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Vendredi 19 août 2016 // No 285 // 7e année
PHARMAS
Médecins sous
perfusion P. 4
CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
LOURDES
Miracles à gogos
P. 5
BILAN
Ce que l’été a été
P. 6
DRAME
Un Pokémon sous
sa burqa P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P A S P O U R D I R E !
Jeux de vilains
Laurent Flutsch
F
évrier 2014. Oubliées, les critiques sur
la corruption, la chasse aux pauvres, le désastre
écologique, la mainmise de Poutine : les Jeux
de Sotchi commencent. Place donc au spectacle,
au sport et à la course aux médailles. Les médias
animent la fête, les athlètes se mesurent, les sponsors
pavoisent, les Ueli Maurer et autres Philippe Leuba vont
sur place, empressés et fiérots, poser pour la photo. Après
quoi le CIO proclame que les Jeux ont été une grande
et belle réussite.
Juillet 2016. Le rapport de l’expert indépendant Richard
H. McLaren révèle des tricheries systématiques et massives
à Sotchi, un dopage d’Etat, des organes de contrôle
déficients, voire complices. Des dizaines de spectaculaires
performances et de glorieuses médailles sont réduites
en flan moisi, les classements sont faux, tout est sapé
et salopé.
Août 2016. A Rio de Janeiro, les médias animent la fête,
les athlètes se mesurent, les sponsors pavoisent, etc. Sous
peu, le CIO se félicitera de cette grande et belle réussite.
Et ainsi de suite.
Avant même que soient révélés les fraudes et autres
scandales de ces Jeux-là, on sait qu’ils n’auront guère
promu la renommée d’une ville jadis associée, pour
le citoyen lambada, aux joies du carnaval et aux plages
de rêve : grâce aux Jeux, le monde entier sait désormais
que Rio est un redoutable coupe-gorge et que sa baie
déborde d’immondices toxiques.
Nonobstant, il se trouve des agités pour fomenter
une candidature suisse au grand bastringue olympique,
en promettant monts et merveilles. Entonnant l’habituel
refrain, ils parlent de fantastique gain d’image, de bond
économique, de manne touristique. Peut-être même
y croient-ils sincèrement : c’est que la honte est vite passée,
et que de Berlin à Pékin, d’Albertville à Athènes ou de Salt
Lake City à Sotchi, tout le monde est gagnant au concours
olympique d’amnésie.
Vigousse vendredi 19 août 2016
QUELLE SEMAINE!
3
AFFAIRES EN COURT
J’ai rarement
Bussat !
Dans la très droite ligne de l’initiative
visant à interdire la dissimulation
de son faciès, une association,
poétiquement baptisée Les
Déburqadères, est sur le point de
voir le jour. Présidée par Annemarie
Python et popularisée par Christine
Bussat, elle vise à « contrer
l’islamisation » de la Suisse par deux
moyens : l’interdiction du port de
la burqa et le renvoi des musulmans
dans leurs pays (comme le suggère
l’idée de débarcadère). Mais à
quoi bon interdire à une personne
de s’habiller comme bon lui semble
quand de toute manière l’objectif est
de la mettre dans le premier charter ?
Si l’argument est branlant, il offre
aux femmes une vraie alternative :
se couvrir soit d’un grand drap noir,
soit de ridicule avec Annemarie
et Christine. Ça tient moins chaud, et
il paraît que ça ne tue pas.
Tête-à-queue
(de cheval)
« Je me suis planté » : l’ineffable
conseiller d’Etat valaisan Oskar
Freysinger l’a enfin admis
(bien obligé), il a eu tort de
bombarder Jean-Marie Cleusix
à la tête du Service cantonal
de l’enseignement voici deux
ans. Deux ans durant lesquels
il a pourtant justifié son choix
avec force et constance,
défendant son protégé contre
vents, marées, scandales fiscaux
et colère des enseignants.
Au soulagement général, ledit
Cleusix a dû démissionner
le 27 juillet. Deux ans pour
comprendre une de ses propres
âneries : Freysinger est en
net progrès.
Maman d’égarement
Dans un article consacré aux résultats des athlètes suisses aux JO
de Rio, une journaliste du Temps (15.8.16) a choisi de préciser
que nous devions notre première médaille à « une mère de famille
de 47 ans ». Cancellara, alors même qu’il est père de famille,
est sobrement appelé « le Bernois ». Reste à espérer que Heidi
Diethelm Gerber, notre médaillée en tir au pistolet à 25 mètres,
n’en tienne pas rigueur à la journaliste.
Taux planqué
Conséquence des taux
négatifs imposés par la
BNS, plusieurs banques
ont annoncé vouloir
taxer les épargnants
pour se refaire. Du
coup, ceux-ci se hâtent
de retirer leur précieux
magot et de le planquer
chez eux. Une aubaine
pour les cambrioleurs ?
Peut-être : mais eux
au moins devront
travailler un peu pour
mettre la main sur
votre pognon…
LE CHIFFRE
59
C’est le nombre de fois que
l’Helvète moyen a voyagé en
train en 2015. Ce qui vaut à
la Suisse d’être championne
d’Europe de l’usage des
transports publics, et de ne
céder la médaille d’or mondiale
qu’aux Japonais (72 trajets).
Avec 2277 km avalés sur les
rails, le Suisse prouve qu’il ne
craint ni les augmentations de
tarifs décidées par la direction
des CFF, ni les cinglés armés
d’un couteau
Vigousse vendredi 19 août 2016
4
FAITS DIVERS ET VARIÉS
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Des cadeaux pas toujours
déclarés
PLACEBO Durant l’été, l’industrie pharmaceutique a dû appliquer son code de conduite
sur les faveurs accordées aux médecins et aux hôpitaux. Une transparence qui laisse d’énormes
zones grises.
Ecole
privée
de crédit
L’ARGENT DU LEURRE
Une pseudo-université de Verbier
a si bien vendu son image
qu’elle a séduit dans le Jura.
Pierre Kohler, jeune retraité actif de
la politique, se targue de toujours
se battre pour l’intérêt public. Il a
annoncé il y a quelques mois avoir
investi 10 millions de francs en vieille
ville de Porrentruy pour un magnifique bâtiment, la droguerie Worni.
La Swiss School of Economics (SSE)
devrait occuper les lieux dès l’année
prochaine.
Cette école privée, née à Verbier, se
Selon un article de l’hebdomadaire
alémanique Beobachter du 5 août,
le docteur Matti Aapro apparaît en
tête des bénéficiaires des « cadeaux »
du groupe Novartis, dont une partie
via Sandoz, ce qui revient au même.
Pour une fois qu’un Romand décrochait une médaille d’or nationale,
nous devions lui poser les questions
auxquelles il n’avait pas répondu dans
le Beobachter.
Matti Aapro, spécialiste du cancer
à la clinique Genolier et doyen du
Genolier Cancer Centre, l’a fait rapidement, juste avant de s’envoler pour
un congrès en Afrique du Sud. Et il le
reconnaît volontiers, il a besoin de la
généreuse manne de l’industrie pharmaceutique, pas seulement de celle
de Novartis, mais de toutes celles qui
développent des nouvelles molécules.
En 2015, l’oncologue a ainsi touché
97 215 francs du géant bâlois pour
ses services et conseils, dont le tiers,
soit 32 281 francs, pour des voyages
et autres frais d’hébergement. Surpris
par la précision du chiffre, il confirme
néanmoins : « C’est vrai, mais lors de
ces déplacements, j’ai eu à discuter de
divers sujets concernant la cancérologie. » On s’en doutait un peu. Matti
Aapro précise que les deux tiers de
Vigousse vendredi 19 août 2016
la somme sont destinés à l’organisation de conférences, « en Corée, par
exemple, cela coûte très cher ». Pour
lui, parler de cadeaux est erroné : « Si
je participe à une réunion pour discuter du développement d’une nouvelle
molécule, j’agis comme consultant. » Il
doit préparer sa conférence en amont,
voyager, participer aux réunions et
digérer le tout. Un vrai travail, donc.
Il l’assure, « en Suisse, il existe un code
qui régit le remboursement de ces frais,
il prescrit les vols en classe économique
par exemple ».
Et Matti Aapro est résolument pour
la transparence : « C’est pour cela que
mon nom apparaît. Sinon j’aurais pu
me cacher derrière un paravent… »
Depuis l’an dernier, l’industrie pharmaceutique s’engage à publier la
liste de ses dons, selon un code de
conduite interne à la branche. Mais
pour savoir si un médecin généraliste figure parmi les récipiendaires,
il faudra consulter les sites internet
des 59 fabricants qui ont joué, un peu,
le jeu de la transparence. Et encore,
la moitié des toubibs ont choisi
l’anonymat.
