BAL DE L`X 31 MARS 2006

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BAL DE L`X 31 MARS 2006
FÉVRIER 2006 • N° 612 • 8 €
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COLLOQUE ENA-HEC-X 30 MARS 2006
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LA JAUNE ET LA ROUGE
REVUE MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ AMICALE DES ANCIENS ÉLÈVES DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE
5
LA FRANCE ET SES VINS
Dessin de Claude GONDARD
La Jaune et la Rouge,
revue mensuelle de la Société amicale
des anciens élèves de l’École polytechnique
Directeur de la publication :
Pierre-Henri GOURGEON (65)
Rédacteur en chef :
Jean DUQUESNE (52)
Rédacteur conseil :
Alain THOMAZEAU (56)
Secrétaire de rédaction :
Michèle LACROIX
Éditeur :
SOCIÉTÉ AMICALE DES ANCIENS ÉLÈVES
DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE
5, rue Descartes, 75005 Paris
Tél. : 01.56.81.11.00
Mél : [email protected]
Fax : 01.56.81.11.01
Abonnements, Annuaire, Cotisations :
01.56.81.11.05 ou 01.56.81.11.15
Annonces immobilières : 01.56.81.11.11
Fax : 01.56.81.11.01
Bureau des Carrières : 01.56.81.11.14
Fax : 01.56.81.11.03
Rédaction :
5, rue Descartes, 75005 Paris
Tél. : 01.56.81.11.13
Mél : [email protected]
Fax : 01.56.81.11.02
Tarif 2006
Prix du numéro : 8 €
Abonnements :
10 numéros par an : 33 €
Promos 1996 à 1999 : 25 €
Promos 2000 à 2002 : 17 €
5 Éditorial de Claude GONDARD (65), président du Groupe X-Vinicole
7 La crise de la filière vitivinicole
par Thierry BRULÉ
9 Table ronde avec Hubert de BOÜARD, Pierre-Henri GAGEY,
Marcel GUIGAL, Jean-Claude ROUZAUD et Laurens DELPECH
11 La nouvelle géographie des vins français
par Jean-Robert PITTE
16 Trop d’intelligence tue l’intelligence – le système Inao en question
par Alexandre LAZAREFF
20 Table ronde de membres du Groupe X-Vinicole avec Sophie de
PORCARO, Christophe LANSON (86), Jean-François ARRIVET (57),
Jean-Daniel DOR (80), Jean PERRIN (50) et Claude GONDARD (65)
25 De vigne en cave, réflexions d’un exploitant
par Claude GONDARD (65)
28 Claude GONDARD (65), dessinateur, graveur et médailleur
29 Fondation de l’École polytechnique – FX
La formation de spécialisation à l’étranger
30 Hadi MOUSSAVI (95), lauréat du prix Pierre Faurre 2005
FORUM SOCIAL
Impression :
EURO CONSEIL ÉDITION
LOIRE OFFSET PLUS
Commission paritaire n° 0109 G 84221
ISSN n° 0021-5554
Tirage : 11 900 exemplaires
N° 612 • FÉVRIER 2006
31
31 S’attaquer aux causes profondes de la ségrégation sociale
par Éric MAURIN (81)
LIBRES PROPOS
Publicité :
FFE, 18, AVENUE PARMENTIER
BP 169, 75523 PARIS CEDEX 11
TÉLÉPHONE : 01.53.36.20.40
29
V I E D E L’ É C O L E
33
33 Développement agricole inégal et sous-alimentation paysanne
par Marcel MAZOYER
IN MEMORIAM
41 Pierre STROH (31), 1912-2005,
par Jacques PIRAUD (31)
42 André GEMPP (39), 1920-2005,
par Jean TOUFFAIT (44)
44 Olegh BILOUS (1948), 1927-2004,
par André LUC (48)
41
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46
ARTS, LETTRES ET SCIENCES
46 Les livres
48 Bridge par François DELLACHERIE (88),
Récréations scientifiques par Jean MOREAU DE SAINT-MARTIN (56),
Allons au théâtre par Philippe OBLIN (46)
49 Œnologie par Jean-Pierre TINGAUD (61)
51 Discographie par Jean SALMONA (56)
53
V I E D E L’ A S S O C I A T I O N
53 16e Salon des vignerons polytechniciens le 19 mars 2006
54 GPX
55 Groupes X
Prix de l’ingénieur de l’année 2005
56 Cotisation 2006
57 Vie des promotions,
Carnet professionnel
58 Rencontres avec des hommes remarquables,
Le retour de l’ambition politique, Passer de la démocratie à la responsabilité
Entretien avec Jacques Attali, jeudi 23 mars 2006 au Palais des Congrès, 75017 Paris
59 7e colloque international des anciens élèves de l’ENA, HEC et Polytechnique,
jeudi 30 mars 2006, Centre de conférences Pierre Mendès-France (ministère de l’Économie)
60 Le 115e Bal de l’X aura lieu le vendredi 31 mars 2006 à l’Opéra Garnier
Carnet polytechnicien
ANNONCES
62
62 Bureau des carrières
64 Autres annonces
Comité éditorial
de La Jaune et la Rouge :
Pierre LASZLO, Gérard PILÉ (41), Maurice BERNARD (48),
Michel HENRY (53), Michel GÉRARD (55), Alain MATHIEU
(57), Jean-Marc CHABANAS (58), Jacques-Charles FLANDIN
(59), Jacques PARENT (61), Gérard BLANC (68), Jacques
DUQUESNE (69), Nicolas CURIEN (70), Alexandre
MOATTI (78), Hélène TONCHIA (83), Jean-Philippe
PAPILLON (90), Bruno BENSASSON (92).
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Lorsque Claude Gondard (65), président du groupe X-Vinicole, nous a proposé de consacrer un numéro spécial
de La Jaune et la Rouge au thème du vin, nous avons été reconnaissants à Laurens Delpech qui anime depuis
bien des années notre rubrique œnologie, de s’intéresser à notre projet. Il préparait de son côté un numéro de
l’Ena hors les murs, le magazine des anciens élèves de l’Ena, sur un thème voisin : le vin et la gastronomie. C’est
avec l’accord de l’AAEENA, Association des anciens élèves de l’Ena, et celui des auteurs que nous empruntons à
cette revue trois articles remarquables et une interview de personnalités éminentes du monde du vin. Grâce leur
soit rendue.
L’article de Thierry Brulé explique avec lucidité la situation dans laquelle se trouve actuellement le vin français,
face à la concurrence internationale. Alexandre Lazareff, dans le prolongement de cet article, montre comment
le système des appellations contrôlées qui a sous-tendu le succès des vins français se retourne aujourd’hui contre
eux. Prenant un recul étudié, Jean-Robert Pitte, géographe de renom, met en évidence les points forts de la
viticulture française, insistant pour qu’ils soient consolidés, de manière à servir de points d’appui à un redéploiement
de notre offre.
De son côté, Claude Gondard nous fait part de ses réflexions d’exploitant sur l’état de la science dans le domaine
vitivinicole, et quelques membres du Groupe X-Vinicole nous livrent leurs propres points de vue.
Nous avons enfin demandé à Claude Gondard, par ailleurs artiste médailleur travaillant pour la Monnaie de
Paris et auteur d’une remarquable série de médailles sur les grands vins français, d’illustrer le présent numéro.
La Jaune et la Rouge
ÉDITORIAL
de Claude Gondard (65),
président du Groupe X-Vinicole
Le bleu, le blanc et le rouge
La France et ses vins
avait publié en décembre 1985 un numéro spécial sur le vin intitulé “ Le blanc et
le rouge ”. C’était l’époque où le vin français tirait les dividendes d’une politique d’amélioration de la
qualité : la consommation diminuait alors en quantité, mais augmentait en valeur. Les vins d’Appellation
d’origine contrôlée (AOC), à la française, apparaissaient définitivement, de droit divin, comme les
meilleurs nectars de la planète. Cet excellent numéro, à la fois encyclopédique et historique, poétique
et humoristique, est à l’image de cette euphorie. Ce numéro de La Jaune et la Rouge peut être, en outre,
considéré comme l’acte fondateur du Groupe X-Vinicole : qu’il me soit permis de rendre ici hommage
à ses fondateurs et présidents, Fernand CHANRION (35), aujourd’hui disparu, Georges RÈME (39) et
mon prédécesseur Jacques-Pascal CORDEROY du TIERS (47) pour la compétence, l’efficacité et la
gentillesse avec lesquelles ils ont su animer notre groupe.
L
A JAUNE ET LA ROUGE
Le contexte a bien changé en l’espace d’une vingtaine d’années. Attaqués par des concurrents qui ne
se contentent plus des seuls vins de consommation courante ou de moyenne gamme, les vins français
voient également leurs positions contestées dans les hauts de gamme. En outre, la filière vitivinicole
française doit faire face à de multiples contraintes en France même. Les médias se sont largement fait
l’écho des limitations d’accès à la publicité pour les boissons alcoolisées (loi Évin), ou des restrictions
imposées aux conducteurs de véhicules. Mais comme les autres filières agricoles, la viticulture est
soumise à des contraintes environnementales de plus en plus pressantes, sans parler de celles relatives
à l’emploi de main-d’œuvre ou aux règles médiévales du droit rural à la française.
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Cependant, cette analyse pessimiste doit être tempérée : force est de constater que la crise ne frappe
pas tous les producteurs. La Champagne fait notoirement exception : la santé économique de cette
région est manifeste. Par ailleurs, dans toutes les régions, les exploitations, coopératives ou maisons
de négoce, qui ont su fidéliser leurs clientèles par une politique de qualité intransigeante ne connaissent
pas non plus de crise.
Qualité : le mot est lâché ! Combien de mensonges et d’hypocrisies se cachent derrière ce terme !
Comment définir la qualité, l’obtenir, la contrôler? Une vaste réflexion mobilise aujourd’hui tous les acteurs
de la filière dans notre pays : comment adapter à la demande mondiale les AOC qui ont fait la force
du vin français, sans les affaiblir ? Comment rendre lisible l’offre française à un client qui n’en connaît
généralement pas les arcanes ?
Le présent numéro veut montrer qu’au-delà des problèmes rencontrés aujourd'hui par la filière vitivinicole,
nous assistons à une mobilisation exemplaire de tous ses partenaires pour procéder à un inventaire objectif
des causes du succès du vin français dans le passé et définir les règles du succès de demain. C’est un
message d’espoir, c’est la main tendue de tout un secteur économique qui a besoin d’être compris par
tous, par vous.
■
Laurens Delpech
Depuis de nombreuses années, Laurens Delpech nous fait profiter
de son érudition dans le domaine du vin, nous proposant chaque
mois des articles qui, sous la rubrique œnologie, nous permettent
d’approfondir nos connaissances des trésors que produit notre
pays et de découvrir les autres pays producteurs de vins de notre
planète.
Laurens Delpech est un ancien élève de l’Ena (promotion André
Malraux 1977) qui a fait une carrière aussi brillante que variée dans
divers cabinets ministériels et organismes d’État.
Longtemps responsable de l’Ena hors les murs, la revue des anciens
de l’Ena, Laurens Delpech consacre depuis toujours ses loisirs à
sillonner les régions viticoles, à découvrir les propriétés intéressantes,
à faire connaissance des meilleurs producteurs en cherchant à
comprendre leurs secrets. Écrivain de talent, il sait, avec sa
gentillesse et son humour, nous mettre l’eau à la bouche en nous
faisant partager ses découvertes. Il est, par ailleurs, l’auteur de plusieurs
ouvrages sur les grandes régions viticoles de notre pays et sur Le
vin et la truffe.
Ayant quitté l’Administration, il anime maintenant, avec son
complice de toujours, Philippe Capdouze, le Groupe Ficofi-Lafayette
Investissement, un ensemble intéressant de sociétés dont l’activité,
centrée sur les vins et spiritueux, est non seulement commerciale,
mais aussi culturelle, en organisant des dégustations de crus
prestigieux et en animant un pôle éditorial.
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LA FRANCE ET SES VINS
La crise
de la filière vitivinicole
Thierry Brulé 1
La France se considère comme le village d’irréductibles Gaulois
alors qu’elle dispose de la position de Rome !
Mais la situation actuelle ne laisse pas d’inquiéter, notamment
en raison de la surcapacité mondiale de production et de la réduction
de la consommation nationale.
En attendant les réformes, les producteurs français vont souffrir –
et, pour beaucoup, disparaître.
D
EPUIS LONGTEMPS, LA
FRANCE
dispose d’une position de leadership dans le monde du vin
autant en volume, avec 57 millions
d’hectolitres produits annuellement,
qu’en qualité et en prestige, avec des
icônes comme la Romanée-Conti ou
Petrus se vendant à plusieurs milliers
d’euros la bouteille.
D.R.
Une mutation profonde
Les régions viticoles françaises.
Mais la situation actuelle est inquiétante à plusieurs titres. La surcapacité mondiale de production de vin
est de l’ordre de 20 %, représentant
ainsi, approximativement, le volume
produit en France. De plus, la consommation de vin dans notre pays, passée de 135 litres par personne et par
an dans les années 1960 à 60 litres
environ dans les années 2000, est en
baisse constante et régulière. À l’export, l’offre française (segmentée en
vin de table, vin de pays, vin délimité
de qualité supérieure et appellation
d’origine contrôlée) est entachée d’une
image de complexité. La pléthore
d’AOC, au nombre de 467, discrédite le contenu de cette mention qui
n’est ni un label de qualité, ni un gage
de rapport qualité-prix. L’offre française entre en concurrence avec une
offre dite du “ Nouveau Monde ”
(Californie, Amérique latine, Afrique
du Sud et Océanie), où les vins savent
répondre simplement aux désirs du
consommateur à l’aide de marques et
de produits constants gustativement.
La France a déjà perdu sa place
de leader sur des marchés aussi stratégiques que, par exemple, le RoyaumeUni, où les vins français sont détrônés par les vins australiens. Les difficultés
s’accumulent pour les producteurs
français : à Bordeaux, près de 800 vignerons, portés à bout de bras par les
banques locales, sont au bord de la
faillite.
Un certain nombre d’acteurs voudraient donc voir la France faire évoluer son système réglementaire (réforme
1. Thierry Brulé a écrit, lors de son MBA à l’Insead,
un rapport de recherche intitulé : “The French wine
industry : Fermenting a revolution ? ”.
Il peut être contacté à l’adresse suivante :
[email protected]
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D.R.
D.R.
Vers un système
à deux vitesses ?
des AOC, reconnaissance des vins de
cépages mais aussi réforme du rôle
des SAFER et des Commissions de
structure), accusé de paralyser l’entrepreneurship et la dynamique d’innovation marketing, pour voir apparaître de grands acteurs français capables
de lutter à armes égales contre les producteurs anglo-saxons, en particulier
australiens, qui, à quatre, maîtrisent
60 % de leur production nationale.
D.R.
Cependant, la baisse tendancielle
de la consommation de vin en France
peut aussi se comprendre comme une
mutation profonde. D’accompagnement
naturel de l’alimentation au quotidien, le vin est devenu une boisson
festive consommée de façon occasionnelle dans un contexte convivial.
Le marché a donc migré vers le haut
de gamme, augmentant en valeur de
4,5 milliards d’euros au début des
années 1990 à plus de 5 milliards
aujourd’hui. De même, l’export a fortement crû depuis 2001, représentant l’équivalent en valeur de 100 avions
gros-porteurs type Airbus.
Pauillac, Château Lafite.
8
FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
L’opposition entre ces deux camps
est permanente. Les acteurs qui les
composent ne parvenant pas à faire
triompher leurs vues paralysent la
réaction de la France, laissant les producteurs apporter des réponses personnelles de manière désordonnée.
La possibilité d’imaginer un système à deux vitesses est extrêmement
difficile : c’est sûrement une des raisons qui ont contré la mise en place
des propositions de René Renou, président de l’Institut national d’appellation
d’origine, à ce sujet.
Champagne Krug.
L’ensemble de ces grandes réformes
et de cette coordination des acteurs
n’étant pas près d’arriver, il semble
qu’il faille attendre la “mort” de nombre
de producteurs ou un réel engagement de nos politiques pour espérer
une réaction coordonnée.
Les responsables politiques devraient
tout de même avoir le courage d’affronter ce grand débat en pesant les
problèmes du court terme comme du
long terme et d’aligner tout le monde
derrière un pilote, les crises viticoles
du passé, comme celle de 1907 dans
le Languedoc et celle de 1911 en
Champagne, nous ayant démontré
leur impact sur l’ordre public et sur
la classe politique.
■
En effet, ce dernier supporte un
projet conservant les AOC actuelles
pour éviter tout remous mais ajoutant des “appellations d’origine contrôlée d’excellence ” (lorsqu’une majorité des producteurs de l’appellation
accepteraient de durcir les contraintes
de production et de qualité) et des
“ sites et terroirs d’exception ” (permettant de mettre en avant certains
producteurs qualitatifs au sein d’AOC).
Ce modèle s’inspire des DOCG
italiens, labels d’origine et de qualité
en opposition aux DOC, équivalent
de nos AOC. Il est cependant vrai que
ce projet, qui éclaircit les niveaux de
qualité des vins français, complexifie
en même temps l’offre.
D.R.
Beaune, Clos de l’Écu.
C’est pourquoi d’autres acteurs
voient les évolutions de marché
comme la conséquence logique de
l’attitude paresseuse de certains producteurs qui se sont reposés sur la
rente que représentait l’appellation
et se sont finalement laissé rattraper
par les nouveaux pays producteurs.
Prêts à laisser péricliter ceux qui ne
veulent pas réagir et détériorent
l’image de prestige de la France, ils
prônent la conservation et même le
renforcement du cadre réglementaire actuel pour permettre à la France
de “ s’en sortir par le haut ” tout en
s’appuyant sur la formidable diversité des vins français avec ses régions
et cépages multiples.
Puligny-Montrachet, Le vieux Château.
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LA FRANCE ET SES VINS
Table ronde
En réaction à l’article de Thierry Brulé, Laurens Delpech a interrogé
plusieurs producteurs de vins fins membres du Comité vin de l’Inao 1.
Il s’agit par ordre alphabétique de :
• Hubert de Boüard, Château Angélus, Premier Cru Classé de Saint-Émilion
(Bordeaux),
• Pierre-Henri Gagey, Maison Louis Jadot (Bourgogne),
• Marcel Guigal, Domaine Étienne Guigal (Côtes du Rhône),
• Jean-Claude Rouzaud, Champagne Louis Roederer.
Les producteurs interrogés regrettent le manque d’adaptation d’un système vieilli face à certaines évolutions
du marché.
Avec près des deux tiers de la production nationale en AOC, la garantie que procurent les règles est diluée.
Marcel Guigal reconnaît que la France
produit souvent cher des vins parfois mauvais ou sans intérêt, en se
cachant derrière l’appellation. JeanClaude Rouzaud dénonce un certain
“ laisser-aller qualitatif ” ainsi qu’une
fragmentation excessive de l’offre en
“microterroirs”, rendant toute approche
“ masse marketing ” impossible. Pour
ces raisons, l’Inao a “un devoir d’évolution ” (Hubert de Boüard).
Tous préconisent une segmentation
assumée pour bâtir une offre à étages.
Une telle évolution conduirait à une
production de vin à plusieurs vitesses,
répondant à des logiques différentes
et reflétant une réalité simple : les
grands crus se vendent bien tandis
que les vins de masse souffrent fortement de la concurrence. Il y aurait
d’une part les vins de terroir répondant à des cahiers des charges exigeants : c’est l’idée d’AOC d’Excellence
que le président de l’Inao a défendue
et que plusieurs producteurs regrettent de voir mise en sommeil. De
l’autre des vins plus simples, parfois
créatifs ou représentatifs d’un savoirfaire régional, pouvant bénéficier de
conditions de production plus souples.
“ La France a autant besoin de ses
grands crus que de ses petits vins.
Nous devons être fiers des uns comme
des autres ” (Pierre-Henri Gagey).
L’exemple italien, sans être la panacée, est cité par Jean-Claude Rouzaud
pour la réactivité des autorités de
tutelle des DOC 2 aux attentes des
marchés. Ainsi, lorsque des crus comme
Sassicaia ont décidé d’utiliser des
cépages non admis par les anciennes
règles de production, ils se sont baptisés “vins de table”; mais devant leur
succès, les autorités se sont empressées de modifier les règles de production des DOC pour réintégrer ces
“ super Toscans ”.
Parmi les contraintes – ou vécues
comme telles – qui pourraient être
assouplies, deux producteurs citent
la délicate règle des 85 % 3. Les vins
de terroir acceptent la contrainte maximale qui consiste à proposer effecti-
D.R.
Laurens Delpech :
La concurrence sur le marché
mondial entre pays producteurs de
vins est de plus en plus rude. Dans ce
contexte, le système français des AOC
est souvent critiqué pour son manque
de souplesse. Qu’en pensez-vous ?
D’autres pays, quand ils introduisent un système d’appellation d’origine, ne se préoccupent que de garantir l’origine du produit, ils laissent
les producteurs libres de leurs choix
en termes d’encépagement et de modes
de culture. N’est-ce pas une voie que
pourrait prendre le système français
des AOC ?
Château d’Ampuis, Domaine Guigal, médaille en bronze 72 mm.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006
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ses voisins européens, subit de plein
fouet l’arrivée sur le marché de vins
produits dans une logique de la
demande, dont le style mais aussi la
présentation répondent aux attentes
des consommateurs.
Reprenant l’idée d’une offre à étages,
Pierre-Henri Gagey et Hubert de
Boüard précisent que seule la catégorie “ basse ” devrait être plus centrée
sur les attentes des consommateurs,
sans pour autant les suivre à la lettre.
Les grands vins, quant à eux, doivent
rester dans une logique d’offre, privilégiant l’expression d’une authenticité et d’une typicité. Ils doivent
continuer de proposer un produit
sophistiqué, voire sanctuarisé, pour
une frange de 5 à 10 % des consommateurs.
Côte-Rôtie, Étienne Guigal.
vement ce qui est annoncé (100 % du
liquide provient de la vendange ou
du cépage cités) mais le taux de 85 %
pourrait s’appliquer aux vins génériques ou de marque. En autorisant
l’ajout de vin d’une autre année, ce
principe permettrait de lisser l’effet
millésime et de garantir une certaine
constance des produits.
Plus globalement la seule règle qui
compte aux yeux de Marcel Guigal, c’est
de “ramener le consommateur au plaisir en le déculpabilisant ”.
Ne pensez-vous pas que l’offre
française de vin gagnerait à être plus
centrée sur les demandes des consommateurs ?
Quels sont les avantages compétitifs de la France – et en particulier
de votre région – face à ses concurrents (pays producteurs de vins) ?
Pour Jean-Claude Rouzaud, très
marqué par la conception champenoise de production et de commercialisation des vins, “le drame de l’offre
française est d’être éclatée par la multitude de spécificités des terroirs, sans
aucune approche consommateur ”. Il
semble difficile de concevoir qu’elle
puisse s’adresser avec succès à une
large cible de consommateurs dont
le niveau d’éducation œnophile est
plus ou moins élevé. La France, comme
Les producteurs ne sont pas tendres
avec le modèle économique du vin
français mais ils savent en reconnaître
les forces.
D.R.
Pour deux d’entre eux, le système
d’appellation, perçu souvent comme
un handicap, est d’abord une chance
dans la mesure où il propose des règles
du jeu claires.
Champagne Roederer.
10 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Pierre-Henri Gagey, comme ses
confrères du Rhône ou du Bordelais,
voit dans l’antériorité de la culture de
la vigne et de l’élaboration du vin la
grande force de la France. Des siècles
de travail ont permis de déterminer les
meilleures pratiques de production, en
particulier l’adéquation entre les cépages
et les terroirs de chaque région. Pour
Hubert de Boüard ce patrimoine est
complété par l’extraordinaire biodiversité du paysage viticole français,
utile pour la production mais aussi
pour le tourisme du vin. Quant à Jean-
D.R.
14:11
Saint-Émilion, Château Ausone.
Claude Rouzaud, il met en avant la
plus grande “ digestibilité ” des vins
français tout en restant circonspect :
à son avis les atouts français ne sont
peut-être pas suffisants pour contrer
la vague concurrentielle.
L’élan que ces producteurs veulent incarner se résume dans le vœu
d’Hubert de Boüard : “ La France doit
évoluer vers un comportement conquérant, en étant fière de ses atouts pour
mieux les promouvoir. ”
■
1. Institut national des appellations d’origine
contrôlée.
2. Denominazione de Origine Controlata, équivalent de nos AOC.
3. N.D.L.R. : d’après les règlements communautaires sur l’étiquetage, la mention d’un millésime suppose qu’au moins 85 % du contenu
aient été récoltés l’année en question, ce qui
laisse la possibilité d’ajouter du vin d’autres
années. Aucun décret d’application n’existant
pour ces règlements à ce jour en France, la règle
des 85 % est donc en vigueur. Idem pour le(s)
cépage(s).
D.R.
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D.R.
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Gevrey-Chambertin, Château de Gevrey.
