Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique

Transcription

Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique
Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique
Conférence sur les droits fonciers des femmes africaines
Red Court Hotel, 30 mai - 02 juin 2011, Nairobi, Kenya
Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique
Conférence sur les droits fonciers des femmes africaines
Red Court Hotel, 30 mai - 02 juin 2011, Nairobi, Kenya
Publié pour la première fois en Février 2012 par:
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ACORD, Oxfam et ActionAid autorisent à ce que ce document soit copié, distribué, transmis ou adapté, sous la condition impérative
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comme suit: ‘ACORD, Oxfam, ActionAid’. D’autres types de permission peuvent être demandés en nous contactant à: conference@
landforafricanwomen.org
Mots clés:
Droits des femmes – droits fonciers - justice – accaparement des terres - réparations – violence basée sur le genre - Afrique gouvernance
Crédits photos: ACORD
Conception graphique: Blue Eyes Ltd.
mprimé par: Blue Eyes Ltd.
Rapport compilé et édité par: Ruth Aura
ISSN 1812-1276
Table des matières
Sigles et abréviations................................................................................................................................................................................. v
Remerciements........................................................................................................................................................................................... vii
1.Contexte et introduction.
.Contexte
.................................................................................................................................................................
et introduction
2.Réformes du secteur foncier et autonomisation des femmes.
1
Réformes du secteur foncier et autonomisation des
...............................................................................................
femmes
5
2.1.Instruments constitutionnels, légaux et institutionnels.
2.2.Cadre et orientations de l’Union Africaine en matière de politique foncière en Afrique.
2.3.Révisions constitutionnelles: que devons-nous examiner sur les droits fonciers de la femme?.
Instruments constitutionnels, légaux et institutionnels
.............................................................................................................
5
Cadre et orientations de l’Union
....................................................
Africaine
8
en m
Révisions constitutionnelles:
.........................................
11 que devons
2.4. Droits fonciers de la femme en situation de conflit.................................................................................................................. 14
3.Politiques et programmes d’investissement agricole .
............................................................................................................
Politiques et programmes d’investissement agricole
16
3.1.Cadre du PGDAA et les politiques et programmes agricoles nationaux.
3.2.Analyse du PGDAA et des avantages potentiels pour les femmes.
3.3.Impact des investissements fonciers sur les droits de la femme et rôle des instruments internationaux.
...............................................................................
Cadre du PGDAA et les politiques et programmes
16 agricoles n
Analyse du PGDAA et des avantages potentiels pour
.........................................................................................
16
les femmes
.Impact
........................
des investissements
20
fon
3.4. L’accord de Cancun sur la REDD perçu comme moyen de spoliation des populations de leurs terres par les grands
pollueurs........................................................................................................................................................................................... 22
3.5. Processus internationaux visant la prise en charge de la gouvernance foncière: Principes pour les «Investissements
agricoles responsables»................................................................................................................................................................... 23
3.6. Directives volontaires sur la gouvernance responsable du régime foncier et d’autres ressources naturelles.................... 24
3.7.Droits des femmes à la terre et aux ressources naturelles: Tirer les leçons des combats menés par les femmes.
4.Obtention des réparations judiciaires: Mécanismes de réparation et de dédommagement des victimes de .
............ 25
Dro
Obtention des ré
VSBG en Afrique: Opportunités et défis...................................................................................................................................... 27
4.1.Fin de l’impunité pour les faits de violence sexuelle et celle basée sur le genre, Mécanismes inopérants pour .
Fin de l’impunité po
s’attaquer à l’impunité: L’expérience de la justice militaire congolaise.................................................................................... 27
4.2.Obtention des réparations judiciaires, Mécanismes de réparation et de dédommagement des victimes de VSBG en .
Obtention des ré
Afrique: Opportunités et défis...................................................................................................................................................... 28
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre iii
4.3.Accès à la justice, défis et opportunités: Procédure stratégique.
.Accès
.............................................................................................
à la justice, défis et opportunités: Procédure stratégique
29
4.4.Obtention de la justice, Réparations et dédommagement des victimes de VSBG en Afrique: Mécanismes régionaux.
Obtention de l
. .......................................................................................................................................................................................................... 30
5.Conclusion .
........................................................................................................................................................................................... 32
Conclusion
Annexe I. Communiqué........................................................................................................................................................................... 34
Annexe II. Liste des participant(e)s..................................................................................................................................................... 39
iv Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
Sigles et abréviations
AAI
Action Aid International
DDRR
Désarmement, démobilisation, réhabilitation et
réintégration
AAI Action Aid International
ACDI
Agence canadienne de développement
international
DSESA
Déclaration solennelle sur l’égalité des sexes en
Afrique
ACORD
Association de Coopération et de Recherches
pour le développement
DV
Directives volontaires sur la gouvernance
responsable du régime foncier et d’autres
ressources naturelles
APCN
Agence de planification et de coordination du
NEPAD (un organe technique de l’UA)
FAO Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture
BM
Banque mondiale
FeDDAF
Femmes, droit et développement en Afrique
FIAN
Réseau d’information et d’action pour le droit à
se nourrir
FIDA
Fonds international de développement agricole
GEICC
Groupe d’experts intergouvernemental sur les
changements climatiques
IAR
Investissement agricole responsable
IED
Investissement étranger direct
IIRPA Institut international de recherche sur les
politiques alimentaires
ILC
Coalition mondiale pour la terre
LVC
La Via Campesina [La voie paysanne]
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement
NEPAD
Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique
COMESA Marché commun de l’Afrique de l’Est et de
l’Afrique australe
OIG
Organisation intergouvernementale
OMD
Objectifs du millénaire pour le développement
ONG
Organisation non gouvernementale
ONU
Organisation des Nations Unies
OSC
Organisation de la société civile
CCNUCC Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest
CEDEF Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes
CER Communauté économique régionale
CIRGL
Conférence internationale sur la région des
Grands Lacs
CK
Constitution du Kenya
CNUCC
Conférence des Nations Unies sur les
changements climatiques
CPI
Cour pénale internationale
CSA
Comité de la sécurité alimentaire mondiale
CUA
Commission de l’Union Africaine
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre v
PDIP
Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays
RDC
République Démocratique du Congo
PEDSA
Plan stratégique de développement du secteur
agricole au Mozambique (Plano Estratégico de
Desenvolvimento do Sector Agrário)
REDD
Réduction des émissions liées à la déforestation
et la dégradation des forêts
RGL
Région des Grands Lacs
PFA
Protocole sur la femme africaine
SADC
PFN
Politique foncière nationale
Communauté de développement de l’Afrique
Australe
PGDAA
Programme global de développement de
l’agriculture africaine
SIDA
Syndrome d’immunodéficience acquise
PIB
Produit intérieur brut
TIPR
Tribunal pénal international pour le
Rwanda
PNC Police nationale congolaise
UA
Union Africaine
PPF
Principes de politique foncière
VIH
Virus d’immunodéficience humaine
PVVS
Personnes vivant avec le VIH et le sida
VSBG
Violence sexuelle et celle basée sur le genre
RCSNU
Résolution du Conseil de sécurité des Nations
Unies
WOLAR
Droits fonciers de la femme en Afrique Australe
vi Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
Remerciements
La Conférence sur les droits fonciers des femmes africaines, dont le thème central était la «Promotion du droit à la terre et à la
justice pour les femmes en Afrique» n’aurait pas été possible sans l’appui de personnes et organisations dévouées et engagées sur
les questions liées aux droits de la femme.
ACORD, Actionaid et Oxfam aimeraient exprimer leur gratitude aux institutions qui, financièrement et techniquement, ont
appuyé leurs efforts visant à soutenir et à organiser cette conférence. Notamment: la Coalition mondiale pour la terre, la Fondation
Ford, le gouvernement des Pays-Bas à travers son fonds ODM3, l’Agence danoise de développement international (DANIDA),
l’Agence canadienne de développement International (ACDI), Urgent Action Fund, Fahamu, Groots Kenya, Kenya Land Alliance
et Femmes, droit et développement en Afrique (FeDDAF).
Nous exprimons nos sincères remerciements aux membres de l’équipe technique qui ont consacré des jours et des nuits à la
conceptualisation, la planification et l’organisation de la conférence, notamment: Angela Wauye, Catherine Gatundu, Emime
Ndihokubwayo, Eva Ayiera, Caroline Testud, Marc Wegerif, Patita Tingoi et Rose Atim Obita.
Nous aimerions également dire notre gratitude à l’équipe logistique d’ACORD conduite par Wilkister Oluoch, Grace Ndege et
au rapporteur de la conférence, à savoir: Moreen Majiwa, Leonie Sendegeya, Juliet Nakato, Lucie Nyamarushwa et la rédactrice
Ruth Aura.
Nous décernons une mention spéciale au facilitateur Janah Ncube et aux personnes ressources qu’ont été Patricia Mbote, Akinyi
Nzioki, Gaynor Paradza Nidhi Tandon, Colonel Toussaint Mutazini, Sibongile Ndashe, Betty Okelo, Catherine Gatundu, Marc
Wegerif, Emime Ndihokubwayo, Sabine Pallas, Nathan Byamukama, Hon. Justice Gerard Niyungeko, Violet Shivutse qui ont
abattu un travail formidable en élaborant le contenu et en stimulant les résultats de cette conférence.
Nous remercions le gouvernement du Kenya, en particulier le vice-ministre des domaines, l’Hon. Ngonzi Rai, qui en dépit de ses
multiples engagements, nous a aidé à organiser la conférence et y a participé en personne.
Enfin, qu’il nous soit permis de témoigner notre reconnaissance à Dr. Janet Edeme de la Commission de l’Union Africaine, Dr.
Nalishebo Meebelo du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA), Nathan Byamukama de la
Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), d’autres responsables gouvernementaux décideurs, activistes
des droits des femmes, universitaires et toutes les OSC qui ont démontré leur engagement pour la promotion des droits fonciers
et de la sécurité de la femme à travers leur participation et leur contribution lors de la conférence.
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre vii
1. Contexte et introduction
Les droits fonciers des femmes sont indispensables tout d’abord pour la promotion des femmes en soi, mais également pour le développement de l’Afrique.
La crise financière mondiale, les crises alimentaires et de carburants, la privatisation de grandes portions des terres du régime coutumier à travers les
dessaisissements de terre contribuent tous à la pression exercée sur les terres et à l’accroissement des menaces qui pèsent sur les droits fonciers de la femme.
Là où de grandes parcelles de terrain ont été affectées à la production de l’énergie, à l’agriculture à grande échelle ou à l’irrigation, l’accès des femmes à
la terre est réduit, ce qui les rend plus vulnérables aux conflits, à la violence sexuelle et celle basée sur le genre (VSBG) et au VIH/sida.
Les femmes au niveau local adoptent diverses stratégies pour autorités communautaires et les institutions traditionnelles afin
sécuriser leurs droits fonciers dans de nombreux pays d’Afrique. de s’assurer que les droits fonciers de la femme sont protégés et
Au Kenya et au Malawi, par exemple, les femmes ont mis sur pris en charge à ce niveau. Cette démarche doit être effectuée
pied des équipes de vigilance dans le but de tenir les dirigeants en tenant compte des intersections qui existent entre les droits
responsables. Au Ghana et au Cameroun, les femmes ont formé fonciers de la femme, les pratiques discriminatoires en matière
des groupes et sont allées collectivement acquérir des terres; d’héritage, les questions relatives au développement agricole,
il s’agit d’une stratégie utilisée pour surmonter les prix élevés l’appropriation et la privatisation des domaines communaux et
du terrain et de garantir l’obtention d’un titre foncier sécurisé indigènes, les conflits, la reconstruction post-conflit, le VIH/sida
aux femmes. En Tanzanie, les femmes maasais, avec l’aide des et la VSBG. L’on a urgemment besoin d’un engagement ferme
partenaires au développement, négocient la propriété foncière et d’une approche proactive pour sécuriser les droits fonciers
de la femme dans un contexte marqué par des acquisitions de
auprès des autorités traditionnelles.
En dépit de ce type d’initiatives, les femmes continuent terres à grande échelle, les changements climatiques, les conflits
rencontrer des problèmes pour sécuriser leurs droits fonciers. liés aux ressources naturelles et les guerres civiles.
Les lois et politiques au niveau international, régional et local À la lumière de ce qui précède, ACORD, Action Aid et Oxfam,
avec
l’appui
d’autres
renforce la discrimination
partenaires, ont convoqué
à l’égard des femmes sur
“Nous devons regarder au-delà des réformes
la Conférence des droits
des questions de propriété,
fonciers de la femme
d’accès et de contrôle des
politiques et adopter un vrai changement de
terres. Dans les pays où
comportement à la base en ce qui concerne le droit africaine, du 30 mai au 02
juin 2011 à Nairobi, au
il existe une législation
des femmes à la terre’’
Kenya pour examiner le
protégeant les droits de
droit à la terre et à la justice
la femme, il se pose le
problème de la mise en œuvre insuffisante des lois et politiques de la femme africaine, partager les expériences et les stratégies
par les organes qui en ont la charge. Les interventions et pour faire face aux violations subies par les femmes dans leur
initiatives de programmes neutres du point de vue genre servent vie quotidienne.
souvent à aggraver les pratiques discriminatoires auxquelles les La conférence a réuni les femmes et les défenseurs des droits
femmes font face lorsqu’il s’agit de leurs droits fonciers.
fonciers, ainsi que des organisations, notamment les associations
Il est indispensable que la politique et la loi foncières soient d’agriculteurs, les groupes d’éleveurs, les groupes de femmes
révisées lorsque la discrimination est très manifeste. Il est survivantes de VSBG, des juristes, des parlementaires et des
également important que les nouvelles politiques, lois et universitaires engagés dans la consolidation des droits de la
programmes intègre les perspectives genres en termes de femme en Afrique. La réunion était participative et a permis aux
propriété, d’accès et de contrôle des terres. L’on doit aller participants de s’engager à insérer leurs propres expériences des
au-delà des réformes judiciaires et politiques, et adopter un questions foncières et des violences sexuelles et sexospécifiques
changement social général vis-à-vis des droits fonciers de la dans le contenu.
femme. à cet effet, il sera nécessaire d’engager le dialogue avec les
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 1
Les objectifs de la réunion étaient les suivants:
Partager les connaissances, procéder aux études
de cas et aux témoignages, mener des discussions,
s’appuyer sur de vastes expériences et des informations
empiriques sur l’état et les nouvelles connaissances
relatives aux droits des femmes à la terre à travers le
continent;
Tirer des leçons des endroits où les femmes ont fait
valoir leurs droits et des cas où ces droits restent
menacés;
Générer de nouvelles idées à faire avancer à travers des
actions concertées entre les différents mouvements à
travers le continent;
Examiner les intersections qui existent entre les
violences sexuelles et sexospécifiques et les droits
fonciers des femmes.
Identifier les mécanismes soucieux de l’équité entre
les sexes pour résoudre les problèmes de VSBG par le
biais des droits fonciers de la femme aujourd’hui;
Approfondir l’analyse de la question des mécanismes
de protection et de réparation des victimes et des
survivants de VSBG.
Les résultats attendus incluaient:
i. Une plus grande compréhension des expériences de
femmes en matière de droits fonciers et d’utilisation des
terres, ainsi que les insuffisances y relatives.
ii. Un engagement accru des mouvements actifs sur les
questions foncières et féministes en faveur des droits
fonciers de la femme et de la mise en œuvre d’actions
visant à consolider les droits de la femme à la terre et aux
ressources naturelles en tant que de l’amélioration de la
vie.
iii. Une meilleure compréhension des questions liées
aux droits fonciers de la femme, ce qui aboutira à des
recommandations pratiques en vue de meilleures pratiques
et d’actions visant à promouvoir les droits de la femme à la
terre.
iv. Une compréhension accrue de l’intersection qui existe
entre les droits fonciers de la femme et la violence à l’égard
des femmes, ainsi que les difficultés particulières liées aux
2 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
moyens de subsistance auxquelles les femmes font face en
cas de conflit et dans des situations de post-conflit.
v. De nouvelles directives et approches pour les mécanismes
compris de réparation et de compensation; celles-ci
doivent faire l’objet d’engagements par les décideurs,
les organisations de femmes et de défense des droits
humains.
Les droits fonciers et l’accès à la justice de la femme, la réparation
en faveur des survivantes de violence sexuelle et celle basé sur
le genre sont des droits humains fondamentaux qui constituent
le socle de l’autonomisation de la femme, de la consolidation de
la sécurité alimentaire et de la justice sociale en Afrique.
Pendant des décennies, l’Afrique a géré les héritages de son
passé; ils sont responsables de son état de pauvreté et de sousdéveloppement que l’on a noté depuis de nombreuses années.
Au moment des indépendances, l’un des héritages que devaient
gérer les nouveaux gouvernements africains était à la fois
les effets de l’aliénation à grande échelle et de la distribution
asymétrique des terres d’une part, et l’introduction de systèmes
eurocentriques de régime foncier fondés sur le titrage individuel
d’autre part. Il s’agit de l’une des difficultés majeures qu’ont
eu à gérer les dirigeants africains. Dans certains pays, à l’instar
du Mozambique, l’on a fait recours à la nationalisation à
grande échelle des terres pour y faire face. Dans d’autres, tels
que l’Afrique du Sud, la Namibie, le Zimbabwe et le Kenya,
l’on tarde particulièrement à trouver une solution générale à
l’héritage colonial. Cet héritage continue à provoquer des crises
foncières aujourd’hui. La prise en charge de l’absence d’accès
et aux droits des femmes y a même été plus lente, étant donné
que l’héritage colonial s’ajoute au patriarcat séculaire pour
maintenir le statut quo.
La plupart des dirigeants africains qui ont accédé au pouvoir ne
se sont pas attaqué au problème crucial de la réforme foncière
et ne l’on pas non plus abordé de manière approfondie. Certains
dirigeants ont été détournés de leurs plans initiaux et ont choisi
de faire fi des pauvres sans terre, les femmes en particulier.
Le contentieux foncier revient en force avec gravité dans un
contexte international marqué par un intérêt accru dans la
terre, la sécurité alimentaire, du ravitaillement en eau et en
carburant. En outre, la compétition s’est accrue pour la terre
et l’on enregistre d’importants dessaisissements de terres.
Ceux-ci ont un impact immédiat sur le régime foncier et la
sécurité alimentaire. Les effets des accaparements de terres ont
engendré de nouveaux problèmes à l’égard des droits fonciers
des femmes. En conséquence, les initiatives liées à l’utilisation
de la terre doivent être mieux cernés pour pouvoir les gérer
et trouver des opportunités de faire valoir les droits fonciers
de la femme.
Dans la plupart des pays africains, les droits coutumiers à la
terre sont discriminatoires à l’égard des femmes; en général,
c’est le politique qui protège les droits de la femme à la terre
et à la propriété qui ne revêtent pas d’intérêt. Dans certains
pays, des politiques et même des lois progressistes ont été
adoptées mais sans être appliquées. Cela est dû aux pratiques
et traditions discriminatoires; cet état ces choses continue
à refuser l’accès direct et la propriété foncière aux femmes.
Les gouvernements marquent généralement un intérêt de
pure forme aux droits de la femme à la terre et à la propriété,
mais dans la pratique, le fait est que la plupart des femmes
sont abandonnées à elles-mêmes et négocient le peu d’espace
possible sans assistance.
Ces dernières années, l’Union Africaine et les communautés
économiques régionales (CER) par le biais d’une étroite
collaboration avec les partenaires au développement, les
réseaux régionaux d’agriculteurs, les OSC, les universitaires
et les organisations du secteur privé ont réalisé un travail
formidable en mettant l’accent sur le processus du PGDAA.