Ainsi, en 2015, la pharma a distribué plus de 134 millions aux médecins, aux sociétés médicales et aux
hôpitaux. Le Matin Dimanche (14.8),
qui a épluché les mêmes données que
le Beobachter, a axé son article sur les
dons aux cinq hôpitaux universitaires
de Suisse. L’article relève que cette
volonté de transparence affichée par
GROS CACHET
MATIN, MIDI ET SOIR
les pharmas laisse encore une énorme
zone grise. L’Hôpital de l’Ile à Berne,
par exemple, arrive en tête avec 2,01
millions reçus des groupes suisses.
Mais aussi presque 3 millions de
francs de la part de la filiale luxembourgeoise de Novartis, qui ne sont
pas déclarés puisque destinés à la
recherche et au développement. Au
total, l’Hôpital de l’Ile aurait reçu plus
de 15 millions de francs de l’industrie
pharmaceutique.
Au premier semestre, le prix des
médicaments pris en charge par l’assurance de base en Suisse a augmenté
de 5 %, ce qui annonce des hausses
conséquentes de primes pour l’automne. Mais les pharmas le jurent,
c’est la faute au franc fort, n’empêche que ce n’est pas un cadeau.
­Jean-Luc Wenger
veut de niveau universitaire en économie et en finance. Il faut certes
débourser 50 000 francs pour envisager un master, mais Verbier et
Porrentruy les valent bien. Et puis
l’établissement aurait des conventions avec des universités à Taïwan,
au Vietnam et au Portugal.
Le conseil de fondation a séduit
deux anciens ministres jurassiens :
Pierre Kohler, bien sûr, et Philippe
Receveur. Mais comme l’a révélé
Le Temps (27.7), l’école s’est un
brin survendue. Elle a clairement
usurpé le soutien financier, dans sa
publicité, du Canton du Valais. Or
elle n’est pas reconnue par l’Etat.
Pas plus qu’elle n’est accréditée par
Swissuniversities, l’association qui
regroupe les hautes écoles universitaires du pays.
Jusqu’à la parution de l’enquête du
Temps, la SSE vantait sur son site
internet un campus de six hôtels.
Les cinq-étoiles mentionnés ne
semblaient pas avoir entendu parler
de cette formation haut de gamme
et seuls deux hôtels ont jusqu’ici
accueilli la vingtaine d’étudiants.
A la rentrée, les cours devraient se
dérouler au centre sportif de la station. Pour le clinquant, on attendra
l’ouverture du site de Porrentruy.
J.-L. W.
5
Industrie Lourdes
PAQUETS CATHOS En cette semaine de l’Assomption, les processions
et autres rites voués à la mère de Jésus ont battu leur plein.
Notamment à Lourdes, où l’on ne prend pas la Vierge à la légère.
Célébrée lundi dernier, l’Assomption (en gros, la montée de la Vierge
au ciel) fait partie des multiples
simagrées catholiques sans aucun
fondement biblique : la croyance
n’est apparue qu’au IVe ou au Ve
siècle. Inscrite dans la liturgie dès le
VIIIe siècle, elle fut sanctifiée par le
Vatican en 1950 : « Nous prononçons,
déclarons et définissons comme un
dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie,
après avoir achevé le cours de sa vie
terrestre, fut élevée corps et âme
à la gloire céleste », décréta
alors Pie XII, sérieux comme
un pape.
Ce lundi 15 août donc, environ 25 000 fidèles s’entassaient
dans la bourgade pyrénéenne
de Lourdes, haut lieu du culte
à la Vierge, de la superstition de
bazar et de la bondieuserie de
pacotille. Une clientèle massive et
fidèle, une industrie prospère, des
profits juteux : miracle !
Aqueux leu leu
Suite aux affabulations de la jeune Bernadette Soubirous en 1858, Lourdes est
devenue l’un des lieux de pèlerinage les plus fréquentés du monde, avec pas
moins de 6 millions de visiteurs par an. Dont 60 000 malades et éclopés espérant
une guérison par les actions conjuguées de la Sainte Vierge et de la flotte locale.
Lourdes est l’avatar ultime d’une antique tradition païenne : les sanctuaires des
eaux guérisseuses abondaient en effet dans le monde gallo-romain, attirant des
pèlerins qui misaient moins sur les vertus curatives des sources que sur le secours
des divinités censées les habiter. A Yverdon, aux sources de la Seine et en bien
d’autres lieux, les foules venaient prier, boire et barboter, non sans déposer des
milliers d’offrandes et d’ex-voto. Lesquels figuraient parfois des organes malades,
ou alors invoquaient l’intervention salutaire du dieu ou de la déesse du coin.
Les ex-voto qui de nos jours s’amassent à Lourdes sont tout à fait semblables : seul
a changé le nom de la divinité. Comme quoi le catholicisme, paradoxalement,
est un excellent agent conservateur du paganisme.
Agent liquide
L’eau de Lourdes est au bigot ce que
le houblon est au supporter de foot
bavarois : un principe essentiel. Aussi
l’élixir magique est-il vendu dans le
monde entier, sous des formes variées.
Entre des dizaines d’autres supermarchés de la superstition, le site articlesreligieux-lourdes.com propose ainsi
le bidon de 2 litres pour 21 euros (ça
fait cher le litre, mais l’estagnon de
10 litres ne coûte que 67 euros). S’y
ajoutent les fioles, en plastique ou en
verre, souvent en forme de Madone ou
de croix. Et aussi les brumatisateurs,
les médailles renfermant quelques millilitres de sainte flotte, ou encore les
sachets de « bonbons à l’eau de Lourdes »
(7,25 euros les 100 grammes).
Au-delà des produits aqueux, les boutiques de Lourdes vendent de la bondieuserie à tire-larigot et des grigris à
gogo. Citons « l’huile sacrée » à usage
externe en formules multiples, contre
le mauvais œil, pour le désenvoûtement, pour la purification, pour renforcer l’efficacité des prières ou pour
l’intercession de sainte Rita dans les cas
de « causes impossibles ». Il s’agit en fait
d’huile d’olive vierge (forcément), vendue 12,20 euros les 50 millilitres, soit
244 euros le litre : sacré coup !
Mentionnons encore les savons, les
sels de bain et les tisanes « de protection », les breloques et les innombrables talismans aux pouvoirs mirifiques. Le tout montre à quel point
religion et superstition se confondent.
Et si l’Eglise condamnait naguère la
sorcellerie au bûcher, elle ne rechigne
pas aujourd’hui à jouer avec les
amulettes.
Pas de miracles
Depuis 1920, une commission de
médecins est chargée par l’Eglise d’étudier chaque guérison revendiquée
comme « miraculeuse » à Lourdes.
Curieusement, le nombre des miracles
a connu une baisse très sensible depuis
lors, et la tendance s’est encore accentuée à partir des années 1960, quand
ladite commission est devenue internationale. Globalement, on constate
aussi une diminution des miracles certifiés, parallèlement aux progrès de la
médicine.
Il faut admettre que le Vatican, par
souci de crédibilité, exige désormais
une validation rigoureuse, scientifique et indépendante des guérisons
miraculeuses. Ce qui n’empêche pas
les instances catholiques, à Lourdes
notamment, de vanter et de vendre
complaisamment la thérapie divine.
De fait, 69 miracles ont été officiellement enregistrés par l’Eglise depuis
la fondation du sanctuaire en 1858.
Une bonne partie d’entre eux a été
enregistrée anciennement, sans examen médical sérieux. La dernière
guérison miraculeuse en date a été
authentifiée par la commission internationale en 2009.
Or il suffit de quelques notions en statistique et en probabilités pour constater qu’il ne se passe rien de particulier
à Lourdes. En effet, la guérison totalement inexplicable de patients diagnostiqués incurables survient aussi
ailleurs, notamment en milieu hospitalier. Publiée en 1993, une vaste
synthèse scientifique a ainsi recensé
tous les cas de « rémission spontanée »
à l’hôpital sur une période de 128 ans.
En adoptant les mêmes critères d’analyse que la commission médicale internationale de Lourdes, ces guérisons
mystérieuses touchent 1 patient sur
333 333. Autrement dit, si les rémissions en question avaient été annoncées à Lourdes, elles auraient été validées comme des miracles.
Or à Lourdes, justement, l’Eglise
admet officiellement 69 guérisons
miraculeuses sur un siècle et demi,
pour des centaines de millions de
pèlerins. En appliquant là encore les
mêmes paramètres statistiques et cliniques que pour le milieu hospitalier,
on aboutit à une conclusion parfaitement claire : Dieu fait peut-être des
miracles et c’est bien aimable à lui,
mais il n’en fait pas plus à Lourdes
qu’ailleurs. Laurent Flutsch
Brendan o’Regan et Caryle Hischberg,
Spontaneous Remission, 1993.
Vigousse vendredi 19 août 2016
6
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Tu veux mes photos ?
