L`impact des erreurs de calcul sur la validité d`une soumission et sur
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L`impact des erreurs de calcul sur la validité d`une soumission et sur
L’impact des erreurs de calcul sur la validité d’une soumission et sur les droits des soumissionnaires PAR ME ALI T. ARGUN (514) 845-3533, POSTE 2202 [email protected] Introduction Au Québec, plusieurs organismes doivent attribuer les contrats de construction par voie de soumissions, tant dans le domaine public que dans le domaine privé. Par ce processus, le donneur d’ouvrage fera connaître ses exigences quant aux travaux à réaliser et aux qualifications qu’il entend retrouver chez son futur co-contractant. Les soumissions déposées en réponse aux appels d’offres devront alors être étudiées pour en déterminer leur conformité. Qu’advient-il en cas d’erreurs ou d’irrégularités dans une soumission? L’état du droit permet une certaine discrétion au donneur d’ouvrage d’accepter une soumission qui n’est possiblement pas en tout point conforme aux conditions et exigences stipulées à l’appel d’offres. « Cette absence de formalisme permet aux autorités administratives de ne pas rejeter une soumission substantiellement conforme, dont les irrégularités ne portent que sur des points accessoires et secondaires facilement remédiables, en l’absence de mauvaise foi de la part des soumissionnaires. » 1 Les représentants du donneur d’ouvrage devront donc étudier les soumissions pour déterminer leur degré de conformité avec les exigences de l’appel d’offres et attribuer le contrat au plus bas soumissionnaire jugé conforme. Les erreurs de calcul dans une soumission Qu’advient-il d’une soumission comportant des erreurs de calcul ? Doit-elle être jugée nonconforme ou les erreurs qu'elle contient doivent-elles êtes corrigées par les représentants du donneur d’ouvrage? Il convient tout d’abord de mentionner que la relation résultant de l’appel d’offres et du dépôt d’une soumission en réponse à cet appel d’offres peut être qualifiée de véritable contrat, comme l’a 1 e René DUSSAULT et Louis BORGEAT, Traité de droit administratif, 2 éd., tome 1, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1984, p. 659. 2 énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt M.J.B. Entreprises Ltd. 2 et l’a réitéré par la suite la Cour d’appel du Québec 3. Les modalités de ce contrat sont régies par les conditions énoncées à l’appel d’offres 4. Il sera donc essentiel de consulter l’avis au soumissionnaire lorsque se présente l’opportunité de traiter d’une erreur de calcul, puisqu’il pourrait contenir une clause prévoyant la marche à suivre dans une telle situation 5. L’erreur de calcul est une forme « d’erreur matérielle » qui doit donc être analysée dans le contexte contractuel. Il s’agit d’un type d’erreur qui correspond à « l’idée qu’un écrit ne reflète pas l’intention des parties suite à une coquille, erreur de calcul ou autre faute d’inattention » 6. La doctrine et la jurisprudence énoncent que lorsque l’erreur de calcul est perceptible à la lecture même du document, il sera possible de procéder à sa correction. À cet effet, la Cour suprême du Canada reconnaît que : « Devant une dérogation ou une omission mineure dans la soumission, constatée et appréciée au moment de l’ouverture des soumissions, une municipalité peut permettre à un soumissionnaire d’apporter les corrections qui s’imposent à sa soumission, après son ouverture, pourvu que le principe de l’égalité des soumissionnaires soit respecté. Elle n’est pas obligée de rejeter la plus basse soumission affectée d’une irrégularité mineure. [Notre soulignement.] » 7 Selon l’honorable Thérèse Rousseau-Houle, les erreurs de calcul qui doivent être corrigées sont les erreurs de calcul dans les opérations mathématiques nécessaires à l’établissement du montant global de l’offre. « Comme la correction de ces erreurs ne laisse place à aucune interprétation, le principe de l'égalité entre les soumissionnaires est respecté. » 8 Pour qu’elle puisse être corrigée, l’erreur ne doit donc impliquer aucune spéculation sur l’intention du soumissionnaire 9. Bien que le donneur d’ouvrage puisse corriger l’erreur matérielle apparaissant à la face même de la soumission, a-t-il l’obligation de le faire ou peut-il utiliser sa discrétion pour rejeter la soumission 2 M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, [1999] 1 R.C.S. 519. Bau-Québec c. Ville de Ste-Julie, REJB 1999-14900; Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, 2010 QCCA 219, par. 50. 