Les effets économiques de la hausse des déponses de santé

Transcription

Les effets économiques de la hausse des déponses de santé
VIPS – ASSOCIATION DES ENTREPRISES PHARMACEUTIQUES EN SUISSE
LES EFFETS ECONOMIQUES
DE LA HAUSSE DES DEPENSES
DE SANTE
Rapport final
Zurich, le 1er décembre 2010
Dr. Rolf Iten, Anna Vettori, Judith Trageser, Christian Marti, Martin Peter
1525D_VIPS_STEIGGESHAUSG_SB_101201.DOC
INFRAS
BINZSTRASSE 23
CASE POSTALE
CH-8045 ZURICH
t +41 44 205 95 95
f +41 44 205 95 99
[email protected]
MÜHLEMATTSTRASSE 45
CH-3007 BERNE
WWW.INFRAS.CH
2|
LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE
SANTE
vips – Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse
Rapport final, Zurich, 1er décembre 2010
Dr. Rolf Iten
Anna Vettori
Judith Trageser
Christian Marti
Martin Peter
1525d_vips_SteigGeshAusg_SB_101201.doc
Groupe d’accompagnement:
Werner Aeberhardt
Luigi Antoniazzi
Paul Camenzind
Thomas Alexander Golücke
Walter P. Hölzle
Martin Rubeli
Sven Seitz
Marie-Thérèse Weber-Gobet
Tania Weng-Bornholt
Dr. Athanasios Zikopoulos
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE |
|3
SOMMAIRE
L’ESSENTIEL EN BREF _________________________________________________________ 4 RESUME ____________________________________________________________________ 5 SITUATION INITIALE ____________________________________________________________ 5 OBJECTIF ET PROBLEMATIQUES ________________________________________________ 5 METHODOLOGIE _____________________________________________________________ 6 RESULTATS ___________________________________________________________________ 7 Effets de repartition __________________________________________________________ 7 Effets a court et moyen terme sur la creation de valeur et l’emploi _____________ 9 Effets A long terme sur la croissance et le bien-etre ___________________________ 12 CONCLUSIONS ______________________________________________________________ 15 INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
4|
L’ESSENTIEL EN BREF
Les ménages suisses doivent consacrer à leur santé environ un septième de leur revenu
disponible à la consommation. C’est pour les ménages à faible revenu et les ménages avec
enfants que le poids des dépenses de santé est le plus lourd. Des réductions de primes
compensent partiellement les écarts de charge financière.
Le secteur suisse de la santé produit avec une forte intensité de création de valeur intérieure
et de main d’œuvre. Aussi toute hausse des dépenses de santé entraîne-t-elle à court et moyen
terme une augmentation de la création de valeur et de l’emploi. Une simulation selon un modèle
économique input-output fait apparaître qu’à demande finale constante, une hausse des dépenses
de santé de 5 milliards de CHF génère les effets suivants:
EFFETS D’UNE EVOLUTION DE LA DEMANDE EN MATIERE DE SANTE
Variation relative
Production brute
Création de valeur (PIB)
Importations
Emploi (EPT)
+0,16%
+0,30%
-0,69%
+0,53%
Variation absolue
par rapport à 2005
+1,4 milliard de CHF
+1,35 milliard de CHF
-1,35 milliard de CHF
17 410 emplois à plein temps
Tableau 1 Source: statistiques internes.
A long terme également, les hausses des dépenses de santé tendent à avoir un effet positif sur
l’économie suisse. Une analyse d’études existantes montre qu’en règle générale, ces hausses
améliorent l’état de santé de la population y compris dans les pays industrialisés fortement
développés. Ceci contribue à la productivité du travail, et donc à la croissance des revenus dans
l’économie. Mais un bon état de santé est aussi un facteur de bien-être plus élevé au sein de la
population.
Afin d’étayer de manière plus nuancée encore ces effets fondamentalement positifs, il
convient de prendre en compte d’autres aspects comme l’efficience et la qualité des dépenses de
santé supplémentaires. A cet égard, il y a lieu de mener des recherches complémentaires.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE |
|5
RESUME
SITUATION INITIALE
Les dépenses pour la santé ont progressé en 2008 pour s’établir à 58,5 milliards de CHF, soit
10,7% du produit intérieur brut (PIB).1 Au cours des dernières décennies, elles ont été en hausse
continue. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’elles soient régulièrement au cœur des débats publics
et fassent l’objet de vives controverses.
