Pillango ou la petite fille sans nom 5

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Pillango ou la petite fille sans nom 5
PILLANGO
OU
LA PETITE FILLE SANS NOM
Auteur : Liliane LELAIDIER-MARTON - Argenteuil
Illustration : © Civisme et Démocaratie - CIDEM
Liliane LELAIDIER-MARTON est une ancienne enfant cachée. Elle a écrit son
histoire sous forme d’un conte pour enfants : Pillango.
« Cette historiette est une histoire vraie. Pillango c'est moi et si j'ai écrit cette
fable, c'est pour que les jeunes enfants puissent comprendre (c'est ce que je
souhaite en tous cas) l'énormité de l'horreur.
Imaginez-vous les enfants, avoir été heureuse avec des parents qui me
choyaient... puis tout à coup... plus rien. C'est ce rien que je voudrais transmettre
vous qui avez tout. Aller de maison en maison sans que l'on vous demande
votre avis, se cacher, se taire, se cacher, se taire... je ne peux oublier.
Mes chers enfants (vous l'êtes toutes et tous dans mon coeur) je voudrais
vous persuader que la seule richesse valable et importante c'est la culture
de la paix, la paix partout. Il n'y a pas de race, il n'y a qu'une espèce humaine
avec beaucoup de variétés un bouquet de fleurs immense dans le vase : notre
terre.
Il y a de la nourriture pour tous et un pays pour chacun. Mes parents ont été
arrêtés parce qu'ils voulaient la paix et la liberté en France, ils ont été assassinés
comme Juifs.
J'ajouterais, assassinés comme des êtres humains mis hors course, parce que
sous-hommes.
Personne n'est sous-homme, les olives israéliennes et les olives palestiniennes,
ont le même goût , parce qu'elles poussent et mûrissent sur une même terre,
les enfants israéliens et palestiniens ont DROIT à la paix, aux rires, au travail
et lorsqu'ils seront frères (et non frères ennemis) la paix se répandra dans le
monde.
Pillango demande au nom de ses parents d'arrêter toutes ses sales guerres
qui ne servent à rien sinon qu'à faire des orphelins… »
Auteur : Liliane LELAIDIER-MARTON - Janvier 1997
Illustration : © Civisme et Démocaratie - CIDEM
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Pillango ou la petite fille sans nom
PILLANGO
OU
LA PETITE FILLE SANS NOM
Il était une fois…..
Toutes les belles histoires commencent ainsi…
Donc, il était une fois un papillon jaune qui butinait les
fleurs multicolores d’un petit jardin.
Il pondit un tout petit œuf comme les couleurs de l’arc
en ciel !
Au fil du printemps, le soleil réchauffa le petit bouton caché sous une feuille
de cerisier, jusqu’au jour où …. une chenillette mis le nez à la fenêtre. Elle se
nourrissait des feuilles de l’arbre en faisant bien attention de ne pas manger
les fleurs afin que les enfants puissent se régaler des fruits rouges à venir.
Un doux matin de mai, une jeune femme qui rêvait d’avoir un bébé, regardait
les cerises mûrir, lorsque tout à coup, elle aperçut un fil de soie tout fin se
balancer dans le vent..
Elle tira, tira si bien, qu’en peux de temps, elle eut dans la main un léger peloton
doré et elle n’eut que le temps d’attraper dans l’autre… un minuscule bébé
frisé, la petite fille sans nom venait de naître.
La nouvelle maman, qui s’appelait Feigele était si heureuse u’elle alla montrer
son bel enfant à son mari qui lui se nommait Moïse (tout le monde disait
Maurice).
Toute cette belle famille était heureuse.
Comme il fallait donner un prénom au beau bébé et que « petite fille sans
nom » était trop long et pas joli, ils appelaient leur fillette : chérie, trésor et
parfois Pillango (qui veut dire papillon en hongrois), le surnom lui resta.
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Avec le peloton de laine ramassé lors de la venue de Pillango, sa maman
lui fit une belle robe à volants avec des manches en ailes de papillon, et
extraordinairement le peloton de laine ne diminuait jamais…
Pillango allait jouer dans de grandes tours blanches qui
s’élevaient derrière le jardin. Elle courait et s’amusait à
cache-cache avec Déborah et David.
Un peu plus tard, de grands oiseaux noirs se, sont envolés du Bourget tout
proche… puis, après le joyeux gazouillis des oiseaux se sont succédés le bruit
des bottes d’hommes habillés de vert ou de noir avec un drôle de dessin
sur le revers de la veste.
Ils chantaient Alli, Allo (comme au téléphone).
