LE JERRICAN
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LE JERRICAN N° 49 MARS – AVRIL 2008 Journal bimestriel d’Information de l’Association «Union Jeep Vexin» / Responsable de la publication : Alain ORSINI Adresse postale : 2 rue Pierre Bonté, 95450 SAGY – Tél. 01.34.66.30.24 – E-Mail : [email protected] - Site : http://perso.wanadoo.fr/unionjeepvexin Le mot du Président Bonjour à tous ! Je compte sur vous pour y participer. Des informations précises vous seront adressées L’arrivée du beau temps, après un hiver rigoureux, es, prochainement. N’oubliez pas que le succès de la pour nous, le signe de nouvelles actions Fête de la Jeep est l’affaire de tous ! commémoratives, de moments d’intenses activités. Comme je vous l’avais indiqué, lors de mon traditionnel La Normandie sera pour nous, un très grand mot, dans le dernier Jerrican, il faut que nos véhicules et moment historique, puisque nous allons pouvoir, nos matériels soient prêts à répondre aux divers rendez- chose exceptionnelle, regrouper dans notre Camp les vous de l’Histoire. Tout d’abord, le 8 mai, date reconstituteurs des 3 régiments qui composaient la hautement symbolique, ensuite la Normandie et dans la Big Red One : le 16th avec nos amis espagnols, le foulée, l’Appel du 18 juin, la Fête de la Jeep, Beltring et 18th avec un groupe polonais qui a souhaité se bien d’autres manifestations indiquées sur notre joindre à nous et enfin notre 26th. En ajoutant nos programme régulièrement mis à jour et diffusé. compagnons Anglais du 514th, venus spécialement, il Cette année est une année charnière ; il convient de la y aura dans le camp presque 70 personnes et 40 réussir et c’est pour cela que je vous demande avec véhicules ! insistance de faire le maximum pour participer aux Le camp de l’UJV portera le nom d’Antonio Zamora, activités proposées et surtout, de nous donner des ce Pvt du 26th, sans famille, et dont la tombe chaque réponses par retour, sans attendre les dates limites. année au 6 juin est fleurie et honorée par notre Pour la 11ème édition de la Fête de la Jeep, à la Association. demande générale, nous avons repris la tradition du spectacle ; cependant, afin de nous faciliter la tâche, Vaste programme pour les 5 mois à venir, mais que nous ne ferons qu’une seule répétition, probablement le vous aurez tous à cœur d’honorer, j’en suis certain. Je compte sur vous tous. samedi 30 mai, seule date possible sur notre planning. Robert Dunesme L’HISTOIRE DU « RBFM » LE REGIMENT BLINDE DES FUSILIERS MARINS Si à l’UJV c’est la « Big Red One » qui est à l’honneur, nous avons aussi bien du respect et de l’amitié pour le RBFM de Leclerc. L’un de nos proches amis, bien que non membre de l’UJV, nous a écrit cet article sur le RBFM. Cet ami aussi discret que modeste désirant garder l’anonymat (sans doute pour éviter des lettres de réclamation !) je me suis donc permis de lui attribuer un nom de code, j’ai tout naturellement choisi le nom de « Bachi », donc grand merci à Bachi. Alain Orsini Au cours de nos rassemblements de véhicules militaires de collection ou de commémorations, il est habituel de croiser des participants portant des uniformes américains avec la tête couverte du célèbre BACHIS des marins de la Marine Nationale. Ces personnes rappellent le souvenir des éléments blindés anti-char de la deuxième Division Blindée du Général LECLERC. revanche sur l'infortune, l'humiliation, les chagrins d'une des périodes les plus tristes de l'histoire de la Marine. Quand la France fut envahie, puis occupée, il n'est pas un marin qui ne fut décidé à poursuivre le combat contre l'Allemagne aux côtés des Anglais, comme ils