le dessin a dessein

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le dessin a dessein
LE DESSIN A DESSEIN
Marc BAUER - Patrick CONDOURET - Rémy JACQUIER
Claude LÉVÊQUE - Judit REIGL - Georges ROUSSE
Œuvres de la collection du FRAC Auvergne
AU LYCÉE LAFAYETTE - BRIOUDE
Du 17 novembre au 17 décembre 2015
LE DESSIN A DESSEIN
Jusqu’au XVIIIème siècle, le geste de dessiner se confondait avec le projet, l’intention, un même mot - dessein
- était utilisé pour qualifier l’un et l’autre. Le dessin était à ce moment-là asservi aux autres arts, peinture,
sculpture, architecture et n’était considéré seulement comme une étape préparatoire à l’œuvre. Il a fallu
attendre le XXème siècle pour que la validité de ce médium ne fasse plus débat et que le dessin acquiert
enfin une valeur autonome.
Cette exposition propose de revenir sur les différents chemins empruntés aujourd’hui par les artistes pour
offrir une nouvelle définition et de nouveaux supports à ce médium. Apparaissant encore dans le travail de
Georges Rousse comme une étape préliminaire à une œuvre plus aboutie, le dessin est pourtant devenu un
moyen d’expression à part entière (Marc Bauer) en établissant notamment de nouveaux rapports entre le
mouvement, le temps et l’espace (Rémy Jacquier, Patrick Condouret). Mais évoquer le dessin permet aussi de
convoquer l’écriture - les deux vocales ayant une étymologie commune en grec - graphein - qui signifie à la
fois «écriture» et «graphique» - comme nous le rappellent les œuvres de Claude Lévêque et de Judit Reigl.
Marc BAUER
Né en Suisse en 1975 - Vit en Allemagne
Attrition, 2007
Crayon gris et noir sur papier
5 x (35 x 49 cm)
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Les dessins de Marc Bauer sont des trous. Des
trous de mémoire, des trous au fond desquels le
regard tente de rassembler ce qui s’apparente à des
souvenirs fragmentaires où se mêlent de sombres
évocations historiques, de troubles souvenirs
extirpés du passé personnel et intime de l’artiste,
accompagnés souvent de textes bégayants qui
dressent en pointillés les bribes d’une narration. Les
dessins de Marc Bauer sont une archéologie,
creusent dans le passé pour faire remonter
à la surface du temps les éclats désolidarisés
de scènes primitives lacunaires, les restes froids
des tragédies anciennes pour les accommoder avec
les fêlures du présent.
« J’ai toujours eu l’impression que l’on me mentait et
que sous tout ce qui était joli se cachait en fait quelque
chose de pourrissant.Très souvent, le point de départ de
mon travail est la mémoire ; que ce soit des souvenirs
personnels ou des photographies de mon grand-père
faites pendant la seconde Guerre Mondiale. Je prends
des événements, je les remets en ordre. L’Histoire
devient juste une ré-interprétation d’événements qui
les inscrit dans une cohérence. C’est un artefact et non
quelque chose d’objectif. Qu’il s’agisse d’une histoire
personnelle ou de l’Histoire, c’est une ré-écriture et ce
n’est donc qu’une question de point de vue, tout comme
la morale.»
Cette déclaration de Marc Bauer donne quelques
indications sur ce qui s’opère dans son travail.
lacunaire. Il est en effet question de procéder à
d’incessantes fusions entre Histoire, histoire
personnelle et éléments fictionnels, pour créer
un effet Dolby Stéréo parasité. Cette fusion pose les
bases d’une réflexion sur le fond de subjectivité qui
sous-tend à la fois la manière dont nous organisons
nos souvenirs propres et la façon dont une mémoire
collective s’empare d’événements pour élaborer des
agencements particuliers qui donnent corps à ce
que l’on appelle l’Histoire. Celle-ci résulterait donc
d’un montage a posteriori d’événements entre eux
à l’image d’un film qui ne devient film qu’à l’issue du
final cut, le montage évacuant ainsi l’ensemble des
rushs obtenus lors du tournage, en ayant souvent
pour conséquence de développer une narration
trouée, totalement lacunaire.
