Les dividendes du développement touristique des territoires

 Jacques Grangé Consultant Développement Aménagement Urbanisme Doctorant Paris Sorbonne [email protected] 06 10 34 78 92 5/2/2016 DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE DES TERRITOIRES AEROPORTUAIRES : UN MULTIPLICATEUR METROPOLITAIN1 Le développement du tourisme est inséparable de celui du développement des réseaux, moyens de transport et des hébergements, lieux d’accueil et services dédiés. C’est ainsi que les compagnies de chemin de fer développèrent des destinations touristiques et thermales investirent dans des capacités hôtelières2. Il en reste des lieux prestigieux comme le restaurant « Le train bleu »3à la Gare de Lyon. A côté des gares, tout un parc d’hôtels et de restaurant s’est implanté permettent d’accueillir arrivées tardives et départs matinaux ainsi que réunions amicales, familiales et de travail. Un processus similaire s’est développé avec le transport aérien et sur les territoires aéroportuaires en plusieurs étapes liées aux développements technologiques et à l’organisation économique. A ses débuts le transport aérien connaissait le système des escales qui a duré relativement longtemps. De mémoire, en 1988, pour faire un Paris-­‐ Pékin un 747 devait faire escale à Karachi au Pakistan pour faire le « plein » de kérosène. Ce sont les jets et les jumbos qui ont ouvert à partir des années 1960-­‐1970 l’ère du transport aérien de masse et aussi davantage de vols directs sur les longues distances. 1
Ce travail doit beaucoup à celui accompli dans les études accompagnant la création de la Zac Aeolians. Ces études ont été conduites par Robert Spizzichino (Partenaires Développement et Guy LoingerϮ (Geistel) Ce travail est intégré à ma thèse d’urbanisme en cours sur « les territoires aéroportuaires et l’économie de la connaissance et de l’innovation » 2
François Caron (1997-­‐2005) Histoire des chemins de fer en France-­‐ T 1 § 2-­‐ Fayard – Paris Lamming Clive (2005) Paris ferroviaire-­‐ Parigramme-­‐ Paris 3
http://www.le-­‐train-­‐bleu.com/fr/histoire.php (consulté le 1-­‐2-­‐2016) 1 Cependant la pratique des grands hubs laisse toujours une part aux escales qui ne sont plus techniques mais commerciales et participent à l’organisation en hub.. Plus n’est besoin de s’arrêter à Shannon ou à Terre Neuve pour franchir l’Atlantique. Les compagnies aériennes ont pu en leur temps, créer leurs filiales touristiques comme Air France avec Jet Tours4 qui est depuis passé au groupe Thomas Cook5. En sens inverse Corsair International a été rapidement racheté par le groupe Nouvelles Frontières qui a été absorbé par le groupe TUI.6 Cette ère du jet coïncide avec l’ouverture de CDG en 1975 ère qui fut aussi celle du supersonique Concorde. Les territoires aéroportuaires ont été amenés à développer un parc hôtelier. Les premières grandes chaines internationales se sont d’abord « posées » à Orly où les besoins d’hébergement de l’aéroport ont été accompagnés par ceux du MIN de Rungis. A CDG, sur le territoire de la plateforme, seul un hôtel Mercure en partie Ouest de CDG témoigne des premières implantations hôtelières sur CDG depuis le relais a été pris par Novotel, Hilton… Une partie notable des implantations hôtelières s’est opérée dans une opération mixte publique-­‐ privée de la zone hôtelière de Roissy concentrée Allée du Verger et qui offre un large éventail de chaines (Marriott, Novotel, Holiday Inn, Best Western…) et de niveaux d’hébergement (B § B..). D’autres implantations ont eu lieu en particulier sur Paris Nord 2 qui accueille notamment .l’hôtel Hyatt. C’est d’abord cette capacité hôtelière qui fait du territoire aéroportuaire de CDG un territoire touristique. L’étude HTL menée pour l’EPA Plaine de France7 synthétisait ainsi la situation de Cœur économique de Roissy Terres de France, elle montrait que la capacité d’accueil était supérieure à celle de grandes métropoles comme Strasbourg ou Lille. 4
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jet_tours (consulté le 1-­‐2-­‐2016) https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Cook (consulté le 1-­‐2-­‐2016) 6
https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Nouvelles_Fronti%C3%A8res (consulté le 1-­‐2-­‐ 2016) 7
Horwath HTL-­‐ (2012) Etude du potentiel hôtelier en Plaine de France-­‐ EPA Plaine de France-­‐ http://www.plainedefrance.fr/domaines-­‐intervention/developpement-­‐territoire/projets-­‐demarches-­‐