venaient de le faire en Norvège. Tout bascula, quand deux mois après l'Armistice, les Anglais attaquèrent et détruisirent à Voici donc l’histoire de ce bataillon retracée MERS-EL-KEBIR une escadre française au par l’Amiral MAGGIAR quelques mois avant sa mouillage, à demi désarmée et incapable de se mort en août 1995. défendre... « Le R.B.F.M. est né de la volonté de quelques U.J.V. / Espace Mémoire du Vexin marins meurtris par les malheurs des années « Le Devoir de Mémoire, la Mémoire de l’Histoire » d'occupation, de participer les armes à la main, à la Association régie par la loi du 1er juillet 1901, sous le N° 2032 du 11 Libération de la France, mais aussi de prendre leur juillet 1997 Préfecture du Val d’ Oise Le Jerrican n°47 page 1/6 C'était en plus d'un attentat et d'une lâcheté, une trahison de l'Angleterre vis-à-vis de la France, son alliée. Ce fut surtout une erreur monumentale. La peur des Anglais de voir la Marine française passer dans les mains des Allemands est un alibi que l'Histoire n'a pas retenu. de la dure école de la mer, tout spécialement le sens des responsabilités, la discipline consentie, l'endurance des longues heures de quart ou de veille. Enfin, les épreuves et les expériences nées de la guerre sur mer, les souffrances partagées par Après cet attentat, la Marine anglaise ne cessa, beaucoup d'entre eux dans les prisons anglaises, sans déclaration de guerre, de harceler, combattre leur avaient donné une cohésion, une solidarité, et détruire des bâtiments français à la mer et dans une confiance réciproques. leurs bases, créant l'occasion comme à DAKAR et Il était difficile de rassembler des équipes à DIEGO SUAREZ, mais aussi la saisissant chaque possédant plus de compétence et de talent, plus fois qu'elle se présentait. d'enthousiasme pour des tâches nouvelles, plus En dépit de l'attitude déloyale des Anglais, les d'esprit de corps. Ils étaient avides de montrer ce marins ne perdirent jamais l'espoir de reprendre qui les distinguait des autres, ce que la marine les armes contre les Allemands. Cet espoir put avait fait d'eux. enfin se réaliser, après le débarquement des Quand ils découvrirent les T.D. et leur rôle dans Anglo-américains en Afrique du Nord. les combats, ils comprirent qu'ils dépasseraient Après quelques jours d'une résistance tout ce qu'on attendait d'eux. courageuse spécialement meurtrière pour la Personne ne s'en doutait dans l'Armée de terre. Marine, la France reprit sa place dans le camp des Seuls le Général JUIN et le Général DE GAULLE alliés. l'avaient compris. La Marine créa alors le Bataillon Bizerte pour la C'est en effet le Général de GAULLE qui, en dépit libération de la grande base navale de Bizerte, en du refus de certains marins de rallier les Forces Tunisie, avec les marins "Prisonniers de guerre" en Françaises Libres en Angleterre, désigna le Angleterre après la perte de leurs bâtiments à R.B.F.M. pour la fameuse Division LECLERC, lui DIEGO-SUAREZ. donnant la préférence sur les cavaliers des cinq Aussitôt Bizerte pris, la Marine, répondant à la autres régiments de T.D. demande du Général Juin, futur chef de l'Armée C'était de la part du Général de GAULLE une française de Libération, accepta de créer une marque de générosité, mais plus encore grande unité terrestre pour la libération de la d'intelligence, par la prescience des résultats à France. attendre des marins. Ce fut le R.B.F.M., un régiment de tanks A la surprise générale de l'Armée de Terre, de la destroyer "T.D." ou chasseurs de chars "ce qu'il y a de mieux" dans l'Armée française, avait dit le 2ème D.B. et de son Chef le Général LECLERC, les Général Juin au Capitaine