RATTRAPAGE Pour ne pas se griller
à la rentrée en révélant par mégarde,
au détour d’une phrase prononcée
sans réfléchir, qu’on n’a absolument
rien suivi de ce qui a bien pu se passer
dans le monde depuis le 30 juin,
voici un petit guide de conversation
à l’usage de ceux qui comptent
montrer, lundi au boulot, qu’ils savent
de quoi ils parlent.
CLIC-CLAQUES Alors, ces vacances ?
Entre ceux qui ont mitraillé et ceux qui ont
contemplé, y aurait pas photo.
Leurre d’été
SPORT
On ne dit plus foot, ni surtout fotte,
mais « foutchebol ». Depuis le 10 juillet, les Portugais sont champions d’Europe, et plus seulement de tuning. A
ceux qui se demandaient pourquoi
leur concierge (ou leur assureur, leur
concessionnaire, leur coiffeuse, leur
banquier, etc.) les regardait avec cet
air satisfait et condescendant, eh bien
voilà, c’est pour ça.
Attitude : sportive ; coups de boule et
tirage de maillot.
Mémo : 8e de finale, c’est déjà magnifique pour un pays qui ne fait même
pas partie de l’Europe
TERRORISME
De ce côté-ci, c’est un peu le championnat des bonnes idées. Inutile,
donc, de se rappeler en détail qui,
de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ou
d’Abdel Malik Petitjean, a ouvert le
feu sur des homosexuels ou appuyé
sur la pédale du gros camion. Inutile,
aussi, de mémoriser le nombre de
morts et de blessés, ou de relayer les
hashtags à tour de bras. Armés de
cette certitude qu’on n’est qu’au début
de nos peines, mieux vaut se tourner
résolument vers l’avenir. Une posture
PUB
Vigousse vendredi 19 août 2016
ludique est encouragée : « Alors, prochain attentat ? Un magasin de jouets ?
27 morts, toi tu dis ? Allez, t’as raison, 3
contre 1 pour le Liechtenstein ! »
Attitude : la peur et la solidarité ont
fait leur temps. On la joue décomplexé et pragmatique.
Mémo : depuis le 14 juillet, les amalgames sont de nouveau autorisés.
LE BRAS DE FER CLINTON-TRUMP
Nos deux affreux, occupés qu’ils
sont à bétonner leur chemin vers
la Maison-Blanche tout en maintenant sous l’eau la tête de l’autre, ne
se sont même pas aperçus qu’entre
juillet et août, plus personne ne les
regardait faire. D’où leur air étrangement fatigué, en cette période de
rentrée des classes. Une chose, pourtant, est désormais acquise : les EtatsUnis seront gouvernés par une pute à
frange. Reste à savoir laquelle.
Attitude : résignation stoïque ponctuée d’attaques de panique.
Mémo : c’est pas chez nous.
POKÉMON GO
Là, c’est un peu plus délicat. Il faut
savoir que le phénomène existe, mais
sans jamais s’y intéresser. On peut
7
FAITS DIVERS ET VARIÉS
retenir en substance qu’une partie
non négligeable de la population
mondiale a renoncé à sa vie privée et
à sa dignité pour mettre la main sur
Roucool. Pour donner une idée de
l’ampleur des dégâts, même Michaël
Youn et Arthur ont jugé le phénomène déplorable.
Attitude : dédain/consternation.
Pour en savoir plus : Le Matin, n’importe quel numéro et n’importe quelle
page depuis début juillet. Ou le grand
dossier de L’Illustré (3.8.16).
L’ORIENT (MOYEN, PROCHE,
ET TOUT CE QUI SE TROUVE
À L’EST DE GLARIS)
Très clairement, la situation est un
peu la même qu’avant les vacances.
Impossible d’avancer quoi que ce
soit de perspicace : les intellectuels
ont essayé, c’était pas beau à voir. En
l’état actuel des choses, autant ne pas
trop creuser : peaufiner un air tout à la
fois circonspect et entendu, à présenter aux quelques téméraires qui vous
entreprendraient sur le sujet.
Attitude : à tenter, le « ah, Erdogan,
rah là là, Al-Assad, mais mais mais
mais mais… Et Mario Fehr, tssssss ! »
entrecoupé de hochements de tête
(de gauche à droite uniquement).
C’est technique, mais ça peut s’avérer payant.
Mémo : une fois le Califat réalisé, il
n’y aura plus de différence entre ici et
là-bas, et on aura alors bien le temps
de saisir en détail tous les tenants et
aboutissants.
INTRAMUROS
Au cours de la période estivale, la
Suisse a également connu son lot de
péripéties. Presque un attentat terroriste à Saint-Gall, mais en fait non. Le
Tour de France a presque failli s’appeler « le Tour de France avec une petite
boucle en Suisse », mais en fait non,
et Richard Chassot a failli racheter le
salon morgien Arvinis. Mais en fait
non, pas non plus.
Attitude : la même que depuis 1291.
Mémo : il ne se passe peut-être rien,
mais au moins, on est tranquilles.
Séverine André
Comme si la rentrée n’était pas déjà un
événement assez pénible en soi, il faut
encore se taper les photos de vacances
des collègues. Au pire, vous aurez droit
au diaporama complet avec dips de
carotte et céleri ; au mieux, vous aurez
juste à cacher des dizaines d’albums
insignifiants sur Facebook. Mais quel
mal ronge tous ces mordus du cliché
intempestif ? Que ne peuvent-ils simplement profiter de leurs vacances, au
lieu de sortir leur objectif ou leur stupide Samsung à tout bout de champ,
dans le seul but d’infliger leurs orteils
mal cadrés et des monceaux de ruines
boliviennes à leurs malheureux
congénères ?
LE PETIT OISEAU
VA RENTRER
On croit rêver. Ils ont le Grand Canyon
sous les yeux, un coucher de soleil
majestueux, des chutes d’eau vertigineuses, un petit village mignon
comme tout, et que font-ils ? Ils
prennent des photos. Comme si l’instant présent ne suffisait pas, il leur
faut à tout prix ruiner toute forme
d’expérience vécue et réelle pour en
faire un vulgaire simulacre numérique.
Irrécupérables touristes.
Sauf que pas si vite. Leur a-t-on seulement demandé leur avis, aux touristes ? Sont-ils stupides au point de
foutre en l’air leurs vacances chèrement payées juste pour en faire des
souvenirs ? Et ne pas prendre de photos permet-il vraiment de profiter
davantage du moment présent ? Pour
la première fois, des scientifiques ont
tenté d’en avoir le cœur net, et leurs
résultats apportent quelques nuances
intéressantes. Dans une série d’expériences, quelque 2000 personnes
devaient prendre part à diverses activités : visite d’un musée, balade touristique dans un bus, safari virtuel,
dîner dans un restaurant… A chaque
fois, un groupe était autorisé, et même
encouragé à prendre des photos, tandis qu’un autre groupe était privé de
cette possibilité. Au terme de ces bons
moments, on demandait aux participants d’évaluer à quel point ils les
avaient appréciés. De manière systématique, et contrairement à ce que
croient beaucoup d’esprits chagrins,
prendre des photos rendait les expériences plus plaisantes.
Pourquoi ? Les auteurs de l’étude
expliquent que prendre des photos
n’est pas un acte séparé de l’appréciation du moment présent. Au contraire,
la photographie permet de se sentir plus impliqué et actif, en un mot
immergé dans l’expérience vécue. Le
seul fait d’envisager de prendre des
photos rend plus attentif aux détails
et à la beauté du décor, et permet du
coup de mieux les apprécier. Mais ces
résultats sont à double tranchant : s’il
faut prendre des photos pour augmenter son immersion dans telle ou telle
expérience, c’est qu’on s’emmerde
quand même un peu à la base. De fait,
quand une expérience était suffisamment passionnante en tant que telle,
prendre des photos ne changeait rien
aux résultats. D’autre part, prendre des
photos lors d’expériences négatives
(un décor pourri, un resto dégueu, une
rue infecte) les rendait encore moins
plaisantes que si on ne prenait pas de
photos…
Bref, ne soyons pas si sévères avec les
touristes (et les collègues). Somme
toute, s’ils prennent toutes ces photos, c’est simplement pour rendre
leurs vacances un peu moins chiantes.
Il faut juste leur expliquer poliment
que ça ne marche que pour eux.
Sebastian Dieguez
« How taking photos increases
enjoyment of experiences », K. Diehl
et al., Journal of Personality and Social
Psychology, vol. 111, pp. 119-140, 2016.
PUB
Sortie début
septembre
272 pages,
format
12x18 cm.
