hypertension artérielle, ayez les bons réflexes

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hypertension artérielle, ayez les bons réflexes
HYPERTENSION ARTÉRIELLE, AYEZ LES BONS RÉFLEXES
Passé 50 ans, une personne sur quatre doit surveiller sa tension. Objectif: barrer la route aux
complications de l'hypertension artérielle.
• Comprendre les enjeux
La tension mesure la pression du sang sur les parois des artères. Elle s’exprime à l’aide de deux
chiffres: le premier mesure la pression systolique, c’est-à-dire la pression du sang lorsque le coeur
se contracte et le propulse dans les artères, le second la pression diastolique, quand le coeur se
relâche pour se remplir à nouveau.
"Une tension normale se situe entre 125 et 130 mmHg pour la pression systolique, et entre 70 et 80
mmHg pour la pression diastolique, nous disons plus simplement entre 12/7 et 13/8", indique le
Pr Claire MOUNIER-VEHIER, cardiologue, chef du service médecine vasculaire et hypertension
artérielle au CHRU de Lille et présidente de la Fédération française de cardiologie.
Les médecins parlent d’hypertension artérielle (HTA) au-delà de 14/9 chez le médecin ou de
13,5/8,5 à domicile. "Après 50ans, il est recommandé de surveiller sa tension une fois par an, deux
fois en présence de facteurs de risque», conseille le Dr Bernard VAÏSSE, cardiologue au CHU de
Marseille et président du Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle.
En cause, des facteurs contre lesquels nous ne pouvons rien, comme l’âge, l’hérédité (avoir
un parent hypertendu multiplie par deux le risque de le devenir) et le sexe. "Après la
ménopause, une femme sur deux est touchée, les œstrogènes naturels n’étant plus là pour garder les
artères souples assurant une bonne propulsion du sang", explique le Pr Mounier-Vehier. Et puis il y a,
heureusement, les facteurs sur lesquels nous pouvons agir avec efficacité, notamment le tabac,
le surpoids et la sédentarité.
L’hypertension artérielle est confirmée ? Surtout ne la prenez pas à la légère. "Insidieusement,
elle favorise le développement de dépôt de cholestérol (plaque d’athérome) qui durcit les artères et
diminue leur diamètre, explique le Pr MOUNIER-VEHIER. En conséquence, elle multiplie par trois le
risque d’infarctus du myocarde et par sept celui d’accident vasculaire cérébral(AVC)"
Elle provoque des lésions de la rétine qui peuvent, à terme, rendre aveugle. Elle perturbe aussi le
mécanisme de filtration des reins, jusqu’a entraîner une insuffisance rénale. Il est également
démontré qu’en endommageant peu à peu la paroi des artères cérébrales, elle fait le lit de la
maladie d’Alzheimer. Une étude menée par le Comité français de lutte contre l’hypertension
artérielle en janvier 2014 note que la contrôler est un des meilleurs moyens de se protéger
d’Alzheimer. Et s’il semble aujourd’hui acquis que cette maladie commence à être maîtrisée, c’est en
grande
partie grâce
au
meilleur
contrôle
tensionnel
!
Car l’hypertension n’est pas une fatalité: il est possible d’en guérir et d’éloigner durablement les
risques de complications.
Confirmer le diagnostic
En France, parmi les quinze millions de personnes touchées par cette maladie chronique, quatre
millions l’ignorent.
Car l’hypertension est le plus souvent silencieuse. Parfois, quelques symptômes peuvent mettre la
puce à l’oreille: des maux de tête "en casque" survenant en fin de nuit ou, le matin au réveil, des
bourdonnements d’oreilles, des mouches noires devant les yeux, un saignement de nez ou un petit
"claquage" hémorragique dans l’œil, qui peuvent tout aussi bien avoir une autre origine.
Le seul dépistage fiable passe par la mesure régulière de la pression artérielle. Une mesure isolée
ne suffit pas, car il n’y a pas plus sensible que la pression artérielle: la seule vue du médecin la fait
bondir chez une personne sur trois, c’est l’effet "blouse blanche". À l’inverse, la pression artérielle
est parfois normale en consultation et grimpe chez soi. Les médecins parlent "d’hypertension
artérielle masquée", cela concerne 10% des hypertendus. "Confirmer le diagnostic passe par la
répétition des tests: trois mesures par consultation, à raison de deux consultations à un mois
d’intervalle, précise le Dr VAÏSSE.