Patrick CONDOURET
Né en France en 1965 - Vit en France
Relief n°2, 2005
Acier, fil de coton
61 x 38 x 16 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Dans cette sculpture de Patrick Condouret, on
retrouve des préoccupations communes avec le
reste de son travail. Il y a, d’abord, un goût pour
l’hétérogénéité matérielle : fil de fer, coton, tissus,
barquettes de plats surgelés, vieux bouts de bois,
anneaux de rideau de douche, morceaux de ficelle,
papiers, lacets, galets, mousses de polyuréthane…
tout peut servir et tout peut être recyclé dans les
sculptures. Il s’agit avant tout d’être vigilant sur les
qualités de couleur, de surface, de matière que ces
objets ont. Bien que souvent dérisoires, c’est la
mise en contraste de ses propriétés par celles
d’autres objets qui fait que la couleur claque,
resplendit, que la surface prend un certain luxe, que
les matières usées reprennent un peu de lustre.
Le travail de Patrick Condouret tient à ces mises
en écho, à ces contrastes souvent inattendus
– comme, par exemple, dans Relief n°2, dans le
rapport plus que contrasté entre des fils de coton
et une structure d’acier. Il y a, ensuite, des modes
de construction qui n’appartiennent pas
forcément aux techniques traditionnelles de
la sculpture et qui tiennent soit du bricolage, soit
du déplacement d’une pratique à une autre. Il a établi
une liste des actions possibles : « Je tords, je plie,
je réunis, je couds, j’agrafe, je dessine, j’assemble, je
décalcomanie, j’autocollant, je plastique, je colle, je
punaise, je modelage, j’épingle, je dérape, je m’amuse,
je recommence.1»
1-
Dans le Relief n°2, l’opération est simplissime
puisqu’elle consiste à nouer des fils de coton autour
d’une structure en acier, mais cette opération
simplissime produit, ainsi, deux réseaux linéaires
qui se complètent et se complexifient
mutuellement, deux dessins qui se déploient
dans l’espace – grâce à la structure en acier – et se
réunissent dans l’ombre qui est projetée au mur. Le
résultat est souvent d’une grande fragilité et d’une
grande précarité. Cela semble ne tenir à presque
rien et l’on s’approche souvent avec précaution
de ces petits objets évidés, ligaturés, entortillés,
agrafés, pincés, tressés ou tout simplement collés,
et, sans doute, le spectateur, à cause de cette
fragilité inhérente aux matériaux et affirmée dans
la production, devient plus attentif, se concentre un
peu plus sur ce peu, plus que s’il se trouvait devant
une machinerie imposante et coûteuse et, in fine,
peut observer ce qui ressort à la fois du plaisir
enfantin, un plaisir enfantin souvent humoristique
de l’inventivité manuelle et ce qui nous amène à
un regard renouvelé sur les subtilités du
presque rien et du pas grand chose qui nous
entourent souvent.
Cité dans Cédric Loire, «Déplacements, proliférations et reflux», Patrick Condouret - Laurent Mazuy, AGART, 2006, n.p
Rémy JACQUIER
Né en France en 1969 - Vit en France
Sans titre (Tomlinson), 2001
Technique mixte
180 x 150 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
L’œuvre de Rémy Jacquier est une œuvre
essentiellement centrée sur le dessin.
Tomlinson a été travaillé au sol et Rémy Jacquier est
entré littéralement dans cet espace à la mesure de
son corps (180 cm) puisqu’il a dessiné très près de
la feuille, le « nez » sur la feuille, le corps sur la
feuille. Avoir le « nez » sur la feuille – ou plutôt les
yeux – amène à un autre type de vision d’autant
plus que Rémy Jacquier enlève ses lunettes de vue
pour dessiner. La vision qu’il obtient est, ainsi, une
vision floue, une vision locale, une absence de vue
d’ensemble, un grossissement dans le détail, une
vision aérienne et non plus frontale. Mettre son
corps sur la feuille, cela amène un autre type de
pratique : une partie du corps imprime sa marque
sur les matériaux, une partie du dessin est effacée
quand une autre est tracée, une partie du dessin
doit être recommencée quand elle a été effacée,
une partie du dessin se modifie par le passage du
corps et amène d’autres solutions plastiques…
Le corps et les yeux sur la feuille, cela amène une
pratique très physique et très mentale, un
équilibre entre les deux, un balancement constant
entre les deux, un jeu sur la mémoire, l’orientation,
la perte, la désorientation…
Cela d’autant plus que Rémy Jacquier ne privilégie
pas une main ou une autre, dessine autant de la
droite que de la gauche, alterne l’une et l’autre ;
d’autant plus que, dans les mouvements de reptation,
la feuille n’a plus de droite, de gauche, ni haut, ni bas.