11-15_Pitte
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LA FRANCE ET SES VINS
La nouvelle géographie
des vins français
Jean-Robert Pitte,
président de l’université de Paris-IV - Sorbonne
Jean-Robert Pitte est connu du grand public par des ouvrages
remarquables consacrés à la gastronomie (Gastronomie française.
Histoire et géographie d’une passion) et à l’œnophilie (Le vin et le divin).
Il vient de terminer un ouvrage sur les vins de Bordeaux et de
Bourgogne qui est paru cet été, qui donne les clés des rapports souvent
passionnels que les Français entretiennent avec ces deux vins. Dans cet
article, remarquablement documenté, notamment au plan historique, il
explique les choix auxquels la viticulture française se trouve confrontée
face à la concurrence des vins du “ Nouveau Monde ”.
L
’ITALIE ANTIQUE a été la première
région du monde à élaborer,
dès l’Antiquité, de bons vins,
voire de grands vins, exportables. La
France a repris ce flambeau au Moyen
Âge et s’est maintenue jusqu’à nos
jours au premier rang mondial de la
production de vins fins à origine garantie, ressemblant à leur terroir physique et humain, ainsi qu’au millésime qui les a vus naître, c’est-à-dire
de vins que l’on peut qualifier de géographiques. Il est admis par tous les
œnologues et tous les amateurs que
l’on ne peut produire un bon vin géographique au-delà d’un rendement
de 50 hl/ha.
Le contexte mondial
de la viticulture française
Tous les pays viticoles ont appris
à élaborer des vins géographiques au
cours de ces dernières décennies, souvent sous l’impulsion de l’œnologie
française. Les régions plus évidemment favorisées telles que les pays
méditerranéens, la Californie, l’Ouest
argentin, le Chili central, la région du
Cap en Afrique du Sud, le sud de
l’Australie, la Nouvelle-Zélande produisent d’excellents vins de qualité,
mais minoritaires au sein d’une production de vins de cépages à haut rendement, souvent issus de vignes irriguées. Les vins ont pour fréquente
caractéristique de contenir une proportion non négligeable de sucre résiduel, y compris les rouges, ce qui les
différencie nettement des vins élaborés dans la plupart des pays européens, en dehors des vendanges tardives et des vins doux naturels (mutés
à l’alcool).
La nouvelle planète des vins est
aujourd’hui partagée entre deux voies
principales : celle des vins de cépages
et celle des vins de terroir. La première bénéficie d’avantages économiques importants. Elle est surtout
choisie par les régions où la terre ne
coûte pas très cher, où le soleil est
généreux, les plantations non réglementées et l’irrigation possible. La faiblesse des pentes y permet une mécanisation très poussée. Dans certains
pays, en outre, la main-d’œuvre est
très peu onéreuse, en comparaison
de sa cherté dans les pays de l’Union
européenne ou aux États-Unis. Les
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 11
Page 12
vins qui en sont issus sont bon marché et trouvent preneurs dans le pays
de production ou dans le monde anglosaxon (États-Unis, Canada, RoyaumeUni) et sa mouvance. Chacun boit ce
qu’il veut et s’il existe un marché pour
de tels vins, les producteurs auraient
tort de se priver d’en élaborer. En
revanche, dans la plupart des pays
d’ancienne viticulture d’Europe, la
main-d’œuvre et la terre sont chères,
les exploitations sont souvent petites
et morcelées. C’est le cas de la France
qui n’a aucun intérêt à se placer en
concurrence avec les producteurs de
vins de cépages. En France même, le
contexte national a beaucoup évolué
depuis quelques décennies. Chaque
Français buvait en moyenne 91 litres
de vin par an en 1980 ; il n’en buvait
plus que 57 litres en 1999. En même
temps, la consommation de vin ordinaire a autant baissé en proportion
que celle de vin de qualité a augmenté.
En dehors du combat d’arrièregarde que mènent certains viticulteurs du Midi, commercialisant par
l’intermédiaire de caves coopératives,
la viticulture française est en progrès
dans la plupart des régions, ce qui ne
veut pas dire qu’elle n’ait plus aucune
marche à gravir. Si l’on tente une typologie, on distingue plusieurs catégories, ce qui est une chance pour les
producteurs qui peuvent toucher des
clientèles variées, tant par leur goût que
par leurs moyens financiers.
Les vignobles à forte image
de marque nationale
et internationale,
gloires de la France
Trois régions bénéficient d’un prestige mondial ancien : le Bordelais, la
Bourgogne et la Champagne. Elles
illustrent parfaitement le modèle
naguère établi par Roger Dion (1959),
reprenant le principe édicté en 1601
par l’agronome Olivier de Serres : “ Si
n’êtes en lieu pour vendre votre vin,
que ferez-vous d’un grand vignoble?”
Leur réputation est née de leur proximité d’un marché de consommation
aristocratique (ducs de Bourgogne,
comtes de Champagne, cour royale
12 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
de France et d’Angleterre), ecclésiastique (abbayes bourguignonnes et
champenoises) ou de la possibilité
pour les vins d’être exportés vers des
marchés lointains, grâce à la présence
d’un port tel que Bordeaux. Ce sont
ces clientèles, locales ou lointaines,
mais raffinées et exigeantes, qui expliquent le souci permanent de perfectionner le produit.
D.R.
14:12
• Le Bordelais, avec 115 000 ha
de vignes qui produisent 7 millions
d’hectolitres de vin (soit, en moyenne,
60 hl/ha), est de loin le premier vignoble
de qualité en France. Compte tenu
du climat chaud, il est possible d’y
cultiver la vigne en terrain plat. La
pente bien exposée au soleil n’y est
pas une nécessité comme dans le nord
de la France, d’autant plus que ses
plateaux sont largement recouverts
d’alluvions fluvioglaciaires anciennes,
les graves, qui permettent un bon
drainage. C’est d’elles que sont issus
les meilleurs vins. Leur épaisseur est
directement proportionnelle à la qualité du cru. Les châteaux du Médoc
Saint-Émilion, Château Figeac.
et du Sauternais sont classés en cinq
catégories depuis 1855. Les Graves
furent classés en 1953 et 1959. Les
vins de Saint-Émilion ont été classés
en 1953, et sont maintenant reclassés tous les dix ans. La hiérarchie ainsi
établie demeure largement subjective,
mais commande les prix, même si
certains vins y échappent, du fait d’une
réelle qualité obtenue grâce à un propriétaire éclairé.
Graves, Château Haut-Brion.
Le Bordelais connaît le même problème que beaucoup d’autres vignobles
français. Certains viticulteurs ne respectent les règles établies par l’Inao
que du bout des lèvres. Ils dépassent
allégrement les rendements autorisés
et obtiennent des dérogations, ce qu’on
appelle le plafond limite de classement ou PLC, trop généreusement
accordé. Il faut savoir qu’au-delà de
50 hl/ha il est impossible qu’un vin
ressemble à son terroir. Si le viticulteur est malin, son vin pourra ressembler à son cépage ou, au mieux,
avoir le style régional. Comme le
monde politique, le milieu du vin est
D.R.
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Margaux, Château Rausan-Segla, argent.
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D.R.
périodiquement secoué par des scandales. Bordeaux en a connu de nombreux. Ceux-ci ne se produiront plus,
dès lors que le consommateur sera
éclairé et que l’étiquette correspondra au contenu de la bouteille. C’est
un long processus, mais il est en cours.
• La Bourgogne connaît regrettablement les mêmes problèmes de
laxisme que le Bordelais. Ils sont
aggravés par le fait que la superficie
des vignobles n’est que de 27 000 ha
et la production de 1,5 million d’hectolitres (soit une moyenne de 55 hl/ha,
donc encore trop), soit cinq fois
moindre que celle du Bordelais, avec
une réputation équivalente et donc
une pression des consommateurs
français ou étrangers plus forte. Le
climat bourguignon est, par ailleurs,
plus capricieux, connaît des gels de
printemps, des étés ou des automnes
parfois pluvieux, des attaques d’oïdium ou de mildiou. La structure foncière du vignoble n’est guère propice
à la rigueur. En effet, la plupart des
exploitations sont de petite taille, très
morcelées en de nombreuses microparcelles, réparties sur des appellations multiples, tout spécialement au
cœur du vignoble, c’est-à-dire en
Côte-d’Or. Il est possible de trouver
dans la grande distribution des bouteilles de bordeaux dont le rapport
qualité-prix est honnête. C’est rarissime et presque miraculeux au rayon
des bourgognes. On a le droit de critiquer les chardonnays et les pinots
des vignobles du Nouveau Monde
ou de l’hémisphère Sud, mais il faut
juger avec honnêteté la production
bourguignonne. Est-il raisonnable,
• La Champagne représente un
cas un peu différent. Le vin produit
dans cette région (1,9 million d’hectolitres sur 30 000 ha, soit 63 hl/ha,
en moyenne) est presque exclusivement
“champagnisé ”, c’est-à-dire traité de
telle manière qu’il devienne mousseux. Le prix d’une bouteille tient
notamment à la complexité du processus de fabrication, à l’habillage de la
bouteille et à la publicité. Les cham-
Clos de Vougeot.
Champagne Dom Pérignon.
Beaune, Les Hospices.
sur des terroirs aussi somptueux que
ceux du Mâconnais, de pousser des
chardonnays jusqu’à 70 hl/ha, PLC
non compris ?
D.R.
Les trois vignobles les plus réputés de France ne sont donc nullement
assurés de se maintenir éternellement
sur un piédestal. Ils ont connu des
crises graves de mévente – dans l’entredeux-guerres, par exemple – et doi-
D.R.
Les critiques ici émises ne font que
mettre en valeur les magnifiques vins
élaborés par les châteaux bordelais
ou les domaines bourguignons qui
respectent leurs clients et donc se respectent eux-mêmes. Il y en a beaucoup, heureusement. Ils méritent d’être
encouragés dans leur voie, la seule
qui ait un avenir. En économie, comme
dans d’autres domaines, le laxisme se
termine toujours mal.
pagnes doivent ressembler d’une année
sur l’autre au goût de la marque, c’està-dire être constants. Certes, il existe
de grandes cuvées millésimées dans
toutes les maisons, voire des champagnes issus d’un seul petit terroir,
mais leur prix de vente est élevé.
Depuis le XVIIe siècle, le succès du vin
de Champagne provient du fait qu’il
est associé à la fête, à l’amour, à l’élégance. Il accompagne les victoires
militaires ou sportives, les cérémonies diplomatiques officielles, les
grands événements de la vie des familles
et ce dans tous les pays riches de la planète. La puissance évocatrice de l’effervescence est telle que ceux qui n’ont
pas les moyens de s’offrir du vrai
champagne se rabattent sur des imitations plus ou moins nobles produites en France ou à l’étranger.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 13
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Champagne Perrier-Jouët.
D.R.
vent se tourner résolument vers une
politique de qualité ou, plutôt, réfléchir au bon rapport qualité-prix,
compte tenu de la concurrence internationale et de l’attente des consommateurs du monde entier.
Champagne Dom Ruinart.
Les autres vignobles
producteurs d’une gamme
complète de vins
Quatre autres régions importantes
sont engagées à des degrés divers et
dans des proportions variables sur le
chemin de la qualité : l’Alsace, le Val
de Loire, le Midi et le Sud-Ouest aquitain en amont du Bordelais. La plupart
de leurs vins ne jouissaient pas, jadis,
de la même réputation que les produits des trois gloires de la France qui
viennent d’être évoquées. Ils étaient
consommés sur place ou vendus à
l’extérieur avec la réputation de vins
sympathiques, agréables en accompagnement des plats cuisinés de leur
région (le cahors avec le cassoulet, le
riesling d’Alsace avec la choucroute…).
14 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
issus de raisins atteints par la pourriture noble. L’Alsace est une région
qui tente des expériences, débat et
avance dans la direction d’une meilleure
mise en valeur de ses potentialités.
Sauf exception, ils étaient peu exportés. Ils ont connu une heureuse évolution depuis quelques décennies.
Leurs vignerons se sont perfectionnés, tant sur le plan de l’agronomie
et de la viticulture, que sur celui de
l’œnologie et celui des techniques de
commercialisation. Certains ont acquis
une telle réputation qu’ils ont pu se
permettre de restreindre fortement
leurs rendements et d’atteindre le
niveau de qualité des grands crus du
Bordelais ou de la Bourgogne. Comme
les grands viticulteurs de Meursault,
de Puligny ou de Chassagne, ils jouent
même à guichet fermé, n’acceptant
aucun nouveau client et ne vendant
leurs bouteilles qu’en quantité limitée.
S’imaginant être parvenus au nirvana,
certains pensent qu’en commercialisant leurs vins à un prix très élevé, ils
peuvent attirer des clients naïfs.
• L’Alsace produisait jusque dans
les années 1950 des vins de cépages
bien typés, exotiques pour la majorité des Français qui les buvaient dans
les brasseries alsaciennes. La prospérité suisse et allemande les a tirés
vers le haut, en même temps que
l’hôtellerie et la restauration de la
région. Constatant l’évolution du
marché germanique, quelques viticulteurs ont misé sur la haute qualité et sont devenus les locomotives
de la profession. On songe à Hugel,
Trimbach, Beyer, Humbrecht, Deiss,
Lorentz, Blanck… Ce sont eux qui
ont poussé l’INAO à accepter de distinguer les meilleurs terroirs pour les
honorer de l’appellation “grand cru”,
de définir les “vendanges tardives” et
les “ sélections de grains nobles ”,
• Le Val de Loire produit des vins
depuis Saint-Pourçain, en Auvergne,
jusqu’à Nantes, à quelques encablures
de la mer. Leur marché traditionnel
était celui des villes et des châteaux qui
s’égrènent le long de la vallée, mais
aussi Paris et la cour royale. C’est une
rue de 70 000 ha de vignobles très
variés qui s’allongent sur près de
500 km et produisent 3,8 millions
d’hectolitres chaque année (soit le
rendement raisonnable moyen de
54 hl/ha). À de rares exceptions près,
les vins ont pour caractéristique d’être
légers, souvent vifs (c’est-à-dire un
peu acidulés, en langage œnologique)
et parfumés. Leurs prix sont en général abordables. Comme les autres
grandes régions vitivinicoles françaises, le Val de Loire a diversifié son
encépagement et ses types de vins,
échappant ainsi à la concurrence
interne : blancs secs à base de sauvignon (sancerre, pouilly, quincy) ou
de melon (muscadet), blancs moelleux ou liquoreux à base de chenin
(montlouis, vouvray, anjou), rouges
légers à base de gamay ou de cabernet franc (saint-pourçain, bourgueil,
saumur) ou plus corsés (chinon). Les
progrès qualitatifs y sont sensibles
depuis des années. Si les vins conservent leur esprit et leur légèreté, on
peut leur prédire un succès durable,
dans la mesure où peu de régions viticoles du monde se sont positionnées
sur ce créneau.
Alsace, Riquewihr.
• Le Midi méditerranéen et sa
mouvance rhodanienne est la région
qui a le plus fortement évolué depuis
la Seconde Guerre mondiale. Il y a
encore un demi-siècle, seuls les vins
produits sur ses marges étaient orientés vers la qualité : les Côtes du Rhône
septentrionales (hermitage, condrieu,
côte-rôtie), une petite partie des vins
doux naturels du Roussillon (banyuls,
maury, rivesaltes), les trois anciennes
AOC provençales (cassis, bandol,
bellet) et, au cœur de cet immense
vignoble de 500 000 ha, château-
D.R.
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Côtes de Provence, Château de la Mascaronne.
neuf-du-pape. C’est de là qu’est partie la reconquête qualitative dans les
années 1930, sous l’impulsion du
baron Le Roy, fondateur de l’Institut
national des appellations d’origine.
Petit à petit, les cépages trop productifs et insipides ont été arrachés pour
être remplacés par les cépages anciens,
à petits rendements et dont les vins
sont hauts en couleur et en saveur :
grenache, syrah, mourvèdre, cinsault,
clairette, muscat… La production
actuelle est de 26 millions d’hectolitres,
soit un rendement moyen de 52 hl/ha
qui recouvre les trop forts rendements des derniers vins de table et
ceux, très raisonnables, des appellations d’origine contrôlée. La sécheresse
estivale est ici une chance merveilleuse
en ce qu’elle limite naturellement la
production et oblige les vignes à
enfoncer profondément leurs racines
dans le sol et à y puiser de la matière
organique et minérale, puisque l’irrigation est interdite.
• Aujourd’hui, le Languedoc est
devenu la deuxième région exportatrice de vins, derrière le Bordelais.
Les risques que présente l’orientation d’une partie des viticulteurs vers
les vins de cépages et l’archaïsme des
derniers producteurs de vins de table
sont réels. Les autres producteurs
devraient être assurés d’un succès
national et international durable.
Tous les grands sommeliers du monde
recommandent désormais à leurs
clients des vins rouges du Languedoc,
corsés, originaux, aux saveurs épicées, supportant toutes les cuisines,
même les plus relevées, et pour la
plupart financièrement abordables.
• Le Bassin aquitain a souffert
pendant des siècles – de 1241 à 1776
– du privilège de Bordeaux qui a interdit aux vins de l’amont d’être vendus
avant Noël. Ceux-ci n’avaient donc
aucune chance d’être achetés et exportés vers l’Angleterre et l’Europe du
Nord. C’est la raison pour laquelle le
Bordelais a bénéficié d’un marché
garanti qui lui a permis d’accomplir
les investissements nécessaires à l’élaboration de grands vins. Les terroirs
de l’amont sont potentiellement aussi
bons, tant sur le plan pédologique
que sur celui du climat et des microclimats. Les débouchés de ces vignobles
restèrent locaux. Seuls certains accédèrent à des marchés lointains : par
exemple le cahors ; apprécié des tsars
et vendu au XVIIIe siècle comme vin
de messe de l’Église orthodoxe.
L’orientation vers la qualité est plus lente
ici, qu’ailleurs. C’est le cas, par exemple,
dans la vallée de la Garonne où subsiste une polyculture associant la vigne
au maïs, aux arbres fruitiers, aux
tomates et à l’élevage bovin. Dans ces
conditions, il est très difficile de produire du bon vin. Mais de louables
efforts ont été accomplis dans les zones
d’appellation de Bergerac, Monbazillac,
Cahors, Gaillac, Jurançon, Madiran…
Il faut s’attendre à de bonnes surprises
dans cette région, si le marché des
vins de terroir se développe en France
et à l’étranger. En tout cas, il y a pour
le moment de très bonnes affaires à y
réaliser.
D.R.
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Bergerac-Monbazillac, Michel de Montaigne.
et tout particulièrement la France, les
premières lignes de cette avant-garde.
Il faut donc cesser d’aider la viticulture de masse, encourager les productions de qualité.
Elles seules sont rentables à court
ou moyen terme. Elles seules peuvent
procurer à des consommateurs un
peu éclairés de véritables émotions,
leur faire penser aux magnifiques paysages qu’engendre la viticulture de
qualité et aux vignerons talentueux
qui s’expriment dans leurs vins.
Il faut se féliciter que l’Unesco ait
classé patrimoine mondial de l’humanité les vignobles italiens de Cinque
Terre et français de Saint-Émilion.
C’est un encouragement pour de
belles régions viticoles qui produisent de bons vins à forte typicité et
tirent de ceux-ci prospérité et joie de
vivre.
■
Conclusion
L’agriculture productiviste est en
crise dans le monde entier. Les marchés des pays riches sont saturés et
ceux des pays pauvres insolvables. Il
faut donc imaginer une autre solution : celle de la production géographique. Elle est possible sous toutes
les latitudes et dans toutes les aires
culturelles, quel que soit le niveau de
revenus de la population.
Elle seule permet la sortie de crise
et, à terme, l’échange international de
produits différents les uns des autres
qui ne se concurrencent donc plus.
La viticulture constitue l’avant-garde
de cette révolution nécessaire, l’Europe
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LA FRANCE ET SES VINS
En guise de clin d’œil...
Pour un autodidacte qui n’a fait que l’ENA, il est piquant d’être publié dans le saint des saints de l’X.
Surtout pour une mise en cause des débordements de l’excès de l’intelligence technocratique.
Merci à l’ami Laurens Delpech de m’avoir donné ce privilège.
Trop d’intelligence tue l’intelligence
le système Inao en question
Alexandre Lazareff,
ENA Solidarité 1983,
(petit) propriétaire à Pommard
En matière vinicole, il existe également une exception française :
le système des appellations d’origine contrôlée “ que le monde entier
nous envie ”, mais qui a du mal à tenir ses propres troupes…
L
’INAO EST UNE APPLICATION exemplaire du génie français, qui,
par excès de zèle, peut tomber
dans le “mal français”. Dans les années
1930, pour sauver un vignoble rendu
exsangue par la crise et réhabiliter des
appellations bafouées par des fraudes
incessantes, les appellations d’origine
contrôlée ont sacralisé le lien avec le
terroir. L’idée était noble : chaque
appellation est un patrimoine commun qui doit être défendu par la communauté des vignerons. Il s’agit donc
de préserver de génération en génération la typicité de chacun des terroirs
en préservant des usages légaux, loyaux
et constants. Un travail de fourmi a
été lancé sur l’ensemble du territoire
pour identifier une mosaïque d’appellations d’une incroyable précision
et complexité qui sert de loi commune aux producteurs. Le système
est démocratique dans la mesure où
ce sont les producteurs qui ont le pouvoir local de déterminer les règles de
production et régalien puisque l’État
donne à ces règles force de loi.
16 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Concurrence déloyale
et nivellement vers le bas
L’Inao, meilleur système possible
pendant au moins un demi-siècle,
semble aujourd’hui rater sa cible. Tout
ce dispositif impressionnant est orienté
pour préserver la typicité, c’est-à-dire
la personnalité de chacun des vignobles
par rapport à son voisin. La délimitation extrêmement stricte de chacun
des terroirs a permis d’identifier une
multitude de “ micro-identités ” qui
ont leur cohérence mais deviennent
illisibles à l’étranger.
Comment voulez-vous comprendre
à Seattle la différence entre un hautmédoc qui est “ en bas ” (en amont de
la Garonne) et un médoc tout court,
plus au nord ? Entre un pouilly-fumé
à base de sauvignon dans la Loire et
un pouilly-fuissé à base de chardonnay en Bourgogne ? Entre le classement des crus de Saint-Émilion et
celui du Médoc ?
L’an dernier, il y avait 467 appellations d’origine contrôlée. On continue d’en créer. Nous avons le privilège de compter 600 syndicats viticoles
en France, et autant de présidents. En
un mot, nous sommes prisonniers d’un
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Château de Pommard.
entrelacs de droits acquis qui bloque
l’évolution du système. Et, ô horreur,
l’appellation d’origine contrôlée refuse
de devenir une garantie de qualité,
comme c’est le cas à Porto, à Chianti
et dans la Rioja. Ce sont les producteurs
eux-mêmes qui dégustent les vins de
leurs propres appellations. D’où des
taux d’agrément supérieurs à 99 %.
D.R.
L’Inao refuse de prendre en considération ce que demande aujourd’hui
le consommateur du monde, c’est-àdire la composition du vin, en un mot
les cépages. Impossible d’écrire sur
une étiquette “Bourgogne Chardonnay”
ou “Gamay du Beaujolais”. L’intention
est louable, puisqu’il a fallu plus d’un
millénaire pour construire la Bourgogne
viticole et que le raisin est accessoire
dans cette construction. Mais la
démarche est suicidaire quand les
consommateurs du monde basent leur
éducation sur les cépages. Bien sûr,
on vous rétorquera que tout cela peut
figurer en caractères de police d’assurance sur la contre-étiquette, mais qui
lit les contre-étiquettes ?
Pouilly-Fuissé, Château Fuissé.
Plus grave, la concurrence est
déloyale entre les vins que nous produisons et ceux que nous importons.
Dans le reste du monde s’impose la
“ règle des 85 % ” : quand un cépage
est mentionné sur l’étiquette, il doit
entrer dans la composition du vin à
hauteur d’au moins 85 %. Un chardonnay californien peut ne contenir
que 85 % de chardonnay et 15 % de
cépages non identifiés alors qu’un
chardonnay de Saint-Aubin qui intègre
une grappe de raisin de l’autre côté
du chemin est en fraude…
Nous avons de facto reconnu ces
pratiques quand, en 1983, l’Europe
a signé un accord avec les États-Unis
pour admettre “ temporairement ” les
pratiques œnologiques américaines
et autoriser ces produits à la vente.
Les plus turbulents des vignerons
n’hésitent pas à se “ déclasser ” pour
échapper à ces règles pénalisantes.
On assiste ainsi à des paradoxes :
le Domaine de Trévallon, une véritable star, n’a plus le droit de s’appeler “ Coteaux d’Aix ” alors qu’il portait haut le drapeau de l’appellation ;
Daumas Gassac, l’un des vins les
meilleurs et les plus chers du
Languedoc, n’est qu’un vulgaire vin de
pays et, dans certaines régions du
Sud, un vigneron qui veut faire une
cuvée 100 % syrah n’a pas droit à
l’appellation, alors qu’il s’agit du cépage
rouge le plus vendeur au monde.
La fronde a pris une importance
politique en Italie où, en particulier en
Toscane, les “ supertavola ”, supervins de table, s’opposent frontalement
aux vins d’appellations. Sassicaia, le
Petrus italien, n’a pas droit à l’appellation parce qu’il intègre du cabernet
sauvignon.
