrait aboutir au développement d’un vaccin universel» protégeant contre les deux maladies, ont indiqué les chercheurs dans la revue scientifique Nature. PHOTO AP 10 Etats-Unis: sit-in démocrate pour le contrôle des armes Dix jours après le carnage dans un club gay d’Orlando, des démocrates américains ont occupé l’hémicycle de la Chambre des représentants de mercredi midi à jeudi midi. Objectif: protester contre le refus de la majorité républicaine de mettre au vote une législation sur le contrôle des armes à feu. Une exaspération qui montait depuis lundi, après le rejet de quatre textes par le Sénat, lui aussi aux mains de la droite. La voix grave de John Lewis (assis au centre), figure du mouvement milliards, c’est, en dollars, le montant du plan de Volkswagen pour régler le litige dû à ses moteurs diesels truqués aux Etats-Unis. Le groupe proposera plus de 6000 euros en liquide aux propriétaires des voitures affectées et contribuera à un fonds de lutte contre la pollution de l’air. Le plan sera présenté à la justice américaine mardi. Appuyées par les raids de l’aviation de la coalition, les forces de l’alliance arabo-kurde syrienne ont atteint le carrefour Al-Kitab, à l’entrée sud-ouest de Manbij en venant d’Alep, soit 2 kilomètres du centre de la ville. Leur progression est ralentie par les combats féroces qu’ils doivent livrer contre les hommes de l’Etat islamique. «Ceux-là les ont accueillis par des explosions successives de trois voitures piégées», rapporte Ahmad Mohamad, jeune activiste de Manbij qui, depuis le sud de la Turquie, est en contact régulier avec les siens restés dans la ville. «Les préparatifs qu’on a pu voir ces dernières semaines indiquent que les hommes de Daech sont déterminés à ré- TURQUIE sister, affirme Ahmad. Ils ont réquisitionné toutes les maisons des civils à l’entrée de la ville pour installer leurs combattants et positionné leurs armes. Les habitants expulsés se sont repliés vers le centre logeant tant bien que mal chez des amis, dans des magasins ou logements abandonnés.» Ils sont en tout cas interdits de sortir de la ville et pris comme boucliers humains par l’Etat islamique. Les frappes aériennes de la coalition occidentale comme les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) ont le souci, autant que possible, d’épargner les civils. Il resterait encore pas loin de 200 000 habitants dans Manbij. «Tous terrés chez Kobané Hassaké Mer Méditerranée Alep Manbij Raqqa SYRIE Homs Deir el-Zor IRAK Palmyre 50 km LIBAN eux par peur des raids aériens et des combats», indique Ahmad. Ils ont pu, ces derniers jours se procurer du pain, puisque les hommes de l’Etat islamique ont livré aux boulangeries le carburant nécessaire, après avoir entretenu la pénurie pendant plusieurs jours. Le prix du pain vendu par l’Etat islamique a même été divisé par trois ces derniers jours. Carrefour important sur la route de ravitaillement des jihadistes entre la frontière turque et leur bastion de Raqqa, Manbij est contrôlé par l’EI depuis début 2014. La bataille lancée le 31 mai par les FDS pour l’arracher à l’Etat islamique a commencé en même temps que celle de Fallouja, en Irak. Les hommes de l’Etat islamique ont opposé dans les deux cas une résistance déterminée à l’offensive soutenue par les puissants moyens de la coalition occidentale. Plus de 2 000 combattants de l’EI seraient à Manbij. Ils ont eu le temps de préparer le terrain en plantant des mines et en creusant des tunnels bourrés d’explosifs. HALA KODMANI À CHAUD IL A OSÉ «Hillary Clinton est peut-être la personne la plus corrompue à s’être jamais présentée à la présidence.» DONALD TRUMP candidat républicain à la présidentielle américaine REUTERS En Syrie, l’offensive contre l’Etat islamique progresse à Manbij des droits civiques et représentant de Géorgie, a tonné au micro : «Nous avons perdu des centaines de milliers d’innocents à cause de la violence des armes. Combien de mères, de pères devront encore verser des larmes de douleur avant que nous agissions. Laissez-nous voter !» a-t-il exhorté avant que les républicains ne coupent la retransmission télévisée de la séance… et que Periscope ne prenne le relais. Furieux, des républicains ont quitté le bâtiment sous les huées. M.É. PHOTO REUTERS A la recherche d’un nouvel élan pour sa campagne, Donald Trump a fait feu de tout bois mercredi contre la candidate démocrate, Hillary Clinton, accusée d’être une «menteuse de première classe», incompétente pour diriger les EtatsUnis. A la peine financièrement et devancé de 6 points dans les sondages par sa rivale, le candidat républicain n’y est pas allé de main morte lors d’un discours à la tour Trump Soho de Manhattan. Quarante-huit heures après le départ de son directeur de campagne, Corey Lewandowski, remplacé par Paul Manafort, ancien conseiller de Ronald Reagan et George W. Bush, le ton était nouveau, calme, se voulant présidentiel. Mais les propos étaient particulièrement virulents. Donald Trump a accusé Hillary Clinton d’avoir dirigé le département d’Etat entre 2009 et 2013 comme son «fonds spéculatif personnel, rendant des faveurs à des régimes d’oppression et à beaucoup d’autres pour du cash». Et d’avoir réussi, en quatre ans, et «presque seule, à déstabiliser tout le Moyen-Orient». La riposte de la démocrate ne s’est pas fait attendre: «Il m’attaque personnellement car il n’a pas de réponses sur le fond», a-t-elle déclaré lors d’un meeting à Raleigh, en Caroline du Nord, le même jour. Dénonçant les «mensonges extravagants et théories du complot» du milliardaire républicain, elle a prédit «une “Trump recession”» s’il accédait à la Maison Blanche. M.É. En Allemagne, un homme tué après avoir pénétré armé dans un cinéma Un homme armé qui s’était retranché jeudi après-midi dans un cinéma de l’ouest de l’Allemagne a été tué par la police, ont indiqué les autorités locales. «L’assaillant se déplaçait dans le cinéplex et donnait l’impression d’être perturbé, […] il a été combattu et c’est ainsi qu’il a trouvé la mort», a résumé le ministre de l’Intérieur de la région de Hesse, Peter Beuth. Selon le site internet de Bild, c’est avec un pistolet d’alarme que l’homme aurait tiré dans la salle de cinéma. Il n’y a «pas d’indication que de tierces personnes ont subi des dommages», a précisé de son côté Peter Beuth, ajoutant que l’homme avait «pris des otages». Aucune indication n’a été donnée sur l’identité ou les motivations de l’assaillant. Selon l’agence de presse DPA, des sources sécuritaires auraient assuré qu’il n’y avait «pas de lien avec le terrorisme». 8 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR Claude Perdriel réinvestit dans la presse Le propriétaire de Challenges et Sciences & Avenir, cofondateur de l’Obs (par ailleurs partiellement en grève depuis ce jeudi et un vote du site et du Plus), âgé de 89 ans, prend le contrôle de Sophia Publications, qui édite notamment l’Histoire et la Recherche, pour un peu plus d’un million d’euros. PHOTO V. NGUYEN. RIVA PRESS EXPRESSO/ Pesticides et huile de palme: double recul à l’Assemblée Abeilles, orangs-outangs et Homo sapiens : 0. Lobbys : 1. En reportant une nouvelle fois l’interdiction des néonicotinoïdes et en renonçant à taxer davantage l’huile de palme, le projet de loi biodiversité a subi deux gros reculs dans la nuit de mercredi à jeudi à l’Assemblée nationale. Les députés ont certes interdit les pesticides tueurs d’abeilles à partir de septembre 2018. Mais ils ont assorti cette date de dérogations jusqu’en 2020. Soutenu par la ministre Ségolène Royal, cet amendement inquiète. «In fine, l’interdiction totale ne sera réellement effective qu’en 2020», déplore l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), qui explique qu’une telle dérogation DROIT DE SUITE «maintiendra l’exposition [des pollinisateurs] aux résidus de néonicotinoïdes jusqu’en 2022 au moins». Pour le président de l’Unaf, Gilles Lanio, «c’est potentiellement 1,2 million de ruches supplémentaires décimées». Pourtant, selon les apiculteurs, «de nombreux agriculteurs […] font déjà le choix de se passer de ces pesticides. […] Les alternatives existent: ce n’est qu’une question de volonté des pouvoirs publics et du monde agricole de les diffuser et de les accompagner». L’ONG Générations futures a dénoncé un recul «inacceptable face aux pressions de la FNSEA et des lobbys agrochimiques». Ces derniers étaient en effet très présents au Parlement pour défendre leurs positions. Céréaliers et betteraviers ont par exemple transmis mardi aux députés un projet de texte préécrit plaidant pour une interdiction en 2021, au cas par cas et uniquement après avis scientifique. «D’ici à 2020, Bayer et Syngenta peuvent dormir tranquilles: et les abeilles continueront de mourir…» a résumé sur Twitter la députée (PS) Delphine Batho. Le lobbying de l’Indonésie s’est aussi montré payant à l’Assemblée. Son ambassadeur en France s’est démené pour tenter d’éviter une taxa- tion de l’huile de palme – à hauteur de celle appliquée à l’huile d’olive–, dont le pays est un gros producteur. Parmi les menaces brandies face à cette mesure «arrogante» pouvant «mettre en danger les relations entre les deux pays», de possibles annulations d’achats d’Airbus ou de satellites. «Sans parler de pressions plus indirectes selon lesquelles des Français en Indonésie pourraient se retrouver en difficulté», a déclaré la députée (EE-LV) Laurence Abeille. Las, les députés ont renoncé à cette «surtaxation», revenant sur de précédents votes. «Nous légiférons avec le couteau sous la gorge. Le Parlement français fait l’objet d’un chantage», a déploré Delphine Batho. C.Sc. PROCÈS Terroristes «courageux» : Jean-Marc Rouillan devant le tribunal Il risque sept ans de prison et la révocation de sa libération conditionnelle. Jean-Marc Rouillan, ex-dirigeant d’Action directe, sorti de prison depuis 2012, condamné à perpétuité en 1989 pour complicité d’assassinat de l’ingénieur général de la Défense René Audran et du PDG de Renault Georges Besse, est jugé pour «apologie du terrorisme» ce vendredi devant la 16e chambre du tribunal de grande instance de Paris. Le 23 février, dans une interview sur l’antenne marseillaise Radio Grenouille reprise par le mensuel le Ravi, Rouillan qualifiait de «courageux» les auteurs des attentats parisiens. «Ils se sont battus très courageusement. Ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu’il y a 2 000 ou 3 000 flics derrière eux.» Les propos de Rouillan, 63 ans, ne sont pas passés inaperçus. «Je comprends que des phrases sorties de leur contexte aient pu choquer des familles touchées par le deuil», se défend Rouillan, rencontré par Libération avant son procès. «Le délit d’apologie du terrorisme est constitué», réagit l’avocat Olivier Morice, défenseur d’une trentaine de victimes des attentats du 13 Novembre, partie civile. Le Parlement européen réclame 320 000 euros à Jean-Marie Le Pen Yves Saint Laurent: Hedi Slimane veut en découdre avec Kering Soupçonné d’avoir couvert un emploi fictif, l’eurodéputé Jean-Marie Le Pen pourrait passer à la caisse. Selon l’AFP, le Parlement européen lui réclame 320000 euros pour avoir employé un assistant aux frais du contribuable européen sans pouvoir fournir «la preuve [de son] travail». Les faits reprochés portent sur la mandature 2009-2014, durant laquelle l’assistant de Le Pen n’était autre qu’un vice-président du Front national, Jean-François Jalkh. Selon un document du Parlement consulté par l’AFP, l’ex-président du FN «ne fournit ni explication ni preuve du travail d’assistance parlementaire réalisé par monsieur Jalkh». L’institution lui réclame donc le remboursement des sommes correspondant à la rémunération de Jalkh à cette période. Un autre eurodéputé FN devrait 200000 euros au Parlement pour les mêmes motifs: Bruno Gollnisch. Jeudi matin, il contestait «formellement» faire l’objet d’un «ordre de reversement de quelque somme que ce soit», mais selon nos informations, il se verra bien réclamer une somme équivalente aux salaires versés pendant la mandature 20092014. Des faits similaires sont reprochés à d’autres eurodéputés FN sur la mandature entamée en 2014: l’organisme antifraude de l’UE et le parquet de Paris enquêtent sur une vingtaine d’assistants soupçonnés de s’être consacrés à des tâches internes au FN en étant rémunérés sur des fonds européens. D.Al. Quatre mois après son départ de la maison Saint Laurent, Hedi Slimane assigne Kering, propriétaire de la marque, en référé. La procédure aurait été lancée le 26 mai au tribunal de commerce de Paris. Le styliste demande au groupe pour lequel il a travaillé de 2011 à 2016 «une très importante indemnité, de plusieurs millions d’euros, pour rupture abusive de contrat», selon une source citée par l’agence Reuters. La procédure concerne «les obligations de non-concurrence d’usage». Contacté par Libération, Kering a confirmé qu’il avait, à l’échéance du contrat, levé la clause de nonconcurrence du styliste tandis que celui-ci en demande l’application avec le paiement des indemnités qui y sont assorties: «La procédure concerne les obligations de non-concurrence d’usage dont la collaboration de Hedi Slimane à la maison Yves Saint Laurent était assortie. Kering a levé cette clause à l’échéance du contrat, libérant ainsi Hedi Slimane de cette possible contrainte. Hedi Slimane demande l’application de cette clause et le paiement par Kering de l’indemnité corres- A RAÑEN LUIS G À L’AMENDE Hedi Slimane, le 10 février, à Los Angeles. PHOTO SIPA pondante. Ce différend n’altère en rien la grande reconnaissance du groupe envers Hedi Slimane pour avoir, aux côtés des équipes d’Yves Saint Laurent, mené à bien une réforme holistique de la maison durant ses quatre années à la tête de la création et de l’image de la marque.» Il est d’usage dans le milieu de la mode d’imposer à un couturier de ne pas œuvrer pour une marque ou un groupe concurrent pendant une ou plusieurs saisons. Slimane préfère donc toucher cette indemnité, dont le montant et la durée n’ont pas été communiqués. Il balaye, de fait, les rumeurs qui le disaient prêt à prendre prochai- nement la suite de Karl Lagerfeld chez Chanel ou la tête de Dior, après le départ de Raf Simons en octobre, même si c’est le nom de Maria Grazia Chiuri, actuellement chez Valentino, qui circule le plus. L’attaque de Slimane contre le groupe de luxe, dirigé par François-Henri Pinault, prouve par ailleurs que les relations s’étaient sérieusement dégradées entre les deux parties malgré les ventes tonitruantes enregistrées par Yves Saint Laurent depuis l’arrivée du couturier (+ 30 % par an). Antony Vaccarello, son successeur, devra faire oublier cet imbroglio juridique lors de son premier défilé, en septembre. M.Ott. RÉGION Wauquiez recule sur la révision du règlement intérieur Laurent Wauquiez n’est plus à une reculade près. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes vient de laisser tomber, lors de la commission plénière de jeudi, sa proposition de modification du règlement intérieur. Très contrarié par des messages d’élus de l’opposition dénonçant sur Twitter certaines de ses orientations budgétaires, le numéro 2 du parti Les Républicains avait décidé de couper le sifflet aux gazouilleurs impétueux et de punir toute «fuite» d’une sanction financière. Or, avant même les questions préalables à cet amendement, il a préféré faire machine arrière «au nom du dialogue», a-t-il justifié. Au nom de la légalité et d’une «grande fébrilité», persiflent ses adversaires. Qui, pour commenter la nouvelle, s’en sont donné à cœur joie… sur Twitter. Libération Vendredi 24 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9 SUR LIBÉRATION.FR Polnareff se paye un faux sosie Face à la campagne publici- LE DÉTAIL QUI TUE «Inique» C’est le terme employé par Bernard Ripert, l’ancien avocat d’Action directe, pour commenter jeudi sa condamnation à trois ans d’interdiction d’exercer, dont un avec sursis, dans le cadre de poursuites disciplinaires par la cour d’appel de Grenoble. «Leur décision correspond pour moi à une radiation. Une fois de plus, les magistrats se sont vautrés dans l’illégalité comme certains animaux le font dans leurs déjections», a dénoncé Me Ripert, 66 ans, qui avait été illégalement interné d’office en psychiatrie fin mai. Le pénaliste était notamment poursuivi pour avoir osé lancer à un président de cour d’assises qu’il était «préférable de connaître le code avant l’audience que de le découvrir pendant ou après». À LA BARRE «[Fabienne Kabou] souffre d’une psychose délirante chronique à dimension persécutive. Quand elle parle de sorcellerie, c’est pour donner un sens commun, partageable à son délire.» DANIEL ZAGURY expert psychiatre au procès de Fabienne Kabou Cela fait quatre jours que les jurés de la cour d’assises de SaintOmer (Pas-de-Calais) tentent de cerner la personnalité singulière de Fabienne Kabou, 39 ans, jugée pour avoir tué sa fille de 15 mois à Berck-sur-Mer fin 2013. Pour la présidente, l’accusée «ment beaucoup et depuis longtemps». Notamment à son compagnon, Michel Lafon, de 30 ans son aîné. Elle attendra notamment plusieurs mois avant de l’informer de sa grossesse, certifiera avoir accouché à la maternité quand elle le fera à domicile, soutiendra à tort avoir déclaré Adélaïde à l’état civil. «Tant de mensonges qu’elle est au pied du mur, suggère la présidente. Soit elle dit tout, soit c’est le passage à l’acte: faire disparaître cette enfant, c’est faire disparaître ses problèmes.» «Si on suit cette interprétation, on passe à côté d’un cas historique, lui répond le psychiatre Daniel Zagury. On ferait de Fabienne Kabou une petite menteuse alors que c’est une grande délirante. On est, ici, dans la pathologie psychiatrique.» Avec Roland Coutanceau et Maroussia Wilquin, ils ont mené une contre-expertise qui conclut à l’altération du discernement de l’accusée, comme un premier groupe d’experts. Persuadée de «ne pas être seule dans sa tête», Fabienne Kabou vivrait dans un conflit permanent entre elle-même et l’extérieur. Si elle n’a jamais dit qu’elle était enceinte à son entourage ou n’a jamais déclaré sa fille, c’est parce qu’«elle pense que nommer l’enfant, c’est la mettre en danger». A plusieurs reprises, l’intéressée a effectivement évoqué «un danger pire que la mort». Maroussia Wilquin confirme: «Elle ne supprime pas l’enfant, elle supprime le danger qu’elle perçoit.» J.Br. (à Saint-Omer) taire de Cetelem, qui met en scène son sosie raté, Michel Polnareff a fait non. Dans la pub, un sosie en marcel s’évertuait à ressembler à la mascotte de l’organisme de crédit. Si l’homme «présente effectivement un certain ridicule, il ne peut être considéré que ce ridicule rejaillit sur Michel Polnareff, dès lors le personnage se distingue du chanteur», a estimé le tribunal, qui n’a alloué à ce dernier que 10000 euros sur le million qu’il réclamait. CAPTURE YOUTUBE Recalé de la fac par tirage au sort, il gagne en justice C’est une décision passée quasiment inaperçue. Elle pourrait pourtant donner des idées aux élèves recalés des bancs de la fac par manque de place… Et embarrasse le ministère de l’Education nationale en pleine procédure APB (admission post- bac). La semaine dernière, le tribunal administratif de Bordeaux a donné raison à un élève, ancien joueur professionnel de basket, qui contestait son refus d’inscription en Staps (sport) à l’université de Bordeaux en septembre 2015. Faute de capacité d’accueil suffisante, l’université avait départagé les candidats en procédant à un tirage au sort, pratiqué dans 189 établissements l’année dernière. Dans sa décision, le juge a considéré que le tirage au sort n’avait pas de fondement légal. «Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’une telle réglementation, permettant de fonder la procédure de tirage au sort mise en œuvre en l’espèce, existerait.» Et que le recteur de l’académie de Bordeaux avait commis «une erreur de droit». M.Pi. L’E SSENTIEL COMMUNIQUÉ DU VENDREDI 24 JUIN 2016 SPÉCIAL MARSEILLE “Marseille, un bouillonnement de culture-s- !” ÉDITO Si je vous dis Marseille… L e Vieux-Port, le pastis (toujours avec modération), l’OM (prononcez Ohème), la bouillabaisse, 13, l’aïoli, la sieste, les calanques, le soleil, Cassis, les boules, “Fada !”, l’accent, la Canebière, JPP, la Marseillaise, Marcel Pagnol, Plus belle la vie, Basile Boli (surtout sa tête), IAM, les minots, les cigales, les cagoles, la Bonne Mère, “Peuchère”, Fernandel, l’huile d’olive, le savon, 26 mai 1993 (A jamais les premiers !), la sardine qui bloqua le port, le stade Vélodrome... ÂGÉE DE 2 600 ANS, MARSEILLE EST LA PLUS VIEILLE VILLE DE FRANCE, UNE DES PLUS VIEILLES D’EUROPE ! AUJOURD’HUI, LA VILLE SAIT TIRER PARTI DE SES ATOUTS HISTORIQUES ET NATURELS POUR DEMEURER ATTRACTIVE POUR LES TOURISTES. UN SECTEUR QUI REPRÉSENTE ICI 15 000 EMPLOIS DIRECTS ET UN CHIFFRE D’AFFAIRES D’UN MILLIARDS D’EUROS. RENCONTRE AVEC MAXIME TISSOT, DIRECTEUR DE L’OFFICE DE TOURISME. Marseille est aussi candidat pour l’exposition universelle 2025. Vous l’avez compris, à chacun son Marseille. A vous de venir découvrir le vôtre ! Q Par Gérald Hoarau Balade, nature, animaux… Pourquoi choisir ? ÉVÉNEMENTS EN CE MOIS DE JUIN : LA NAISSANCE D’UNE PETITE GIRAFE ET L’ARRIVÉE DE DEUX PANDAS ROUX AU ZOO DE LA BARBEN ! ET SI VOUS ALLIEZ À LEUR RENCONTRE ? I ci, on glapit, on hulule, on feule, on siffle, on barrit, et parfois même on rugit ! Ici, c’est le parc zoologique de la Barben ! Niché dans un écrin de verdure, l’équipe dynamique vous accueille sur son site remarquable de 33 hectares, entre Salon-de-Provence et Aix-en-Provence. Lové sur un piton rocheux, richement doté d’une végétation typiquement méditerranéenne, le parc sait valoriser Dame Nature. Une promenade de 9 kilomètres sur des sentiers aménagés à l’ombre de ses chênes verts et autres pins, le visage et le corps rafraîchis par une brise légère. Petits et grands observent et écoutent. 