Comme le dessin n’est pas exécuté en une seule
séance, il y a des moments de rééquilibrage,
«d’accommodation» comme les nomme l’artiste qui
permettent la réorganisation, la resynchronisation
du corps et des yeux, du physique et du mental, du
dessein et du résultat.
Cette œuvre est fortement marquée par la
danse, puisque en son centre, se trouve inscrit
«Ballets Baroques» et «Danser chez Piranèse». Le
ballet baroque et Piranèse sont autant d’évocation
de la dérive, du retour, de la circonvolution – jusqu’à
la perte, sans doute, des points de repères. Le soustitre, lui, Tomlinson fait référence à Kellon Tomlinson,
l’auteur d’un livre sur l’art de la danse et, plus
particulièrement, à une gravure de 1727 intitulée
Plans au sol avec figures.
Claude LÉVÊQUE
Né en France en 1962 - Vit en France
La nuit pendant que vous dormez, je détruis le monde, 2009
Drapeau en soie sérigraphiée
120 x 180 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Claude Lévêque est un artiste français qui a
représenté la France lors de la Biennale de Venise
de 2009.
Élément récurrent dans les œuvres de Claude
Lévêque, la notion d’isolement physique et sensoriel
est aussi étroitement liée au principe de rupture
spatiale et temporelle. Pénétrer dans l’univers
de Claude Lévêque consiste en effet à quitter un
territoire connu pour une dimension vacillante,
un entre-monde fait d’attracteurs étranges au
sein duquel le sens s’étiole en même temps que
s’évaporent les repères physiques communs.
L’intérêt que porte Claude Lévêque aux univers
filmiques et plastiques de David Lynch et, de façon
plus générale, aux univers fantastiques, n’est pas un
hasard.
Cette œuvre, dont le titre est aussi l’inscription,
a été conçue sur un drap de soie noire,
semblable à un pavillon de navire pirate.
L’écriture, tremblante, est un usage récurrent dans
l’œuvre de Claude Lévêque. Ses énoncés, souvent
écrits de la main hésitante de sa mère, possèdent
une puissance évocatrice sidérante dont le pouvoir
est d’autant plus renforcé par la contradiction des
énoncés et du graphisme qui les porte.
La nuit pendant que vous dormez, je détruis le monde
propulse de manière énigmatique les menaces
d’apocalypse et de chaos les plus féroces,
pendant que vous dormez.
La sentence revêt de multiples lectures
possibles, de l’acte de piraterie à la punition
divine, en passant par toute une imagerie
cinématographique (voir, par exemple, Dark City
d’Alex Proyas et sa destruction-reconstruction
cyclique du monde chaque nuit, quand les hommes
dorment, hypnotisés par d’étranges créatures).
Judit REIGL
Née en Hongrie en 1923 - Vit en France
Dessins d’après musique, 1982
Encre de Chine sur papier
2 x (29,7 x 21 cm)
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
Judit Reigl a été comme Jean Degottex et Simon
Hantaï, proche du Surréalisme – puisque sa
première exposition personnelle à Paris en 1954
était préfacée par André Breton – mais à l’instar
de ces deux artistes, elle s’éloigne rapidement
de l’imagerie onirique propre à cette mouvance
pour développer un langage abstrait fortement
individualisé, essentiellement axé sur une pratique
dérivée de l’écriture automatique.