Pire, l’Inao ne souhaite pas délibérément garantir la qualité de chacun des vins produits. Que dire d’une
marque collective dont chacune des
composantes peut être le meilleur ou
le pire ? La force d’une chaîne est bien
celle de son maillon le plus faible. Ce
système consensuel peut entraîner un
nivellement vers le bas, en particu-
D.R.
14:13
Loire, Château du Nozet.
lier sur la question sensible de la diminution des rendements, aux conséquences économiques immédiates sur
chaque exploitation. Les instances de
chacune des appellations ont tendance
à fermer les yeux lors des dégustations d’agrément qui sont censées éliminer les moutons noirs. Et cette
décentralisation extrême, en donnant
le pouvoir à la base, pousse au conservatisme, voire à l’immobilisme en particulier sur les délimitations et le choix
des cépages.
Une viticulture
à deux vitesses ?
Tout cela n’est, bien sûr, qu’un
secret de polichinelle. Les pouvoirs
publics ont enfin compris que le système actuel a atteint ses limites. Depuis
une dizaine d’années, les rapports sur
le sujet se multiplient à un rythme
endiablé. En particulier, un contrôleur général du ministère de
l’Agriculture, Jacques Berthomeau, a
lancé un pavé dans la mare en plaidant
D.R.
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D.R.
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Saint-Émilion, Château Cheval Blanc.
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D.R.
Les “ interdits ”
• Les copeaux de chêne : les copeaux, ironiquement surnommés “ quercus
fermentus ” coûtent cent fois moins cher qu’un fût à 500 € HT et sont utilisés
en sachets ou en petits cubes pour donner le goût boisé si typique des vins
du Nouveau Monde. Les religieux de Saint-Germain-des-Prés avaient montré
l’exemple en 1661 “ pour faire du vin prompt à boire ”.
• L’arrosage goutte à goutte : le principe français est que la vigne doit souffrir,
mais certains rajoutent “avec modération”. L’appellation des Coteaux d’Aix autorise
ainsi l’arrosage des vignes jusqu’au 1er juillet, mais pas celle des Côtes de
Provence. Pourquoi ?
Beaujolais, Château de Corcelles.
D.R.
• La remise en cause des cépages : l’appellation Châteauneuf-du-Pape est
très fière de ses 13 cépages. Combien sont véritablement indispensables.
Aujourd’hui, quand on lance une appellation, on limite le nombre des cépages
à quatre ou cinq.
• L’expérimentation. Le système français manque dramatiquement de soupape
de sûreté. Sur certaines zones, avec certains vignerons, il devrait être possible
d’expérimenter sous contrôle et non de manière sauvage de nouveaux cépages
et de nouvelles techniques.
• Les OGM de la vigne. Les Français étaient en pointe sur cette recherche en
Bourgogne et en Champagne. L’Inao a décrété un moratoire. Les Californiens
poursuivent les recherches pour améliorer la résistance aux maladies. En
France, le sujet est désormais tabou. Messieurs les linguistes, trouvez à ces
expérimentations un autre nom moins barbare…
Corton, Château Corton Grancey.
D.R.
• Et également… Le mélange de rouge et de blanc pour faire du rosé, autorisé
dans le monde mais interdit en France (sauf en Champagne), l’addition d’eau
pour diluer un vin trop concentré.
• ne donner l’appellation qu’aux
vins qui en sont dignes ?
Il faudrait, en rêvant, que les procédures d’agrément soient impitoyables,
avec des experts indépendants (comme
à l’Institut des vins du Douro et de
Porto) ou des producteurs d’autres
régions (comme c’est le cas à l’Inao
pour les délimitations).
Hélas, les solutions sont bien
connues, mais elles sont politiquement inapplicables :
• supprimer des appellations surabondantes ?
Pas question de toucher aux droits
acquis. La réponse politiquement correcte est “ l’appellation d’origine est
une propriété collective que l’État n’a
fait que constater. C’est aux producteurs de décider de son devenir ”.
Imparable, en espérant que ces producteurs sont mus par l’intérêt général et non par des rivalités de clocher.
Le système est tellement bloqué
que l’actuel président de la section
vins de l’Inao, René Renou, a décidé
de le contourner en créant une autre
catégorie les AOCE (AOC d’exception) qui, elles, garantiraient une qualité supérieure, en pensant que les
“AOC de base” auraient le choix entre
s’élever ou disparaître.
18 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Même cette réforme, pourtant périphérique, a été enterrée… Et pendant
ce temps, nous ouvrons un boulevard
aux vins du monde.
■
Pomerol, Château La Conseillante.
D.R.
avec vigueur pour une viticulture à
deux vitesses : d’une part un renforcement du système d’appellations
réservé à une élite et d’autre part la
création de marques fortes se battant
à armes égales avec les pays du reste
du monde et pouvant s’affranchir de
la plupart des contraintes réglementaires françaises.
Bandol, Château Romassan.
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Page 20
LA FRANCE ET SES VINS
Table ronde de membres
du Groupe X-Vinicole
Participants :
• Sophie de Porcaro, fille de Jacques Formery (37), Domaine E. Cheysson, Chiroubles, Beaujolais,
• Christophe Lanson (86), Domaine de Leyre-Loup, Morgon, Beaujolais,
• Jean-François Arrivet (57), Château Génisson, 1res Côtes de Bordeaux,
• Jean-Daniel Dor (80), Val d’Iris, Côtes de Provence,
• Jean Perrin (50), Champagne Henri Perrin, Champagne.
Synthèse :
Claude Gondard (65).
Pour conclure le présent numéro de La Jaune et la Rouge,
nous avons demandé à des membres du Groupe-Vinicole
de nous faire part de leurs réflexions sur l’avenir du vin français.
Nous vous livrons, ci-après, la synthèse de leurs réflexions.
Comme souvent, pour les exploitations familiales anciennes, la crise
actuelle n’a pas de répercussions dramatiques immédiates. Sophie de
Porcaro nous explique :
“ En ce qui concerne le Domaine
Cheysson, le facteur de la concurrence ne semble pas vraiment nocif
pour les ventes sur le marché intérieur. En revanche, la diminution de
la consommation en France nous
atteint directement soit au niveau des
ventes aux particuliers soit au niveau
des ventes aux revendeurs et aux restaurants.
Nous luttons contre cette tendance
à la baisse par un effort commercial
accru et régulier, présences dans les
salons particuliers et professionnels,
mailings et relances, visites aux revendeurs et restaurants français et étrangers…
Les difficultés dues à la complexité
du système d’appellation n’apparaissent pas trop dans ces débouchés pour
20 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
lesquels le contact direct nous permet une présentation et une “ explication ” du produit.
En revanche nous sommes gênés
dans nos ventes à la grande distribution pour laquelle le système des appellations d’origine est d’une lecture difficile à cause des fortes disparités et
nuances dans les étiquetages. Au total,
l’appellation n’aide pas une vente qui
est surtout dirigée par les niveaux de
prix tandis que la multiplicité et l’hétérogénéité des produits compliquent
l’acte d’achat.
Néanmoins, il est sans doute nécessaire de mettre un peu d’ordre dans
la réglementation actuelle des structures. Celles-ci, contrôle des SAFER,
statut du vigneronnage, concours bancaires…, favorisent les exploitations
individuelles mais prolongent la vie
d’entreprises dont la production est
médiocre et irrégulière, voire illégale,
au détriment de la réputation, donc
du travail, de régions entières. ”
Pour Christophe Lanson :
“ La consommation de vin mondiale augmente, donc la perte de marchés par la France résulte d’un manque
de compétitivité. On sent cela surtout pour les vins peu chers. Je ne
crois pas que le système des appellations soit à revoir, à mon sens c’est
un faux problème. En revanche, je
crois que le problème français résulte
d’une grave erreur de jugement, qui
consiste à dire qu’en produisant moins
on produirait mieux et vendra plus
cher. Cela ne répond pas aux attentes
du consommateur, ni à ce qui se passe
dans le reste du monde. Ailleurs, on
pense qu’on peut à la fois “beaucoup”
et “ bon ”, et mon expérience des dix
dernières années m’apprend que la
corrélation qualité-quantité est faible
(par exemple 2003-2004-2005, c’est
éloquent).
Je crois que l’on doit réduire les
obstacles administratifs et la lourdeur qui pèse sur le système. Dans
dix ans, la moitié des producteurs
aura disparu dans tous les cas, mais
dans le cas où l’on aura levé les
contraintes, les exploitations auront
doublé de taille. On créera ainsi naturellement des marques qui rempla-
Page 21
Chablis, Domaine Laroche.
ceront les appellations là où c’est
nécessaire. Duboeuf l’a fait, Rothschild
l’a fait (Mouton Cadet), etc.
L’État devrait selon moi inverser
la vapeur et libérer totalement les quotas de production. Les gens qui produisent du mauvais vin, s’il y en a,
subiront de plein fouet cette libéralisation, au lieu de subir la crise comme
tout le monde. Le bilan n’en sera qu’à
peine plus noir pour eux. Les gens
qui produisent du bon vin et savent
le vendre gagneront en compétitivité
et pourront se développer. Le bilan
sera bien meilleur pour eux. À terme,
ils pourront même s’étendre sur les
propriétés mal gérées. Bref, je crois
que cela serait bon pour tout le monde
à long terme, et me dis qu’il n’y a qu’à
mettre en place un système de soutien pour ceux qui cessent leur activité au lieu de gaspiller l’argent bêtement comme on le fait de nos jours. ”
Jean-François Arrivet est particulièrement sévère avec les instances
dirigeantes de la filière vitivinicole
française qui, au cours des dernières
années, ont mené des actions très
exactement opposées à celles qu’il
aurait convenu d’initier.
“La crise actuelle était tout à fait prévisible. L’augmentation des surfaces
plantées dans le monde (et en France
aussi) ne pouvait pas se satisfaire d’une
augmentation de la consommation
qui est par nature régulière et faible
(voire dans certaines régions en régression). Les instances dirigeantes françaises ont refusé de voir le problème
et, sous la pression des lobbies, ont
fait ce qu’il ne fallait pas faire : réglementation désordonnée des surfaces
AOC plantées, création de nouvelles
AOC, règles administratives complexes et rigoureuses…, et n’ont pas
fait ce qu’il aurait fallu faire : création
de filières marketing (marché – produit – formation) adaptées à chacun
de nos grands débouchés. C’est cette
carence commerciale qui nous tue car
l’exportation insuffisante fait basculer le marché national dans le cercle
vicieux : baisse des prix, marasme,
baisse de la qualité (qui coûte cher) au
lieu du cercle vertueux : marché porteur, amélioration de la qualité, budget marketing conséquent et efficace.
Dans le même temps nos concurrents
ont fait ce que nous ne faisions pas :
ils sont dans le cercle vertueux (pas
tous…) et nous dans le cercle vicieux.
Comment en sortir ? et sans y perdre
notre âme ?
D.R.
14:16
Meursault, Château de Meursault.
espéré sur une gamme de produits
diversifiés comme l’est notre production française.
Orientations possibles :
• groupements sur une marque
sérieuse, fiable et continue dans le
temps, pour un grand volume de
cols (éventuellement vin de cépage ?)
avec un effort marketing très important, ciblé par marché et filière de
distribution, avec l’aide de l’État, au
moins au début ;
• arrêt, par contrôle sur les gondoles, de la vente par la grande distribution de vins AOC indignes à
des prix ridicules ;
• arrachages du mauvais terroir ;
• distillation (assistée) des vins
insuffisants. ”
Les grands crus français ne sont
pas atteints pour le moment. Ils en
profitent pour pratiquer des prix très
élevés qui donnent une image fausse
de l’ensemble de la filière viticole française et leur poids dans les instances
dirigeantes explique pour partie les
erreurs faites.
L’approche marketing devrait garder à l’esprit deux idées fortes (à
l’exportation) :
• 90 à 95% des acheteurs n’ont pas de
capacités dégustatives significatives,
• la promotion et l’adaptation du
produit au marché vont jouer un
rôle de plus en plus important. À ce
sujet aucun résultat ne peut être
D.R.
6/02/06
D.R.
20-24_Gondard
Margaux, Château Giscours.
Jean-Daniel Dor nous livre de son
côté son approche très professionnelle
de la manière dont l’offre de vin française doit se restructurer pour aborder
la grande distribution – 75% des ventes
– sur un pied d’égalité – voire de supériorité – avec les producteurs étrangers, tout en “ vendant ” les terroirs
français par des canaux appropriés.
“ Posé toujours dans les mêmes
termes, le débat sur les forces et les
faiblesses du système d’AOC à la française est sans issue, puisqu’on ne peut
raisonnablement être totalement ni
contre les AOC qui défendent une
certaine idée de la qualité, de la diversité ou de la typicité, ni contre une
approche marketing à l’anglo-saxonne,
plus pragmatique, centrée sur le
consommateur et ses préférences.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 21
6/02/06
14:16
Page 22
À mon sens, la raison de cette
impasse provient de la confusion qui
règne entre la nécessité de construire
des marques mondiales de vins français fortes, et celle de défendre l’idée
de vins de terroir. Les AOC amalgament ces deux voies, en faisant l’hypothèse qu’on peut établir une marque
internationale sur une notion de terroir, et je ne lis nulle part de remise
en cause de cette hypothèse. En approfondissant les définitions de marque
et de terroir, on voit pourtant apparaître une incompatibilité.
Marques et produits
de consommation
Le vin est-il ou non un produit de
consommation comme un autre ? Oui
pour les viticulteurs du Nouveau Monde,
non pour les viticulteurs français. On
lira avec profit le remarquable essai
d’Oliver Torrès La Guerre des Vins :
l’Affaire Mondavi – Mondialisation et terroirs (Dunod), qui illustre l’affrontement entre deux philosophies radicalement différentes du produit et de la
stratégie commerciale qui en découle.
Pour le Nouveau Monde, le vin est un
produit de consommation (“ consumer
product ”) comme un autre, il est mis
sur le marché avec une stratégie de
marque. Les marketers, dont Mondavi
ou Gallo sont les figures emblématiques,
font ainsi un travail de développement
et de positionnement tout à fait analogue à celui des géants de la boisson,
Coca-Cola, Pepsi-Cola, CadburySchweppes, Danone, Nestlé, pour lancer puis distribuer leurs nouveaux produits. En revanche, le producteur français
conçoit toujours le vin comme un produit à part, chargé de toute l’histoire,
la tradition, l’identité, la culture de
notre pays, et même empli de dimensions sacrées ou symboliques.
La discussion sera vite tranchée,
car il existe une réalité aveuglante :
plus de 75 % du vin est aujourd’hui
mis sur le marché par la grande distribution. Or placé dans un linéaire
de supermarché, le vin devient ipso
facto un produit de consommation,
soumis aux mécanismes déclencheurs
des décisions d’achat de notre “consumer society ” moderne.
22 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Le plus flagrant de ces mécanismes
repose sur l’importance de la marque
au sens où l’entend le marketing actuel,
avec ses effets induits sur la perception de la qualité.
Guerlain ou Chanel. Il est donc vital
pour la marque que le produit se définisse d’abord comme son ambassadeur, les facteurs de qualité devenant
accessoires, car induits. Les “ marketers ” sont ainsi en train d’opérer une
substitution du produit par la marque
en pariant sur l’incapacité du consommateur à distinguer l’un de l’autre, ce
qui est avéré dans le cas des produits
de luxe, ou encore des produits type
“ lifestyle ” où l’image importe beaucoup. Même dans le cas de produits
de consommation courante, on ne
peut qu’être édifié par la toute nouvelle campagne de Danone Produits
Frais avec son slogan “Seul Danone sait
faire des Danone ” : c’est vraiment la
marque qui véhicule directement la
notion de qualité 2…
Seul Danone sait faire des Danone !
Les AOC et les marques
On sait bien que la qualité d’un
vin n’est pas réductible à de simples
critères organoleptiques ou œnologiques 1. On est obligé de convenir
que la qualité d’un vin se manifeste
de deux façons : par ce qui se trouve
dans le verre (qui répond bien aux
critères œnologiques), et par ce qui
se trouve dans la tête du dégustateur,
beaucoup plus complexe à définir.
Cela n’a rien de spécifique au vin,
c’est même une constante de tous les
produits de consommation, les marques
l’ont bien compris. C’est d’ailleurs la
marque, justement, qui va véhiculer
tous les paramètres caractérisant la
relation intime du consommateur au
produit, tangibles et intangibles, qui
dirigent ses choix.
Si l’on admet cela, on voit que le
débat qui nous occupe place la qualité, avec sa dualité “ réalité – perception ” au cœur du problème, et
l’on doit ainsi se demander ce que
font les AOC pour établir la qualité
de leur marque. Réponse : un bien
mauvais travail ! C’est qu’en choisissant de défendre la qualité du vin,
elles négligent d’investir dans la qualité au sens de la marque. Avec
467 appellations, elles diluent leur
potentiel d’image. Qu’on y songe : le
cœur de la stratégie de Procter et
Gamble, ainsi que d’Unilever, ces dernières années, aura été de rationaliser leur gigantesque portefeuille de
marques pour le réduire de plus de
2 000 à moins de 200, tout simplement parce qu’elles souhaitent investir dix fois plus sur chacune d’elles.
D.R.
20-24_Gondard
Alsace, Domaine Schlumberger.
Ainsi dans les stratégies marketing
actuelles, la marque n’est plus simplement le signe distinctif d’un produit, comme elle l’était il y a vingt ans,
elle est devenue son propre objet de
marketing. À telle enseigne que dans
le domaine du luxe, comme les parfums et cosmétiques, les nouveaux
lancements ne sont pas définis par
leurs caractéristiques intrinsèques,
mais par leur contribution à renforcer
ou à faire évoluer la marque qu’ils
supportent. En effet, le premier critère
d’achat d’un nouveau parfum de
Guerlain ou Chanel est qu’il se nomme
1. Une étude assez récente, parue dans le magazine La Vigne, cherchait à établir la relation entre
la qualité organoleptique perçue et le prix payé :
un panel d’experts avait dégusté à l’aveugle une
série de vins français et étrangers achetés dans
le commerce. Sans surprise, l’étude établissait
une absence totale de corrélation entre ces deux
paramètres. On constate donc que les vins chers
et de qualité médiocre (au sens du panel) se
vendent, on peut le déplorer mais c’est un fait.
2. Contre-balancier de ces exagérations, pour
les produits à faible image le consommateur se
rebelle contre les marques, en plébiscitant les
discounters et leurs produits sans marque. C’est
alors le prix qui devient le premier repère.
20-24_Gondard
6/02/06
14:16
Page 23
D.R.
D.R.
naïveté, quand on réalise les décennies d’investissement nécessaires pour
qu’une marque soit enfin plébiscitée
par le marché.
La grande distribution
aux antipodes du terroir
Mais il faut nuancer ce propos :
non, toutes les AOC ne font pas un
mauvais travail. “ Champagne ” est
l’exemple d’une marque exemplaire,
jouissant d’une notoriété mondiale,
et véhiculant un ensemble de valeurs
qui dépassent très largement ce qu’on
trouve simplement dans un verre de
champagne. Inutile de s’interroger
longuement sur les recettes de la
“ santé insolente ” des vins de
Champagne dans le marasme environnant : la marque, rien que la
marque ! Dont l’exclusivité est jusqu’à présent défendue avec vigueur
par leurs propriétaires. Nos concurrents américains ne se trompent pas
sur les raisons de ce succès : les désaccords sur la protection de la marque
Champagne sont au cœur des négociations de l’OMC entre la France et
les USA. Il est bien à craindre qu’ils
remportent bientôt ce combat de
David contre Goliath.
Autres exemples de réussites de
marques : le Rosé de Provence, dont
on parle beaucoup moins, tire également son épingle du jeu, et naturellement tous les grands noms, les
Petrus et autres Romanée-Conti, qui
sont des marques emblématiques à
l’image de celles que représentent
Guerlain ou Chanel. Mais réalise-t-on
que “ Bordeaux ”, tout simplement,
en est une ? Et “ Vin de France ” ?
Encore une marque formidable, que
fait-on pour en tirer parti? Pas grandchose, occupés que nous sommes à
élucubrer des “ Vins des Portes de la
Méditerranée ” comme s’il suffisait
de l’écrire au bas d’une étiquette pour
emballer le consommateur ! Quelle
Saint-Estèphe, Château Montrose.
des ventes au domaine, et j’aime
observer nos clients lorsqu’ils nous rendent visite. Je vois leur plaisir à rencontrer le vigneron en personne,
contempler le domaine, parler du
vin, des méthodes de culture. Elle
m’apparaît comme une évidence,
cette recherche de lien social, surtout dans un monde où le virtuel et
le nomadisme deviennent la norme.
Mon offre prend alors toute sa dimension de terroir, car le terroir en fait
intrinsèquement partie : les parcelles
de vignes, le vigneron en chair et en
os, le climat, les pierres de la maison, et non pas seulement les quelques
caractères organoleptiques conférés
au vin par la spécificité pédologique
du domaine. En regard, que représenterait mon étiquette sur le linéaire
d’un supermarché ? Soyons réaliste,
rien du tout.
La vente au caveau en est un,
même s’il est très limitant, qui peut
indiquer la voie. Étant moi-même
vigneron propriétaire d’un petit
domaine dans le Var, je réalise 85 %
D.R.
Pessac-Léognan, Château Carbonnieux.
En même temps, les AOC s’investissent d’une mission de préservation de la qualité (au sens organoleptique) et de la spécificité.
Pourquoi pas ? La seule erreur est de
confondre ce noble objectif avec celui
de la réalisation d’une arme adaptée
aux lois impitoyables du “ global
consumer market ”. Le premier se
soucie du terroir et du vigneron-artisan qui élabore son vin avec ses
mains, sa tradition : il restitue un lien
social au produit déshumanisé du
global market. C’est donc l’antinomie
de la marque, qui cherche au contraire
à standardiser urbi et orbi un ensemble
abstrait produit-valeur. Surtout, il y
a une incompatibilité fondamentale
à imaginer qu’un vin de terroir, avec
son nécessaire lien géographique et
social, puisse être “ marketé ” dans
les circuits rouleau compresseur de
la grande distribution, où seuls les
marques et le prix constituent des
repères. Au contraire, les AOC, si
elles s’attachent à faire le marketing
du terroir, doivent inventer ou réinventer des canaux d’accès au marché alternatifs.
Le Clos de Tart à Moret-Saint-Denis, Bourgogne.
Que conclure ? L’effondrement
inexorable des parts de marché des
vins français, face à la concurrence
des vins du Nouveau Monde, provoque de très nombreux débats introspectifs sur les forces et les faiblesses
du système d’AOC à la française.
Enfermé dans un paradigme centré
sur la qualité “ organoleptique ” –
savoir si on doit préserver la typicité
du terroir ou se compromettre pour
mieux plaire au consommateur acculturé – le débat est sans issue. Au
contraire, les quelques considérations ci-dessus ouvrent deux perspectives non exclusives l’une de
l’autre :
• d’une part, pour se battre sur un
marché de consommateurs piloté
par la grande distribution, il faut
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 23
14:16
Page 24
renforcer ou créer des marques
fortes sur le modèle de la marque
“ Champagne ”, au succès exemplaire. Cela suppose une non-dilution des appellations, le renforcement éventuel de marques au
potentiel sous-jacent telles que “ Vins
de France ”, “ Vins de Provence ”.
Cela suppose encore d’élargir la
notion de qualité à tout ce qui n’est
pas seulement dans le verre, d’accepter que le consommateur, dans
sa large majorité, n’a que faire de la
typicité, ou alors qu’il doit s’en faire
une idée toute subjective ;
• d’autre part, il faut inventer un véritable marketing du terroir, qui sache
s’affranchir des canaux de distribution qui lui sont antinomiques, développer ses propres accès au marché,
son lien au client. Pour peu qu’on s’y
investisse, ce marketing du terroir est
promis à un bel avenir. Dans une
économie mondialisée menacée de
toutes les délocalisations, seule la
terre ne pourra pas bouger.
Et les AOC, dans tout cela ? Elles
peuvent certainement jouer un rôleclé, pour peu qu’elles sortent de leur
confusion, séparent bien les deux
enjeux, fassent leur choix et développent des stratégies distinctes adaptées à l’un ou à l’autre. ”
❈
❈
différents secteurs de l’appellation
champenoise. Cette souplesse, qui
fait parfois cruellement défaut aux
autres appellations françaises, permet
aux maisons de Champagne de maîtriser les paramètres de qualité et de
“ style ” de leurs produits,
• enfin et surtout, par une protection
juridique active et une promotion
permanente de la marque Champagne.
❈
On le voit, le débat est loin d’être
clos et tout, ou presque, est à faire
pour redonner au vin français la place
qu’il a occupée dans le passé. Je pense
cependant que le lecteur, après avoir
pris connaissance des différents articles
du présent numéro de La Jaune et la
Rouge, conviendra avec moi que le
gros point faible des vins français
reste ses conditions d’accès au marché, son marketing.
