X fragile (syndrome de l`)
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X fragile (syndrome de l`)
X fragile (syndrome de l’) Le syndrome de l’X fragile (MIM# 300628) ou syndrome de Martin-Bell est la cause la plus fréquente de retard mental d’origine génétique après la trisomie 21. Sa prévalence est évaluée entre 1/1 200 et 1/4 000 garçons, mais il est également responsable d’un retard mental léger à modéré chez 1/2 500 à 1/7 000 filles. Il constitue la cause la plus importante de retard mental non syndromique lié à l’X, et représente à lui seul 2 à 3 % des retards mentaux chez les hommes et 1 % chez les femmes. En fait, ce syndrome est probablement largement sous-diagnostiqué en raison de la variabilité de ses formes cliniques. Caractéristiques génétiques L’étude de la transmission du syndrome X fragile a montré une hérédité liée à l’X inhabituelle puisque, en effet, des hommes normaux peuvent être porteurs et transmetteurs, et des femmes peuvent exprimer la maladie. Le gène responsable de ce syndrome, gène FMR1 (fragile X mental retardation 1), est situé au locus FRAXA en position Xq27.3. Le gène FMR1 comporte 17 exons et s’étend sur 38 kb. Son transcrit complet mesure 3,9 kb dont 0,2 kb correspondent à la partie 5′ UTR et 1,8 kb à la partie 3′ UTR, toutes deux non traduites. FMR1 est exprimé de manière relativement ubiquitaire et ne se limite pas au système nerveux central, ce qui laisse supposer que sa fonction s’exerce aussi dans d’autres tissus, ce qui pourrait expliquer l’existence de symptômes autres que le retard mental. Autre caractéristique du gène FMR1 : il présente au niveau du premier intron une série de triplets CGG. Cette série est répétée normalement entre 6 et 50 fois. L’anomalie moléculaire responsable du syndrome X fragile consiste, dans la très grande majorité des cas, en une expansion instable de cette répétition pouvant augmenter au fil des générations. Au-delà d’un certain nombre de triplets CGG, une hyperméthylation de la série de trinucléotides et des îlots CpG situés en 5′ du gène se produit et empêche l’expression du gène. En fonction du nombre de triplets, on décrit trois types de situations : • chez les individus sains, la série de triplets CGG comporte de 6 à 54 répétitions, entre lesquelles s’intercalent de 1 à 3 triplets AGG à différentes positions selon les individus. Les allèles comportant entre 40 et 54 triplets pourraient être légèrement instables ; • allèles dits « prémutés » : de 55 à 200 répétitions (un seul triplet AGG intercalé dans 70 % des cas). On parle de prémutation pour désigner ce niveau d’expansion, car il précède l’apparition de la mutation « complète ». Le gène FMR1 est encore fonctionnel et non méthylé. Les individus porteurs de ces allèles ont longtemps été considérés comme asymptomatiques. Cependant, on sait aujourd’hui que, chez les femmes, cette prémutation prédispose à un risque accru de ménopause précoce. Par ailleurs, 20 à 30 % des hommes de plus de 50 ans développent un trouble neurologique évolutif appelé « syndrome d’ataxie à tremblements lié à l’X fragile » (ou FXTAS pour fragile X associated tremor ataxia syndrome) ; • mutation complète : désigne les séries comportant plus de 200 répétitions. Ces allèles ont le plus souvent perdu le ou les triplets AGG, et peuvent comporter plus de 1 000 répétitions. Le gène FMR1 et les îlots CpG en amont sont alors méthylés. Ces modifications épigénétiques empêchent la transcription du gène, d’une part à travers un défaut de liaison de facteurs de transcription, et d’autre part à travers une condensation de la chromatine en amont du gène. On gardera enfin en mémoire que des patients présentant les caractéristiques cliniques de la maladie n’ont aucune amplification de triplet CGG. Ils sont porteurs de mutations ponctuelles dans la partie codante du gène FMR1. Cette situation demeure cependant tout à fait exceptionnelle Enfin, dans un faible nombre de cas (3 % environ), l’anomalie moléculaire se présente en mosaïque somatique, c’est-à-dire par la coexistence de cellules