À ce jour, près de 25 pays d’Afrique, ont signé des conventions
avec le PGDAA et sont actuellement en train d’élaborer ou de
mettre en œuvre leurs plans d’investissement. Certes, cela est
vrai, mais les questions liées aux droits fonciers de la femme et
l’appui efficace aux femmes dans le domaine de l’agriculture en
Afrique nécessitent un soutien accru pour consolider l’égalité
des genres et faire de l’Afrique un continent productif.
La violence sexuelle et sexospécifique à l’égard des femmes et
des jeunes filles en Afrique a d’importants effets négatifs sur
le développement en général; cette situation requiert que tous
les acteurs joignent leurs efforts afin de trouver des solutions
durables à l’insécurité des femmes. Les femmes et les jeunes
filles africaines continuent à faire face à une violence accrue due
aux conflits et à la culture de violence, ainsi qu’au patriarcat au
sein de nombreux ménages et communautés dans différentes
régions. Dans une situation de violence sans recours, les droits
fonciers reconnus par la loi deviennent insignifiants à l’instar
d’autres interventions en faveur du développement. Il n’est
pas facile de permettre aux survivantes de VSBG et cette
démarche requiert des politiques et mesures très claires pour
mettre fin à l’impunité et protéger les femmes.
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 3
4 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
2. Réformes du secteur foncier et
autonomisation des femmes
2.1. Instruments constitutionnels, légaux et institutionnels
La terre lie les populations au territoire et constitue la base
de la citoyenneté et de l’accès aux autres droits tels que la
représentation et l’autonomisation économique. Cependant, le
droit des femmes d’être propriétaire, d’accéder et de contrôler la
terre demeure limité quel qu’en soit l’usage (agricole, commercial
ou pastoral). La réforme foncière, c’est-à-dire le processus de
restructuration et de refonte des systèmes de propriété foncière,
constitue un important axe d’intervention pour réaliser
l’égalité des sexes en matière de droits fonciers. La question
foncière est pluridimentionnelle; en effet elle revêt des aspects
géographiques, écologiques, politiques et démographiques et
de multiples fonctions notamment économiques, de sécurité
alimentaire, de réduction de la vulnérabilité ou d’atténuation
des chocs, fonctions sociales et de conservation.
Les contextes socioculturels sont identifiés comme étant les
principaux facteurs pertinents pour la réforme foncière en
Afrique. Les mécanismes et les lois qui régissent la propriété
foncière se fonde sur le patriarcat. Les règles et principes
juridiques sont souvent utilisés pour légitimer la subordination
des femmes. En outre, l’idéologie patriarcale empêche la
transformation des droits abstraits en droits fondamentaux réel
pour les femmes, en particulier lorsque les droits fonciers sont
en jeu. Dans de nombreux pays africains, la loi renforce ou
perpétue les injustices et les inégalités sociales liées au droit de
la femme à la terre.
Par ailleurs, la coexistence de différents régimes normatifs et
institutionnels, ainsi que de diverses normes juridiques sert
uniquement à limiter les droits fonciers de la femme. Les
femmes se trouvent prises entre différents systèmes juridiques et
une pléthore de régimes normatifs internationaux, régionaux et
nationaux, ainsi que diverses normes juridiques légales, normes
religieuses, normes coutumières et locales qui ont une influence
négative sur l’accès de la femme à la terre, par exemple si l’on
accorde aux femmes certains droits fonciers dans la loi, ces
droits sont aisément remis en cause par une décision contraire
découlant du droit traditionnel, religieux ou «personnel».
Certes, plusieurs pays africains ont des constitutions qui
interdisent la discrimination fondée sur le sexe, mais cette
interdiction ne couvre pas très souvent les questions liées
au droit coutumier qui régit la propriété foncière dans la
majorité des cas. Lorsque la loi est appliquée en tandem avec
les lois coutumières et religieuses, ces dernières l’emportent
généralement et maintiennent le statu quo, en particulier lorsque
les décideurs sont des hommes.
Il existe une variable sexospécifique dans tous les aspects de la
propriété et de l’accès à la terre qui affecte négativement les droits
fonciers de la femme. La variable sexospécifique est illustrée
dans l’expression «qui fait la loi, qui distribue les ressources
foncières.» La variable sexospécifique provoque souvent un
parti pris ou est biaisée contre les femmes lorsqu’il s’agit de
la distribution des ressources foncières, ce qui est injuste; la
pluralité des systèmes de propriété et la sécurité de la propriété
foncière; la gestion durable de l’environnement; la protection
de l’intérêt commun dans la terre; les systèmes et institutions de
l’administration foncière; les processus et programmes de mise
en œuvre de la politique foncière. Il pourrait avoir de légers
changements, étant donné que la plupart des pays d’Afrique sont
en train de mener des réformes foncières ou constitutionnelles
ou les deux. Les tendances de la réforme foncière peuvent être
résumées en cinq principales catégories – droits de l’homme,
viabilité économique et écologique, fourniture de services
d’appui, formalisation de la propriété foncière et de l’égalité
des sexes.
Tendances de la mise en œuvre des politiques foncières
nationales
Les tendances des politiques nationales peuvent être divisées
en 5 catégories:
Humanisation
Viabilité économique
Viabilité écologique
Services d’appui
Législation
Tendances de l’humanisation: Une approche axée sur les droits
de l’homme en matière de droits fonciers garantit qu’il existe
un accès non-discriminatoire et une protection indépendante
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 5
des droits d’accès existants lorsque les femmes jouissent d’un
droit de participer aux processus de réforme, à la gestion et à la
distribution des terres et des ressources naturelles. Par ailleurs,
l’on note la mise en place de mécanismes de responsabilisation
des sujets d’obligations et de l’état de droit, et en conséquence
la procédure appropriée pour les détenteurs des droits là où
l’on reconnaît les effets d’atténuation des systèmes de propriété
foncière équitable favorables aux pauvres dans le cadre d’une
économie néolibérale.
Une approche axée sur les droits de l’homme consiste également
à s’attaquer à la discrimination et à l’exclusion fondée sur la
différence ethnique, sexuelle, de génération et de revenu des
marginaux sociaux. En même temps, elle permet de sécuriser
la propriété foncière pour les communautés et les individus,
réparer les injustices historiques et permettre aux marginalisés
d’accéder à la terre pour des usages tels que l’élevage et les
activités commerciales informelles/colportage. Il existe
également un aspect relatif au partage des bénéfices provenant
des ressources de la terre; à la gestion judicieuse des terres
domaniales; et à la connaissance des droits des communautés
minoritaires, des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur
de leur pays.
Les tendances économiques de la réforme foncière incluent
l’utilisation efficiente et efficace des terres afin de garantir la
productivité; la détermination des d’objectifs et de directives
pour la productivité des terres; l’élaboration de cadre pour
guider l’investissement dans la terre; la régulation des marchés
fonciers afin de garantir l’efficience et la capacité d’adaptation;
la mise en place de mécanismes d’application de la taxe foncière
pour les terrains ruraux et urbains; et la création de mesures
dissuasives de la détention de terres inutilisées.
Les tendances de la viabilité écologique de la réforme incluent
la conservation et la gestion durable des ressources de la
terre; la protection et la gestion de l’écosystème; la mise en
exergue du maintien des fonctions de captage et des services
écosystémiques des forêts; les lacs; les marécages; les évaluations
et audits environnementaux et; le développement durable;
la restauration et la conservation de la qualité de la terre; la
planification de l’utilisation et du zonage afin de s’assurer que
les droits fonciers ne portent pas atteinte à l’intérêt public. En
conséquence, il est nécessaire de procéder à un examen critique
de l’impact des services écosystémiques sur les droits d’accès de
la femme et de s’assurer que la fourniture de services liés aux
droits fonciers prend en compte non seulement les droits de la
6 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
femme, mais également ceux de chaque groupe de femmes.
Les tendances des services d’appui incluent:
Les services prestataires des droits fonciers,
notamment: levé de plans, cartographie, cadastres;
Institutions prestataires des droits fonciers;
Systèmes de gestion de l’information foncière.
Tendances judiciaires: Dans le but de transformer ces tendances
en faits concrets, elles doivent exister sous forme de lois et
non comme des principes abstraits. À travers la loi, l’ont peut
assurer, promouvoir et protéger la sécurité des droits fonciers,
la création de mécanismes appropriés d’enregistrement des
droits fonciers, la régulation des droits fonciers, le régime de
propriété des ressources de la terre, le placement des terres sous
la curatelle publique (Commissions nationales des domaines),
les mécanismes de règlement des différends, la dévolution de la
prestation des droits fonciers et les systèmes de règlement des
différends. L’on doit formaliser le droit des femmes à tous ces
aspects. Car, s’ils restent tous informels, il y a des chances que
ces droits se perdent au fil du temps.
La terre en tant que bien public
Compte tenu de l’augmentation des acquisitions à grande échelle,
il est nécessaire d’envisager l’option d’une curatelle publique sur
les terres. En effet, au lieu des options de propriété individuelle,
la terre peut être détenue en tant que bien public sur lequel
les droits sont accordés et protégés en commun. L’État serait
ainsi le concédant et le garant des droits fonciers, de manière
à réguler les droits fonciers dans l’intérêt de tous les citoyens.
Cela ferait appel à la responsabilisation en matière de gestion
des terres à travers des mécanismes normatifs et institutionnels
en vue de l’exercice de la curatelle par le détenteur du titre
allodial/radicalaire.
Compte tenu de l’importance des terres, l’on ne doit pas faire
porter le fardeau des droits y afférents à une quelconque
personne. Il est impérieux de les dégrouper et de faire la
distinction entre les terres qui peuvent être transférées à des
personnes privées et aux communautés et celles qui doivent
être détenue en fiducie au nom des populations.
La dimension sociale des rapports liés à la terre
Les aspects sociaux nuancent les concepts légaux, économiques
et même environnementaux des droits fonciers. En effets, ces
droits ont été assimilés à une pléthore de piquets/droits. Ces
droits fonciers revêtent un aspect relationnel fort, dans la mesure
où les terres sont revendiquées vis-à-vis d’autres personnes et
non par rapport à la terre. Si un individu revendique des droits
exclusifs sur une parcelle de terrain, tous les autres perdent
leurs droits sur celle-ci et en le faisant ils perdent le droit d’accès
à diverses fonctions liées à la terre. Par conséquent, les droits
fonciers doivent promouvoir des rapports à valeur ajoutée entre
le détenteur des droits de propriété et la société, les voisins et
les membres de la famille. L’État a le devoir de mettre en place
des mécanismes permettant de protéger la terre au bénéfice
de tous en tant que bien public. Lorsque les droits fonciers se
confondent aux biens sociaux, ils ne doivent pas être négociés
sur le marché.
sociale, l’inclusivité, l’égalité, les droits de l’homme, la nondiscrimination et la protection des marginalisés. L’égalité des
genres est également consacrée dans la Charte des droits, au
Chapitre 4 de la Constitution. L’article 19 (2) oblige l’État à
reconnaître et protéger les droits de l’homme; il doit également
promouvoir la justice sociale qui est importante et pertinente
dans le cadre de la lutte des femmes pour l’égalité des genres
et le traitement équitable entre les sexes. L’article 2 (5) et (6)
énonce les règles générales du droit international et stipule
que tout traité ou convention ratifiée par le Kenya fait partie
du droit kenyan. Cette disposition autorise l’application
automatique des textes internationaux relatifs à l’égalité et à la
non-discrimination. L’article 21 (4) oblige l’État à promulguer
et mettre en œuvre une législation permettant de satisfaire les
obligations internationales en matière de droits de l’homme et
de libertés fondamentales.
Les injustices, réelles ou perçues, entachent les droits fonciers
dans beaucoup de pays africains, de là la nécessité de la réforme
foncière. Au Kenya, par exemple, un titre légal ne garantit plus
la jouissance permanente du droit de propriété, il est associé Le chapitre 5 de la Constitution exige que la terre soit détenue,
à la prise en compte des prétentions des voisins. Là où les utilisée et gérée de façon équitable, efficiente, productive et
populations ont le sentiment d’avoir des droits inaliénables viable. Cela doit également se faire conformément aux principes
de la politique foncière qui
sur la res, c’est-à-dire ce
incluent l’accès équitable à
qu’une autre personne
“Etant donnée l’importance de la terre, tous les
la terre; la sécurité des droits
déclare être sa propriété,
droits qui s’y rapportent ne devraient pas résider
fonciers;
l’élimination
les coûts de protection de
dans les mains d’une seule personne’’
de
la
discrimination
la propriété augmentent
sexospécifique dans la lois,
de manière exponentielle;
les coutumes et les pratiques
cette situation aboutit à la
marginalisation des droits et à la spoliation suivant les critères liées à la terre et à la propriété foncière; l’encouragement
des communautés à régler les litiges fonciers dans le cadre
liés au sexe ou à la génération.
d’initiatives communautaires connexes admises; et finalement
Les lois relatives à la discrimination sexuelle
les principes qui régissent les négociations de terrains publics,
Beaucoup de pays ont des constitutions qui proscrivent la privés et communautaires. Le principe selon lequel les femmes
discrimination à l’exception des raisons personnelles et des doivent représenter au moins un tiers lors des élections et
questions couvertes par le droit confessionnel ou coutumier. des nominations permet que les femmes soient représentées
D’autres constitutions subordonnent le droit coutumier au au sein de tous les organes de l’administration foncière, de la
principe d’égalité. Le respect à la fois de l’égalité des genres Commission nationale des domaines jusqu’au comté et dans les
et de l’application des lois coutumières et confessionnelles instances inférieures de l’administration foncière.
dépend des tribunaux qui en tant qu’arbitres doivent décider
de quel aspect doit prévaloir. Lorsque le droit coutumier prend La politique foncière nationale du Kenya (NLP) a été élaborée
le dessus, on aboutit aux menaces contre les droits fonciers de en préparation d’une nouvelle Constitution. Elle déterminé
qu’il nécessaire d’avoir des dispositions constitutionnelles
la femme.
sur l’accès équitable à la terre et sur la protection des droits
Le cas du Kenya
des femmes, des minorités et des enfants en matière d’accès
La constitution kenyane de 2010 garantit l’égalité des genres à la propriété foncière. Les principes directeurs de la NLP
en son Article 10 (2) (b) sur la base de valeurs et principes sont la participation, l’accès équitable à la terre; l’inclusion,
nationaux de gouvernance qui incluent l’équité, la justice la sécurisation des droits fonciers; l’équité au sein et entre
les générations; une administration foncière transparente et
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 7
démocratique; la régulation efficace de l’exploitation des terres;
et la prise en compte du genre.
La NLP a également déterminé que les droits fonciers de la
femme nécessitent une intervention spéciale. Elle souligne
les difficultés auxquelles le VIH et le sida confrontent les
femmes. La NLP propose que l’on respecte et applique la nondiscrimination afin de s’assurer que ces questions transversales
sont traitées de façon adéquate. Elle suggère une révision
des lois relatives à la succession, aux biens matrimoniaux et
d’autres textes connexes afin garantir le traitement équitables
des sexes et la promulgation d’une législation spéciale régissant
la répartition des biens matrimoniaux pour remplacer la
loi anglaise de 1882 sur les biens de la femme mariée. Elle
préconise la protection des droits des veuves, des veufs et des
divorcés à travers la promulgation de la loi sur la copropriété
des biens matrimoniaux. La NLP exige des mesures législatives
appropriées pour s’assurer que les hommes et les femmes
jouissent des mêmes droits à la terre et aux ressources de la terre
pendant le mariage, après la dissolution du mariage, et après
le décès d’un conjoint; elle requiert également l’élaboration
de mécanismes visant à réduire la vente et l’hypothèque du
domaine familial sans impliquer les conjoints.
Conclusion
Les constitutions et les politiques foncières nationales
assurent un bon socle pour l’autonomisation de la femme; les
constitutions en tant que loi foncière suprême et les politiques
en tant que feuilles de route pour l’avenir. Toutefois, ces lois
et politiques ne s’appliquent toutes seules. Elles nécessitent la
vigilance des parties prenantes. En conséquence, une approche
novatrice et proactive s’impose pour garantir leur mise en
œuvre.
2.2. Cadre et orientations de l’Union Africaine en matière
de politique foncière en Afrique
Afin que la terre puisse jouer son principal rôle dans le
développement national et régional en Afrique, l’on doit
focaliser l’attention sur l’état des systèmes d’administration
foncière, en particulier en ce qui concerne la prestation des
droits fonciers, l’efficience et l’efficacité des lois, structures
et institutions de gouvernance foncière. En fait, ces deux
aspects doivent être réformés. Élaborés par le biais d’un vaste
processus consultatif et inclusif, le cadre et les orientations de
l’UA sur la politique foncière en Afrique ont été adoptés par
l’Union Africaine en 2009. Le cadre et les orientations font
8 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
une présentation font une présentation générale du contexte
historique, politique, économique et social de la question
foncière en Afrique; ils élaborent ensuite le rôle de la terre
en tant que ressource naturelle précieuse pour réaliser le
développement économique et la réduction de la pauvreté. Les
orientations peuvent potentiellement garantir l’investissement
dans l’agriculture et promouvoir la croissance économique sans
affaiblir le développement des différents groupes.
Le cadre et les orientations de l’UA reconnaissent la nécessité de
politiques foncières pour soutenir une large gamme d’objectifs
économiques, sociaux et politiques, notamment la prévention et
le règlement de conflits à travers des mutuellement acceptables
de règlement de litiges. Le cadre et les orientations de l’UA
pressent les gouvernements africains de se pencher sur l’état des
systèmes d’administration foncière, notamment les mécanismes
de prestation des droits fonciers et les structures et institutions
de gouvernance foncière; les gouvernements sont également
appelés à garantir une allocation budgétaire suffisante pour
l’élaboration et la mise œuvre de la politique foncière. Le cadre
et les orientations stipulent la mise au point de systèmes et
mécanismes de suivi de l’élaboration et de la mise en œuvre
de la politique foncière qui permettront aux gouvernements
de tirer des leçons des succès et des régressions du passé; ils
pourront également procéder aux réajustements en temps
opportun des processus nationaux liés à la politique foncière au
fur et à mesure que surviennent de nouveaux problèmes.
Le cadre et les orientations énoncent une séries de meilleures
pratiques et de recommandations qui incluent la nécessité
pour les gouvernements d’Afrique d’élaborer des politiques
foncières générales qui prennent en charge des développement
supplémentaires dans des secteurs connexes; la reconnaissance
du rôle de l’administration foncière au niveau local et
communautaire; l’harmonisation des structures administratives
et des lois foncières locales et nationales; la reconnaissance du
fait que les droits fonciers de la femme doivent être renforcés à
travers de mécanismes spécifiques; la mise en concordance des
aspects favorables aux pauvres avec l’orientation commerciale.
Le cadre et les orientations recommandent ensuite qu’en
menant des négociations foncières, les gouvernements adoptent
des mesures appropriées afin de s’assurer que les politiques
tournées vers le marché ne marginalisent pas des groupes déjà
vulnérables tels que les femmes; ils doivent également veiller
à ce que les organisations de la société civile participent à la
formulation de la politique foncière dès le commencement,
tandis que la réforme foncière doit être un processus à la fois
inclusif et consultatif avec une représentation des femmes, des
petits exploitants agricoles, etc.
Opportunités du point de vue genre et défis pour les pays
africains
Le cadre et les orientations de l’UA reconnaissent explicitement
que le patriarcat domine l’organisation sociale de la société et
exclut les femmes de la propriété et du contrôle des ressources
de la terre. Les orientations reconnaissent également le rôle
joué par la loi foncière nationale dans la consolidation du
système du patriarcat, c’est-à-dire en conférant le titre et les
droits d’héritage suivant la lignée masculine et selon l’hypothèse
que la femme peut et doit avoir accès à la terre à travers son
mari ou ses garçons. Le cadre et les orientations reconnaissent
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 9
également de façon explicite la confiscation des droits fonciers
de la femme en subordonnant les dispositions légales relatives
à l’égalité au droit coutumier et confessionnel qui figurent dans
beaucoup de constitutions africaines.