Dans son excellente contribution,
qu’il ne nous est malheureusement
pas possible de reproduire, faute de
place, Jean Perrin nous dévoile la stratégie de “la marque Champagne”. Par
une politique adaptée à l’échelle planétaire, le champagne sait donner
aussi bien leurs places aux grandes
24 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Formons le vœu que cette démarche fasse des émules dans les
secteurs en difficulté de la filière
vitivinicole française et que notre
pays sache réagir de manière
efficace pour sauver et valoriser ce fleuron de son patrimoine
qu’est le vin.
■
Champagne Pommery.
maisons dont les marques prestigieuses
confortent la notoriété du nom
Champagne, qu’au plus modeste vigneron, pour autant qu’il sait, par la qualité de son travail, apporter sa pierre
à l’élaboration d’un bon produit.
Le CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne), sous
l’égide de l’État, ainsi que les différents syndicats professionnels qui
assurent une représentation équilibrée de tous les acteurs de la filière
veillent au bon fonctionnement de
l’ensemble du système :
• au niveau de la production du raisin, en élaborant des règles à respecter pour obtenir la qualité désirée, en
effectuant les contrôles nécessaires et
en mettant en place un cadre
contractuel souple dont l’objectif est
d’assurer une rémunération convenable aux producteurs qui approvisionnent les maisons de Champagne
et les coopératives,
• au niveau de l’élaboration du vin,
en autorisant l’assemblage de moûts
des cépages autorisés provenant de
16 e Salon
des vignerons
polytechniciens
dimanche 19 mars 2006
C’est un numéro spécial de La
Jaune et la Rouge sur le vin français
qui introduit, cette année, notre salon.
Le Groupe X-Vinicole sait gré à
La Jaune et la Rouge de s’être intéressée
à ce sujet qui nous passionne tous
et constitue notre vie même.
D.R.
6/02/06
D.R.
20-24_Gondard
Nous espérons que nos articles
vous permettront de mieux comprendre
les difficultés auxquelles sont
confrontés les acteurs de la filière
vitivinicole française, voire même
européenne, et les nécessaires et
profondes restructurations auxquelles
il va falloir procéder dans les prochaines
années.
Tous les participants au salon
vous attendent et seront heureux de
compléter votre information en
répondant à vos questions.
Claude GONDARD (65),
président du Groupe X-Vinicole
Champagne Veuve Cliquot Ponsardin.
25-27_Gondard
6/02/06
14:17
Page 25
LA FRANCE ET SES VINS
De vigne en cave,
réflexions d’un exploitant
Claude Gondard (65)
La filière vitivinicole française a bénéficié pendant plusieurs décennies
d’une conjoncture favorable qui lui a permis de soutenir un effort
de recherche important et de financer la modernisation des unités
de production. Ces efforts doivent être poursuivis aujourd’hui, malgré
les difficultés rencontrées, de manière à permettre un redéploiement
de son offre en s’appuyant sur ses points forts que sont ses terroirs
et son expérience millénaire.
H
ÉRITIER D ’ UNE JOLIE PETITE
propriété en “Pouilly-Fuissé”,
acquise, il y a tout juste
cent ans par mon grand-père, je m’intéresse au vin depuis toujours et y ai
consacré une bonne part de mon existence. Enfant, je passais à Pouilly
chaque année plusieurs semaines de
vacances. J’aimais participer aux travaux des vignes et du vin ; j’aimais
écouter les vignerons parler de leur
métier, de leurs soucis et de leurs
satisfactions. Mais je dois dire que les
réponses que j’obtenais aux questions
“bêtes” que je posais souvent me laissaient sur ma faim et que mon esprit
qui commençait à devenir rationnel ne
s’en satisfaisait pas toujours.
Assez vite j’ai eu le sentiment que
les pratiques culturales s’appuyaient
sur un empirisme peu scientifique et
que l’on travaillait comme des Gaulois
lorsque l’on vinifiait la récolte. La
sanction tombait d’ailleurs régulièrement, en ce sens que, ne maîtrisant
ni la qualité ni la quantité, les années
sans récolte ou aux résultats décevants n’étaient pas rares et les accidents de vinification nombreux. Par
contre, grâce aux faibles rendements
des vignes, lorsque le vin était bon,
il était vraiment très bon.
Hormis quelques insecticides qui
faisaient autant de mal aux viticulteurs qu’aux insectes et autres acariens, et bien sûr, le cuivre et le soufre,
on ne disposait que de peu de moyens
de lutte contre les maladies de la vigne.
En 1950, les pratiques de la viticulture étaient plus proches de celles du
Moyen Âge que de celles du XXIe siècle.
Les travaux de la vigne se faisaient
tous manuellement, sauf les labours
où le cheval était l’auxiliaire indispensable. Çà et là, un pêcher de vigne
rompait la monotonie des rangs…
Les composantes métalliques du
matériel de vinification étaient en
cuivre, bronze ou acier, matériaux
trop solubles dans les moûts. Il en
résultait dans le vin des teneurs exces-
sives en cuivre ou fer pouvant provoquer des précipités peu appétissants dans les bouteilles, les tristement connues maladies des bouteilles :
le vin devait alors subir une nouvelle
filtration avant d’être remis en bouteilles,
au détriment de la qualité.
La situation des viticulteurs n’était
pas toujours enviable. Un ami notaire
m’a raconté qu’il connaissait avant la
guerre un ménage : lui possédait des
vignes de Pouilly-Fuissé et elle des
terres en Bresse. Les grasses terres bressanes représentaient alors sans conteste
l’essentiel de la fortune du ménage. Et
puis la situation a bien évolué. Le vin
français s’est de mieux en mieux vendu
et exporté, au point de devenir l’une
des principales composantes du commerce extérieur de notre pays.
Ce développement a été accompagné par un effort de formation et
de recherche important. En quelques
décennies, les régions viticoles se sont
équipées de matériels performants,
tant dans les vignes – enjambeurs
multifonctions : adieu les pêchers de
vignes ; machines à vendanger ; matériels de manutention – que dans les
chais, les tinaillers comme on dit joliment chez moi – pressoirs modernes,
cuverie inox, contrôle de température, renouvellement plus fréquent
de la futaille… De nombreuses molécules ont été développées, permet-
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 25
25-27_Gondard
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14:17
Page 26
tant de rendre plus efficace la lutte
contre les maladies et les ravageurs
de la vigne, mais pas toujours inoffensives pour la santé des viticulteurs
et l’environnement.
nouveaux produits sont utilisés sans
discernement. C’est donc sur un front
mobile que la recherche doit se battre
et il est vital de lui en donner les
moyens. Les deniers publics, dans la
période difficile que nous traversons,
Parallèlement, un effort important a été consenti pour valoriser
la production en promouvant des
cépages qualitatifs principalement
dans le Languedoc. L’Inao (Institut
national des appellations d’origine) a accompagné le mouvement en autorisant l’extension
d’appellations existantes et la création de nouvelles. Je ne m’étendrai pas sur cet aspect des choses,
déjà traité de manière fort compétente dans les excellents articles
de Thierry Brulé et d’Alexandre
Lazareff.
Je voudrais plutôt aborder un
autre aspect de la viticulture : les
maladies de la vigne. Je dois dire,
sans nier les progrès accomplis,
que je suis choqué par l’ignorance
des scientifiques dans ce domaine,
non que je conteste leur compétence, mais ils sont trop peu nombreux et disposent de moyens
insuffisants. Je suis scandalisé
d’apprendre que l’ITV (Institut
technique de la vigne), par suite
de la diminution de son budget,
se voit contraint de fermer plusieurs établissements cette année,
ou les problèmes récurrents de
l’ENTAV pour boucler son budget.
Les efforts à consentir dans les
domaines de la recherche et de la
technique sont d’autant plus importants que les menaces sur la filière
se font plus pressantes.
Ces menaces ne sont pas seulement économiques mais aussi sanitaires, effet pervers de la mondialisation, dont le phylloxéra n’a été qu’un
premier exemple à la fin du XIXe siècle.
L’évolution climatique apporte, elle
aussi, son lot de nouveaux problèmes
à résoudre. De plus les fléaux de base
comme l’oïdium ou le mildiou font
preuve d’une remarquable adaptabilité et dès que de nouvelles molécules
sont mises au point, des souches résistantes apparaissent rapidement si les
26 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
temps. Une autre maladie cryptogamique, l’eutypiose, fait des ravages
dans les vignobles septentrionaux.
On ignore à peu près tout de ce champignon qui s’attaque au bois des ceps
et dont les manifestations ne sont pas
toujours apparentes. Le seul
traitement, à l’efficacité douteuse, que l’on connaissait consistait à vaporiser sur les ceps de
l’arsénite de soude. La seule certitude dont on disposait, en fait,
au sujet de ce sympathique produit est qu’il faisait crever les
viticulteurs et l’usage en a été
interdit récemment.
D.R.
Pouilly-Fuissé, médaille en bronze, 68 mm.
seraient certainement mieux utilisés
à financer des travaux de recherche
indispensables pour l’avenir, qu’à aider
des exploitations moribondes à survivre, car elles n’ont pas d’avenir.
J’ai été très impressionné de lire,
voici quelques mois, tout un article
sur les découvertes faites en ce qui
concerne les cycles reproductifs de
ce sale champignon qu’est l’oïdium ;
impressionné car j’étais persuadé que
les questions fondamentales de ce
genre étaient connues depuis long-
Le développement des viroses
est également préoccupant : on
est plus démuni encore face aux
virus que dans le cas des maladies humaines. Même si ces
maladies portent de jolis noms
– flavescence dorée, court-noué,
mosaïque de l’arabette, enroulement, marbrure…, elles causent d’importants dégâts aux
vignobles. Trop souvent, lorsqu’une parcelle comporte une
proportion de pieds malades
excessive, le viticulteur est tenté
de charger davantage les pieds
de vigne sains pour compenser la perte de rendement, mais
au détriment de la qualité. Si
l’on reprend l’insistance justifiée
de Jean-Robert Pitte pour maîtriser les rendements, afin de
permettre aux terroirs de s’exprimer, on comprendra l’importance de disposer d’un outil
de production dont l’état sanitaire soit satisfaisant pour y parvenir.
On essaie de remédier à ces problèmes aujourd’hui par la sélection
clonale, mais en fait, seul le génie
génétique permet d’espérer les résoudre
d’une manière satisfaisante. On sait,
en effet, que tous les cépages ne présentent pas la même sensibilité aux
différentes maladies et qu’il en est
de même des individus d’un cépage
donné. De là à isoler les particularités génétiques de ces individus pour
en faire bénéficier les greffons utilisés pour de nouvelles plantations, il
25-27_Gondard
6/02/06
14:17
Page 27
n’y a qu’un pas. Encore pour le franchir, faut-il trouver le financement des
recherches correspondantes et vaincre
l’obscurantisme qui entoure ces questions de manipulations génétiques.
Les retombées de telles recherches
devraient également s’avérer intéressantes pour d’autres maladies, tout
particulièrement pour l’oïdium et le
mildiou, plaies que l’on n’arrive à
contenir que par des traitements répétés utilisant des molécules variées. La
mise au point de vignes résistant à
ces maladies serait donc d’un haut
intérêt économique et salutaire pour
l’environnement.
Le maintien d’un bon état sanitaire des vignes présente un autre intérêt : leur permettre de
vieillir. Or les vieilles
vignes, disons de plus de
vingt ans, ont non seulement un rendement
plus faible que des vignes
plus jeunes, mais même
à rendement égal, produisent des moûts plus
concentrés et de meilleure
qualité. En outre, au plan
économique, le coût du
renouvellement d’une
plantation est considérable, car aux coûts
directs, il convient d’ajouter les années sans production des parcelles
concernées.
Au plan scientifique,
les connaissances en
matière de vinification
me paraissent plus complètes. Cela se comprend d’ailleurs
puisque les agents pathogènes sont
directement accessibles : l’écran que
constitue la plante a, en effet, disparu.
De plus, si l’on excepte le botrytis, les
maladies de la vigne ont plus d’impact sur le rendement que sur la qualité de la récolte. Par contre, une erreur
de vinification et c’est la récolte ellemême qui peut être compromise.
Aussi des efforts importants ontils été faits pour maîtriser et améliorer
les phases de la vinification : d’excel-
lents laboratoires d’œnologie se sont
multipliés au cours des vingt ou trente
dernières années facilitant l’amélioration des pratiques œnologiques dans
les propriétés. On dispose aujourd’hui de toute une gamme de produits œnologiques de qualité pour
traiter les moûts, faciliter les fermentations et corriger les défauts de vinification.
Les levures, en particulier, ont fait
l’objet d’études approfondies et l’on
trouve maintenant des souches variées
permettant d’orienter la fermentation
dans le sens désiré. Il subsiste par
contre d’importants progrès à faire
pour mieux maîtriser la fermentation
malolactique qui reste bien capricieuse.
Mais le progrès déterminant des
dernières décennies est, sans conteste,
la généralisation du contrôle des températures. Il faut dire que l’évolution
climatique rend chaque jour cette
fonction plus indispensable. Il est
constant que le vin s’accommode mal
de températures excessives.
Je voudrais pour clore ces réflexions
dire que j’ai le sentiment que tous les
progrès évoqués ci-dessus ont permis d’augmenter considérablement
la quantité de vin de qualité moyenne
produite sur une zone déterminée,
voire de faire des vins acceptables là
où cela n’aurait pas été possible autrefois. Il nous faut aujourd’hui retourner la proposition et utiliser nos terroirs, notre science et nos outils pour
donner une priorité absolue à la qualité en ayant
le courage de procéder
aux douloureuses opérations de regroupement
ou d’arrachage indispensables, améliorer le
suivi aval de la qualité et
travailler pour donner,
à l’extérieur, une meilleure
lisibilité à nos vins.
Enfin, au risque de
paraître iconoclaste, je
crois que le droit rural
français est médiéval et
qu’il n’est pas possible
de moderniser notre viticulture sans remettre en
cause le statut du fermage, ni le rôle des
SAFER (Société d’aménagement foncier de l’espace rural).
De son côté, l’équipement des chais
a été considérablement amélioré. L’acier
inoxydable a remplacé le bronze et
l’acier, supprimant les risques de maladies des bouteilles. Les pressoirs pneumatiques permettent d’extraire des
moûts parfaits que d’excellentes pompes
véhiculent sans les martyriser.
La filtration a également fait de
gros progrès, les matériels modernes
permettent d’ajuster finement les
paramètres, de manière à optimiser
la qualité.
Le vin français est fort de magnifiques terroirs, de traditions millénaires, d’un savoir-faire respecté : il doit
certes s’adapter, mais en utilisant ses
atouts et non pas en produisant les
mêmes vins anonymes et délocalisés
– des vins “hors sol”, comme on dirait
dans le domaine de l’élevage – que
ceux de tout le monde et qui le mettent en difficulté aujourd’hui. Vive le
vin français, vive la France !
■
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 27
28_Foulard
6/02/06
14:22
Page 28
Claude Gondard (65),
dessinateur, graveur et médailleur
I
NDÉPENDAMMENT de ses activités
vinicoles, Claude GONDARD
exerce le métier d’artiste dans les
domaines du dessin, de la gravure et
surtout de la médaille. Ses travaux de
gravure ont été récompensés par une
médaille d’or au Salon des artistes
français en 1975. De 1980 à 1990, il
a animé le séminaire de gravure qui
était proposé en option aux élèves de
l’École polytechnique, dans le cadre
de l’enseignement des arts plastiques.
Il a succédé dans ce poste à son ancien
professeur, Jacques DERREY, et à Jean
DELPECH.
Par ailleurs, ingénieur du Génie
maritime, il a construit des navires
à l’arsenal de Brest pendant
sept ans, de 1970 à 1977.
La Marine aime les médailles
et les “ tapes de bouches ”
et naturellement,
Claude GONDARD
a dessiné les
médailles de ses
navires,puis
celles des
navires de
ses camarades.
C’est ainsi qu’il est
entré en contact avec
l’Administration des
Monnaies et Médailles qui n’a
pas cessé, depuis cette époque, de
lui passer des commandes ou de
frapper les médailles qu’il créait pour
diverses sociétés, administrations ou
organismes. Il est également médaillé
des Artistes français dans la section
“ médailles ”.
L’œuvre médaillistique de Claude
GONDARD est considérable, quelque
300 médailles réalisées par la Monnaie
de Paris dont une cinquantaine est
consacrée au vin. Il a en particulier
réalisé dans les années 88-92, avec
28 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
son complice Serge TCHEKHOFF qui
exploite aujourd’hui une belle propriété dans le Bordelais, une série
d’une quarantaine de médailles sur
les grands vins français.
Cettte collection, frappée en argent
par la Monnaie de Paris, rassemble
une bonne partie des plus beaux fleurons de la viticulture française. Plus
précisément, il s’agit de frappes monétaires, qualité “ belle épreuve ”, de
41 mm de diamètre, frappées en argent
1er titre.
Depuis quelques années, Claude
GONDARD dessine des foulards
et des cravates. Il est en particulier l’auteur de deux foulards sur l’X qui ont été
souvent reproduits
dans La Jaune et
la Rouge.
Disons,
pour terminer,
que La Jaune et la
Rouge s’est fait l’écho,
à plusieurs reprises, de
l’activité artistique de notre
camarade, en particulier,
dans le n° 403 de mars 1985
et à l’occasion du bicentenaire de
l’X, dans le numéro de janvier 1994,
et lui a demandé de prendre en charge
non seulement la coordination du
présent numéro, mais également d’en
assurer l’illustration.
■
Foulard Musée du Vin, 88 x 88 cm.
Impression sur soie.
29-30_École
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14:23
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VIE DE L’ÉCOLE
FONDATION DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE – FX
La formation de spécialisation
à l’étranger
La Fondation de l’École polytechnique, depuis sa création, accompagne et soutient l’ouverture
internationale de l’École : elle y consacre l’essentiel des moyens que lui apportent les entreprises et les
anciens élèves.
Cette ouverture comporte deux volets principaux : l’un est l’attraction de très bons élèves étrangers
dont il a été rendu compte à plusieurs reprises ; l’autre est celui traité aujourd’hui : la formation de
spécialisation en 4e année à l’étranger pour des élèves français (en fait dix-huit mois en incluant le stage
terminal).
L’enjeu est majeur sur au moins deux plans :
• pour les élèves, cette rencontre approfondie avec d’autres cultures, d’autres types de formation est
un enrichissement personnel important et une valorisation de leur potentiel,
• pour l’École, c’est une contribution significative à sa notoriété et à son image dans le cercle restreint
des grandes institutions mondiales de formation supérieure : les élèves sont d’excellents ambassadeurs
de l’École.
Pratiquée depuis longtemps en petit nombre par les polytechniciens, essentiellement en direction
des États-Unis et à la seule initiative de chacun, cette formation complémentaire à l’étranger a pris
depuis quelques années une importance croissante grâce à l’engagement continu de la Direction des
relations extérieures de l’École (Roland Sénéor puis Élisabeth Crépon) et aussi grâce aux aides financières
de la Fondation : le nombre de ceux qui sont ainsi allés à l’étranger est passé de quelques unités en 1995
à 33 en 2000, 74 en 2004 et 125 en 2005, ce qui rapporté aux 280 élèves français non corpsards est
un résultat assez satisfaisant.
Ces formations se font dans un certain nombre de pays : les USA viennent toujours en tête avec
des universités de premier plan (Stanford, MIT…) mais l’Union européenne progresse.
Le prochain défi est l’Asie, notamment la Chine.
Pour chaque élève, cela représente un coût supplémentaire, parfois élevé (USA, Japon).
La Fondation qui avait commencé par des bourses dans la période 1995-2000 a redéfini son aide
sous la forme de prise en charge des intérêts sur un prêt bancaire contracté par l’élève : ce dispositif,
moins coûteux individuellement, a permis d’accompagner la très forte croissance du nombre d’élèves
concernés.
Ces dernières années le budget correspondant est passé de 65 000 € en 2003 et 2004 à 120 000 €
en 2005 et on prévoit d’atteindre 150 000 € en 2006-2007.
L’AX, membre fondateur, soutient depuis l’origine l’action de la Fondation.
Son Conseil a décidé d’accroître ce soutien financier dès l’année 2005 en souhaitant qu’il soit affecté
essentiellement à ces aides aux élèves français pour leur formation de spécialisation à l’étranger.
La Fondation lui en est grandement reconnaissante et des dispositions ont été prises pour que les
élèves – spécialement ceux qui bénéficient de ces aides – en soient informés.
Fondation de l’X, 7, rue Saint-Dominique, 75007 Paris.
Téléphone : (33) 01.53.85.40.10. Télécopie : (33) 01.53.85.40.11.
Courriel [email protected]
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 29
29-30_École
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Hadi Moussavi (95), lauréat
du prix Pierre Faurre 2005
" Il faut oser et croire en la force de la volonté. "
Hadi Moussavi (95) a reçu en novembre dernier* le prix Pierre Faurre, décerné depuis trois ans à de jeunes
polytechniciens ayant démontré, dans leurs toutes premières années de carrière dans l'industrie, une maîtrise
exceptionnelle dans un contexte international. Hadi Moussavi rappelle ici ce parcours et conseille aux jeunes
camarades d’oser et de rester prêts à relever tous les défis.
Un projet d’envergure
PHOTO J. BARANDE
JR : Comment as-tu choisi ton
premier emploi ?
Hadi Moussavi : Je suis arrivé sur
le marché du travail en 2000, en sortant d’école d’application (l’ENSTA).
Après un dernier stage chez Gemini
Consulting, j’ai été embauché par CVA
(Corporate Value Associates), comme
consultant junior en stratégie. C’était
probablement un effet de mode à l’époque
mais, très vite, j’ai compris que je ne
m’épanouissais pas dans ce métier.
Aujourd’hui, je suis directeur de Projet,
en charge d’un projet d’envergure pour
la fourniture d’une installation cryogénique de distribution d’hélium liquide
pour le nouvel accélérateur de particules
du CERN. Je suis très autonome et gère
une soixantaine de personnes. C’est un
projet très exposé auprès du client et du
siège du groupe.
Promouvoir l’image de l’X
La plus grosse usine du monde
J’ai postulé auprès de quelques groupes
industriels, dont Air Liquide que j’ai
rejoint en juillet 2001 comme “ démarreur ”. Mon métier était de mettre en
service les usines du groupe dans le département Ingénierie. J’ai voyagé de pays
en pays pendant trois ans.
Mes deux dernières expériences de
démarrage ont été celle de Responsable
Démarrage de la plus grosse usine d’oxygène du monde en Afrique du Sud, puis
d’une très grande usine d’hydrogène en
France.
Ensuite, j’ai rejoint la Direction commerciale et étais en charge des ventes
d’unités de production pour la zone
Né en Iran et arrivé en France à l'âge de douze
ans avec sa famille, Hadi Moussavi (95) a
effectué toute sa scolarité en France. Entré à
l'X juste après sa naturalisation, affecté à la
section volley, il a exercé à la Kès les fonctions
de kessier enseignement. Célibataire, il habite
à Grenoble depuis un an, après avoir parcouru
le monde pour Air Liquide.
Moyen-Orient. Cette expérience a été
courte (cinq mois) car la Direction du
groupe m’a demandé de m’occuper d’un
projet très important pour le CERN,
dirigé depuis notre Division Techniques
avancées basée à Grenoble.
LE PRIX PIERRE FAURRE
Le prix Pierre Faurre, décerné depuis 2002 par la Fondation de l’X, récompense
un jeune polytechnicien " dont les toutes premières années de carrière dans
l’industrie démontrent une combinaison de maîtrise technique, d’aptitude au leadership
et de réussite dans un contexte international, qui fait honneur à la formation
de l’École polytechnique. "
Hadi Moussavi : " J’ai eu de belles responsabilités au sein d’Air Liquide et toutes
ont été des réussites pour les équipes auxquelles j’appartenais. Ce n’est pas moi
qui ai postulé, mais mon dossier a été présenté par le siège du groupe Air Liquide
et sélectionné par la Fondation de l’X. Probablement, mon goût pour l’entreprise
et mon envie de relever des défis ont contribué à ce choix. "
30 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
As-tu noué des liens avec les
milieux économiques extérieurs ?
H.M. : Je m’occupe de ce projet à
temps plein et n’ai pas le temps, malheureusement, de m’investir trop à l’extérieur.
Mais, je suis très attaché à la tradition polytechnicienne et aide autant que
possible mes jeunes camarades. Malheureusement mon travail ne me permet pas
de m’investir davantage, mais probablement, dans le futur j’aurai l’occasion
de le faire.
En tant que lauréat du prix Pierre
Faurre, je me dois d’être disponible pour
promouvoir l’image de l’X auprès de la
communauté industrielle.
Quels conseils donnes-tu à ces
jeunes camarades ?
H.M. : Oser! Ne pas se donner beaucoup de contraintes (géographiques, familiales, professionnelles...). Être prêt pour
les challenges et croire en la force de la
volonté. Dans toutes les belles industries
il y a beaucoup d’opportunités pour s’épanouir. Continuer à apprendre et ne jamais
croire avoir appris ou savoir !
■
* Cf. n° 611 de La Jaune et la Rouge, janvier 2006,
page 43.