strategiques/hotellerie-­‐plaine-­‐france (consulté le 1/2/2016)-­‐ Paris 5
2 Source : HTL Et ensuite l’étude cernait les spécificités de la demande en particulier avec un poids de la clientèle étrangère qui s’élève à 70% sur l’aéroport Paris-­‐CDG, en raison des flux de transit internationaux induits par l’activité aéroportuaire. 3 Source :étude HTL
Source HTL Avec une ventilation qui varie en fonction des segments de marché w 50% affaires -­‐ 50% loisirs pour les unités super économiques (0/1*) 4 L’étude souligne l’importance de la filière learning(réunions-­‐ congrès séminaires) qui trouve dans les territoires aéroportuaires de bonnes conditions de développement avec une accessibilité multi-­‐ scalaire, avec les plages de correspondance du hub incluant localement un système de navettes reliant les hôtels aux aérogare dans le délai critique du ¼ d’heure posé par Kasarda8 comme « contrainte » de l’économie de la vitesse. L’’étude HTL débouchait sur les conclusions suivantes : « w 70% affaires -­‐ 30% loisirs pour les unités économiques et moyen de gamme (2* et 3*) w Jusqu’à 80/90% affaires -­‐ 20/10% loisirs sur certaines unités conférences et réunions haut-­‐
de-­‐gamme (4*) q Des flux attirés par la qualité de la desserte sur la zone, qui facilite : w L’accès aux grands centres d’exposition localisés à proximité, à Paris ainsi qu’aux principaux sites touristiques du Bassin Parisien (Disneyland Paris, Versailles, Parc Astérix, Chantilly, etc.) w L’organisation de réunions/séminaires/congrès » Cette capacité hôtelière du territoire aéroportuaire est fortement orientée vers des fonctions d’activités économiques. 8
Kasarda John § Greg Lindsay (2012) Aerotropolis-­‐ The way we’ll live next-­‐Penguin London 5 . 6 Plusieurs hôtels s’intitulent « Convention Center » (Novotel, Mercure..). Certains se veulnt innovants dans leurs propositions avec un style « Silicon Valley ». Ainsi, Hyatt dispose de lieux de travail « créatifs » et adaptés pour les publics professionnels avec des outils modernes de communication de proximité (face to face) et à distance.9 Avec justesse, l’étude HTL parle d’ « Une logique de filières auto-­‐génératrices de demande, où émergent le learning (formation professionnelle, réunions/séminaires etc) et d’autres thématiques loisirs à explorer (golf, spa, parc récréatifs, casinos…), sur une zone élargie autour de Paris et de Roissy Une logique d’anticipation des besoins qualitatifs de l’offre en fonction de la vocation des territoires et de leur densification économique, en matière de programmes tertiaires notamment » Cette capacité hôtelière a de fortes capacités de développement, intégrées dans les projets du Contrat de Développement Territorial Cœur économique de Roissy Terres de France (International Trade Center...) et dans les projets immobiliers d'ADP. Pour l’autorité aéroportuaire, ADP, ces recettes immobilières participent aux revenus non-­‐ aéronautiques d’ADP qui constituent environ 40% des recettes totales d’ADP en 2014 (source : ADP). Ils constituent un apport de financement aux investissements d’ADP. Elle a aussi la capacité d’hébergements et de services , d’accueil à proximité des activités de proximités temporaires comme les salons professionnels du Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte ou tous les 2 ans les salons de l’aéronautique et de l’espace du Bourget qui ne dispose à proximité que d’une capacité hôtelière modeste. Pour autant, peut-­‐on se satisfaire de la situation existante ? A priori non. L’histoire des implantations hôtelières a conduit à une multiplicité des localisations qui ne facilite pas l'organisation des mobilités et de l’offre de services sur un territoire aéroportuaire (Airport City) qui s’est constitué sur les franges urbaines (Edge City)10. La faiblesse de l’armature urbaine préexistante ne permet pas d’offrir une urbanité à la hauteur des flux utilisateurs de cet espace (environ 200 000 personnes). Au niveau des territoires qu’elles administrent les collectivités ont effectués des efforts sur le cadre bâti et quelques espaces publics. Le CDT a permis d’identifier des opérations prioritaires à l’échelle du territoire aéroportuaire (Airport City) mais ne permet pas de traiter tous les problèmes en raison de rivalités domaniales et de maitrise d’ouvrage. Trop de « délaissés » subsistent sur ce territoire lui 9