Opportunités
Les orientations énoncent les principes qui doivent constituer
les politiques foncières des États membres, aider ces États
à entreprendre ou à se lancer et capitaliser les réformes
foncières dans l’intérêt de leurs objectifs de développement
national; elles donnent l’opportunité aux activistes d’exercer
des pression auprès de leurs gouvernements afin d’éliminer
les vielles rigidités des structures et systèmes traditionnels qui
discriminent les femmes et procèdent à un examen critique de
l’interface entre l’État et les systèmes indigènes de certification,
de documentation, de codification ainsi que leur impact sur les
droits de la femme.
en modelant la formulation de la politique foncière avec les
acteurs de niveaux inférieurs et la participation de la société
civile. Les petits acteurs et les organisations de la société
civile ont été soit ignorés soit exclus lors de l’élaboration de
la politique foncière. L’élaboration de la politique foncière a
généralement suivi les schémas, les centres d’intérêts sectoriels
ou est axée sur le secteur avec peu ou pas de coordination ou
d’harmonisation avec les politiques des autres secteurs. En
conséquence, les politiques foncières n’ont pas pu constituer
un large éventail de prescriptions qui prennent pleinement en
compte les préoccupations des femmes.
Les insuffisances institutionnelles et de capacité des ressources
humaines ainsi que de l’allocation budgétaire constituent
également un problème majeur pour la mise en œuvre du
cadre et des orientations de l’UA. La politique également ne
prend pas en charge les
“En conséquence, les politiques foncières n’ont pas problèmes tels que les
Certes, le cadre et les
changements climatiques,
orientations ne sont pas réussi jusqu’ici à fournir une formule suffisamment les crises alimentaires,
contraignants au plan efficace pour prendre en compte tous les problèmes la nouvelle ruée vers les
juridique, mais les États
ressources africaines et
rencontrés par les femmes en la matière’’
africains ont pris des
les acquisitions à grande
engagements en matière
échelle. La non participation des bénéficiaires a provoqué des
de droits fonciers de la femme, ce qui peut être utilisé pour résistances à la mise en œuvre du cadre et des orientations au
soutenir l’adoption et l’application des dispositions du cadre et niveau local.
des orientations de l’UA au niveau national, notamment:
Impacts positifs et/ou négatifs pour les femmes
les engagements obligatoires dans l’Acte constitutif en
Le cas de la Sierra Leone
faveur de l’égalité des genres et dans le Protocole de
Au Sierra Léone, il existe deux systèmes distincts de propriété
l’UA sur les droits de la femme en Afrique (2003)
foncière qui coexistent avec une division géographique; en
ratifié jusqu’ici par 30 États;
effet, le droit coutumier s’applique aux provinces (Protectorat) et
les engagements obligatoires dans les protocoles/
le droit anglais s’applique à la Région de l’Ouest (La Colonie). Le
déclarations au niveau sous-régional tels que le
droit sierra-léonais prévoit également la propriété communale.
protocole de la SADC sur le genre;
Les chefs supérieurs ou les autorités traditionnelles de divers
les engagements dans les constitutions et politiques
royaumes et communautés sont les gardiens du patrimoine
nationales;
familial et l’administrent conformément aux us et pratiques
coutumiers existants. Toutes les terres du protectorat relèvent
les conventions internationales -CEDEF, Beijing.
des autorités tribales qui contrôlent ces terres au nom des
Défis
communautés indigènes.
La mise en œuvre du cadre et des orientations de l’UA fait Le système de propriété foncière dans les provinces sierraface à d’importants obstacles dûs au fait qu’il ne s’agit pas léonaises revêt trois formes:
d’un cadre normatif obligatoire ou d’un projet de politique
Le système foncier communal: C’est à ce niveau
foncière à adopter par les États. En dépit de la démonstration
que l’on trouve les limites précises de l’intérêt suprême
que les communautés ont participé dans certains pays,
pour les terres dans une région donnée au sein d’un
l’État a généralement joué le rôle principal en conduisant et
10 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
royaume. Le Chef supérieur est considéré comme un
symbole de la propriété de toutes les terres détenues
par la communauté et est investi des pouvoirs d’un
gardien.
Le système foncier familial: Lorsque l’intérêt
absolu ou supérieur pour certaines terres au sein
d’une chefferie particulière revient à divers groupes de
descendants dont chacun à une lignée commune, ce
qui en fait une cellule familiale et, en conséquence, l’on
parle de propriété foncière familiale. L’administration
et le contrôle du domaine familiale sont attribués au
membre de sexe masculin le plus âgé de la famille.
Une fois désigné, il veille sur toutes les terres
familiales et rend compte à sa famille; cela n’est pas
applicable par les moyens légaux, mais au moyen des
négociations.
Le système foncier individuel: C’est le cas lorsque
l’intérêt suprême pour une terre ou sa propriété est
attribuée à un individu; on parle alors de propriété
foncière individuelle. Toutefois, le système individuel
est extraordinaire; il s’agit d’un développement
moderne par opposition au système de propriété
communale et familiale.
Le système de propriété foncière en vigueur en milieu rural est
discriminatoire à l’égard des femmes. Sous le droit coutumier
traditionnel, l’épouse est considérée comme la propriété du
mari et de cette façon, tout ce qu’elle possède revient à l’époux.
En outre, l’intérêt permanent d’une femme dans un bien détenu
par son époux dépend de deux facteurs:
Si elle eu des enfants avec son mari, ou
Si au décès de son mari elle choisit de se remarier avec
un parent de son défunt mari.
Toutefois, en l’absence de ces deux facteurs, la femme/veuve
perd tout droit ou intérêt dans le patrimoine de son défunt
mari.
Le gouvernement sierra-léonais a promulgué la loi de 2007 sur la
la dévolution des successions, qui a abrogé et remplacé l’ancienne
loi. Cette loi de 2007 corrige de nombreuses dispositions
discriminatoires dans la loi et des pratiques préjudiciables aux
femmes. Sous cette loi, il n’existe pas de barrières juridiques
contre le fait que les femmes soient propriétaires d’un bien.
Le mari et la femme peuvent séparément ou conjointement
acquérir, posséder, gérer ou céder un bien, en particulier un
bien immobilier, y compris une terre et une maison. Toutefois
les taux élevés de pauvreté et d’analphabétisme chez les
femmes (environ 60 % des femmes rurales sont illettrées)
réduisent la capacité des femmes à tirer pleinement avantage
des dispositions de la loi.
Le cas de la Zambie
La Zambie couvre une superficie de 552 164 km2 avec une
population de 13 millions d’habitants dont 51 % de femmes.
Seuls 6 % des terres zambiennes sont régies par le droit
statutaire et se trouve sous le régime de propriété avec titre. Les
autres 94 % sont détenu sous la loi coutumière; ici les droits
d’usage sont accordés à perpétuité. Cependant, la propriété des
terres du régime coutumier est précaire dans la mesure où les
droits ne sont pas enregistrés et sont par conséquent difficiles
à démontrer. Le processus d’acquisition d’un titre de propriété
enregistré sur une terre est également long et onéreux; en outre
il est inaccessible à la majorité des Zambiens. Les femmes sont
les plus gravement affectées par la transformation du domaine
coutumier en régime à bail. La pratique de la corruption dans
les négociations foncières fait à ce que les femmes soient
continuellement dépossédées des terres.
Il existe plusieurs problèmes structurels qui perpétuent la
discrimination à l’égard des femmes et l’érosion de leurs droits
fonciers; par exemple, la fausse idée selon laquelle les femmes
appartiennent à une classe inférieure et sont moins capables
d’exploiter la terre après qu’elle leur ait été attribuée, l’absence
d’informations sur la procédure d’acquisition foncière ou
les mauvais canaux de diffusion, les procédures longues et
fastidieuses, la corruption, la perception des hommes comme
étant de passage et l’idée selon laquelle les maris subviendront
aux besoins de leurs épouses.
L’on a enregistré quelques changements récemment. Toutefois,
il s’agit pour la plupart de changements minimes qui incluent: les
autorités traditionnelles en tant que champions de la promotion
des droits fonciers de la femme; propriété foncière commune
dans le cadre du régime foncier statutaire; et délivrance de permis
agricole commun aux couples par les autorités traditionnelles.
2.3. Révisions constitutionnelles: que devons-nous examiner
sur les droits fonciers de la femme?
Les constitutions doivent créer un espace permettant de
remettre en cause les structures du pouvoir qui maintiennent les
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 11
populations dans la pauvreté, qui développent les différences
de classes, qui perpétuent la discrimination sexospécifique,
qui permet l’accumulation massive par certains tandis que
d’autres ploient sous la pauvreté. Une constitution peut et doit
être favorable aux plus marginalisés afin de venir à bout de la
discrimination, notamment la discrimination sexospécifique qui
demeure tellement prévalente. C’est uniquement à travers des
clauses qui favorisent spécialement les groupes actuellement
marginalisés que l’on obtiendra des résultats équitables et en
termes de développement.
Une bonne constitution peut considérablement renforcer les
progrès en matière de droits fonciers de la femme si elle crée
des obligations claires pour l’État, notamment des obligations
concrètes soutenues par d’autres clauses favorables telles
qu’une administration juste, l’égalité et le droit à l’information.
Chose plus importante, une constitution pourrait faire avancer
les droits fonciers de la femme si elle crée des droits fonciers
concrets, par opposition aux droits de procédure ou aux
droits qui doivent encore être définis par le parlement ou par
le pouvoir exécutif, pour les femmes et qu’elles peuvent faire
valoir par leurs propres actions directes. En outre, les droits
peuvent également être reconnus par la constitution si celleci crée des dispositions qui vont au-delà de la prescription de
l’égalité dans les procédures visant spécialement à favoriser
les femmes, les personnes sans terres et les petits exploitants
agricoles en matière d’acquisition foncière et de protection des
droits fonciers. Il doit avoir un mandat constitutionnel visant
des résultats équitables, et non simplement une égalité supposée
lors des procédures.
Le cas de l’Afrique du Sud
La constitution sud-africaine fait obligation à l’État de créer des
programmes visant à faciliter l’exercice des droits. Elle énonce
une conception de l’égalité qui va au-delà de l’égalité formelle
et de la non-discrimination. Elle préconise également les droits
sociaux, des obligations concrètes pour l’État, l’horizontalité, la
gouvernance participative, le multiculturalisme et la conscience
historique de soi. Les «obligations concrètes pour l’État»
impliquent que le gouvernement doit faire davantage pour
remédier aux injustices et qu’il doit être proactif et ne pas se
contenter de réagir en se rendant compte que les inégalités sont
par nature structurelles et individuelles.
La constitution sud-africaine a été élaborée dans le cadre
d’un processus étroitement lié à la négociation de la fin de
12 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
l’Apartheid et à l’instauration d’une nouvelle Afrique du Sud
libre et démocratique. Il s’est agi d’un processus créatif et
largement consultatif qui a intégré ceux qui autrefois n’avaient
pas voix au chapitre. Ce processus a également été fortement
contesté; en effet, différents groupes étaient en concurrence
et tentaient de s’assurer que leurs intérêts étaient préservés, en
particulier la minorité blanche d’Afrique du Sud qui, il n’y a
pas longtemps, dirigeait encore le pays et continue à avoir la
mainmise sur la majeure partie de l’économie. Il y a également
eu beaucoup d’actions des mouvements de libération qui par
principe et conformément aux objectifs visés par la lutte pour
la libération ont appuyé des dispositions fortes sur les droits
de l’homme. Cela a permis de reposer la constitution du pays
sur un socle solide en matière de protection des droits de
l’homme. Ce fut particulièrement le cas lors des discussions sur
les questions foncières.
La Constitution sud-africaine a fait œuvre utile en consacrant
en son article 25 le principe de l’obligation pour l’État de traiter
des principales questions foncières. Ledit article 25 inclut
des clauses secondaires qui stipulent d’importantes réformes
foncières, notamment l’adoption par le gouvernement de
mesures législatives et autres raisonnables, à l’aide des ressources
disponibles, afin de renforcer les conditions permettant aux
citoyens d’avoir un accès équitable à la terre. En outre, il
stipule qu’une personne ou une communauté dont la propriété
foncière n’a pas de protection juridique à cause du caractère
discriminatoire des anciennes lois ou pratiques raciales, a
droit, dans les limites prescrites par un texte législatif, soit à
une propriété foncière sûre au plan juridique soit à un recours
comparable.
Il est juste et important que ces droits fonciers spécifiques
soient soutenus par des dispositions claires en matière de
responsabilité et d’obligations de l’État. Une fois de plus, la
Constitution sud-africaine a fait œuvre utile en consacrant en
son article 7(2) l’obligation pour l’État de respecter, protéger,
promouvoir et assurer les droits consacrés par la Charte des
droits.
Quels ont été les résultats pour les droits fonciers en
général et les droits fonciers de la femme en particulier?
Malheureusement, le processus de réforme en Afrique du Sud
n’a pas pu tenir les promesses et satisfaire les attentes. Dix ans
après le début de la réforme foncière, les terres redistribuées, y
compris à travers la restitution des droits fonciers revendiqués,
ne représentaient que 4 % des terres agricoles, et cette
proportion est contestée. 95 % des terres «redistribuées» avaient
déjà été occupées par les «bénéficiaires» avant le projet. Seuls
deux projets portaient réellement sur le transfert de terres ayant
précédemment appartenu aux fermiers blancs. Les femmes et
les hommes les plus démunis au sein des groupes organisés qui
ont été bénéficiaires ont payé un prix plus élevé pour la terre
que les personnes nanties. Les hommes ont reçu en moyenne
91,5 hectares de terres contre 20,4 hectares par femme. Les
chiffres relatifs aux femmes sont embellis par le cas d’une
femme qui, par ses propres moyens, est devenue propriétaire de
1 628 hectares. Le reste des femmes n’ont obtenu en moyenne
que 7,33 hectares chacune.
Dans la pratique, il a évidemment été très difficile de pousser
le gouvernement sud-africain à remplir effectivement ses
obligations. Il est facile pour le gouvernement d’afficher une
contre-performance, même face à des décisions de justice. Pour
se défendre, le gouvernement a avancé quelques arguments tels
qu’ils faisaient des efforts, qu’ils travaillaient sur le problème, le
manque de ressources et les questions soulevées à propos de
la capacité des tribunaux à interférer dans la sphère exécutive
du gouvernement. Pendant ce temps, les résultats continuent
de marginaliser davantage les personnes déjà défavorisées. Les
riches sont également mieux outillés pour utiliser les tribunaux
dans leur propre intérêt. En dépit des décisions de justice,
les habitants menacés d’éviction et autre déni de droits sur
les terres d’autres personnes poursuivent la lutte dans le but
d’obtenir une assistance juridique pour défendre leurs foyers
et même leur source de subsistance; la cour constitutionnelle
et les lois telles que la loi sur l’accès à l’information sont plus
souvent utilisés par les riches pour défendre ou faire valoir leurs
droits que par les pauvres.
L’érosion des droits fonciers en Afrique du Sud est due au
manque de volonté politique d’apporter un changement
profond en matière de droits fonciers de manière à agrandir
l’éventail d’opportunités; en particulier pour les femmes et les
plus pauvres; au fait de trop compter sur l’État pour assurer un
changement des rapports de forces et de modèles de propriété,
ce qui ne marche pas même lorsqu’il existe des obligations
constitutionnelles; et finalement parce que la Constitution a
protégé les droits de propriété enregistrés sans pouvoir protéger
les droits coutumiers et informels à la terre qui ne sont pas
réputés donner lieu à la «propriété».
L’une des solutions possibles à ce problème serait la création
de droits réels, des droits qui permettent et encourage les
populations d’agir directement pour défendre et faire valoir
leurs droits. Le contenu d’une clause de sécurité de la propriété
foncière telle que l’article 25(6) doit plus ressembler à ceci:
«Les femmes, hommes ou communautés dont la propriété
foncière n’a pas de protection juridique à cause du caractère
discriminatoire des anciennes lois ou pratiques raciales, sont
reconnus comme propriétaires des terres sur lesquelles ils
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 13
vivent; ils les utilisent à perpétuité avec de pleins droits de
succession à leurs héritiers (de sexe féminin et masculin). Ces
droits ne peuvent être limités que par une loi d’application
générale et non par une loi susceptible de donner lieu à une
privation arbitraire de ces droits à la propriété.»
2.4. Droits fonciers de la femme en situation de conflit
En dépit de l’importance de la terre pour les femmes, cellesci ne jouissent pas généralement de la sécurité de la propriété
foncière. Cette situation résulte en grande partie de: dispositions
législatives sexospécifiques qui, au mieux, protègent uniquement
les femmes mariées et, au pire, ne protègent pas du tout les
femmes; les systèmes juridiques qui sont inaccessibles aux
femmes ou qui privilégient le droit coutumier par rapport au
droit statutaire; les systèmes d’immatriculation foncière qui
accordent un titre ou qui exigent, pour la terre, un paiement
inaccessible aux femmes; et des politiques discriminatoires en
matière d’emprunt ou de crédit.
Lorsque l’exercice de leurs droits fonciers de la femme est
limité en temps de paix, il est quasiment interdit en situation
de conflit. Outre la perte des droits fonciers pendant les
conflits, ceux-ci éloignent les hommes de leurs communautés
et amènent les femmes à exercer toutes les fonctions de chef
de famille, ce qui est particulièrement difficile en situation de
guerre lorsque l’accès à la nourriture, à l’eau, au travail et aux
moyens de transport est entravé.
En conséquence de la violence associée aux conflits, les femmes
sont souvent contraintes de fuir de leurs maisons et de leurs
terres. En tant que réfugiées ou personnes déplacées à l’intérieur
de leur pays, les femmes perdent leurs droits d’accès à la terre
et à la propriété, dans la mesure où les systèmes et mécanismes
traditionnels qui protégeaient les droits fonciers de la femme
sont ébranlés. Les femmes qui rentrent dans leurs foyers après
les conflits font face au même manque d’accès qui existait avant
le conflit ou, en particulier si elles sont devenues veuves ou si
leur époux est absent, les femmes à leur retour sont souvent
confrontées aux parents hommes qui se targuent de la coutume
ou de la force pour remettre en cause et usurper les droits
fonciers des femmes. Il y a de plus en plus de femmes sans abris
et sans terre pendant les conflits et pendant la reconstruction
après post-conflit. Elles sont également vulnérables à la violence
sexuelle et celle basée sur le genre.
Le cas de l’Ouganda
Le nord de l’Ouganda a vécu 20 ans de conflit suivis de 5 ans de
reconstruction post-conflit. Pendant la guerre, de nombreuses
personnes ont été déplacées de leurs terres; le recasement et
le retour des PDIP au nord de l’Ouganda ont fait accroître
les conflits fonciers. Les litiges liés aux limites foncières sont
prévalents au sein des communautés d’anciennes PDIP au
nord et à l’est d’Ouganda où les femmes représentent 46 %
des habitants. Cette situation a affecté les femmes de retour
qui, traditionnellement, avait eu accès à la terre à travers les
membres masculins des ménages et ne possédaient aucun
élément formel de droit à la terre.
Au départ, le nord de l’Ouganda a été envahi par les ONG qui
ont assuré des interventions à court terme. La plupart d’entre
elles sont parties depuis, mais leur héritage est une dépendance
associée à la rupture des systèmes de subsistance. Bien plus,
de nombreux patriarches qui auraient traditionnellement
fait appliquer l’accès des femmes à la terre avaient été tués
pendant la guerre. Autre conséquence de la guerre, les systèmes
traditionnels et le pouvoir du reste des patriarches avaient été
gravement érodés.