"En parallèle, nous demandons au patient de mesurer sa tension chez lui avec un appareil d’auto
mesure à raison de trois fois le matin et trois fois le soir pendant trois jours consécutifs." Vous n’en
possédez pas? Pas de problème, depuis janvier 2014, l’Assurance maladie fournit gratuitement aux
généralistes qui le demandent un tensiomètre à prêter aux assurés.
Le médecin peut aussi opter pour la pose d’un Holter tensionnel : ce petit boîtier relié à un brassard
se porte vingt-quatre heures d’affilée et prend des mesures jour et nuit toutes les quinze minutes.
Les bons réflexes quand la maladie apparaît
Lorsque les chiffres de pression artérielle flirtent avec les 14/9, revoir de près son hygiène de vie
n’est plus une option.
Arrêter la cigarette: La Fédération française de cardiologie indique que chaque cigarette non fumée
évite une élévation de la pression artérielle durant vingt à quarante minutes ainsi qu’une
augmentation du rythme cardiaque de 40%, deux facteurs qui usent prématurément le cœur et
fragilisent les artères. Pour réussir le sevrage, parlez-en à votre médecin qui, au besoin, décidera de
vous orienter vers un tabacologue.
Diminuer la consommation de sel ! Chez 40% des Français, pour des raisons physiologiques, il
contribue à l’élévation de la tension. En France, la consommation moyenne est de 11g par jour. En la
ramenant à 6g, une dose qui n’empêche pas de manger savoureux, la pression artérielle chute de
5mmHg. "Il ne s’agit pas de supprimer la salière, mais d’en éviter l’excès, rassure Nathalie Vernet,
diététicienne à l’association HTA-Vasc. Il suffit souvent de limiter les aliments qui en contiennent
trop, comme les plats préparés, le pain industriel, la charcuterie, les salaisons, le fromage... et de ne
pas resaler les plats."
Une astuce: utiliser en cuisine ou à table plus d’épices ou d’herbes aromatiques. Les adeptes du
fromage pourront alterner pâtes dures (comté, cantal...) et persillées (bleu, roquefort...) riches en sel
et fromages frais (chèvre). Au supermarché, au rayon des plats industriels, prendre le temps de
convertir la teneur en sodium (indiquée NaCl sur l’étiquette) en sel en la multipliant par 2,5 (1g de
sodium = 2,5g de sel), et opter pour celui qui contient moins de 1g de sel par portion.
• Fruits secs, légumes, céréales complètes...
"Ces aliments sont source de potassium, un minéral qui s’oppose aux effets du sel dans l’organisme
et participe à la régulation de la tension artérielle", précise Nathalie Vernet. Ils sont également riches
en fibres: des chercheurs américains ont montré que consommer 11,5g par jour de fibres
(l’équivalent d’une portion de 200g d’épinards, de 150g de framboises ou d’une bonne cuillerée à
soupe de son de blé, à rajouter par exemple dans votre yaourt ou sur une assiette de crudités) suffit
à faire baisser de 1,13 mmHg la pression systolique et de 1,26mmHg la pression diastolique.
Enfin, l’étude Predimed publiée en 2013 souligne qu’ajouter un filet d’huile d’olive sur les poissons,
plats de pâtes et crudités, et enrichir le petit déjeuner et le goûter de fruits oléagineux (noix,
amandes, noisettes) est un atout pour abaisser la tension artérielle. Exactement l’inverse de la
réglisse. Cette plante contient de la glycyrrhizine, une substance qui favorise la rétention de sodium
et d’eau, ce qui fait monter la pression artérielle et accélère l’hypertension. Les alcools anisés, les
bonbons à base de réglisse ainsi que les tisanes contenant cette plante sont donc à éviter.