Les deux encres sur papier de petites dimensions,
présentées
dans
cette
exposition, sont
emblématiques de cet attachement que porte
Judit Reigl à un style dont la règle première soit de
préserver toute la spontanéité du geste dans
une écriture tenant à la fois de la calligraphie
extrême orientale, de la partition musicale
et du griffonnage semi conscient. Les Dessins
d’après musique entretiennent une relation avec une
autre œuvre que possède le Frac Auvergne intitulée
L’Art de la Fugue : peinte sans intervention du
conscient, de manière tout à fait automatique, cette
œuvre a également été réalisée dans des conditions
particulières puisque les gestes sont partiellement
menés par l’écoute de la musique de Jean-Sébastien
Bach qui donne son titre au tableau.
Dans les deux œuvres qui nous concernent,
l’écoute de la musique impose un rythme à
l’écriture, conditionne le corps dans la trace
que celui-ci va laisser, une trace scripturale non
signifiante. Bien qu’ils puissent évoquer les Fausses
lettres de Bernard Réquichot en 1961 ou certains
dessins d’Henri Michaux, il s’agit moins de simuler
une écriture que d’emporter celle-ci dans un
territoire que la main ne connaît pas, d’en faire une
sorte de sismographe émotionnel et gestuel
dans les limites d’une simple feuille format A4.
Georges ROUSSE
Né en France en 1947 - Vit en France
Genève, 1995
Aquarelle sur papier, 30 x 22 cm
Genève, 1995
Photographie sur aluminium, 155 x 125 cm
Collection FRAC Auvergne
Notice de l’œuvre
La démarche de Georges Rousse est d’exploiter
les ressources de l’architecture, de la peinture
et de la sculpture aux fins de la création
d’une oeuvre photographique. Il choisit tout
d’abord un lieu en fonction de son architecture et
du fait qu’il est sur le point d’être détruit. Ensuite, il
décide d’une composition ou d’une forme à peindre
de manière à ce que d’un seul point de vue la forme
apparaisse régulière et parfaite. Ce principe est
hérité de l’anamorphose qui consistait surtout
dans la peinture du XVIème et XVIIème siècle à ne
pouvoir révéler une image ou une partie du tableau
qu’en se plaçant sous un certain angle ou à regarder
l’image dans un miroir courbe.
Réalisée à Genève chez un particulier, cette
photographie appartient à une série qui met
l’accent sur les effets graphiques et sur les aplats
monochromes. Nous sommes entre l’ornement
architectural et la synthèse minimale de
constructivistes. C’est la collision entre peinture et
photographie. La photographie témoin donne une
œuvre presque irréelle à l’aspect de photomontage
mais qui fait la synthèse entre architecture, peinture,
géométrie et photographie. L’œuvre de Rousse
questionne la mémoire des lieux, la représentation,
l’architecture et les codes et systèmes perspectifs.
L’aquarelle qui accompagne cette photographie
fait partie du processus de création de l’artiste
qui a décidé seulement que depuis quelques
années de montrer les étapes préliminaires
à la prise de vue finale.
De la feuille de papier, l’artiste dit qu’elle est le
lieu de l’utopie, qui lui permet de développer son
travail sans contrainte et de garder trace de ses
investigations dans l’espace : « ces dessins, projets,
fictions, utopies sont comme ma propre mémoire, du
moins celle de mon œuvre ». Ainsi pour la plupart, ces
aquarelles représentent des projets ou des variantes
de ses derniers travaux réalisés. « Mon travail est
évidemment photographique, mais il est avant tout la
réalisation de dessins dans l’espace. Formes tracées,
utilisation de la craie rappelant le geste et les hachures
du crayon. Avant de réaliser un projet, je concrétise avec
l’aquarelle la transparence de la lumière, proche dans
cette technique de la transparence de la photographie.