D’un côté, on dénonce la hausse des dépenses de santé comme étant nuisible pour
l’économie, car elle pèserait sur le budget des ménages et le budget public. Les femmes et
hommes politiques de tous bords font de plus en plus entendre leurs voix pour exiger une
réduction des coûts de la santé. De l’autre côté, on souligne que le système de santé a des effets
largement positifs sur la qualité de vie et l'espérance de vie, et que le secteur de la santé est un
secteur important qui, par sa contribution considérable à la création de valeur et à l’emploi, a des
effets positifs sur l’économie. D’autres voix enfin considèrent que la hausse des dépenses de
santé est une conséquence de l’accroissement du bien-être et reflète les besoins de la société.
Le débat relatif à la hausse des dépenses de santé montre que les effets sont complexes. Il
est donc nécessaire de procéder à une analyse approfondie de ces effets. Par la présente étude,
l’Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (vips) entend contribuer à un débat
nuancé quant aux effets économiques de la hausse des dépenses de santé en Suisse.
OBJECTIF ET PROBLEMATIQUES
Cette étude examine de manière aussi complète que possible les effets de la hausse des dépenses
de santé. Elle prend en compte non seulement les effets économiques au sens strict, c’est-à-dire
les effets sur la prospérité, mais aussi les conséquences en termes de bien-être de la population
et de répartition des revenus au sein de la société. Concrètement, elle vise à mettre en lumière
les effets de la hausse des dépenses de santé sur la croissance et le bien-être, ainsi que les effets
de répartition des dépenses de santé. Les questions majeures sont les suivantes:
› Dans quelle mesure les dépenses de santé pèsent-elles sur les ménages?
› Quels sont, en termes de création de valeur (PIB) et d’emploi, les effets économiques à court
et moyen terme de la hausse des dépenses de santé en Suisse? A court et moyen terme, la
hausse des dépenses de santé est-elle un frein pour le PIB et l’emploi?
1
Les notions de «dépenses pour la santé», «dépenses de santé» et «coûts de la
santé» sont employées indifféremment dans les présents développements.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
6|
› Quels effets (dynamiques) à long terme la hausse des dépenses de santé est-elle susceptible
d’avoir sur la croissance économique et le bien-être?
L’efficience, la qualité, le financement et les changements structurels seraient indéniablement
des aspects très intéressants à prendre en compte dans le débat sur la hausse des dépenses de
santé, mais ceci aurait dépassé le cadre de cette étude.
METHODOLOGIE
Les travaux ont été scindés en trois «modules», qui se distinguent par leurs méthodologies. Le
graphique ci-après résume l’approche méthodologique:
APPROCHE METHODOLOGIQUE
Module 1
Analyse quantitative
QUANTITATIVE
ANALYSE
duBELASTUNG
poids des dépenses
DER
DURCH de santé
JE HAUSHALTSTYP
par
type de ménage
UND
etEINKOMMENSGRUPPE
groupe de revenu
GESUNDHEITSAUSGABEN
ð Effets
VERTEILUNGSWIRKUNGEN
de répartition
Module 2
Analyse input-output: comparatif statique des effets en termes de
création de valeur et d’emploi dans différents scénarios de
dépenses (référence = dépenses de santé aujourd’hui)
ð Effets sur la création de valeur et l’emploi
Module 3
Analyse, sur la base d’études existantes,
LITERATURANALYSE
des liens entre Ä
dépenses de santé, croissance économique (PIB) et
NATIONALER
UND INTERNATIONALER
EBENE
bien-être
à l’échelon
national et international
ð Effets
WACHSTUM
sur-la
UND
croissance
WOHLFAHRTSWIRKUNGEN
et le bien-être
Graphique 1
› Dans le cadre du module 1, on a analysé les effets de répartition des dépenses de santé à l’aide
de données issues de l’enquête sur le budget des ménages (EBM) de l’Office fédéral de la
statistique (OFS). L’EBM intègre les dépenses des ménages, dont les dépenses de santé
(primes d’assurance, soins, etc.). On a examiné dans quelle mesure les dépenses de santé
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|7
pèsent sur les différents types de ménages (p. ex. familles, ménages d’une personne) ainsi que
sur différentes catégories de revenus, en tenant compte des réductions de primes.