Dans la quasi totalité des cas, les limites et les droits fonciers
n’avaient pas été documentés avant le conflit. En conséquence,
la compétition et les conflits liés à la propriété, à l’accès et au
contrôle des terres ont continué. Dans ce contexte, la capacité
des femmes à accéder à la terre ou à faire valoir leurs droits
fonciers était quasi inopérante. Les femmes ont perdu les
réseaux sociaux à travers lesquels elles avaient accès à la terre.
Les femmes de retour et les veuves en particulier ont du mal à
rétablir ces réseaux. Les femmes de retour ont également trouvé
que les terres auxquelles elles avaient eu antérieurement ont été
légalement acquises par d’autres parties, les laissant ainsi sans
terres. Ces problèmes aboutissent à des situations compliquées,
mêmes avec des systèmes judiciaires sympathiques.
Facteurs affectant les droits fonciers des femmes
Le processus de redressement a restauré les institutions
formelles pour qu’elles supervisent l’administration foncière;
toutefois, ces institutions formelles pâtissent de l’insuffisance
des ressources et de personnel qualifié capable de soutenir les
femmes qui revendiquent les droits fonciers. Les programmes
de réparation ne tiennent pas également compte des inégalités
1. The constitution entitles to tenure security “to the extent provided by an Act of Parliament”. It is not an absolute right; it is up to the State to define the extent of the right and the extent of resources it might
put behind the fulfilment of that right.
14 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
structurelles entre hommes et femmes, en outre, ils sont axés
et formulés en faveur des besoins de réparation des hommes,
augmentant ainsi le taux de spoliation sous forme de terres
acquises par les multinationales ou revendiquées par les
conservateurs. La compétition pour les terres requises pour
recaser les personnes de retour et la présence de personnels
armés provoquent des évictions forcées de groupes vulnérables
qui sont essentiellement constitués de femmes et d’enfants.
de réparation et de recasement, de manière à obtenir des
données concrètes qui montre les lacunes de ces programmes
afin d’élaborer des méthodes permettant de combler les
lacunes. Enfin, il faut formuler des mécanismes permettant de
reconnaître les enfants nés du viol.
L’existence de divers systèmes de propriété foncière a favorisé
le dessaisissement de terres au détriment des femmes. Par
ailleurs, l’ignorance par les femmes des systèmes de propriété
foncière ou même de leurs droits sous le droit coutumier les
rend vulnérable non seulement aux dessaisissements des
terres, mais également à la violence. Même lorsque les droits
de la femme sont reconnus dans le droit statutaire, il demeure
des menaces dans la mesure où les hommes contrôlent la loi.
Les programmes de réparation et de recasement convenus
entre l’Armée de résistance du Seigneur et le gouvernement
d’Ouganda ne prennent pas suffisamment en compte les besoins
des femmes. Le manque de clarté sur la démobilisation des
forces armées et leur recasement dans la région ont augmenté
la compétition pour la terre.
Recommandations
Il est nécessaire de documenter les questions qui affectent les
droits fonciers de la femme afin de s’en servir dans l’avenir et
de documenter les droits fonciers de la femme, en particulier
en situations de conflit et en cas de déplacement. Bien plus,
l’on doit informer les femmes sur leurs droits et les voies par
lesquelles l’on peut les appliquer. Tous les patriarches ne sont
pas morts pendant la guerre au nord de l’Ouganda, toutefois,
les structures ont été tellement affaiblies que les patriarches
sont incapables de faire face aux problèmes particuliers liés aux
droits fonciers en situation de post-conflit. Par conséquent, il
convient de rétablir les institutions et la capacité des leaders
à appliquer les systèmes juridiques coutumiers et statutaires
de manière à aider les femmes à faire valoir leurs droits en
situation de post-conflit.
La sécurité du régime foncier et les droits fonciers constituent
un problème dans la région en particulier et même davantage
pour les femmes. Les femmes doivent participer à la prise de
décisions sur le recasement, à la formulation et à l’application
des programmes de réparation et de recasement. Il est également
nécessaire de procéder à une analyse genre des programmes
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 15
3. Politiques et programmes
d’investissement agricole
L’Afrique demeure un continent à vocation agricole. En effet,
le secteur agricole représente environ 60 pour cent de la maind’œuvre totale, 20 pour cent des exportations et 32 pour cent
du PIB. Des décennies d’une productivité agricole insuffisante,
associée aux régressions externes telles que les changements
climatiques, des insuffisances dans les politiques économiques
et l’instabilité des cours mondiaux des matières premières ont
eu pour conséquence un nombre accru d’Africains vivant en
dessous du seuil de la pauvreté; en effet, ils sont passés de
150 millions en 1980 à environ 300 millions aujourd’hui. La
productivité agricole par habitant du continent demeure la plus
faible au monde.
Le rôle des femmes dans l’atteinte de la sécurité alimentaire en
Afrique est très important, compte tenu de leur responsabilité
jusqu’à hauteur de 80 % de la production agricole en Afrique.
En dépit de cela, la perspective genre est très faible dans la
politique continentale, régionale et nationale.
3.1. Cadre du PGDAA et les politiques et programmes
agricoles nationaux
Le Programme global de développement de l’agriculture
africaine (PGDAA) offre des opportunités majeures pour
combler les disparités sexospécifiques dans le secteur agricole
sur le continent. Le PGDAA est le programme agricole du
Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique
(NEPAD) adopté en 2003 suite à la reconnaissance par les
gouvernements africains qu’il est indispensable pour éradiquer
la famine et réduire la pauvreté. Le PGDAA vise à améliorer
la sécurité alimentaire et la nutrition, accroître la productivité
agricole d’au moins 6 % par an et augmenter l’investissement
public dans l’agriculture à 10 % des budgets nationaux.
Le programme s’articule autour de quatre piliers:4
Gestion des terres et de l’eau;
Infrastructures rurales et capacités liées au commerce
en vue d’un accès accru au marché;
Accroissement des disponibilités alimentaires et
réduction de la famine; et
Recherche agronomique, vulgarisation et adoption des
technologies.
À partir d’avril 2011, 25 pays ont signé le texte et ont intégré
le PGDAA à leur programme de développement agricole. En
2003, les chefs d’État africains se sont réunis au Mozambique
et se sont engagés à allouer 10 % de leur budget national à
l’agriculture avant 2008. En Afrique de l’Ouest, la Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a
été mandatée pour soutenir et coordonner la mise en œuvre
du PGDAA. À ce jour, 19 États membres ont nommés des
points focaux du PGDAA. TOutefois, il convient de noter
qu’en dépit de l’engagement des gouvernements africains à lui
allouer au moins 10 % de leur PIB, cet objectif n’a enregistré
que divers niveaux d’engagement. Les disparités en matière de
PGDAA existent tant au niveau de l’élaboration qu’à la mise
en œuvre. Bien que le programme ait été approuvé par les
gouvernements, son appropriation au niveau local reste faible.
En effet, il existe des appréhensions par rapport à l’éventualité
que le PGDAA soit confisqué par les multinationales et les
grands exploitants agricoles, ou que les femmes finissent par
être reléguées à la catégorie des «affamés et mal nourris», au lieu
d’être elles-mêmes reconnues comme principales productrices
de plein droit.
3.2.Analyse du PGDAA et des avantages potentiels pour les
femmes
D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation
et l’agriculture, l’élimination des disparités sexospécifiques
dans le secteur de l’agriculture pourrait réduire le nombre de
personnes affamées au monde de 12-17 pour cent, soit au
moins 100 millions d’affamés en moins. Toutefois, un examen
attentif du cadre d’orientation du PGDAA révèle qu’il n’existe
pas une analyse des besoins spécifiques des femmes et des
petits exploitants, ainsi que des meilleurs mécanismes politiques
2.
NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) 2001.
3.
http://newsfromafrica.org/newsfromafrica/articles/art_12426.html
4.
Programme global de développement de l’agriculture africaine, UA/NEPAD, 2003
5.
À ce jour, le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, la Guinée, le Malawi, le Mali, le Niger et le Sénégal ont dépassé cet objectif.
16 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique
permettant de prendre ces besoins en charge. Le manque
d’intérêt politique sur la dimension genre est également reflété
au niveau structurel. Il n’existe aucune organisation, dans le
cadre du PDGAA, à laquelle il incombe clairement de faire
le plaidoyer des besoins des femmes. Ces lacunes du cadre
d’orientation du PGDAA sont reflétées au niveau national
dans les stratégies et les plans d’investissement alignés sur le
PGDAA.
Recommandations
En dépit du fait que tant les femmes rurales que les hommes
ruraux ont des rôles complémentaires pour garantir la sécurité
alimentaire au niveau des ménages, les femmes jouent souvent
un rôle majeur pour assurer la nutrition, la sûreté et la qualité
des aliments. En Afrique, les femmes produisent la plupart
des aliments qui sont consommés dans leurs foyers et sont
généralement chargées de traiter et préparer la nourriture pour
Les études menées par Action Aid sur les plans du PGDAA leurs ménages. Les femmes jouent un rôle fondamental en tant
dans six pays ont révélé une négligence politique systématique que productrices d’aliments et gestionnaires des ressources
des femmes agricoles et l’absence de définition de stratégies naturelles. Toutefois, et c’est le plus important, en ce qui concerne
robustes
d’adaptation
la production alimentaire,
climatique, ainsi que des “En Afrique, les femmes produisent la plupart de la la division sexospécifique
insuffisances criardes de
du travail doit être
nourriture dans leurs foyers, et sont aussi générale- analysée de façon détaillée.
financement. Au Nigeria
ment responsables de la transformer et de la prépar exemple, le Programme
Le service proposé aux
national
de
sécurité
petits exploitants doit être
parer.”
alimentaire 2010 – 2020 ne
étendu pour inclure les
mentionne pas clairement
membres femmes et les
le rôle des femmes dans le secteur agricole. Le programme de petites exploitations dirigées par les femmes.
production animale du Kenya se préoccupe essentiellement des Les activités menées dans le cadre du projet, la formation
éleveurs et ne mentionne nulle part les problèmes particuliers en particulier, sont souvent mal localisées pour les femmes.
auxquels sont confrontées les femmes pasteurs. L’inexistence Quelques stratégies visant à promouvoir une participation
de mesures politiques qui prennent en charge les besoins des accrue des femmes incluent: changement du site de l’activité;
femmes est reflétée dans le Programme de développement fourniture de transport; aide pour prendre soins des enfants;
du secteur agricole (ASDP) et dans son Plan d’investissement fourniture de locaux séparés pour dormir; le fait de programmer
agricole et de sécurité alimentaire (TAFSIP) de Tanzanie; en la formation en dehors des heures et des périodes de pointe
effet, même si les problèmes des petits exploitants agricoles d’activité des femmes; et raccourcissement de la longueur de la
sont pris en charge, on y voit peu les difficultés spécifiques formation. Une journée entière de formation du village réduit
rencontrées par les femmes agricoles. En Éthiopie et au Nigeria, généralement la participation de la de la plupart des femmes. La
la stratégie semble plus favorable aux producteurs tandis que les langue dans laquelle la formation est dispensée peut également
dispositions sont insuffisantes en ce qui concerne la majorité constituer une barrière à la participation des femmes.
des pauvres et les femmes.
En règle générale, les programmes de gestion des ressources
Bien que la plupart des plans nationaux reconnaissent la agricoles et naturelles planifiés sans une maîtrise du système
nécessité d’une agriculture viable, l’on porte très peu d’attention de propriété foncière font peu cas, ignorent ou découragent la
sur l’impact des changements climatiques et rien n’est prévu participation des femmes. Pour pleinement tirer avantage de la
pour atténuer leur effet sur les communautés les plus pauvres. modernisation de la gestion des terres et des eaux, la question
Au Ghana par exemple, le plan de Gestion durable des terres et de la propriété et et de l’accès à la terre, ainsi que les droits
des eaux ne prévoit aucune analyse de l’impact des changements fonciers de la femme doit être abordée de façon particulière
climatiques sur l’agriculture, en dépit de l’intérêt porté sur dans le but de promouvoir l’agriculture commerciale. Pour
l’«intégration» des considérations environnementales à la éviter une planification inadéquate, les femmes doivent être
planification et sur l’application du principe de soutenabilité.
directement impliquées dès le début de la planification et de
la conception des systèmes d’approvisionnement en eau en
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 17
18 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
milieu rural. L’on doit former davantage de femmes pour
servir et entretenir les systèmes d’approvisionnement en eau.
Outre l’approvisionnement réel en eau, des mesures visant à
améliorer l’approvisionnement en eau en milieu rural doivent
également couvrir le traitement des eaux domestiques, ainsi que
le stockage et le traitement des eaux usées. L’extension du réseau
routier développe généralement les activités commerciales, en
particulier pour les les femmes. Il est important de prévoir dès
le départ si les commerçants déplaceront les petites vendeuses.
Il sera également important d’analyser tant les effets négatifs
que les effets positifs sur les commerçantes et prendre, le cas
échéant, les contre-mesures appropriées.
Dans l’ensemble et dans le contexte du PGDAA, la promotion
de la femme consiste donc essentiellement à soutenir les
femmes dans leur rôle de productrices et de génératrices de
revenu. La revue à dix ans du PGDAA correspond à 2013; en
outre, des processus sont actuellement en cours pour garantir
l’intégration des questions de genre. Il est impérieux que les
OSC et les agricultrices exécutent le PGDAA, s’assurent
que le PGDAA est connu à tous les niveaux, identifient les
opportunités et les lacunes tant au niveau politique qu’à la base.
Les partenariats doivent se constituer entre les organisations
locales et régionales afin de renforcer de manière plus efficace
les capacités des femmes à s’engager dans la mise en œuvre du
PGDAA.
Au niveau continental, le NEPAD doit commander la rédaction
d’une analyse des droits de la femme et d’une analyse de de la
viabilité écologique pour chaque thème pilier. Au niveau national,
les gouvernements doivent effectuer des évaluations par genre
d’impact social et écologique avant d’apposer leur signature sur
les plans nationaux d’investissement agricole. Tous les outils de
suivi et d’évaluation doivent inclure une évaluation de la prise
en charge de la réduction de la pauvreté et de l’intégration de
la dimension genre. Le Cadre d’adaptation aux changements
climatiques (Cadre ACC) du NEPAD doit également intégrer
une analyse de la dimension genre de l’intersection entre
les changements climatiques et l’agriculture; le genre et les
changements climatiques étant à la dérive de la structure
organisationnelle du PGDAA. Le Secrétariat du NEPAD
doit élaborer les rôles, responsabilités et les mécanismes de
responsabilisation afin de s’assurer que ces questions peuvent
être intégrées pendant le processus du PGDAA. Finalement,
les politiques du PGDAA et les plans d’investissement doivent
se fonder sur une vision claire pour faire face aux besoins des
femmes et des petits exploitants agricoles et tenir compte de
l’impact dramatique que les changements climatiques auront
sur l’agriculture africaine.
Le cas du Kenya
Au Kenya, le traitement équitable des hommes et des femmes
dans le secteur de l’agriculture est partiellement pris en compte
à travers d’autres politiques officielles et la Constitution du pays
qui énonce clairement comment s’effectueront l’intégration
et le renforcement des capacités des femmes. Cependant,
il n’existe pas de mesures claires en matière d’application de
ces dispositions législatives; en ce qui concerne par exemple
la politique de développement du bétail, elle reconnaît la
nécessité d’élaborer, à l’intention des femmes et des jeunes, des
programmes qui tiennent compte de la dimension genre afin de
leur permettre d’avoir accès au crédit, à la terre, à la technologie
et à l’information relative au marché. Aucune autre priorité
spéciale n’a été prévue pour ce groupe. Les termes femmes
agricoles ou femmes pasteurs ne sont pas du tout utilisés dans
le reste du texte d’orientation. Celui-ci ne reconnaît pas les défis
et les contraintes auxquelles les femmes font face. Le texte
d’orientation n’identifie pas l’accès à d’autres biens tels que le
bétail et l’équipement agricole comme des problèmes auxquels
les femmes agricoles font face. Il n’entre pas dans les détails des
défis et contraintes auxquels font face les femmes agricoles - en
dehors de la reconnaissance de l’accès à la terre et au crédit
comme principaux problèmes.
Le cas du Mozambique
Par contre, le Plan stratégique de développement agricole
(PEDSA) du Mozambique contient des dispositions spéciales
visant à satisfaire les besoins des femmes agricoles. Le PEDSA
contient un certain nombre de dispositions dans le projet de
texte permettant de prendre en charge les questions relatives
au traitement équitable des genres. Par exemple, il cherche à
améliorer l’accès des femmes à terre et à la propriété foncière,
en portant un intérêt particulier sur les besoins et intérêts
des ménages dirigés par des femmes. De même, le PEDSA
appelle explicitement à l’élaboration et à la mise en œuvre de
programmes visant à améliorer l’intégration des personnes
vivant avec le VIH/sida au développement agricole.
En dépit de cela, le PEDSA ne dit pas clairement si les pauvres,
les petits exploitants, les paysans et les femmes agricoles doivent
être soutenus pour la vente de leur produit (localement/à
l’étranger) pour améliorer leurs moyens d’existence. Le
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 19
marketing est exclusivement laissé aux praticiens du secteur
privé et peut ne pas nécessairement satisfaire les besoins de
tous les agriculteurs. Le PEDSA ne spécifie pas qui établit les
priorités en matière de recherche. Le PEDSA ne protège pas les
producteurs locaux de la concurrence déloyale dans le marché
régional et à l’échelle mondiale. En conséquence, le plan doit
soutenir la croissance des secteurs/sous-secteurs agricoles clés
et même les effets négatifs du PEDSA sur les villes doivent
également être pris en charge; il est par exemple suggéré
d’accroître l’utilisation d’engrais qui à par contre peuvent
se révéler être un grand danger - en particulier l’utilisation
intensive d’engrais à forte dose.
s’inquiéter sur la sécurité de l’approvisionnement, avec des
craintes exacerbées par l’angoisse liée aux effets des changements
climatiques sur l’agriculture dans les années à venir, en particulier
pour les femmes. La quatrième évaluation du GIEC souligne
que l’Afrique est l’un des continents les plus vulnérables aux
changements climatiques. Cette situation rend le continent
sensible aux menaces qui incluent les réductions de récoltes
dans certains pays jusqu’à 50 % d’ici 2020; l’accroissement de la
tension hydrique 75-250 millions de personnes d’ici les années
2020 et 350-600 millions d’ici les années 2050; et le coût de
l’adaptation à l’augmentation du niveau de la mer d’au moins
5-10 % de produit intérieur brut.
3.3. Impact des investissements fonciers sur les droits de la
femme et rôle des instruments internationaux
Preuve de propriété foncière
La Convention cadre des Nations Unies sur les Changements
climatiques et son Protocole de Kyoto contiennent peu de
références au genre. Les documents de la quinzième Conférence
des parties (COP 15) ignoraient totalement le genre et ceux
de la COP 16 tenue à Cancun utilisent peu le langage de la
dimension genre à l’instar «des groupes les plus vulnérables».
C’est au mépris du fait que 70 % des 1,3 milliard d’habitants
du monde en développement vivent en dessous du seuil de la
pauvreté sont des femmes; la majorité d’entre elles sont des
femmes agricoles. Les changements climatiques exacerberont
de plus en plus les pressions exercées sur les vulnérables et les
pauvres - dont une bonne partie ont un impact différent selon
le genre. Le continent africain ne déroge pas à cette règle.