L’actu à l’imparfait
du subjectif
Dans les pages de Vigousse, la chronique « Le fin mot de l’Histoire » ne recule devant
rien pour prendre du recul. Reliant une actualité quelconque à un passé choisi et vice
versa, elle fait preuve d’une grande rigueur scientifique, d’une objectivité scrupuleuse,
d’un souci constant de l’authenticité historique et d’une mauvaise foi crasse.
Plus de 60 nouvelles chroniques signées Laurent Flutsch et dans lesquelles tous les
faits historiques sont certifiés rigoureusement authentiques, sauf certains.
Vigousse vendredi 19 août 2016
8
DUR D'OSEILLE
Gratuit, tu parles !
LE COURRIER
VENDEURS DE VENT Facebook vient de réaliser un bénéfice historique. D’où vient l’argent, puisque le site
n’est pas payant ? Des consommateurs, évidemment, et ils ne s’en rendent pas compte.
En ce moment l’économie mondiale
montre davantage de zones ombragées qu’ensoleillées. Quand une
entreprise éclate de santé, on est stupéfait et on s’interroge aussi bien sur
la splendeur de ses résultats que sur
la pertinence de ce qu’elle propose.
Facebook est l’exemple type de
ce genre d’éclats. Durant les six
premiers mois de l’année 2016,
son chiffre d’affaires a progressé
de 4,2 milliards de dollars pour
atteindre 11,8 milliards. Soit une
augmentation de 55,8 %. Le bénéfice, lui, a explosé de 189 % par rapport à l’année précédente.
C’est absolument incroyable quand
on se rend compte qu’une telle entreprise ne produit rien ni n’offre aucun
service rétribué. Elle met en échec
la pensée économique classique
qui, entre autres, calcule des prix de
revient, parle du rapport de l’homme
à la machine, fixe des prix concurrentiels et organise des flux de production. Rien de tout cela n’a cours
dans cette entreprise.
Facebook ne vend rien à ses
« clients » puisque ceux-ci s’inscrivent et emploient gratuitement ce
réseau. Le rendement de la société
est assuré par un tiers payant qui
n’est autre que la publicité. Elle
verse à elle seule 4/5 des revenus
LE MUR
DE LA TONTE
pour cibler 1,7 milliard d’utilisateurs qui ont confié de bonne grâce
tous les détails de leur mode de vie.
A partir de là, les as du marketing
peuvent parfaitement cerner leurs
proies. Ces informations ont une
telle valeur qu’elles font les choux
gras de Facebook.
L’utilisateur ne paie rien, quand l’annonceur paie les yeux de la tête pour
atteindre ses potentiels consommateurs. Reste à savoir comment ce
bailleur de fonds, si généreux, génère
suffisamment de pognon pour se
payer l’accès précis à son acheteur.
Là on retombe sur le bon vieux
modèle du prix de revient auquel
on rajoute un pourcentage dédié à
ce qu’on appelle la communication
digitale. Ainsi le tiers payant n’est en
fait qu’un intermédiaire qui pompe
dans la poche des consommateurs
qui, eux, paient leurs produits un
peu plus cher pour jouir de la gratuité de Facebook. La boucle est
bouclée, comme en chimie ; rien ne
se crée, rien ne se perd. On a juste ici
affaire à un circuit un peu plus long.
Il faut prendre garde à ce genre de
miracle économique. Facebook n’a,
mis à part son système informatique innovant et performant, aucun
outil de production ou de gestion
de contenu. 14 495 personnes travaillent à son service et cette société
est capitalisée à 15 fois son chiffre
d’affaires. En comparaison, l’horloger Swatch emploie 35 000 personnes et n’est capitalisé qu’à deux
fois son chiffre d’affaires, tout en
produisant des objets bien tangibles,
précis, beaux et utiles.
La nouvelle économie ne serait-elle
pas bâtie comme un simple château de cartes qui pourrait s’écrouler à la première prise de conscience
sérieuse de ce que nous payons
pour mieux nous attraper ? André
Draguignan*
*chef d’entreprise connu de la rédaction
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L’humour
enfin à la portée de tous
021 612 02 56 / [email protected] / www.vigousse.ch
DU CHIEUR
A Loïc Schouller
Vous avez un massage
Cher Monsieur Schouller,
Je me permets de vous écrire pour
vous faire part de ma candidature
spontanée au poste de « fille ».
Je vous ai découvert dans Le Matin du samedi 13 août. Une révélation ! Dans le journal en question, on apprenait qu’à tout juste
18 ans, vous deveniez propriétaire du lupanar L’Orchidée, dans
le canton du Jura. N’écoutant que
votre passion, vous avez délaissé
votre apprentissage d’électricien
pour vous mettre à votre compte.
Or j’ai envie, moi aussi, de me
mettre à votre compte. Mon dossier est solide. Déjà, je suis
une fille. Ce qui n’est pas le
cas, j’en suis sûre, de toutes
vos employées. Je suis motorisée
et j’aime les produits locaux ;
rien de tel qu’une saucisse aux
noisettes suivie de crème double !
Comme toutes les femmes, j’apprécie qu’un homme supervise mon travail. Et si je considère que mon
corps appartient à la gent masculine, il suffirait d’un signe de
votre part pour qu’il ne soit qu’à
vous et aux innombrables clients
français qui viennent faire en
Suisse ce que leur gouvernement
réprouve.
Loïc, laissez-moi vous appeler
Loïc, vous êtes un homme de cœur
et de principes : pour sauver une
prostituée endettée, vous n’avez
pas hésité à braquer un tabac.
Abonnez-vous et recevez en bonus le recueil
« Le mieux de Vigousse 2014-2015 »,
96 pages, format 24 x 31 cm,
valeur CHF 22.–
Votre
bonus!
Vigousse vendredi 19 août 2016
9
QUELLE SEMAINE!
t
ayo
ez P
h
c
e ille
ent
v
En v et Na
Hasard ou destin, vous profitez
de l’article du Matin pour faire
savoir que vous cherchez une
petite amie. Bientôt, vous croulerez sous le courrier : je ne suis
évidemment pas la seule, entre
la Roumanie et votre village de
Boncourt, à rêver d’un vrai mac.
Séverine André
Vigousse vendredi 19 août 2016
10
11
BIEN PROFOND DANS L'ACTU
L’honnête homme
au cerveau trop acide
Pitch
Terrorisé par la crainte
LES ANGOISSES DU PROFESSEUR JUNGE Cette semaine : je frémis à chaque nouvel
incident sanglant dans la peur qu’il s’agisse d’une attaque djihadiste.
13 août. Terrible nouvelle. Un forcené a foncé dans la foule d’une rue
piétonne au volant d’un tracteur tondeuse lancé à toute allure (environ 15
km/h). Il a réussi à déchiqueter les
pieds de huit personnes avant de finir
sa course folle contre un réverbère et
d’avoir le crâne défoncé par le choc.
La Suisse vit désormais dans la peur.
14 août. La police a pu établir que
l’incident d’hier n’était pas lié au terrorisme. Le conducteur de la tondeuse
aurait fait un malaise cardiaque et était
sans connaissance au moment où il
fauchait les innocentes victimes. Quel
soulagement !
15 août. Un affreux drame secoue le
pays. Un homme a allumé une tronçonneuse dans un téléphérique et
découpé sauvagement les 15 voyageurs qui s’y trouvaient avant de se
trancher le cou avec son engin. Cette
fois-ci, c’est vraiment parti ! Nous
sommes en guerre !
16 août. L’enquête a pu établir que le
« tronçonneur diabolique », comme le
surnomme désormais la presse, souffrait en réalité de troubles mentaux.
Les psychiatres pensent qu’au moment
des faits, ce bûcheron de profession
traversait une phase hallucinatoire qui
l’a fait prendre les touristes pour des
arbres. J’aime mieux ça !
17 août. Commotion nationale ! Un
terroriste a fourni aux enfants d’une
école primaire des boules à eau remplies d’acide puis les a encouragés
pendant la récréation à se les lancer
au cours d’une joyeuse bataille. Plus de
30 bambins ont été brûlés à des degrés
divers. Les plus chétifs ont même été
dissous entièrement. L’attaque n’a pas
encore été revendiquée, mais tous les
regards sont tournés avec angoisse
en direction de l’organisation Etat
islamique.
18 août. Après vérification, il apparaît
qu’il ne s’agissait pas d’un terroriste,
mais d’un voisin excédé par le bruit
des enfants qui a été pris d’un coup de
folie. On respire.
19 août. Branle-bas de combat ! La
Suisse entière est sur la brèche après
l’attaque inouïe d’un loup solitaire
qui a balancé un piano sur des passants depuis la fenêtre d’un magasin
de musique situé au 10e étage d’un
immeuble commercial. Croyant
d’abord à un accident stupide, les
témoins accourus pour porter secours
aux blessés ont alors été écrabouillés
par un deuxième piano. En tout, ce ne
sont pas moins de cinq pianos, droits
et à queue, qui ont ainsi été défenestrés, tuant 56 personnes.