› Le module 2, à l’aide d’un tableau input-output (TIO), fait une simulation des effets à court et
moyen terme d’une hausse des dépenses de santé en termes de création de valeur et d’emploi.
Le TIO fait apparaître la situation économique de la Suisse et les interdépendances entre les
prestations intermédiaires dans les différents secteurs. L’hypothèse est que, dans une structure
économique donnée, les dépenses de santé augmentent de 5 milliards de CHF tandis que les
dépenses pour tous les autres biens diminuent d’autant. Les résultats de cette simulation
montrent comment la hausse des dépenses de santé influe à court et moyen terme sur la
création de valeur et l’emploi.
› Le module 3 est consacré aux effets économiques à long terme d’une hausse des dépenses de
santé, notamment en termes de productivité, de croissance et de bien-être (ce dernier terme
recouvrant les effets immatériels tels que la satisfaction et la qualité de vie). Cet examen des
effets à long terme repose sur une analyse systématique d’études suisses et étrangères
existantes. Ces études ont été évaluées et synthétisées dans la perspective de leur éventuelle
reproductibilité en Suisse.
RESULTATS
EFFETS DE REPARTITION
Les coûts de la santé ont connu une progression continue ces dernières années, s’établissant à
58,5 milliards de CHF en 2008. En moyenne, les dépenses de santé représentent 14% du revenu
disponible des ménages avant dépenses de santé,2 soit une part non négligeable.
Lorsqu’on classe les ménages en fonction de leur revenu, les chiffres montrent que les
dépenses de santé pèsent plus ou moins fortement selon les catégories. Les réductions de primes
ont un effet de lissage sensible, mais les écarts ne sont pas intégralement compensés. Dans le
quintile de revenu inférieur3, la charge financière pour les ménages après réductions de primes
est toutefois sans doute surestimée, car les bénéficiaires de l’aide sociale sont sous-représentés
dans l’EBM et leurs réductions de primes ne sont donc pas prises en compte. De même, dans le
2
Le revenu disponible des ménages avant dépenses de santé se calcule comme
suit: revenu brut, moins transferts obligatoires (impôts, primes, cotisations aux
assurances sociales), plus impôts pour le financement du système de santé, plus
primes, moins réductions de primes (cf. paragraphe 2.2).
3 Chaque quintile regroupe un cinquième (20%) des ménages. Le quintile de revenu
inférieur regroupe donc les 20% de ménages à plus faible revenu.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
8|
quintile de revenu supérieur, la charge financière réelle est sans doute inférieure, car les
millionnaires sont eux aussi sous-représentés dans l’EBM.
DEPENSES DE SANTE EN 2007 PAR QUINTILE DE REVENU (AVANT ET APRES
REDUCTIONS DE PRIMES)
PART DU REVENU
DISPONIBLE
30%
28%
22% *
20%
)
20%
17%
16% 17%
14%
14%
11% 11%
10%
0%
QUINTILE
INFERIEUR
2e QUINTILE
3e QUINTILE
APRES REDUCTIONS DE PRIMES
4e QUINTILE
QUINTILE SUPERIEUR
AVANT REDUCTIONS DE PRIMES
Graphique 2 Source: EBM, réductions de primes estimées sur la base de Künzi, Schärrer (2004). *) =
valeur vraisemblablement surestimée, car les bénéficiaires de l’aide sociale sont sous-représentés
dans l’EBM et leurs réductions de primes ne sont donc pas prises en compte dans la charge
financière. D’où sans doute une sous-estimation de l’effet lissant des réductions de primes dans la
catégorie de revenu inférieure.
Lorsqu’on examine la charge financière pour différents types de ménages, la répartition s’avère
plus équilibrée. Les réductions de primes compensent presque intégralement les écarts entre les
ménages avec et sans enfants et les ménages d’une personne. Les ménages avec deux enfants et
plus ainsi que les familles monoparentales sont les plus grands bénéficiaires des réductions de
primes.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|9
EFFETS A COURT ET MOYEN TERME SUR LA CREATION DE
VALEUR ET L’EMPLOI
Incidences sur l’économie globale
Dans le scénario 1, on simule une situation où les dépenses de santé augmentent de 5 milliards
de CHF tandis que la demande finale pour tous les autres biens diminue d’autant.4 Cette
simulation est effectuée à l’aide du modèle input-output, sur la base de la structure économique
de 2005. Les résultats font apparaître que la hausse des dépenses de santé entraîne une
augmentation de la création de valeur nationale (PIB) de 0,30% (soit environ 1,35 milliard de
CHF pour l'année 2005). L'effet sur l'emploi, à +0,53%, est un peu plus marqué que sur le PIB,
car l’intensité de main d’œuvre est en moyenne plus forte dans le secteur de la santé que dans
l’économie suisse en général.