avec une mutation complète et de cellules avec une prémutation. Dans la plupart des cas, le tableau clinique est aussi grave qu’en cas de mutation complète homogène. Caractéristiques de la transmission du syndrome de l’X fragile Les études familiales ont montré que la transmission des allèles prémutés en allèles mutés ne se fait que par transmission maternelle. Cette transmission maternelle s’explique par l’instabilité des prémutations et des mutations au moment de l’oogenèse. Le risque de transition à un allèle muté est délicat à définir, puisqu’il va dépendre de la taille initiale de l’allèle prémuté. L’absence de transmission paternelle pourrait s’expliquer par l’existence d’un processus de réversion limitant la taille de l’expansion dans la lignée germinale mâle. En revanche, la transmission paternelle des allèles normaux pourrait être sujette à une légère instabilité (tableau 1). • Chez la femme Caractéristiques cliniques et indications d’étude L’expression clinique est très variable et n’apparaît habituellement que dans le cas de mutation complète. Chez ces femmes, environ 60 % ont un retard psychomoteur léger à modéré. Des troubles du comportement et de la relation y sont volontiers associés. Les signes cliniques d’appel vont dépendre du sexe, mais aussi du statut « prémuté » ou « muté » de l’individu. • Chez l’homme Mutation complète L’âge moyen de découverte est 12 ans. Le diagnostic clinique est basé sur la triade caractéristique qui associe un retard mental plus ou moins sévère, une dysmorphie faciale (visage allongé et oreilles décollées) et une macro-orchidie. Toutefois, cette triade n’est présente dans son ensemble que dans 60 % des cas, le retard mental pouvant être isolé dans 10 % des cas. Le retard mental est non spécifique, plus ou moins sévère, ayant tendance à s’aggraver avec l’âge, et prédomine sur le langage (pauvreté du vocabulaire, écholalie). Il s’associe à des troubles du comportement à type d’instabilité, d’hyperactivité, de personnalité autistique ou d’autisme vrai. Le syndrome dysmorphique est difficile à mettre en évidence pendant les premières années de la vie. D’autres signes peuvent se voir, en particulier une hyperlaxité ligamentaire ainsi qu’une grande taille, un pli palmaire unique, des pieds plats, une scoliose, un strabisme, une hypertension, un prolapsus de la valve mitrale et une épilepsie. Prémutation Le syndrome FXTAS a été récemment rapporté. Il est complètement distinct du syndrome X fragile et touche essentiellement les hommes de plus de 50 ans. La pénétrance augmente avec l’âge pour atteindre 75 % des hommes prémutés de plus de 80 ans. Ce syndrome se caractérise par une ataxie cérébelleuse et un tremblement intentionnel auquel peuvent s’ajouter dysautonomie, neuropathie sensitivo-motrice et déclin cognitif. Tableau 1. Nombre de triplets chez la mère et risque de transmission de la mutation complète Nombre de triplets chez la mère De 54 à < 60 Risque de transmettre la mutation complète De 60 à < 80 > 100 50 % 95 % <5% Mutation complète Prémutation Classiquement, ces patientes ont un développement psychomoteur normal, mais peuvent présenter une ménopause précoce. Au total, la recherche d’une prémutation ou d’une mutation du gène FMR1 peut être envisagée : • chez toute personne présentant un retard mental, un retard de développement psychomoteur, un retard de langage, un retard scolaire, des troubles de l’attention, un autisme ou une personnalité autistique ; • chez tous les porteurs potentiels dans une famille avec un cas index ; • chez les individus ayant une histoire familiale de retard mental inexpliqué (dans ce cadre, 1 femme sur 40 serait prémutée) ; • chez les femmes présentant une ménopause précoce (25 % des femmes avec une histoire personnelle ou familiale de ménopause précoce seraient porteuses de la prémutation). Le diagnostic prénatal du syndrome d’X fragile est possible chez les fœtus des femmes prémutées, par biopsie du trophoblaste, amniocentèse ou cordocentèse. La biopsie du trophoblaste a l’intérêt d’être plus