de Corvette MAGGIAR, marins avec seulement un mois et demi Commandant le Bataillon Bizerte et futur d'entraînement sur des chars usagés, qu'ils remettaient à neuf de nuit après s'être entraînés de Commandant du R.B.F.M. jour, se distinguèrent dès l'entrée en campagne en Au Bataillon Bizerte s'ajoutèrent alors en NORMANDIE. complément des marins provenant des bâtiments Les escadrons de T.D. commencèrent alors la qui venaient d'être coulés à CASABLANCA, ORAN, destruction de chars et canons antichars ALGER, etc… allemands et la poursuivirent pendant toute la Ce n'était pas sans raison que le Général Juin guerre, dans une proportion telle que les plus avait demandé des marins pour armer des chars. hautes autorités militaires reconnaissent L'Armée de terre en Afrique du Nord manquait aujourd'hui que sans eux la 2ème D.B. n'aurait alors cruellement de spécialistes pour armer les jamais réussi ses percées foudroyantes sur Paris cinq divisions blindées de la grande armée et Strasbourg. française en cours de formation. Le R.B.F.M. ne perdit que dix T.D. mais il détruisit Au contraire des militaires, les marins avaient 70 chars et 82 canons allemands. C'est un résultat tous une solide formation professionnelle. Pour d'autant plus prestigieux que les marins eux les T.D. étaient une simple réduction des affrontèrent les puissants chars "Panthers" de 45 torpilleurs de mer d’autant plus que ce chasseur de tonnes avec leurs petits T.D. de 28 tonnes et sans char possédait le même moteur que le SHERMAN aucune expérience de la guerre des chars. M4A2 c’est-à-dire deux moteurs diesel GM. Le R.B.F.M. acheva la guerre à Chaque marin retrouvait en effet sur son char sa BERCHTESGADEN avec le plus beau palmarès de spécialité de canonnier, pointeur, mécanicien, électricien radio, etc... A leurs qualités la 2ème D.B. et de l'Armée française. L'Armée blindée lui rendit hommage en donnant au T.D. ... professionnelles, les marins ajoutèrent les vertus Le Jerrican n°47 page 2/6 "Siroco" champion du R.B.F.M. avec neuf victoires sur les "Panthers" allemand, une place d'honneur au Musée de l'Arme Blindée. Après la campagne de France, le R.B.F.M. suivit le Général LECLERC et participa de nouveau avec la 2ème D.B. à la campagne d'Indochine. Insignes portés sur les manches de la veste d’origine américaine. Les ancres croisées traduisent l’origine d’appartenance des troupes à savoir la Marine Nationale. Il se distingua, comme il l'avait fait en France ; combattant non plus avec des chars, mais avec des bâtiments fluviaux et engins amphibies, dans les Les infirmières de ce bataillon portaient le deltas du Fleuve Rouge et du Mékong. » surnom de « marinettes » contrairement aux Fin de citation autres infirmières de cette deuxième division Les véhicules du RBFM blindée qui étaient des « rochambelles ». portaient le marquage ci Leurs uniformes étaient en tous points contre. identiques à ceux des hommes à l’exception La barre horizontale audessus de la lettre Y traduit le premier régiment (il n’y en eut qu’un seul) et la lettre Y a pour origine la première lettre du mot YSER en souvenir des glorieux combats des Fusiliers Marins du Contre-Amiral RONACH sur la rivière YSER en BELGIQUE au cours de la première guerre mondiale. du pompon rouge. La composition du Régiment Blindé Fusiliers Marins était la suivante : des un escadron hors rang : 6 pelotons, 75 engins, un premier escadron de combat : - 5 pelotons, 42 engins dont 2 pelotons de combat avec chacun 5 Jeeps et 5 M8, Les blindés utilisés par le RBFM étaient des chasseurs de chars (d’origine américaine) dénommés TD M10 ; TD étant les initiales de TANK DESTROYER. Ces