EFFETS D’UNE EVOLUTION DE LA DEMANDE EN MATIERE DE SANTE
Variation relative
Production brute
Création de valeur (PIB)
Importations
Emploi (EPT)
+0,16%
+0,30%
-0,69%
+0,53%
Variation absolue par
rapport à 2005
+1,4 milliard de CHF
+1,35 milliard de CHF
-1,35 milliard de CHF
17 410 emplois à plein temps
Tableau 2 Source: statistiques internes.
4
On a retenu comme scénario principal cette hausse d’un montant absolu de 5
milliards de CHF. D’autres montants de hausse produiraient proportionnellement
les mêmes effets, car le modèle input-output utilisé repose sur une fonction de
production linéaire.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
10|
EFFETS D’UNE EVOLUTION DE LA DEMANDE EN MATIERE DE SANTE (SCENARIO 1)
VARIATION
PAR RAPPORT À
L’EXISTANT
0,6%
0,4%
0,2%
0,0%
-0,2%
-0,4%
-0,6%
-0,8%
PRODUCTION
BRUTE
SZENARIO 1
IMPORTACRÉATION
TIONS
DE VALEUR
EMPLOI (EPT)
Graphique 3 Graphique interne. Production brute: montant du chiffre d'affaires total de toutes les
entreprises d'un secteur avant déduction du montant des prestations intermédiaires; création de
valeur: montant du chiffre d'affaires total de toutes les entreprises d'un secteur après déduction du
montant des prestations intermédiaires.
Ces effets positifs s’expliquent comme suit: le secteur de la santé recourt moins aux
importations que ne le font, en moyenne, les autres secteurs en Suisse. On produit donc
davantage dans le pays, ce qui se traduit par une production intérieure brute accrue (+0,16%).
En outre, l’intensité de création de valeur et de main d’œuvre 5 est en moyenne plus forte dans le
secteur suisse de la santé que dans les autres secteurs. Dès lors, la création de valeur et l’emploi
progressent plus rapidement que la production nationale brute.
Afin d'évaluer les divers effets dans différents sous-secteurs du secteur de la santé, on a
examiné dans le cadre de deux autres scénarios les conséquences d’une hausse de la demande
dans les domaines de l’assurance obligatoire (AOS) et des assurances complémentaires (LCA).
5
Intensité de création de valeur: montant de la production déduction faite du
montant des prestations intermédiaires par unité de production brute (p. ex. valeur
d’une boîte du médicament X déduction faite de la valeur des travaux de
recherche et développement, des composants, etc.); intensité de main d’œuvre:
nombre d’emplois par unité de production brute.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|11
Les résultats de ces scénarios 2 et 3 font apparaître des effets quasiment identiques à ceux du
scénario principal. Ceci s’explique par le fait que, faute de données statistiques plus précises, les
structures de production de l’AOS et des assurances complémentaires ne se distinguent guère de
celles des prestations dans le secteur de la santé en général.
Incidences sur les différents secteurs
Plus un secteur fournit des prestations intermédiaires au secteur de la santé, plus ce secteur est
en mesure de bénéficier d'une hausse de la demande dans le secteur de la santé. Parmi ces
« secteurs gagnants », on compte le secteur de la santé lui-même avec ses sous-secteurs (+9,1%)
ainsi que l'industrie de précision (+0,20%), les assurances (+0,15%), la recherche et le
développement (+0,09%) et enfin la chimie et l’industrie pharmaceutique (+0,03%).