L’aquarelle préparatoire me permet d’explorer l’espace,
de vivre intimement la relation de la couleur et de
la lumière dans ces lieux avant de me projeter dans
l’espace réel. Mon travail c’est la couleur, la lumière, le
dessin. »
REPÈRES
RÉFÉRENCES
Le dessin à dessein
ART
1553 : Hans Holbein, Les Ambassadeurs
1594-1665 : Nicolas Poussin
1780-1867 : Jean-Auguste-Dominique Ingres
1834-1917 : Edgar Degas
1943-1947 : Matisse, Jazz
1951 : Henri Michaux, Mouvements
1974 : Alexandre Calder, Horizontal
1978-1979 : Ernest Pignon Ernest, Arthur Rimbaud
1995 : Wim Delvoye, Eddy et Christophe
2005 : Cy Twombly, Bacchus
2010 : Felice Varini, Vingt-cinq carrés bleus en damier
LITTÉRATURE
1927 : Howard Phillips Lovecraft, La Couleur tombée du ciel
1966 : Dino Buzzati, Le K «Douce nuit»
CINÉMA
1998 : Alex Proyas, Dark City
POUR ALLER PLUS LOIN
Le dessin dans la collection du FRAC Auvergne
Alain SÉCHAS
La Pieuvre, 1990
Polyester, plexiglas, inox, 1200 x 900 x 350 cm
Collection FRAC Auvergne
Sylvia BÄCHLI
Floreal VII, 1999
Gouache sur papier, 150 x 200 cm
Collection FRAC Auvergne
Si le grand public connaît surtout d’Alain Séchas
ses fameux chats, c’est aujourd’hui l’ensemble de
son œuvre qui s’est imposé dans le monde de l’art
comme totalement atypique en pointant du doigt
avec distance et humour la société contemporaine
et en traitant les sujets des plus graves aux plus
anodins.
Né en 1955, Alain Séchas a d’abord été professeur
de dessin. Il commence à créer ses premières
œuvres dans les années 1980 : des sculptures
pour la plupart. Le point de départ de son travail
est toujours un dessin auquel il s’attache ensuite
à donner du volume, une forme charnelle, quasi
vivante.
La Pieuvre présente une scène de vol figée en un
instant crucial : la pieuvre, hypnotisant le bijoutier
qui lui présente des pierres précieuses, lui dérobe
son stock de diamants avec la complicité de
comparses fantomatiques, dont un attend dans
une voiture prête à démarrer en trombe.
Par les formes arrondies et simples, par un
vocabulaire plastique emprunté au monde de la
bande dessinée, l’œuvre d’Alain Séchas oriente
tout d’abord le spectateur vers une interprétation
humoristique. Ce procédé lui permet de s’adresser
directement au spectateur sans que celui-ci n’ait
besoin d’aucun savoir pour la comprendre. « Si
c’est beau, c’est beau pour tout le monde ».
Silvia Bächli se consacre depuis plus de trente
ans à la pratique quotidienne du dessin. Des
dessins d’apparence modeste, loin des effets
d’emphase et de virtuosité, dont elle fait un outil
de questionnement du regard et de la mémoire.
Figuratifs ou abstraits,ses dessins sont généralement
liés à son expérience perceptive, à ses fréquentes
promenades, à des instants d’observation (d’un
processus mental, mais aussi du corps, d’une herbe,
d’un parcours…). Cette attention au monde, cette
collecte d’impressions souvent minimes, constitue
la première étape du travail. « Des lignes croisées
peuvent être des étoiles, des lignes de la paume de
la main (…) Il est possible que l’on sente ressurgir le
figuratif même s’il n’y a que peu de signes qui l’indique
avec certitude » explique l’artiste.
Le deuxième temps se joue en atelier. Sur des
papiers de divers formats et tonalités, l’artiste
utilise l’encre de Chine, la gouache, le pastel gras
ou le fusain, surtout dans les gris et noirs, mais aussi
dans quelques tons de bruns et de bleus sourds. Le
geste est libre et délié, cadrant un motif allusif sur
la feuille, et allongeant le trait pour développer des
transparences. S’en suit un temps de repos, après
lequel intervient le processus de sélection critique,
qui conduit à l’élimination de certaines feuilles et
à des regroupements provisoires par analogies
thématiques ou formelles.
Floreal VII s’intègre dans une série consacrée à des
motifs dont la source est végétale mais n’ayant
pas pour objet de s’inscrire dans la représentation
d’un ensemble de motifs floraux.