4 Bau-Québec c. Ville de Ste-Julie, préc. note 3, par. 27. 5 Excavation Louis St-Denis inc. c. Ste-Thérèse (Ville), EYB 1995-95611 6 Nicolas Vermeys, « Le poids des virgules – Étude sur l’impact des erreurs matérielles en droit des contrats », (2006) 66 R. du B. 291, 291. 7 Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, préc. note 3, par. 51. 8 Thérèse ROUSSEAU-HOULE, Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, p. 66. 9 Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, préc. note 3., par. 22. 3 3 pour non-conformité ? La réponse à cette question se trouve dans la gravité de l’erreur. Chaque cas d’espèce est analysé en fonction des faits. L’auteur André Langlois affirme pour sa part que : « Lorsqu'une soumission comporte des erreurs dans le calcul du prix, les représentants de l'organisme municipal doivent les corriger lorsqu'il s'agit de simples erreurs mathématiques ne laissant aucune place à interprétation et qu'elles apparaissent à la lecture même de la soumission, surtout lorsqu'elles ne changent pas l'ordre des soumissions. Il ne faut pas que l'erreur « appelle des explications extérieures aux pièces de la soumission » et qu'elle nécessite une opération mathématique complexe. Par ailleurs, il ne doit pas s'agir d'une erreur du soumissionnaire dans l'évaluation même de sa prestation et du prix qu'il établit à ce sujet. [Notre soulignement.] » 10 À titre d’exemple, dans la décision Excavation Louis St-Denis 11, l’entrepreneur ayant remporté la soumission a réalisé qu’il avait commis une erreur de calcul dans le montant des taxes au moment où il désirait se faire payer le plein montant après la réalisation des travaux. La correction de l’erreur gardait l’entrepreneur au rang de plus bas soumissionnaire. La Cour y a constaté que l’erreur était évidente à la seule vue de la soumission sans que des explications extérieures aient besoin d’être apportées et qu’elle devait donc être corrigée. La Cour s’est appuyée sur la clause de l’avis au soumissionnaire qui traitait des erreurs de multiplication ou d’addition dans l’établissement du montant total de la soumission. Conclusion Le respect des exigences d’un appel d’offres est d’une importance indéniable. Toutefois, une erreur de calcul qui ne nécessite aucune explication extérieure, ne laisse pas place à l’interprétation, n’affecte pas la ventilation des prix (les prix unitaires demeurent inchangés) et qui en plus ne change pas l’ordre des soumissions, doit être corrigée et cette correction n’aura alors pas pour effet d’affecter le principe de l’égalité des soumissionnaires. Les courants jurisprudentiel 12 et doctrinal majoritaires 13 nous informent qu’un donneur d’ouvrage doit utiliser sa discrétion de 10 e André LANGLOIS, Les contrats municipaux par demandes de soumissions, 3 éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 255-256; Les auteurs Jean Hétu et Yvon Duplessis abondent dans le même sens, Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS, Droit municipal : principes généraux et contentieux, 2e éd., Brossard, Publications CCH, 2003, p. 9 327, paragr. 9.131. 11 Excavation Louis St-Denis inc. c. Ste-Thérèse (Ville), préc. note 5. 12 Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, préc. note 3, par. 60; Transport Fafard inc. c. Corporation municipale de St-Eugène, C.S. Drummond, n° 405-05-000183-889, 26 octobre 1989; Les Entreprises de construction OPC Inc. c. Complexe hospitalier de la Sagamie, EYB 200585529 (C.S.), confirmé par 2005 QCCA 1123 (C.A.). 13 André LANGLOIS, Les contrats municipaux par demandes de soumissions, préc. note 10; Thérèse ROUSSEAU-HOULE, Les contrats de construction en droit public et privé, préc. note 8; Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS, Droit municipal : Principes généraux et contentieux, préc. note 10, p. 9 314 et 9 315. 4 bonne foi et doit corriger une erreur matérielle apparaissant à la face même de la soumission pour pouvoir respecter le principe de l’octroi de contrat au plus bas soumissionnaire. Pour plus d’information à ce sujet, Me Ali T. Argun se fera un plaisir de vous porter conseil. N’hésitez pas à communiquer avec lui au 514-845-3533, poste 2202 ou via courriel à l’adresse [email protected].