21 août. Journée de deuil dans la
Confédération. Un assaillant a écorché vifs 86 usagers de l’ascenseur
d’une tour de bureaux au moyen
d’un épluche-légumes bien affûté. Il
a ensuite été abattu par la police, non
sans avoir auparavant grièvement
épluché trois gendarmes. La vie ne
sera plus jamais la même.
20 août. Le procureur a pu établir
que celui qu’on appelle maintenant
le « mélomane du meurtre » a agi pour
des motifs personnels. Quitté par sa
petite amie pianiste, il avait résolu de
se venger en la réduisant en bouillie au
moyen de son instrument de prédilection, dans une rue où elle passait tous
les jours à heure fixe. Il s’agit donc d’un
crime passionnel ayant malencontreusement occasionné des dizaines de
victimes collatérales. La tension est
retombée d’un cran.
22 août. Une lettre laissée par « le
bourreau à l’économe sanglant » indique
qu’il s’agissait d’un bête suicide by cop.
Me voilà rassuré. Un fatigué de la vie
qui emporte des quidams dans son suicide, c’est la fatalité. C’est triste mais on
n’y peut rien. Je suis prêt à tout supporter du moment que ce n’est pas du
terrorisme. Car le terrorisme est une
atteinte insoutenable à nos valeurs et
à notre mode de vie ! Professeur Junge,
phare de la pensée contemporaine
ÉCRIVAINS ZINZINS Depuis qu’Amazon propose à tout
un chacun de s’autopublier, internet déborde d’ouvrages
délirants qui n’auraient pas pu voir le jour chez un éditeur
classique. Cette semaine, étudions l’œuvre de Russell
Symonds, savant bricoleur, yogi de la frustration sexuelle
et pertinent analyste des contacts avec les extraterrestres.
Commençons par souligner l’honnêteté irréprochable de Russell
Symonds. Certes, comme beaucoup
d’autres fous de l’autopublication, il
abuse de la traduction automatique
de ses livres. Mais lui au moins il
l’avoue en préambule : « Ce livre a été
traduit de l’Anglais, donc des mots et
des phrases ne peut pas correspondre
à l’intention initiale ou de la signification de l’auteur. Grammaire peut
également ne pas être à la hauteur. »
Toutefois, ce n’est pas parce que ses
livres sont en charabia qu’ils sont
gratuits : le lecteur est prié de payer
2,99 euros pour financer les importantes recherches de Symonds. Si
c’est pour une bonne cause…
Symonds, qui s’est rebaptisé Yogi
Shaktivirya, raconte son histoire
dans Comment Surmonter l’Anxiété
et la Dépression sans Médicaments.
On y apprend que dès sa jeunesse, il
a souffert de « palpitations cardiaques,
l’insomnie, les troubles mentaux, les
pensées horribles », « les attaques d’anxiété graves, extrêmement perturbant
le vertige, horrible agoraphobie », « la
solitude, l’acné sévère, la perte de poids
mystérieux ». Il évoque aussi « quelque
chose de semblable au syndrome d’Asperger ». Comme les traitements n’ont
aucun effet, que les médecins et les
religions ne peuvent rien pour lui, il
va s’intéresser à sa nutrition. Après
divers tâtonnements, il découvre l’eau
ionisée, et là, c’est la révélation, il est
guéri. En résumé : l’eau ionisée se présentant en grappes de 5 molécules au
lieu de 12 pour l’eau normale, elle
irrigue mieux son cerveau qui ainsi
en devient moins acide. Evidemment,
ça change tout.
Jusque-là, on ne peut que se réjouir
pour lui. Le problème, c’est que
Symonds se met alors en tête qu’il
est un grand savant qui doit partager
Vigousse vendredi 19 août 2016
ses trouvailles avec la Terre entière.
Et ici débute sa riche carrière de
fou littéraire. Fier de ses dents, il
commet Comment Guérir la Carie
Dentaire Avec la Diète Paléolithique,
dans lequel il s’enthousiasme : « Ce
livre est basé sur ma propre expérience
(…) à guérir mes propres cavités sans
jamais avoir à interagir avec un dentiste. » Malheureusement, impossible
de constater le résultat : sur les rares
photos existantes de l’auteur, il a tou-
LES AIGRIS
RESTENT
jours la bouche fermée. Même quand
il sourit.
Tout devient prétexte à partager ses
connaissances. Comme il reconnaît
que ses problèmes de santé ont été
désastreux pour rencontrer des filles,
et que les rares tentatives de drague
qu’il a effectuées se sont soldées par
de cuisants échecs (son seul sujet de
conversation étant son régime alimentaire), il pond Le Célibat et la
Transmutation des L’Énergie Sexuelle
pour une Méditation plus Profonde.
S’inspirant de spiritualité orientale,
cet opuscule tient encore plus ou
moins la route (soyons indulgents).
Ça se gâte sérieusement lorsque
Symonds commence à reprendre
des théories de charlatans New Age
mêlées à des articles scientifiques
mal digérés. Ce qui débouche sur
Respirianisme, l’Eau Ionisée et la
Nourriture Pranique, dans lequel
il prône de se nourrir uniquement
d’air (il avoue qu’il n’y parvient pas
encore mais que ça ne saurait tarder) : « Respirianisme succès qui est
vraiment très rare est le résultat de la
formation des énergies de l’astral (ou
Russell Symonds réalise lui-même les
peintures qui ornent les couvertures
de ses livres. Franchement, c’est pas
mal si on compare aux autres fous
littéraires.
matière sombre) et les cellules du corps
de la physique (matière baryonique)
corps sur de nombreuses années (ou la
durée de vie ?) Pour obtenir la nourriture directement à partir de l’énergie
quantique. »
C’est parti ensuite pour la roue libre
totale. Dans Messagers de la Paix Notre
Contact avec les Etres des Etoiles, il
examine avec minutie si les témoignages de rencontres avec les extraterrestres sont crédibles. Au sujet
du Suisse Billy Meier, qui depuis les
années 1960 photographie des enjoliveurs et des moules à gâteau qu’il fait
passer pour des soucoupes volantes,
il conclut à la véracité des clichés. En
effet, Meier ayant perdu un bras dans
un accident de voiture, il serait beaucoup trop ardu pour lui de truquer
des photos, sans compter qu’il n’avait
pas d’ordinateur ni de Photoshop à
l’époque. Ça se tient.
Actuellement, Russel Symonds expérimente avec les fantômes, avec qui
il a de charmantes conversations en
rêve, qu’il raconte dans La Réalité
Scientifiquement Prouvée de la Vie
Après la Mort. Il essaie aussi de les
contacter grâce à des bricolages de
son cru, comme une lampe à plasma
décorative couplée à une radio.
Mais, avoue-t-il dans Canalisation
et Médiumnité de Bachar, Leslie Flint
et Xavier, ça ne marche pas super
bien car « le plasma à l’intérieur d’une
lampe à plasma n’est pas assez biologique pour permettre une telle communication avec l’esprit ». C’est vrai,
on a tendance à l’oublier. Pas découragé pour autant, Symonds met au
point un autre dispositif, « une sorte
de récipient rempli d’une solution
acide et de laine d’acier comme représentation très grossière d’un cerveau »,
le tout relié à un amplificateur. Chou
blanc à nouveau : il n’entend pas un
seul « spiritueux ».
Ce qu’il y a de vraiment bien, c’est
qu’il admette ainsi ses échecs. Cette
désarmante honnêteté ne confère
que plus de valeur à ses délires et
donne envie de l’encourager à poursuivre ses travaux si fondamentaux
pour le salut de l’Humanité. En
tout cas, lui a l’air de vraiment bien
s’amuser. Stéphane Babey
Vigousse vendredi 19 août 2016
12
CULTURE
13
CULTURE
Des védés
Des films
Des spectacles
Un livre
Une expo
Faux cadavre
et faux papiers
Plaies et gosses
On s’marre
et ça repart !
Suisse fiction
Epouvantails à nigauds
A ceux qui pensent que la Suisse
n’est pas un terreau fertile pour
la science-fiction, les Editions
Hélice Hélas apportent un cinglant démenti avec le recueil
Futurs insolites, dans lequel quatorze auteurs présentent des
nouvelles inspirées par les spécificités helvétiques. Comme
dans toute anthologie, c’est inégal, mais avec un niveau de
qualité en général très élevé.
Le suicide assisté est au centre de pas moins de trois récits.