Spoliation des terres en Afrique
Dans une ruée visant à protéger les ressources alimentaires,
les investisseurs provenant du monde entier ravissent les
terres agricoles à des prix exorbitants, surtout en Afrique.
Les gouvernements nationaux, les entreprises privées et les
fonds d’investissement acquièrent l’accès à la terre à travers le
continent pour la production des aliments et du carburant.
Sécurité alimentaire
L’intérêt soudain pour la terre tient en grande partie à la
nécessité de la sécurité alimentaire et de l’approvisionnement
en carburant. La forte augmentation des cours des produits
alimentaires en 2007 et 2008, ainsi que la volatilité des cours
du pétrole semble avoir poussé un certain nombre de pays à
Dans ces circonstances, les questions relatives à la capacité de
la femme à posséder, contrôler et accéder à la terre deviennent
encore plus pertinentes. La question de savoir “Qui possède
la terre” peut soulever un problème complexe et controversé,
en particulier dans les pays où il n’existe aucun moyen
formel d’immatriculation du terrain. Dans quelques pays, le
Mozambique par exemple, la terre appartient à l’État et peut
uniquement être loué par les exploitants étrangers. Dans la
plupart des pays, les négociations avec les différents organismes
publics sont indispensables avant toute transaction foncière.
Dans certains pays, on consulte les patriarches au sein de la
communauté pour l’acquisition de terres, mais ces consultations
peuvent être biaisées par les rapports de patriarches qui
accordent la permission à leur insu ou en échange de l’argent,
sans la moindre participation de la communauté en général.
L’élément pertinent à ce niveau est constitué par le Cadre et les
directives de l’Union Africaine en matière de politique foncière
en Afrique, qui ont pour but de renforcer les droits fonciers,
accroître la productivité et protéger les moyens de subsistance.
Cela illustre la façon dont les pays africains peuvent développer
des politiques visant à soutenir une meilleure utilisation des
terres, y compris en reconnaissant les droits fonciers indigènes,
les droits fonciers de la femme, ainsi que les systèmes locaux et
communautaires. Cette situation fait appel à une approche plus
holistique à la politique et aux mesures visant à garantir que
les politiques axées sur le marché n’exposent pas les groupes
vulnérables à une marginalisation accrue. «Si elle est distribuée
de façon équitable et gérée efficacement, la terre peut contribuer
à l’éradication de la pauvreté.»
6. Au Kenya par exemple, le gouvernement a déjà expulsé les populations – y compris la communauté indigène Ogiek – de quelques 21 000 hectares dans la forêt Mau et il envisage procéder à d’autres expulsions.
20 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 21
3.4. L’accord de Cancun sur la REDD perçu comme moyen
de spoliation des populations de leurs terres par les
grands pollueurs
alimentaires pour la famille. Les impacts des changements
climatiques sont de plus en plus reconnus comme des facteurs
importants des migrations et des déplacements.
La REDD: «Réduction des émissions liées à la déforestation et
la dégradation des forêts» offre des opportunités de résultats
pour les communautés qui dépendent de la forêt; toutefois, il
comporte également un risque de graves résultats négatifs, en
particulier pour les femmes qui comptent sur les ressources
de la forêt pour soutenir leurs familles et comme moyens
de subsistance. Pour certains, la REDD en tant que plan ou
cadre de Réduction des émissions liées à la déforestation et la
dégradation des forêts (REDD) est une dépossession de terre,
car elle transfère la richesse naturelle des pauvres aux riches
sous les auspices de la sauvegarde de la planète.
Commerce du carbone – Émettre moins ou générer plus
de carbone?
Les études suggèrent qu’un tiers des terres vendues ou acquises
en Afrique est destiné aux cultures servant à la production de
carburant - environ5 millions d’hectares. Un certain nombre
d’entreprises de l’UE, souvent petites, sont concernées,
quelquefois avec l’appui ou la participation de leur gouvernement
national. Beaucoup sont promptes à vanter les avantages sociaux
et environnementaux de leur activité, parce qu’elles créent des
emplois et suscitent l’espoir du développement en zones rurales.
Cependant, les gens prennent de plus en plus conscience de
la face cachée de cet essor de l’agro-carburant. Étant donné
que les scientifiques et les institutions internationales remettent
en cause les avantages climatiques de cette source alternative
de carburant, les communautés locales et dans certains cas les
gouvernements nationaux prennent conscience de l’impact
des spoliations foncières sur l’environnement et les moyens de
subsistance locaux.6
Lors de COP 16, les organisations qui travaillaient sur
les droits des femmes ont soulevé des questions très
fondamentales concernant la REDD. Il y avait au premier rang
le fait que REDD +, dans sa conception actuelle contribuera
à une spoliation foncière à l’échelle mondiale au détriment
des communautés et des peuples indigènes; ce qui affectera
particulièrement les femmes. Les gouvernements et les sociétés
des pays industrialisés paieront uniquement pour la protection
des forêts s’ils obtiennent en échange les droits d’émission du
carbone correspondant. Cela aura un impact particulier sur
les femmes, étant donné que leurs droits de propriété sont
moins sécurisés. L’on a également débattu sur le fait que les
initiatives de REDD +, dans leur conception actuelle, créent
des stimulants pervers et des injustices. Les femmes jouent un
rôle clé mais autrement dans la conservation et la restauration
de la forêt. La REDD actuel + dans sa conception actuelle
permet aux acteurs d’obtenir des crédits de carbone afin
réduire leur déforestation. Les femmes sont, en général, moins
responsables de la déforestation et la dégradation des forêts en
conséquence, selon ce modèle, elles seraient moins éligibles aux
crédits de carbone liés à la forêt.
Impact sur l’atteinte à l’environnement
La pression sur les terres cultivables a provoqué le défrichage
de la forêt pour faire place aux plantations d’agro-carburant, en
détruisant des ressources minérales de valeur et en augmentant
des émissions de gaz à effet de serre. Les changements
climatiques ont provoqué des modifications de la biodiversité
et les systèmes naturels affecteront également des femmes. La
disparition de pollinisateurs, tels que les papillons et les abeilles,
pourrait gravement affecter la production agricole de fruits, du
miel, de noix et de fleurs - qui sont des ressources importantes
pour les femmes dans leur rôle de pourvoyeuses de denrées
7.
Le commerce du carbone se fonde sur l’idée qu’un prix doit
être fixé pour les émissions. Les entreprises ou les pays auraient
un plafond de la quantité des émissions autorisées. Ceux
qui réduisent leurs émissions au-dessous des niveaux visés
pourraient vendre l’espace atmosphérique aux pollueurs qui
excèdent leur plafond. Cependant, cette approche ne fonctionne
pas pour certains qui pense que le carbone ou les modèles de
rechange, y compris la REDD, sont une «initiative à double
face» des principaux pollueurs dans le monde développé.
Une autre question soulevée était que la REDD + en tant
que mécanisme de compensation ne s’attaquera pas aux
changements climatiques, étant donné qu’elle transfère la la
responsabilité de l’atténuation du Nord au Sud. Les contrats
visant à délivrer des licences de pollution aux entreprises
dont les activités dépendent entièrement du carburant fossile
Les cultivateurs se sont rendu compte que la merveilleuse jatropha qui a fait l’objet de beaucoup de louanges, au lieu d’assurer un revenu sûr, absorbe plutôt une part considérable des ressources et requiert des
pesticides onéreux. Dans certains cas, des cultures vivrières ont été éliminées pour planter la jatropha, ce qui a laissé les cultivateurs (dont la plupart sont des femmes) sans revenu et sans source de nourriture.
22 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
REDD, à la conception, la
causeront potentiellement
mise en œuvre, le suivi et
du tord aux communautés
“Si les droits fonciers des femmes sont établis,
l’évaluation des projets de
qui pâtissent partout
alors il faut que les femmes paysannes à la base
la REDD. La REDD doit
ailleurs de l’extraction de
participent et soient au fait de ces dispositions.”
respecter les pratiques de
carburant fossile ou de la
bonne gouvernance afin
pollution dont ces sociétés
de garantir des processus
sont responsables. Les
femmes et les jeunes filles au sein de ces communautés portent participatifs aux questions d’égalité des genres.
une disproportionnellement élevée de ce fardeau. C’est pour La REDD doit assurer un égal accès et en temps opportun aux
cela que, les compensations forestières de carbone n’affectent informations relatives à la planification et à la mise en œuvre
pas uniquement les communautés indigènes du Sud.
des projets tout en offrant aux femmes des opportunités de
Finalement, il a été convenu que la commercialisation du
vivant et les marchés de carbone sont incompatibles avec
les cosmologies traditionnelles et indigènes; ils constituent
également une violation du sacré. Les femmes, en tant que
détentrices, au moins, de la moitié de toute la connaissance
traditionnelle, sont indissociables de la préservation et de
la mise en pratique de cette connaissance. De nombreuses
traditions tribales indigènes, dans le cadre de leur responsabilité
historique, protègent le caractère sacré de la Terre Mère; elles
sont également les défenderesses du Cercle de Vie qui inclut
la biodiversité, les forêts, la flore, la faune et toutes les espèces
vivantes.
Recommandations
L’intégration systématique de la perspective de genre dans la
REDD doit faire partie des normes et directives internationales
existantes afin de s’assurer que les femmes ont un égal accès
et maîtrise tous les avantages de la REDD en utilisant les
outils d’intégration de la dimension genre. Les processus de
planification de la REDD doivent également inclure indicateurs
et les objectifs sensibles à l’égalité entre les sexes. Le partage
des bénéfices de la REDD et la restructuration du paiement
doivent être davantage élaborés afin de prendre efficacement
en charge la souffrance des femmes.
Les projets de la REDD doivent se conformer aux conventions
internationales relatives à l’égal accès des femmes à la propriété
foncière et aux droits (notamment: CEDEF, OMD, la Convention
sur la biodiversité, la Convention sur la désertification et
l’Agenda 21. Les femmes et les réseaux de femmes qui
participent à la gestion des ressources naturelles doivent être
reconnus en tant que principaux acteurs lors des consultations
liées à la REDD, aux groupes de travail sur la nation de la
8.
renforcement des capacités afin de leur permettre de participer
efficacement au processus. Elle doit évaluer les connaissances
traditionnelles et scientifiques féminines du peuple autochtone
en matière de ressources forestières et nationales. Elle doit
également créer un lien entre elle et la dimension genre doit
être mentionnée dans tous les processus de la CCNUCC.
3.5. Processus internationaux visant la prise en charge de la
gouvernance foncière: Principes pour les «Investissements
agricoles responsables»
L’«IAR» renvoie aux 7 principes de l’Investissement agricole
responsable proposés par le FIDA, la FAO, la CNUCED et
la Banque mondiale. Les principes se fondent sur le cadre
de responsabilité sociale des entreprises et ont pour but de
guider les pays, les sociétés et d’autres acteurs lors de la mise
au point de l’investissement agricole socialement responsable.
Les 7 Principes mettent l’accent sur le respect des droits
fonciers existants, la sécurité alimentaire, la nécessité de la
transparence et de la bonne gouvernance, la consultation et
la participation, la viabilité économique et l’investissement
responsable des entreprises agricoles, la soutenabilité sociale
et environnementale. Le thème central des principes est que
les droits fonciers doivent être protégés. L’IAR encourage
un processus d’immatriculation et de démarcation rapide des
terres communales en exerçant beaucoup de pression sur les
pays d’accueil pour qu’ils appliquent les droits fonciers.
Les détracteurs de l’IAR affirment qu’il n’a pas été élaboré à
l’aide de consultations significatives. Les organisations de la
société civile, les groupes de fermiers et les peuples autochtones,
les habitants de la forêt, les femmes, les éleveurs et les
pisciculteurs n’ont pas été suffisamment associés à l’élaboration
des principes. En outre il n’existe pas de consensus général sur
Le CSA envisage l’adoption des Directives volontaires sur la gouvernance responsable du régime foncier et d’autres ressources naturelles lors de sa 37e session en octobre 2011. Son intention est de les faire appliquer en 2012 à travers une série de pays et de politiques de plans d’action régionaux.
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 23
les principes ou sur leur nécessité. LVC et FIAN sont opposés
au développement de principes régissant l’acquisition foncière
à grande échelle et affirment que de tels principes légalisent
la pratique de des acquisitions/spoliations foncières à grande
échelle. Les organisations d’agriculteurs et la société civile ont
été divisés quant aux implications et aux réponses à apporter
aux acquisitions foncières à grande échelle. Les principes sont
volontaires, et par conséquent non imposables; en outre, les
principes de consentement préalable et en connaissance de
cause ne figurent pas dans le cadre.
Les partisans des principes affirment que le respect des principes
proposés par le pays hôte et le pays investisseur devrait assurer
la protection de la sécurité alimentaire et des normes minimales
pour les gouvernements hôtes.
3.6. Directives volontaires sur la gouvernance responsable du
régime foncier et d’autres ressources naturelles
Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) est la
principale plate-forme mondiale où se négocient les politiques
de sécurité alimentaire; il a été réformé après la crise alimentaire
de 2008. Le CSA conduira le processus de consultation sur
les Directives volontaires sur la gouvernance responsable du
régime foncier et d’autres ressources naturelles (DV). Les DV
ont été élaborées au fil du temps à travers une série d’études
thématiques et de consultations sous l’impulsion de la FAO et
seront négociées par le CSA en juillet 2011. La FAO a mené
des consultations avec de multiples parties prenantes en vue de
l’élaboration des DV en se fondant sur les processus régionaux
existants.
Les directives sont à vocation globale, mais doivent être appliquées
au niveau national. Elle vise principalement à améliorer la
propriété foncière à l’aide de normes internationales. Il s’agit
d’un cadre permettant d’élaborer une politique ou d’évaluer
la politique existante en matière d’investissements foncier à
grande échelle. Elles visent les décideurs, les gouvernements, le
secteur privé et les OSC. Les directives ne sont pas légalement
contraignantes et ne se substitue à aucune lois ou traité, mais se
réfèrent aux conventions sur les droits de l’homme, y compris
la CEDEF.
Un projet de Directives volontaires sur la gouvernance
responsable du régime foncier et d’autres ressources naturelles
a été élaboré et un groupe de travail comprenant la FAO et les
États membres travaillent actuellement sur projet final; celui-ci
24 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
doit être prêt avant juillet 2012. Ce document pourra alors être
utilisé pour influencer la politique au niveau national.
Observations sur les Directives volontaires et les
Investissements agricoles responsables
Il existe un déficit d’information sur les DV et l’IAR en ce qui
concerne le processus, l’engagement en faveur du processus, les
avantages et les inconvénients des politiques internationales qui
régissent la terre et leur impact sur les droits fonciers des femmes.
Toutefois, les DV et l’IAR sont extrêmement techniques et
complexes; ce qui, en conséquence exclut la participation active
des femmes au niveau local. Cela compromettra probablement
davantage les droits fonciers de la femme. Il existe une hypothèse
sous-jacente selon laquelle les directives sont bonnes, mais il
convient de continuer à examiner leurs avantages vis-à-vis de
l’acquisition foncière à grande échelle.
En outre, il a été noté que les directives présentent des lacunes
ou ne prennent pas en charge la dimension genre; celle-ci doit
effectivement y être intégrée. Il est également nécessaire de
procéder à une relecture afin de déterminer si les organisations
doivent, de manière constructive, s’engager en faveur des
processus des DV et de l’IAR sur lesquels elles n’ont aucun
contrôle et peuvent endosser les acquisitions foncières à grande
échelle.
3.7.Droits des femmes à la terre et aux ressources naturelles:
Tirer les leçons des combats menés par les femmes
Le cas de l’Afrique du Sud
Il existe en Afrique du Sud un double système de propriété
foncière. Depuis 1994, l’on considère que la réforme foncière
fait partie intégrante du processus visant à instaurer une société
et une économie plus équitables et plus justes. Cette démarche
se justifie par le fait que dès 1913, le système d’apartheid a
systématiquement dépouillé les Sud-africains Noirs de leurs
droits de posséder, résider et cultiver la terre. Les politiques
de réforme foncière post-apartheid se sont en conséquence
focalisées sur la formalisation des droits de propriété foncière,
l’éradication des modèles raciaux biaisés de droits de propriété
foncière et la garantie d’une utilisation productive des terres
redistribuées pour la production commerciale. Les politiques
ont ciblé des catégories spécifiques de bénéficiaires - les pauvres,
les employeurs de main-d’œuvre, les ouvriers agricoles, les
femmes et les jeunes agriculteurs. Elles ne contenaient aucune
analyse des entraves discriminatoires auxquels ces groupes font
face pour accéder et utiliser la terre. Toutefois, cela ne s’est pas
traduit dans les faits, dans la mesure où l’Afrique du Sud a une
politique foncière axée sur le marché.
Historiquement, l’agriculture a toujours été bien protégée.
Après 1994, l’Afrique du Sud a signé un accord avec l’OMC,
qui a ouvert le pays au marché et a éliminé les protections dont
bénéficiait la production agricole. La libéralisation a également
entrainé l’introduction d’une série de lois visant à protéger la
propriété foncière et les fermiers. 95 % des terres sont détenues
par les fermiers blancs. Les ouvriers agricoles n’ont pas de
terre pour la production alimentaire. Les fermiers peuvent leur
accorder des terres, mais pas l’accès à l’eau qui est en majorité à
usage agricole. Les postes de débutant sont réservés aux femmes
tandis que les postes les plus complexes sont pour les hommes.
Les ouvriers agricoles permanents sont des hommes tandis
que les femmes ouvrières sont généralement des employées
temporaires. Cela rend précaire le statut et l’accès des femmes
à la terre. Ils dépendent généralement de leur relation avec les
hommes, ce qui a fondamentalement perpétué la Violence faite
aux femmes.
Quatre principales évolutions se sont produites à la suite de
la politique foncière qui incluent la précarisation de la main
d’œuvre; la féminisation du travail; la substitution des hommes
par les femmes ouvrières tandis qu’elles continuent à s’occuper
des tâches ménagères; et enfin le recrutement des ouvriers
agricoles par le biais des pourvoyeurs de main-d’œuvre, les
fermiers ne sont pas tenus responsable des ouvriers et leurs
droits d’accès sont encore plus précaires.
Le cas du Malawi
La Constitution de Malawi interdit la discrimination
sexospécifique et garantit aux femmes le droit à la propriété,
conjointement ou individuellement. Le Malawi applique
toujours une loi foncière de 1965 qui ne garantit pas l’égalité
des droits fonciers de la femme avec ceux des hommes. La terre,
particulièrement en zones rurales demeure essentiellement régie
par le droit coutumier qui est patriarcal. Le droit, qu’il soit écrit
ou coutumier, est discriminatoire.
À travers des initiatives d’OSC, de WOLAR et de SERVE,
les femmes ont obtenu des bénéfices considérables relatifs
aux questions foncières; par exemple, plus de 1 000 femmes
ont accédé à la terre, 10 ont un terrain enregistré en leur nom
et plus de 2 000 ont été alphabétisées, ce qui leur permet de
comprendre et d’exiger leurs droits. Par conséquent, les hommes
commencent à respecter les droits fonciers de la femme. Grâce
aux programmes de subvention gouvernementaux, le Malawi
est devenu auto-suffisant du point de vue de la production de
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 25
maïs; cela a été dû en grande partie à l’autonomisation des
femmes. Le gouvernement respecte l’objectif du PGDAA
en allouant 11 % de son budget à l’agriculture; toutefois, il
est nécessaire que l’allocation tienne compte de la dimension
genre.
En dépit des avancées enregistrées au Malawi, les femmes
rurales font toujours face à plusieurs défis majeurs. Ceux-ci
incluent la baisse du cours des récoltes comme le tabac, le
savoir-faire technologique et la domination des industries
par les hommes.