700 animaux, 130 espèces ! Ici un lion, là une girafe, un peu plus loin un majestueux éléphant et un rhinocéros. Des perroquets, des aras ou encore des vautours, en volière ou lors d’animations en vol libre. Pour les plus téméraires, une bergerie du XIe siècle abrite le vivarium : boas, anacondas ou caïmans, ils sont tous là ! Chaque jour, l’équipe de soigneurs vous raconte les histoires et les petits secrets de ces animaux fascinants. Lequel et à quelle date ? Des infos à retrouver sur le site Internet du zoo, régulièrement mis à jour, pour prépa- rer au mieux votre visite ! Venez vivre cette expérience unique, au gré d’une balade à votre rythme, ponctuée d’un pique-nique bucolique et romantique ! Faites une pause sur une des aires de jeux pour enfants ou prenez le petit train. A noter l’excellent service restauration sur place. Le zoo de la Barben soutient différents programmes de protection des animaux dans le milieu naturel. Ainsi, le projet Kalaweit, avec l’achat de plusieurs hectares dans le village de Supayang, district de Solok, dans la province ouest de Sumatra pour la préservation des gibbons,ou l’ASGN, association de sauvegarde des girafes du Niger. Q www.zoolabarben.com QUE RESTE-T-IL DE MARSEILLE, CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE EN 2013 ? Cet événement d’envergure nous a permis tout au long de l’année 2013 de développer un programme culturel important, avec les festivités, animations, festivals et expositions, mais aussi de créer des lieux nouveaux, pérennes, dont le projet emblématique du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Le MuCEM attire aujourd’hui à lui seul 20% des touristes. Surtout, on a su capitaliser sur cette manifestation pour apprendre à travailler ensemble sur l’ensemble du territoire, en organisant des parcours croisés et des programmes culturels cohérents avec Arles, Cassis, La Ciotat ou Aix-enProvence. SOUS L’IMPULSION DU MAIRE JEAN-CLAUDE GAUDIN, MARSEILLE SE POSITIONNE AU NIVEAU INTERNATIONAL... L’ambition est de faire évoluer la ville pour l’inscrire dans le XXIe siècle. Ainsi, Marseille a été désignée pour être capitale européenne du sport en 2017. Nous préparons actuellement la programmation qui sera dévoilée cet automne. Il est important de rebondir sur des événements inter nationaux pour présenter l’offre de notre ville. En 2020, Marseille organisera un grand événement culturel : Manifesta, biennale d’art contemporain, sur une période de 4 à 5 mois autour de l’été. Si Manifesta se pose à Marseille, c’est qu’ils ont senti un potentiel énorme. MARSEILLE, C’EST LA BONNE MÈRE, LE COURS JULIEN... MAIS AUSSI 57 KILOMÈTRES DE FAÇADES MARITIMES DONT 20 KILOMÈTRES DE CALANQUES... Ces falaises calcaires de haute montagne plongent dans la mer et offrent des paysages grandioses connus dans le monde entier. Pour préserver le Parc National des Calanques, nous avons une gestion cohérente et coordonnée avec La Ciotat et Cassis. Attention, préserver ne veut pas dire sanctuariser ! Nous souhaitons que les deux millions de touristes annuels puissent continuer de visiter ces espaces terrestres et maritimes. Il en va de même pour la population locale. Sur notre 1,5 millions d’habitants, tout le monde est unanime : nos aïeux y allaient, nous souhaitons que nos enfants continuent d’en profiter. Il faut trouver le juste milieu entre protection et interdiction. Q Propos recueillis par Gérald Hoarau 15 En 2015, avec 1,5 million de passagers et 450 escales, Marseille est dans le Top 15 des ports mondiaux devant New York. Agenda non exhaustif ! O Picasso, “Un génie sans piédestal”, du 27 avril au 29 août, MuCEM O Marseille Jazz des cinq continents, du 20 au 29 juillet, Marseille O Festival Acontraluz, 22-23 juillet, plages du Prado O Festival International d’Art Lyrique, du 30 juin au 20 juillet, Aix-enProvence O OM – TFC, 13 août, Orange Vélodrome L’Essentiel est édité par la SARL Execopress5&63DULVşUXH$ULVWLGH%ULDQG/HYDOORLV3HUUHWšTél. :šE-mail : [email protected] Directeur général :'DYLG-RXUQRšRédacteur en chef :*ÜUDOG+RDUDXšCréation/réalisation :0DUF3HUD]]LšChargé de mission : Jessica Benayoun. La Rédaction de Libération n’a pas participé à la réalisation de ce dossier. L’ESSENTIEL SPÉCIAL MARSEILLE – VENDREDI 24 JUIN 2016 Des sports de glisse originaux à pratiquer tout l’été à Marseille LE PALAIS OMNISPORTS MARSEILLE GRAND-EST A OUVERT SES PORTES À LA FIN DE L’ANNÉE 2009. L’ÉQUIPEMENT, INSTALLÉ AU SEIN DU 10E ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE, DANS LE QUARTIER DE LA CAPELETTE, ACCUEILLE TOUTE L’ANNÉE LES AMATEURS ET PASSIONNÉS DES SPORTS DE GLISSE ET DE GLACE. ser libre cours à toutes ses envies. Débutant ou confirmé, en couple ou entre amis, chacun peut venir s’essayer au patinage ! Pour les plus téméraires, pourquoi ne pas venir avec votre équipe en défier d’autres lors de la première édition du Summer Ice Battle. Cet événement se déroulera samedi 16 juillet, avec en compétition des teams de 2 et de 4 breakeurs, en patins à glace ! PROFITEZ DE LA PATINOIRE CET ÉTÉ Pour un été original, le Palais Omnisports Marseille Grand-Est accueille le grand public dans sa patinoire ludique. Un vaste parc de glace – d’un diamètre de 40 mètres ! – qui permet de lais- LE SKATEPARK QUE TOUTE L’EUROPE ENVIE Plus qu’une patinoire, il s’agit aussi d’un espace dédié aux amateurs de glisse urbaine : trottinettes, skates, rollers ou BMX, il y en a pour tous les “La Criée, théâtre d’art et de réjouissance” ©Jean-Baptiste Millot qui se dessine. La Criée a une force symbolique incroyable, c’est un théâtre d’art et de réjouissance. QUE REPRÉSENTE POUR VOUS, MARSEILLAISE DE NAISSANCE, D'ÊTRE LA DIRECTRICE DU THÉÂTRE NATIONAL DE MARSEILLE LA CRIÉE ? Macha Makeïeff : Je suis heureuse de faire vivre ce bâtiment emblématique situé sur le Vieux-Port. Il doit résonner de tout ce qu’il y a de plus beau dans la ville, dans la Région ou nationalement. Il doit à la fois être un théâtre de proximité et de rayonnement national. Au sein de la ville, il répond à la Friche, au MuCEM... le long d’un parcours culturel heureux QUEL PROGRAMME EN 2016-2017 ? Nous sommes un théâtre de création, on y voit donc des spectacles inédits. C’est notre mission, et j’y tiens beaucoup. Des œuvres d’un grand éclectisme, avec une soixantaine de propositions dont 47 spectacles ainsi que plusieurs festivals et des expositions. Le retour des “invasions”, rendez-vous annuel pour lequel le public est immergé dans un univers artistique, avec des spectacles sur le grand et le petit plateau et dans le hall nouveau. Des événements étonnants alliant théâtre et installation spectaculaire, avec STEREOPTIK et “Carmen en Turakie”. QUELLE PLACE POUR LES MINOTS À LA CRIÉE ? Il n’est pas question de leur proposer une sous-programmation. Si on n’a pas de belles premières quand on est enfant ou adolescent, si on est pris par l’ennui, on est un public perdu. C’est criminel de faire ça. Donc nous continuons le festival En Ribambelle !, des contes, spectacles et ateliers pour le jeune public, avec l’intensification des séances scolaires pour les collégiens et les lycéens, avec une action forte en direction des étudiants. Q goûts. Avec ses 3 500 m², le Palais Omnisports Marseille Grand-Est est un des plus beaux skateparks en bois couverts de France. Il détient également la plus grande rampe de skate haute de 3,5 mètres, approuvée par le skateur Tony Hawk. EN ROUTE POUR LE CHAMPIONNAT DU MONDE Doté de la plus grande patinoire olympique de France avec ses 5 600 places assises, le Palais accueille un événement très attendu : la grande finale du championnat du monde de patinage artistique, le Grand Prix ISU ! Du 7 au 11 décembre 2016, Marseille va vibrer à A chacun sa glisse ! L’UCPA, qui anime et gère le Palais Omnisports Marseille Grand-Est, propose durant l’été une quarantaine de stages sportifs pour s’initier ou se perfectionner, à partir de 7 ans et en toute sécurité, aux sports de glisse et de glace. Pour en savoir plus : www.palaisomnisportsmarseille.com la vue des triples Axel ou des doubles Lutz… avec la présence des 100 meilleurs patineurs mondiaux. Q 12 u BREXIT Libération Vendredi 24 Juin 2016 Europe Nous avons besoin d’une “Nouvelle Frontière”» JEAN QUATREMER Correspondant à Bruxelles I n ou out, plus rien ne sera comme avant: la succession de référendums perdus sur les questions européennes et le fait qu’un pays s’interroge sur son maintien dans l’Union montrent que le rêve est, sinon brisé, du moins ébréché. Comment redonner du sens à une construction qui a pourtant réussi à maintenir la paix sur le continent depuis 1950? Deux europhiles, l’eurodéputée libérale Sylvie Goulard – qui vient de publier Goodbye Europe (Flammarion)– et son ex-collègue écologiste Daniel Cohn-Bendit, député européen entre 1994 et 2014, livrent leur diagnostic croisé sur l’état de l’Union et sur la meilleure façon de rebondir. Bref, «soyez réalistes, demandez l’impossible»… Ce référendum marque-t-il un tournant dans l’histoire de l’UE ? Daniel Cohn-Bendit : Absolument ! Quel que soit le résultat, même si le remain l’emporte, l’Europe a failli sombrer et elle sombrera si l’on continue comme avant: l’UE n’est plus désirable, car elle n’est pas à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Sylvie Goulard: Ce référendum est un événement majeur qui n’a pas été traité comme il le méritait. Jusqu’à présent, le processus d’élargissement et d’appro- fondissement de l’Union, quoique chaotique, a été continu. Personne ne l’a jamais remis en cause au point de vouloir quitter l’Union. Si c’est un non clair, ce sera la première dislocation de l’Union. On pourra peut-être l’endiguer, car le Royaume-Uni a une relation spéciale avec l’UE. Mais on peut se retrouver dans un scénario intermédiaire, avec un petit oui qui rencontrerait des résistances extrêmement fortes, notamment au sein du Parlement britannique, ou un petit non incitant Londres à négocier des dérogations supplémentaires. David Cameron y sera d’autant plus enclin que nous sommes déjà tombés dans le piège du chantage: la sortie de l’UE prévue par les traités ne doit pas être un instrument de menace pour obtenir un statut privilégié. Si on sort, on sort. Y a-t-il un risque d’effet domino ? DR Par ALBERT FACELLY UE Le référendum au Royaume-Uni intervient dans une Union en plein doute. L’eurodéputée Sylvie Goulard et son excollègue Daniel CohnBendit croisent leurs analyses et leurs espoirs pour le projet communautaire. Libération Vendredi 24 Juin 2016 u 13 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Au siège du Conseil européen, à Bruxelles. PHOTO WIKTOR DABKOWSKI. ZUMA. REA la nature de l’Europe a changé et les Européens ne comprennent plus pourquoi on fait l’Europe. On est resté au milieu du gué sans achever la construction communautaire, ce qui la laisse démunie face aux crises que nous affrontons: certains croient donc que la souveraineté nationale nous protégera mieux contre les crises. C’est l’indécision des Etats qui fait le lit des populismes. S.G.: En Europe, beaucoup a été promis, peu a été tenu et, dans le même temps, le monde a changé. Les citoyens votant contre l’Europe ont des profils similaires: des hommes âgés, peu formés, hors des grandes villes et se sentant oubliés du progrès économique. N’est-ce pas inquiétant pour le projet européen ? S.G.: C’est surtout inquiétant pour nos sociétés. Les Etats peinent à produire de la cohésion. Ils restent responsables des politiques économiques, sociales, d’éducation et de formation, qu’ils soient dans la zone euro ou non. Le Royaume-Uni, dont les performances agrégées sont bonnes, connaît de fortes inégalités de revenus, de territoires, d’accès à la culture, de formation. En France, il y a infiniment trop de jeunes sans formation, livrés à eux-mêmes sans outils de compréhension du monde. C’est la faillite des Etats, pas de l’Europe. C’est tout le problème: le projet européen est pris en tenaille entre les niveaux nationaux et S.G. : Oui, on ne peut pas l’exclure. le niveau mondial. Même sans l’Europe, D.C.-B.: Si la Hongrie veut suivre, grand l’incapacité des Etats à assurer l’égalité bien lui fasse ! Il y a des limites au des chances demeurerait et la mondialibashing européen : si on pense que sation continuerait à produire ses effets. l’Union, comme l’affirme Viktor Orbán, N’y a-t-il pas une ambiguïté du projet c’est l’URSS, il vaut mieux en partir. Et européen, qui a longtemps dissimulé là, pas de risque que l’Europe envoie ses ses objectifs politiques derrière des chars, ce qui n’est pas mal pour un es- objectifs purement économiques? pace prétendument dictatorial… D.C.-B.: L’idée était effectivement d’uniPourquoi assiste-t-on à une telle fier le continent par l’économie, le charmontée de l’euroscepticisme ? bon et l’acier, puis le marché unique, en D.C.-B.: Le projet européen est en rup- évitant les grands projets politiques qui ture avec trois siècles d’histoire conflic- risquaient de crisper les Etats. D’ailleurs, tuelle entre Etats: il ne peut donc pas se l’armée européenne a échoué en 1954. Il faire sans douleur et sans va-et-vient. fallait donc d’abord apprendre à vivre en Après les deux guerres mondiales, les commun avant toute intégration politiélites européennes se sont demandé que. C’est au moment de la création de comment éviter que cela se l’euro, en 1991, qu’on est toreproduise. La réponse a été INTERVIEW talement passé à côté du la construction communaumomentum politique. On taire. Mais elle ne pouvait être lancée aurait dû clarifier le projet: d’un côté un avec l’accord des peuples. Si en 1950, on marché, de l’autre une Europe politicoavait demandé aux Français s’ils vou- économico-sociale. Car il ne faut pas s’y laient se réconcilier avec les Allemands, tromper: la justification de l’euro n’était le non l’aurait emporté très largement. pas du tout économique, mais politique. Mais il a fallu attendre l’effondrement Pour éviter l’hégémonie d’une Allemades empires coloniaux qui rendait im- gne unifiée au centre du continent, il falpossible toute tentation hégémonique lait renforcer l’intégration. Mais, à Maaspour que le projet européen soit vérita- tricht, les chefs d’Etat et de blement lancé. Trente ans après, l’Union gouvernement ont fait du marxisme baa été confrontée à la chute du commu- sique : ils ont posé les bases d’une Eunisme et au désir des Etats d’Europe rope économique et financière en pencentrale et orientale de participer au sant que le politique, c’est-à-dire la bien-être européen. L’Union a été prise structure, suivrait automatiquement. dans un piège politique exactement C’est le type même de pensée magique. comme l’Allemagne après l’unification, Résultat: le projet politique qui doit goulorsque Helmut Kohl a décidé de la pa- verner l’Europe économique et finanrité entre le mark de l’Ouest et le mark cière n’a jamais été mis en place. On en de l’Est. C’était une aberration économi- est resté à une addition d’Etats souveque, mais il ne pouvait pas faire autre- rains qui, même avec la monnaie uniment, sinon des millions d’Allemands de que, sont toujours aussi jaloux de leur l’Est seraient passés à l’Ouest. Et on n’al- souveraineté alors même qu’ils auraient lait pas construire un mur! L’Europe n’a dû en transférer une bonne partie à un pas pu faire autrement avec l’Est et a dû espace commun qui s’appelle l’Union accepter l’élargissement. Mais ce faisant, européenne. S.G.: Les Français doivent se souvenir que leur Parlement a rejeté la Communauté de défense en 1954 et que Mitterrand a refusé le projet d’union politique proposé à Maastricht par la présidence néerlandaise, en accord avec l’Allemagne. Ceci dit, il faut regarder devant. Il pourrait y avoir dans le référendum britannique un aspect positif: inciter à mettre au clair le projet européen et à répondre aux inquiétudes et interrogations des citoyens. L’UE n’est pas une entité abstraite: elle est ce que nous en faisons. Personne n’est satisfait, mais aucun Etat ne propose de changements. En France, où est pourtant né le projet européen, le gouvernement ne cherche pas à perfectionner la démocratie au sein de la zone euro alors que les Européens sont avides d’avoir leur mot à dire. Nous avons besoin d’une «Nouvelle Frontière», d’un nouveau rêve, comme en son temps le défi américain d’aller sur la Lune: un projet touchant aux nouvelles technologies, à la culture, une grande avancée scientifique, par exemple la création de nouveaux antibiotiques. L’UE mérite mieux que d’être vendue par la peur ou le coût de sa dislocation. L’Union est faite par les Etats : or, plus aucun responsable politique national n’est prêt à aller plus loin. S.G. : De fait, le projet européen est en déshérence. Mais attention au piège! Si l’Union s’effondrait, les Etats européens qui se sépareraient n’en sortiraient pas grandis. Il est illusoire de croire que nous avons le choix entre, d’un côté, une voie européenne et, de l’autre, une voie nationale. Sur bien des sujets, la voie nationale est une escroquerie ou, au mieux, une nostalgie. La chute de l’UE entraînerait les Etats à sa suite, car il y a une interaction entre les deux. Le comportement des générations au pouvoir rappelle celui des enfants gâtés de familles fortunées: le grand-père bâtit la maison, le fils l’entretient, le petit-fils se laisse vivre et dilapide le patrimoine. D.C.