Dove ALLOUCHE
Charnier, 2011
Graphite sur papier, 112 x 236 cm
Collection FRAC Auvergne
Jérôme ZONDER
Chairs grises #6, 2014
Fusain et mine de plomb sur papier, 100 x 200 cm
Collection FRAC Auvergne
Dessinateur virtuose, Dove Allouche construit
une œuvre profonde dont la majeure partie est
fondée sur la retranscription par le dessin ou la
photographie de lieux particulièrement marqués,
soit parce qu’ils sont porteurs d’une histoire
soit par l’évocation symbolique forte qui habite
certains sites.
Jérôme Zonder est l’un des dessinateurs
français les plus intéressants de sa génération.
Très influencé par les dessins de Pierre-Olivier
Hucleux, de Pierre Klossowski, ainsi que par la
peinture d’histoire d’Otto Dix, il a réalisé à partir
de 2013 une série intitulée Chairs Grises, consacrée
à la représentation d’images extraits des heures
les plus sombres de la Seconde guerre mondiale.
Parmi ces images, quatre en particulier posent la
question de la possibilité de la représentation des
événements les plus extrêmes de notre histoire
contemporaine. Il s’agit des qautre uniques
photographies prises à Auschwitz-Birkenau,
depuis l’intérieur d’une chambre à gaz, par les Juifs
membres des Sonderkommandos, ces sections
composées de prisonniers chargés du traitement
des corps dans le contexte de la Solution Finale
nazie. Ces quatre images, qui ont fait l’objet d’une
étude remarquable par l’historien Georges DidiHuberman (Images malgré tout), ont été reprises
par Jérôme Zonder sous la forme de grands
dessins de 200 x 150 cm réalisés à laide de milliers
d’empreintes de doigts. Chairs Grises #6 est l’une
de ces images.
Charnier est une double image, virtuose, exécutée
durant des semaines à partir d’une plaque
stéréoscopique, ancêtre de l’image 3D qui
permettait, notamment, aux photographes envoyés
sur les champs de bataille de la Première Guerre
mondiale de ramener des images saisissantes
de l’horreur pour que l’opinion publique puisse
prendre connaissance avec un réalisme optimal
de la réalité des massacres. Cette plaque, acquise
par Dove Allouche dans une vente aux enchères,
a fait l’objet d’un agrandissement démesuré qui
supprime l’effet stéréoscopique originel, annihile
le spectaculaire de l’image. Ce cadavre abandonné
dans une tranchée ne sera pas vu selon l’optique
voyeuriste avec laquelle la prise de vue avait
été réalisée et, bien plus encore, le verre de
protection de l’œuvre opère une mise à distance
supplémentaire de cette double image qui en
réalité n’en est pas une. En effet, un examen attentif
permet de voir que ces deux images sont décalées
l’une par rapport à l’autre pour rendre possible
la vision tridimensionnelle de la plaque de verre
d’origine. «L’effet de relief est désamorcé : les deux
vues, qui, pour produire l’effet stéréoscopique
doivent optiquement se superposer, sont ici
juxtaposées. L’image ne fonctionne pas comme
un indice de profondeur, mais au contraire, en se
dédoublant, manifeste son caractère de surface.
Les Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC), créés au début des années 80, sont des institutions
dotées de trois missions essentielles.
La première consiste à constituer des collections d’œuvres d’art représentatives de la création contemporaine
de ces 50 dernières années. La seconde est une mission de diffusion de ces collections sous forme d’expositions,
tant dans les régions d’implantation des FRAC respectifs qu’ailleurs en France et à l’étranger. Enfin, la troisième
raison d’être de ces institutions est d’œuvrer pour une meilleure sensibilisation des publics à l’art de notre
époque.
Le FRAC Auvergne a choisi dès le départ d’orienter sa collection vers le domaine pictural, se dotant ainsi
d’une identité tout à fait spécifique dans le paysage culturel français.
Aujourd’hui composée de plus de 700 œuvres, cette collection circule chaque année en région Auvergne et
ailleurs, à raison de 20 expositions annuelles.
Le FRAC Auvergne bénéficie du soutien du Conseil Régional d’Auvergne et du Ministère de la Culture –
Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Auvergne.
Il est également soutenu, pour l’Art dans les Lycées, par le Rectorat.