http://paris.charlesdegaulle.hyatt.com/fr/hotel/meetings-­‐and-­‐events/meetings/le-­‐campus.html ( consulté le 2-­‐2-­‐2016) 10
Garreau Joel (1991)Edge City-­‐ Life on a new frontier-­‐ Anchor books-­‐ Doubleday-­‐ New York London IAU-­‐(2003) Les franges des métropoles, des territoires de projet-­‐ Cahiers IAU N° 136-­‐ Paris 7 donnant parfois une allure de « no man’s land » au niveau des multiples infrastructures et équipements qui le traversent. Le partage (Yalta institutionnel ?) du territoire aéroportuaire entre Paris Métropole et son Territoire d’envol d’une part et d’autre part la nouvelle Communauté d’Agglomération de Roissy ne va pas simplifier les choses en dépit d’habitudes de travail en commun entre collectivités acquises notamment lors de la préparation du Contrat de Développement Territorial. Cette capacité d’accueil renforce l’attractivité du territoire aéroportuaire qui dans ses zones et parcs d’activités existants (Paris Nord 2, Roissy Parc International..) accueillent de nombreuses entreprises internationales qui en ont fait le lieu de leur pied à terre français ou européen11. Avant de s’intituler Aerolians, la zone d’activité au Sud de CDG s’appelait en langage technocratique Zone des Activités Internationales ce que l’ensemble du territoire aéroportuaire est devenu. Elles ont d’autant plus besoin de ces capacités hôtelières que nombre d’entre elles exercent dans des activités technologiquement pointues12. Dans des logiques de localisation dans « the edge city »13 Ces activités génèrent de nombreuses mobilités intra ou extra firme avec clients fournisseurs et collaborateurs. La présence de ces entreprises n’est pas seulement commerciale. Certaines comme Trumpf14fabricant de machines-­‐outils et de matériel médical, exercent une activité de service en formation. On y retrouve aussi une DAF Academy15 bien sur orientée dans la conduite des poids lourds ! La présence de ces centres de formation comme celle de ce simulateur de vol16avec des séjours professionnels et de formation plus ou moins longs, pose de nouveaux problèmes d’accueil avec des aménités urbaines encore rares dans cette partie de la Plaine de France en dépit des efforts des opérateurs locaux17. 11
Bellwald Antoine § Rozenblatt Céline (2012-­‐ 2013) Positionnement de l’aire urbaine parisienne dans les réseaux mondiaux des entreprises multinationales-­‐ Pouvoir et attractivité de l’aire urbaine de Paris-­‐ Rapport pour l’IAU Ile de France-­‐ UNIL-­‐ CH 12
Loinger Guy et alii (2006) Activités de haute technologie et territoires de métropolisation-­‐ Annales de la Recherche Urbaine N° 101-­‐ PUCA-­‐ Paris 13
Garreau Joel (1991)Edge City-­‐ Life on a new frontier-­‐ Anchor books-­‐ Doubleday-­‐ New York London 14
http://www.fr.trumpf.com/fr.html (consulté le 2-­‐2-­‐2016) http://www.daf.fr/fr-­‐fr/services/daf-­‐driver-­‐academy (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 16
http://www.sim.aero/fr/sim-­‐centres-­‐de-­‐formation/centre-­‐de-­‐formation-­‐de-­‐paris/locaux-­‐de-­‐formation-­‐
equipement (consulté le 2-­‐2-­‐2016= 17
http://www.sim.aero/images/Welcome_brochure_-­‐_Fran%C3%A7ais.pdf (consulté le 2-­‐2-­‐2016) http://www.hotels-­‐roissy-­‐tourisme.com/ (consulté le 2-­‐2-­‐2016) http://www.tremblay-­‐en-­‐france.fr/ (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 15
8 Le groupe Hyatt renvoie sur Paris ou EuroDisney18 . Marriott19 présente un éventail plus large de « destinations touristiques » : « Attractions locales •
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Villepinte Exhibition Center Asterix's Attraction Park (Parc Asterix) Le Bourget Airport & Aerospace museum Paris CDG Airport Bellefontaine Golf Club Chantilly Castle Disneyland® Paris Enghien Casino Senlis Eiffel Tower « L’attractivité du territoire aéroportuaire repose encore largement sur l’attractivité de la centralité parisienne même si des potentialités locales commencent à émerger qu’il conviendrait de mieux mettre en synergie. Ce sera la tache de la nouvelle Communauté d’Agglomération Roissy Pays de France20 et du Territoire Terre d’Envol composante de la Métropole du Grand Paris. Il y a un enjeu économique fort, c’est l’attractivité du hub de CDG. D’autres hubs l’ont bien compris comme Singapour21 qui offre une gamme d’activités aux voyageurs en transit. Emirates