En revanche, les secteurs fortement axés sur la consommation finale, et qui fournissent donc peu
ou pas de prestations intermédiaires au secteur de la santé, profitent dans une moindre mesure
d’une hausse de la demande dans le secteur de la santé. Certains de ces secteurs enregistrent
même un recul léger, mais supérieur à la moyenne par rapport aux autres secteurs, en termes de
production, de création de valeur et d’emploi. Ces « secteurs perdants » en cas de hausse des
dépenses de santé (selon scénario 1) sont notamment la formation (-0,81%), l’industrie
mécanique (-0,80%), les services immobiliers (-0,78%) et l’hôtellerie-restauration (-0,76%). Le
recul supérieur à la moyenne de la formation et de l’industrie mécanique s’explique
principalement par le fait que ces secteurs sont surtout axés sur la demande finale et ne
fournissent quasiment pas de prestations intermédiaires à d’autres secteurs. Les secteurs qui
vendent une part plus importante de leur production sous forme de prestations intermédiaires à
d’autres secteurs sont mieux à même de bénéficier d’une hausse de la demande dans le secteur
de la santé que ceux axés principalement sur la consommation privée, l’Etat, les investissements
ou l’exportation.
Incidences sur le secteur de la santé
Un accroissement de la demande dans le secteur de la santé produit des effets variables sur les
sous-secteurs et/ou les divers prestataires (hôpitaux, médecins, pharmacies, etc.):
› Les sous-secteurs qui produisent presque exclusivement en vue de répondre à la demande
finale nationale réagissent à une hausse de la demande finale par une progression quasiment
équivalente de la production brute, de la création de valeur et de l’emploi. C’est vrai pour la
plupart des sous-secteurs du secteur de la santé.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
12|
› Les sous-secteurs dont la production est aussi largement destinée à l’exportation, ou qui
fournissent des prestations intermédiaires à d’autres secteurs que celui de la santé, enregistrent
une moindre progression de la production brute, de la création de valeur et de l’emploi en cas
de hausse des dépenses de santé. Tel est notamment le cas du commerce de détail (pharmacies,
drogueries, opticiens), des assurances, des ONG intervenant dans le domaine de la santé et du
sous-secteur de la technique médicale.
› Le sous-secteur de l’industrie pharmaceutique est celui qui bénéficie le moins d’une hausse de
la demande dans le secteur de la santé (<+1%). Fortement axé sur l'export6, il est en effet
faiblement impacté par les variations de la demande finale intérieure.
Les résultats des simulations TIO sont un instantané de deux situations différentes et ne
prennent pas en compte les effets à long terme sur la croissance et le bien-être. Ceux-ci ont été
évalués dans le cadre d’une analyse d’études existantes (cf. paragraphe suivant).
EFFETS A LONG TERME SUR LA CROISSANCE ET LE BIENETRE
Dans quelle mesure une hausse des dépenses de santé contribue-t-elle à long terme à la
croissance économique et au bien-être? La réponse à cette question est complexe et dépend au
premier chef de l’état de santé de la population. Depuis une quarantaine d’années, la santé est
perçue comme un important facteur de croissance et de bien-être. Elle représente à la fois un
bien de consommation et un capital. En tant que capital, elle permet à chacun de générer des
revenus sur le marché du travail. En tant que bien de consommation, elle permet aux individus
d’accroître leur bien-être et leur donne la liberté de poursuivre leurs intérêts. Sous l’angle
économique, la santé est un facteur de capital humain et donc un moteur de développement
économique.
Sur la base de notre analyse d’études existantes, nous avons identifié un triangle relationnel
dépenses de santé – santé – bien-être et croissance (cf. graphique ci-après). Nous avons examiné
la réalité empirique de ces liens, que nous avons ensuite transposés au niveau de la Suisse. Les
signes +/- représentent les effets présumés d’une hausse des dépenses de santé en Suisse.
6
Les chiffres ont été calculés sur la base de la production pharmaceutique destinée
à l’exportation (Interpharma 2008).
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|13
TRIANGLE RELATIONNEL DES EFFETS A LONG TERME
Graphique 4 Source: graphique interne.
Les effets présumés constatés empiriquement peuvent se résumer comme suit (dans l’ordre de la
numérotation adoptée pour le graphique ci-dessus):
Effets des dépenses de santé sur la santé de la population
(1) Dans les pays industrialisés, une hausse des dépenses de santé améliore en principe l’état de
santé de la population. Dans les pays fortement développés comme la Suisse, cet effet
positif est toutefois estompé. D’une part, outre l’offre de soins médicaux, de nombreux
autres facteurs influent sur l’état de santé de la population, en particulier la formation, le
style de vie, l’hygiène et la répartition des revenus. D’autre part, lorsque le niveau de santé
est déjà très élevé, le supplément de dépenses ne bénéficie souvent qu’à une fraction de la
population.