Dans SuisseID, Vincent Gerber brosse le portrait désopilant
d’une euthanasie devenue produit de consommation courante, avec tous les problèmes de service après-vente que
cela engendre. Quant à Denis Roditi, il imagine dans Exit
une émission de téléréalité dans laquelle les candidats à la
mort rivalisent de pathos pour émouvoir le public. Dans
un autre registre, Gulzar Joby trousse avec La Vallée perdue
un fort joli conte sur l’avenir de l’agriculture de montagne,
qui perdure grâce à l’exploitation pour les travaux pénibles
de géants conçus en laboratoire par l’Institut de gigantisme
de Lausanne, ce qui engendre un nouveau sous-prolétariat
réduit en esclavage. Dans Rhodanisch Elektrik AG, Adrien
Bürki s’intéresse aux problématiques énergétiques, avec
un barrage qui assèche le Léman et engloutit le Valais sous
les eaux.
Petit village situé au-dessus de La Chaux-de-Fonds,
Les Planchettes compte 220 habitants. Mais depuis le
18 juin, la population a passé subitement à 300 personnes. Et les nouveaux arrivants font peur, ou plutôt
devraient chasser les moineaux et attraper les nigauds.
S’il s’agit du titre de la balade de deux heures, il n’en est
rien : la plupart des épouvantails présents tout au long
du chemin font sourire ou réfléchir.
Cette œuvre collective, au long d’un sentier de cinq kilomètres, se prolonge jusqu’à la mi-octobre. L’initiatrice,
Marianne Guignard Fromont, est ravie : « Nous avons eu
environ 800 visiteurs chaque semaine. Les gens reviennent
en famille ou avec des amis. » Pour elle, chaque œuvre
correspond à son créateur, chacune possède sa propre
histoire.
Karloff, films culte,
rares et classiques,
Lausanne
L’homme qui n’a
jamais existé,
Ronald Neame,
1956, ESC, Vf
et Vost, DVD,
103 min.
PUB
Pour ceux qui franchissent la ligne
blanche ! Tôle froissée et cœur en
miettes. Diane Kramer s’est éteinte
le jour où son fils a fait une mauvaise rencontre au coin d’une rue
avec une Mercedes de couleur moka.
Le conducteur est parti, le fiston piéton y est resté. Depuis, Diane tourne
en rond, alimentant le moteur d’une
haine qui monte gentiment les tours.
Son mari voudrait aller de l’avant,
regarder dans le rétro est sa raison
de vivre. Encore. Obsédée, elle a mis
un détective privé sur le coup pour
répertorier toutes les Mercedes moka
de la région. Que fera-t-elle quand
elle sera sûre d’avoir retrouvé le
conducteur fautif ? Cette question
est l’essence même du deuxième
long métrage du Valaisan Frédéric
Mermoud qui retrouve ici une
de ses… Complices, Emmanuelle
Devos. De tous les plans, l’actrice
est l’atout majeur de Moka, film
tourné sur les bords du Léman, entre
Lausanne et Evian, qui, à l’intrigue
« policière » – une blonde peut en
BROUILLON
DE CULTURE
À BON PORT Auvernier, sur les
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du Chablais 21 - 1008 Prilly
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rives du lac de Neuchâtel, accueille
la 8e édition de son festival de jazz.
Les pieds dans l’eau, les oreilles
frémissent dans ce cadre idyllique.
A écouter notamment : Grégoire Maret
le vendredi 26, Youssouf Karembe
et Lisa Simone le samedi 27 ou
Stéphane Belmondo le dimanche
28 août. www.auvernierjazz.ch
VERBE HAUT Le rappeur jurassien
Sim’s est un poète écorché. Mais s’il
s’insurge, dénonce les maux d’une
certaine droite, il sait aussi slammer
quelques lueurs d’espoir. A écouter
samedi 20 août dans la vieille ville de
La Neuveville (BE). www.sims-lesite.ch
Vigousse vendredi 19 août 2016
cacher une autre –, préfère le portrait de femme en deuil et carbure à
l’atmosphère.
Pour ceux qui n’ont pas la vie rose.
Petite fille de Manille, Blanka,
11 ans, se débrouille comme elle
peut, chaparde, mendie. Orpheline
au sourire et à la voix d’ange, elle partage quelques mètres carrés de pavés
avec un vieux musicien aveugle,
mais c’est sur d’autres trottoirs que
certains voudraient la mettre… Petit
film tout simple, Blanka, réalisé avec
tact et superbement éclairé, touche
au cœur. Adoptez-la !
Pour ceux qui se mettent au vert. Un
Pikachu jaune ? Rien à cirer ! Faut
dire que Peter – tiens, encore un
orphelin – a un autre « joujou » sous
la main, une grosse boule de poils
toute verte. Pas un ami imaginaire,
un vrai dragon. Difficile d’être vert
de rage devant ce remake de Peter et
Elliott le dragon. Le conte (raconté
par papy Redford tout de même !),
À QUOI SARINE ? En écho
à l’histoire du centre de Payerne,
le Musée de l’Abbatiale réunit six
artistes venus des deux côtés de
la Sarine. L’exposition, baptisée
Tran6ion (Transition. Avec un 6 qui
fait le « zi ». Ça fonctionne presque.
La preuve : quand on le sait, on
comprend tout de suite), présente
autant des gravures que des peintures
ou des photographies d’artistes
contemporains.
Jusqu’au 11 décembre,
www.abbatiale-payerne.ch
PLAN-PAN Quartier général, centre
d’art contemporain à La Chaux-deFonds, vernit vendredi 19 août une
exposition collective sur l’animalité
en général et le dieu Pan en
particulier. Dix jeunes artistes se sont
donc plongés dans la mythologie
grecque pour aborder des thèmes
contemporains. www.q-g.ch
plaidoyer pour la différence, ne vole
personne. Bertrand Lesarmes
Moka, de Frédéric Mermoud (1 h 29) ;
Blanka, de Kohki Hasei (1 h 15) ; Peter
et Elliott le dragon, de David Lowery
(1 h 43). Tous en salles.
VILLAGE IVRE En Valais, St-Pierrede-Clages organise une nouvelle
fois sa Fête du livre. Bouquinistes
et chineurs s’y rencontrent du
26 au 28 août au milieu des vignes.
Expositions, balades littéraires ou
concours d’orthographe, l’écrit prend
la parole. www.village-du-livre.ch
Fini les bouchons, les mômes qui
râlent sur le siège arrière, le serveur qui fait la gueule et les transats
tous occupés au bord de la piscine.
Périlleux, l’exercice consiste désormais
à remettre en route « le » zygomatique.
Le bon, le grand, celui qui, partant de
l’os molaire pour s’insinuer jusqu’à la
commissure des lèvres, participe à la
réalisation du… du quoi ? Du sourire,
gagné ! Pas facile, ce d’autant que le
petit, sale type !, provoque justement
l’effet contraire. Donc méfiance.
Une fois le zinzin réactivé, disons dès
le retour à une vie consommable, ne
reste plus qu’à lui trouver quelque utilité. Là, c’est fastoche, il suffit de baisser les yeux, direction l’affiche toute en
couleurs de la rentrée façon Boulimie.
Quatre spectacles en tout et rien de
moins entre le 2 septembre et le 1er
octobre. Dans l’ordre Les indécis – Le
ticket (2 au 10 septembre) de et avec
Nicolas Haut et Marc-André Müller,
une pièce dans laquelle on nous promet que « rien n’est à sa place mais qui
a sa place » dans une programmation tout entière réservée à… au rire,
encore gagné !
Suivront Joseph Gorgoni – De A à Zouc
(13-17), vingt ans de Marie-Thérèse
Porchet sans jupe ni sac à main ni
perruque, Tiguidou (­20-24), l’extraordinaire performance à découvrir (absolument) ou à revoir (c’est
encore mieux) de Brigitte Rosset, et
pour terminer Lionel Fresard – MolièreMontfaucon 1-1 (27-1er octobre), le parcours atypique d’un bistrotier de village et joueur de foot sur les scènes de
théâtres d’ici et d’ailleurs.
Largement de quoi oublier les tracas
de l’été. Roger Jaunin
FLUX MIGRATEUR Jusqu’au
4 septembre, les photographies
de Betrand Lauprêtre prennent
leurs quartiers à la galerie L’Essor,
au Sentier. Dans une première
série d’images, « la lumière des
paysages, triturée par l’imagination
et la moulinette de la technologie
numérique, se transforme en reflets
qui sont autant de doubles sens ».
Mais pas de panique : une seconde
série de photos présente des oiseaux
tout ce qu’il y a de plus premier degré.
Flux et Autour de la mangeoire,
www.lessor.ch
Théâtre Boulimie, Lausanne.
Réservation immédiate sur le site
www.theatreboulimie.com ou au
021 312 97 00 (dès le 24 août).