31-32_Forum social
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14:24
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FORUM SOCIAL
L’envers du décor
S’attaquer aux causes profondes
de la ségrégation sociale
Les émeutes en banlieue de la fin 2005 nous ont sensibilisés au rôle
que joue l’école dans la construction d’une cohésion sociale.
Des regards divergents sont portés sur les conditions à créer pour
obtenir de meilleurs résultats.
Éric Maurin, qui est directeur d’études à l’École des hautes études
sciences sociales, a publié en 2004 Le ghetto français 1, dans lequel,
à partir des enquêtes emploi de l’Insee, il fait apparaître la ségrégation
qui prédomine dans les quartiers d’habitat en France.
Dans sa conclusion, il souligne que “ l’environnement social immédiat
n’est pas une contingence secondaire, dont l’effort, le travail et le mérite
pourraient aisément lever les hypothèques : il tend au contraire
à s’imposer comme une condition au développement de chacun ”.
Prolongeant sa réflexion, il s’interroge alors sur “ les causes profondes
de l’anxiété sociale des familles et des jeunes face à l’école et au marché
du travail ”.
D
ANS LA FOULÉE des politiques
alternatives que j’ai tenté
d’illustrer, je crois notamment nécessaire de promouvoir une
scolarité obligatoire moins sélective,
moins anxiogène, avec des programmes
moins lourds et plus concrets, autour
desquels pourraient se déployer des
scolarités obligatoires dont le redoublement ou l’échec seraient bannis
(comme c’est le cas chez la plupart de
nos voisins européens). Le collège
est le moment où se construisent les
relégations les plus définitives et les
humiliations les plus marquantes. Le
moment où se creusent d’irrémédiables distances entre ceux que leur
environnement social prépare depuis
longtemps aux exercices savants et
aux humanités, et ceux qui en ignorent les codes ou n’en perçoivent pas
l’utilité. Suspendre la sélection précoce et promouvoir un véritable “ col-
lège pour tous ” restent un projet
d’actualité, dont l’objectif serait l’acquisition d’une culture commune par
chaque classe d’âge, culture discutée
et définie par l’ensemble de la société
et non plus seulement par les spécialistes de chaque discipline.
Un premier problème, le plus évident, est de définir cette culture commune, adaptée à un collège de masse.
Il s’agit d’un problème extrêmement
délicat, mais de nature politique. Il
doit pouvoir se résoudre sur le forum
démocratique.
Il doit être possible de converger
vers des programmes accessibles à un
plus grand nombre de collégiens. Ce
faisant, on pourrait espérer régler en
partie le problème posé aux enseignants par l’hétérogénéité des publics
fréquentant aujourd’hui le collège.
Toutefois la véritable difficulté
n’est peut-être pas tant de redéfinir
les objectifs de la scolarité obligatoire
que de modifier les rapports des familles
avec l’école, et notamment des familles
les mieux informées des enjeux d’une
bonne formation initiale. Autrement
dit, il semble difficile d’imaginer un
collège moins concurrentiel et inégalitaire sans réformer également le lycée
et l’enseignement supérieur et, plus
généralement, sans promouvoir une
société plus fluide. Il serait utopique
d’espérer désamorcer la concurrence
pour les meilleurs lycées en gardant
l’enseignement supérieur tel qu’il est,
avec des grandes écoles ultra-élitistes,
des filières universitaires de relégation, et très peu de passerelles entre
les deux.
L’enseignement supérieur ne
concerne aujourd’hui qu’une minorité d’enfants : essentiellement des
enfants de cadres supérieurs et, à un
moindre degré, de classes moyennes.
Les problèmes peuvent à ce titre paraître
secondaires par rapport à ceux que
rencontrent une majorité d’enfants
dont beaucoup sont en échec dès
l’école et le collège. En réalité les deux
questions sont intimement liées.
La ségrégation spatiale, l’usage
consumériste des établissements privés par les parents, la pression pour
les classes de niveaux, l’orientation
sélective, etc., toutes ces réalités qui
minent l’école et le collège de l’intérieur ne pourront être désamorcées
si l’enseignement supérieur reste une
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 31
31-32_Forum social
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institution aussi cloisonnée, où chaque
inflexion de trajectoire est aussi un
irréversible déclassement social.
Plus fondamentalement, c’est notre
modèle de société tout entier qu’il
faut interroger. La France se caractérise par un degré élevé et croissant
d’inégalités de statut dans l’emploi.
Depuis maintenant vingt ans, les
inégalités de salaire ou de revenus
restent à des niveaux historiquement
faibles, mais les inégalités d’exposition à l’intérim, aux CDD et au chômage sont en augmentation régulière 2.
La France est le pays d’Europe où
ces inégalités entre jeunes et âgés ou
entre diplômés et non-diplômés sont
les plus élevées. Dans le même temps,
la mobilité dans la hiérarchie des
salaires baisse 3.
Pour simplifier, la société française
s’adapte aux changements contemporains en maintenant des inégalités
de revenus relativement modérées (en
regard de ce qu’elles ont été), mais
de plus en plus irréversibles. En somme,
elle produit de nouveaux statuts auxquels sont associés des destins étroitement scellés.
Il n’y a là aucune fatalité. Il existe
bien d’autres façons de s’adapter aux
évolutions technologiques et industrielles, comme en témoigne la diversité des expériences en Europe et
outre-Atlantique 4. Il est tout à fait
possible d’évoluer vers une société où
les trajectoires se définissent de façon
moins irréversible à chaque étape de
la scolarité et de la vie, une société
où les échecs de chacun ne soient pas
autant d’atteintes destructrices à l’estime de soi.
Il est tout à fait possible d’évoluer
vers une société plus fluide. Cela suppose des passerelles plus nombreuses
et bien plus étroites, des allers retours
plus fréquents et naturels, entre formation initiale et marché du travail,
formation générale et formation professionnelle. Alors seulement les familles
pourront entretenir un rapport un
32 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
peu moins anxieux à l’avenir, à la scolarité de leurs enfants et au territoire
qui cristallise et révèle l’étendue des
blocages. Et les conditions d’une plus
grande mixité sociale seront peut-être
réunies.
À l’orée des années 1960, dans des
discours restés célèbres, John Kennedy
puis Lyndon Johnson définissaient
une nouvelle frontière sociale pour
leur pays : au-delà de l’égalité des
droits, l’égalité réelle des personnes,
l’égalité devant les processus de constitution de soi, devant l’avenir. Il est
de bon ton aujourd’hui de déclarer
que tout a été dit et tenté en matière
de justice sociale. L’examen scrupuleux de la situation française montre
qu’il n’en est rien. À bien des égards,
nous n’avons jamais réellement pris acte
du déchirement intérieur de notre
société, ni réellement mis en œuvre les
principes politiques qui permettraient
de la rassurer et de la recoudre. ■
Éric Maurin (81)
1. Le ghetto français – Enquête sur le séparatisme social, République des idées, Le Seuil, 2004.
2. Voir Thomas DiPrete et al. “Insecure Employment
Relationships in Flexible and Regulated Labor
Markets : a Comparison of the United States
and France ”, document de travail CREST, 2004.
3. Voir Stéphane Bonhomme et Jean-Marie
Robin, “Modeling Individual Earning Trajectories
with Copulas : France 1990-2002 ”, document
de travail CREST, 2004.
4. Voir Éric Maurin et Fabien Postel-Vinay, “ The
European Job Security Gap ”, à paraître dans
Word and Occupation.
Ce texte est susceptible de donner lieu à controverse sur le fonctionnement
du système scolaire et sur les conditions d’accès à l’enseignement supérieur.
Nous avons cependant souhaité le publier car notre camarade Maurin s’étant
déjà exprimé sur ce point dans la presse quotidienne, nous avons pensé
qu’il valait la peine de lui ouvrir notre rubrique du Forum social, en espérant
que cela inciterait les lecteurs à ouvrir un débat sur une question qui est
d’une grande actualité.
Les responsables de la rubrique Forum social :
Jacques GALLOIS (45),
Jacques DENANTES (49),
Dominique MOYEN (57)
33-40_Mazoyer
6/02/06
14:26
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LIBRES PROPOS
Développement agricole inégal
et sous-alimentation paysanne
Marcel Mazoyer*
Cet article, paru initialement dans l’ouvrage La fracture agricole
et alimentaire mondiale – Nourrir l’humanité aujourd’hui et demain,
Universalis, Paris, 2005, est repris et publié avec l’aimable autorisation
de l’éditeur.
N
OVEMBRE 1996. Au crépuscule du dernier millénaire,
une lueur d’espoir paraît à
l’horizon : près de cent quatre-vingtdix chefs d’État et de gouvernement,
réunis à Rome à l’occasion du Sommet
mondial de l’alimentation, s’engagent
solennellement “ à réduire de moitié
le nombre des personnes sous-alimentées d’ici à 2015 au plus tard ”.
Octobre 2004. Coup de tonnerre
dans un ciel de nouveau assombri :
le rapport annuel sur la situation de
l’insécurité alimentaire dans le monde
(FAO, 2004) évalue à 852 millions le
nombre de personnes souffrant de la
faim, signifiant ainsi que, loin de diminuer, ce nombre a au contraire augmenté de 37 millions en dix ans.
Pourtant, malgré l’explosion démographique sans précédent des dernières décennies, la production agricole et alimentaire mondiale a augmenté
plus vite que la population. Au cours
de la seconde moitié du XXe siècle, la
population mondiale, en passant de
2,5 milliards de personnes en 1950
à 6 milliards en 2000, a été multipliée
par 2,4. Or, dans le même temps, la
production agricole et alimentaire a été
multipliée par 2,6 (Faostat), progressant ainsi plus vite que la population, et beaucoup plus en cinquante ans qu’elle ne l’avait fait
auparavant en dix mille ans d’histoire
agraire.
Pour autant, la question de la pauvreté et de la faim que posait déjà
Malthus (1766-1834) au sujet de
l’Angleterre en proie à la révolution
agricole et industrielle du XVIIIe siècle,
se pose toujours avec autant d’acuité,
à l’échelle d’un monde en proie à la
révolution agricole, industrielle et
commerciale contemporaine : pourquoi, malgré une croissance économique supérieure à celle de la population, le nombre de pauvres et de
sous-alimentés reste-t-il si important,
et que faire pour y remédier ? Que
faire en effet sachant que 3 milliards
d’humains disposant de moins de
2 euros par jour se privent plus ou
moins de nourriture, que 2 milliards
souffrent de graves malnutritions et
que 852 millions ont faim presque
tous les jours ?
* Marcel Mazoyer est professeur émérite d’agriculture comparée et développement agricole à
l’Institut national agronomique de Paris-Grignon,
où il a succédé à René Dumont. Il est auteur
avec Laurence Roudart de l’Histoire des agricultures du monde, Seuil, 2002, et d’Agricultures
du monde, du Néolithique à nos jours, Autrement,
2004.
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Que faire pour venir à bout au
plus tôt de la pauvreté et de la faim,
et que faire à l’avenir pour subvenir
pleinement aux besoins d’une population qui devrait approcher 9 milliards de personnes dans cinquante ans,
et plafonner autour de 10 milliards
avant la fin du siècle ?
Telles sont les questions auxquelles
nous voulons répondre ici, en traitant successivement des limites et des
inconvénients de la croissance agricole mondiale, des principales raisons de la pauvreté et de la sous-alimentation, des possibilités et des
moyens d’y remédier.
Les limites et
les inconvénients
de la croissance agricole
régions des pays industrialisés ou émergents, les rendements ont même décuplé, pour atteindre 10 tonnes de céréales
ou d’équivalent-céréales par hectare,
et se rapprocher ainsi du maximum
possible. Cet accroissement des rendements a résulté surtout de l’utilisation de semences sélectionnées génétiquement, à haut potentiel de
rendement, d’engrais minéraux à haute
dose et de pesticides très efficaces ainsi
que, dans certains cas, de l’irrigation
qui a été étendue de 80 millions d’hectares en 1950 à 240 millions en 2000.
En revanche, dans beaucoup de
régions pauvres des pays en développement, les rendements n’ont pratiquement pas augmenté et sont toujours de l’ordre de une tonne par
hectare, et donc très éloignés du maximum possible.
L’énorme augmentation de la production agricole et alimentaire mondiale au cours de la seconde moitié
du XXe siècle provient pour une faible
part, moins de 15 %, de l’extension
des terres arables, qui sont passées
de 1 330 millions d’hectares en 1950
à 1 500 millions d’hectares en 2000.
Pour une part aussi, elle provient de
la réduction des jachères et du développement concomitant des cultures,
des élevages et de l’arboriculture. Dans
quelques régions très peuplées du
monde, les paysans ont même réussi
à construire de leurs mains des écosystèmes cultivés superposant plusieurs étages d’arboriculture fruitière,
dominant des associations denses de
cultures vivrières et fourragères, des
élevages d’herbivores, de porcs et de
volailles, et parfois même, des bassins d’aquaculture. Des écosystèmes
cultivés complexes qui sont capables
de fournir, sans engrais, autant de
produits végétaux et animaux que les
cultures et les élevages spécialisés les
plus performants pourraient le faire sur
la même surface.
Pauvreté et sous-alimentation
rurales
Mais, pour une grande part, plus
de 70 %, cette augmentation de production provient de la croissance du
rendement moyen mondial des cultures, qui a été multiplié par plus de
deux en cinquante ans. Dans quelques
Certes, il est difficile d’admettre
qu’après des décennies de révolution
agricole et de révolution verte, la pauvreté et la sous-alimentation rurales se
perpétuent avec une telle ampleur.
Pourtant, il suffit pour s’en convaincre
34 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Selon la FAO, près des trois quarts
des humains sous-alimentés sont des
ruraux. Des ruraux pauvres, dont la
majorité sont des paysans, particulièrement mal équipés, mal situés et
mal lotis, et des ouvriers agricoles très
peu payés. Quant aux autres sous-alimentés, la plupart d’entre eux sont
d’ex-ruraux récemment poussés à
l’exode vers les camps de réfugiés ou
les bidonvilles sous-équipés et sousindustrialisés, dans lesquels règnent
le chômage et les bas salaires, et où
ils ne peuvent trouver de moyens
d’existence suffisants.
Or, on sait que, malgré un exode
rural de plus de 50 millions de personnes par an, le nombre de pauvres
et sous-alimentés des campagnes ne
diminue guère. Ce qui signifie qu’un
nombre à peu près égal de nouveaux
pauvres et sous-alimentés se forme
chaque année dans les campagnes du
monde.
de relever les traits les plus marquants
d’une situation agricole mondiale très
contrastée.
Inégalités agricoles
et pauvreté paysanne
Rappelons tout d’abord qu’à l’échelle
du monde les ruraux et les agriculteurs sont encore très nombreux : la
population rurale s’élève à 3,3 milliards de personnes, soit 52 % de la
population mondiale ; la population
agricole totale (active et non active)
s’élève à 2,6 milliards de personnes,
soit 41 % de cette même population
mondiale ; quant à la population agricole active, elle s’élève à 1,34 milliard
de personnes, soit 43 % de la population active du monde (Faostat).
Rappelons aussi que, dans presque
tous les pays, le revenu moyen des
agriculteurs est très inférieur à celui
des citadins, et même inférieur à celui
des salariés non qualifiés.
Mais surtout, il faut savoir que
pour 1,34 milliard d’actifs agricoles,
on ne compte dans le monde en tout
et pour tout que 28 millions de tracteurs (soit 2 % du nombre des actifs
agricoles), et 250 millions d’animaux
de travail (soit 19 % du nombre des
actifs agricoles). C’est dire que la
grande motorisation-mécanisation qui
a triomphé dans les pays industrialisés et dans quelques secteurs des
pays émergents n’a touché qu’une
infime minorité des agriculteurs du
monde, que la culture à traction animale ne bénéficie aujourd’hui qu’à
un cinquième environ d’entre eux, et
que les quatre cinquièmes des actifs
agricoles du monde, soit environ un
milliard de paysans, travaillent uniquement avec des outils à mains (bêche,
houe, machette, faucille…).
D’un autre côté, sachant que moins
de 800 millions d’agriculteurs, tous
types d’équipement confondus, utilisent couramment des semences sélectionnées, des engrais minéraux et des
pesticides, il faut en déduire qu’environ 500 millions de paysans n’ayant
généralement ni tracteur, ni animal
de travail, n’utilisent pas non plus ces
intrants efficaces.
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Les inégalités d’équipement, de
productivité et de revenu entre les
différentes agricultures du monde
sont donc énormes : d’un côté, quelques
millions d’agriculteurs disposant de
puissants tracteurs et de machines
valant plusieurs centaines de milliers
d’euros et utilisant les intrants les plus
efficaces peuvent produire plus de
1000 tonnes de céréales ou équivalentcéréales par travailleur et par an (plus
de 100 hectares/travailleur X près de
10 tonnes/hectare) ; de l’autre côté,
des centaines de millions de paysans
disposant seulement d’un outillage
manuel valant quelques dizaines d’euros et n’utilisant pas ces intrants efficaces, ne peuvent pas produire plus
de 1 tonne de céréales ou d’équivalentcéréales par travailleur et par an (1 hectare/travailleur X 1 tonne/hectare).
Encore faut-il ajouter que dans de
nombreux pays autrefois colonisés
(Amérique latine, Afrique du Sud…)
ou communistes (Ukraine, Russie…)
n’ayant pas connu de réforme agraire
significative récente, la majorité des paysans ont été, historiquement, plus ou
moins privés de terre par les grands
domaines, publics ou privés, de plusieurs milliers ou dizaines de milliers
d’hectares.
En conséquence, ces paysans qui
disposent d’une superficie de quelques
ares, inférieure à celle qu’ils pourraient cultiver avec leurs faibles outils,
et inférieure à celle qui leur serait
nécessaire pour couvrir les besoins
alimentaires de leur famille, sont obligés d’aller chercher du travail au jour
le jour dans ces grands domaines,
contre des salaires allant de 1/8 d’euro
à 2 euros la journée selon les pays, les
saisons et les régions.
Ainsi, dans les pays en développement, les paysans produisant moins
de 1 tonne de céréales par an, valant
aujourd’hui autour de 100 euros la
tonne, et les salariés agricoles gagnant
moins de 2 euros par jour se comptent par centaines de millions : il n’est
donc pas étonnant que la pauvreté et
la sous-alimentation soient aussi massivement répandues dans les campagnes du monde.
Mais il reste à expliquer par quel
processus de développement inégal
et d’appauvrissement on a pu aboutir à une situation aussi insoutenable.
Les raisons de la pauvreté
et de la sous-alimentation
rurales
Un développement agricole
très inégal et limité
Au début du XXe siècle, toutes les
agricultures du monde s’inscrivaient
dans un écart de productivité du travail de l’ordre de 1 à 10 : 1 tonne par
travailleur et par an pour la culture
manuelle qui était encore présente,
bien que minoritaire, dans les pays
industrialisés, mais très majoritaire
dans le reste du monde ; quelques
tonnes par travailleur pour la culture
à traction animale répandue dans les
pays industrialisés et dans quelques
régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique
latine; 10 tonnes par travailleur pour
la culture à traction animale mécanisée, la plus performante, déjà présente dans quelques régions des pays
industrialisés.
Mais, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la révolution agricole contemporaine (grande motorisation-mécanisation, semences
sélectionnées génétiquement à haut
rendement, engrais minéraux, pesticides), qui avait commencé avant la
Seconde Guerre mondiale, s’est généralisée dans les pays développés, avant
de gagner quelques secteurs limités
des pays en développement.
Dans les pays développés, un
nombre toujours plus réduit d’exploitations familiales a profité des hauts
prix agricoles de l’après-guerre et des
politiques poussées de développement agricole généralement pratiquées dans ces pays pour franchir
toutes les étapes de cette puissante
révolution. En céréaliculture par
exemple, la puissance des tracteurs
et la superficie maximale cultivable
par un travailleur ont presque doublé tous les dix ans; et celle-ci dépasse
aujourd’hui 200 hectares par tra-
vailleur. Dans le même temps, grâce
aux semences sélectionnées, aux
engrais et aux pesticides, les rendements ont pu augmenter de plus de
1 tonne par hectare tous les dix ans,
pour atteindre actuellement les
10 tonnes par hectare dans certaines
régions. Ainsi, la productivité du travail dépasse souvent les 1000 tonnes
par travailleur et par an, et peut même
parfois atteindre les 2 000 tonnes.
À partir des années 1960, dans
certains pays en développement, les
agriculteurs qui avaient les moyens
d’investir ont à leur tour profité des
politiques de développement agricole
vigoureuses, et des hauts prix agricoles du milieu des années 1970, pour
se lancer dans la révolution verte, une
variante de la révolution agricole
contemporaine dépourvue de grande
motorisation-mécanisation.
Basée sur la sélection de variétés à
haut rendement potentiel, de riz, de
maïs, de blé, de soja et de quelques
grandes cultures d’exportation, sur
une large utilisation des engrais minéraux et des pesticides et, le cas échéant,
sur la maîtrise de l’eau d’irrigation et
sur l’utilisation d’animaux de trait ou
de petits motoculteurs, la révolution
verte a été adoptée par les agriculteurs capables d’acquérir ces moyens
efficaces, dans les régions où il était
possible de les rentabiliser.
Puis, à partir du milieu des années
1970, des investisseurs de toutes sortes
(entrepreneurs et grands propriétaires,
grands groupes internationaux fournisseurs d’intrants, négociants, transformateurs et distributeurs de produits agricoles et alimentaires, fonds
d’investissement divers) ont tiré parti
des hauts prix agricoles du moment
et de l’expérience acquise en matière
de révolution agricole et de révolution verte par les agriculteurs familiaux du Nord et du Sud, pour se lancer dans la modernisation rapide de
grands domaines agricoles, de plusieurs milliers ou dizaines de milliers
d’hectares, existant dans certains pays
d’Amérique latine (Argentine, Brésil),
d’Afrique (Afrique du Sud, Zimbabwe)
et d’Asie (Philippines, Inde).
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Enfin, depuis les années 1990, des
entrepreneurs du même genre s’engagent également dans la modernisation des anciens domaines d’État ou
collectifs de l’ex-URSS et de l’Europe
de l’Est, dans lesquels, à la différence
de la Chine et du Viêtnam, la terre
n’a pas été redistribuée aux paysans.
Ces développements successifs de
la révolution agricole et de la révolution verte à travers le monde sont très
impressionnants. Mais cela ne doit
pas nous faire oublier que dans de
vastes régions enclavées ou accidentées d’Afrique subsaharienne, d’Asie
centrale et d’Amérique latine, où la
révolution verte a très peu pénétré,
mais aussi dans les régions où cette
révolution est très avancée, des centaines de millions de paysans n’ont
jamais pu accéder aux moyens de production, efficaces mais coûteux, qui
leur auraient permis de progresser.
Ainsi, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l’écart de productivité du travail entre les agriculteurs
les moins performants et les plus performants du monde a été multiplié
par plus de 100 : de 1 contre 10 qu’il
était au début du siècle, cet écart
dépasse aujourd’hui 1 contre 1 000 !
Mais si les agriculteurs les plus performants se comptent par millions,
les moins performants se comptent
par centaines de millions ! (voir figure 1).
Des excédents croissants
à prix décroissants
Dans les pays où la révolution agricole contemporaine et la révolution
verte ont le plus progressé, les gains
de productivité agricole ont été si
importants qu’ils ont souvent dépassé
ceux des autres secteurs de l’économie,
de sorte que les coûts de production
et les prix agricoles réels (déduction
faite de l’inflation) ont très fortement
baissé. De plus, dans certains pays,
la production agricole a augmenté
plus vite que la consommation intérieure, et les excédents exportables
ont fortement augmenté.
Ainsi, dans les pays développés,
au cours de la seconde moitié du
36 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
FIGURE 1
L’accroissement des inégalités de productivité du travail en culture céréalière
au xxe siècle.
siècle, les prix réels des matières
premières agricoles de base (céréales,
oléoprotéagineux, viandes, lait) ont
été divisés par trois ou quatre. Dans
le même temps, la production végétale ayant augmenté beaucoup plus
vite que la population faiblement croissante, des quantités toujours plus
importantes de produits végétaux ont
été utilisées par les élevages (volailles,
porcs, bovins), dont les produits ont
à leur tour fortement baissé en coûts
et en prix. Ainsi, malgré une consommation croissante en produits animaux, certains pays relativement bien
dotés en terres exploitables (ÉtatsUnis, Canada, Australie, NouvelleZélande et à un moindre degré quelques
pays d’Europe) ont réussi à dégager des
excédents exportables en quantités
croissantes, à des prix décroissants.
XXe
Dans les pays en développement
où la révolution verte a le plus progressé,
en Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est
notamment, même sans grande motorisation, l’augmentation des rendements a entraîné une forte hausse de
la productivité et une baisse importante
des coûts de production et des prix agricoles réels. Certains de ces pays sont
devenus eux aussi exportateurs
(Thaïlande, Viêtnam), alors même
que la sous-alimentation y est très
répandue.