-B.: On le voit en France avec François Hollande, qui se tient totalement en retrait du débat européen. Quand j’entends les ministres de l’Intérieur affirmer que l’Europe est un échec en matière de lutte antiterroriste alors que les Etats refusent de lui donner des compétences dans le domaine de la police et du renseignement, c’est fort de café. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Aujourd’hui, on est dans la situation de ceux qui ont lancé l’Europe dans les années 50 : ils n’étaient pas majoritaires, mais ils ont tenu le coup, ils sont partis à la conquête idéologique des sociétés. Il ne faut pas reculer, il faut briser cette armure d’illusions sur la capacité des Etats à agir dans un monde qui n’est plus celui des années 20. N’est-on pas à la fin du cycle de la construction, et au début de celui de la défense des intérêts nationaux ? S.G. : Le repli national, comme avant 1945 ? Cela mérite d’y réfléchir deux minutes. D’abord, la mondialisation, vous pouvez la nier, elle peut se rappeler à vous, à une terrasse de café du XIe arrondissement de Paris, quand un fanatique entraîné en Syrie vient vous tirer dessus. Notre devoir est de dire que le monde actuel est inhospitalier et que nous ne répondrons pas aux défis qui se posent à nous, que ce soit dans le commerce, le changement climatique ou le terrorisme, en s’enfermant dans le pré carré national. Ensuite, «le monde d’avant» 1950 n’était pas terrible. Le nationalisme des uns exacerbait celui des autres, d’où la confrontation et la haine. Nous ne devrions pas nous croire plus malins que ceux qui, par le passé, ont payé l’illusion nationale au prix fort. Des millions d’Européens en sont morts. Enfin, et surtout, pourquoi désespé- DANIEL COHN-BENDIT rer ? Pourquoi ne pas croire que la majorité des êtres humains veulent vivre libres et en paix? D.C.-B. : Il faut prendre le risque de se projeter dans l’avenir, imaginer une renaissance du projet européen autour d’une constitution créant une fédération, ce qui ne veut absolument pas dire un super-Etat, mais tout simplement une meilleure organisation des compétences et de leur contrôle démocratique. Seule une Europe forte nous permettra d’affronter la mondialisation, qui change complètement la donne : qui peut décemment croire que les Etats européens peuvent peser sur l’avenir du monde s’ils sont divisés? • «On est dans la situation de ceux qui ont lancé l’Europe: ils n’étaient pas majoritaires mais sont partis à la conquête idéologique des sociétés.» Suivez sur Libération.fr notre couverture du référendum britannique sur une sortie de l’UE, et retrouvez toute la journée sur notre direct résultats, analyses, revues de presse, témoignages… patricia martin le 7/9 du week-end Retrouvez Laurent Joffrin chaque samedi à 8h40, dans Le Journal de la semaine politique en partenariat avec 14 u FRANCE Libération Vendredi 24 Juin 2016 Primaire MONTEBOURG REDOUBLE 2017 Il ne l’officialisera que dans quelques mois, mais le troisième homme du scrutin de 2011 est déjà parti en campagne: «Libé» l’a suivi mercredi en Indre-et-Loire. LILIAN ALEMAGNA Envoyé spécial en IndreetLoire Photos ALBERT FACELLY H RT SA LO I E RET -C HE MA ET- INELOI RE R Tours Nouzilly Saint-Pierredes-Corps BallanMiré Joué-lès-Tours INDREET-LOIRE INDRE VIENNE 10 km hut… Ne le dites pas trop fort: Arnaud 9 h 05 TGV n°08407 Montebourg est en campagne. Prési- Paris-Bordeaux dentielle, bien sûr. A l’instar du chef de «Ils n’avaient pas le choix.» Calé entre le bar l’Etat, l’ex-ministre de l’Economie ne devrait de la voiture 14 et ses nouveaux lieutenants rien officialiser avant la fin de l’année et le dé- –les socialistes Laurent Baumel et François pôt des candidatures à la primaire ouverte Kalfon –, Montebourg savoure : la primaire lancée le week-end dernier par un PS dont il dont il fut l’inspirateur en 2008 s’est imposée n’a pas rendu sa carte. Mais le voilà reparti pour 2017, même avec un président sortant. dans son exercice favori. Après Mais celui qui avait fini troisième avoir rameuté les médias pour PORTAGE en 2011 avec 17% des voix, et ralRE gravir le mont Beuvray mi-mai, lié François Hollande, prévient Montebourg fait du terrain à petits pas. Quel- d’emblée: «Je ne me présenterai pas à une priques journalistes à calepins dans son sillage. maire où on se ridiculise.» La stratégie est Peu de radios. Aucune télé. Mercredi, il était claire: il va laisser planer le doute sur sa préen Indre-et-Loire sur les terres du député sence jusqu’au 1er décembre, date d’ouverture frondeur Laurent Baumel. Pour retâter le mu- des candidatures, et menacer de partir direct seau des vaches devant les photographes, dans la course présidentielle. Tout ça pour gacauser avec des éleveurs qui en ont «marre» rantir une primaire «loyale», «à la hauteur de des «normes» ou de «Bruxelles», rendre visite celle de 2011». Soit 10000 bureaux de vote. Pas à de petits entrepreneurs parfaitement dans moins. En attendant, «il faut d’abord être cason cœur de cible électoral «made in France» pable de rassembler ses propres» amis. Comet organiser une première réunion publique prendre : tout ce que le PS compte d’opposous la bannière du «Projet France». sants à François Hollande et à Manuel Valls. C Par «Avec Benoît [Hamon], on est quand même sortis ensemble du gouvernement!» lance-t-il. Comme à l’été 2014, lorsqu’il s’est mis à exprimer publiquement des critiques contre la politique économique et européenne de Hollande tout en étant son ministre de l’Economie, Montebourg insiste sur l’«alternative» qu’il compte porter. Sans se laisser aller au jeu de la petite phrase sur son successeur à Bercy, Emmanuel Macron. Enfin presque… «Je n’ai pas de problème avec Emmanuel, je trouve très bien qu’il trace son chemin, dit-il. Mais je n’ai pas compris ce que ça voulait dire “ni de droite ni de gauche”. On ne se définit pas par une double négation! On se définit par une affirmation!» On lui demande aussi comment il compte allier une représentation politique et ses nouvelles fonctions d’entrepreneur, dont celle de vice-président du conseil d’administration d’Habitat. «Quand j’exprimerai une candidature, je me mettrai en retrait, répond-t-il. Je ne veux pas engager une marque grand public.» Libération Vendredi 24 Juin 2016 Visite d’une ferme de vaches laitières à Nouzilly, avec Fabien Moussu, son exploitant. Avec le député «frondeur» d’Indre-etLoire Laurent Baumel, dans sa permanence de Joué-lèsTours. rive plus à en vivre.» Les pieds bien plantés, les jambes formant un V renversé, les bras le long du corps, l’ex-élu de Saône-et-Loire enquille les questions : «Qui vous achète votre lait ? Comment ça marche? Et votre cheptel, vous l’avez constitué comment?» Fabien Moussu se plaint d’avoir respecté les mises aux normes et de ne pas avoir été aidé. Montebourg acquiesce, fustige la bureaucratie française et européenne. Il s’approche des vaches. L’une d’elles recule. «Elles n’ont pas l’habitude de voir des hommes politiques !» s’amuse Michel Le Pape, dirigeant de la Coordination rurale en Indre-et-Loire. Fabien Moussu poursuit: «C’est le costard qui fait peur!» Montebourg rebondit: «Excusez-moi de porter un costard, j’aurais pu mettre un tee-shirt !» Et une deuxième pour Macron. Retour au sérieux. L’ex-ministre écoute attentivement le mal-être d’éleveurs qui ont beaucoup à reprocher aux coopératives, aux industriels, au patron de la FNSEA (premier syndicat agricole), Xavier Beulin, ou aux «Chinois» qui achètent des terres agricoles ici. «Le gouvernement parle de sécurité alimentaire, j’aimerais qu’on parle de souveraineté», leur explique-t-il, les encourageant à participer au «plan» sur lequel il «travaille». «Nous avons 1500 milliards d’euros d’encours d’épargne non utilisés, fait-il valoir. Nous avons autant d’argent que les Chinois!» 15 h 40 Parc technologique de la Châtaigneraie, Ballan-Miré Les «petites boîtes», ça lui plaît. Celui qui était chargé du Redressement productif au gouvernement parle leur langue: «rupture BFR [Besoin en fonds de roulement]», «sinistralité», «affacturage», «pontage»… Il prend des notes, anticipe le propos du patron de ce sous-traitant automobile: «En France, on ne sait pas financer des projets», lui dit ce dernier. «Je vous confirme!» rétorque Montebourg, avant de lister les raisons des difficultés économiques du pays: «Pas de solidarité patriotique» et «un système bancaire défaillant». Le chef d’entreprise offre deux bons points au gouvernement: la création de la Banque publique d’investissement et les commissaires au redressement productif. Plus le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). «Sans ça, on ne serait plus là», dit-il. Montebourg en profite: «On l’a fait pour des gens comme vous. Ce ne devait pas être pour Carrefour ou les banques!» Réunion publique à Joué-lèsTours. Soudain, sorti du wagon d’à côté, l’écrivain Gonzague Saint-Bris apparaît. «On m’a dit que vous étiez là», lance à Arnaud Montebourg celui qui rentre chez lui en Touraine. Il salue l’engagement de l’ex-ministre du Redressement productif pour le «produire français». Les deux hommes échangent leur carte de visite. Montebourg, hilare, avant de descendre du train en gare de Saint-Pierre-desCorps, lance :«Je like !» u 15 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe 10 h 34 Ferme de la Foucaudière, Nouzilly Le costume bleu marine et les chaussures en cuir noir sont impeccables. La chemise blanche aussi. Il fait déjà chaud. «Vous nous amenez le beau temps!» chambre Fabien Moussu, gérant de la ferme de la Foucaudière. L’éleveur de vaches laitières attaque d’emblée: «Tous les matins, on se lève pour brûler un billet de 200 euros. On aime nos vaches, mais on n’ar- 16 h 30 ZAC Carrefour en Touraine, Ballan-Miré Quelques kilomètres plus loin, arrêt dans une entreprise de bâtiment et travaux publics. Jean-Claude Brossier, ex-président de Jérôme BTP, fait une longue intervention et prévient son invité du jour : «Ici, vous n’êtes pas dans une entreprise de pleureurs.» Taillé pour plaire à Montebourg, il dénonce «l’austérité», cette «politique imbécile». Montebourg embraye sur le besoin de «commande publique» et s’emporte contre «les Allemands qui refusent de faire des choix d’investissement». «La question est: comment on sort de la crise?» interroge-t-il, prenant exemple sur les EtatsUnis et le Royaume-Uni qui, avec leurs politiques monétaires et budgétaires volontaristes, ont «fait baisser le chômage». «On a fait des choix qui ont prolongé la crise inutilement», poursuit-il, rôdant son discours du soir : «Pour remonter ce pays, va falloir se retrousser les manches, un peu de courage et s’accrocher au bastingage!» Il donne son numéro de portable à haute voix. Un salarié: «On ne vous voit plus beaucoup au niveau national!» Montebourg tente de la jouer «simple citoyen», dont la présidentielle n’est pas le «sujet»: «J’ai fait le choix de reconstruire ma vie. Je travaille…» Le même salarié a flairé l’embrouille. Il le coupe: «Vous reviendrez?» «Si je suis là, c’est qu’il y a du vrai dans ce que vous dites», répond le politique, sourire en coin. 18 h 21 Permanence parlementaire de Laurent Baumel, Joué-lès-Tours Avec la petite dizaine de journalistes venus en Indre-et-Loire, Montebourg découvre sur un téléphone l’itinéraire de la manifestation de jeudi, finalement autorisée à Paris. Il explose de rire. Une journaliste: «Ça résume le quinquennat ?» «C’est ça, ça résume le quinquennat, se désole-t-il. C’est symptomatique des luttes qui se sont engagées au sommet de l’Etat. Il n’y a pas de stabilité entre les faucons et les colombes.» Il enfonce Hollande et Valls: «Je ne comprends pas cette politique du coup de force permanent.» Il rappelle qu’il «ne soutient pas» ce gouvernement avec lequel il est en «désaccord». Et trompette sur ses chances dans une primaire: «Je n’ai pas besoin d’être rassuré. D’autres oui. Moi pas.» 19 h 13 Rue du Petit-Paris, Joué-lès-Tours Il y a du monde pour la première réunion publique de son «Projet France». Sur un air de campagne : badges, fond bleu-blanc-rouge, affichettes collées vite fait au mur avec des passages du discours de Montebourg au mont Beuvray. Baumel officialise son ralliement: «Les idées que tu as portées sont aussi les miennes.» Montebourg s’en prend à la gestion Hollande : «On ne peut pas diriger la France et l’Etat comme des courants du PS […]. La gauche a besoin de retrouver des valeurs, mais aussi son honneur.» S’il n’est pas sur une tribune – mais sur une chaise puis debout devant le public qui déborde de cette salle de 200 personnes–, l’exercice est un peu moins original que ses stand-up de rue en 2011. Vingt minutes de discours, parole à la salle. Les propositions sont reprises pour la «plateforme» de son «projet». Ce mercredi soir, Montebourg confirme qu’il va reprendre la bataille avec Hollande là où il l’avait laissée : sur le front européen. «On peut douter de l’Europe sans être anti-européen. C’est mon cas», assume-t-il, comme il compte s’assumer «patriote» pour ne pas laisser le mot au FN. «L’UE est devenu un pudding bureaucratico-politique» : il s’agit donc de «rétrécir» le périmètre de l’Union, d’avoir moins de politiques communes et de parler «coopération» plutôt qu’«intégration». A l’extérieur, le lieutenant Kalfon savoure: «La campagne est partie. Ils ont tout à perdre dans une primaire. Nous, on engrange. Arnaud sait faire, ça se voit.» • LA REPRISE DU PALMARÈS DE CHAMPS-éLYSÉES FILM FESTIVAL PRIX DU PUBLIC 4 BD RICHARD LENOIR 75011 PARIS MARDI 28 JUIN À 20H30 2016 lesecransdeparis.fr 16 u FRANCE Par MARINE GIRAUD et ROZENN MORGAT Envoyées spéciales en SeineetMarne Photos ALBERT FACELLY T Libération Vendredi 24 Juin 2016 mot trois-quatre mois de travaux !» Installée à Nemours depuis dix-sept ans, la quinquagénaire se souvient des années fastes et se désole des conséquences de la crise, du «décrochage» qu’elle a constaté depuis janvier et de la désertification des centres-villes. «La crue a agi comme un coup de grâce» pour les petits commerces locaux. rois semaines se sont écoulées depuis la catastrophe. Si le Loing a repris sa place dans son lit, il laisse derrière lui des vies durablement bouleversées. L’urgence de la crue est certes passée, CASSE-TÊTE mais les insomnies perdurent face La ville de Bagneaux-sur-Loing est aux défis de «l’après». Revenir sur les davantage marquée par le ralentisselieux, constater les dégâts, recons- ment des usines, elles aussi noyées truire les villes et se reconstruire soi- par le canal. Chez Keraglass, les même. fours nécessaires à la fabrication des Dans la rue principale de Nemours, plaques de cuisson vitrocéramiques la quasi-totalité des commerces ont prennent du temps à retrouver leur baissé leur rideau. «Momo» est l’un bonne température, et les locaux des rares à avoir décidé de ne pas at- n’ont pas fini d’être nettoyés. Parmi tendre les indemnisales 246 personnes y trations pour reprendre REPORTAGE vaillant, «70 environ deson activité. L’épicier n’a vront poser des jours de «pas le choix» : «Il faut bien tra- chômage technique en juin», explivailler, j’ai deux enfants qui font des que le directeur général adjoint, études.» La crue a noyé sous 1,50 m Gilles Grandpierre. Double peine d’eau toutes ses réserves entrepo- pour les salariés dont les maisons sées dans la cave. Alors Momo s’or- ont été inondées. Pour les aider, ganise comme il peut, empruntant leurs collègues ont décidé de leur la voiture de son fils pour faire ses li- redistribuer des jours de RTT. vraisons ou profitant des délais de Retour à Nemours, dans le lavomatic paiement des grosses commandes qui a lui aussi rouvert ses portes: les chez le grossiste Metro. sinistrés viennent y laver et sécher Quelques centaines de mètres plus leur linge, parfois imprégné de loin, Isabelle et son compagnon n’en l’odeur «insupportable» du fioul qui sont pas au même stade. Si leur dé- s’est propagé depuis les cuves des pôt-vente est ouvert, c’est pour éva- maisons ou les voitures noyées sous cuer les meubles et les bibelots qu’ils l’eau. Une occasion d’échanger sur n’ont pu sauver. Pourront-ils rou- les événements et d’évoquer le pasvrir ? Isabelle n’en est pas convain- sage redouté de l’expert, qui doit stacue. «Même si le montant des indem- tuer sur la hauteur des dégâts maténisations est important, peut-on riels, donc sur le montant des ensuite redémarrer dans une ville si- indemnisations. Armand le verra sanistrée? Aucun commerce de bouche medi. En attendant, il enchaîne les n’est ouvert, et il faut partout au bas lessives : «C’est la seule chose que je Inondations : le pire, c’est le jour d’après Vallée du Loing La crue qui a ravagé il y a trois semaines Nemours et ses environs reste très présente dans la tête des habitants. Ils vivent entre peurs et précarité. Libération Vendredi 24 Juin 2016 u 17 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Document : LIB_16_06_24_CAR.pdf;Date : 23. Jun 2016 - 16:03:30 mes très vigilants, car le plus dur, c’est toujours l’après.» Swanny évoque les difficultés qu’affrontent les sinistrés en rentrant: «Ça veut dire constater l’ampleur des dégâts, et trouver des solutions. C’est extrêmement difficile. Surtout pour les personnes de 40-50 ans, qui venaient juste de finir de rembourser leur maison.» RUMEURS A Nemours, le 16 juin, quinze jours après la crue du Loing. «L’expert va rembourser, mais il ne peut rien faire pour les choses de valeur sentimentale», explique une sinistrée. «Certains ont une fragilité antérieure, à laquelle s’ajoute le traumatisme de l’inondation.» Bagneaux-sur-Loing est lui aussi indirectement victime du chômage technique. «Je ne sais juste pas comment faire. Il y avait une frayeur pendant la crue, mais maintenant c’est un énorme stress de gérer l’après.» ANXIOLYTIQUES Sur la place de la République, à Souppes-sur-Loing, le café-restaurant Chez Pato semble désert. A l’intérieur, un groupe d’amis sinistrés siège au milieu des dégâts, laissés Yannick, qui