Effets directs et indirects sur la croissance économique
(2) En principe, un meilleur état de santé devrait avoir des effets positifs sur la productivité du
travail, l’offre de main d’œuvre et la formation. Ceci a-t-il en fin de compte des effets
positifs sur la croissance économique globale? Les conclusions de notre analyse sont
nuancées.
D’après les études empiriques dont nous disposons, si le lien est clair et nettement positif
dans les pays en développement, il est soit faible, soit très marginalement positif dans les
pays industrialisés. Ceci tient au fait que lorsque le niveau de santé est élevé, les
améliorations supplémentaires de l’état de santé ne contribuent plus que de façon mineure à
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
14|
la croissance économique (productivité marginale décroissante). Les améliorations de l’état
de santé bénéficient avant tout aux personnes ayant atteint l’âge de la retraite. D’un point de
vue économique, ces personnes en bonne santé contribuent à accroître la consommation,
mais le fort rapport de dépendance des personnes âgées pèse sur la productivité de la
population dans son ensemble.
La recherche empirique donne toutefois à penser que l’impact de la santé sur la croissance
économique serait plus fort que ce qu’indiquent les études existantes si l’état de santé était
mesuré à l’aide d’indicateurs plus pointus que l’espérance de vie ou la mortalité (p. ex.
mortalité due au cancer, etc.).
(3) Par le biais de l’effet positif de la santé, des dépenses de santé en hausse devraient
déclencher des effets indirects en termes de croissance. Globalement, au vu des résultats
concernant les liens (1) et (2), on peut considérer qu’il existe un effet indirect légèrement
positif des dépenses de santé sur la croissance économique.
Cet effet pourrait toutefois être annulé par des coûts d'opportunité. On peut imaginer par
exemple que les dépenses supplémentaires consacrées à la santé pourraient déclencher des
effets plus marqués en termes de croissance si elles étaient engagées dans d’autres domaines
comme l’environnement, la formation, etc. Notre analyse empirique ne confirme toutefois
pas ce point de manière univoque.
Par ailleurs, l’impact des dépenses de santé sur la croissance économique dépend sans doute
aussi d’autres facteurs. Par exemple, une espérance de vie accrue et un meilleur état de
santé, si l’âge de la retraite est flexible, peuvent avoir pour effet que des investissements
dans la santé contribuent de manière substantielle à la croissance économique, car le
potentiel de main d’œuvre augmente globalement.
Effets directs et indirects sur le bien-être
(4) Les études empiriques montrent qu’un bon état de santé apporte des bénéfices importants
aux individus et à la société. Il en résulte que lorsque la santé s’améliore, le bien-être de la
population s’accroît. Le rapport entre santé et bien-être de la population est donc clairement
positif.
(5) Le bien-être dépend en outre directement de la croissance économique, dans la mesure où le
revenu apporte des bénéfices aux individus et à la société.
(6) Par le biais des liens décrits ci-dessus, c’est-à-dire par le biais de la santé et de la croissance
économique, des dépenses de santé en hausse devraient entraîner globalement un plus grand
bien-être pour la population. Cet effet est plus net et plus positif que celui sur la croissance
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|15
économique, car la santé apporte en plus un bénéfice direct et possède une valeur «en soi».
La meilleure santé des personnes ayant atteint l'âge de la retraite, par exemple, ne contribue
que peu à la croissance économique, mais elle améliore la qualité de vie de ces personnes et,
par là même, le bien-être de la population dans son ensemble.
Mais là encore, le rôle des coûts d’opportunité reste à éclaircir. Si l’on tient compte du fait
que le budget des dépenses publiques et privées est limité, il est théoriquement possible que
l'effet positif des dépenses de santé sur le bien-être soit annulé dès lors que des
investissements dans d'autres domaines apportent un bénéfice supérieur à la population.
Empiriquement, il apparaît toutefois que la propension à effectuer des dépenses de santé est
très élevée (4). Les coûts d’opportunité des dépenses de santé devraient ainsi rester
relativement limités pour le bien-être.
CONCLUSIONS
Les effets des dépenses de santé en hausse: un vaste panorama
La présente étude propose un vaste panorama sur les effets de la hausse des dépenses de santé.
