4. Autour de la nature morte en littérature et en peinture au

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4. Autour de la nature morte en littérature et en peinture au
4. Autour de la nature morte en littérature et en peinture au XIXe siècle
Ce séminaire sera organisé conjointement par l’EA 7305 (Université de Lorraine), le CRP 19
(Université Paris 3) et le CELIS. Il s’organisera selon des séances bimestrielles échelonnées entre
février et novembre 2016 et trouvera son aboutissement lors d’un colloque destiné à valoriser les
acquis de cette réflexion. Une première séance de travail a eu lieu le 19 mai.
En nous fondant sur une définition simple de la nature morte comme représentation de choses et
d’objets inanimés, naturels ou artificiels, nous aimerions nous attacher aux représentations d’objets
dans la littérature et les arts graphiques, en particulier la peinture et la photographie et interroger cet
engouement des écrivains et des peintres du XIXe siècle pour les objets et les choses, alors même que
la critique artistique met en avant un relatif effacement du genre, au moins dans la première moitié du
siècle, et que la critique littéraire affirme ne pas « trouver beaucoup d’échos génériques » de la nature
morte picturale dans le domaine littéraire. Nous partirons de ce double paradoxe, sans négliger pour
autant la très ancienne tradition littéraire et artistique dans laquelle s’enracine la représentation des
objets.
Les orientations privilégiées seront d’ordre poétique et esthétique.
On pourra interroger les interactions qui apparaissent entre la littérature et la peinture dans leurs
pratiques respectives. La critique d’art est un moment privilégié de ce croisement des arts : description
(texte) de descriptions (vues), logique de l’ekphrasis, transposition et stratégie d’écriture (voir les
Salons de Gautier et de Baudelaire notamment).
Il pourra s’agir notamment d’approfondir la question de la représentation de la « chose vile » et de
l’objet repoussant – déchet, cadavre, objet abîmé ou simplement « insignifiant ». Il nous semble en
effet, comme Jean-Claude Brunon en a eu l’intuition, que ces représentations vont bien au-delà de la
provocation anti-bourgeoise et même de l’exercice de style inspiré des éloges paradoxaux des
Anciens : elles visent en fait à déstabiliser les canons esthétiques et, partant, à transporter le jugement
du terrain de l’objet représenté vers celui du geste artistique, dans un moment où les différentes
pratiques artistiques conquièrent leur autonomie. Il y aurait là la matière d’un dialogue enrichissant
entre les arts. Comme le pressentait le critique allemand Liebermann, la nature morte pourrait être
l’une des voies d’accès à une réflexion des arts sur les moyens qui leur sont propres, hors de tout souci
de mimesis.
Inversement, avec la prise au sérieux des données réalistes du monde laborieux (Auerbach) mais aussi
en raison de l’affirmation de la classe bourgeoise, l’éloge du quotidien pourra également trouver dans
la nature morte un de ses enjeux en termes de représentation identitaire (la nature morte aux ÉtatsUnis) jusqu’à la tentation même du Biedermeier en début de siècle. Se posera alors la question du
rendement mimétique de la nature morte : « effet de réel » (Barthes) ou excès de réel ?
Les modes d’expression seront alors à explorer, entre nomenclature, dénombrement, classement, séries
etc. dans leur dimension strictement de poétique littéraire ou de socio-poétique : la collection (voir
Romantisme, n°112, « La collection », 2001), la figure du collectionneur dans le roman ou les
physiologies (Les Français peints par eux-mêmes).
Dans le même ordre d’idées, mais à un autre niveau, on pourra s’intéresser aux registres de l’éloge et
du blâme quant à la pratique de la nature morte comme genre faisandé de la décadence (Lukacs) ou
comme assomption épique de la totalité de la vie où l’homme ne serait plus représenté comme une
« fleur coupée » (Gracq) précisément, mais à l’inverse comme l’élément agissant d’un milieu (Balzac)
avec lequel il interagit. On s’intéressera alors à la dimension emblématique de la nature morte par
exemple. La question des « fleurs de l’écritoire », pour reprendre une expression balzacienne du Lys
dans la vallée, roman du bouquet s’il en est, pourrait être féconde à plus d’un titre pour étudier le
motif floral dans le roman (de Balzac à Proust, en passant par l’Antonia de George Sand) ou dans la
poésie lyrique (l’anthologie, le florilège, le poème-bouquet) et/ou bien sûr descriptive (de Delille au
Parnasse, en passant par Gautier). De telles représentations s’appuient sur une littérature mondaine (les
codes floraux, par exemple : Mme Leneveux, Nouveau manuel des fleurs emblématiques, ou leur
histoire, leurs symboles, leur langage, 1832) ou spécialisée (les traités de botanique) qu’il conviendrait
d’explorer également, sans négliger la nature profondément transgressive du message que de telles
représentations sont en mesure de faire passer.
Plus généralement, on s’intéressera au mode d’être de l’objet naturel (nature naturée ou nature
naturante ?) ou de la chose représentée (mode d’individuation ? héccéité ?) en s’aidant par exemple
des réflexions de Heidegger (« La chose », dans Essais et conférences, 1958) ou Gilbert Simondon
(Du mode d’existence des objets techniques, 1958).