habite également à tels quels. «On a pleuré tout ce qu’on Souppes-sur-Loing, a appris qu’il a pu. Maintenant, il faut aller de faudrait «au moins quatre mois» de l’avant», martèle la gérante en tapant nettoyage et de rénovation chez lui. du poing sur la table. Comme plus Il doit non seulement vider les lieux, de 80% de la population de Souppesmais aussi chercher un dépôt pour sur-Loing, Martine a «tout perdu»: stocker ses affaires et un toit sous le- «Quand j’ai vu le chiffre des dégâts, je quel habiter en attendant. Seule- suis tombée à la renverse. Entre 15 et ment, les conditions définies par l’as- 20000 euros.» Un coup d’autant plus surance sont précises et très difficiles difficile à encaisser après le rétablisà remplir, avec la forte demande due sement de son mari malade : «Le peaux inondations: «J’ai trouvé un lo- tit café commençait juste à bien margement, mais il ne correspond pas au cher…» Le couple a refusé de prix estimé par l’expert, c’est-à-dire bénéficier du suivi psychologique un deux-pièces à 450 euros.» S’il qui leur était proposé. Outre les antrouve un endroit plus grand, la dif- tennes d’écoute créées dans chaque férence de prix sera à sa charge. commune, une cellule de crise a été Alors Yannick va aux distributions mise en place dès le début de la cade vêtements et de nourriture, à la tastrophe et restera «ouverte aussi salle des fêtes de longtemps que nécessaire», sa commune. soutient Swanny, infir«C’est mis à nomière de nuit au sertre disposition, vice de psychiatrie SEINEET-MARNE autant en profide l’hôpital de Neg ter un peu pour mours. Un accomin Lo Montcourt faire des écopagnement qu’elle Nemours nomies», explijuge essentiel : Bagneaux-sur-Loing que-t-il. Et «Certains ont une comme si cela ne fragilité psycholoSouppes-sur-Loing suffisait pas, ce gique antérieure, consultant prestasur laquelle vient LOIRET taire auprès d’une des s’ajouter le traumatisme 3 km usines noyées de de l’inondation. Nous som- SWANNY infirmière de nuit à l’hôpital de Nemours Sein e peux faire pour l’instant. Je n’ai pas de visibilité sur le reste. J’en ai déjà eu pour 730 euros de pressing, rien que pour les vêtements.» Même si la procédure se fait longue, cet habitant de la commune de Montcourt prend son mal en patience: «On ne leur en veut pas, on sait qu’ils sont très occupés et que tout le monde est dans le besoin.» Chez Françoise, qui habite le même quartier qu’Armand, c’est fait : «Notre échange a été très rapide. [L’expert] reste une heure par client, trajet compris. Il a pris quelques photos et a constaté les dégâts, mais rien n’a été fixé.» Soulagée, elle «peut commencer à vider [sa] maison». Mais le tri et le rangement des affaires personnelles sont des tâches tout aussi éprouvantes: «L’expert va rembourser, mais il ne peut rien faire pour les choses de valeur sentimentale. J’avais tous les souvenirs de mon fils décédé», explique avec émotion Carole, qui vit à Bagneaux-sur-Loing. Pour Maud, les cartons sont remplis et prêts à être emportés. Le petit appartement qu’elle loue au rez-dechaussée d’un immeuble de Souppes-sur-Loing a été inondé par «au moins 50 cm d’eau». Le temps des rénovations, son bailleur lui propose un hébergement dans un meublé, sur les hauteurs de la ville. «Le contrat, c’est trois mois renouvelables, explique la quinquagénaire, mais je ne compte rien déballer. Mon appartement est petit, alors j’espère que ça va aller vite.» Si, dans l’urgence, beaucoup de sinistrés ont dormi chez des proches, il faut désormais rechercher des solutions durables pour se loger. Les assurances proposent des aides, mais celles-ci peuvent constituer de véritables casse-tête, coûteux en temps, en énergie et en argent. A Bagneaux-sur-Loing, Doriane ne dort pas plus de quatre heures par nuit depuis qu’elle est retournée chez elle. Pour soulager ses angoisses, elle s’est fait prescrire des anxiolytiques. «Je crois que le plus traumatisant, ça a été le fait que l’on ne soit pas prévenus de la crue, et aussi que l’eau ait monté si vite», explique celle qui a été réveillée en sursaut par ses voisins. Elle peine à répondre aux questions de son fils de 5 ans: «Je pense qu’il va falloir faire très attention à un éventuel besoin de soutien psychologique, surtout à cet âge.» L’atmosphère est anxiogène. D’une commune à l’autre, les rumeurs circulent vite dans cette vallée du Loing. «Il paraît qu’il va y avoir une nouvelle crue», s’inquiète Doriane. A Nemours, ce sentiment est partagé par Véronique, qui relève une «certaine psychose» : «On nous parle de seconde vague, on a même appelé à Montargis pour vérifier si c’était une rumeur. On parlait de trois fois le volume d’eau qu’on a eu, mais ils ont dit que ce n’était pas vrai.» Face au choc du drame, une rumeur prospère: «On sait très bien qu’on a servi de réservoir pour Paris», explique Nicolas en nettoyant sa maison où, pendant deux jours, l’eau est montée. «Le Loing était un lac dont on laissait monter le niveau, et quand ils ont vu que Paris ne craignait plus rien, ils ont rouvert les vannes.» Claude Jamet, le maire de Bagneauxsur-Loing, partage cette impression, même s’il admet ne pas pouvoir apporter d’éléments de preuve. Face au manque d’informations et d’explications des autorités locales, les habitants sont restés solidaires : «Nous avons dû improviser au moment des inondations. Ça a créé des liens. Sans les jeunes qui habitent dans les logements en face, je ne sais pas comment nous serions sortis, avec mon fils», explique Doriane. La jeune femme a rencontré des «personnes formidables» qui habitaient depuis deux ans à quelques mètres de chez elle mais qu’elle ne connaissait pas jusqu’ici. Jérôme, qui vit dans les résidences HLM de Bagneaux-sur-Loing, a fait «plus de trente allers-retours» pour venir en aide à ses voisins. A Souppes-sur-Loing, la crue a aussi rapproché les habitants. Chez Pato, Martine et son mari discutent avec les habitués: «Ici, les sinistrés viennent pour parler, on est entre amis. C’est dans notre café que l’on se soigne, en riant, en parlant. C’est comme ça qu’on tient au jour le jour. Qu’est-ce que l’on peut faire d’autre après tout?» Autour de la table, les autres acquiescent. Son mari ajoute à la cantonade: «Lorsque l’expert sera passé, on pète tout dans ce bar. On veut repartir de zéro, oublier cette histoire. On fera un grand barbecue sur la place de la République aussi!» • Carnet NaissaNce "Seul celui qui s'est mêlé à l'horizon peut ouvrir un chemin" Bienvenue à Eugène, fils d'Alice et Noémie, né le 20 juin 2016. RemeRciemeNts Oscar, Fleur et Claudie Baudry, toute la famille d' Hervé Baudry vous remercient chaleureusement de leur avoir donné la force de traverser cette première étape grâce à vos nombreux témoignages d'amour et d'amitié. Aujourd'hui, nous les lisons avec tristesse, demain, nous les relirons avec fierté. Vivez comme Hervé, plein d'humour, d'amour, de couleurs et de lumière. Le Carnet Vous organisez un colloque, un séminaire, une conférence… Contactez-nous Réservations et insertions la veille de 9h à 11h pour une parution le lendemain Tarifs : 16,30 € TTC la ligne Forfait 10 lignes 153 € TTC pour une parution (15,30 € TTC la ligne supplémentaire) Abonnés et associations : -10% Tél. 01 40 10 52 45 Fax. 01 40 10 52 35 Vous pouvez nous faire parvenir vos textes par e.mail : [email protected] La reproduction de nos petites annonces est interdite Le Carnet Emilie Rigaudias 01 40 10 52 45 [email protected] 18 u EURO 2016 Libération Vendredi 24 Juin 2016 PATRICE EVRA Grand frère à dépasser Par GRÉGORY SCHNEIDER C’ est toujours sur lui que le regard frissonne. L’escouade tricolore engagée dans ce championnat d’Europe –la République d’Irlande à venir, en huitième de finale au Grand Stade de Lyon, dimanche– a beau voir ses lignes de force bouger à chaque match, signe qu’elle se cherche, elle recèle toujours en son sein un pôle stable et irradiant: ce bon vieux Patrice Evra, international depuis les premiers pas de Raymond Domenech à la tête de la sélection, en 2004, et capitaine sans brassard depuis ce retour du Mondial sudafricain de 2010 (Knysna, la grève du bus en mondovision, la déréalisation) où, juste avant de débarquer sur le tarmac de l’aéroport du Bourget, il s’était adressé à chaque joueur sur le ton de la confidence : «Ne t’inquiète pas, tu peux partir en vacances tranquille. C’est moi qui vais tout prendre.» POMPIER Evra, c’est le 3 en 1 du football français : son histoire à lui se confond avec l’Histoire, mais aussi avec les histoires. Il le sait, et les moments qu’il passe avec les journalistes ressemblent à ces retrouvailles avec un ami de longue date où personne n’a vraiment besoin de parler, mais où on discute un peu quand même, les questions posées au joueur étant très en-deçà du feeling qui traverse les deux parties. Le natif de Dakar (Sénégal) aime bien parler à la presse. C’est pour ça qu’il l’a longtemps fait aussi peu, le plaisir qu’il y prend pouvant l’emmener plus loin qu’il le souhaite. On peut comprendre sa griserie: ses vis-à-vis lui renvoient une sorte de bienveillance respectueuse même quand Evra pousse le bouchon France Le seul acteur de l’affaire Knysna encore en bleu est sorti de sa posture sacrificielle pour se poser en guide de la nouvelle génération. –«On a mis le bleu de chauffe, c’était prodigalité pose question. Le Patrice beau», après le match raté (2-1 Evra de la Juventus –depuis 2014, quand même) face aux Roumains–, huit saisons à Manchester United et il le pousse souvent. avant ça, une carrière de géant– est Quant au fond, son discours n’est resté mutique : invisible dans la pas révolutionnaire, et pour cause: presse, à son boulot, se confondant à ce stade, la stature d’Evra lui per- avec l’institution turinoise. Il y a met d’écrire l’histoire offibien des choses à comprencielle des Bleus, de tran- PROFIL dre. La première: l’Euro 2016 cher les débats en cours et lui appartient. On s’est fait de lancer les grandes orientations ici l’écho dès 2013 d’une lecture de la geste tricolore. On y trouve un communément admise depuis: en peu tout. Un jour, il raconte «l’ap- convaincant ses équipiers d’opter préhension, la gorge sèche» qui s’em- pour la grève de l’entraînement en pare d’une équipe surmontant Afrique du Sud plutôt que pour un difficilement les attentes et le con- boycott du match suivant, ce qui texte. Un autre, il vole au secours aurait valu de lourdes sanctions à la d’Olivier Giroud: «Quand le public Fédération française de foot (FFF), le siffle, il siffle tous les joueurs. On le à commencer par une mise au banc compare [défavorablement] à des compétitions internationales, le d’autres. Mais c’est lui qui est là.» Et joueur a sauvé l’organisation de ce encore un autre, il profite du cas Di- championnat d’Europe dans l’Hexamitri Payet pour jouer au pompier: gone. «Je vous en supplie : n’enflammez pas les joueurs», manière de dire ART DE L’EMBROUILLE qu’aucun d’entre eux, et pas plus le Ce n’est pas rien. Les édiles fédéRéunionnais qu’un autre, n’a les raux parlent ainsi du joueur comme reins assez solides pour porter la sé- s’il était affublé d’une sorte de lélection comme Michel Platini ou Zi- gion d’honneur informelle. Evra se nédine Zidane dans le passé. promène avec : toujours cette posDe la part d’un joueur observant un ture patriotique un peu raide et les carême médiatique quasi ininter- mots qui vont avec, même s’il faut rompu depuis 2010, cette brusque noter que c’est l’équipe de France, et non la France elle-même, qui revient dans le discours de dévotion du joueur. Evra a reconnu récemment son rôle positif à Knysna et c’est comme s’il était sorti du placard: pendant six ans, il a adopté la posture doloriste et sacrificielle de l’homme qui souffre en silence, endossant les fautes commises par d’autres que lui. Pour le reste, on jurerait qu’Evra se livre parce qu’il sait proche la fin de sa vie en bleu. Son état civil (35 ans) dit ça. Le fait que la Juventus de Turin ne lui propose plus que des contrats d’un an, l’offre étant formulée chaque mois de mai, le confirme. Et les performances du gaillard lors de cet Euro vont sans doute au-delà, même si un certain flou règne : l’expérience est la meilleure compagne de l’usure. Un joueur à près de 100 matchs de Ligue des champions passe forcément maître dans l’art de l’embrouille, ce qui rend la lisibilité de ses performances malaisée. Evra explique qu’il s’en fout, qu’il est dans le monde d’après. «J’arrive à un âge où ce n’est même plus ma performance qui m’intéresse, explique-t-il dans l’Equipe. Ce que je veux, c’est transmettre à mes coéquipiers cette envie de tout casser. Je n’ai jamais été touché par aucune critique. J’ai d’autres chats à fouetter. Je fais de la méditation, je suis quelqu’un de religieux.» Dans la même interview, le joueur donne une clé: «Après 2010, je n’ai pas pris mon jet pour partir en vacances. Au contraire, j’allais manger en plein centre de Paris. Quand elle a vu l’attitude des gens envers moi, ma femme m’a dit : “Mais ce n’est pas possible, tu ne te rends pas compte de ce qu’ils disaient sur toi.” Je n’ai pas ressenti cette virulence envers moi. Jamais. Après, il faut dire aussi que mes proches n’ont pas le droit de me rapporter ce qu’on dit de moi.» A l’époque, pourtant, Evra racontait Patrice Evra, lors du match France- partout que les gens l’arrêtaient au pied du Sacré-Cœur pour le féliciter, qu’ils avaient compris, qu’il était relié au public par télépathie pardelà ce que racontait la presse. Ça pose la question du rapport du joueur à la réalité, tout en confirmant la règle: la légende s’écrit souvent à bonne distance des faits, que le temps tord progressivement dans le sens de ceux qui racontent. Il faut sans doute revisiter la carrière d’Evra à cette aune, depuis ses débuts, qu’il voudrait héroïques, en série B italienne (la deuxième division française) au SC Marsala, où il coupait «les escalopes en quatre, une fois dans le sens de la longueur, une fois dans les sens de l’épaisseur, pour faire quatre repas au lieu d’un», jusqu’à cette folle nuit du 19 au 20 juin 2010 dans l’hôtel Pezula de Knysna, où il était le missus dominicus d’une équipe devenue folle. Kingsley Coman et Anthony Martial avaient alors 14 ans, Paul Pogba 17: on est assez curieux de savoir ce qu’Evra leur dit de lui, et à quel point l’équipier disparaît derrière la statue du Commandeur. Même la mort sportive est conceptualisée par l’intéressé dans une optique de transmission: «Je ne prendrai pas ma retraite internationale: ce sont les autres qui devront me pousser dehors, ou plutôt faire les efforts nécessaires [comprendre: progresser suffisamment] pour que le sélectionneur ne fasse plus appel à moi.» Pour avoir un jour théorisé les joueurs de Manchester United –dont lui– comme des hommes et ceux d’Arsenal comme des enfants, Evra sait bien que sa relève au poste, Lucas Digne ici, n’est pas prête: autant comparer le boy next door toujours dispo pour tondre votre pelouse à l’œil au roi Lear. On imagine quand même une forme de délectation. Roumanie, le 10 juin. PHOTO EIBNER EUROPA.IMAGO u 19 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe GISANT FARCEUR ASSIS DANS SON CERCUEIL Propulsé nouvelle star de l’équipe de France sur la foi de ses buts de fin de match, Dimitri Payet a ainsi entendu Patrice Evra, dans le vestiaire, lui seriner sa première mitemps lamentable face à l’Albanie (0-1) en juin 2015, mi-temps qui avait mis un terme à la carrière internationale de l’attaquant tricolore avant qu’un exil anglais et la concurrence effrénée qui règne outre-Manche (50 joueurs sous contrat par club, mais on joue aussi à onze) ne remettent Payet dans la barque. Lors du Mondial 2014, Evra était le berger biblique, qui guide son prochain dans la nuit. Aujourd’hui, il est un gisant farceur assis dans son cercueil, qui jette un œil noir –histoire d’impressionner– sur une relève se demandant qui est ce type : le passé troublé de la sélection, le paratonnerre d’aujourd’hui ou le cadre technique ou fédéral de demain, un cadre paradoxal qui a brûlé les ponts avec nombre de consultants et de vieilles gloires faisant l’opinion. Evra est un gars courageux. Qui finira bien par se demander un jour où ce courage mène. • LES HUITIÈMES DE FINALE Quarts de finale samedi 25 juin 15h 18h 21h St-Etienne SUISSE POLOGNE TF1 Paris GALLES IRLANDE DU NORD TF1 Lens CROATIE PORTUGAL M6 IRLANDE TF1 SLOVAQUIE TF1 BELGIQUE TF1 ITALIE ESPAGNE TF1 Nice ANGLETERRE ISLANDE dimanche 26 juin 15h 18h 21h Lyon Lille FRANCE ALLEMAGNE Toulouse HONGRIE lundi 27 juin 18h 21h St-Denis Tous les matchs sont également diffusés sur BeIn Sports M6 Source : UEFA 20 Le nombre de titres majeurs (Mondial ou Euro), que pèsent les équipes dans la partie «forte» du tableau: France-Irlande, Angleterre-Islande, ItalieEspagne, Allemagne-Slovaquie. Les équipes de la partie «faible» n’ont rien gagné du tout. BLAGUE BELGE «Ce qu’il manque à l’équipe. Je ne sais pas. Et je m’en bats les couilles si on gagne…» KEVIN DE BRUYNE milieu de terrain de l’équipe belge AP Libération Vendredi 24 Juin 2016 Depuis le début de l’Euro, la Belgique, armada de très bons footballeurs, joue de manière totalement décousue, ce qui rend ses matchs totalement incompréhensibles. Parmi ses stars, Kevin De Bruyne, l’attaquant de Manchester City. Interrogé après la victoire contre la Suède sur les prestations de sa sélection et sur les solutions possibles, il a répondu sans s’énerver (vraiment) : «Ce qu’il manque à l’équipe. Je ne sais pas. Et je m’en bats les couilles si on gagne…» A voir dimanche soir, face à la Hongrie. L’ADVERSAIRE Pour les Bleus, des Irlandais rugueux Les Bleus ont longtemps pensé affronter l’Irlande du Nord en huitièmes. Ce sera finalement les cousins (plus forts) de la République d’Irlande, surprenante vainqueure de l’Italie (1-0) mercredi. A quoi s’attendre? Dans cet Euro, l’équipe entraînée par Martin O’Neill n’a pris l’eau qu’une fois (3-0 face à la Belgique), au moment où elle a essayé d’ouvrir le jeu et s’est prise pour une autre. Dimanche, face à l’équipe de France, elle ne devrait pas renier ses fondamentaux. Gros bloc, grosse défense et défi physique jusqu’à la fin, en restant à l’affût d’un bon contre. La République d’Irlande est l’une des six équipes de cet Euro à s’être qualifiée avec moins de 50% de possession de balle. Et l’une des moins pourvue en talents individuels, ce qui ne l’empêche pas d’être sacrément embêtante. 