De quoi les femmes ont-elles besoin?
Pour renforcer les droits fonciers des femmes et leurs
capacités en matière de production agricole, celles-ci
nécessitent ce qui suit: des infrastructures adéquates en
zones rurales afin de faciliter l’agriculture soutenable, la
protection de la transformation et de la valeur ajoutée aux
denrées alimentaires; des titres fonciers légaux; la capacité
de fixer les prix de leurs produits; la communauté a besoin
d’une évaluation pour faire une projection et identifier ses
propres problèmes. Par ailleurs, les femmes doivent engager
le dialogue au niveau local afin s’attaquer collectivement
aux problèmes et choisir efficacement leurs leaders. Il est
nécessaire d’utiliser mécanismes de surveillance paralégaux
et communautaires pour sensibiliser sur leurs problèmes;
la sensibilisation sur les garanties juridiques; les échanges
entre pairs; et la formation d’une masse critique de femmes
au niveau local afin de s’assurer que leurs voix sont
entendues.
Conclusions et recommandations
Pour consolider les droits fonciers des femmes, celles-ci
doivent, au niveau local, être inscrites au programme des
droits fonciers. L’on doit mettre l’accent sur l’encouragement
des femmes à prendre le leadership, à se mettre en réseau
avec les organisations ayant les mêmes objectifs au niveau
local, régional et international. La participation active
des communautés à la prise de décision, à la conception
de politiques et de programmes est également un facteur
important pour consolider les droits fonciers des femmes.
D’autres questions à examiner sont la mise en place de
plates-formes nationales afin d’engager les femmes au
niveau local sur diverses questions qui affectent leurs droits
fonciers, et la création de mécanismes de financement et
des ressources visant à faciliter les facilités de crédit pour
l’investissement.
26 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
4. Obtention des réparations
judiciaires: Mécanismes de
réparation et de dédommagement
des victimes de VSBG en Afrique:
Opportunités et défis
La phase de reconstruction post-conflit offre l’opportunité
de remédier à l’absence des droits d’accès et de contrôle de
la terre à travers les réparations et les mécanismes de justice
transitoires. Toutefois, cela se traduit rarement dans les faits.
Les femmes se rendent compte en rentrant à la maison que
leurs nouveaux rôles sont restreints et que leurs rôles sociaux
d’avant la guerre ont été rétablis. Cette situation est due au
fait que les femmes sont exclues des processus décisionnels
relatifs à la reconstruction (par exemple les accords de paix,
les réparations et les programmes d’intégration, la réintégration
et les négociations de la réforme foncière). Les acquisitions de
terres à grande échelle ne font qu’exacerber cette situation.
L’adoption de la privatisation des modèles coutumiers de
régime foncier après un conflit laisse souvent les femmes
sans terre, même si l’enregistrement des droits fonciers peut
apparaître comme une avancée par rapport au droit coutumier,
il n’en est rien. En fait, pour les femmes, la privatisation et
l’immatriculation foncière dans des contextes de post-conflit
créent un cercle vicieux dans lequel les femmes ne peuvent pas
acheter le terrain dans des modèles axés sur le marché parce
qu’elles sont pauvres, économiquement marginalisées et n’ont
aucun accès au capital. Cette spoliation des droits fonciers de
la femme pendant la guerre les rend vulnérables à la violence
sexuelle et celle basée sur le genre.
4.1. Fin de l’impunité pour les faits de violence sexuelle et
celle basée sur le genre, Mécanismes inopérants pour
s’attaquer à l’impunité: L’expérience de la justice
militaire congolaise
La violence sexuelle et celle basée sur le genre (VSBG) est
définie comme «Tout acte qui viole l’autonomie sexuelle et
l’intégrité physique des femmes et des enfants sous le droit
pénal international». Elle inclut le viol, l’agression sexuelle,
les lésions physiques graves, la mutilation des organes
reproducteurs féminins, l’esclavage sexuel, la prostitution
forcée, les grossesses forcées, l’avortement et la stérilisation
forcée, l’infection de femmes avec les maladies sexuellement
transmissibles, y compris le VIH/sida et la traite des femmes et
des enfants pour l’esclavage sexuel.
9.
La VSBG a été un facteur déterminant dans la guerre en
République démocratique du Congo (RDC). Les forces
gouvernementales et celles de l’ONU, ainsi que la milice
non-étatique ont toutes été accusées de VSBG. La VSBG est
tellement prévalente en RDC que ce pays a été décrit comme «le
pire endroit où les femmes puissent vivre», étant donné que les
victimes obtiennent rarement justice. La VSBG est réelle tant
en temps de paix et que pendant dans la guerre - la différence
étant en terme de nature et d’ampleur. À l’est de la RDC, plus
de 2000 femmes ont été victimes de violence sexuelle en moins
d’un an.
Problèmes d’accès à la justice rencontrés pas les victimes
de VSBG
La VSBG en tant que violation des droits de l’homme est
très souvent restée dans l’ombre. En dépit de l’évolution des
textes législatifs en RDC, l’impact de la violence sexospécifique
demeure très important et il existe un grand fossé entre les
crimes présumés et les crimes jugés réellement jugés. La
justice reste insaisissable pour la plupart des victimes de la
violence sexospécifique. Du fait des coûts exorbitants associés
aux procédures de la justice formelle, elle est financièrement
inaccessible. L’état désastreux des prisons a pour conséquence
de nombreux cas d’évadés qui exercent des représailles sur
les victimes. En outre, il existe un manque de prise en charge
médicale et psychologique pour les victimes de la violence
sexospécifique. De même, il n’existe pas de critères pour avoir
droit au dédommagement et les victimes sont traitées de façon
inégale, étant donné que la VSBG n’est pas considérée comme
un délit grave, si l’on en juge par le dédommagement. L’on
note également l’interprétation approximative des victimes qui
fait que la majorité des victimes de violence sexuelle peuvent
se trouver exclues des programmes de dédommagement. Le
dédommagement pécuniaire est généralement la seule forme
de réparation alors que la violence sexuelle et sexospécifique
requiert une approche plus holistique lorsque les victimes ont
besoin d’une réhabilitation complète.
Récemment, il a été adopté une stratégie nationale de gestion
de la violence sexuelle et celle basée sur le genre. Elle intègre
plusieurs composantes, notamment l’armée dont les missions
Art. 5 du Protocole de la CIRGL sur la violence sexuelle
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 27
incluent l’évaluation du rôle des Forces Armées, la formation d’avant la violation. En conséquence, la restitution peut inclure
des formateurs et des pairs éducateurs, la sensibilisation sur la la restauration de la liberté, des droits légaux, du statut social,
VSBG, le code de conduite pour la prise en charge de la VSBG de la vie de famille et de la citoyenneté, le retour à son lieu de
par le personnel militaire; la police qui est responsable de la résidence, la restauration de l’emploi et la récupération des biens.
formation sur la violence sexospécifique, la sensibilisation et Le terme Dédommagement par contre couvre les dommages
la féminisation du personnel; la composante DDRR qui est économiques quantifiables résultant du délit. Le préjudice/
chargée de réviser les procédure DDRR en vue de la prise en douleur et souffrance physique ou mental, l’humiliation, la
compte de la dimension genre, le renforcement du rôle des perte d’opportunités, la perte de l’envie de vivre, la perte de
relation sociale, les coûts
femmes dans les processus
requis pour l’assistance
DDRR; le renforcement
“Une autre difficulté rencontrée réside dans la
juridique,
les
soins
des capacités au sein du
faiblesse des liens institutionnels qui ne facilitent
médicaux, les services
système judiciaire qui fait
pas la constitution et conservation des preuves
psychologiques et sociaux
appel à l’accroissement des
recrutements, la formation,
pourtant nécessaire pour porter un cas en justice et etc. La compensation
peut être financière ou en
la documentation, la
le agner.”
nature.
fourniture d’équipement
et d’infrastructures pour
Le droit aux réparations et au dédommagement est souvent
outiller le système judiciaire afin qu’il traite convenablement les inscrit dans la loi. Cependant, les femmes sont largement exclues
cas de VSBG; et l’amélioration de l’accès à la justice par le biais de la formulation et de la conception de ces programmes de
des audiences foraines, l’assistance gratuite aux victimes, l’appui réparation.Par conséquent, ces programmes reconnaissent
logistique, le contrôle judiciaire et la réforme législative.
rarement les besoins ou traitent de questions spécifiques
des femmes concernant la restauration de la citoyenneté, du
Portée des mécanismes
territoire, la perte d’actifs etc.
Les mécanismes mis en place visent:
(a)La prévention de la SGVB à travers la sensibilisation, les Le droit aux réparations
attitudes de changement, la formation des acteurs et la Le droit à la réparation est garantit par plusieurs conventions
des Droits de l’Homme, y compris la Convention contre la
recherche.
(b) La protection contre la SGVB à travers la mise en vigueur, torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
la promotion des réformes législatives, la création de dégradants (Article 14 alinéa 1), le Pacte international relatif
aux droits politiques et civils (Article 2, alinéa 3). Ces traités
structures ad hoc (réception, mécanismes d’appui); et
exigent que chaque État prévoie dans son système juridique
(c) La responsabilisation en matière de VSBG à travers national, le droit des victimes à la réparation ainsi qu’aux
l’éducation, le travail et l’implication des femmes dans moyens de réhabilitation au plus tôt après le conflit.
la prise de décisions (Résolution 1325 du conseil de
Les textes internationaux sur les réparations recommandent
sécurité).
que les réparations incluent le droit à la restitution, y compris
4.2. Obtention des réparations judiciaires, Mécanismes de
la restauration de la liberté, les droits juridiques, le statut social,
réparation et de dédommagement des victimes de VSBG la citoyenneté et la restitution de la propriété. Les stipulent que
en Afrique: Opportunités et défis
la réhabilitation accompagne des réparations tangibles c’est- à Le terme «réparation» n’est pas compris par tous et est dire, les soins mentaux, l’accès au système juridique, les garanties
parfois indifféremment utilisé avec le mot dédommagement. de non récidive, la vérification des faits, le discours public et
Cependant, les réparations sont plus larges et comprennent la la divulgation de la vérité, les excuses et la reconnaissance
restitution, la compensation, la réhabilitation, la satisfaction et publique des faits et l’acceptation de la responsabilité par les
la garantie de non récidive. Par Restitution il faut entendre la auteurs, les sanctions administratives ou judiciaires contre les
restauration du «statu quo», c’est-à-dire, le retour à la situation personnes responsables des violations.
28 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
Bien que la majorité des gouvernements aient signé ces
instruments régionaux et internationaux, ils doivent être
domestiqués pour faire partie des lois, programmes et stratégies
nationales afin d’assurer le droit aux réparations particulièrement
dans les cas de VSBG.
Les mesures extrajudiciaires sont importantes comme solution
immédiate jusqu’à la mise en place des programmes de
réparation. Le Rwanda, par exemple, a lancé son processus de
réparation avec un fonds destiné à l’assistance aux victimes du
génocide jusqu’à ce que la loi sur le fonds de dédommagement
soit promulguée.
Les réparations doivent inclure le droit à la vérité, c’est-à-dire
le droit à la mémoire qui est la reconnaissance que l’histoire
d’un peuple fait partie de son héritage. L’État doit prendre des
mesures spécifiques pour protéger le droit à la mémoire et le
droit de savoir les victimes et leurs familles ont le droit de savoir
la vérité sur les circonstances dans lesquelles les violations des
temps de guerre ont été commises.
Défis liés à l’administration de la justice
Il existe des lois spécifiques traitant de la VSBG, mais
sans aucune disposition particulière sur la protection et les
réparations à l’égard des victimes de VSBG. En RDC par
exemple, les deux textes de loi (2006) récents qui ont modifié
le code pénal de 1940 et le code de procédure pénale de
1959 à l’effet de reconnaitre la VSBG ne comportent aucune
disposition claire sur les réparations. De même, il n’existe pas
de politique cohérente sur les réparations. Mais les dispositions
sur les réparations sont dispersées dans divers textes de loi.
La nature du dédommagement accordé aux victimes est à la
discrétion du tribunal. Les mécanismes de la justice formelle se
focalisent généralement sur la punition des délinquants et non
sur ce qui arrive aux victimes.En RDC par exemple, le Colonel
Kibibi Mutware a été condamné à 20 ans de prison, mais rien
n’a été prévu pour les victimes.
Autre difficulté, il existe des liens institutionnels très faibles,
ce qui ne facilite pas la bonne collecte et la conservation de
preuves nécessaires pour une procédure judiciaire. Cette
situation diminue la capacité des victimes à réclamer toute
forme de réparations. Par ailleurs, il n’existe pas ou il existe
peu d’établissement de profil ou de l’évaluation de la place
réservée aux femmes dans les crimes, victimes, conflit. Par
conséquent, les besoins spécifiques des différents groupes ne
sont pas examinés dans les programmes de réparation. Enfin,
il y a une faible volonté politique à gérer convenablement les
crimes impliquant la violence sexuelle et sexospécifique.
Recommandations
Il est nécessaire d’améliorer l’accès à l’information sur les
procédures et les possibilités d’obtenir les informations sur
la protection et la réparation à l’égard des victimes de SGBV
tout en améliorant la collaboration entre divers acteurs (dans
la continuité de possession) pour une approche holistique aux
réparations de la VSBG. Les gouvernements nationaux doivent
montrer davantage de volonté politique dans la domestication
et l’effectivité de la mise en œuvre des instruments des droits
de l’homme et internationaux concernant la VSBG. Cela peut
également se faire en mettant en place des mécanismes pour
les réparations effectives en établissant des fonds d’affectation
spéciaux pour les victimes de VSBG, les systèmes d’appui aux
victimes pendant la durée des procès et les systèmes d’appui
pour les réparations incluant les victimes directes et indirectes
(ex: parents, personnes à charge etc.).
4.3. Accès à la justice, défis et opportunités: Procédure
stratégique
La procédure stratégique est d’abord un outil de changement
social efficace. Bien que les affaires ne conduisent pas à un
changement immédiat, elles peuvent servir de catalyseur pour
les processus menant au changement social. La procédure
stratégique a le potentiel d’influencer et d’affecter un public
plus large ou une classe de personnes affectées.
Cette procédure reconnait l’État comme un agent de service
primaire dans la protection de ses citoyens et peut être utilisé
comme outil d’imputation de responsabilité à l’État, de mise
en œuvre de la loi et du développement des normes des
droits de l’homme ou du renforcement des normes/droits
qui oblige l’État à ses obligations constitutionnelles. Outre
leurs obligations constitutionnelles, les États promulguent la
législation et adhèrent aux traités internationaux. Toutes ces
obligations doivent être appliquées et les violations des droits
nécessitent des réparations.
Parmi les défis soulevés par la procédure stratégique figure
le fait qu’elle prend du temps. En conséquence, il faut de la
ténacité de la part des avocats ou des plaignants des affaires
sous procédure stratégique.Elle est onéreuse, bien qu’elle puisse
revenir moins coûteuse lorsqu’elle est menée convenablement.
Elle est compliquée parce qu’elle requiert la connaissance la
procédure judiciaire et que l’on puisse correctement en établir
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 29
le lien avec les affaires en question afin de s’assurer que les
résultats satisfont l’objectif général qui est le changement. Le
succès n’est pas toujours garanti. En effet, plusieurs systèmes
judiciaires rendent plus difficile le changement à travers la
procédure stratégique. En outre, la plupart du temps, les
femmes semblent être impuissantes face aux communautés.
Limite de la stratégie actuelle
L’accent est normalement mis sur le gain par opposition au
développement de la jurisprudence ou à la mutation sociale
en général, tandis qu’il se pose également le problème de la
demande devant les tribunaux de réparations inappropriées, et
que le tribunal peut trouver difficile à accorder. Autre limite,
le fait qu’il y ait une compréhension erronée du concept de
séparation des pouvoirs dans la mesure où les juridictions ne
peuvent pas imposer au parlement le travail qu’il a à faire.
4.4. Obtention de la justice, Réparations et
dédommagement des victimes de VSBG en Afrique:
Mécanismes régionaux
Il existe 10 protocoles faisant partie intégrante du Pacte de
sécurité, stabilité et développement dans la Région des Grands
Lacs (Art 12). Trois dispositions spécifiques abordent la
violence sexuelle et celle basée sur le genre:
Le Protocole sur la Prévention et la suppression de la
violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants
La Déclaration de Dar-es-Salaam
La Déclaration de Goma
Le Pacte - Relations protocolaires et implications
Le Pacte sur la Sécurité, la stabilité et le développement dans
la Région des Grands Lacs est un ensemble de protocoles (10
d’entre eux). Lorsque le Pacte est ratifié, de manière implicite,
tous les protocoles sont considérés comme étant ratifiés (voir
article 7.1 et 7.2 du Protocole contre la violence sexuelle). Le
Pacte rend la disposition spécifique concernant la gestion de
la violence sexuelle et celle basée sur le genre. L’article 11 du
Pacte oblige les États-membres à combattre la violence sexuelle
à l’encontre des femmes et les enfants à travers l’incrimination
et la sanction en temps de guerre et de paix. Les articles 6, 27
et 67 de la Déclaration de Dar traite de la violence sexuelle
et de l’exploitation sexuelle et de l’esclavage des jeunes filles
10. Voir Art 6 (9)
11. Voir Art. 6 (10)
12. Voir Art 5
30 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
et des femmes dans le GLR et les exige des États-membres
qu’ils protègent les femmes, les enfants et les jeunes ainsi que
les personnes vulnérables.Ils abordent également la VSBG.
L’élaboration d’un mécanisme régional visant la fourniture
d’une assistance juridique, médicale et financière (y compris
l’assistance traditionnelle) aux victimes de violence et
d’exploitation sexuelle dans l’article 67 du DD. Le Pacte
comprend un mécanisme de suivi régional, le Fonds et les
Programmes d’actions en son Article 3.
Protocole de la CIRGL
Le Protocole sur la Prévention et la suppression de la violence
sexuelle à l’égard des femmes et des enfants est un instrument
bref qui ne contient que 7 articles couvrant les définitions,
les principes, les catégories, la phraséologie et les réactions
régionales à la violence sexuelle. Il stipule la protection des
femmes et des enfants contre l’impunité de la violence sexuelle
dans le cadre de la Région des Grands Lacs et établit un cadre
juridique visant la poursuite et la sanction des auteurs du délit
de violence sexuelle. En outre, il établit la base juridique pour
l’arrestation des personnes et fugitifs accusés de violence
sexuelle.
La coopération juridique donnée par le protocole assiste dans
le cas des crimes commis au delà des frontières. Dans le cas
d’un fugitif, une demande écrite d’arrestation et d’accusation
du fugitif (personne accusée) est transmise par les voies
diplomatiques. L’État membre serait ensuite obligé de coopérer
et de se soumettre à l’arrestation et la remise à la juridiction
de l’État- membre requérant. Le Protocole crée également un
mécanisme régional d’assistance juridique, matérielle et sociale, y
compris l’assistance conseil et le dédommagement des victimes
femmes et enfants. Ce mécanisme est prévu à l’article 6 (8) qui
stipule que le Fonds de reconstruction et de développement
doit disposer d’une structure d’assistance juridique et sociale,
traitement médical, conseil, réhabilitation de formation et
réintégration des victimes de violence sexuelle, y compris celles
qui ne peuvent pas identifier les auteurs de violence sexuelle.