Enfin, dans les anciens pays coloniaux ou communistes, où les grandes
entreprises agricoles à salariés récemment modernisées atteignent aujourd’hui un niveau de productivité aussi
élevé que celui des exploitations familiales les mieux équipées d’Amérique
du Nord et d’Europe, les coûts de
production sont encore plus bas et
défient toute concurrence. Là en effet,
les salaires ne dépassent pas quelques
dizaines d’euros par mois, les prix des
machines et des intrants fabriqués sur
place sont beaucoup plus bas que
dans les pays industrialisés, les charges
fiscales sont souvent très faibles et les
monnaies locales sont fréquemment
sous-évaluées. Et comme la pauvreté
et la sous-alimentation limitent les
débouchés intérieurs, ces pays dégagent aussi des excédents exportables
très importants. Enfin, comme certains d’entre eux disposent d’immenses
réserves de terres inexploitées ou sousexploitées, ils pourront exporter à
l’avenir des quantités croissantes sur
les marchés internationaux.
Les marchés internationaux des
produits agricoles et alimentaires de
base sont donc approvisionnés par
des pays exportateurs très divers :
pays industrialisés, pays en développement, pays émergents ou en transition, dans lesquels les conditions
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naturelles et les niveaux d’équipement et de productivité sont très
inégaux, et dans lesquels les coûts des
machines et des intrants peuvent varier
du simple au double, et ceux de la
main-d’œuvre du simple au centuple.
D’un autre côté, les pays importateurs de ces denrées sont également
très divers : pays industrialisés dans
lesquels l’étroitesse des terres facilement cultivables (Suisse, Norvège,
Autriche, Japon) ou le très faible nombre
d’agriculteurs (Royaume-Uni, Suède)
n’a pas permis à la production de suivre
l’augmentation et la diversification de
la consommation; pays émergents dans
lesquels, malgré la révolution verte, la
production n’a pas pu suivre la consommation d’une population fortement
croissante ; mais aussi pays à faible
revenu et forte dépendance vivrière,
dans lesquels la révolution verte n’a
que peu pénétré.
La baisse des prix agricoles
internationaux
et ses conséquences
Des prix internationaux
très souvent inférieurs
aux coûts de production
Les denrées agricoles et alimentaires de base ont ceci de particulier
que la plus grande partie de la production est consommée à l’intérieur
de chaque pays producteur et ne passe
pas les frontières. Les marchés internationaux de ces denrées ne concernent donc qu’une petite partie de la
production et de la consommation
mondiales (de 10 à 30 % selon les
catégories de produits). Ce sont des
marchés restreints, où l’offre se trouve
amplifiée par la pauvreté et la sousconsommation qui prévalent dans les
pays en développement exportateurs,
tandis que la demande se trouve réduite
par la pauvreté et la sous-consommation qui prévalent dans les pays
importateurs à faible revenu.
Ce sont donc des marchés sur lesquels la sous-consommation des uns
et des autres crée une insuffisance
chronique de la demande par rap-
port à l’offre, et sur lesquels la demande
équilibre l’offre lorsque le prix descend assez bas pour être supportable par l’importateur le plus pauvre
et pour égaliser le coût de production, non pas de l’exportateur le plus
compétitif, mais de l’exportateur
encore assez compétitif pour répondre
à cette demande à ce prix-là.
Pour les céréales par exemple, dont
le volume d’échange international est
d’environ 15 % de la production et de
la consommation mondiales, le prix
international s’établit non pas au coût
de production le plus bas des excédents exportables (80 euros la tonne :
coût de production argentin ou ukrainien), mais au coût de production du
15e centile des volumes produits dans
le monde (100 euros la tonne : coût
de production australien ou canadien).
Ainsi, le prix international des céréales
est inférieur au coût de production
de 85 % des volumes produits dans
le monde. Il est inférieur aux coûts de
production de la très grande majorité
des agriculteurs du monde : inférieur
aux coûts de production des agriculteurs américains (130 euros la tonne
environ), qui ne pourraient donc pas
continuer d’exporter massivement, et
très inférieur à celui des agriculteurs
européens (150 euros la tonne), qui ne
pourraient pas continuer d’approvisionner leur propre marché intérieur,
s’ils ne recevaient pas les uns et les
autres des aides publiques très importantes, leur permettant de compenser
la différence entre leurs coûts de production et le prix international, ce qui
contribue d’ailleurs à maintenir ce prix
assez bas. Mais ce prix international est
de toute façon très inférieur aux coûts
de production des centaines de millions
de paysans produisant moins de 1 tonne
de céréales par an, coûts que l’on peut
estimer à 400 euros la tonne si on veut
qu’ils obtiennent un revenu de 1 euro
par jour.
Conséquences pour les
agriculteurs des pays développés
Dans les pays développés, la forte
baisse des prix agricoles réels a entraîné
une diminution importante du revenu
des petites et moyennes exploitations
qui n’ont pas eu les moyens d’investir et de progresser suffisamment pour
en compenser les effets.
De très nombreuses exploitations
se sont ainsi retrouvées incapables de
dégager un revenu familial socialement acceptable. Devenues non rentables, elles n’ont pas été reprises lors
de la retraite de l’exploitant. Leurs
meilleures terres ont été partagées
entre les exploitations voisines en
développement, alors que les moins
bonnes sont passées à la friche. C’est
ainsi que plus des trois quarts des
exploitations agricoles existant au
début du XXe siècle dans les pays développés ont disparu. Mais si, dans ces
pays, les enfants d’agriculteurs quittant la terre ont généralement trouvé
du travail dans l’industrie ou dans les
services, il en est allé tout autrement
pour les centaines de millions de paysans pauvres acculés à l’exode dans
les pays en développement.
Conséquences pour les paysans
pauvres des pays
en développement
Dans ces pays en effet, confrontés
à la baisse des prix, les paysans faiblement outillés, mal situés et peu
productifs ont d’abord vu leur pouvoir d’achat baisser. La majorité d’entre
eux s’est retrouvée dans l’incapacité
d’acheter des outils plus performants,
et même d’acheter les intrants efficaces de la révolution verte. Leur développement a donc été bloqué. La baisse
des prix se poursuivant, leur revenu
monétaire est devenu insuffisant pour,
à la fois, renouveler leur outillage et
acheter quelques biens de consommation indispensables. Ils ont dû alors
faire des sacrifices de toutes sortes,
vendre leur menu bétail, réduire leurs
achats… Ils ont dû aussi étendre le
plus possible les cultures destinées à
la vente, et réduire la superficie des
cultures vivrières destinées à l’autoconsommation familiale, car la superficie totale cultivable avec leurs faibles
outils est forcément très limitée. C’est
dire que la survie de l’exploitation paysanne dont le revenu tombe en dessous du seuil de renouvellement économique n’est possible qu’au prix d’une
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véritable décapitalisation (vente de
cheptel vif, réduction et mauvais entretien de l’outillage) et de la sous-alimentation. À moins de se livrer à des
cultures illégales : coca, pavot, chanvre…
Pour mieux comprendre ce processus, considérons un céréaliculteur
soudanien, andin ou himalayen disposant d’un outillage manuel et produisant 1000 kg de grain net (semences
déduites), sans engrais ni pesticide.
Il y a une cinquantaine d’années, un
tel céréaliculteur recevait l’équivalent
de 40 euros d’aujourd’hui pour 100 kg
de grain : il devait alors en vendre
200 kg pour renouveler son outillage,
ses vêtements…, et il lui en restait
800 kg pour nourrir modestement
4 personnes ; en se privant un peu,
il pouvait même en vendre 100 kg
de plus pour acheter quelque outil
nouveau plus efficace. Il y a une vingtaine d’années, il ne recevait plus que
l’équivalent de 20 euros de 2005 pour
100 kg : il devait alors en vendre
400 kg pour renouveler son outillage
et les autres biens indispensables, et
il ne lui restait plus que 600 kg pour
nourrir, cette fois insuffisamment,
4 personnes ; il ne pouvait donc plus
acheter de nouvel outil. Enfin, aujourd’hui, s’il ne reçoit plus que
10 euros pour 100 kg de grain, il
devrait en vendre plus de 800 kg pour
renouveler son matériel et les autres
biens nécessaires, ce qui est bien sûr
impossible puisqu’on ne peut nourrir 4 personnes avec 200 kg de grain.
En fait, à ce prix, il ne peut ni renouveler complètement son outillage,
pourtant dérisoire, ni manger à sa
faim et renouveler sa force de travail :
il est donc condamné à l’endettement,
puis à l’exode vers les bidonvilles
sous-équipés et sous-industrialisés,
où règnent le chômage et les bas
salaires.
Ce processus d’appauvrissement
et d’exclusion a touché des couches toujours renouvelées de paysans travaillant en culture manuelle, au fur
et à mesure qu’ils ont subi la concurrence des denrées vivrières provenant
des marchés internationaux ou des
entreprises agricoles modernisées
situées dans leurs propres pays.
38 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Pressés par la baisse des prix des
denrées vivrières, nombre de paysans
des pays en développement ont cessé
de produire ces denrées pour approvisionner leur propre pays et ils se
sont orientés vers les productions destinées à l’exportation : café, cacao,
banane, coton, hévéa… Mais comme
la révolution agricole et la révolution
verte se sont également développées
dans ces branches de production, la
baisse des prix des produits tropicaux
d’exportation a suivi de près celle des
denrées vivrières, et elle a touché de
la même manière les paysans les plus
démunis.
Ruptures de stocks
et explosions des prix
Du fait de la baisse des coûts de
transport, les prix payés aux agriculteurs dans les pays qui protègent
peu leur agriculture vivrière tendent
à se rapprocher des prix internationaux. Quand ces prix fortement déclinants deviennent inférieurs aux coûts
de production des petits et des moyens
agriculteurs, ceux-ci réduisent puis
abandonnent les productions correspondantes. À la longue, le déficit
des pays importateurs s’accroît. Les
excédents des pays exportateurs, bridés par la baisse des prix, n’augmentent pas dans les mêmes proportions. Les stocks internationaux
de fin de campagne se réduisent. Et
il arrive un moment où les acheteurs,
craignant la rupture des stocks, précipitent leurs achats et provoquent
une véritable explosion des prix. En
quelques semaines, ceux-ci peuvent
tripler ou quadrupler, remonter au
niveau des coûts de production des
paysans les moins compétitifs, et se
rapprocher du niveau élevé qu’ils
avaient atteint lors de la précédente
hausse des prix.
Dans ces périodes de très hauts
prix, l’aide alimentaire se fait rare, les
pays pauvres manquant de devises
doivent s’endetter pour s’approvisionner, les consommateurs-acheteurs
pauvres ne peuvent plus subvenir à
leurs besoins et les sous-alimentés des
villes se font plus nombreux que ceux
des campagnes.
Les paysans pauvres qui avaient
réussi à survivre jusque-là profitent
de cette hausse des prix pour se refaire
une santé, alors que les producteurs
compétitifs en profitent pour investir massivement et conquérir les parts
de marchés perdues par les paysans
précédemment ruinés. En quelques
années, les prix retombent donc à
leur niveau antérieur, avant de repartir à la baisse au rythme des investissements et des réductions de coûts
des plus compétitifs.
La courbe du prix réel du blé sur
le marché de Chicago (voir figure 2)
illustre parfaitement ce mode de fonctionnement des marchés internationaux des denrées vivrières de base :
les longues périodes de baisses des
prix (1952-1972 et depuis 1982) alternent avec de courtes périodes de hauts
prix (1945-1951 et 1972-1979).
Ainsi, quand les prix sont bas, ce
sont des centaines de millions de
petits producteurs-vendeurs appauvris qui se privent de nourriture, et
quand les prix sont hauts, ce sont
des centaines de millions de consommateurs-acheteurs pauvres qui se privent à leur tour. Le marché, qui équilibre bien l’offre et la demande solvable,
n’équilibre jamais l’offre et les besoins
non solvables des pauvres. Et il peut
d’autant moins le faire qu’il est luimême la cause primordiale de la pauvreté et de la sous-alimentation rurales
et urbaines. Les longues périodes de
bas prix affament les paysans pauvres.
Et, comme elles amplifient l’exode, elles
produisent aussi les millions de
consommateurs-acheteurs pauvres
qui seront affamés lors de la hausse
des prix suivante.
Ajoutons que, au-delà de ces larges
fluctuations, les prix agricoles sont
encore animés de fortes variations
annuelles ou saisonnières. Pour des
raisons climatiques ou autres, l’offre
agricole est en effet très variable, tandis que la demande solvable des
consommateurs ayant les moyens de
manger à suffisance est relativement
inélastique. En conséquence, les variations de prix à court terme dont souffrent alternativement les producteurs-
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FIGURE 2
Évolution du prix réel de la tonne de blé sur le marché spot de Chicago (en dollars de 1998).
Source : J.-M. BOUSSARD.
vendeurs et les consommateurs-acheteurs pauvres n’en sont que plus
importantes.
Conséquences pour l’économie
des pays pauvres et pour
l’économie mondiale
La baisse et l’instabilité des prix
agricoles ont d’autres conséquences.
En excluant de la production des millions de paysans chaque année, et en
décourageant la production de ceux
qui restent, elles limitent la production et accroissent le déficit alimentaire
des pays pauvres. En alimentant le
flot de l’exode rural, elles contribuent
à entretenir un chômage important
et à faire baisser les salaires en milieu
urbain. Les victimes de l’exode sont
en effet contraintes d’accepter des
salaires à peine supérieurs au revenu
des paysans marginalisés par la baisse
des prix.
À cet égard, on peut constater que
la hiérarchie des salaires dans les différentes parties du monde suit de près
celle des revenus de la paysannerie. En
conséquence, les recettes budgétaires
dans les pays agricoles pauvres sont
faibles, trop faibles pour que ces pays
puissent se moderniser et attirer des
investissements. D’où l’endettement
et même le surendettement, qui débouchent dans bien des cas sur la perte
de légitimité des gouvernements, l’ingouvernabilité et la guerre civile.
Dans ces conditions, il n’est pas
étonnant que la moitié de l’humanité,
dans les campagnes ou dans les bidonvilles, se retrouve avec un pouvoir
d’achat insignifiant, et constitue une
immense sphère d’insolvabilité des
besoins qui limite la consommation et
les possibilités d’investissements productifs.
Venir à bout de la pauvreté
et de la faim
La quantité de nourriture nécessaire pour subvenir aux besoins nutritionnels insatisfaits de l’humanité
d’aujourd’hui représente plus de 30%
de la production et de la consommation mondiales actuelles, c’est-à-dire
plus de 100 fois le volume de l’aide alimentaire, plus de la moitié de ce que
consomment les 1,5 milliard d’êtres
humains nourris à suffisance, et plus
que le volume des échanges agricoles
et alimentaires internationaux. C’est
dire que ni l’aide alimentaire, ni le
partage, ni les échanges, pour nécessaires qu’ils soient, ne peuvent venir
à bout de cette immense sous-consommation.
En fait, à moins de 3 euros de
revenu par personne et par jour, une
population ne peut pas subvenir convenablement à ses besoins nutritionnels. Or, le manque à gagner de ceux
qui disposent de moins ou beaucoup
moins de 3 euros par jour est de l’ordre
de 2 000 milliards d’euros par an : un
chiffre sans commune mesure avec
les 50 milliards annuels d’aide publique
au développement, qui ne permettent même pas de faire face aux
urgences les plus graves.
Pour venir à bout de la pauvreté et
de la sous-alimentation, il n’est donc
pas d’autre voie que de mettre fin au
processus d’appauvrissement et d’exclusion qui empêche les pauvres d’accroître leurs ressources et de se nourrir
eux-mêmes.
En 2050, la Terre comptera environ 9 milliards d’êtres humains. Pour
nourrir tout juste convenablement,
sans sous-alimentation ni carence,
une telle population, la production
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agricole et alimentaire végétale devra
plus que doubler dans l’ensemble
du monde (Collomb, 1999).
denrée en fonction de la consommation intérieure et de la quantité
exportable consentie à chaque pays.
Pour obtenir une augmentation
de production aussi énorme, l’activité agricole devra être étendue et
intensifiée dans toutes les régions
du monde où cela est durablement
possible. Or les terres de la planète
cultivées aujourd’hui ne représentent guère que la moitié des terres
cultivables durablement, et les techniques connues à ce jour sont encore
très largement sous-utilisées.
Ce relèvement des prix agricoles
devra être suffisamment progressif
pour limiter ses effets négatifs sur les
consommateurs-acheteurs pauvres.
Malgré cela, il sera sans doute nécessaire d’instaurer des politiques alimentaires.
Toute la question est donc de créer
les conditions pour que tous les paysans du monde, et pas seulement une
minorité d’entre eux, puissent
construire, étendre et exploiter des
écosystèmes cultivés capables de produire, sans atteinte à l’environnement, un maximum de denrées de
qualité. Et pour cela, il faut avant
tout garantir à tous ces paysans des
prix suffisamment élevés et stables
pour qu’ils puissent vivre dignement
de leur travail, investir et progresser.
À cette fin, il nous paraît souhaitable d’instaurer une organisation des
échanges agricoles internationaux
beaucoup plus équitable et beaucoup
plus efficace que celle d’aujourd’hui.
Une nouvelle organisation dont les
principes seraient les suivants :
• établir de grands marchés communs agricoles régionaux, regroupant des pays ayant des productivités
agricoles du même ordre de grandeur
(Afrique de l’Ouest, Asie du Sud, Asie
de l’Est, Europe de l’Ouest, Amérique
du Nord) ;
• protéger ces marchés régionaux
contre toute importation d’excédents
agricoles à bas prix par des droits de
douane variables, garantissant aux
paysans pauvres des régions défavorisées des prix assez élevés et assez
stables pour leur permettre de vivre
et de se développer ;
• négocier, produit par produit, des
accords internationaux fixant de
manière équitable le prix d’achat et la
quantité exportable consentie à
chaque pays ;
• maîtriser la production de chaque
40 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Mais, au lieu de fonder ces politiques sur la distribution de produits
à bas prix, ce qui entretient la misère
paysanne et réduit le marché intérieur,
il faudra fonder ces politiques sur le
soutien du pouvoir d’achat alimentaire des consommateurs-acheteurs
pauvres, afin au contraire d’élargir le
marché intérieur : on pourra par
exemple, comme aux États-Unis, distribuer aux acheteurs nécessiteux des
bons d’achat alimentaires, qui pourraient être financés par les budgets
publics ou par l’aide internationale.
De plus, comme le relèvement
des prix agricoles ne suffira pas, à lui
seul, pour porter la production à la
hauteur des besoins et pour promouvoir un développement agricole
équilibré des différentes régions du
monde, des politiques de développement agricole seront également
nécessaires.
En premier lieu, dans les pays où
la majorité de la paysannerie a été
historiquement privée de terre par
les grands domaines, une réforme
agraire sera indispensable.
Elle devra être assez étendue pour
donner à cette majorité un accès à la
terre assez large et assez sûr pour lui
permettre de se développer. Enfin,
il faudra aussi organiser l’accès au
crédit, aux intrants et aux équipements productifs ; l’accès au marché
(infrastructures de transport et de
commercialisation) ; et l’accès aux
savoirs : recherche, formation, vulgarisation appropriées aux besoins
et aux moyens des différentes régions
et des différentes catégories de producteurs, à commencer par les plus
désavantagées.
Conclusion
Des centaines de millions de paysans qui, de par le monde, ne reçoivent pas de subventions, ont besoin
de prix agricoles suffisants pour vivre
dignement de leur travail, investir,
progresser et contribuer à nourrir
l’humanité. Si le libre-échange agricole venait à s’imposer, la baisse tendancielle des prix agricoles réels et
leurs fluctuations condamneraient à
la stagnation, à l’appauvrissement, à
l’exode, au chômage, aux bas salaires
et à la sous-alimentation la majorité
des agriculteurs du monde, dans les
pays en développement mais aussi,
dans une certaine mesure, dans les
pays développés. Pour réduire significativement la pauvreté et la sousalimentation, il est donc d’abord nécessaire de protéger toutes les agricultures
paysannes pauvres de la concurrence
des agricultures les plus compétitives.
Mais cela ne suffira pas pour sortir de la pauvreté les centaines de millions de paysans sans terre ou quasiment sans terre, dont les prédécesseurs
furent expropriés, en d’autres temps,
dans certains pays aujourd’hui émergents ou en transition. Dans ces pays,
la reconnaissance du droit à la terre,
et la redistribution à tous les ayants
droit de la terre indûment concentrée en quelques mains, constituent
un préalable indispensable à la réduction de la pauvreté et de la sous-alimentation.
■
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IN MEMORIAM
Pierre Stroh (31),
1912-2005
incroyablement vif sous des
sourcils un peu roux, de longs
silences attentifs, préludant à quelque
répartie inattendue pleine de verve
ou d’humour – tels furent les signes
qui attirèrent d’abord notre attention
sur Pierre Stroh, dès nos premières
semaines rue Descartes.
Fils d’un ingénieur du Génie maritime, il avait fait ses études secondaires à Toulon, avant de venir préparer l’X à Strasbourg, hébergé par sa
famille alsacienne.
Reçu dans un bon rang, il était
bon élève et bon camarade ; ses qualités intellectuelles et sa puissance de
travail faisaient présager une belle carrière sans problème…
Une décision inopinée de l’administration ayant réduit, pour notre
promotion, le nombre des places civiles
offertes à la sortie à une trentaine,
Stroh choisit alors le génie militaire.
Après deux ans d’école d’application, il fut nommé à Grenoble au
4e régiment, où affecté à l’unité chargée des téléphériques, il découvrit,
dans un cadre magnifique, un travail
passionnant – et aussi l’enchantement
de la haute montagne, où l’entraînait
le capitaine Viard…
C’est à cette époque que se situe
son mariage avec Louise-Anne Horst,
issue comme lui d’une vieille souche
alsacienne.
Stroh se plaira, plus tard, à évoquer ses années grenobloises.
❈
En 1937, après deux années passées “dans la troupe”, il fut muté, suivant l’usage, et nommé à la chefferie
de Haguenau. Il y participa aux derniers travaux d’équipement du secteur de la ligne Maginot qui barrait,
au nord, la plaine d’Alsace.
Septembre 1939… Logiquement,
le capitaine Stroh fut affecté, sur place,
au gros fort du Schoenenbourg, avec
la responsabilité de toutes les installations techniques. Elles ne furent
sérieusement mises à l’épreuve qu’en
juin 1940 : l’adversaire, sa victoire
déjà acquise, voulait sans doute tester à fond la résistance de nos forts. Il
déchaîna sur le Schoenenbourg un
déluge de tirs d’artillerie jusqu’au plus
gros calibre et de Stukas. Le fort, quasi
intact, toujours redoutable, ne se rendit, fin juin, que sur ordre exprès de
la Commission d’armistice.
Pierre Stroh partit en captivité, lourd
d’une amertume qu’il n’oubliera pas.
❈
Vint alors la trentaine d’années
pendant lesquelles Stroh, ayant quitté
l’armée (qui cependant le rappela au
service deux fois, dont une comme
Kreiskommandant en Allemagne), vécut,
souvent outre-mer, une vie très active
d’ingénieur civil – d’abord chez Stein
et Roubaix (chaudières pour centrales
électriques), puis en Israël (construction d’une grosse usine souterraine),
plus tard chez Technip (liquéfaction
de gaz à Arzew, raffinerie à Abidjan)…
Il s’y distingua et en retira une vaste
expérience et une grande connaissance des hommes. “ C’est le sel des
chantiers! ” disait-on de lui chez Stein.
D.R.
O
CTOBRE 1931. Un regard clair
Pierre Stroh en 1978.
❈
1975 : La retraite – ou plutôt l’aube
d’une nouvelle carrière !... En sa qualité d’officier du Génie présent au
cœur de l’action au Schoenenbourg,
il jugea que le devoir lui incombait de
réunir les éléments d’un jugement
serein sur la ligne Maginot – si critiquée alors – et sur son rôle dans le
désastre national.
Un tel projet impliquait de vastes
recherches de documents et de témoignages ; il prit de multiples contacts,
notamment au Service historique de
l’armée, chez nos voisins suisses, et
auprès du professeur Martel, spécialiste de l’histoire militaire… Guidé
par celui-ci, il se limita dans un premier temps à l’étude d’un épisode précis, et il choisit celui de la défense de
la zone fortifiée de Modane contre
l’agression italienne de juin 1940 ; ce
travail lui valut le diplôme d’études
approfondies d’histoire, qu’il soutint
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en 1990 devant un jury de l’université de Montpellier – performance
rare pour un ancien X…
Dès lors, il lui était permis de viser
plus large. Sous l’égide du professeur
Jauffret fut mise en train la préparation d’une thèse sur “ la Fortification
dans la pensée militaire française
de 1870 à 1939”. Infatigable, ayant déjà
réuni une documentation considérable, il se remit au travail dans sa
thébaïde champêtre de Lubersac…
❈
Tout cela ne l’empêchait pas de
gérer sa propriété, de visiter assidûment les siens, d’être fidèle aux réunions
de promo, aux retrouvailles annuelles
avec les anciens de la ligne Maginot
d’Alsace, et même de rejoindre chaque
été, dans les Pyrénées, un petit groupe
de camarades montagnards.
Cependant, les années passant,
Stroh et ses frères désirèrent laisser
un témoignage sur la vie et la carrière
de leur père, directeur sous l’Occupation
des usines Schneider du Creusot,
arrêté par la Gestapo, déporté, inexplicablement disparu lors de la libération de Buchenwald…
Inspiré par sa fidélité filiale, Stroh
travailla longuement, toutes ces dernières années, à réaliser l’œuvre projetée. Malade, il parvint à en signer
le bon à tirer peu de jours avant sa
mort en mai 2005.