20 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 Europe : populisme ou expression des peuples ? IDÉES/ Des militants célèbrent la victoire de Virginia Raggi, dimanche, à Rome. PHOTO ANTONIO MASIELLO. NURPHOTO. AFP Les victoires de Virginia Raggi et de Chiara Appendino, membres du Mouvement Cinq Etoiles (M5S), à Rome et à Turin sont l’expression d’une insatisfaction démocratique qu’il est temps de prendre en compte. En Italie, la tentation des cinq étoiles rence budgétaire et l’honnêteté, des mesures en faveur des transports, du ramassage des déchets, de l’école, ou des propos ambigus sur l’immigration. A Turin, ville fort différente de Rome que l’on considère généralement bien gérée, Chiara Appendino a opposé «les Turinois dans les files d’attente devant les musées» à ceux qui font la queue «parce qu’ils sont pauvres». Fustigeant l’establishment local, elle s’est Par MARC LAZAR DAUMERIE L es succès du Mouvement Cinq Etoiles («Movimento 5 Stelle», M5S) dans la capitale de l’Italie et celle du Piémont obéissent à des raisons locales, et revêtent une dimension nationale. Les deux nouvelles élues ont des points communs. Elles sont femmes alors que la politique italienne reste dominée par les hommes, jeunes dans un pays gérontocratique, novices ou presque en politique (Chiara Appendino était conseillère municipale depuis cinq ans) donc en mesure d’incarner la nouveauté, l’authenticité et le changement recherchés par des Italiens critiques de leur classe politique. A Rome, Virginia Raggi, qui partait favorite, a exploité une situation désastreuse : échec du maire précédent, Ignazio Marino, membre du Parti démocrate (PD), scandales de corruption qui ont aussi éclaboussé ce parti, dégradation continue de la ville, administration inefficace, endettement record. Elle avançait un programme vague avec quelques formules fétiches sur la transpa- Directeur du Centre d’histoire de Sciences- Po adressée aux électeurs de la périphérie de la ville, à la jeunesse en situation de précarité, aux démunis, et s’est prononcée pour une politique d’accueil des immigrés. Il y a une leçon plus générale à tirer des résultats dans ces deux villes. Le M5S, au second tour, peut agréger des suffrages venus de la droite, de la Ligue du Nord et de la gauche. Autant d’électeurs et de partis désireux de sanctionner le PD pour des raisons variées (la crise sociale pas encore résolue malgré la création d’emplois et la profonde défiance envers les politiques) et Matteo Renzi. Lui, qui se présentait comme un outsider, se voit associé au reste de la classe politique. Sa première défaite atteste une limite de son positionnement consistant à pratiquer ce que l’on pourrait appeler du populismo-centrisme afin, entre autres, d’assécher le vivier du M5S. Peine perdue donc, d’autant que le M5S reste à un haut niveau dans les intentions de vote pour d’éventuelles élections politiques. Le référendum sur la ré- forme constitutionnelle, prévu en octobre, risque de se transformer en un vote pour ou contre sa personne et sa politique. Le M5S apporte-t-il donc une nouvelle preuve de la montée en puissance des populistes ? Les populismes reposent sur un système de croyances dichotomiques (pour ou contre, oui ou non) porté le plus souvent par un leader charismatique. Ils ont en commun l’exaltation du peuple comme une entité homogène, porteuse par définition de vérité, le rejet de toutes les élites supposées former une classe dominante unie, en dépit de ses apparences, et complotant en permanence contre le peuple, la dénonciation des partis de gouvernement et le rejet de l’Union européenne. Ils prennent néanmoins des formes très variées. Il existe des populismes de gauche et d’extrême gauche (le parti de gauche de Mélenchon, Die Linke en Allemagne), de droite et d’extrême droite (la liste est innombrable), un populisme des entrepreneurs tel Silvio Berlusconi, enfin des populismes qui refusent de se situer sur le clivage opposant la droite et la gauche, parce qu’ils privilégient les intérêts régionaux, comme en Flandre avec le Vlaams Belang, ou parce que cela correspond à leur stratégie. C’est ce qu’a tenté le Front national (FN) dans le passé et qu’il réessaye aujourd’hui. Ces distinctions sont labiles et susceptibles d’évoluer, comme lll en atteste Podemos, fondé par des Libération Vendredi 24 Juin 2016 lll militants venus de l’extrême gauche qui ont d’abord tenu à opposer le peuple à «la caste», refusant de se situer à gauche mais qui, en vue du scrutin du 26 juin, ont scellé une alliance avec Izquierda Unida. D’un autre côté, ces mouvements diffèrent sur l’Union européenne, l’euro, l’immigration, l’islam, le terrorisme jihadiste, leurs conceptions du peuple, les sujets de mœurs et d’identité, ou encore du fait de la sociologie de leurs électorats respectifs. Dans cette galaxie, le M5S se singularise. Contestant «le système», s’opposant à tous les partis, il ratisse large sur tout le territoire et attire les jeunes. Son programme associe des mesures de gauche classique (revenu de citoyenneté de 780 euros pour les plus pauvres), d’écologie (pour la gestion publique de l’eau, de l’environnement, la décroissance), de moralité (l’honnêteté constitue l’une de ses valeurs cardiales) et des positions fermes sur l’immigration (ce qui divise en interne) ou contre l’Union européenne et l’euro. Il veut promouvoir la transparence démocratique et prône la démocratie participative, ce qui est souvent démenti par le pouvoir exorbitant de son directoire. Après avoir obtenu 109 députés et 54 sénateurs en 2013 qui ont surtout fait de l’obstruction (37 d’entre eux sont sortis du groupe ou en ont été bannis), conquis deux villes moyennes, Parme (le maire a été suspendu du parti) et Livourne, les voilà à la tête de deux villes de la péninsule. L’heure de vérité a donc sonné pour le mouvement. Que sera-t-il capable de faire ? Concrétisera-t-il son irréductible différence qu’il ne cesse de revendiquer ? Les populismes ne sont pas un problème en soi. Ils sont l’expression de problèmes. Ceux de la politique, de la démocratie, de l’Union européenne, de la crise sociale. Reste à voir comment ces partis qui exploitent ces questions et contribuent à les formuler les résoudront une fois en situation de responsabilité. • Le programme de M5S associe des mesures de gauche (revenu de citoyenneté de 780 euros pour les plus pauvres), d’écologie (gestion publique de l’eau, de l’environnement, décroissance), de moralité et des positions fermes sur l’immigration (ce qui divise en interne) ou contre l’UE et l’euro. élections municipales italiennes dimanche a vu la victoire spectaculaire de deux candidates du Mouvement Cinq Etoiles à Rome et à Turin, et les élections législatives de ce week-end en Espagne verront peut-être le nouveau parti de gauche Podemos passer devant le Parti socialiste espagnol. Même si les positions de ces nouvelles formations divergent sur l’Europe ou l’économie, cer- tains thèmes sont récurrents : démocratie participative, transparence, rejet des élites, lutte contre la corruption, écologie… Et, selon Marc Lazar, spécialiste de la vie politique transalpine, «les populismes ne sont pas un problème en soi. Ils sont l’expression des problèmes. Ceux de la politique, de la démocratie, de l’Union européenne, de la crise sociale». Podemos ou la possibilité d’un tournant historique Après six mois de crise politique, de nouvelles élections législatives ont lieu dimanche en Espagne. La stratégie de Podemos, qui a abandonné le «ni gauche ni droite» pour s’allier avec les écolo-communistes, sera-t-elle payante ? L e 20 décembre 2015, les Espagnols se rendaient aux urnes pour élire leurs députés, chargés ensuite de désigner le chef du gouvernement. Mais, fait inédit dans l’histoire, aucun parti n’obtint de majorité absolue (176 voix sur 350) et, six mois plus tard, le pays reste sans gouvernement. Le Partido Popular (PP, 123 voix) et le Partido Socialista Obrero Español (PSOE, 90 voix) obtinrent à eux deux à peine 53 % des suffrages alors que l’addition de leurs scores oscillait jusqu’alors entre 70 % et 80 %. Leurs voix ont été siphonnées par deux nouveaux entrants : Ciudadanos (libéral et hostile à l’indépendantisme catalan, 40 voix) et Podemos (né dans le prolongement des Indignés, 69 voix). Après trentecinq années d’alternance, c’est l’explosion du bipartisme. Cette reconfiguration de l’arène partisane débouche pour l’instant sur une paralysie institutionnelle. Afin de débloquer la situation, le roi Felipe VI a convoqué de nouvelles élections le 26 juin. Environ 70 % des citoyens déplorent cette obligation de retourner aux urnes. Cette seconde convocation aurait pu être évitée si une coalition avait vu le jour. Par conséquent, la campagne électorale en cours se polarise autour du débat sur la responsabilité du blocage. A qui doit-on l’absence de gouvernement ? Chaque parti accuse les autres d’intransigeance et se présente comme souple et ouvert à des compromis. Un rapide historique des faits permet de sortir de ces considérations politiciennes et de se faire une idée plus nette de la situation. Mais précisons d’abord deux éléments. D’abord, Podemos est peut-être moins un facteur qu’un révélateur de la crise politique espagnole, puisque son succès fulgurant n’aurait pas été possible sans les nombreuses affaires de corruption qui ont miné le crédit des élus espagnols auprès de leurs électeurs. Ensuite, la source du blocage n’est pas imputable à un des acteurs en particulier, mais à la logique même de la situation. Pour des raisons arithmétiques de base, aucun parti n’est en mesure de gouverner seul. Et l’absence d’une tradition de négociation au sein de la culture politique espagnole complique fortement la formation d’une coalition gouvernementale. A ce titre, Podemos n’est pas davantage responsable du blocage que ses trois principaux rivaux. Pourtant, cette analyse ne fait pas consensus. En mars, Podemos était en baisse dans les intentions de vote, et les Espagnols le tenaient comme principal responsable du blocage. Au lendemain des élections, le parti de Pablo Iglesias avait tendu la main au Partido Socialista Obrero Español tout en formulant des exigences strictes (poste de vice-président pour Pablo Iglesias, quatre ministères clés pour son parti, référendum d’autodétermination en Catalogne). Cette proposition fut qualifiée de «chantage» et d’«humiliation» par les dirigeants socialistes, qui eurent beau jeu de la décliner. Peu après, en avril, le Partido Socialista Obrero Español de Pedro Sánchez parvint à établir un accord de gouvernement avec Ciudadanos, le parti de centre droit arrivé quatrième le 20 décembre. Ces deux acteurs démontraient ainsi leur bonne volonté et leur pragmatisme auprès de l’opinion publique espagnole. Mais leur alliance ne permit pas d’atteindre le seuil décisif des 176 députés. L’Espagne restait sans gouvernement, et Podemos en était jugé responsable, en raison de son refus de rejoindre l’alliance Partido Socialista Obrero Español – Ciudadanos. Par MANUEL CERVERAMARZAL DR Le continent européen traverse un moment politique très volatil, surtout aux périphéries. Entre référendum en Grande-Bretagne et émergence de nouvelles formations politiques comme Podemos en Espagne ou le Mouvement Cinq Etoiles en Italie, il semble que la notion de «populisme» soit un peu courte pour expliquer ces différentes évolutions. Le second tour des u 21 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) Alors que la course aux élections du 26 juin semblait mal engagée, Podemos parvint à inverser la tendance, et est désormais en passe de dépasser le Partido Socialista Obrero Español et de devenir la première force politique de gauche en Espagne. Début mai, le parti de Pablo Iglesias opéra un revirement stratégique important. Il prônait jusqu’alors un discours transversal «ni droite ni gauche» et, par conséquent, le refus de s’enfermer dans une alliance encombrante avec d’autres forces d’extrême gauche. Or, Podemos a récemment changé de rhétorique en assumant désormais son identité «progressiste de sensibilité social-démocrate», et a changé de stratégie en s’alliant avec les écolocommunistes d’Izquierda Unida. Le pari était risqué (beaucoup prédisaient que l’alliance avec les communistes ferait fuir la frange modérée des électeurs de Podemos), mais il semble s’avérer payant puisque les sondages annoncent désormais que la coalition Unidos Podemos emportera plus de voix le 26 juin que l’addition des scores de Podemos et de Izquierda Unida du 20 décembre 2015. Cette alliance générerait ainsi un effet démultiplicateur et permettrait à Podemos de soutirer toujours plus d’électeurs au Partido Socialista Obrero Español, dont la dégringolade s’apparente de plus en plus à celle de son homologue grec. Les élections du 26 juin déboucheront-elles sur la formation d’un gouvernement ? Personne n’est en mesure de l’affirmer tant les paramètres du jeu électoral espagnol sont nombreux et complexes. Bien qu’annoncé en tête (29 % des voix), le Partido Popular de Mariano Rajoy est fortement isolé. Aucun des trois autres partis ne souhaite se compromettre dans une alliance avec le gouvernement sortant, que la majorité des Espagnols perçoivent comme corrompu et au service des banquiers. Seule autre option sérieusement envisageable : un «gouvernement du changement» réunissant les deux forces de la gauche, Partido Socialista Obrero Español et Unidos Podemos. Pour cela, leur score cumulé doit impérativement atteindre les 176 députés. S’ils y parviennent, l’Espagne serait aux portes d’un tournant historique. L’Europe également ? • 22 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 IDÉES/ Peter Kuper, National Rifle Association «NRA» (paru dans le Washington City Paper). PETER KUPER Par Alors que les tueurs de masse profitent de moyens légaux pour commettre leurs crimes, le contrôle des armes n’est toujours pas voté. Un projet durcissant les conditions de vente vient d’être rejeté lundi 20 juin par le Sénat, à majorité républicaine. Provoquant un sit-in des élus démocrates. DR JONATHAN METZL Sociologue et psychiatre. Directeur du Centre médecine santé et société à l’université Vanderbilt (Tennessee). A ux Etats-Unis, nous voilà une fois de plus traumatisés par le spectre du meurtre de masse. Le 12 juin, Omar Mateen, armé d’un fusil d’assaut et d’une arme de poing semi-automatiques tire dans la foule d’une boîte de nuit homosexuelle : 49 morts et 53 blessés avant que le meurtrier soit abattu par la police. L’attaque d’Orlando est le meurtre de masse le plus terrible de même que l’agression la plus violente à l’encontre de la communauté LGBT jamais commise dans le pays. La nation est en deuil. A travers les Etats-Unis, ces massacres sont de plus en plus fréquents et de plus en plus meurtriers. Ils sont d’autant plus choquants qu’ils détruisent notre illusion de sécurité dans des lieux où la menace de violence devrait être la dernière des préoccupations dans la tête des gens : une salle de cinéma dans le Colorado, une école dans le Connecticut ou une boîte de nuit à Orlando. Ces lieux sont naturellement vécus comme des espaces de sécurité où les gens viennent s’amuser, s’instruire ou être eux-mêmes en toute simplicité. Qu’un certain nombre d’entre eux, ces dernières années, soit devenu des sites de carnages, n’a pas manqué d’alimenter un sentiment de peur et d’insécurité dans la population. Mais notre deuil est aussi, malheureusement, politique. Au fur et à mesure qu’augmente le nombre de ces massacres absurdes, le récit que nous en faisons devient de plus en plus clivant. Pour des hommes politiques de droite, comme Donald Trump, la tuerie d’Orlando est interprétée comme le résultat d’une menace extérieure au mode de vie américain. Donald Trump dénonce une crise existentielle nourrie par ce qu’il appelle de façon problématique et provocante «l’islam radical». Posture qui place la responsabilité du crime sur une menace extérieure et une religion Après Orlando, les armes toujours tout entière. Par conséquent, il appelle à interdire l’entrée du pays à tous les musulmans. Absurdité manifeste, d’autant qu’Omar Mateen est natif de New York. Cette forme de boucémissairisation est devenue monnaie courante à la suite de l’augmentation des tueries de masse. Après les massacres du Colorado et du Connecticut, des politiciens conservateurs se sont empressés de condamner les «malades mentaux», allant jusqu’à réclamer la mise en place de «bases de données» nationales pour les surveiller, négligeant toute autre forme d’explications pour ce type de crimes. Bien entendu, ces arguments vont de pair avec une rhétorique alarmiste amplifiée par la NRA (National Rifle Association), le puissant lobby pro-armes qui trouve là un moyen d’alimenter l’angoisse de l’insécurité et d’augmenter les ventes d’armes chez les particuliers. Au lendemain du massacre d’Orlando, un porte-parole de la NRA a réussi, dans une même déclaration, à condamner les crimes par armes à feu commis par «les malades mentaux et les terroristes» tout en affirmant qu’il fallait encore plus d’armes pour «protéger le droit des Américains respectueux des lois» à se défendre eux-mêmes. Un certain nombre de données confirme que ces stratégies alarmistes sont puissamment efficaces : au lendemain des massacres de masse, les ventes d’armes à feu explosent. Bien entendu, des actes violents ont été commis au nom de l’islam. Beaucoup de New-Yorkais et de Parisiens en savent douloureusement quelque chose. Mais à la différence des attaques de Paris en novembre 2015, ou du 11 Septembre à New York qui ont été organisées et mises en œuvre par des organisations terroristes – les meurtres de masse américains y compris de toute évidence la tuerie d’Orlando – sont largement le fait d’actions individuelles. Loin de fonctionner en dehors de la loi, la plupart de ces tueurs ont planifié et ont commis leur crime au travers de moyens légaux. Ceci pour une large part parce que, aux Etats-Unis, ces quinze dernières années, il est devenu de plus en plus facile d’acheter des armes, des armes semi-automatiques et des munitions. En réalité, la grande majorité des armes utilisées au cours des 15 derniers massacres de masse, y compris les deux revolvers de la tuerie d’Orlando, ont été acquises légalement. Cette facilité d’accès est la raison pour laquelle les Etats-Unis sont de loin le pays dont les particuliers détiennent le plus grand nombre d’armes à feu. Les enjeux de cette bipolarité: lire Orlando comme une menace extérieure, ou comme le reflet de notre politique nationale, est d’autant plus crucial qu’il ne détermine pas seulement deux façons distinctes de traiter le trauma, mais bien deux façons distinctes d’aller de l’avant. Est-ce que, comme le suggèrent les républicains et la NRA, on fait son deuil en construisant des murs et en armant de plus en plus de gens dans nos tours d’ivoire complètement illusoires ou est-ce qu’on regarde à l’intérieur de nous-mêmes et, avec force bon sens, on place au centre la question des armes et de la violence par armes à feu aux Etats-Unis ? En d’autres termes, est-ce que l’ennemi est à nos portes ou est-ce qu’il est, en partie, «nous-mêmes»? Dans les mois qui viennent la façon dont les électeurs américains poseront ces questions à leurs représentants donnera forme au récit que nous ferons du terrible massacre d’Orlando. Et, aux élections de novembre, la réponse à ces questions déterminera dans quelle sorte de pays nous souhaitons vivre. • Traduit par Florence Illouz. Libération Vendredi 24 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe PHILOSOPHIQUES Par SANDRA LAUGIER Professeure de philosophie à l’université ParisI PanthéonSorbonne. A