Pillango aimait bien chantonner sauf la prière qu il fallait psalmodier pour le
vieux monsieur que les maîtresses appelaient Maréchal. Les sirènes (pas les
femmes poissons) interrompaient parfois les cours.
Pillango avait douze ans lorsque sa maman ressortit en pleurant le
petit peloton couleur de paille mure. Elle fit des étoiles jaune comme
le soleil d’été, et dans ces étoiles elle avait brodé le mot « Juif ».
Elle en avait cousu un sur un tablier jaune (pour qu’elle se voit moins).
Avant d’arriver à l’école, elle vit que Déborah et David portait la même étoile,
ceux-ci dirent à la petite fille que leurs parents avaient été les chercher au
commissariat.
Les trois enfants ne comprenaient pas pourquoi cette étoile jaune les
empêchaient de jouer dans le square avec les autres, comme si c’était une
tache de salissure. Par la suite, lorsque Pillango grandit, elle changea d’école,
c’était loin, il fallait prendre le bus et elle ne savait pas pourquoi sa maman
avait décousu l’étoile.
Un jour des policiers sont venus chercher le papa de Pillango pour aller le
conduire à côté des grandes tours blanches. Les bâtiments étaient entourés
de fil de fer haut, haut…Du haut du 4ème étage où il était, il pouvait deviner
le jardin où jouait son petit papillon.
Chaque matin, Pillango voyait son papa qui lui envoyait des baisers, c’était
défendu car les gardiens punissaient ceux qui se faisaient signe, il y avait
même des enfants tous badgés de jaune…
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Un jour que Pillango prenait l’autobus pour aller au
collège, un autre autobus tout semblable au sien a
croisé son chemin. Sur la plate-forme des bagages
étaient entassés., et derrière une fenêtre elle a cru
reconnaître son papa chéri.
Ce véhicule allait à la gare toute proche et des soldats poussaient les voyageurs
dans des wagons à bestiaux où la paille étaient ternie comme si le peloton de
maman Feigele avait vieilli. Ensuite plus de papa plus rien, rien qu'un petit
nuage de fumée devant le soleil.
Puis une étoile supplémentaire s’est allumée dans le ciel et dans le cœur de
l’étoile il y avait le visage du papa de Pillango.
Six mois après, un homme est venu chercher
maman Feigele pour la conduire jusqu’au
petit bâtiments blanc qu’elle avait vu
construire..
Elle a également pris le train, peut-être allait-elle retrouver
son cher mari !.
Lorsqu’elle est arrivée dans un endroit inconnu, des chiens et des hommes
noirs aboyaient ensemble !
Les hommes noirs et les chiens l’ont dirigée vers un lieu où il y avait comme un
feu d’artifice rouge, jaune, immense. Les étoiles crépitaient et montaient dans
le ciel, portées par une spirale de fumée grise et blanche. Une flammèche jaune
s’est détachée et s’est dirigée vers l’étoile du papa de Pillango. Maman Feigele
a cassé le fil de son peloton doré et avec son habile aiguille de couturière, elle
a cousu son étincelle brillante à l’une des branches de l’étoile supplémentaire
où, la photo de papa Maurice se trouvait, juste au-dessus de leur maison où
plus personne n’habitait.
Des personnes croyant bien faire, ont caché Pillango, elle aurait préféré être
une étoile au milieu de Papa Maurice et Maman Feigele, mais personne ne lui
a demandé son avis et pourtant, elle ne voulait pas jouer à cache-cache.
Pillango n’avait plus rien : ni parents, ni amis, ni même de nom, elle était devenue
indésirable, il est vrai qu’elle était en danger de mort si elle sortait. Elle était
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devenue transparente parmi les filles de son âge qui riaient, qui s’amusaient.
Elle ne voulait ni pouvait pleurer (peut-être qu’un jour, les hommes noirs lui
rendraient ses parents ?…). Elle rêvait de la vie d’avant, et aussi à la vie d’après,
lorsqu’elle serait de nouveau dans sa maison, avec papa et maman.
Au mois d’août, il y a beaucoup d’étoiles filantes, mais elle redescendent jamais
sur terre et plus personne n’a jamais entendu parler des parents de Pillango.
Maintenant, Pillango est une vieille dame qui ne peut plus dérouler le peloton
doré, il a, lui aussi, disparu dans l’éternité, cependant lorsqu’elle lève les yeux
vers le firmament, où qu’elle soit, elle voit deux étoiles dorées réunies par un
fil de soie jaune. Dans le cœur de chacune d’elle, il y a un visage, celle de son
papa et de sa maman. Un fil ténu, pend, du minuscule peloton jaune comme
les ailes d’un papillon, afin que Pillango puisse l’attraper le moment venu,
pour rejoindre ses parents.
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