Le pasteur qui, dans la petite église
campagnarde de Lubersac, présida aux
obsèques de Pierre, souligna sa volonté
d’intransigeance. Il ne transigeait pas,
certes, avec les devoirs que lui dictait
sa conscience professionnelle d’ingénieur – et pas davantage avec sa
conscience tout court…
Comment, ici, ne pas avoir une
pensée pour ses grands-parents Stroh,
quittant, après “ 70 ”, leur Alsace ? ■
Jacques Piraud (31)
André Gempp (39),
1920–2005
A
NDRÉ GEMPP, promotion 1939,
D.R.
nous a quittés le 14 août dernier ; il venait d’avoir 85 ans.
Nous étions nombreux, du Génie
maritime, officiers ou ingénieurs sousmariniers, à Solliès-Toucas, près de
Toulon pour assister à ses obsèques
et aux honneurs militaires qui lui ont
été rendus.
Entré à l’X à 19 ans, il choisit à la
sortie le corps du Génie maritime.
Après l’école d’application, il est affecté
à Toulon où, très vite, on le charge
de l’entretien des sous-marins, flotte
hétéroclite d’origine française et allemande, avec une documentation et
des rechanges à un très faible niveau.
Vers la fin de son séjour, il a la
charge de la mise au point du premier bathyscaphe. En effet, si la validité du concept imaginé par le professeur Piccard avait été démontrée,
l’engin qu’il avait conçu s’était révélé
incapable d’une exploitation normale.
André Gempp enveloppe la sphère
dans une structure remorquable en
mer et transforme le sas d’accès en
un véritable ballast de sous-marin. Il
42 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
en résulte des relations difficiles avec
le professeur qui quitte le projet pour
ceux des Trieste, italien puis américain, qui reprennent les solutions imaginées à Toulon, validées par la plongée record à plus de 4 000 mètres au
large de Dakar avec Houot et Willm
(45) à bord, en février 1954.
À cette date, André Gempp avait
quitté la métropole pour Saïgon où
la Direction des constructions navales
assurait l’entretien opérationnel de
la flotte engagée en Extrême-Orient,
mais il ne sera pas oublié dans l’attribution des récompenses qui suivront
ce record, aujourd’hui trop oublié.
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Après Saïgon et un bref séjour toulonnais, de février 1954 à mars 1956,
il est désigné pour prendre le poste
de chef de la section sous-marins du
Service technique des constructions et
armes navales à Paris, car, du fait de
nombreux départs, il se trouve être
le plus ancien des ingénieurs du Génie
maritime sous-mariniers.
La charge de cette section aux
effectifs réduits était lourde avec
l’achèvement des Narval, la construction des Aréthuse et des Daphné, le
suivi de la flotte en service et, à la fin
des années 1950, le projet de sousmarin à propulsion nucléaire à uranium naturel qui échoue pour des
raisons techniques. Mais on avait pu
constater, à cette occasion, que l’organisation de liaison “ Marine CEA ”
n’était pas satisfaisante et ne laissait
pas assez d’initiatives au chef de la
section sous-marins du STCAN.
Aussi, lorsque le général de Gaulle
a décidé de doter notre force de dissuasion d’une composante navale
sous-marine, une organisation,
Cœlacanthe, a été mise en place, donnant à deux ingénieurs des fonctions
très importantes : un maître d’œuvre
principal chargé, entre autres, de la
cohérence technique et calendaire
de l’ensemble du projet, le MOP, et
le maître d’œuvre constructions
navales, architecte du navire, chargé
du projet d’un sous-marin, innovant
dans presque toutes ses performances,
intégrant un système d’armes en cours
de développement et devant être
conduit avec un grand nombre de
coopérants, de la DCAN, de la Marine,
des services étatiques et de l’industrie privée !
Bensussan (27) a été le premier
MOP, André Gempp, le premier architecte du navire. On lui doit, en particulier, l’initiative particulièrement
féconde, d’avoir fait construire un
sous-marin expérimental, Le Gymnote,
qui servira à la mise au point des systèmes stratégiques, du M1 pour Le
Redoutable jusqu’au M4 inclus, sans
pénaliser le programme de mise au
point des SNLE.
La réussite d’André Gempp dans
ce rôle d’architecte sera reconnue
puisque, devenu ingénieur général,
il sera désigné pour prendre la suite
de Bensussan comme MOP, à l’été
1966. Il étend alors son action vers
les autres composantes du programme,
dont l’environnement à terre : base
de l’île Longue, pyrotechnies, station
VLF de Rosnay, centres d’entraînement… Tous ceux qui ont travaillé
à ses côtés, ingénieurs civils et militaires, officiers de marine évoquent
toujours son action avec admiration,
avec émotion.
Il occupe ce poste jusqu’à fin janvier 1972, date importante du programme puisque Le Redoutable appareille pour sa première patrouille
opérationnelle tout début février. À
la réunion du Conseil des ministres
qui décide de sa nouvelle affectation,
la direction de la DCAN de Toulon,
le 19 janvier 1972, le ministre d’État
chargé de la Défense nationale, Michel
Debré, rend hommage à André Gempp
“ pour son action remarquable (…)
qui avait trouvé son aboutissement
dans la mise en service du premier
sous-marin lanceur d’engins, Le
Redoutable ”. Déjà, en 1967, à l’occasion de la promotion spéciale suivant le lancement du Redoutable, il
avait été promu officier de la Légion
d’honneur.
Il restera à la tête de la DCAN de
Toulon jusqu’à fin septembre 1979.
C’était alors la plus “grosse” direction
locale des constructions navales, avec
plus de 8 000 emplois : entretien de
la flotte, dont les porte-avions, entretien d’avions à Cuers, pyrotechnies,
centres d’études et expérimentations
pour les systèmes d’armes, les sousmarins… Avec compétence, avec
autorité, avec l’entière confiance du
directeur central, il dirige ce grand
ensemble industriel dans le souci
permanent du plein-emploi et de la
productivité.
navales militaires. Il était commandeur
de la Légion d’honneur, allait devenir grand officier de l’ordre national
du Mérite, commandeur du Mérite
maritime et titulaire d’autres décorations.
Il aura été un ingénieur du génie
maritime au sens plein du terme,
alliant compétences techniques et
scientifiques, sens de l’organisation,
aptitude à la gestion de programmes
complexes, un exemple pour beaucoup. Son autorité ferme sous une
apparence bourrue, ses avis donnés
de sa voix grave restent dans les
mémoires.
Il s’est retiré à Solliès-Toucas, dans
son mas au milieu de ses oliviers ;
ses problèmes de santé s’étaient aggravés ces dernières années. Il vivait
assez mal certaines évolutions de la
société française. Tout récemment,
il s’était indigné (il n’était pas le seul)
de la façon dont la presse locale commentait le procès à Marseille, dit de
la DCN de Toulon. Lui qui l’avait
dirigée plus de sept ans connaissait
l’intégrité des ingénieurs, leur souci
d’accomplir leur mission, au détriment le cas échéant du strict respect
de règles administratives de moins
en moins adaptées à la conduite de
tâches industrielles à incidences opérationnelles.
Peu après sa première affectation
à Toulon, en 1946, il a épousé Pierrette.
Elle est une petite-fille de l’amiral
Daveluy qui est devenu célèbre, il y
a une centaine d’années, par ses prises
de position souvent prophétiques,
pour les sous-marins en particulier.
Ils ont eu sept enfants ; deux d’entre
eux sont disparus dont l’un au printemps dernier. André Gempp m’avait
annoncé en 1996 le début de la troisième génération…
■
Jean Touffait (44)
Il n’avait pas atteint la limite d’âge
de son grade lorsqu’il décide de partir en deuxième section et de mettre
ainsi un terme à sa carrière, entièrement au service des constructions
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IN MEMORIAM
Olegh Bilous (48),
1927-2004
est décédé le 11 décembre
2004 dans la plus grande
solitude et le plus grand dénuement,
après avoir mené une vie de clochard
pendant dix années.
Comment, après un excellent
démarrage professionnel, en est-il
arrivé à une telle situation ?
Le plus probable est qu’il souffrait d’une maladie mentale caractérisée par le refus de toute relation
sociale : la schizophrénie, dont les
manifestations ont été progressivement en empirant.
Déjà à l’École, ses camarades de
casert avaient remarqué que Bilous
n’avait aucune relation en dehors de
l’École : jamais de sortie, jamais de
“synthé”. Son père était décédé depuis
longtemps. Sa mère était dans un
hospice à Saint-Laurent-du-Pont
(Isère) et elle décéda vers 1950, pendant qu’il était à l’École : ses cocons
n’en ont rien su !
Le hasard du classement l’a conduit
à intégrer le corps des poudres et,
après une thèse sur l’enrichissement
par diffusion gazeuse à l’université
de Minneapolis, il a été engagé par le
CEA en janvier 1954, pour mettre
au point une méthode industrielle
de séparation des isotopes de l’uranium, dans le but d’obtenir l’enrichissement de l’uranium à un taux
permettant d’abord la réalisation de
44 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
la bombe atomique puis le fonctionnement des centrales nucléaires civiles,
que nous connaissons bien maintenant.
À partir de 1956, il a dirigé avec
succès, à Saclay, une petite équipe
d’ingénieurs dont le travail en génie
chimique a conduit à la construction
et à la bonne marche de l’usine de
Pierrelatte. Il aimait son travail et faisait avancer les études de manière
très positive en choisissant de façon
judicieuse les moyens de calcul les
plus performants du moment, aux
États-Unis, puis en faisant réaliser
un impressionnant simulateur analogique pour optimiser le processus de
démarrage de l’enrichissement.
Mais il avait une manière très personnelle de diriger son équipe :
communiquant très peu oralement,
il guidait et contrôlait le travail de
ses collaborateurs par notes manuscrites, souvent difficiles à déchiffrer.
En dehors du travail, il semblait
vouloir toujours réduire le temps à
passer avec autrui. Ainsi, à la cantine, son repas consistait en trois
yaourts, vite avalés. En voiture, il
conduisait à tombeau ouvert et s’amusait de la frayeur de ses passagers.
Je tiens ces anecdotes de Pierre
Delarousse, un des ingénieurs ayant
travaillé sous la direction de Bilous, au
CEA, entre 1956 et 1960, qui a gardé
de lui un souvenir ému et admiratif.
D.R.
N
OTRE CAMARADE OLEGH BILOUS
Ensuite il devient difficile de suivre
la trace de notre ami car beaucoup
de ceux qui l’ont côtoyé professionnellement sont décédés. Je citerai
plus particulièrement Georges Besse,
tragiquement disparu en 1986, Claude
Fréjacques, décédé en 1994, qui ont
été ses patrons.
Sa schizophrénie s’est aggravée
jusqu’à nécessiter des traitements en
hôpital psychiatrique.
Une première fois, entre 1970
et 1975 en Australie, où il avait été
envoyé en mission. Georges Besse l’a
fait rapatrier et lui a procuré un emploi
sans responsabilités dans la Société
d’ingénierie USSI dont il était le directeur général. Son second séjour en
psychiatrie eut lieu à Sainte-Anne, à
Paris, en 1983.
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En 1987, à 60 ans, il a cessé
toute activité et a décidé de ne pas
percevoir ses retraites.
Il a vécu quelque temps en hôtels
à Boulogne-Billancourt, en utilisant
un petit capital dont il disposait. Puis
il est parti aux États-Unis et au Canada
de 1989 à 1997. On ne sait rien de
cette période.
Bilous, qui ne s’était jamais marié,
n’avait plus aucune famille vivante
et, lorsqu’il est revenu de ses voyages
sans un sou, il a choisi la vie de “Sans
Domicile Fixe ” dans les rues de la
ville qu’il connaissait bien : BoulogneBillancourt.
Entre 1997 et 2004, je l’ai rencontré plusieurs fois, soit à l’église
orthodoxe, où il était assidu à la messe
du dimanche, soit dans un foyer d’accueil, en lui apportant un peu d’aide
de la Caisse de Secours.
Je n’ai jamais réussi, soit directement, soit par l’intermédiaire de personnes dévouées, à le persuader de
régulariser sa situation auprès des
différentes caisses de retraite.
“ Jardin du Souvenir ” du crématorium du mont Valérien, où une plaque
commémorative rappelle que cet
endroit a été son dernier refuge. ■
Mais il ne paraissait pas souffrir
de cette condition qu’il avait choisie.
Il ne buvait jamais d’alcool, avait une
santé solide qui lui a permis de supporter plusieurs hivers très froids. Il
passait son temps à feuilleter des
magazines, à s’enquérir de nourriture
et d’un endroit où passer la nuit.
André Luc,
caissier de la promo 48
Finalement, à 77 ans, il est tombé
malade et a été recueilli par les pompiers qui l’ont transporté à l’hôpital
Ambroise Paré – contre son gré ! –
où il décéda deux jours après.
La Caisse de Secours a financé ses
obsèques, auxquelles plusieurs camarades de promotion ont assisté, et
ses cendres ont été dispersées au
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 45
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ARTS, LETTRES ET SCIENCES
Itinéraire d’un X Cheminot
Les livres
1916-1998
Henri Dreyfus (36)
Paris – Éditions Publibook 3 – 2005
La publication d’une recension n’implique en aucune
façon que La Jaune et la Rouge soit d’accord
avec les idées développées dans l’ouvrage en cause
ni avec celles de l’auteur de la recension.
François Huet 1
Chef militaire du Vercors 1944
À la fin de sa vie, Henri Dreyfus a éprouvé le besoin
de consigner toutes les péripéties de sa vie pour les générations suivantes. C’est pourquoi, après avoir retracé la
généalogie de sa famille, il raconte ses études à Polytechnique,
sa captivité pendant la Seconde Guerre mondiale et les
transformations de la SNCF pour lesquelles il était aux
premières loges.
Une vie bien remplie à travers les tourmentes de la
guerre et les révolutions industrielles de l’après-guerre.
Un récit très documenté, intéressant.
François Broche
Préface d’Henri Amouroux
J. R.
3. 14, rue des Volontaires, 750015 Paris. Tél. : 01.53.69.65.55.
Paris – Éditions Italiques 2 – 2004
Brillant saint-cyrien, après un long séjour au Maroc, où
l’influence de Lyautey marquera profondément sa vision
du rôle de l’officier, et une brillante campagne de France,
où il se montre un chef incomparable d’audace et de sangfroid, le capitaine Huet est chargé de commander l’Escadron
de Saint-Cyr, puis de diriger la mission de liaison entre l’armée et les Chantiers de jeunesse. Il apparaît comme le
symbole d’une génération d’officiers qui assuma le rôle
ingrat de tirer toutes les conséquences du désastre militaire, dans le seul souci de forger des hommes pour la
Revanche.
Secrétaire général des “ Compagnons de France ”, pépinière de futurs résistants, et responsable du réseau “Alliance”,
animé par Marie-Madeleine Fourcade, il sera en 1944
l’organisateur et l’âme de l’héroïque lutte qui opposa le
maquis du Vercors à une puissante force allemande.
Général de brigade en 1956, chef de la 7e division mécanique rapide en Algérie, général de corps d’armée en 1962,
commandant la région militaire de Lille, il disparaît en
1968, laissant à tous ceux qui l’ont connu, selon un mot
du général Kœnig, “ mieux qu’un souvenir et qu’un nom,
une clarté ”.
J. R.
1. Père de Philippe Huet (60).
2. 6, place de la Madeleine, 75008 Paris. Tél. : 01.39.70.55.25.
46 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Rue des Soldats
Chu Lai
Traduit du vietnamien par Alain Clanet (43)
Éditions de l’Aube 4, coll. l’Aube poche – 2004
L’auteur du roman Phô = La Rue est né au Nord-Viêtnam
en 1947. Après des études littéraires, il a participé à la
guérilla au Sud-Viêtnam contre les Américains et l’armée
du gouvernement du Sud.
Dans ce roman, il raconte la vie de tous les jours, pendant la période d’après-guerre, dans un pays en pleine
transformation.
Les personnages sont pour la plupart des anciens
combattants qui s’adaptent à une vie économique difficile, chacun en fonction des circonstances et de sa personnalité. Aucun n’est un héros glorieux. Ce sont des
hommes et des femmes, d’origines sociales diverses, issus
d’une même tradition culturelle et soumis aux nouvelles
influences étrangères, luttant pour leur survie matérielle
et construisant leurs vies affectives et sociales.
L’auteur bénéficie d’une liberté de ton qui lui permet
d’émettre des critiques et de ne pas cacher des comportements illégaux. D’autre part, aucun des protagonistes
n’est présenté comme un modèle à imiter, il ne s’agit donc
pas d’un ouvrage moralisateur ou glorificateur.
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Le style, proche du langage parlé, utilise cependant
un riche vocabulaire sino-vietnamien souvent absent du
dictionnaire. Les caractères chinois étant beaucoup plus
nombreux que les monosyllabes phonétiquement possibles, chacun des mots vietnamiens peut désigner plusieurs
significations différentes, ce qui rend difficile la traduction
exacte des néologismes.
La lecture de ce texte est souvent ardue, notamment
en raison des noms vietnamiens des personnages auxquels nos mémoires sont peu accoutumées.
Ayant vécu au Viêtnam de 1948 à 1950, comme lieutenant commandant une section de supplétifs vietnamiens,
je me suis fait un devoir d’entreprendre cette traduction,
afin que cette guerre, dans ce qu’elle a été pour les
Vietnamiens, ne soit pas trop vite oubliée.
Alain CLANET
– ses aspects techniques (numérisation de l’image de télévision, modulation et démodulation du signal…),
– ses aspects industriels, commerciaux et culturels
(antennes et relais de diffusion, équipement de réception,
nouvelles chaînes de télévision, législation…),
– son déploiement présent et futur en France (gestion par
les services publics, implication des différents acteurs de
l’audiovisuel…).
Cet ouvrage présente l’ensemble des informations clefs
de la TNT.
J. R.
Le Réel retrouvé
Jean-Noël Contensou (61)
Préface de Bernard d’Espagnat (42)
Paris – Éditions Publibook – 2005
4. Le Moulin du Château 84240 La Tour d’Aigues.
La Grande Encyclopédie des religions
Michel Malherbe (50) et Anne Chabert d’Hières
Paris – Fleurus 5 – 2005
Cet ouvrage de 368 pages très richement illustré, commandé à notre camarade par les éditions Fleurus, vient
d’être publié. Il a pour ambition de servir de référence à
ce que pourrait être un enseignement du fait religieux
dans les écoles de la République. Outre les informations
dont les jeunes ont besoin pour connaître le message des
religions, le livre aborde avec clarté les grandes questions
comme les valeurs démocratiques, les droits de l’homme,
la violence, la sexualité, le progrès, etc. On peut espérer
que ce livre, accessible à tout public, contribuera à faire
comprendre les phénomènes de société, bien souvent
imprégnés de culture religieuse.
Qu’est-ce que le réel? Comment faire pour concilier l’âme
et le corps, les idées et les choses ? Avec deux philosophes
antiques, Aton et Mocrite, allez à la rencontre de Marcellus
sur le mont Olympe. Tous les trois vous emmèneront sur
le chemin de la sagesse.
J. R.
Autres livres reçus
FT Mastering Risk (en anglais)
FT Partnership Publications 6
édité en collaboration avec Ernst & Young
Ouvrage de synthèse sur les risques réalisé à partir de
4 suppléments du Financial Times parus en septembre 2005.
J. R.
6. Number One Southwark Bridge, London, SE1 9HL, UK.
5. 15-27, rue Moussorgski. 75018 Paris Cedex.
Télévision numérique terrestre
Fondamentaux et perspectives
Macrojustice
The Political Economy of Fairness
Serge-Christophe Kolm (53)
Bernard Denis-Laroque (67)
Cambridge University Press 7 – 2005
Paris – Dunod – 2005
La Télévision numérique terrestre, ou TNT, vient de
faire son apparition, et avec elle d’immenses possibilités :
diversification des programmes, multiplication des canaux
de transmission, réception sans antenne pour téléviseurs
de poche ou de voitures…
Cet ouvrage établit un état des lieux clair et concis de
la TNT :
Dans cet ouvrage publié en anglais, l’auteur bien connu
pour ses réflexions sur notre époque approfondit ses
recherches.
En particulier il fait porter ses investigations sur la justice, la répartition des biens et des revenus. Ses théories
retiennent l’attention.
7. The Edinburgh Building, Cambridge, CB2 2RU, UK.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 47
46-52_Arts_lettres_sciences
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2) Encore un banquet
Bridge
François Dellacherie (88)
Problème de bridge n°16 (★★)
Tous vulnérables, Ouest donneur, la séquence se déroule :
Ouest
Nord
Est
Sud
1♠
4♠
Passe
Fin
2♠
Passe
♠
♥
◆
♣
A
A
A
4
♠
♥
◆
♣
R 6 3 2
4
R 3 2
2
Un repas réunit 2n personnes. Chacune connaît au moins
n des autres personnes présentes (et en est connue).
Montrer que l’on peut choisir quatre de ces personnes et
les placer autour d’une table ronde de sorte que chacune
connaisse ses deux voisins.
Remarque. Je signale qu’avec les mêmes hypothèses, on
peut placer toutes ces personnes autour d’une unique
table ronde de sorte que chacune connaisse ses deux voisins. Je n’ose pas vous le proposer comme énoncé, les
camarades que je rencontre me reprochant de poser des
problèmes trop difficiles !
Au sujet du Su-Doku
8
7
9
A
5
3
8
R
4
2
4
7
6
Nord entame du 5 de Cœur, Sud fournit le Valet.
Mise sur la voie
1. Combien avez-vous de perdantes ? (★)
2. Quelle est la seule perdante que vous pouvez éliminer ? (★)
3. Peut-on gagner avec les atouts 4-1 ? Comment gagnezvous avec les Carreaux 3-3 ? (★)
4. Que faire du 4e Carreau si les Carreaux sont 4-2 ? Que
va-t-il arriver si vous battez atout trop tôt ? (★★)
5. Indiquez comment vous procédez pour vous prémunir contre les Carreaux 4-2 dans le cas où la personne
qui a 4 Carreaux possède également 3 atouts. (★★)
6. Y a-t-il quelque chose à faire contre les Carreaux 5-1 ?
Quel est le problème dans ce cas ? (★★★)
7. Indiquez la ligne de jeu complète. (★★)
Solutions page 52
Une grille de Su-Doku est un carré de 9 X 9 cases qu’il
s’agit de remplir avec les chiffres de 1 à 9, de manière
que chacune des 9 lignes, chacune des 9 colonnes et
chacun des 9 carrés 3 X 3 en lesquels est divisée la grille
comportent tous les chiffres de 1 à 9.
Claude Abadie (38) aimerait avoir des réponses aux questions suivantes :
a) Combien y a-t-il de grilles différentes satisfaisant ces
conditions ?
b) Le jeu consiste à compléter la grille où certains chiffres
sont déjà placés. Comment fait-on pour composer ces
problèmes de façon qu’ils aient une seule solution, et
soient d’un niveau de difficulté donné (facile, moyen, difficile, diabolique) ?
Solutions page 52
Allons
au théâtre
Philippe Oblin (46)
Récréations
scientifiques
Jean Moreau de Saint-Martin (56)
[email protected]
1) On donne 5 points A, B, C, D, E dans le plan. On
demande de construire un pentagone ayant ces points
pour milieux des côtés. Si vous avez un compas mais pas
de règle, combien d’arcs de cercle allez-vous tracer pour
construire les sommets du pentagone ?
48 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
O
N RENCONTRE des esprits chagrins partout, même
parmi les lecteurs de La Jaune et la Rouge. J’en
entends parfois déplorer que les théâtres parisiens ne jouent que des vaudevilles. Or cela n’est pas
conforme à la vérité. Peut-être veulent-ils dire seulement
qu’à leur goût, il s’y joue “ trop ” de vaudevilles. On serait
tenté de leur répondre, d’une part que le chagrin est stérile, d’autre part qu’existent d’excellents vaudevilles :
“ comédies légères, divertissantes, fertiles en intrigues et
rebondissements ” selon le Petit Robert.
Et comme il se trouve aussi des lecteurs de notre revue
allant au théâtre juste pour se divertir, je leur recommanderai, s’ils ne l’ont déjà fait, de courir à la Michodière pour
y voir Stationnement alterné. Ils en sortiront égayés pour
des mois, ce qui me paraît toujours bon à prendre.
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L’auteur en est le comédien, metteur en scène et dramaturge britannique Ray Cooney, le titre anglais Run for
your wife, l’adaptation de Stewart Vaughan et Jean-Christophe
Barc. Et le sujet, plus qu’inattendu : un chauffeur de taxi
– joué par Éric Métayer – est bigame, c’est-à-dire qu’il a
une épouse et un appartement à Ivry, une autre épouse
et un autre appartement à Montreuil. À condition d’établir une organisation très stricte des horaires irréguliers propres
à son métier, et de la gérer avec rigueur, il s’arrange fort
bien de cette situation délicate. Jusqu’au jour où un accident, une collision volontaire pour barrer le passage à
l’engin d’un gang braqueur de bijouteries, perturbe son planning en l’expédiant à l’hôpital. Affolements séparés des
deux femmes ne le voyant rentrer aux heures dites, ni
dans l’un, ni dans l’autre de ses foyers. Elles alertent l’une
le commissariat d’Ivry, l’autre celui de Montreuil, de sorte
que la police se mêle de l’affaire. La presse itou, en raison du braquage mis en échec par son intervention.