quoi servent les «connasses»? Si on redouble de sévérité à l’égard des deux nouvelles élues du Mouvement Cinq Etoiles en Italie, c’est qu’elles nous obligent à repenser le populisme, devenu l’outil de ceux qui refusent l’extension de la démocratie. L a femme parfaite est une connasse, énonçait le titre d’un excellent ouvrage publié en 2013 (suivi d’un volume 2 qui n’a pas été à la hauteur). Les femmes ont gagné le droit d’être imparfaites, comme le sont par tradition les hommes ; les femmes politiques peuvent être corrompues (Dilma Rousseff), antipathiques (Hillary Clinton) et maltraitées dans les slogans (Myriam El Khomri)… et des connasses, oui, juste comme eux ; même si on redouble pour elles de sévérité et qu’on en rajoute, par habitude. Chacune de ces situations a évidemment sa part de sexisme. Elles peuvent aussi être victimes d’assassinat politique ignoble, comme la députée britannique Jo Cox la semaine dernière. C’est là une forme d’égalité, durement conquise. Mais, si tout va bien, on aura bientôt une première présidente états-unienne au lieu d’une première dame, et peu m’importe si elle est critiquée et mal-aimée. Car tout le monde est d’accord en principe pour une femme présidente, mais, comme par hasard, ce n’est jamais la bonne (oui «mais pas elle»). On se souvient des mots de Bertrand Delanoë soulignant, il y a deux ans, le caractère historique de la victoire d’Anne Hidalgo à Paris. Lors de son élection dimanche, Virginia Raggi a déclaré aussi: «C’est la première fois qu’une femme occupera la fonction de maire de Rome.» Ce succès, a-t-elle ajouté, on le doit au Mouvement Cinq Etoiles (M5S). A elle et sa compagne de victoire de Turin, Chiara Appendino, trentenaire aussi, il est clair qu’on ne passera rien, tant on insiste désormais dans la presse –ici (Libé compris) et en Italie– sur leur inexpérience: «novices» –oubliant qu’il s’agit de femmes diplômées, engagées, professionnelles. On les qualifie aussi de «populistes» mais cette accusation immédiate ne suffit plus à déconsidérer M5S. Le mouvement refuse, certes, la ligne de clivage traditionnelle droite – gauche. Mais les adhérents au M5S se recrutent parmi des citoyens et des activistes engagés dans des luttes locales contre l’incapacité et la corruption des gouvernants, l’absence d’avenir pour les jeunes, l’impuissance publique ou la mainmise du pouvoir de la finance sur les affaires concernant le bien commun. On retrouve les thèmes de Nuit debout, sur lesquels nos politiques et intellectuels ricanent (sans encore les qualifier de «populistes»). Les élus de M5S sont jeunes, disposant d’une expertise et ils connaissent leurs dossiers. Comparez à la France et à son personnel politique issu des grandes écoles, où les cabinets ministériels sont étanches au monde universitaire et où les docteurs sont l’exception. Comparez au paysage de nos primaires. Parmi les propositions affichées par M5S: la limitation du nombre de mandats et l’interdiction du cumul, l’inéligibilité des citoyens condamnés, le développement des renouvelables, le développement du planning familial, le mariage homosexuel. Rien de conservateur mais rien qui ressemble à un classique programme politique «de gauche»: plutôt celui de l’aspiration démocratique ordinaire, d’une forme de vie politique où on prend au moins en compte la réalité des ressources politiques, en particulier les femmes. Lors des élections législatives italiennes de 2014, ce qui se présentait comme un «non-parti», sans projet, sans leader (j’oublie l’humoriste Beppe Grillo), avait obtenu des résultats étonnants et 8,5 millions d’électeurs avaient choisi d’envoyer 162 citoyens ordinaires, «novices», siéger à la Chambre et au Sénat. Déjà les experts en politique s’accordaient à qualifier le vote M5S de victoire du «populisme» et de danger pour la démocratie. Peut-être la victoire, évidemment provisoire et fragile, de ces deux femmes du M5S nous appelle à un changement dans nos formes de vie politique –et, en tout cas, dans nos manières de penser et de dire ces phénomènes. Ce n’est pas le populisme mais le qualificatif de «populisme» qui est à analyser, devenu l’outil et la signature aujourd’hui de ceux qui refusent l’extension de la démocratie. Les élus de M5S sont jeunes, disposant d’une expertise (universitaires, avocats, urbanistes, infirmières, médecins, travailleurs sociaux, étudiants, activistes…) et ils connaissent leurs dossiers. C’est un étu- u 23 diant, Luigi Di Maio, qui est vice-président de la Chambre. Comparez à la France et à son personnel politique issu des grandes écoles, où les cabinets ministériels sont étanches au monde universitaire et où les docteurs sont l’exception. Comparez au paysage de nos primaires. Taxer de populisme ce qui se passe en Italie avec les élues du M5S, c’est mettre sur le même plan, ou sous le même chapeau, la volonté commune de perfectionnement et de démocratisation de la politique, d’ouverture à de nouvelles générations et de personnels, et par exemple, le fascisme raciste et sexiste de Donald Trump ou la xénophobie haineuse des partisans du Brexit –dont a été victime Jo Cox, qui représentait aussi cette démocratisation. Ce genre d’amalgame que permet l’usage de termes indifférenciants, comme les déclarations récentes de membres du gouvernement français assimilant des manifestants à des terroristes, fait partie de ces «éléments de langage» dont il nous faut constamment faire l’analyse et la critique et si l’on veut défendre la démocratie réelle et avec elle, la société. C’est bien d’une nouvelle grammaire de la démocratie dont nous avons besoin, d’urgence, pour penser le «populisme» (1). • (1) Voir le dossier «Populismes» dans 61. Multitudes 61. Hiver 2015. Cette chronique est assurée en alternance par Sandra Laugier, Michaël Fœssel, Anne Dufourmantelle et Frédéric Worms. SAMEDI 25 JUIN LEGUIDE DESFESTIVALS D’ÉTÉ GRANDSUD CENTRE NORD-EST GRANDOUEST EUROPE Illustrations: Brest Brest Brest SUPPLÉMENTGRATUIT AVEC«LIBÉRATION» Document 23. Jun Vendredi 2016 - 24 16:03:00 Juin 2016 24 u: LIB_16_06_24_PA.pdf;Date : Libération Formation [email protected] 01 41 04 97 68 ÉdITION Formation au métier de correcteur Octobre 2016 Par des professionnels de la presse et de l’édition : Répertoire [email protected] 01 40 50 51 66 dÉMÉNAGEURS "DÉMÉNAGEMENT URGENT" MICHEL TRANSPORT Devis gratuit. Prix très intéressant. Tel. 01.47.99.00.20 micheltransport@ wanadoo.fr AMEUBLEMENT O J.-P. Colignon, Le Monde, O A. Valade, Le Robert, O B. Vandenbroucque, Belfond. Orthotypographie. Difficultés de la langue française. Ponctuation. Réécriture. www.centreec.com 01 45 81 12 08 Retrouvez nos annonces emploi sur http://emploi.liberation.fr Villetaneuse 93, vend table avec deux rallonges et 6 sièges, buffet 2m20, + buffet bar, le tout à 450 € (peut être vendu séparément, plus un miroir 150 €, ensemble canapé 2 places ainsi que deux fauteuils en cuir marron et boiserie 170 €, à prendre sur place, 60, route de St Leu, 93430 Villetaneuse, pour tout rens. sylvaine.grimaud@ gmail.com. ANTIQUITÉS/ BROCANTES Achète tableaux anciens XIXe et Moderne avant 1960 Tous sujets, école de Barbizon, orientaliste, vue de venise, marine, chasse, peintures de genre, peintres français & étrangers (russe, grec, américains...), ancien atelier de peintre décédé, bronzes... Estimation gratuite EXPERT MEMBRE DE LA CECOA [email protected] 06 07 03 23 16 La reproduction de nos petites annonces est interdite ABONNEZ VOUS Offre intégrale 33€ 8IZUWQ[(1)[WQ\XT][LMLM ZuL]K\QWVXIZZIXXWZ\I]XZQ` LM^MV\MMVSQW[Y]M 7ЄZMoL]ZuMTQJZM[IV[MVOIOMUMV\ ABONNEZ-VOUS À LIBÉRATION ²LuKW]XMZM\ZMV^WaMZ[W][MV^MTWXXMIЄZIVKPQMo4QJuZI\QWV [MZ^QKMIJWVVMUMV\Z]MLM+Pp\MI]L]V!8IZQ[7ЄZMZu[MZ^uMI]`XIZ\QK]TQMZ[ Oui AUTLIB16 , je m’abonne à l’offre intégrale Libération. Mon abonnement intégral comprend la livraison chaque jour de Libération et chaque samedi de Libération week-end par portage(1) + l’accès aux services numériques payants de liberation.fr et au journal complet sur iPhone et iPad. Nom Prénom Rue N° Code postal Ville Numéro de téléphone @ E-mail (obligatoire pour accéder aux services numériques de liberation.fr et à votre espace personnel sur liberation.fr) Règlement par carte bancaire. Je serai prélevé de 33€ par mois (au lieu de 50,80€, prix au numéro). Je ne m’engage sur aucune durée, je peux stopper mon service à tout moment. Carte bancaire N° Expire le J’inscris mon cryptogramme mois année (les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire) Signature obligatoire : Règlement par chèque. Je paie en une seule fois par chèque de 391€ pour un an d’abonnement (au lieu de 659,70€, prix au numéro). Vous pouvez aussi vous abonner très simplement sur : www.liberation.fr/abonnement/ (1) Cette offre est valable jusqu’au 31/12/2016 en France métropolitaine. La livraison du quotidien est assurée par porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case. Libération Vendredi 24 Juin 2016 SCREENSHOTS a la tele ce soir TF1 FRANCE 4 NT1 20h55. Vendredi, tout est permis avec Arthur. Divertissement. 23h30. Action ou vérité. Divertissement. 20h55. Heartless, la malédiction. Série. Épisodes 1 & 2. 22h20. Heartless, la malédiction. Série. Épisodes 3 & 4. 20h55. Super Nanny. Magazine. La famille d’adolescents. 22h50. Super Nanny. Magazine. La famille éclatée. FRANCE 5 D17 20h50. La maison France 5. Magazine. 22h20. Silence, ça pousse !. Magazine. 20h50. American pickers : chasseurs de trésors. Divertissement. 22h30. American pickers : chasseurs de trésors. FRANCE 2 20h45. Rugby : RC Toulon / Racing 92. Finale du Top 14. Sport. 23h05. Taratata 100 % live. Musique. PARIS PREMIÈRE FRANCE 3 20h55. La loi de Barbara. Téléfilm. Illégitime défense. Avec : Josiane Balasko, Olivier Claverie. 22h55. Soir 3. 23h20. Le divan de MarcOlivier Fogiel. Magazine. CANAL + 20h45. Rugby : RC Toulon / Racing 92. Finale du Top 14. Sport. 23h15. Terminator genisys. Film d'action. Avec : Arnold Schwarzenegger, Emilia Clarke. 20h55. L’assassin idéal. Téléfilm. Avec : Hinnerk Schönemann, Teresa Weißbach. 22h25. À qui appartiennent les océans ?. Documentaire. M6 21h00. NCIS : enquêtes spéciales. Série. Un partenaire particulier. Ce qui ne nous tue pas. Un homme désespéré. 23h35. NCIS : enquêtes spéciales. Série. 20h50. Stephen King : La maison sur le lac. Téléfilm. Parties 1. 22h15. Stephen King : La maison sur le lac. TMC 6 TER 20h55. Hercule Poirot. Série. Mort sur le Nil. Avec : David Suchet, Hugh Fraser. 22h55. Hercule Poirot. Série. Cinq petits cochons. VENDREDI 24 LCP SAMEDI 25 Caen Paris Strasbourg Brest Paris Dijon IP 0,6 m/16º 1 m/16º Lyon Lyon Bordeaux Bordeaux Toulouse Dijon Nantes 0,6 m/19º Nice Montpellier Toulouse Marseille Nice Montpellier Marseille 9 1 8 4 1/5° 6/10° 11/15° 1 m/18º 16/20° 21/25° 26/30° 31/35° 36/40° 6 5 7 Éclaircies Peu agitée Nuageux Calme Fort Pluie Modéré Couvert Orage Pluie/neige 6 7 MIN MAX Lille Caen Brest Nantes Paris Nice Strasbourg 13 12 12 14 17 24 21 23 20 18 23 25 31 31 FRANCE Dijon Lyon Bordeaux Ajaccio Toulouse Montpellier Marseille MAX 18 16 15 21 18 18 19 27 32 22 29 26 30 27 9 9 7 4 4 5 5 3 4 9 2 5 3 7 2 1 8 SUDOKU 3075 DIFFICILE 8 7 1 5 4 9 2 6 2 7 5 6 8 9 3 1 4 2 9 7 8 3 5 1 4 8 1 9 3 7 4 6 5 2 1 4 5 6 9 2 7 8 3 3 4 6 1 5 2 7 8 9 2 5 4 3 6 9 8 7 1 4 8 1 9 2 6 5 7 3 7 9 3 8 1 5 4 6 2 9 3 7 5 4 8 2 6 1 8 1 6 2 4 7 3 5 9 6 5 2 7 1 3 4 9 8 5 7 1 9 3 6 2 4 8 1 6 3 2 9 5 8 4 7 4 3 8 5 2 1 6 9 7 5 9 8 4 3 7 1 2 6 9 6 2 4 7 8 1 3 5 7 2 4 8 6 1 9 3 5 Solutions des grilles d’hier ON S’EN GRILLE UNE? 2 3 4 II III IV IMPRESSION Midi Print (Gallargues) POP (La Courneuve) Nancy Print (Jarville) CILA (Nantes) VIII V VI IX X XI 1 5 6 1 9 6 3 4 7 3 I 6 8 8 6 3 6 4 4 3 9 6 5 Petites annonces. Carnet Team Media 25, avenue Michelet 93405 Saint-Ouen cedex tél.: 01 40 10 53 04 [email protected] 5 6 7 8 9 Par GAËTAN GORON HORIZONTALEMENT I. Versets versant dans la monotonie II. Les autres ; Eaux-de-vie au MoyenOrient III. Travailles la terre avec des pieds impatients IV. Adresse à base de points et de nombres ; Il reçoit le câble ; Avec Arthaud à la barre V. Homme qui court après les dames VI. Une couleur de la France en 1998 ; L’ego système VII. Bonnes opinions VIII. Vieilles habitudes ; Le motard mord sans elles ; Il porte une charge IX. Blancs X. Un acronyme contre trois maladies ; Entre les digues XI. Provisoirement sans règles Grille n°329 Neige Faible MIN 7 3 3 9 3 4 5 1 2 4 SUDOKU 3075 MOYEN 15 FRANCE 4 6 1 4 2 8 Directeur administratif et financier Grégoire de Vaissière Directrice Marketing et Développement Valérie Bruschini Service commercial [email protected] Imprimé en France Soleil ◗ SUDOKU 3076 DIFFICILE 5 7 3 VII 0,6 m/17º -10/0° Agitée ◗ SUDOKU 3076 MOYEN Rédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition), Grégoire Biseau (France), Lionel Charrier (photo), Cécile Daumas (idées), Matthieu Ecoiffier (web), Jean-Christophe Féraud (futurs), Elisabeth Franck-Dumas (culture), Didier Péron (culture), Sibylle Vincendon et Fabrice Drouzy (spéciaux). PUBLICITÉ Libération Medias 23, rue de Châteaudun, 75009 Paris tél.: 01 44 78 30 67 Orléans Nantes 0,6 m/19º Strasbourg Brest Orléans ZOOTOPIE disponible en VOD. ABONNEMENTS abonnements.liberation.fr [email protected] tarif abonnement 1 an France métropolitaine: 391€ tél.: 01 55 56 71 40 Lille 1 m/15º Caen Cogérants Laurent Joffrin Marc Laufer Directeur artistique Nicolas Valoteau 20h30. Bruno Le Maire, l’affranchi. Documentaire. 21h30. Débat. 22h00. Bibliothèque Medicis. Magazine. 0,3 m/15º Principal actionnaire Altice Média Group France Rédacteurs en chef Christophe Boulard (technique), Sabrina Champenois, Guillaume Launay (web). L'activité orageuse devient moins sensible et concerne principalement le nord-est du pays. Ailleurs, près des côtes de la Manche et de l'Atlantique, les nuages sont nombreux. L’APRÈS-MIDI Une tendance orageuse se maintient dans l'est, avec une baisse des températures. Le temps est ensoleillé en Méditerranée où le vent souffle et les températures affichent jusqu'à 31 °C. Lille 0,6 m/15º IP 04 91 27 01 16 20h55. Ink Master The rivals. Divertissement. Deux de trop. Tatoue mon oosik. 22h30. Ink Master The rivals. Divertissement. 21h00. Le grand match. Divertissement. Spécial records. 23h15. TPMP refait l’année !. Divertissement S’il y a une chose à retenir de Zootopie des studios Disney, c’est qu’il s’agit du film d’animation le plus drôle depuis que Pixar a révolutionné le genre. Zootopie, c’est la cité futuriste peuplée d’animaux «civilisés» dans laquelle débarque Judy, jeune lapine éprise de justice. Elle intègre l’académie de police mais doit trouver sa place dans un monde faussement égalitaire où les postes importants sont occupés par les plus forts. Et se fait aider par un renard pour résoudre une sombre histoire d’animaux qui reviennent à leur état sauvage. Alors oui, elle est politiquement correcte, cette histoire d’amitié contrenature qui transpose les petites vexations de notre quotidien au monde animal. Mais qu’est-ce qu’on se marre. Le préposé à cette chronique a rarement autant ri devant un film et – ce qui est rare – aux mêmes endroits que les Gremlins qu’il accompagnait. Le double discours habituel n’est plus si important pour les adultes cherchant un prétexte pour venir sans leurs enfants. Bien après, impossible de ne pas sourire en se remémorant les paresseux-bureaucrates ou les loups incapables de s’empêcher de hurler… comme nous de rire. DAVID CARZON Directeurs adjoints de la rédaction Stéphanie Aubert David Carzon Alexandra Schwartzbrod NUMÉRO 23 D8 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 15 560 250 €. 23, rue de Châteaudun 75009 Paris RCS Paris: 382.028.199 Directeur en charge des Editions Johan Hufnagel CHÉRIE 25 20h55. Femmes de loi. Série. Amour fou. 22h50. Femmes de loi. Série. Beauté fatale. Fauve qui peut Directeur de la publication et de la rédaction Laurent Joffrin 20h55. Dolmen. Série. Épisode 5. 22h45. Dolmen. Série. Épisode 6. NRJ12 www.liberation.fr 23, rue de Châteaudun 75009 Paris tél.: 01 42 76 17 89 Directeur général Richard Karacian 20h55. Norbert commis d’office. Divertissement. Norbert commis d’office - Ils reviennent !. 22h00. Norbert commis d’office. 20h55. Enquête d’action. Magazine. Nice : des urgences sous haute tension. 20h55. Enquête d’action. Magazine. Urgence extrême : les anges gardiens de nos vacances. Des orages peuvent éclater dans le centreouest. Un air plus frais concerne le nord-ouest du pays ainsi que les côtes de la Manche. L’APRÈS-MIDI Des orages parfois forts s'étendent des Pyrénées aux frontières du nord-est. Dans le nord-ouest, le temps devient plus variable avec des éclaircies. La forte chaleur persiste à l'est du Rhône. 0,6 m/14º HD1 20h45. Les Grosses Têtes. Divertissement. 2 épisodes. 23h15. Les Grosses Têtes. Divertissement. W9 ARTE u 25 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe MONDE MIN MAX Alger Bruxelles Jérusalem Londres Berlin Madrid New York 20 20 25 15 22 22 15 24 23 36 21 34 33 26 Membre de OJD-Diffusion Contrôle. CPPAP: 1120 C 80064. ISSN 0335-1793. La responsabilité du journal ne saurait être engagée en cas de nonrestitution de documents. Pour joindre un journaliste par mail : initiale du pré[email protected] VERTICALEMENT 1. Lu et approuvé par les gourmands 2. Elle peut entraîner une explosion 3. Base ; Annonce de la perte d’un point ; Réservoir à sable 4. Ils donnent envie de se gratter 5. Elles se garnissent de pains ; Zlatan y a fait ses débuts 6. Il gagne à être connu ; L’une des Cyclades 7. Grade de combattant ; Elles nous font tous rougir 8. Cet autrement ; Il trouve les enfants craquants 9. Il est dans une dynamique positive ; Il a des comptes à rendre Solutions de la grille d’hier Horizontalement I. ÉCHIQUIER. II. URUBU. AXE. III. RIMMEL. IS. IV. ÔTÉ. MIELS. V. DIRHAMS. VI. ÉQUINE. PS. VII. PUS. DEALS. VIII. UE. NESSIE. IX. TENDU. PEU. X. ULSTERS. XI. STÉRÉO. AE. Verticalement 1. EURODÉPUTÉS. 2. CRITIQUÉE. 3. HUMÉRUS. NUE. 4. IBM. HI. NDLR. 5. QUÉMANDEUSE. 6. LIMÉES. TO. 7. IA. ÈS. ASPE. 8. EXIL. PLIERA. 9. RESSASSEUSE. 