Programmation du FRAC
FRAC AUVERGNE
6 rue du Terrail - 63000 Clermont-Ferrand
Gilles Aillaud
Du 10 octobre 2015 au 17 janvier 2016
A quoi tient la beauté des étreintes
(Exposition des œuvres de la collection du FRAC Auvergne)
Du 30 janvier au 27 mars 2016
Pius Fox
Du 9 avril au 19 juin 2016
AUTRES EXPOSITIONS PÉDAGOGIQUES
Anatomies
Aziz+Cucher, Frédéric Castaldi, Philippe Cognée, Gérard Fromanger, Pierre Gonnord, Fabian Marcaccio
> Lycée Louis Pasteur - Lempdes. Du 5 janvier au 5 février 2016
> Lycée agricole de Rochefort-Montagne. Du 1er mars au 1er avril 2016
Les échos de la mémoire
Darren Almond, Horst Haak, Johannes Kahrs, Fabrice Lauterjung, Al Martin, Jean-Luc Mylayne
> Lycée Pierre-Joël Bonté - Riom. Du 3 décembre au 12 février 2016
> Lycée agricole de St-Gervais d’Auvergne. Du 8 mars au 8 avril 2016
Le dessin à dessein
Marc Bauer, Patrick Condouret, Rémy Jacquier, Claude Lévêque, Judit Reigl, Georges Rousse
> Lycée Ste-Marie - Riom. Du 7 janvier au 5 février 2016
> Lycée Le Sacré Cœur - Yssingeaux. Du 15 mars au 12 avril 2016
Dialogues
Roland Flexner, Raymond Hains, Rémy Hsybergue, Christian Jaccard, Denis Laget, David Lynch
> Lycée Albert Londres - Cusset. Du 10 novembre au 8 décembre 2015
Expositions des œuvres de la collection du FRAC Auvergne
Dans le cadre des EROA (Espaces de Rencontre avec l’Œuvre d’Art) :
La fabrique de l’image (Darren Almond, Anne-Sophie Emard, Agnès Geoffray, Emmanuel Lagarrigue, Marc Le
Mené, Platino)
> Lycée Jean Monnet - Yzeure. Du 1er décembre 2015 au 25 mars 2016
Œuvres de la collection du FRAC Auvergne
> Lycée Blaise Pascal - Ambert. Du 3 mars au 29 avril 2015
Dans le cadre des jumelages :
Œuvres de la collection du FRAC Auvergne
> Lycée René Descartes - Cournon. Du 29 février au 2 mai 2016
Projet FÉDÉRATEUR WORKSHOP EN LYCÉES PROFESSIONNELS
> CFA Haute-Loire - Bains
Section menuiserie et charpente
> Lycée Godefroy de Bouillon - Clermont-Ferrand
Section graphisme et décor
> Lycée Charles et Adrien Dupuy - Le Puy
Section usinage
> Lycée François Rabelais - Brassac-les-Mines
Section chocolat
> Lycée Pierre-Joël Bonté - Riom
Section énergie
> Lycée Saint-Géraud - Aurillac
Section communication graphique
> Lycée Lafayette - Clermont-Ferrand
Section électrotechnique
> EPL Saint-Flour
Filière environnement nature
FRAC Administration
1 rue Barbançon
63000 Clermont-Ferrand
Tél. : 04.73.90.5000
[email protected]
Site internet : www.fracauvergne.com
6 rue du Terrail
63000 Clermont-Ferrand
Tél. : 04 73.90.5000
Ouverture :
- de 14 h à 18 h du mardi au samedi
- de 15 h à 18 h le dimanche
- fermeture les jours fériés
Entrée libre
Contact pour les scolaires
Laure Forlay, chargée des publics au FRAC Auvergne
04.73.74.66.20 ou par mail à : [email protected]
Patrice Leray, Professeur correspondant culturel
[email protected]
Ce document est disponible en téléchargement sur le site du FRAC Auvergne :
www.fracauvergne.com
et sur le site du rectorat de l’académie à l’adresse suivante :
http://www3.ac-clermont.fr/pedago/arts/ressources.htm
En couverture : Georges Rousse, Genève, aquarelle sur papier, 30 x 22 cm. Collection FRAC Auvergne
FRAC Salle d’exposition

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