fait des propositions d’escale à Dubai à partir de 48 US $ la nuit ! Etihad assure la concurrence avec des propositions à Abu Dhabi à 37 US$ la nuit. Air France Canada fait des propositions de déplacements et visites touristiques 22y compris dans la périphérie francilienne comme Giverny, Fontainebleau, Versailles. Il semble bien cependant que le point de départ en est principalement le centre de Paris. Le positionnement de Paris CDG comme hub avec étape possible à CDG, n’est pas valorisé. Les destinations proposées par Air France Canada, le sont comme si elles étaient directes, sans arrêt à Paris CDG. Pour qu’un hub soit puissant, il est nécessaire qu’il soit attractif comme hub de correspondance mais aussi comme destination finale. Dans les deux cas c’est la double attractivité de la destination et du territoire aéroportuaire qui joue. 18
http://paris.charlesdegaulle.hyatt.com/content/dam/PropertyWebsites/regency/paris/Documents/fr/Hyatt-­‐
Regency-­‐Paris-­‐Charles-­‐de-­‐Gaulle-­‐Fact-­‐Sheet-­‐FR.pdf (consulté le 2-­‐2-­‐2016) http://www.marriott.fr/hotels/local-­‐things-­‐to-­‐do/parmc-­‐paris-­‐marriott-­‐charles-­‐de-­‐gaulle-­‐airport-­‐hotel/ (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 20
http://www.roissyportedefrance.fr/Presentation (consulté le 2-­‐2-­‐2016 ) http://www.caterresdefrance.fr/fr/11/actualites/ (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 21
http://www.singaporeair.com/fr_FR/travel-­‐information/changi-­‐intransit/ (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 22
https://airfrance-­‐fr.ceetiz.com/paris (consulté le 2-­‐2-­‐2016) 9 Attractivité touristique et attractivité économique fonctionnent conjointement23. Elles le sont d’autant plus que le territoire aéroportuaire devient un des pôles métropolitains majeurs. Ce qu’avait envisagé le SDRIF de 1994 lorsqu’il avait fait de CDG un « pôle d’excellence européenne » pour la région Ile de France. C’est pourquoi, il y a plusieurs niveaux de production d’effets économiques dans les actions de développement touristique du territoire aéroportuaire de CDG ! C’est pourquoi je parle de « multiplicateur métropolitain ». Le premier niveau est celui des activités hôtelières et touristiques qui participent fortement au territoire aéroportuaire. Le deuxième niveau est celui exercé sur différentes activités économiques ; en premier lieu celles travaillant dans « l’économie de la vitesse » Le troisième niveau est celui de développements de « l’économie des échanges » comme elle a été appelée par les initiateurs du Grand Paris.24 Cette économie des échanges est un des volets de l’économie du « face to face »25. Comme le disait une publicité de United Airlines, il y a une dizaine d’année « You can’t participate in life via conference call ! ».Cette économie des échanges participe des développements de l’économie de la connaissance et de l’innovation, motrice pour nos aires métropolitaines.26 Il y a là un espace important de développement pour l’aire métropolitaine du Grand Paris. L’amélioration de l’attractivité du territoire aéroportuaire de CDG devrait passer par la réalisation d’équipements prévus dans le Contrat de Développement Territorial Cœur économique de Roissy Terres de France en particulier ceux dédiés au développement des mobilités internes au territoire dans un territoire fractionné. On peut citer là le dispositif COMET de Navettes à Haut Niveau de Service et de la nouvelle station RER Aerofret sur la ligne B et bien entendu la réalisation du Métro Grand Paris Express ainsi que CDG Express qui améliorera les liaisons avec le cœur métropolitain. Plus largement la requalification des espaces publics ainsi que des espaces paysagers sera un plus. Un effort sur la qualité architecturale des espaces bâtis serait aussi le bienvenu. 23
Gravari-­‐ Barbas Maria § Fagnoni Edith (2013) Métropolisation et tourisme-­‐ Comment le tourisme redessine Paris-­‐ Belin-­‐ ParisIngallina Patrizia-­‐ Dir. (2009) L’attractivité des territoires-­‐ Regards croisés-­‐ PUCA-­‐ Paris 24
Blanc Christian (2010) Le Grand Paris du XXI° siècle-­‐ Le Cherche Midi-­‐ Paris 25
Storper Michael § Venables Anthony. J. (2003) Buzz : face to face contact and the urban economy-­‐Center for Economy Performance-­‐ LSE-­‐ London 26
Paris Thomas § Veltz Pierre – Dir-­‐(2010) L’économie de la connaissance et ses territoires-­‐ Hermannn-­‐ Paris 10