26 u MODE Libération Vendredi 24 Juin 2016 Si chics types Défilés hommes printemps-été 2017 Lélégance règne sur les podiums, déclinée du moine au glam. Par SABRINA CHAMPENOIS et ELVIRE VON BARDELEBEN Photos RÉMY ARTIGES RICK OWENS LA TRANSITION EN MAJESTÉ Dans le sous-sol du Palais de Tokyo qu’il affectionne et dont la poésie de béton brut lui va comme un gant, Rick Owens aime envoyer du gros son, tellurique. Cette fois, c’est l’ode écologique After the Gold Rush de Neil Young qui a enveloppé l’assistance, avec un effet élégiaque renversant. «J’aime voir dans cette chanson une façon de négocier gracieusement les transitions inévitables», expliquait le créateur américain mais résident parisien dans un communiqué, après avoir rappelé que «la mode consiste à refléter le changement, et des changements sont en train de se produire […], se raccrocher au familier ou plonger avec enthousiasme dans l’inconnu : j’aime à penser qu’aucune de ces options n’est mauvaise». Intitulée «Morse» (l’animal, walrus en VO), sa collection allie de fait les deux : les pantalons XXL et ultralongs (ils sont conçus pour qu’on marche dessus), ou les grandioses drapés en coton, soie, taffetas, avec lesquels Owens protège et reconstruit la silhouette, sont une de ses constantes, pour l’homme comme la femme. Les mini-blousons en cuir ultracintrés qui font une taille de guêpe tandis que le bas (un pantalon à pans japonisants) s’évase façon crinoline relèvent de la nouveauté, somptueuse. De cet équilibre émergent des néomoines shaolin d’une majesté troublante: comme un pari existentiel. Pantalons ultralongs et élégants drapés pour Rick Owens, jeudi au Palais de Tokyo. Libération Vendredi 24 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 27 LOUIS VUITTON L’ÉCHO DES SAVANES En ce qui concerne la chaleur, la cour du Palais-Royal, où se déroulait le show Vuitton, était plutôt raccord avec le thème du défilé : l’Afrique. Le sujet peut sembler large, mais le designer aguerri Kim Jones a fait preuve cette fois encore d’une acuité qui le préserve des clichés (pas de manteau panthère à signaler ici). Tout au long du défilé, le Londonien a infusé une touche britannique via des éléments punk qui contrastaient joyeusement avec l’esprit de la savane. L’Afrique est évoquée via des peaux exotiques, des sahariennes délavées, des imprimés déformés – mention spéciale à la girafe XXL, très convaincante – dans des couleurs originales (beaucoup de bleu) et utilisées sur des matériaux inattendus, comme le mohair. Au milieu se glissaient du tartan, des Zips qui filaient le long de la jambe, des vestes de bikers et pas mal de piercings. Malgré sa fantaisie, l’ensemble reste conforme aux standards de Vuitton, qui fait toujours la part belle au tailoring, aux vêtements sobres et pratiques qui constituent la garderobe idéale du workingman moderne, celui rêvant d’évasion entre deux réunions. Défilé Vuitton au Palais-Royal, jeudi. HAIDER ACKERMANN AIRS DE FÊTE POUR ÉPOQUE DÉFAITE A quelques minutes près, c’était sous la pluie que défilaient mercredi soir les hommes de Haider Ackermann, dans la jolie cour du palais Galliera. Le spectateur aurait sans doute modérément apprécié la douche. Ça aurait néanmoins eu de la gueule et amplifié l’état d’esprit hédoniste qui se dégageait de cette collection. Car s’il y a toujours de la langueur dans les défilés de Haider Ackermann, voire de la lenteur, comme une invitation à lever le pied dans ce monde affolé, on percevait cette fois un élan programmatique: «L’époque est moche? Soyons beaux, vivants, sortons, aimons.» Alors coiffons nos cheveux en arrière, gominons-les pour ressembler à un acteur des années 40, entre Rudolph Va- Bomber couleur flamant rose chez Haider Ackermann, mercredi au palais Galliera. lentino et Louis Jouvet, et enfilons les habits de lumière: pantalon ultraslim bicolore (une jambe noire, l’autre blanche) ou à fronces avec bande sur le côté façon tuxedo, des chemises de flamenciste, un bomber noir à dorures ou rose poudré souligné de jaune, un blouson de motard noir comme gagné par une marée rouge, un caftan bleu roi à motifs floraux… ça flamboie mais à la Ackermann, arty. Aux pieds, des mocassins-tiags pointus. Ou alors des claquettes. L’important est d’être de la fête. BALENCIAGA DEMNA GVASALIA INVOQUE CRISTOBAL Plein soleil sous le toit-verrière du lycée privé Saint-Louis-de-Gonzague, Paris XVIe : on a suffoqué, mardi, en attendant la première collection de Demna Gvasalia pour Balenciaga. Mais personne n’aurait laissé sa place : ces débuts du wonderboy-tête de pont du collectif Vetements, qui fait bouger les lignes de la mode depuis 2014, étaient attendus tel un accouchement. Qu’allait donner son alliance avec une maison que Nicolas Ghesquière a alimentée de sa maîtrise visionnaire de 1997 à 2012, avant que l’as californien du streetwear Alexander Wang reprenne le flambeau sans convaincre, trop fidèle à lui-même, pas assez dans la greffe ? Le bébé Balenciaga-Gvasalia est intéressant, prometteur. La note d’intention («Le cœur de cette collection est la transformation par la coupe») posée sur les sièges l’annonçait, le défilé l’a confirmé: le jeune créateur géorgien passé par Margiela et Vuitton se place résolument dans le sillage de Cristobal Balenciaga lui-même, grand architecte du vêtement s’il en est. Avec ce mot d’ordre: «manipulation», du tissu d’un côté, du corps de l’autre. Ce qu’on a vu: des silhouettes hypergraphiques, fines comme la lame, perchées sur des bottes et exagérément carrées des épaules, du zazou à pantalon large, taille haute, bomber façon jockey et chaînette à la hanche, de grands manteaux en cuir comme empruntés à la Stasi, de jolis clergymen à écharpe dorée (Balenciaga était catholique pratiquant). Le côté fripes qu’affectionne Vetements est présent, et on retrouve le côté sale gosse-franc-tireur dans certaines propositions (le costumepantacourt avec bottes 70, comment dire…). Dans le même temps, Demna Gvasalia réinfuse ce faisant un tranchant dans Balenciaga. Une réelle implication: c’est ce qui manquait dans la période Wang. 28 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 The Primate Trilogy, de Jacopo Godani. PHOTO DOMINIK MENTZOS Dans la solitude des grands plateaux Danse contemporaine Déplorée par de nombreux programmateurs, la pénurie de créations grand format adaptées à leurs salles raconte en creux l’évolution de la discipline depuis les années 80. pièces de plus de six interprètes). C’est surtout qu’ils sont rares à pouvoir remplir une salle de 1 000 places sans sombrer dans le blockbuster pompier. Bien sûr, on pourra toujours citer les principales locomotives, ceux qui parviennent (et encore, pas toujours) à combiner popularité et exigence artistique: Angelin Preljocaj, Philippe Decouflé, Mourad Merzouki, Sidi Larbi Cherkaoui (qui réunit au Festival d’Avignon 22 danseurs pour la recréation de Babel dans la cour d’honneur du palais des Papes), rejoint plus récemment sur les scènes françaises, notamment par l’Israélien installé à Londres Hofesh Shechter. Mais quid du renouvellement? PÉRIODE D’INTROSPECTION La question semblera abstraite concernant le Théâtre de la Ville de Paris, qui dispose d’un volet d’abonnés suffisamment nombreux, fiPar dèles et aventureux pour accueillir dans sa ÈVE BEAUVALLET grande salle de nouvelles figures. Mais, dans le réseau des scènes nationales, autrement u secours, j’ai pas de chorégraphe préoccupées par la question du public, elle pour mon grand plateau!» Depuis fait s’arracher les cheveux des programmaquelques années, Patrick Sal- teurs, au rang desquels Matthieu Banvillet, mon, chargé de diffusion dans le secteur cho- chargé de faire vivre le grand plateau du régraphique, entend cette phrase en leitmotiv Quartz de Brest avec, en face, un monstre dans la bouche de nombreux programma- de 1 500 places à remplir. «La question nous teurs. Et en effet, depuis la dispatravaille pour l’ensemble de la saison rition des monstres sacrés de la ENQUÊTE mais concernant le festival Dansfadanse contemporaine (Pina brik –où l’on est à l’endroit de la créaBausch, Merce Cunningham) ou la mise en tion et de l’expérimentation –, elle devient veille de ceux qui restent (William Forsythe, presque insoluble ! commente t-il. Si je veux Jiri Kylian), il deviendrait de plus en plus programmer des grands ou moyens formats de compliqué de trouver des créations chorégra- Boris Charmatz ou Christian Rizzo, où les préphiques adaptées au gigantisme de certains senter? Dans la grande salle, je sais que ce sera équipements culturels. Non pas que les cho- difficile de toucher un très grand public, même régraphes ne produisent plus du tout de avec Maguy Marin ! Et dans notre salle de grands formats (même s’il se crée moins de 300 places, ça ne rentre évidemment pas. Ce «A Libération Vendredi 24 Juin 2016 En partie tournée vers l’ensemble du bassin méditerranéen, la 36e édition du festival Montpellier Danse donnera aussi l’occasion de découvrir le travail de l’ancien danseur et assistant de William Forsythe, Jacopo Godani. Et de retrouver des figures bien connues du festival, comme Nacera Belaza ou Emmanuel Gat. On pourra également voir la création très attendue de Christian Rizzo, développée autour des danses de club. Montpellier Danse (34). Du 23 juin au 9 juillet. Rens. : www.montpellierdanse.com CHANGEMENT D’ÉCHELLE Toutefois, reste à savoir comment encourager la diversité des formats. Au Théâtre de la Ville, le plateau des Abbesses (le second plateau, plus petit, avec une salle de 400 places) joue entre autres un rôle d’incubateur. «Des chorégraphes comme Christian Rizzo ou Rachid Ouramdane ont formidablement passé le cap du grand plateau», vante Claire Verlet. Un changement d’échelle qui génère parfois une inflexion de l’esthétique. Et ce «cap» ne va pas sans risques. «Si un jeune artiste veut ibération Samedi 25 et Dimanche 26 Juin 2016 faire une pièce avec beaucoup d’interprètes au plateau et que son projet est articulé, je pense qu’il sera écouté par les programmateurs, admet Noé Soulier. Mais ce n’est pas sûr qu’il arrive à concevoir un projet à cette échelle s’il n’a jamais fait l’expérience des grands plateaux, sur lesquels il est très compliqué d’obtenir de vrais temps de répétition.» Qui, alors, pour leur donner l’occasion de se tester ? Réponse à l’unisson dans la profession: les ballets, ces compagnies de répertoire et de création comptant une trentaine de danseurs permanents. «Les compagnies comme le Ballet de Lorraine, le Ballet de Lyon ou le Ballet de Nancy mènent depuis quelques temps une formidable politique en faveur de la création contemporaine», explique Claire Verlet. En passant commande à des chorégraphes comme François Chaignaud, Tania Carvalho, Noé Soulier, Cindy Van Acker... Une équation qui nécessite peut-être des ajustements – davantage de temps de création, notamment ? – mais qui a l’avantage d’inciter les chorégraphes contemporains à se frotter au plus grand public et aux plus grands formats. Là où l’idée, pour certains, ne leur serait peutêtre pas venue. • u 51 www.liberation.fr facebook.com/liberation @libe Images MUSIQUE LIVRES VOYAGES FOOD Libération Samedi 25 et Dimanche 26 Juin 2016 u 27 www.liberation.fr facebook.com/liberation @libe Libération Samedi 25 et Dimanche 26 Juin 2016 Page 30: Plein cadre / Massage thaï Page 33: Ciné / Kenneth Anger, potins artistiques Page 34 : Série/ «Bureau des légendes», le tabac www.liberation.fr facebook.com/liberation @libe u 37 Page 39 : On y croit / Throws Page 40 : Cinq sur cinq / Top-models et pop music Page 42 : Casque t’écoutes ? / Jack Lang Enfants de cello Madeon, 22 ans aujourd’hui et 16 ans à l’époque de son premier succès, ici à la Gaïté lyrique à Paris, le 3 avril 2015. PHOTO YANNICK RIBEAUT. DALLE Evidemment, rien de problématique d’un point de vue artistique, sauf à considérer, comme le souligne le jeune chorégraphe Noé Soulier, «qu’une sonate pour piano soit moins intéressante qu’une symphonie. Si on regarde l’histoire de la danse, les figures les plus marquantes ne sont pas nécessairement celles qui ont fait des grandes formes. Simone Forti, Yvonne Rainer, Steve Paxton ont eu un impact infinimenent supérieur à celui de Maurice Béjart sur la création contemporaine.» Et côté économie ? Moindre mal pour les scènes pluridisciplinaires qui disposent de la parfaite typologie de salles. Pour les autres, l’option reste de reconfigurer une grande salle pour la transformer en moyenne jauge, et d’accepter le coût qui va avec. Côté festivals, comme celui de Montpellier Danse, tenir l’équilibre financier nécessite un certain doigté: «Lorsque la ville a construit le Corum [2000 sièges, ndlr], ça a modifié en profondeur l’économie du festival : on s’est mis, non pas à gagner de l’argent, mais, du moins, à ne plus en perdre, explique Jean-Paul Montanari. Alors louper la programmation dans cette grande salle, c’est handicaper le fonctionnement du festival. On y arrive – cette année, on découvre par exemple le Grec Dimitris Papaioannou– mais c’est parfois compliqué.» Surtout, la pénurie de grands formats suffisamment fédérateurs poserait un problème d’un autre ordre. «Je suis profondément persuadé que c’est sur les grandes scènes, avec beaucoup de monde en face, que se légitime la présence de la danse dans une ville, commente encore Jean-Paul Montanari. Sinon, ça reste un art de recherche, destiné à n’être vu que par une centaine de spectateurs.» Le chorégraphe Noé Soulier acquiesce, tout en soulignant l’existence aujourd’hui de nouveaux modes de visibilité de la danse, que ne connaissait pas la génération des années 80. Comme le Net, évidemment, espace qui, si tant est qu’on l’utilise à bon escient, pourrait jouer son rôle. «Il y a plus de gens qui connaissent mon travail en l’ayant vu sur YouTube qu’en l’ayant vu en salle», conclut Noé Soulier. Libération Samedi 25 et Dimanche 26 Juin 2016 Electro, la fièvre jeune u 43 www.liberation.fr facebook.com/liberation @libe 46 : Thomas Hürlimann/ 40 roses à perpétuité 47 : Sophie Chauveau/ Pervers de père en fils 50 : Jérôme Orsoni/ «Comment ça s’écrit» Terminus la banalyse Retour sur une aventure collective Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL P ar quoi commencer : par la chose ou par sa glose? Par le baptême de la banalyse en 1982 ou sa résurgence en 2016? Commençons banalement par le livre, une somme rondelette de 508 pages, résultat de trois années de travail et d’enquête pour rassembler les archives de ce mouvement méconnu et retrouver des spécimens encore vivants. L’enquête a mené les concepteurs de l’ouvrage jusqu’à Prague, c’est dire. Ce panorama complet, réalisé à partir de 2,5kilomètres de linéaires de papiers, a été mis en forme avec la plus pure exigence banalytique par Cdrc Lchrz, patronyme imprononçable et farfelu sous notre latitude. Ce n’est pas la seule incongruité de l’affaire. Inutile de chercher dans les pages un historique circonstancié de cette aventure ou des points de vue critiques argu- mentés. «Nous ne voulions pas faire le récit d’un mouvement essentiel de la fin du XXe siècle, défend Thierry Kerserho, son éditeur et par ailleurs invité n°1034 –et dernier– du Congrès ordinaire de la banalyse, ce qui explique sans doute sa partialité enthousiaste. «La meilleure chose était de rendre enfin public des documents Le 23 juin 1984, 13 h 36, premier accueil d’invités au Congrès ordinaire de banalyse. Cliché Polaroïd. PHOTO YVES HÉLIAS MONTPELLIER DANSE FRAÎCHEUR ET TRANSCENDANCE ÉQUILIBRE FINANCIER CULTURE/ Ma Vie de Courgette de Claude Barras, prix du public et Cristal du long métrage pour la dernière édition du festival d’Annecy. PHOTO DR gnies – Bill T Jones, Trisha Brown, Lucinda Childs, etc.– faisaient les beaux jours des immenses salles est révolu! C’est qu’aujourd’hui, les espaces muséaux, les espaces extérieurs semblent davantage inspirer les chorégraphes héritiers de la performance que les grandes scènes avec 24 mètres d’ouverture et 1800 personnes en face.» Pour diverses raisons, en effet, la plupart des créations actuelles s’adaptent mieux aux jauges intermédaires ou petites. «Dans les années 90, explique Pascale Henrot, directrice de l’Onda, les chorégraphes ont commencé à s’exprimer davantage en termes d’“états de corps” que d’écriture du mouvement, en termes de représentation des sensations plutôt que de projection dans l’espace.» Cette période d’introspection de la danse a poussé les chorégraphes héritiers de la performance (la génération des Boris Charmatz, Loic Touzé, Jérôme Bel) à s’éloigner sciemment des grandes scènes, plus adaptées à la tradition du ballet et de ses formes lisibles, pensées pour être vues de loin. Une tendance encore vivace aujourd’hui, même si depuis quatre ou cinq ans, une nouvelle génération d’artistes, à l’instar de Jan Martens, d’Alessandro Sciarroni ou de Mette Ingvartsen, s’intéresse de nouveau aux plus grands formats. «L’idée de groupe, de communauté, revient peu à peu», confirme Claire Verlet, adjointe à la programmation du Théâtre de la Ville (Paris IVe). Mais dans un contexte économique morose pour les artisteschorégraphes (ils doivent notamment réunir de plus en plus de coproducteurs pour monter leurs spectacles). «Il reste plus facile pour une compagnie indépendante de monter une petite forme, poursuit Pascale Henrot. Elles sont moins compliquées à vendre.» Difficile, donc, de savoir qui de la poule ou de l’œuf : est-ce que ce sont les conditions économiques qui ont déterminé une certaine esthétique ou bien les problématiques artistiques qui ont appelé des formats plus intimistes ? Est-ce que ce sont les conditions économiques qui ont déterminé une certaine esthétique ou bien les problématiques artistiques qui ont appelé des formats plus intimistes? n’est absolument pas une histoire de qualité, c’est que la salle idéale pour la danse, aujourd’hui, c’est un 500-600 places. Et nous, on ne l’a pas.» Les grands équipements culturels seraient-ils devenus inadaptés à la réalité de la création chorégraphique ? Loin d’être uniquement technique, la question des grands plateaux – disons surtout des grandes jauges – qui fit l’objet d’une table ronde organisée par l’Office national de diffusion artistique (Onda) en février, raconte en creux l’évolution de la danse contemporaine depuis les années 80. «La danse évolue et elle n’évolue pas vers ces formats, constate Jean-Paul Montanari, directeur du festival Montpellier Danse (lire ci-contre) qui s’ouvre ce week-end. Prenez les Américains: le temps où leurs grandes compa- u 29 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe que personne n’avait vus. J’ai l’impression de mettre à disposition un trésor perdu.» Banalyse…le mot et la chose n’évoquaient rien pour le profane qui aime pourtant se risquer sur le bizarre. C’est ainsi qu’il s’invita dans la chose. Tout commençait par une invitation. «La première Suite page 44 C’est le week-end Rendez-vous chaque samedi dans 30 u Libération Vendredi 24 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR CULTURE/ Du genre classique L’actualité choisie de la grande musique traitée en de petites formes. Cette semaine, retour sur le match de foot-concert EspagneCroatie à la Philharmonie de Paris, du Brahms à toutes les sauces, des metteurs en scène de cinéma qui passent à l’opéra, un quiz… Arrangements #011, 2016, de Michel Houellebecq. PHOTO COURTESY DE L’ARTISTE ET AIR DE PARIS, PARIS bleu nuit et motifs marbrés sur les murs, distributeurs de paquets de clopes et bar noir, installé au cœur du parcours comme lieu de vie; ou encore, version sage et régressive, cette salle de lecture, avec en vitrine un exemplaire du Club des cinq ou de Lassie, chers romans de la jeunesse de l’auteur. L’expo est planifiée pour livrer l’image in vivo de la matrice créative de Houellebecq. Tunnel gris. Elle est aussi un parc CÉNOTAPHE Houellebecq s’enterre tout l’été L’écrivain s’est investi corps et âme à remplir un espace de 2 000m2 du Palais de Tokyo en y parsemant les traces floues de ses fixations narcissiques. Florilège. I naugurée par la photographie d’un