Les histoires ayant trait à l’espace ne manquent pas non
plus à l’appel, avec notamment Vreneli de Julien ChatillonFauchez, qui interroge la notion de neutralité à l’échelle de
la galaxie, ou encore Là où croît le pays d’Anthony Vallat,
dont la Suisse recréée artificiellement dans le vide intersidéral n’est pas sans évoquer le Cycle de la Culture de Iain
M. Banks.
Point commun de toutes les nouvelles : à travers le prisme
de l’anticipation, c’est bien entendu de la Suisse contemporaine qu’elles nous parlent. Et à ce titre, elles sont à même de
réjouir les amateurs de SF, mais aussi les lecteurs appréciant
la satire politique et sociétale. Stéphane Babey
Au vu du succès, les propositions d’épouvantails affluent
pour une prochaine édition. Les Planchottiers ont joué
le jeu et sont, eux aussi, très contents.
Entre une création reposante baptisée Farniente et Les
Maisons du Bonheur, on trouve un étonnant personnage
nommé Vigousse. Assis sur un cornichon géant, l’homme
de bois a le visage tout tordu. Mais rien à voir avec l’idée
qu’auraient pu se faire les deux conceptrices d’un collaborateur du petit satirique romand. Elles ont choisi cet
adjectif uniquement pour sa vivacité. Ouf !
En première mondiale (certainement), les organisateurs proposent le samedi
10 septembre dès 18 heures
une nouvelle performance
commune : la création
d’épouvantails à base de…
cervelas. Jean-Luc Wenger
WƌŽůŽŶŐĠũƵƐƋƵ͛ĂƵϭϱŽĐƚŽďƌĞ
Futurs insolites, anthologie dirigée par Elena Avdija et JeanFrançois Thomas, Hélice Hélas, 380 pages.
EŽĐƚƵƌŶĞϭϬƐĞƉƚĞŵďƌĞĚğƐϭϴŚ
Sentier chasse-moineaux
et attrape-nigauds, Les
Planchettes, jusqu’au
15 octobre.
www.les-planchettes.ch
PUB
Un festival
De la musique et de l’herbe
Du gazon, des arbres, des transats,
des bières artisanales et de la musique
expérimentale : le festival multisite
Les Digitales propose pour la douzième année consécutive cette recette
imparable, et qui plus est gratuite (sauf
bien entendu en ce qui concerne les
boissons). Les éditions de Lausanne et
Porrentruy ont eu lieu samedi passé,
mais il est encore possible de prendre
part à celles de Berne et de Paradiso
(TI) le 20 août, de Zurich le 21 août,
et enfin de Fribourg et de La Chauxde-Fonds le 27 août. La programmation (différente dans chaque lieu) est
éclectique, comme on dit quand on
ne connaît pas la moitié des groupes
présents, mais à coup sûr pleine de
promesses. Parmi nos chouchous,
citons les fabuleux Aeroflot (à Zurich
et La Tchaux) et l’intrigant OgreFantôme (Berne). De toute façon, on
se rend aux Digitales avant tout pour
le plaisir de la découverte, le cheveux
au vent et les doigts de pied caressés
par des brins d’herbe. S. Ba.
Programme
complet sur
­www.les­­digitales.ch
Image @: Mibé
Les histoires qui sont à la fois vraies
ET incroyables ont toujours eu le don
de titiller notre imagination. C’est le
cas ici avec un épisode oublié de la
Seconde Guerre mondiale. Lors de la
planification de l’invasion de la Sicile,
les services secrets britanniques
tentent de trouver un subterfuge pour
convaincre les nazis que l’attaque
prévue aura plutôt lieu en Grèce. Pour
cela, ils trouvent un corps noyé, le
garnissent de faux papiers ainsi que
de plans crédibles censés convaincre
les Allemands. Le cadavre est ensuite
placé sur une plage espagnole afin
de moins éveiller les soupçons. Mais
Hitler & Cie ne sont pas totalement
stupides et dépêchent un de leurs
meilleurs hommes pour enquêter.
Sans dévoiler la fin, on peut avancer
avec certitude qu’il s’agit ici de l’un
des meilleurs polars de guerre jamais
tournés, illuminé par l’excellence de
Clifton Webb, acteur oublié qu’on
avait déjà adoré en amoureux transi
de Laura d’Otto Preminger. Un bijou !
Michael Frei,
À VOUS DE VOIR La vie, un jeu d’enfant ? Pas pour un fils au mauvais
endroit (Moka), une gamine des rues (Blanka) ou un petit gars
qu’on empêche de jouer avec son animal de compagnie (Peter et Elliott
le dragon) !
Tél. 027 306 61 13
www
www--village
village--du
du--livre.ch
Vigousse vendredi 19 août 2016
14
15
REBUTS DE PRESSE
Sponsors à bord
Régulièrement invité dans les pages « Opinions » du quotidien 24 heures, le
directeur du Centre patronal vaudois, Christophe Reymond, a passé une partie
de son été avec des membres de la rédaction.
Le Tages-Anzeiger du 5 août n’a pas manqué cette incursion patronale dans un
article titré : « Quand les sponsors remplacent les éditeurs ». Appartenant au
groupe Tamedia, tout comme 24 heures et tant d’autres, le quotidien zurichois
pose la même question que Vigousse (10.6) sur le mélange entre rédactionnel
et communication commerciale.
Les sponsors, en l’occurrence, sont le consulat de Russie à Lausanne ;
la Fondation Paulsen ; le Centre patronal ; les Retraites Populaires et l’ECA,
l’Etablissement cantonal d’assurance. Les deux derniers étant des institutions
paraétatiques. Frederik Paulsen, lui, est consul honoraire de Russie en Suisse
et dirige le groupe pharmaceutique Ferring, à Saint-Prex. La société du généreux
mécène emploierait 5500 personnes dans le monde, dont 650 en Suisse
(Vigousse, 29.4).
Pour sa série d’été dans le Grand Nord, 24 heures a donc envoyé toute sa
rédaction en Russie. Chaque équipe de journalistes se voyait accompagnée d’un
invité – parfois directement lié aux bailleurs de fonds – durant une semaine.
Le Tages-Anzeiger relève que Paulsen et le Centre patronal ont offert
170 000 francs pour l’expédition. Dûment signalés par les logos des entreprises,
ces reportages montraient également l’invité sur les photos de l’équipe. Bon,
pourquoi pas ? Mais le Tagi note que Christophe Reymond a eu l’honneur d’être
publié dans les colonnes de 24 heures.
Thierry Meyer, le rédacteur en chef, n’y voit aucun problème. Il cite d’autres
exemples de partenariat comme celui, réussi, pour les 250 ans du journal.
Il omet juste son rôle dans le fiasco intégral de l’opération « Champions ! »,
grandiose fête ratée à la gloire du CIO (Vigousse, 12.2). Un raout qui s’est
soldé par un découvert de plus d’un million, à charge de la Commune et du
Canton. Malgré son indépendance éditoriale revendiquée, 24 heures a oublié
d’enquêter sur les causes de ce désastre. On ne va quand même pas se fâcher
avec ses partenaires. Jean-Luc Wenger
Le strip de Bénédicte
Terrorisme
hyperbolique
Suite à l’attaque dans le train à Salez
(SG), 24 heures a sorti les grands
moyens lundi 15 août avec ce titre
ronflant sur cinq colonnes à la une :
« Attentat ou folie ? La Suisse est entrée
dans l’ère de la terreur ». On ne peut
qu’abonder : la Suisse est en effet entrée
dans une ère de terreur médiatique, où
des journaux sont prêts à tout pour
faire vendre, quitte à entretenir euxmêmes la psychose des lecteurs. Et ça
fait vraiment très peur. S. Ba.
Just an illusion
Les personnes concernées pas la
maladie mentale, personnellement
ou dans leur entourage, ont dû vibrer
en regardant le « 19:30 » du lundi
15.7 (RTS Un). Enfin un espoir de
guérison ! Il s’agirait d’utiliser les
illusions d’optique de l’artiste Youri
Messen-Jaschin (dont les Lausannois
connaissent bien les costumes hauts
en couleurs) afin de « décrypter les
mécanismes encore obscurs de
certaines maladies psychiatriques ».
Et pourquoi pas ? Certes, l’étude n’en
est qu’à mi-parcours, les résultats
sont inconnus, et aucun patient ne
sera testé. Mais sans promesses
extravagantes et irresponsables, que
deviendraient l’art, la science et le
journalisme ? Pour une fois que les
trois sont en parfaite symbiose, on ne
va pas chercher la petite bête… S. D.
LE CAHIER
DES SPORTS
DANGER !
Cristiano Ronaldo a soulevé une
énième fois les bras au ciel, Chris
Froome paradé tout de jaune vêtu en
remontant les Champs-Elysées, Andy
Murray retrouvé le pied jardinier sur
le gazon pelé de Wimbledon, Michael
Phelps et Usain Bolt ont poursuivi
leurs moissons de médailles. En y
réfléchissant bien, il ne s’est rien
passé. Rien, en tout cas, qui sorte de
l’ordinaire, du prévisible, sinon du déjà
vu, du déjà vécu.