Elle présente non seulement les effets structurels à court et moyen terme sur le PIB et l’emploi,
mais aussi des effets dynamiques à plus long terme ainsi que des incidences en matière de
politique de répartition et en matière sociale. Mais dans un contexte de hausse des dépenses de
santé, d’autres aspects sont importants également:
› l’efficience des moyens mis en œuvre et les potentiels d’efficience;
› le financement de la hausse des dépenses de santé et notamment la question du «fiscal gap», à
savoir qu’une partie de ces dépenses serait à la charge de l’Etat et pourrait ainsi creuser les
déficits;
› d’éventuels changements structurels à venir au sein du système de santé, p. ex. la diminution
des soins aigus au profit des soins de longue durée;
› la qualité, p. ex. le type d’emploi généré par la hausse des dépenses de santé.
Intégrer ces problématiques aurait toutefois dépassé le cadre de cette étude. Les résultats
obtenus et les conclusions couvrent des aspects essentiels du sujet, mais sont à considérer au
regard de cette limitation.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
16|
Des effets tendanciellement positifs pour l’économie globale
Pour résumer, nous constatons que dans la structure économique actuelle de la Suisse, une
hausse des dépenses de santé (en raison d’une augmentation de volume) accompagnée d’un
recul simultané et de même ampleur de la demande d’autres biens génère clairement, à court et
moyen terme, des effets positifs en termes de PIB et d’emploi.7 A plus long terme aussi, sur la
base d’analyses ex-post et par le biais de divers mécanismes de cause à effet (dépenses de santé /
santé -> croissance / bien-être), les effets tendent à être positifs. A noter toutefois que ces effets
ont été examinés de manière très agrégée. Une analyse plus nuancée fait apparaître que selon les
mécanismes de cause à effet, les résultats empiriques obtenus sont plus ou moins étayés. Si la
relation entre l'amélioration de la santé et le bien-être est clairement positive, les autres liens
(p. ex. entre dépenses de santé et croissance) sont impossibles à établir de manière univoque.
La hausse des dépenses de santé n’est pas mauvaise en soi
Pour autant, on ne saurait défendre l’opinion selon laquelle la hausse des dépenses de santé est
mauvaise en soi pour le développement économique. Y compris sous l’angle de la politique de
répartition, les réductions de primes sont de nature à réduire partiellement la charge des
dépenses de santé pour les revenus les plus modestes. Ces résultats ne sauraient bien entendu
justifier une hausse constante et illimitée des dépenses de santé.
Prise en compte systématique de l’efficience en termes de coûts, des coûts
d’opportunité et des effets induits
Compte tenu du fait que la Suisse dispose d’ores et déjà d’un niveau élevé de prestations de
santé, il est selon nous important que:
› les moyens disponibles soient utilisés aussi efficacement que possible. L’efficience des
dépenses supplémentaires (p. ex. des mesures de prévention ou de la médecine curative) en
termes de coûts ainsi que les coûts d’opportunités (p. ex. comparativement à des dépenses pour
l’enseignement supplémentaires) doivent donc être systématiquement examinés.
› des aspects complémentaires (efficience, qualité, financement, changements structurels) soient
pris en compte, afin de pouvoir identifier plus finement encore les effets positifs. Il y a lieu de
mener des recherches complémentaires en la matière.
7 Les effets d’une hausse des dépenses de santé en raison d’une augmentation des
prix n’ont pas été examinés.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE
|17
Recommandations finales
Les dépenses de santé représentent en Suisse 10,7% du PIB, ce qui place notre pays dans le
peloton de tête à cet égard. Il en résulte, pour la population suisse, une très longue espérance de
vie et un excellent état de santé. On peut toutefois supposer qu’il existe en Suisse un potentiel
considérable d’optimisation de l’efficience. Selon nous, il serait donc important de prendre des
mesures incitatives adaptées à destination des acteurs du secteur de la santé, mais aussi de
vérifier systématiquement l’efficience en termes de coûts des mesures préconisées et de
comparer ces mesures avec des alternatives possibles. De même, nous jugeons essentiel
d’améliorer encore la transparence et les données disponibles dans le système de santé.
INFRAS | 1 er décembre 2010 | LES EFFETS ECONOMIQUES DE LA HAUSSE DES DEPENSES DE SANTE