blindés possédaient un canon de 76,2 millimètres très efficace contre les PANZER IV mais beaucoup moins contre les chars TIGRES et les chars PANTHERS. - 6 pelotons, 50 engins dont - un peloton de combat à 5 Jeeps, 4 M10, - un peloton de combat à 5 Jeeps, 2 M10 et 2 M8, - un peloton de combat à 5 Jeeps et 5 M8, trois autres escadrons de combat : 4 pelotons, 44 engins dont 3 pelotons de combat avec chacun 4 M10 et 5 Jeeps. Signé « Bachi » Le Vice-Amiral Raymond Maggiar Merci à l’article de « Bachi » qui me permet de vous parler de l’Amiral Raymond Maggiar que je ne connaissais jusqu’ici que de nom. Je n’ai pu hélas trouver une photo de Raymond Maggiar, mais voici toutefois sa biographie résumée. l’attaque anglaise et sera fait prisonnier par ces derniers à la fin des combats pour le port. Après sa captivité, il rejoint les Forces françaises en Afrique du Nord (mars 1943) avec le grade de capitaine de corvette. Il commande ensuite le Né en 1903, Raymond-Emile-Charles-Joseph Maggiar bataillon de Bizerte durant la libération de la Tunisie entre en 1922 à l’Ecole Navale. Il est affecté ensuite à et le régiment blindé des fusiliers-marins (RBFM) de la diverses unités telles que le Courbet et le Bretagne 2ème division blindée dirigée par le général Leclerc. (cuirassés), le Mistral et le Valmy (respectivement Débarqué en Normandie, blessé à Paris, il fait la torpilleur et contre-torpilleur) et le Suffren (croiseur). campagne de France avec son régiment de chars Entre 1932 et 1934, il sert en extrême–orient sur le destroyers. croiseur de 2ème classe Primauguet. Il rejoint ensuite le Capitaine de vaisseau en 1947, il commande le Centre Courbet, le croiseur Dunkerque (croiseur) et le interarmées des opérations amphibies (1948-1950) et Fantasque (contre-torpilleur). En 1940, il participe au la Marine au Tonkin (1953). débarquement de Narvik, à l’évacuation de Dunkerque Contre-amiral en 1955, il quitte le service peu de et à l’escorte de l’or français entre Brest et Dakar. temps après. Il décède le 19 août 1995. Il participe aussi à la défense du port de Dakar lors de Le Jerrican n°47 page 3/6 Lorsque je dis n’avoir pas de photo d’époque ou plus récente de Raymond Maggiar, ce n’est pas tout à fait vrai. Selon la légende de la photo figurent : le ministre de la Marine, Louis Jacquinot, l’homme en pardessus ; son directeur de cabinet, le contre-amiral Missoffe, certainement à gauche de la photo ; le général Leclerc, vous l’aurez tous reconnu partiellement masqué par le Ministre et… le capitaine de frégate Maggiar. On pourra noter dans le texte de l’Amiral Maggiar une certaine acrimonie envers la « perfide Albion ». Il est vrai que les relations entre la GrandeBretagne et Vichy étaient des « relations de guerre ». Il faut rappeler que de nombreux français sont tombés de Mers el Kébir, à Madagascar, en passant par de nombreux autres engagements qui ont opposés la flotte française et ses fusiliers marins aux britanniques. Le souvenir des camarades tombés lors de ces combats, auxquels il faut ajouter les nombreux et longs internements de marins français en Angleterre (dont la majorité s’est ralliée ensuite aux Mais je n’ai pas pu, dans les trois casquettes galonnées FFL et à la 2ème DB) ont constitués autant de visibles savoir laquelle c’était ! N’hésitez pas si vous plaies qui ne se sont jamais refermées, même après trouvez une photo, envoyez la moi, je la publierai dans le la Libération. prochain Jerrican. Alain Orsini houppette, alors à quoi sert le pompon ? C’est le Pompon ! A l’origine, le couvre-chef du marin s’appelait le bonnet de laine, puis le Bonnet à pompon. On ne sait pas exactement