Aïssatou Dieye a 25 ans lorsqu`elle quitte sa ville natale de

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Aïssatou Dieye a 25 ans lorsqu`elle quitte sa ville natale de
Image : OSEO Genève 2014
Aïssatou Dieye a 25 ans lorsqu'elle quitte sa ville natale de Saint-Louis et tout
ce qui va avec, sa famille, ses racines, sa culture.
La jeune femme se souvient d'un univers «où les portes sont toujours ouvertes, où l'on peut
aller chez le voisin demander quelque chose, un service ou du sel». Mariée depuis neuf mois
à Mamadou*, compatriote sénégalais établi à Genève, elle a pris l’avion pour la première fois.
Une expérience «impressionnante» pour Aida, comme on la surnomme chez elle. Lorsqu’elle
atterrit à Cointrin, en octobre 2008, c'est sa belle-mère qui l’accueille. Son mari n’a pas
daigné se déplacer.
Isolement inattendu
A Genève, Aïda découvre le froid : « Chez nous, le froid, c'est 29 degrés !». Elle découvre
aussi « les portes fermées » de la cité de Gros-Chêne, à Onex, où tous trois vivent. Les
débuts se passent relativement bien, mais pas pour longtemps. « J'ai soudain réalisé que
mon mari buvait et prenait des médicaments matin et soir. C'était soi-disant pour dormir,
mais il souffrait en réalité de problèmes psychologiques. Les mots qu'il employait étaient très
agressifs». Aida n'a personne vers qui se tourner, sa belle-mère est «jalouse» et prend
systématiquement parti pour son fils. Sans emploi, elle est dépendante financièrement. Elle
ne peut que difficilement appeler sa famille notamment.
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En juillet 2009, la naissance de son fils, Alioune, donne un peu d'air au ménage. Mais le répit
ne dure pas. Aida ressent une immense solitude. «Je me sentais trahie, et naïve aussi»,
regrette-t-elle. Naïve parce qu’elle s’en veut de ne pas s’être renseignée sur le mode de vie
de Mamadou avant de l’épouser. Sa famille aussi culpabilise de l’avoir laissée ainsi quitter le
Sénégal.
Elle est seule, donc, seule avec ses pensées, seule à essuyer les insultes, seule à élever
Alioune, seule à errer dans les parcs en attendant que le temps passe ou que son mari ne se
réveille. Les pleurs de l’enfant ne doivent pas perturber son sommeil! La belle-mère qualifie
son petit-fils de «poison » et, anecdote mesquine, cuisine délibérément des plats qu’Aida
n’aime pas.
Cet enfer dure trois ans, jusqu’en 2012, lorsque le point de non-retour est atteint. Ce jour-là,
sa belle-mère lui arrache les cheveux et la frappe. La police, appelée par un voisin, la
somme de quitter immédiatement le domicile. Le constat médical fait état d’un étranglement
et de griffures profondes dans le cou. Alors qu’elle est logée à l’hôtel, son mari l’appelle
plusieurs heures après l’incident. Mais il ne s’émeut pas d’apprendre que son épouse ne
reviendra pas.
Un nouveau départ
Placée au Foyer Arabelle, un établissement qui accueille les femmes et enfants victimes de
violences domestiques, Aida touche alors le fond. Mais cette fois, c’est pour prendre son
envol. Progressif mais constant.
Le foyer est doté d’une crèche et peut accueillir les pensionnaires pour plusieurs mois.
Commencent alors les démarches d’insertion professionnelle. «J’ai d’abord songé à être
aide-soignante en EMS, un drôle de lieu pour nous les Africains, qui vivons à la maison avec
les anciens», plaisante-t-elle. Malheureusement, elle rate l’examen d’auxiliaire de santé pour
des raisons logistiques liées à la garde de son fils. «Ce fut une grosse déception, j’avais
beaucoup travaillé pour me préparer.»
Les éducateurs qui l’accompagnent lui proposent alors un rendez-vous à Onex Solidaire,
une structure de l’Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière, qui prend en charge son dossier et lui
propose rapidement un stage de trois mois à la Maison onésienne, comme employée
d’intendance. Aida y seconde alors Marc, l’intendant des lieux. Censée s’occuper du
nettoyage et de la buanderie de la maison de quartier, son cahier des charges s’épaissit:
«J’étais très curieuse. Je voulais tout apprendre, tout savoir.» Elle reçoit une indemnité de
stage de 100 francs par semaine, le premier salaire de sa vie ! Et met 30.- à 40.- de côté
chaque semaine pour son fils.
Insertion réussie !
La suite se déroule selon les happy ends hollywoodiens. A la fin du stage, la Mairie d’Onex
l’appelle pour lui demander de remplacer un employé malade. Avec cette fois-ci, un vrai
salaire et le titre « d’auxiliaire ». Les remplacements s’enchainent, les uns après les autres.
« J’ai entretenu de nombreux services municipaux. L’Hospice général n’en revenait pas»,
s’enthousiasme Aida. Au bout de deux ans, elle obtient un contrat de travail à durée
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indéterminée, un temps-plein partagé entre la Maison onésienne et l’école François-Chavaz.
«C’est un magnifique cadre de travail. On peut parler facilement. Les collègues m’ont
toujours soutenue et aidée», remercie-t-elle. Y compris lorsqu’elle parvient à quitter le foyer
pour s’installer dans un appartement. Certains lui apportent du mobilier.
Aida remercie aussi son fils, qui lui a donné «beaucoup de forces», pour affronter ces
multiples épreuves. Tous deux se sont rendus en décembre au Sénégal, où Alioune a pu
découvrir ses racines et sa langue maternelle, le Wolof. «Il voulait tout apprendre. Il s’est très
bien adapté et a adoré la cuisine africaine.»
*nom d’emprunt
Onex Solidaire
Onex Solidaire est un service d’insertion professionnelle de proximité, créé en partenariat
avec la commune d’Onex. Onex Solidaire offre informations et conseils aux habitants de la
commune à la recherche d'un emploi ou d'une formation. En plus d’un suivi individuel qui
peut s'étendre sur une année, des infrastructures sont mises à disposition quotidiennement
et des cours de techniques de recherche d'emploi sont proposés. Les jeunes de 15 à 25 ans
bénéficient également d'un appui à la recherche de stages en entreprise, par exemple en
vue de l’entrée en apprentissage. Pour en savoir plus: www.oseo-ge.ch
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