Il recommande aux États-membres de mettre en place une
structure régionale spéciale de formation et de sensibilisation
de responsables juridiques, unités de police, assistants sociaux,
médecins et autres qui gèrent les questions de SGBV (et
amende la loi et les procédures pénales pour se conformer
au protocole. Il préconise des mesures de sanction contre les
auteurs et exige leur réhabilitation. Peine maximale - sentence
d’emprisonnement ou autre peine grave encouragée et les
personnes condamnées pour violence sexuelle doivent aller en
réhabilitation ainsi qu’une correction sociale. Les procédures
devraient être simplifiées pour le dépôt de plaintes contre la
violence sexuelle et la sensibilité au suivi de l’état émotionnel
des victimes. Dans le Protocole, les États-membres s’assurent
que les victimes sont compensées par les auteurs.
Déclaration de Goma
La Déclaration de Goma a été élaborée en 2008 à la
Conférence de consultation régionale de haut niveau à laquelle
ont assisté les délégués et chefs traditionnels, organisations
non gouvernementales internationales, les partenaires au
développement et agences onusiennes. La Déclaration de
Goma a 51 recommandations portant sur la violence sexuelle
et celle basée sur le genre. Elle traite des initiatives pouvant
être prises aux niveaux national, régional et continental. Ces
recommandations incluent la création d’un mécanisme de
validation par les États-membres pour l’examen des candidatures
aux postes officiels dans l’armée, de la police et autres services
de sécurité relatifs aux abus des droits de l’homme notamment
la VSBG en donnant les garanties de procédure pénale pour
des cas de VSBG par les États-membres pendant le procès.
La Déclaration de Goma a également anticipé la formation de la
police, l’armée, les prisons, le personnel médical et des assistants
sociaux dans la gestion du traumatisme et la sensibilisation des
victimes dans la gestion des cas de violence sexuelle en offrant
une formation professionnelle spécialisée de la police, du
personnel juridique et judiciaire dans la collecte de preuves (y
compris les preuves médico-légales), l’arrêt de la prolifération
de petites armes, la facilitation de l’accès des filles et des femmes
au processus DDRR, la domestication du Pacte de la CIRGL, la
facilitation des consultations à haut niveau dans la lutte contre la
VSBG pour les responsables militaires et policiers de la Région
des Grands Lacs, le déploiement d’une force de maintien de la
paix adéquate et renforcement de leur mandat de protection,
renforcement ou mise sur pied des unités de protection de
l’enfant à toutes les stations de police ou de gendarmerie et
l’acquisition des points de protection de l’enfant à toutes les
étapes du système judiciaire militaire et civil, l’allocation des
fonds du budget National pour les activités relatives à la VSBG,
l’établissement d’un Fond de réparation pour l’assistance aux
victimes et la formation de la commission de réparation.
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 31
5. Conclusion
Les droits d’exploitation et de contrôle de la terre sont capitaux
aux vies des femmes rurales dans les pays dans lesquels les
principales sources de revenu et de subsistance sont dérivées
de ces ressources naturelles. Le manque de droits à la terre
des femmes et des filles menace leurs conditions de vie, leur
promotion économique, leur sécurité physique et, dans une
certaine mesure, leur lutte pour l’équité et l’égalité dans une
société patriarcale. En l’absence des droits à la terre, la sécurité
économique et physique des femmes est compromise. Elles
sont privées d’une source fiable d’aliments et d’un accès limité
aux autres commodités, particulièrement le crédit, qui sont
nécessaires aux activités de production. L’accès limité au crédit
et les services d’extension amenuisent davantage la capacité
des femmes à garder le contrôle sur leurs terres. Les femmes
constituent plus de 60% des petits agriculteurs et produisent
environ les trois quarts de la main d’œuvre dans la production et
le traitement d’aliments. L’accès des femmes à la terre détermine
par conséquent non seulement le niveau de vie de leurs ménages
et leur bien-être, mais aussi la sécurité alimentaire. Le problème
du manque d’accès à la terre est particulièrement capital dans
le contexte des saisies de terre, changement climatique et
conflit, plus particulièrement lorsqu’il se combine aux nombres
croissants de chefs femmes des ménages ruraux.
Malgré le développement de la réforme de politique foncière aux
niveaux continental, régional et national, l’occupation des terres
par les femmes reste non sécurisée du fait de l’existence de lois
discriminatoires, des multiples régimes de loi foncière opérants
simultanément et les statuts de genre-neutre. Le discours sur
la réforme foncière ne prend pas en compte les inconvénients
juridiques et sociaux des femmes et confère le droit foncier
égal aux femmes et aux hommes en forme mais non pas en
substance. Il faudrait une compréhension plus approfondie
des complexités en jeu des droits fonciers des femmes dans
le contexte de l’augmentation des lopins de terre, une analyse
basée sur le genre de l’impact des réformes foncières, une bonne
connaissance et une bonne compréhension des différents
systèmes d’occupation et leur impact sur la capacité des femmes
à accéder, posséder et contrôler la terre et comment les droits
fonciers des femmes peuvent être protégés dans le contexte
de saisie de terre, et la restauration des systèmes de gestion de
terre commune qui protègent les droits d’accès traditionnels
32 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique
des pauvres, femmes, pasteurs et autres. La complexité des
systèmes d’occupation nécessite des solutions de politique
complexes qui doivent être mis sur pied de manière à satisfaire
les exigences culturelles, politiques et écologiques à plusieurs
niveaux. La mise en œuvre et les impacts des réformes foncières
doivent être évalués à plusieurs niveaux de gouvernance afin
d’identifier les contraintes, les solutions adéquates et s’assurer
que les réformes sécurisent les droits et le bien - être des
femmes, pauvres et groupes marginalisés.
La réforme foncière et la reconnaissance juridique des droits
fonciers des femmes est souvent la première étape nécessaire à
la promotion de la parité des genres et des droits de propriétés.
La lutte pour les droits fonciers des femmes ne s’achève pas avec
la promulgation des lois offrant des droits égaux aux femmes et
aux hommes. Elle commence avec les défis de la mise en œuvre
et le nécessaire pour le changement de la culture de pratique,
une tâche plus difficile que la promulgation de loi qui affecte
considérablement que les droits soient respectés ou pas.
Action clés à mener
Recherche
Les recherches existantes doivent informer les services
d’assistance judiciaires, le renforcement des capacités du
partenaire d’appui et être liées à la politique et l’action. Les
domaines d’études approfondies sont:
la nécessité de comprendre les implications des
systèmes régime foncier pour les femmes sur le court
et le long terme afin de pouvoir faire une analyse basée
sur des preuves, la politique et suggestion législative
pour la sécurisation des droits fonciers des femmes;
mieux comprendre les différents systèmes juridiques
régissant le domaine dans divers pays afin de
comprendre les meilleurs façons de sécuriser les droits
fonciers des femmes;
continuer l’interface entre la politique et la pratique,
y compris l’identification des fossés politiques aux
niveaux régional et national;
les effets du document sur les pratiques coutumières
concernant les droits fonciers des femmes;
Incidences de documents sur la saisie de terre et leur
effet sur les femmes.
Plaidoyer
Il faut poursuivre l’examen de la réforme des lois et s’assurer
que les droits des femmes sont pris en compte. L’assistance
juridique et les services sociaux doivent également constituer
de très hautes priorités, en même temps qu’il faut renforcer les
capacités des mécanismes alternatifs de résolution de litiges. La
mobilisation permanente de la communauté et l’implication des
acteurs doivent être appuyées afin de résoudre les problèmes
d’allocation de ressources pour l’investissement dans le
budget national. Ce qui permettra de régler les problèmes de
l’accès à la terre de la femme (ex: initiatives de budgétisation
sexospécifique). Cette activité doit être combinée aux approches
multi-sectorielles et la réforme de loi et politique dans les
processus sectoriels et macro-économiques plus larges.
Capacité d’amélioration/développement
Il se profile la nécessité d’approfondir notre nase conceptuelle
sur des questions plus vastes. Ex: lier les droits fonciers à la
VSBG, VIH/sida en améliorant la capacité d’engagement de la
communauté, la sensibilisation et la protection des droits et les
aptitudes de négociation. Ceci peut se faire par la multiplication
des partenaires du gouvernement sur les questions d’équité et
d’égalité de genre et terre et travailler avec divers ministères à
tous les niveaux ainsi qu’au niveau régional.
Le renforcement des capacités des femmes à négocier sur les
questions portant sur leurs vies et la propriété est également
d’importance, et encore plus, les femmes locales doivent
être ramenées au niveau national et impliquées dans la prise
de décision. Il faut combiner l’information de la recherche
et les outils de supervision de façon à exploiter efficacement
les partenaires du secteur privé afin d’identifier les questions
qui leur seront dévolues. Enfin, il faut un investissement dans
les communautés afin de leur permettre de documenter leur
propre expérience.
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 33
Annexe I. Communiqué
Communiqué de la Conférence sur les droits fonciers des femmes africaines tenue à Nairobi du 30 mai au 02 juin
2011
Nous, participants à la Conférences sur les droits fonciers
des femmes africaines, engagés en faveur de la promotion des
droits de la femme, réuni à Nairobi du 30 mai au 02 juin 2011
pour recenser et examiner les progrès enregistrés en matière de
promotion des droits de la femme à la terre, à la propriété et
la protection contre toute violence sexuelle et celle basée sur
le genre.
Unis dans notre engagement en faveur de la promotion des
droits de la femme
Appréciant le fait que les droits fonciers sont des droits
humains fondamentaux en corrélation avec l’exercice des droits
économiques, culturels et sociaux.
Reconnaissant que les femmes représentent plus de 60 %
dans le secteur agricole en Afrique et continuent d’être sous
représentées et marginalisées dans les structures de prise de
décision et ignorées dans les processus de décision politique à
tous les niveaux
Déplorant le fait que les rapports de force régis par le patriarcat
et les pratiques discriminatoires y afférentes continuent de
priver les femmes de l’égalité des droits et entrave leur accès et
leurs droits à la terre et à la propriété, même lorsque les lois et
les constitutions stipulent l’égalité
Et que les réformes de la politique foncière et agricole nationale
dans la majorité des pays africains ont fait et continuent de
faire l’objet de consultations et d’une participation limitées des
femmes, en particulier celles qui sont affectées par l’impact de
ces politiques
Par ailleurs préoccupés par la politisation de la violence sexuelle
et celle basée sur le genre (VSBG) à l’égard des femmes et des
filles en Afrique - à la fois en temps de paix et de conflit armé.
L’absence de prise en charge de la VSBG a provoqué de graves
troubles psychologiques, sociaux et des problèmes de santé chez
les survivants, ce qui a accru leur vulnérabilité à la pauvreté, à la
34 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
privation des terres, à la marginalisation, et aux cycles continus
de violence et d’abus.
Reconnaissant les engagements à progresser pris à travers la
déclaration de la Conférence mondiale sur la réforme agraire et
le développement rural
Reconnaissant les engagements pris par les Chefs d’État
africains relatifs à l’application des protocoles fondamentaux,
notamment: i) la Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discriminations à l’égard les femmes (CEDEF) - 1981
et son Protocole facultatif; ii) la Charte africaine des Droits
de l’homme et des personnes; iii) le Protocole de l’UA sur les
droits de la femme - 2003; iv) le Protocole sur la prévention
et la suppression de la violence sexuelle à l’égard des femmes
et des enfants dans la Région des Grands Lacs - 2006; et v) la
Déclaration de Goma sur l’éradication de la violence sexuelle
et la lutte contre l’impunité dans la Région des Grands Lacs 2008, vi) les résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité des
Nations Unies qui mettent en exergue la participation égale et
l’implication totale dans tous les efforts visant à maintenir et à
promouvoir la paix et la sécurité de façon durable.
Appréciant le Cadre et les Directives de l’Union Africaine sur
la Politique foncière en Afrique (F&G) dont la formulation a
bénéficié d’un niveau élevé de participation de la société civile
et des femmes, reconnait que le patriarcat est une entrave aux
droits fonciers de la femme et qu’ils nécessaire d’agir afin de
renforcer les droits fonciers de la femme
Réaffirmant le principe de promotion de l’égalité des genres tel
que stipulé dans le ‘Cadre et les Directives de l’Union Africaine
sur la Politique foncière, porté par l’UA, la Banque africaine
de développement et la Commission Économique des Nations
Unies pour l’Afrique,
Appréciant le fait que plusieurs gouvernements africains
consentent des efforts pour se servir du Cadre et des Directives
de l’UA sur la Politique foncière en Afrique pour réviser leurs
politiques foncières nationales dans le but de redéfinir les
approches de la gouvernance foncière et des droits fonciers de
la femme
Notant que la demande croissante à l’échelle mondiale des
produits alimentaires, de carburants et de minerais provoque
des spoliations foncières par les compagnies internationales
et nationales, et que les élites locales menacent de plus en
plus les systèmes fonciers communaux et coutumiers dont
dépendent les communautés, entravent les droits déjà fragilisés
de la femmes à la terre à un niveau alarmant et accroissent les
conflits sur le continent.
Préoccupés par le fait que les leaders et les institutions d’Afrique
qui sont appelés à assurer la sécurité des femmes et de leur droit
à la terre ne le font pas à cause de la mauvaise gouvernance,
la corruption, les lacunes juridiques et l’absence de l’État de
droit.
Notant que les changements climatiques influencent de plus en
plus négativement les femmes sur toutes les quatre dimensions
de la sécurité alimentaire, à savoir: la disponibilité, l’accessibilité,
l’utilisation et la stabilité du système alimentaire, et que la
probabilité est grande qu’ils anéantissent les acquis en matière
de développement
Préoccupés par le fait qu’un nombre élevé de femmes déplacées,
les effets accrus de la violence sexuelle et celle basée sur le
genre, la faiblesse des mécanismes judiciaires nationaux, le
manque de réparation sur la base du genre et d’un cadre de
dédommagement au niveau national.
Reconnaissant que la Cour africaine des droits de l’homme
et des peuples offre la possibilité aux femmes de faire valoir
leurs droits et l’accès à la justice lorsque les recours juridiques
nationaux ne le permettent pas. Toutefois, préoccupés du
fait que seuls cinq pays africains ont ratifié les protocoles
nécessaires pour permettre un accès direct à la justice, et de ce
que la majorité des États africains n’autorisent pas encore un
accès direct au tribunal constitue une entrave majeure à l’accès
des femmes africaines à la justice.
Satisfaits et motivés par les efforts des femmes et des
communautés rurales visant à organiser, exiger et protéger
leurs droits fonciers sur le continent.
Déclarons que:
Les autorités nationales:
1. Doivent accélérer le développement et la finalisation des
politiques de sécurité alimentaire et agricole, les législations,
ainsi que les programmes participatifs qui accordent la
priorité à l’accès sécurisé des femmes à la terre, consolident
l’exercice du droit à l’alimentation, les concepts et principes
de souveraineté alimentaire.
2. Doivent associer les organisations communautaires et
les groupes de femmes au niveau local à la gouvernance
foncière; elles doivent en particulier mettre au point des
programmes d’administration et de gouvernance foncière
qui accordent la priorité aux femmes rurales
3. Doivent s’attaquer au problème des personnes sans terre
et des inégalités en matière de propriété, le cas échéant
en mettant en œuvre les réformes foncières visant la
redistribution en faveur des femmes et d’autres personnes
sans terre, les petits agriculteurs, les travailleurs agricoles
et les pasteurs, les PVVS, les veuves, les handicapés, les
orphelins et les enfants vulnérables, les communautés
rurales non agricoles, les personnes déplacées à l’intérieur
du pays et rapatriés. Lors de ces réformes, une attention
particulière doit être portée sur les femmes et les filles
victimes de violence et les femmes en situations de postconflit. Des mesures doivent être prises dans le cadre
de ces réformes et à travers la fourniture de services
supplémentaires de santé et de soutien psychologique afin
d’instaurer pour l’avenir des droits et l’espérance pour les
veuves, les personnes vivant avec le VIH et le sida, les
orphelins et les enfants vulnérables, ainsi que les enfants
nés de viol en situations de conflit.
4. Doivent renforcer la sécurité du régime foncier et accroitre la
propriété et le contrôle des terres par les femmes, y compris
à travers la distribution systématique de terre physique aux
femmes et l’élimination de toutes les politiques et pratiques
discriminatoires à l’égard des femmes en matière de droits
fonciers.
5. Doivent agir pour mettre fin à la corruption et à la mauvaise
gouvernance qui permet aux investisseurs d’entraver
les droits des femmes. Les investissements agricoles en
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 35
Afrique doivent bénéficier aux femmes et à d’autres petits
agriculteurs et pasteurs en augmentant leur capacité de
production et sans être autorisés à s’accaparer les terres,
l’eau et la fertilité du sol dont les femmes africaines ont
besoin pour assurer la sécurité alimentaires et une existence
digne.
6. Les gouvernements africains doivent également assurer
des processus de recasement sensible à la dimension genre
qui permettent de délivrer aux femmes des titres fonciers
et une dotation de recasement, tout en préservant les droits
des orphelins.
7. Doivent accorder la priorité et tenir les engagements
pris pour mettre en place des mécanismes de réparation
qui incluent les services nationaux de santé et de soutien
psychologique, les fonds de réparation, les institutions, les
terres et des solutions de subsistance.
8. Les gouvernements doivent s’assurer que la politique,
les programmes et les budgets prennent en compte les
besoins spécifiques et les missions des femmes agricoles
et accorder la priorité à la participation systématique des
femmes et des petits agriculteurs à la prise de décisions sur
la politique agricole, à la conception, à la mise en œuvre, au
suivi et à l’évaluation des programmes.
9. Les politiques agricoles et les plans d’investissement
nationaux doivent tenir compte des menaces posées
à l’égard des femmes agricoles par les changements
climatiques et lancer les interventions nécessaires pour
atténuer les effets de ces menaces et appuyer les efforts
d’adaptation.
10. Les gouvernements doivent mettre en place un processus
ouvert et transparent afin que les femmes et les autres
acteurs non étatiques soient dûment représentés et
impliqués au processus PGDAA à tous les niveaux.
11. Les gouvernements doivent effectuer des évaluations par
genre d’impact social et écologique avant d’apposer un
quelconque plan national d’investissement agricole.
12. Les États africains doivent résoudre les causes de conflits
sur le continent, assurer la protection des femmes et des
filles contre la VSBG et faciliter l’accès direct à la justice
36 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
pour les victimes de crimes sexuels commis pendant
un conflit armé lorsque la conservation de preuves et
l’identification des auteurs sont difficiles.
13. Les États africains doivent réformer les lois qui entravent
l’accès des femmes à la justice aux niveau national et
continental en éliminant les barrières qui limitent l’accès
direct des organisations de la société civile et des individus
à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
Missions de la Commission de l’Union Africaine et de l’Agence
de planification et de coordination du NEPAD:
14. La CUA doit conduire l’élaboration d’une réponse africaine
pour mettre fin à la «spoliation des terres» qui constitue
une menace à la souveraineté des États africains.
15. Commander la rédaction d’une analyse des droits de la
femme et d’une analyse de de la viabilité écologique pour
chacun des quatre piliers du PGDAA.
16. Conduire et doter en ressources un processus d’intégration
de la dimension genre et des changements climatiques dans
les rôles, responsabilités et mécanismes de reddition de
comptes au sein du PGDAA afin de garantir l’adaptation
et le renforcement des capacités des femmes, s’assurer que
le financement des changements climatiques consacrera les
femmes comme gardiennes des terres et des forêts.
Les organisations de la société civile et les OIG d’Afrique
doivent:
Garantir le leadership des femmes dans nos propres opérations,
en particulier lorsqu’il s’agit de la terre, des changements
climatiques, de l’agriculture et de mettre fin à la violence à
l’égard des femmes et des jeunes filles.
18. Sensibiliser les femmes rurales sur les instruments
continentaux et internationaux relatifs aux droits de la
femme, ainsi que sur les opportunités qui se présentent aux
femmes, au niveau local, d’exercer leurs droits conformément
à ces instruments et institutions internationaux, y compris
les opportunités d’accès à la Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples.