précoce, mais son interprétation peut être difficile. En effet, le gène FMR1 avec une mutation complète peut ne pas être ou n’être que partiellement méthylé sur les cellules trophoblastiques. Par conséquent, dans ce tissu, il ne faudra tenir compte que de la taille de la répétition CGG, et cela peut poser un problème dans les valeurs limites entre grandes prémutations et mutations complètes. Ce diagnostic prénatal fait appel aux techniques sus-citées et parfois, dans un but de rapidité, à des techniques indirectes (type microsatellites) pour connaître l’X hérité. Diagnostic moléculaire Les premières techniques de diagnostic reposaient sur la cytogénétique. Elles étaient longues et difficiles et ne permettaient pas de dépister les prémutations. Elles mettaient en évidence dans les cultures pauvres en folate une cassure en Xq27.3 correspondant au site fragile FRAXA. Cela a permis la localisation du gène FMR1. Il est à noter qu’il existe d’autres sites fragiles sur la partie terminale de l’X. Certains sont sans conséquence, d’autres peuvent être le témoin de retards mentaux différents du syndrome de l’X fragile, en particulier le site fragile FRAXA, témoin d’un nonfonctionnement d’un gène FMR2. Le diagnostic biologique fait dorénavant appel à la biologie moléculaire : le southern blot est réalisé après digestion de l’ADN par une ou deux enzymes de restriction, suivie d’une hybridation par une sonde spécifique du locus. Dans le cas de la double digestion, on utilise les enzymes de restriction EcoR1 (insensible à la méthylation) et Eag1 (sensible à la méthylation) : en l’absence de prémutation ou de mutation, on obtient une bande de 2,8 kb si le gène FMR1 n’est pas méthylé (X actif) et une bande de 5,2 kb s’il est méthylé (X inactif). En cas de prémutation, les bandes de 2,8 kb ou 5,2 kb sont légèrement augmentées de taille (amplification) et, en cas de mutation, on obtient un « smear » supérieur à 5,2 kb (méthylation de l’X inactif et de l’X actif amplifié et muté) (tableau 2). ( Tableau 2 Garçon normal Fille normale Garçon prémuté Fille prémutée Garçon muté Fille mutée L’amplification par PCR de la séquence répétitive de triplets CGG permet de déterminer avec précision la longueur des allèles normaux et des petites prémutations. L’intérêt principal de cette technique réside dans sa facilité et sa rapidité de réalisation, ainsi que dans sa capacité de déterminer le nombre exact de CGG, en particulier dans les cas où le nombre de triplets se situe près de l’interphase entre normal et prémutation. Cependant, cette technique présente des faux positifs : en l’absence de produit d’amplification chez un homme, il faudra évoquer une large prémutation, une mutation complète ou un échec de la PCR. En cas de mise en évidence d’un unique allèle chez une femme, il faudra également évoquer une large prémutation ou une mutation complète, mais aussi une homozygotie pour le nombre de triplets (environ 37 % des femmes). Par conséquent, un résultat positif doit toujours être confirmé par southern blot. De plus, cette technique ne permet pas de mettre en évidence les mosaïques. Allingham-Hawkins DJ, Babul-Hirji R, Chitayat D, Holden JJA, Yang KT, et al. Fragile X premutation is a significant risk factor for premature ovarian failure : the international collaborative POF in Fragile X study - Preliminary data. Am J Med Genet 1999 ; 83 : 322-325. X normal 2,8 kb X normal actif X normal inactivé X prémuté X normal actif X prémuté actif X normal inactivé X prémuté inactivé 2,8 kb 5,2 kb > 2,8 kb 2,8 kb > 2,8 kb 5,2 kb > 5,2 kb X muté Smear ≥ 5,2 kb Biancalana V, Steinbach P, Stenhouse S. Draft best practice guidelines for molecular analysis in Fragile X syndrome. Disponible sur : http://www.emqn.org/emqn/BestPractice X normal actif X normal inactivé X muté 2,8 kb 5,2 kb Smear ≥ 5,2 kb Sutherland GR, Mulley J.C. Fragile X syndrome and fragile XE mental retardation. Prenat Diagn 1996 ; 16 : 1199-1211. Bardoni B, Mandel JL, Fisch GS. FMR1 gene and Fragile X syndrome. Am J Med Genet 2000 ; 97 : 153-163.