d’où vient le nom ou le surnom de Bachi, qui est le symbole incontournable de notre Marine Nationale. Point d’orgue du Bachi, le pompon rouge, qui était appelé « houppette de marins ». Cette houppette terminait en fait l’assemblage du bonnet de laine, fabriqué d’un seul tenant et était constituée de fils bleu et rouge. On dit que le pompon protège le crâne des marins lors de choc dans les coursives, mais que dire alors des marins américains qui ont un « bob » sans pompon, ont-ils le crâne plus dur ? Pour moi, le pompon n’est peut-être qu’une coquetterie de marin, destinée à mieux attirer les filles en lui attribuant un pouvoir porte bonheur quand on le touche ! Soyons fiers, ces pompons restent fabriqués en France, à la passementerie BBA à la Chartre-sur-le-Loir dans la Sartre, entreprise spécialisée dans la passementerie et le brodage main des fils et pampilles de drapeaux, de fourragères et autre épaulettes. Les ouvrières de BBA fabriquant les pompons à la main et dans la tradition / Crédit photo journal Ouest-France Mais attention méfiez-vous des imitations, le pompon doit répondre à des normes très strictes définies par la Marine : diamètre 8 cm, hauteur 25 mm, poids maximum : 14,1 g (c’est du précis !). Mais depuis des années, la fabrication du couvrechef ne nécessite plus l’existence d’une Vous aurez peut-être la chance de trouver un jour ces deux éditions originales des livres de l’Amiral Maggiar. Les Fusiliers Marins dans la division Leclerc, premier livre de Raymond Maggiar (Edition originale, Albin Michel, 1947) J’en profite pour vous signaler, après des expositions temporaires comme les « bateaux jouets » ou la très belle exposition « la Pérouse », l’exposition au Musée national de la Marine à Paris : « Les Marins font la Mode », jusqu’au 26 juillet 2009. Je dédie ce bien modeste article aux équipes du Musée de la Marine, dont un certain Officier de Première Classe qui se reconnaîtra et auquel je présente mes respects. Alain Orsini Le Jerrican n°47 page 4/6 Les Fusiliers Marins de Leclerc (Edition France Empire, 1984) Sur la couverture le char M10 « SOUFFLEUR » avec en bas à droite Jean Gabin qui était parmi d’autres, devenus célèbres après guerre, dans les rangs du RBFM W WO E SS OL LV VE ER R II N NE E eett A AC CH H II L LL LE W WO O LL V V EE R R II N N EE Non je ne vais pas vous faire un article sur le nouveau X-Men ou sur le valeureux guerrier Achille, faible du talon, mais sur le Tank Destroyer M10 qui équipait, entre autres, le RBFM comme nous l’explique « Bachi ». Dès 1940, l’exemple de l’armée française balayée par les panzers, pousse l’armée US à réfléchir sur les moyens de détruire des chars ennemis. Le concept de chars chasseurs de chars est né. A partir de juillet 1941 et après plusieurs mois de réflexion sur le moyen le plus adapté (matériel tracté ou matériel automoteur ?) c’est le concept de char automoteur « tank destroyer » qui est retenu. pour accélérer la production des M10 un marché pour la construction du M10 est aussi passé avec Ford qui construit lui aussi des shermans, M4A3 (1 moteur à essence) sur le même principe que G.M. Il en résultera que les M10 (dit Wolverine, appellation par vraiment officielle, qui signifie « Glouton », petit mammifère de l’Amérique du nord) fabriqués par G.M. auront l’appellation M10 et ceux fabriqués par Ford l’appellation M10 A1. Les seules différences seront donc la motorisation : 2 moteurs diesel pour les M10 et 1 moteur essence pour les M10A1. Mais pourquoi un char, chasseur de chars ? Les chars ne peuvent–ils pas se chasser eux-mêmes ? Eh bien non, ou du moins pas tout à fait. Il faut rappeler que