19. Engager les gouvernements et les institutions multilatérales
dans l’élaboration et la révision des directives et instruments
internationaux afin de consolider la reconnaissance des
droits, rôles et besoins des femmes dans ces instruments.
Les femmes rurales, petites exploitantes agricoles et leurs
mouvements doivent:
20. Collaborer avec les gouvernements lors de la révision des
politiques et lois foncières nationales à l’aide du Cadre et
des Directives de l’UA sur la politique foncière, superviser
la mise en œuvre des politiques foncières et agricoles et
s’assurer que les indicateurs de la dimension genre sont
intégrés aux outils utilisés.
26. 26. Exiger de participer à la gestion des ressources
agricoles et naturelles, ainsi qu’à être reconnus comme
acteurs de droit.
21. Collaborer avec les éléments progressistes du secteur privé
et des petites entreprises locales qui sont engagés en faveur
de la promotion des droits de la femme.
22. Faire face à la question urgente des «spoliations foncières»
qui boutent les femmes africaines hors de leurs terres et
limitent à l’avenir leurs possibilités d’accès à la terre.
23. Superviser la mise en œuvre des engagements pris par les
gouvernements en matière de droits de la femme dans les
textes de loi, les politiques et stratégies agricoles, foncières
et de réparation pour les victimes de VSBG.
24. Travailler en synergie afin de partager les informations et
les ressources, et de renforcer les capacités des groupes
de femmes locales à mobiliser, engager, documenter et
partager les meilleures pratiques.
25. Engager le gouvernement et les institutions connexes sur
la sécurité foncière des femmes et la réparation basée sur la
procédure stratégique et l’aide aux victimes de VSBG pour
l’accès aux institutions d’assistance juridique.
27. Se mobiliser et adopter, au plan local et national, une
position stratégique vis-à-vis des gouvernements qui sont
les principaux négociateurs dans les affaires négociations
foncières.
28. Collaborer avec d’autres OSC afin d’accéder et partager
les informations relatives à l’agriculture visant à assurer
la sécurité alimentaire, les changements climatiques, les
politiques et programmes de gestion foncière.
29. Mettre en place des mécanismes communautaires de
surveillance devant dénoncer les délinquants et les auteurs
de violations des droits des femmes, atténuer la violence
sexuelle et sexospécifique à l’égard des femmes et des
jeunes filles au niveau de la communauté.
Les partenaires au développement doivent:
30. Satisfaire leurs engagements sur l’augmentation des
financements de l’agriculture, et de la sécurité alimentaire,
et de la réparation en appliquant une approche axée sur les
droits de l’homme qui garantira l’intégration de l’égalité de
genre et l’inclusivité.
Liste des organisations
ACORD, ActionAid, Action for Women and Awakening in rural environment, Advocates Coalition for Development and Environment, African
Commission for Human and People’s Rights, African Court, African Gender Institute, African Institute for Agrarian Studies (AIAS), African Woman
and Child Feature Services, AFEBO, Agency for Independent Media, AEPV, AGRA, ADDF, Akina Mama wa Africa, AMANI Forum, AMWIK Association of Media Women in Kenya, Angaza Africa, Association for Rural Advancement, Association of Small-Scale Agro producers of Nigeria
(ASSAPIN), Association of Women Lawyers in Uganda, AU Land Policy Initiative, AusAID, AWEPON, Canadian High Commission, CAFOD,
CARE, Caritas, Center for Applied Social Sciences University of Zimbabwe, Civil Society Coalition on Land, CIDA, CLEAR, CNCPRT/PROPAC,
CNCR, CNOP, Coalition of Women Farmers Malawi - Women Forum, COCIN Community Development Programme (CCDP), COHRE, COMESA,
Community Land and Development Foundation – COLANDEFF, Networked Intelligence for Development Conservation International, Confederation
Paysanne du Faso - (CPF), COVAW, Dynamique des Femmes, EAFF, EALA, Economic Justice Network, ECOWAS Gender Development Center,
Enda-Pronat, Endorois Welfare Council, Equality Now-Africa (SOAWR), ESAFF, Ethiopia Peoples Coalition for Food Sovereignty – PCFS, Ethiopian
Women Parliamentarians, European Inter University Centre of Human rights and Democratisation, EWLA, Farmer – Zimbabwe, FAHAMU, FAO,
FAFAD - Facilitation for Peace & Development, Federation of Women Lawyers – Kenya, Femmes Afrique Solidarité (FAS), Femmes pasteurs du Mali,
FEMNET, FES, FIAN Burkina Faso, FONG, FOPAC, Ford Foundation, Forum Mulher, Futures Agricultures, Gender Violence Recovery Center,
Grassroots Sister Foundation, GRAIN, Groots Kenya, G-10 Coalition, Haki Ardhi, Huairou Commission, IMBARAGA -Rwanda Farmers union,
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 37
Initiative Prospective Agricole et Rurale, Institute for Law and Environmental Governance, Inter Rights, International Land Coalition, International
Food Security Network, International Center for Transitional Justice, ICGLR, IPAR (Initiative Prospective Agricole et Rurale), IRPADISIS-WICCE,
Iterambere Association, Justice Law and Order Sector, Judicial and Judiciary Training Center, Justice Development and Peace Commission, Katuba
Womens Association, Zambia, KENFAP, Kenya Land Alliance Trust, Kenya Small Farmers Association, Kituo cha Sheria, Land Development and
Governance Institute, Land Redistribution Department, Government of Zimbabwe, Land Access Movement of South Africa, LandNet West Africa,
Liverpool VCT, LOFEPACO, HARDI, Masindi District Women Council, MARWOPNET, MDG3 Fund, Ministry of Lands Namibia, Resettlement
and Rehabilitation, Muslims for Human Rights, MVIWATA, Mopani Farmers Union, Nahouri province women farmers association, MWEDO - Masai
Women Development Organisation Nants, National Rural Women Network, NEPAD Secretariat, New Sudan Women Federation, Nkuzi Development
Association, Nzuki Development Association, Northern Ugandan Women and Children initiative, NSWF, ORAM Mozambique, OSIEA, Oxfam,
PAFFO, Pan African Parliament, Pastoral Women’s Council, Pastoralist Forum Ethiopia, PELUM, PFPN, PINGOs, PLAAS, PROPAC, RADI, Ray
of Hope Zimbabwe, Raising Voices, RAPDA, RECONCILE, Resource Based Conflict Management Network (RBC), ROPPA, Rwanda Institute for
Sustainable Development, Rwawnet (Rwanda Women Network), AU–CCP, SAFIRE, Slum Women’s Initiative for Development, South Sudan Land
Commission, Strathmore University, TCOE, TGNP, The Uganda Land Alliance Limited, Tribunal de Grande Instance et Formatrice, Trust Fund for
Victims in Kenya, Truth Justice and Reconciliation Commission, USOFORAL, Uman Tinap Tranga Wan, Uganda Land Alliance Uganda Women’s
Network, Uganda Women Council, Ujamaa Center, UN Women, Urgent Action Fund, Volunteer Efforts for Development Concerns, We can Campaign,
Wellspring Advisors, Widows and Development support Services, WIFIP, WiLDAF, WOCAN, WOLPNET-Liberia, Women and Law in South Africa,
Women Bee Farmers, Land and Agriculture Trust, Women Land Link Africa, Women on Farms, Women’s Legal Resource Center (WOLREC), Women
and Land Right Project, Young Women Leadership Institute, Zambia Land Alliance, Zimbabwe Farmers Union, ZIMSOFF – ESAFF and Zimbabwe
Coalition on Debt and Development.
38 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
Annexe II. Liste des participant(e)s
NOM
ORGANISATION
Dorothy OWITI
PAYS
Kenya
Emime NDIHOKUBWAYO
ACORD
Kenya
Rose ADUOL
ACORD
Kenya
Annette Msabeni NGOYE
ACORD
Kenya
Wilkister OLUOCH
ACORD
Kenya
Angela WAUYE
ACORD
Kenya
Ellen BAJENJA
ACORD
Kenya
Marie Yaro SIA
ACORD BURKINA
Burkina Faso
Lucie NYAMARUSHWA
BURUNDI
Burundi
Clementine Ndade KEMTELBAYE
ACORD TCHAD
Tchad
Louis TSHIYOMBO
ACORD RDC
RDC
Dr. Moges SHIFERAW
ACORD ÉTHIOPIE
Éthiopie
Eftu Abas AHMED
PARTENAIRE D'ACORD ÉTHIOPIE
Éthiopie
Leonie Abela SENDEGEYA
ACORD KENYA
Kenya
Awa Diop FALL
ACORD MALI
Mali
Marcel KICHUMISA
ACORD MOZAMBIQUE
Mozambique
Francois MUNYENTWARI
ACORD RWANDA
Rwanda
Ssenkaali MULONDO
ACORD SOUDAN
Nord-Soudan
Lokola NDIBALEMA
ACORD TANZANIE
Tanzanie
Juliet NAKATO
ACORD OUGANDA
Ouganda
Everjoice WIN
ACTION AID
Afrique du Sud
Zynab BINTA
ACTION AID
Sierra Leone
Caroline ODOI
ACTION AID
Ouganda
Catherine GATUNDU
ACTION AID
Kenya
Rose Atim OBITA
ACTION AID
Ouganda
Angelique NDAYISHIMIYE
ACTION AID
Burundi
Monique BARIHUTA
ACTION AID BURUNDI
Burundi
Buba KHAN
ACTION AID GAMBIA
Gambie
Kadie JACKSON
ACTION AID AAISL
Selina OWUSU
ACTION AID GHANA
Ghana
Stephanie MUKENDI
ACTION AID INTERNATIONAL
RDC
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 39
NOM
ORGANISATION
PAYS
Soren AMBROSE
ACTION AID INTERNATIONAL
Kenya
Seraphine CHARO
ACTION AID KENYA
Kenya
Christiana MOMOH
ACTION AID SIERRA LEONE
Sierra Leone
Scholastica HAULE
ACTION AID TANZANIA
Tanzanie
Stephen MACHIRA
ACTION AID ZAMBIA
Zambie
Njira MTONGA-BWEUPE
ACTION AID ZAMBIE
Zambie
Roselina MUZERENGI
ACTION AID ZIMBABWE
Zimbabwe
Sister MOYO
ACTION AID ZIMBABWE
Zimbabwe
Angelique NDAYISHIMIYE
ADDF
Burundi
Ruth Atieno MAINA
AFCAPO
Kenya
Patrick MUTISYA
AFRICAN SCIENCE NEWS
Kenya
Dr. Janet EDEME
African Union Commission
Éthiopie
Charity DANGWA
AIAS
Zimbabwe
David DAU
AIM
Sud Soudan
Delphine SERUMAGA
AMWA
Ouganda
Lilian JUMA
AMWIK
Kenya
HON. Christine NTAGWIRUNUGARA
ASSOCIATION DE BURUNDI
Burundi
Grace LOUMO
AWARE UGANDA
Ouganda
Muliro TELEWA
BBC
Kenya
Giussepe DACONTA
CARE
Rwanda
Dhadho Ahounou MADINATOU
CARE BENIN
Bénin
Helene NSHIMIRIMANA
CARE BURUNDI
Burundi
Juliet A. OTIENO
CARE KENYA
Kenya
Acquiline P. WAMBA
CARE TANZANIA
Tanzanie
Philip SABUNI
CARITAS ZAMBIA
Zambie
Nigest HAILE
CAWEE
Éthiopie
Janah NCUBE
CCP -AU
Kenya
Gerald KIMEU
CFHD
Kenya
Francis KIHARA
CITIZEN WEEKLY
Kenya
Akinyi NZIOKI
CLEAR
Kenya
Agnes KABAJUNI
COHRE
Kenya
Nana Ama YIRRAH
COLANDEF
Ghana
Nalishebo MEEKELO
COMESA
Zambie
Kristen WALKER
CONSERVATION INTERNATIONAL
États-Unis d’Amérique
40 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
NOM
ORGANISATION
PAYS
Mazoe GONDWE
COWFA
Malawi
Betty OKERO
CSO NETWORK
Kenya
Njoki NJEHU
DOM-GRC
Kenya
Steve MUCHIRI
EAFF
Kenya
Wilson K. KIPKAZI
ENDOROIS WELFARE COUNCIL
Kenya
Grace UWIZEYE
EQUALITY NOW
Kenya
Elisabeth MPOFU
ESAFF
Zimbabwe
Vicky MANDARY
ESAFF
Tanzanie
Carol KAYIRA
FAHAMU
Kenya
Patita TINGOI
FAHAMU
Kenya
Grace Akullu ACHOT
FAPAD
Ouganda
Toussaint MUNTAZINI
FARDC/RDC
RDC
Nebila ABDULMELIK
FEMNET
Kenya
Maimouna SOMA
FIAN-BURKINA
Burkina Faso
Janet NAKAKANDE
FIDA(U)
Ouganda
Francois Kakitsa SONGYA
FOPAC NORD KIVU
RDC
Monica ALEMAN
FORD
Kenya
Oscar ALGUINEIRO
FORUM MULHER
Mozambique
Jenipher MASIS
G-10 COALITION
Kenya
Henry MAINA
GBS TV
Kenya
Mireille NTAMBUKA
GOMA/DRC
RDC
Violet SHIVUTSE
GROOTS KENYA
Kenya
Anne SABANIA
GROOTS KENYA
Kenya
Veronica W. WAMITI
GROOTS KENYA
Kenya
Esther Mwaura MUIRU
GROOTS KENYA
Kenya
Katia ARAUJO
HUAIROU COMMISSION
États-Unis d’Amérique
Pauline MAKUTSA
I LEG
Kenya
Nathan BYAMUKAMA
CIRGL
Burundi
Lucy Njeri MACHARIA
IDP NETWORK
Kenya
Beatrice N. KARA
IDP NETWORK
Kenya
Veyrll ADELL
ILC
Rwanda
Jean HEMELINTWALI
IMBARAGA
Rwanda
Sibongile NDASHE
INTERIGHTS
UK
Sabine PALLAS
INTERNATIONAL LAND COALITION
ITALY
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 41
NOM
ORGANISATION
PAYS
Rebecca W. WANGUI
K.I.A
Kenya
Idah MUMA
KATUBA WOMEN’S ASSOCIATION
Zambie
Florence SHAFUSWA
KATUBA WOMEN'S ASSOCIATION
Zambie
Allan MALECHE
KELIN
Kenya
Nancy ONDENG
KELIN
Kenya
Joram NDERITU
KENYA NEWS AGENCY
Kenya
Gad KANIARU
KENYA NEWS AGENCY
Kenya
Edda M. LUZESI
KESSF
Kenya
Lucy WANJIRU
KIENI
Kenya
Carol K. MBURUGU
KITUO CHA SHERIA
Kenya
Odenda LUMUMBA
KLA
Kenya
Mary MATELI
KWDN
Kenya
Emily TJALE
LAMOSA
Afrique du Sud
Glenda MUZENDA
LAMOSA
Afrique du Sud
Robert LOWKI
LAND COMMISSION SUDAN
Sud Soudan
Lucy MWANGI
LAND DEVELOPMENT & GOVERNANCE
INSTITUTE
Kenya
Jennifer DUNCAN
LANDESA
Kenya
Deborah ESPINOSA
LANDESA
Frederic DJINADJA
LANDNET WA
C.W. NGATIA
LANDS
Kenya
Karin TENGNAS
UNIVERSITÉ DU LUXEMBOURG
Luxembourg
Julio F. MACUACUA
LVC – UNAC
Mozambique
Ana PAULA
LVC – UNAC
Mozambique
Wamara TEDDY
MASINDI DISTRICT WOMEN COUNCIL
Uganda
P.K. KAHUHO
MINISTRY OF LANDS
Kenya
Jonathan CHIVATSI
MINISTÈRE DES DOMAINES (CADASTRE DU
KENYA)
Kenya
Shirleen NJOROGE
MUHURI
Kenya
Marie Kitete LOSAMBA
NAG/RDC
RDC
Nidhi TANDON
NETWORKED INTELLIGENCE FOR DEVELOPMENT
Canada
Ntokozo NZIMANDE
NKUZI
Afrique du Sud
Kuer Gideon DAU
NSWF
Kenya
Juliana MUSKWE
NTENGWE FOR COMM. DEV
Zimbabwe
42 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
NOM
ORGANISATION
PAYS
Mwaka SANTA
NUWECHI
Ouganda
Edward JAHAKA
NYAUNMBA FOUNDATION
Kenya
Ruth Aura ODHIAMBO
ODHIAMBO &ODHIAMBO ASSOCIATES
Kenya
Salina SANOU
OXFAM
Kenya
Lucie GOULET
OXFAM
Canada
Marc WEGERIF
OXFAM
Tanzanie
Sheila KAPUNGU
OXFAM
Zimbabwe
Mwanahamisi SALIMU
OXFAM
Tanzanie
Mary WANDIA
OXFAM
Kenya
Laetitia NZITONDA
OXFAM
Burundi
Josephine KAMEL
PACJA/AWEPON
Égypte
Evelyne KHAEMBA
PAMBAZUKO LA WANAWAKE MAGHARIBI
Kenya
Gaynor PARADZA
PLAAS
Afrique du Sud
DR Chifupa GONDWE
PROFESSOR
Ken OTIENO
RECONCILE
Kenya
Gladman KUNDHLANDE
SAFIRE
Zimbabwe
Priscilla MASHA
SAUTI
Kenya
Esperance NINAHAZE
SPPDF/ACORD BURUNDI
Burundi
Patricia K. MBOTE
STRATHMORE
Kenya
Reinette HEUNIS
TCOE AFRIQUE DU SUD
South Africa
Norah MLONDOBOZI
TCOE AFRIQUE DU SUD
Afrique du Sud
Mino RAMAROSAN
TEARDI
Madagascar
Eva AYIERA
UAF -AFRICA
Kenya
Esther OBAIKOL
UGANDA LAND ALLIANCE
Ouganda
Hellen EDIMU
UGANDA LAND ALLIANCE (ULA)
Ouganda
Joan OTENGO
UJAMAA CENTER
Kenya
Laureen KARAYI
UWONET(UGANDA WOMEN'S NETWORK)
Ouganda
Christine KAAYA NAKIMWERO
VEDCO
Ouganda
Abjata KHALIF
WAGALLA CENTRE
Kenya
Agnes MEROKA
WARWICK UNIVERSITY
Kenya
Maitri MORARJI
WELL SPRING ADVISORS
États-Unis d’Amérique
Jackie ASIIMWE
WELL SPRING ADVISORS
Ouganda
Phides MAZHAWIDZA
WFLA TRUST
Zimbabwe
Jennifer ATIENO
WIFIP
Kenya
Conférence sur le droit des femmes africaines à la terre 43
NOM
ORGANISATION
PAYS
Mamosa MOHLABULA-NOKANA
WLSA LESOTHO
Lesotho
Sarah Ayeri OGALLEH
WOCAN/CETRAD
Kenya
Edna KIVIVA
WOMEN E-NEWS
Kenya
Marion NJERI
WOMEN HOPE
Kenya
Lois Adua Moah - ADDO
WOMEN IN LAW AND DEVELOPMENT IN
AFRICA
Ghana
ERIC Nchimunya CHIYOMBWE
WOMEN LAND RIGHTS PROJECT ZAMBIA
Zambie
Fatima SHABODIEN
WOMEN ON FARMS
Afrique du Sud
Maggie Katherwa BANDA
WOMEN'S LEGAL RESOURCES CENTRE
Malawi
Henry MACHINA
ZAMBIA LAND ALLIANCE
Zambie
44 Le droit des femmes à la terre et à la justice en Afriqu
www.landforafricanwomen.org
Contact Info
[email protected]

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