La faute à qui ? Au soleil ou à cet
irrépressible besoin de « débrancher »,
sans forcément écouter France Gall ?
La faute à ce trop-plein d’images, de
comptes rendus et de statistiques qui
à longueur de semaines et de mois
envahissent nos petits écrans et les
pages de nos quotidiens ? La faute
à nous qui en réclamons toujours
plus, comme si tout cela avait une
quelconque – et réelle – importance ?
Ne rien faire, jeter la zapette à la
poubelle et se laisser dorer la couenne
une boisson fraîche à portée de main,
voilà ce qui s’appellerait passer un bel
été. Et dire que pendant ce temps-là il
s’en trouve pour escalader des cols à
vélo, courir après un ballon, s’esquinter
le dos une raquette en main(s) ou
aligner à l’infini les tours de pistes.
Des fous, des malades shootés à
l’adrénaline, des gens pas normaux,
des forcenés que pourtant on laisse
en liberté. Personnellement, rien que
cet été, j’en ai compté des centaines.
Des jaunes, des bleus, des bariolés,
des en short, des en cyclistes, des
avec chaussures, des sans, des avec
des rames et même une, toute jolie, en
jupette et sur des rollers. Je les ai vus,
de mes yeux vus, toutes et tous, des
grands, des petits, des rondouillards,
des squelettiques. Ils existent, ils
sont légion, nous envahissent, nous
submergent et bientôt, au prochain été
sans doute, imposeront leur loi à nous
autres les vrais juilletistes et autres
vrais aoûtiens.
Mais que diable fait la police ?
Et ce sera tout pour cette rentrée.
MAG
VOIX
Sebastian Dieguez
HISTOIRE
Huit répliques de Michel Audiard
aujourd’hui incompréhensibles
Le célèbre dialoguiste a un long palmarès de phrases culte à son actif.
Mais on se souvient moins de certaines répliques qui n’ont pas très bien
vieilli. Quelques exemples :
OFF
« Mes chers petits,
aujourd’hui je vais
vous raconter l’histoire
terrifiante de…
LA RENTRÉE ! »
SCIENCE
Découverte : les gens pourraient
s’influencer les uns les autres,
des fois
C’est une découverte majeure qui vient d’être publiée dans le prestigieux
International Journal of Science : parfois, des gens, ou des choses, ou
des événements, pourraient avoir une certaine influence sur d’autres gens
(mais pas toujours). Jusqu’à présent, on pensait que rien n’avait d’influence
sur rien, sauf des fois. En réalité, ce serait tout l’inverse. L’expérience a
consisté à montrer des images et faire entendre des phrases à des êtres
humains. Il s’est avéré que ceux-ci réagissaient de diverses manières
aux stimuli qui leurs étaient présentés : parfois ils riaient, d’autres fois
ils s’ennuyaient, certaines fois ils soupiraient, mais pas toujours, ça
dépendait des fois. « Cette découverte peut expliquer notre réaction face
au terrorisme », analyse un expert des réseaux sociaux et du monde arabe.
Pour autant, les chercheurs se veulent prudents : « Ça ne marche pas à tous
les coups, mais des fois oui. » Gageons que cette étude aura une influence
sur certains de ceux qui en prendront connaissance, mais probablement
pas tous.
« Ben alors, t’as plus d’arbustes ? »
On peine aujourd’hui à comprendre le sens de cette répartie de Louis La
Sardine prononcée dans Le taré du Tartare (1962), lors d’une pathétique
poursuite en Citroën 2 CV.
« Mets-en moi douze de côté, ça m’en fera une de plus qu’onze. »
En plein braquage, cette vanne a également laissé perplexe le guichetier
de Banque ou banqueroute (1959).
« Eh l’autre là, tu vas me mazouter la doublure encore longtemps ? » Les historiens sont divisés sur la signification de cette expression, mais
on pense que Michel Audiard était un peu fatigué au 37e jour du tournage
de Beignes à Trouville (1965).
« Je rêve ou ils ont tous la tirelire dans le lavabo dans ce bled ? »
Le contexte de Quelle garce ! (1968) ne permet guère d’éclairer cette
fulgurance méconnue de Jean Gabin.
« Ah ça ! J’te voyais pas t’encroûter dans la péninsule du bidet comme ça. » Par moments, on pourrait croire que l’auteur se foutait quand même un peu
de la gueule du monde, surtout dans le dispensable Incognito à Chicago
(1972).
« Tambour, moi ? Eh, tambour demain ho ! » C’est la seule occurrence du mot « tambour » connue dans l’œuvre d’Audiard,
ce qui laisse penser à certains experts qu’il s’agirait du résultat d’un pari
stupide.
« Si c’est une salade niçoise que tu cherches, t’es au mauvais endroit
mon pote. »
L’intrigue de Deux abrutis à Nice (1956), qui se déroule entièrement à Nice,
rend cette réplique particulièrement étrange.
« Je te dis que ça, et encore, en pantoufles. »
Pour son unique film en tant que réalisateur, Jean Lefebvre a consacré
une centaine de plans à montrer les sabots que portent tous les personnages
de Flingues en soldes (1969), ce qui rend la plupart de dialogues, dont cette
citation, parfaitement incompréhensibles.
À LA LOUCHE
Recyclage L’avion Solar
Dignité De retour de
Drame Le concours du plus
gros mangeur de Cénovis fait
12 morts.
Révélation Le mixologiste
n’était qu’un simple barman.
Psychologie Marcher
réclame d’être moins proche
de la fin de l’alphabet.
Impulse sera entièrement
fondu afin d’en faire des
milliers de petites statuettes
de Bertrand Piccard.
les mains dans le dos
augmenterait le QI de 25 %.
vacances, le pasteur Fatzer
entame une grève de la faim
de quatre jours pour protester
contre ses frais de roaming.
Société La génération Y
Roger Jaunin
ATS-UNIS : La science ayant refusé son don, Donald Trump lègue son cerveau à un cirque – JO : De l’eau de piscine olympique retrouvée dans du glyphosa
Vigousse vendredi 19 août 2016
Vigousse vendredi 19 août 2016
16
{
B É B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO
Beau, bon, Bolt
Elle a dit
la semaine prochaine
Au moins, avec lui tout est clair :
Usain Bolt « ne doute jamais ». C’est
lui qui le dit, et s’il s’en trouvait un,
ou une, pour en douter, l’homme
le plus rapide du monde aurait tôt
fait de lui rappeler qu’il appartient
désormais à la race des « immortels ».
Après lui, ceux que l’on qualifie de
« champions », de « géants » ou de
« légendes » peuvent aller se rhabiller : Usain, quasiment deux mètres
sous la toise, les dépasse d’une tête
qu’il a suffisamment bien faite pour
avoir compris très vite tous les avantages qu’il pouvait tirer d’un physique à faire rêver non seulement
les midinettes mais également le
monde de la mode, les sponsors en
tout genre, accessoirement les organisateurs de meetings.
Aux dernières nouvelles, et après
l’obtention du titre d’« homme le plus
sexy du monde » décerné par le magazine Glam’, sa propre ligne de vêtements pour ados (Bolt Seduction)
et son Eau d’Usain lui assureraient
d’ores et déjà, en plus d’une fortune
Vigousse vendredi 19 août 2016
(ou du moins ça se pourrait bien)
« Veuillez vous faire
descendre à gauche
dans le sens de
la marche. »
estimée à quelque chose comme
300 millions, une confortable
retraite.
Lui n’en fait pas une affaire : son truc,
c’est de courir, sur 100 et 200 mètres,
et de collectionner les médailles. En
or, « les seules qui comptent », souligne-t-il. Si tout se passe comme
prévu, il quittera Rio la neuvième
du genre autour du cou. C’est beaucoup, ça n’est même jamais arrivé
depuis de Coubertin ; c’est dire si à
30 ans l’ex-joueur de cricket reconverti en sprinter a oublié les coups
de ceinture « sur le corps, jamais au
visage » que lui infligeait son père,
selon, précise-t-il, une pratique
généralisée en Jamaïque. Mieux, il
en rit. Après tout, sa mère ne l’a-­
t-elle pas enfanté avec une jambe, la
gauche, plus courte que l’autre ?
Toujours selon ses compatriotes
pour lesquels il s’agit là d’un péché
et qui ne cessent de le comparer à
Tiger Woods, Usain Bolt serait, entre
autres, « victime du syndrome de la
femme blanche ». Sa fiancée, une styliste d’origine yougoslave, dit de lui
qu’« il est le plus droit des hommes ».
Reste à savoir sur quelle distance.
Roger Jaunin
Regula
Schmidt-Müller,
contrôleuse CFF
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