• Bouger plus
L’activité physique est une alliée précieuse pour diminuer la pression artérielle à trois niveaux. Elle
aide à contrôler le poids, facteur aggravant de la maladie, à faire travailler le cœur et à assouplir les
artères. "Les activités d’endurance d’intensité modérée comme le vélo, la course à pied ou la marche
rapide sont à privilégier, l’idéal c’est au moins trente minutes deux à trois fois par semaine",
recommande Éric CERVULLE, coach sportif au centre thermal de Bains-les-Bains (88) qui propose une
cure spécifique.
En cas d’articulations douloureuses, opter pour les sports dans l’eau (aquagym, aquabike ou
natation). Se remettre à l’activité physique n’est pas si compliqué, il suffit de marcher un peu, puis
un peu plus, en visant une heure par jour. Certains préfèrent démarrer avec un vélo, pourquoi pas à
assistance électrique pour un coup de pouce...
En revanche, éviter les excès avec les sports entraînant une activité musculaire statique comme
l’apnée ou la musculation, car ils font travailler le cœur sans oxygène, ce qui élève la pression
artérielle. Si vous n’êtes pas un sportif aguerri, parlez-en à votre médecin avant de vous y mettre.
Au besoin, il vous prescrira une épreuve d’effort: réalisé à l’hôpital, sur un vélo ou un tapis roulant,
cet examen permet de détecter un trouble du rythme ou une souffrance cardiaque qui n’apparaîtrait
que lors des activités.
• Rester zen
La relaxation aide à ne pas se laisser envahir par le stress, source de pics de tension. Une étude
réalisée en 2013 par des chercheurs de l’université de l’Ohio indique que la méditation permet de
diminuer la tension de 2 à 10mmHg. Le yoga, le taïchi ou encore la sophrologie sont tout aussi
bénéfiques. Et agréables.
S'accrocher au traitement quand la maladie est terminée
Si ces mesures ne sont pas suffisantes, ou si l’hypertension artérielle est découverte à un stade
avancé, un traitement devra être prescrit. Il existe cinq classes de médicaments anti-HTA, chacune
joue un rôle différent. Les diurétiques favorisent l’élimination du sel, les bêtabloquants ralentissent
la fréquence cardiaque, les inhibiteurs calciques aident au relâchement des artères, les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion (IEC) et les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) bloquent
l’action hypertensive de l’hormone angiotensine.
"La prescription se fait au cas par cas, explique le Dr Vaïsse. Chez les personnes ayant une
alimentation très salée, les diurétiques sont une bonne option, chez les diabétiques les IEC sont
conseillés. En revanche, les inhibiteurs calciques ne sont pas prescrits à des personnes souffrant de
problèmes veineux, car ce traitement dilate les artères et les veines."
Le traitement est d’abord prescrit pour un mois. S’il n’est pas suffisant, c’est le cas une fois sur deux,
le médecin ajoute un antihypertenseur d’une autre famille, une bithérapie apportant de meilleurs
résultats. Dans 20% des cas, l’hypertension résiste encore, il faudra alors associer trois
médicaments... Un cocktail souvent contraignant et aux effets secondaires parfois gênants, au
point que selon une récente étude, 60% des patients hypertendus ne prennent pas correctement
leurs comprimés. "C’est dommage, car la prise régulière des médicaments réduit de 90% le risque de
complications cardio-vasculaires, assure le Pr MOUNIER-VEHIER. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter
à faire part de ses difficultés ou de ses craintes au médecin ("Je prends trop de médicaments"...) et à
parler des effets secondaires s’il y en a, troubles sexuels, vertiges, quintes de toux, envies fréquentes
d’uriner... Il est toujours possible de diminuer les doses ou de changer pour un traitement plus facile
à vivre."
Son conseil pour ne pas oublier les médicaments: créer un rituel, par exemple les placer près de la
cafetière ou de la brosse à dents pour ne pas passer à côté le matin, ou utiliser un pilulier
électronique. Les cardiologues de l’hôpital de la Timoté, à Marseille, envoient chaque jour un SMS de
rappel à leurs patients. Bilan: deux fois moins d’oublis! Une mesure "coup de pouce" facile à mettre
en place chez soi en programmant l’alarme de son réveil ou de son téléphone.
Notre temps, par Ingrid HABERFELD le 23 mai 2016