coucher de soleil sur la ville, frappée des mots «Il est temps de faire vos jeux», l’exposition de Michel Houellebecq au Palais de Tokyo s’aborde, à cet endroit-là du seuil, avec pas mal de doutes quant à ce qu’on va y voir. Des photographies de l’écrivain (qu’il a déjà eu l’occasion de montrer à Paris, en septembre, dans l’espace municipal du Carré Baudoin), certes. Mais le format premium de l’exposition qui occupe quelque 2000 m2 (une aire à laquelle la plupart des artistes contemporains ne rêvent même pas) augure d’autre chose. «Plutôt qu’une exposition, c’est une installation de Michel Houellebecq», proclame Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo. Le terme, malléable à souhait, suggère un déploiement, dans un espace ambiancé, avec images et volumes, sons et lumières, de ses romans, par ailleurs déjà adaptés, déclinés, transvasés au cinéma (des extraits de la Possibilité d’une île, réalisé en 2008, sont diffusés) en concerts performés (des morceaux de textes chantés par Houellebecq ou d’autres sont de même diffusés). C’est ça et autre chose encore: une exposition aventureuse qui prétend tenir les promesses du genre de l’installation totale –progression dans une architecture à chausses-trape et digression thématique formant une espèce de parcours initiatique–, tout en assumant une part de maladresse, de sincérité désarmante qui vire à la ringardise. Cartel doré. Ainsi une poignée de photographies sont floues, sans que ce flou soit voulu, c’est-à-dire artistique. Même si elles sont objectivement ou techniquement ratées, Houellebecq les as jugées bonnes. C’est à cette aune-là, du hasard et du «bon à prendre quoi qu’il en soit», que l’exposition se donne à voir. La preuve: les quelques artistes invités ne font pas partie du gotha de l’art contemporain mais, plus ou moins, de la vie de l’écrivain. A l’image de Renaud Marchand, dont la bio évasive révèle succintement qu’il «s’accepte finalement comme artiste après avoir été journaliste, photographe, designer, producteur, restaurateur et entrepreneur»: il montre un portrait a minima des héros de la Possibilité d’une île, Esther et Daniel, réduits à leur consistance organique (des bonbonnes d’oxygène et des flacons remplis d’éléments chimiques) que lui avait spontanément inspiré la lecture de l’œuvre et qu’il avait adressé à l’auteur. Lequel a récupéré aussi ce petit autel bricolé en canettes de Coca serties d’amulettes et de bracelets, avec au centre un crâne et un cartel doré –anticipation de sa propre mort («1959-2037» est-il inscrit) par un admirateur anonyme. Au titre d’invité illustre, figure sur- tout Combas, roi de la figuration narrative, mouvement pictural passé à la trappe de l’air du temps en même temps que les punks. Plus que ses toiles, cimentant textes (de Houellebecq) et motifs grotesques dans l’épaisseur de la peinture colorée, l’artiste montre surtout le cagibi qui lui sert de refuge à la maison. Une pièce pleine de vinyles et de revues qui fait office de batterie : un lieu où il se recharge. Ce déménagement est une idée de Houellebecq, et le box, son œuvre donc. Bar noir. C’est dès lors un des modes d’emploi d’une expo qui se rêve en représentation habitée, domestiquée, revitalisée du moment (lent, emmerdant, hasardeux) de la création ou de la quête d’inspiration. D’où l’étalage des outils de travail de l’écrivain: un calepin, une caméra, un appareil photo et un stylo lévitant dans une haute vitrine en face de photos (dont une floue) d’un Bouddha (symbole de la nécessaire élévation spirituelle de l’écriture). D’où encore ce fumoir, moquette à thèmes où son imaginaire réaliste et terre-à-terre, résigné et fier de l’être, est illustré, salle après salle. Village-vacances et resort avec piscine en Espagne (vue sur le tourisme de masse), puis villages pittoresques de la France profonde parasités par le volume cubique d’un supermarché discount, puis aires d’autoroute, puis barres cagesà-poules de villes nouvelles, puis paysages désertiques rocailleux pour l’échappée vers un horizon post-humain, soulignée par des vers définitfs énonçant «Nous habitons l’absence». Tout le Petit Houellebecq illustré est là, baignant dans une lueur crépusculaire (on n’y voit rien), même et surtout dans cet interlude érotique et palpitant, d’une salle tapissée par Maurice Renoma, couturier de la varièt des années 60, qui a exprès conçu un papier-peint au motif noir et blanc de poils de pubis. Avant la sortie, en forme de tunnel gris, où même les photographies embourbées dans leur propre grisaille, sous-éclairées et qui plus est accrochées sur des pans de murs trop étroits, il y a une salle lambrissé et moquetté de tartan où, sous vitrine, trônent les jouets de Clément, le chien défunt, si chèrement aimé et regretté, par Michel Houellebecq et son ex-compagne. L’hommage ne serait pas complet sans un Powerpoint faisant défiler les images de Clément sur une bande-son assurée par Iggy Pop. Ça finit donc sur un hommage funèbre qui teinte l’ensemble d’une atmosphère de funérailles. Et l’on s’est demandé si, aux côtés de Clément, ce n’était pas à l’art contemporain, ses ambitions, ses manières de triturer les formes, que le Palais et Houellebecq faisait un enterrement. JUDICAËL LAVRADOR MICHEL HOUELLEBECQ RESTER VIVANT Palais de Tokyo, 75016. Jusqu’au 23 septembre. Rens. : palaisdetokyo.com Libération Vendredi 24 Juin 2016 À VOIR u 31 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Caritatif Le Théâtre de l’Atelier (Paris XVIIIe) ouvre ses portes, le jeudi 30 juin, pour «Dis-moi, chante-moi d’où tu viens», une soirée exceptionnelle au profit de France terre d’asile. Avec notamment, en première partie, une lecture de Lampedusa Beach de Lina Prosa, par Romane Bohringer (photo), dans une mise en scène d’Irina Brook. PHOTO AP Théâtre de l’Atelier, 1, pl. Charles-Dullin, 75018. Rens. : www.theatre-atelier.com Performances En lien avec l’exposition «Un art pauvre» (lire Libération du 20 juin), le centre Pompidou accueille ce week-end deux performances : les Métamorphoses du cercle, du duo EW (Arnaud Gonnet et Martin Roehrich), inspiré des travaux du philosophe américain John Searle, et Constructionisme, de Marius Schaffter et Jerome Stünzi, représentation aux allures de conférence. Rens. : www.centrepompidou.fr THÉÂTRE Dans l’épate de Garrincha Recréation à Lyon de «Monsieur Armand», rival fantasmé du légendaire footballeur. A u panthéon des mythes fracassés du ballon rond (George Best, Moacir Barbosa, Paul Gascoigne…), avouons une tendresse particulière pour Manoel Francisco dos Santos, passé à la postérité sous le surnom de «Garrincha». Un joueur comme il ne pourra plus jamais en exister, à l’ère de la cryothérapie: 169 centimètres voués à une fascinante danse de SaintGuy (conséquence d’une malformation congénitale, avec deux jambes arquées, dont l’une plus courte que l’autre) qui rendait chèvre tous les adversaires. Garrincha possédait un dribble d’ailier imparable, quoique toujours à droite, diaboliquement assorti à une vie sur le fil du rasoir, entre grâce ultime et déchéance absolue : issu d’une famille nombreuse et misérable, il fera se prosterner les foules, serrera les mains les plus illustres et épousera la «chanteuse du millénaire», Elza Soares (toujours en activité, à l’approche des 80 ans !). Egalement obsédé sexuel, simplet, dépressif interné et pochetron invétéré, le messie du Brésil – inscrit par la Fifa (Fédération internationale de football) dans son onze mondial du XXe siècle –, finira à 49 ans dans la dèche, en 1983, au terme de quatre jours et nuits de biture. Personne, du temps de sa splendeur, n’ayant pu rivaliser sur un terrain avec Garrincha, l’auteur Serge Valletti a eu l’idée de lui inventer comme un jumeau de génie: monsieur Armand. En l’occurrence, un oncle, cador de la Cannebière plausible (l’action se situant un demi-siècle avant l’OM version 2016) en rodomont à crampons expliquant pourquoi, précisément, il refusa autrefois d’affronter l’idole, afin de ne pas la déboulonner, lui qui s’était taillé une sacrée réputation en cassant, d’un tir surpuissant, les deux poignets d’un gardien de but. Ou comment, par un tour de passe-passe quasi fictionnel, la vraie légende (!) de Botafogo devient le faire-valoir d’un type lui aussi porté sur la bouteille, qui se répand en digressions («je sais pas pourquoi je vous raconte tout ça») passant autant par l’évocation d’un «distributeur automatique de bas» (une belle arnaque, soit dit en passant), que par celle d’une blessure occasionnée par la flèche qui faisait office de clignotant sur les vieilles Peugeot 203. Eric Elmosnino a créé en 2001 le rôle-titre de la pièce de Serge Valletti. PHOTO PAUL BOURDREL Appuyant volontiers sur la touche nostalgique, avec ses «cadrans de téléphone qui avaient des lettres et des chiffres», le spectacle mis en scène par Patrick Pineau a été créé en 2001. Quinze ans plus tard, en écho à l’Euro (lire cidessous), il revient à l’affiche avec le même comédien dans le rôle-titre, Eric Elmosnino. Une fois le public parti, on ra- conte que l’équipe profite du grand écran installé sur le plateau pour regarder les matchs en direct. GILLES RENAULT Envoyé spécial à Lyon MONSIEUR ARMAND DIT GARRINCHA de SERGE VALLETTI Nuits de Fourvière, Lyon. Jusqu’au 30 juin. Rens. : www.nuitsdefourviere.com LES NUITS DE FOURVIÈRE DOIVENT LA JOUER FINE DURANT L’EURO Soudain, une clameur monte dans la nuit rhodanienne : à trois minutes du coup de sifflet final, la Croatie vient d’inscrire le but de la victoire contre l’Espagne et la réaction du public amassé dans la fan zone de la place Bellecour se fait entendre. En ce premier soir d’été, qui coïncide également avec l’indéboulonnable Fête de la musique, les Nuits de Fourvière font relâche. Impossible de lutter face à une si rude concurrence. Sur les hauteurs de Lyon, l’équipe de la Stratégie d’Alice (présenté jusqu’à dimanche) en profite pour faire sa générale, devant les gradins vides de l’Odéon antique, depuis lesquels on discerne la liesse sportive en pleine représentation. De fait, 2016 est une année épineuse pour le festival qui, couvrant l’intégralité des mois de juin et juillet, doit composer avec l’Euro – en plus d’une météo particulièrement dissuasive sur les trois premières semaines. «En quatorze années à la tête du festival, c’est la première fois qu’un événement extérieur a une telle incidence sur le cours des choses, observe le directeur, Dominique Delorme. Les hôtels ayant glonflé leurs tarifs, nos dépenses liées à l’hébergement ont augmenté de 50 % et, avec une dizaine de matchs répartis entre Lyon et Saint-Etienne, la billetterie souffre. Tous les deux ans, il y a un grand tournoi de foot international, Euro ou Mondial ; mais le fait qu’il se déroule en France nous pénalise lourdement.» Encouragées par la métropole, les Nuits ont bien tenté un rapprochement entre sport et culture, avec le spectacle de Serge Valletti.De même, le musée Gadagne accueille l’exposition «Divinement foot». «Mais, observe le conseiller artistique, Richard Robert, le public ne circule que dans un sens : si beaucoup de personnes préfèrent regarder les matchs plutôt que venir au spectacle, à l’inverse, on ne voit pas le moindre supporteur débarquer au festival à l’improviste.» G.R. (à Lyon) VENTES EXCEPTIONNELLES LE MERCREDI 22 JUIN DE 9H00 À 20H30 DU JEUDI 23 AU VENDREDI 24 JUIN DE 9H00 À 18H00 ET LE LUNDI 27 JUIN DE 9H00 À 15H00 PALAIS DES CONGRÈS 2, PLACE DE LA PORTE MAILLOT - PARIS 17E (HALLS NEUILLY ET PASSY A) N° d’enregistrement de la déclaration préalable auprès de la Mairie de Paris : 16-1327 Hermès Sellier - SAS - Capital : 4.976.000 Euros Siège Social : 24 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris - 696 520 410 RCS Paris Libération Vendredi 24 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Virus militant Eve Plenel Structurée et efficace, cette associative de 34 ans vient de prendre la tête du projet Paris sans sida, lancé par Anne Hidalgo. «J’ espère bien que cela ne va pas être la tête de votre article. Ce serait discriminant et minorant», lâche Eve Plenel, avec son vocabulaire qui ne dérape jamais. Bon, disons-le tout de suite, Eve est la fille d’Edwy, ancien directeur du Monde et fondateur du site Mediapart mais aussi celle de Nicole Lapierre, sociologue de talent et auteure à succès. Voilà, c’est fait. Reste… le plus important. Depuis dix ans, Eve Plenel met toute son énergie dans la lutte contre le sida. Et ô bonne surprise, voilà aujourd’hui une militante heureuse. Le visage rayonnant, avec ses cheveux toujours très courts, on le sent, elle le dit, elle est contente d’avoir été nommée à la coordination de Paris sans sida, ce nouveau projet lancé par la maire de Paris, à l’instar de ce qui se fait à San Francisco ou à New York. Contente de son bureau, pourtant perdu au fin fond d’un couloir sinistre d’un immeuble annexe de l’Hôtel de Ville. Contente d’inaugurer ce soir le Checkpoint, qui est un centre de dépistage rapide du sida, destiné aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH). Contente enfin de participer à Solidays, ces trois jours de concert qui commencent ce vendredi à l’hippodrome de Longchamp. L’air de rien, Eve Plenel et quelques autres (comme le jeune président d’Aides) accomplissent un saut générationnel. Et cela fait du bien. On est loin, très loin des magnifiques pionniers qui brisaient les tabous ou des premiers activistes dont la maladie façonnait le visage. «Eve est vive, intelligente, heureuse de travailler, enthousiaste», s’extasie la professeure Christine Rouzioux, virologue historique. «D’avoir envie comme elle a envie, c’est magnifique. Que les gens de notre âge s’effacent et laissent la place, ajoute-t-elle, c’est la meilleure chose qui puisse arriver.» «C’est une bosseuse», surenchérit Christophe Martet, président d’Act Up dans les années noires. «Elle connaît son sujet, et elle est engagée.» Que demander de plus? Eve Plenel tombe à pic, symbolisant la relève. Sa façon de faire est, comme elle dit, de son temps. Ça a un côté «entrepreneuriat social», expression qu’elle aime bien. «Moi, je suis à l’aise dans la construction d’outils pour que les gens fassent. Mettre en place des coordinations, dessiner des axes de travail, de l’engineering, oui, cela me va. Comme j’aime la fonction d’employeur, dans le sens de garantir un cadre de travail efficace et agréable aux gens avec qui je bosse.» C’est elle qui dit encore: «Quand ta famille écrit des livres tous les ans, toi tu fais autre chose. Tu fais des tableaux Excel, par exemple.» C’est donc ce qu’elle fait. Mais reprenons, puisqu’il faut bien un début. Eve a eu une «enfance bourgeoise, confortable, intellectuelle et parisienne». Dans l’appartement familial, défilent les figures de gauche des années 80. «Je ne peux nier que j’ai grandi dans un bain militant.» Quand on lui fait remarquer que l’enjeu est parfois de ne pas répéter l’histoire familiale, elle répond aussitôt: «Vous avez remarqué que je ne suis pas engagée dans des partis politiques, et que c’est aussi un engagement professionnel que j’ai choisi.» Certes… mais c’est grâce à ses parents, et c’est logique, que l’adolescente va rencontrer ceux qui vont la marquer. «Mes parrains», comme elle le dit. «Il y a Isabelle Saint-Saëns, une des personnes les plus incroyables que j’ai pu connaître, c’est elle qui m’ouvre, dès 1995, sur les mouvements de sans-papiers, la cause des sans-droits, avec l’église Saint-Bernard, tous ces mouvements des années 90, parmi lesquels Act Up a joué un rôle déterminant.» Deux autres figures l’ont marquée. AlainEmmanuel Dreuilhe est un ami de la famille, mort du sida en 1988 et auteur d’un très beau livre sur la maladie, Corps à corps, édité par Edwy Plenel. Et il y a bien sûr Daniel Bensaïd, l’un des leaders de l’extrême gauche, trotskiste de toujours. Très proche de son père, il était malade du sida, ne le cachait pas mais ne le disait pas non plus. «Il n’en a jamais fait un combat politique, et c’est n 1982 Naissance. dommage car cela aurait eu n 2003 Adhère de l’impact», ose Eve Plenel. à Act Up. La voilà donc choyée et marn 2004 En devient quée par des repères de taille. trésorière. Et cela marche: bonne élève, n 2006 Salariée bac à 16 ans, Sciences-Po, Act à la Cimade. Up, la Cimade, la maternité n Depuis 2012 très jeune (22 ans). Un temps, Nommée à la direction elle travaille au CentQuatre, d’Arcat et Kiosque. ce lieu culturel incertain dans n Juin 2016 Nommée, l’Est parisien. Puis elle dirige par Anne Hidalgo, l’Association de recherche, de coordinatrice de Paris communication et d’action sans sida. pour l’accès aux traitements (Arcat) qui, dans l’histoire de la lutte, a toujours adoré les experts. Elle gagne 3000 euros par mois. Se méfie beaucoup des conflits d’intérêts. Aujourd’hui, Eve a deux enfants, vit avec un spécialiste des sciences politiques, spécialiste de la police et de la justice, qui se situe bien sûr à la gauche de la gauche. Et la petite famille habite à Berlin. N’est-ce pas un brin gênant quand on dirige une association de terrain, et que l’on vient d’être nommée à la tête de Paris sans sida? «C’est un mi-temps, et, en plus, je suis souvent à Paris», vous répond-elle. Eve Plenel est ainsi. «C’est peut-être, ce qui lui manque, elle n’est pas dans l’inquiétude», lâche quelqu’un qui chemine aussi dans ce milieu de jeunes intellos et d’universitaires de gauche. Un aveu quand même, elle a du mal quand elle est en contact direct avec ceux qui sont perdus, comme les taulards, les sans-papiers, les malades: «Le contact est compliqué pour moi, car je suis en empathie totale, sans aucune mise à distance.» Son boulot lui va donc parfaitement. D’autant que Paris sans sida est un très beau défi, qui n’a rien d’un vœu pieu. Entre le dépistage, les traitements et les nouveaux outils de prévention comme les médicaments, on a tout pour casser l’épidémie. A San Francisco, une mobilisation massive a divisé par trois le nombre de nouvelles contaminations. «Pour nous, le moment est arrivé, argumente Eve Plenel. D’abord, il n’y a jamais eu un tel consensus entre tous les acteurs, médecins, politiques, associatifs. Nous sommes tous d’accord sur l’importance du traitement dans la prévention.» Autre élément décisif, le constat de la contamination massive chez les HSH. A Paris, 9 nouveaux cas sur 10 viennent d’une contamination chez les gays et les Africains. «Au Checkpoint, on annonce des séropositivités tous les jours. On l’annonce à de très jeunes hommes, qui tombent des nues, comme s’ils découvraient le sida», note Eve Plenel. Enfin, sous l’égide de la Mairie de Paris, un plan très construit a été conçu par la chercheure France Lert, plan porté au niveau politique par Anne Hidalgo, qui en a fait une de ses priorités. Une lourde tâche? Eve Plenel se dit prête. Il lui faut trouver de l’argent, installer une série de groupes, mais ça, elle sait faire. «Vous avez bien compris, cela doit être une stratégie collective, et ne pas reposer sur mes seules épaules.» Une pro, vous dit-on. • Par ÉRIC FAVEREAU Photo FRÉDÉRIC STUCIN