lorsqu’un char est au combat, toutes écoutilles fermées, il est quasiment aveugle et malgré son blindage, il est paradoxalement très vulnérable, sans l’appui d’une infanterie de protection et de soutien (comme les panzers grenadiers pour l’Allemagne) qui engage les blindés ennemis. Mais les USA étant maintenant en guerre contre l’Allemagne il devient urgent pour l’armée américaine de fabriquer au plus vite ces matériels ; C’est en fait pour permettre aux servants d’avoir une visibilité à 360° sur les chars ennemis, visibilité impossible comme je le dis plus haut pour un char classique. Un 10 avec une lame coupe haie. La production est lancée en 1942, jusqu’en fin 1943, pour un total de 4.995 M10 et de 1710 M1A1 (dont les 300 derniers sans tourelle pour être modifiés en M36 ou transformés en tracteurs d’artillerie M35). Le canon M7 était très performant, les obus perforant à coiffe pouvaient pénétrer à 900 m un blindage en acier trempé de 102 mm, la portée maximale étant d’environ de 15 km. De plus, ce canon permettait des tirs tendus très précis, ce qui permit aussi aux M10 de placer des coups au but dans des embrasures de blockhaus. Panzers grenadiers sur le pied de guerre La production des premiers M10 est donc donnée à General Motors qui développe l’engin sur la base d’une partie de la caisse, du moteur et du train de roulement du Sherman M4A2 (2 moteurs diesel), lui aussi fabriqué par General Motors. Vue de la « baignoire, en arrière et à l’extérieur de la tourelle le contrepoids de la masse du canon, sur ce lest pouvaient être fixées des parties de chenilles pour ajouter encore du poids C’est le canon de 3’’ (76,2 mm) M7, à l’origine destiné à être une pièce antiaérienne, qui sera choisi au final pour équiper le M10. Mais ce canon pesait tellement sur l’avant de la tourelle qu’il devait être compensé par un contre poids d’environ 1,300 tonne ! Pour défendre les chars contre les attaques d’autres chars et mieux détruire à distance ces derniers, le Tank Destroyer était donc une arme indispensable. Après diverses péripéties sur le choix du châssis et du canon, c’est General Motors, avec ensuite Ford pour certains modèles, qui emporte la fabrication du Tank Destroyer M10. ouverte comme la « baignoire » d’un sous-marin ? A noter qu’au terme d’essais comparatifs menés en septembre 1943 entre les deux modèles, il est constaté que le M10A1 est plus mobile et plus manoeuvrant en terrain lourd que le M10 de G.M. C’est en fait assez logique car l’un avait 2 moteurs diesel très lourds et l’autre 1 seul moteur à essence. Malgré cet avantage le M1A1 Ford sera délaissé par l’armée US et ne sera quasiment pas utilisé en opération. Pourquoi la tourelle de M10 est-elle Le Jerrican n°47 page 5/6 En revanche le blindage était assez léger pour garder à l’engin un poids raisonnable à tel point qu’il fut prévu de positionner « plus tard » .... un surblindage. Pour ce faire, le M10 fut pourvu de gros boulons bien visibles sur la caisse pour recevoir ces surblindages qui ne furent jamais ni posés, ni... fabriqués en série. La tourelle « en baignoire » très pratique pour voir l’ennemi était aussi une faiblesse, le chargeur, le tireur et le chef de char étaient très exposés aux éclats, aux lancers de grenades et aussi aux tirs des snipers allemands. Pour mieux se protéger, des « toits blindés » furent posés sur certains M10. Les plus répandus étaient, soit un blindage plat, Toit blindé pourvu souvent de deux panneaux ouvrant pour l’observateur (bien visible sur le M10 SOLIDO), fixé par quatre tubes métalliques à la tourelle, soit une « quasi casemate » avec deux capots s’ouvrant sur les deux côtés de la tourelle. Le M10 SOLIDO avec son toit blindé...un peu grossier Blindage en « casemate » Distinguished Unit Citation Les M10 auront leur baptême du feu en Afrique du nord, lors de la bataille d’ El Guettar qui opposa le 2ème corps américain commandé par Patton au Heeresgruppe Afrika, groupe d’armée allemand commandé par le Général Jürgen von Arnim (remplaçant Rommel que Hitler que désirait garder en Europe). Lors de cette bataille le 601st US Tank Destroyer Battalion, malgré des pertes sensibles, réussit principalement à l’aide de ses M10, à détruire 30 chars de la 10ème Panzerdivision sur une cinquantaine d’engagés et ce, en 24 heures de combat ! TANK DESTROYER M10 Type : chasseur de chars. Constructeurs, selon les modèles : Fischer Body Co, filiale de General Motors et Ford Motor Co Equipage : 5 hommes (chef de char, pilote, copilote, chargeur, tireur) Armement : un canon M7 de 3 pouces (76,2 mm), approvisionnement 54 obus perforants stockés en tourelle; viseur M 51 Armement secondaire : 1 mitrailleuse Browning M2 de .50 (12, 7 mm ), antiaérienne, approvisionnement 300 munitions Blindage : entre environ 51 mm et 9 mm Équipement radio : SCR610 Longueur : 5,97 m / 6,83 m avec le canon, largeur : 3,05 m, hauteur : 2,50 m. Poids en ordre de bataille: 29,700 t. Moteurs : 2 General Motors diesels, refroidis par eau, Cylindrée : 13.9 litres Puissance : 375 ch à 2 100 tr/mn. Boîte de vitesse 5 avant, 1 arrière Consommation : 233 litres au 100km sur route Vitesse, environ : sur route 44/45 km/h, en Tout-terrain : 32 km/h Autonomie sur route : 325 km/h environ Pour ce beau fait d’arme, première victoire américaine sur l’arme blindée allemande, le 601st reçu la Distinguished Unit Citation. A noter que cette bataille fut le premier réel engagement de la 1th US Infantry Division. 601st US Tank Destroyer Sa devise “see, strike, destroy” La suite au prochain numéro... Alain Orsini A AC CH H II LL LL EE SS La Grande-Bretagne avait pu acquérir dans le cadre de la Loi de prêt-bail (lend-lease) environ 1.648 M10, dont 520 unités en 1944, sans canon qui seront transformées et converties en « ACHILLES ». En effet, les Britanniques trouvèrent le canon M7 de 76,2 mm assez peu puissant pour contrer les chars allemands Tigre et Panther. Ils installèrent alors sur les Achilles le canon de 17 livres, le 17 pounds Mark V ; (Les Brits firent de même avec le Sherman qui devint, sur nombre limité d’unités, le « Firefly » avec un canon là aussi plus puissant). Le 17 pounds Mark V, plus puissant que le M7 US, était muni d’un frein de bouche ce qui rend notre Achilles tout à fait reconnaissable par rapport au Wolverine. Le mark V fut légèrement modifié en raccourcissant la culasse pour gagner de la place dans la tourelle. La tourelle fut elle aussi modifiée, car le nouveau canon était encore plus lourd que le M7 et le lest du Achilles devait donc être plus important en poids et en longueur. Les deux engins sont reconnaissables principalement à leur profil voir ci-dessous : le canon du M10 est plus court, celui du Achille est plus long et muni d’un frein de bouche et son lest en arrière de la tourelle est plus imposant et plus long que celui du M10. Les Achilles, comme les « Firefly » étaient, par rapport aux autres tanks alliés, des cibles prioritaires pour les soldats et tankistes allemands, car la Wehrmacht craignait à raison leur puissance de feu qui avait raison même des chars Tigres et autres Panthers. Alain Orsini Je remercie Françoise et Robert Dunesme et Sandrine Orsini pour les relectures, Xavier Delahaie pour l’impression et l’envoi de ce nouveau Jerrican Alain Orsini Le Jerrican n°47 page 6/6