Vous voyez déjà là bien des ingrédients de nature à
monter une mécanique de quiproquos à la Feydeau, mais
ce n’est pas tout. Notre malheureux chauffeur, enfin rentré à Ivry la tête bandée, se voit obligé d’expliquer ses difficultés à son voisin du dessus, celui d’Ivry – joué par
Roland Marchisio. Et voilà les deux compères amenés, de
fil en aiguille, à inventer chacun de son côté des justifications de plus en plus saugrenues aux circonstances d’une
complexité croissante dans quoi ils se trouvent placés,
mais sans évidemment savoir ce que l’autre a bien pu dire.
En résultent pour les spectateurs deux grandes heures
de rire aux éclats, merveilleusement garanties. J’espère
que beaucoup d’entre vous, amis lecteurs, auront déjà vu,
sur mon conseil, Éric Métayer dans Des Cailloux plein les
poches, pièce jouée en 2003 au Théâtre La Bruyère, puis
en tournée. Vous le retrouverez donc avec joie, plus trépidant que jamais, sur le plateau de la Michodière, dans
une mise en scène endiablée de Jean-Luc Moreau, où chacun des comédiens, tous excellents, n’en fait jamais trop,
comme l’on dit, mais juste ce qu’il faut pour rester vraisemblable dans des circonstances pourtant complètement
tordues.
Je défie quiconque aura assisté à ce spectacle oser
ensuite soutenir que le vaudeville est un art mineur. Écrire
un vaudeville n’est ni du facile, ni du vite fait. C’est de
l’horlogerie, non pas celle des montres à quartz, mais celle
du temps des chronomètres de marine, d’où dépendait la
sûreté de la navigation. Mais il s’agit là de celle du rire. Et
tant mieux si le résultat est une fête.
❈
Puisque nous sommes dans la gaieté, permettez-moi de
vous recommander si, comme je l’espère, elle demeure à
l’affiche quand paraîtront ces lignes, une charmante petite
pochade montée par l’épouse, et jouée par la fille, de notre
camarade Russier (67). Elle s’appelle Shoubidoo et se donne
les lundis à 21 heures au Canotier du Pied de la Butte,
un cabaret de Montmartre : une heure et demie de ballets,
claquettes et surtout chansons des années soixante, celles
des 45 tours, reprises par une fille et deux garçons qui
n’étaient pas encore nés dans ces temps-là, mais les ressuscitent avec entrain pour le bonheur des spectateurs.
Une bonne idée !
■
• Stationnement alterné, de Ray Coonay, au Théâtre de la Michodière,
5, rue de La Michodière, 75002 Paris. Tél. : 01.47.42.95.22.
• Shoubidoo, un spectacle musical de Katy Amaizo, le lundi à
21 heures au Canotier du Pied de la Butte, 62, bd Rochechouart,
75018 Paris. Tél. : 01.46.06.02.86.
Oenologie
Jean-Pierre Tingaud (61)
Y a-t-il de très grands vins
en Languedoc-Roussillon ?
En demandant à Jean-Pierre Tingaud, œnologue distingué
et vice-président du groupe X-Hérault-Gard, de nous faire
partager ses coups de cœur en Languedoc, je lui ai imposé une
règle sévère, d’ordre éthique : mettre “hors concours” les excellents vins que plusieurs de nos camarades produisent, y compris ceux de notre président d’honneur, Alain Grill (51).
J. PELLISSIER-TANON (54),
président du groupe X-Hérault-Gard
J
E NE SUIS PAS,
loin s’en faut, un professionnel de la
dégustation. J’ai infiniment de peine à trouver à un
vin un goût de violette ou de sous-bois. Quant à la
cuisse ! Et quand j’apprends que cette année le beaujolais
a un “ nez ” de fruits rouges ou de banane, je me dis :
“ pourvu qu’il ait encore un goût de vin ! ” c’est dire à quel
point je suis primaire.
Mais j’aime bien boire de bons vins et les faire goûter
à mes amis. Et c’est comme cela que l’un d’eux m’a demandé
un article sur un amour assez récent : les “ grands ” vins
du Languedoc.
Comme chacun le sait, il n’y a pas si longtemps les
vins de l’Hérault ou des Corbières n’avaient pas, c’est le
moins, bonne réputation. Et puis, le temps et la mondialisation parkerienne étant passés par là, les tarifs des grands
bordeaux et des grands bourgognes ont atteint des sommets, les rendant de plus en plus difficilement accessibles
à des bourses honnêtes de la “ vieille Europe ”. Les regards
de certains se sont alors tournés vers d’autres directions,
pour découvrir, dans certains coins du Languedoc (et
ailleurs également, mais on ne peut pas tout savoir), de jeunes
et moins jeunes viticulteurs qui s’étaient mis dans la tête
qu’au pays du gros rouge on pouvait aussi faire de la qualité. La qualité imposant des rendements faibles sur des
sols rugueux, on a assisté à un déplacement de certaines
vignes des zones de plaine vers les coteaux.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 49
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Et après quelques décennies d’amélioration on
découvre qu’il existe en Languedoc des vins qui ne sont
sans doute pas encore des “ grands ” vins, mais qui sont
déjà de très bons vins dont les prix, à plaisir de boire
identique, concurrencent fort bien ceux des grandes
régions viticoles.
Parmi les bons producteurs de la région on a vu se
dessiner deux écoles :
– ceux qui “ jouent le jeu ”,
– ceux qui le refusent ou qui l’adaptent.
Le jeu, c’est celui de l’AOC.
L’AOC en Languedoc impose de n’utiliser en rouge
que des cépages des Côtes du Rhône : la syrah, le grenache, le carignan, le mourvèdre et le cinsault (ce dernier
plutôt dans les rosés). Or certains producteurs ont considéré qu’il était préférable, compte tenu des caractéristiques de leur terrain, d’utiliser d’autres cépages, en particulier les cépages bordelais, essentiellement cabernet
sauvignon et merlot.
Certains ont démontré qu’il était possible en Languedoc
de faire des “ bordeaux ” qui “ valent ” (largement, à prix
comparables) les vrais. Bien entendu, dans ce cas, ils ne
peuvent prétendre à l’AOC, mais qu’importe si le produit
plaît et se vend à un prix tout à fait respectable sous le
label “ vin de pays ”.
Un autre choix important doit également être fait par
les viticulteurs qui se positionnent sur un niveau de prix
et de qualité élevé : c’est le choix des cépages et de la vinification qui va conduire à un optimum de consommation
court (on consomme le vin après sa mise sur le marché),
moyen ou long (un vin de garde).
Il n’y a pas si longtemps tout bon bourgeois amateur
de vin avait une cave. On y gardait les bourgognes cinq
à dix ans, les grands bordeaux dix à vingt-cinq ans et
parfois bien au-delà si la cave avait les qualités adéquates
et le bourgeois, les moyens d’attendre. Aujourd’hui tout
va plus vite et on a de moins en moins les moyens d’attendre. Et on va jusqu’à boire des vins qui n’ont “ que ”
trois ans !
Il y a un dilemme pour le producteur car, s’il se trouve
encore des consommateurs en nombre suffisant pour
acheter une caisse d’un bon Margaux ou d’un bon Pomerol
et la laisser quinze ans dans leur cave avant de l’ouvrir,
ce nombre diminue fortement pour laisser dans les mêmes
conditions une caisse de Pic Saint-Loup ou de Minervois
la Livinière.
Alors, faire un assemblage à forte dose de syrah en
espérant que le client sera patient, c’est sans doute prendre
des risques. Les restaurants qui aujourd’hui sont en mesure
de constituer une cave à vins de longue garde ne doivent
pas être bien nombreux ! Et c’est aussi le problème pour
l’auteur, votre serviteur, car ne m’étant intéressé aux vins
du Languedoc que depuis quelques années, je ne dispose
pas de crus anciens et mes choix sont altérés par cela
même. J’aurais tendance à préférer des vins qui ne nécessitent pas dix ans de cave !
Maintenant, puisqu’il faut se lancer et proposer un
choix, voici quelques suggestions.
50 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Chez ceux qui “ ne jouent pas le jeu ”
• La Grange des Pères à Aniane
Peut-être le meilleur, en tout cas l’un des tout meilleurs.
On le trouve parfois à des prix exorbitants dans des restaurants très cotés. Quasiment introuvable. Ses méthodes
de culture, récolte et vinification rappellent celles des vins
que l’on qualifie “ de garage ” dans certaines régions du
Bordelais.
• Le Mas de Daumas-Gassac à Aniane
Son “ auteur ” ne manque jamais de propos exaltés,
peut-être un peu excessifs sur les qualités de son vin.
Celui-ci n’en manque pas, bien au contraire, mais il reste
quand même loin d’un château Margaux ou d’un HautBrion, auxquels il n’hésite pas à le comparer. Le prix auquel
il est vendu tient plus d’un marketing remarquable que d’une
comparaison objective avec ses concurrents bordelais. Par
contre on peut le réserver en primeur, à des tarifs cette
fois tout à fait raisonnables.
• Le Domaine de Ravanes à Thézan-lès-Béziers
Il se veut un quasi-Pomerol (100 % merlot) et il y réussit plutôt bien. Ce n’est peut-être pas tout à fait, comme
l’ont dit certains, le Petrus du Languedoc, mais ses tarifs
en sont très éloignés et, pour son prix, sa qualité est tout
à fait remarquable, en particulier pour ce qui concerne la
cuvée “ les Gravières du Taurou ”.
Chez ceux qui “ jouent le jeu ”
• Les “ très bons ”
• Le Domaine de Montcalmes à Puéchabon, AOC
Coteaux du Languedoc.
C’est un très, très bon (mon préféré des AOC?). Ses grandes
qualités : au-delà de sa rondeur, de sa délicatesse et de sa
longueur de bouche, une maintenance étonnante d’une année
sur l’autre quelles que soient les conditions climatiques,
et surtout sa capacité à être bon vite ! Point n’est besoin
d’attendre dix ans, même si une certaine garde ne fait que
l’améliorer. Dommage qu’il soit si difficile d’entrer en
contact avec le producteur, qui semble se cacher derrière
des portes closes !
• Le Domaine du Puech Haut à Saint-Drézéry, AOC
Coteaux du Languedoc.
À la différence de plusieurs des meilleurs cités ici, il ne
se situe pas dans le voisinage d’Aniane mais à Saint-Drézéry,
au nord-ouest de Montpellier. La propriété fut une oliveraie. Les oliviers ont été arrachés et la vigne plantée.
Caricaturalement, tout y est neuf mais ça a le goût et la qualité du vieux – et du meilleur – à commencer par le château lui-même. On y fait trois cuvées en rouge qui se différencient par leurs assemblages :
– la cuvée “ Prestige ” intègre un fort pourcentage de carignan. C’est un vin aux arômes moins denses mais plus
subtils que les autres cuvées. Un vin très plaisant et qui
n’exige pas de garde pour se révéler. De plus son prix est
sensiblement plus raisonnable que ceux de ses deux
“ frères ” ;
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– la “ Tête de Cuvée ” et le “ Clos du Pic ” sont des productions “ classiques ” pour la région, plus à base de syrah. Ce
sont des vins qui ne s’épanouissent que plus tardivement,
mais qui se révèlent alors remarquables.
• Le Domaine de Fontcaude (Alain Chabanon) à
Lagamas, AOC Coteaux du Languedoc (Montpeyroux).
Il produit plusieurs cuvées, toutes remarquables, et en
particulier “ l’Esprit de Fontcaude ”.
• Le Domaine Léon Barral à Lentheric, AOC Faugères.
Il produit également plusieurs cuvées, la meilleure à mon
sens étant la cuvée “ Jadis ”.
• Les “ bons ”
– Mas Bruguière à Valflaunès.
– Domaine de l’Hortus à Valflaunès.
– Domaine Clavel à Assas.
– Château de Lancyre à Valflaunès.
– Clos Marie à Lauret
– Château de Cazeneuve à Lauret.
Et… bien, bien d’autres, mais ceci est une sélection et
non un guide. Il existe d’excellents guides et je ne saurais
trop en recommander la lecture.
Mes choix sont, pour l’essentiel, dans une zone proche
de Montpellier. Ce n’est pas un hasard, c’est là que je vis
et c’est ce que je connais le mieux. Je regrette par exemple
de n’avoir cité aucun Minervois la Livinière. Il en est de
très bons.
Comme le lecteur qui aura eu le courage de me suivre
jusqu’ici n’aura pas manqué de le remarquer, je n’ai parlé
que de rouges. Je ne m’en cacherai pas, ils ont ma préférence. Néanmoins il existe aussi en Languedoc de fort
bons vins blancs, dont j’aurai peut-être l’occasion de vous
parler une autre fois.
■
Rebel
Dans la musique baroque, le pire côtoie le meilleur.
Comme dans tous les domaines, le culte de la musique
ancienne a généré ses fondamentalistes et ses ayatollahs,
dont la rigueur dogmatique nous insupporte. Mais il a
aussi donné naissance à des petits ensembles de musiciens joyeux, libres et subtils, comme “ L’Assemblée des
Honnestes Curieux ”, qui vient d’enregistrer six Sonates
pour violon et basse continue de Jean-Ferry Rebel 1. Rebel,
a dit un chroniqueur du Grand Siècle, a mis dans ses
sonates “ le feu italien (…) tempéré par la sagesse et la
douceur françaises ”, et, surtout, il a été un créateur à
l’innovation audacieuse. Chacune de ces sonates est comme
une épure raffinée et complexe, et le phrasé très recherché, aux inflexions sensuelles, de la violoniste Amandine
Beyer (dont on avait signalé ici les sonates de CPE Bach)
est un élément majeur de notre plaisir.
Trombone
Jean Salmona (56)
Le trombone, qui est un des piliers des ensembles de
jazz – et pas seulement dans le jazz traditionnel – est rarement soliste en musique classique. Tommy Dorsey, dont
l’orchestre de jazz tempéré a fait, comme celui de Glenn
Miller, les beaux jours du Broadway des années quarante,
avait été le dédicataire et le créateur d’un Concerto pour
trombone et orchestre commandé par Leopold Stokowski
au compositeur de musiques de film Nathaniel Shilkret,
concerto retrouvé récemment et enregistré par le Suédois
Christian Lindberg 2 et l’Orchestre Symphonique de Sao
Paulo. C’est une musique chaleureuse et agréable, dans
la lignée directe de celle de Gershwin, inspirée du jazz au
premier degré (et non sublimé comme chez Ravel, Milhaud
ou Stravinski). Sur le même disque figurent deux œuvres
toujours tonales mais plus ambitieuses, le Concerto pour
trombone et orchestre “ Le retour de Kit Bones ” de Fredrik
Hökberg, pièce intéressante qui revendique son appartenance au monde de la musique de film, et Helikon Wasp
pour trombone et orchestre de Christian Lindberg, très
jolie pièce bien rythmée et pleine d’humour (amateurs de
musique cérébrale s’abstenir).
Après la fête
DVD Richard Strauss
Discographie
On s’ennuie de tout, mon ange,
c’est une loi de la nature, ce n’est pas ma faute.
CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses.
E
N MUSIQUE, comme en gastronomie – deux arts bien
proches – la satiété est le danger qui guette l’amateur trop gourmand. Après une période d’excès,
le sage s’impose un régime comme une pénitence, et, alors
qu’il comptait s’ennuyer, il y découvre parfois des plaisirs nouveaux.
Les opéras de Strauss sont une singularité dans la
musique du XXe siècle : ils sont faits avant tout pour plaire
à l’auditeur, ils se réclament de l’héritage du XVIIIe siècle
plus que du Romantisme, ils font appel à des librettistes
majeurs (Von Hofmannsthal, Zweig), et, sans l’once d’une
recherche formelle, qu’ils soient drôles, tendres, ou tragiques,
ils déclenchent l’enthousiasme de l’amateur éclairé comme
celui du béotien.
Comme la mise en scène et l’appareil théâtral jouent
un rôle essentiel dans les opéras de Strauss, le DVD en
est le support idéal, si le metteur en scène est de qualité
et les solistes de vrais acteurs. Ainsi, la publication en
DVD de l’enregistrement public au Festival de Salzbourg,
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en 1992, de La Femme sans Ombre, sous la direction de Georg
Solti avec le Philharmonique de Vienne et des solistes
parmi lesquels Thomas Moser, Cheryl Studer, Eva Marton 3,
est un modèle du genre. Mais la palme revient à cet égard
à Capriccio, donné au Palais Garnier il y a peu, et que certains d’entre vous ont peut-être eu la chance de voir sur
la chaîne Mezzo, filmé in situ. Dernier opéra de Strauss,
c’est aussi son chef-d’œuvre absolu, une musique exquise,
un “ caprice ” digne du siècle des Lumières sur la création
en art; et la beauté de Renée Fleming et d’Anne Sophie von
Otter (et leurs voix, bien sûr), une mise en scène proprement géniale, qui s’appuie non seulement sur le dispositif scénique de Garnier mais sur les escaliers, le foyer,
etc., font de cet adieu à la musique une perle rare que
seul l’enregistrement numérique a rendu possible (disponible depuis peu dans le commerce).
■
1. 1 CD ZIGZAG ZZT051102.
2. 1 SACD BIS 1448.
3. 2 DVD surround DECCA 071 425 9.
Solutions du bridge
1. Vous avez 4 perdantes : 1 Pique, 1 Cœur et
2 Carreaux.
2. Seule une perdante Carreau peut être éliminée.
3. Si les atouts sont 4-1, il n’y a pas de remède. A
contrario, si les Carreaux sont 3-3, il n’y a plus que 3 perdantes à Carreau.
4. La solution qui vient à l’esprit est de couper le
4e Carreau. Si on bat deux tours d’atout trop tôt, on court
le risque que la défense rejoue un 3e tour d’atout après
avoir pris le 3e Carreau. Cela conduirait à la chute.
5. La solution consiste à donner un coup à blanc à
Carreau, avant de donner les 2 tours d’atout de débarras
(on peut néanmoins donner un SEUL tour d’atout avant
ce coup à blanc). En jouant de la sorte, les Carreaux seront
prêts pour la coupe lorsque le flanc n’aura plus que son
atout maître.
6. Si Sud possède un singleton Carreau (Nord ne possède pas de singleton : il l’aurait probablement entamé),
Nord prend la main lors du coup à blanc, donne une
coupe à son partenaire, et reprend la main à Cœur pour
donner une deuxième coupe à Sud… sauf si on a pensé
à esquicher le Valet de Cœur à la première levée ! On
se prémunit contre la présence de 3 Piques et d’un singleton Carreau en Sud. Cela a peu de chances de se produire, mais il vaut mieux être prudent.
7. On laisse Sud en main au V♥. On prend le retour
(♥ par exemple). On tire l’As de ♠, puis on joue ◆ à blanc.
On contrôle le retour, on tire le deuxième atout (sauf si
la défense en a déjà rejoué), on joue A◆ R◆ et on coupe
le dernier Carreau du mort. La défense fait son atout
maître quand elle le souhaite.
Sud avait : ♠ 10 7 6 ♥ R V 8 ◆ D V 6 5 ♣ D 10 9.
(Problème inspiré d’une donne de Richard Pavlicek.)
52 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Solutions des récréations scientifiques
1) Soit LMNPQ le pentagone cherché, les points se
succédant dans l’ordre LAMBNCPDQEL sur son périmètre. A et B étant milieux des côtés du triangle LMN, on
a (vectoriellement) LN = 2AB ; de même (triangle NPQ)
NQ = 2CD, puis LE = EQ = (LN + NQ)/2 = AB + CD.
Soit F tel que AB + CD = AF, BF = CD, BCDF est un
parallélogramme. Comme LE = EQ = AF, AFEL et EAFQ
sont des parallélogrammes, AM = LA = EF, AEFM est un
parallélogramme.
De même, on a PC = CN = DE + AB. Soit G tel que
BDEG soit un parallélogramme, PC = CN = AG, AGCP et
CAGN sont des parallélogrammes.
Construction au compas seul
On trouve le 4e sommet T d’un parallélogramme XYZT
par l’intersection des arcs de cercle (X, |YZ|) (de centre X
et de rayon |YZ|) et (Z, |XY|), soit T = (X, |YZ|) ∩ (Z, |XY|),
en ne gardant que le point séparé de Y par la droite XZ.
D’où une construction en 10 arcs de cercle (dont certains donnent plusieurs intersections).
F = (B, |CD|) ∩ (D, |BC|),
L = (A, |EF|) ∩ (E, |AF|),
M = (A, |EF|) ∩ (F, |AE|),
Q = (F, |AE|) ∩ (E, |AF|),
G = (B, |DE|) ∩ (E, |BD|),
N = (C, |AG|) ∩ (G, |AC|),
P = (C, |AG|) ∩ (A, |CG|).
Si vous avez une solution avec moins de 10 arcs, je
serai heureux de la publier.
2) Encore un banquet
proposé par Alain Bonnet (60)
Prenons deux convives, A et B, qui ne se connaissent
pas (si chacun connaît tout le monde, il n’y a pas de problème). Plaçons-les en vis-à-vis à la table de 4. Dressons
les listes (A) et (B) des personnes connues de A et B respectivement : au total au moins 2n noms (au moins n
dans chaque liste), ne comprenant pas A ni B. Mais il n’y
a, en dehors de A et B, que 2n – 2 convives. Ainsi est-il
inévitable (c’est le “ principe des tiroirs ”, ou du pigeonnier) que des noms (au moins 2) figurent en double : ces
convives connaissent à la fois A et B et deux d’entre eux
compléteront heureusement leur table.
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VIE DE L’ASSOCIATION
X-Vinicole
40, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève,
75005 Paris
Liste des exposants
Armagnac :
• CORDEROY du TIERS (47).
16e Salon des vignerons polytechniciens
dimanche 19 mars de 11 à 19 heures
à la Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris
Bandol :
• Mme HENRY, belle-fille de HENRY (48).
D.R.
Beaujolais :
• COLLET (65),
• FORMERY (37),
• LANSON (86).
Bordeaux :
• ARRIVET (57),
• Mme d’ANTRAS, petite-fille de GUILLOT
de SUDUIRAUT (14),
• Mme de BOIGNE, fille de PITRAY (24),
• LERICHE (57),
• NONY (79),
• PÉCRESSE (86),
• PÉLIER (58).
Bourgogne :
• BONNET Jacques (42),
• GONDARD (65),
• LESTIMÉ (88).
Cahors :
• DEGA (69).
Gaillac :
• LÉPINE (57).
Vendanges au Domaine de la Chapelle Pouilly-Fuissé, chez Claude GONDARD.
Champagne :
• PERRIN (50).
Coteaux Varois :
• FRANÇOIS (72 et 78).
Côtes de Provence :
• DOR (80).
Jurançon :
• SAUBOT (86 et 2000).
Savennières :
• fils de BIZARD (35).
’EST UN NUMÉRO SPÉCIAL de La Jaune et la Rouge sur le vin français qui introduit, cette
année, notre Salon. Le groupe X-Vinicole sait gré à La Jaune et la Rouge de s’être
intéressée à ce sujet qui nous passionne tous et constitue notre vie même. Nous
espérons que nos articles vous permettront de mieux comprendre les difficultés auxquelles
sont confrontés les acteurs de la filière vitivinicole française, voire même européenne, et
les nécessaires et profondes restructurations auxquelles il va falloir procéder dans les
prochaines années.
C
Tous les participants au Salon vous attendent et seront heureux de compléter votre
information en répondant à vos questions.
Vouvray :
• LUBRANO (90).
Claude GONDARD (65),
président du groupe X-Vinicole
Déjeuner au Salon
Un repas (34 € sans boisson) pourra être pris sur place et accompagné de vins achetés
directement aux exposants.
Réservation indispensable, tél. : 01.49.54.74.74.
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GROUPE PARISIEN DES X
12, rue de Poitiers, 75007 Paris.
Téléphone : 01.45.48.52.04.
Télécopie : 01.45.48.64.50.
Courriel : [email protected]
Site Internet : gpx.polytechnique.org
Au programme
des activités du GPX
CONFÉRENCE-DÎNER
• Mercredi 15 mars à 18 h 30 : “ Qui était donc M. Churchill ? ” par le
professeur à la Sorbonne F. KERSAUDY, auteur d’un livre sur Winston
Churchill (Éditions Tallandier).
VISITES CULTURELLES
• La Tour Jean sans Peur.
• Le Petit Palais.
• L’Hôtel de la Monnaie.
THÉÂTRE
• L’Escale au Théâtre La Bruyère.
• Caligula au Théâtre de l’Atelier.
• Duel à la Comédie des Champs-Élysées.
BRIDGE
• Tournois officiels, homologués par la FFB, tous les lundis à 14h15
à la Maison des X sous l’égide du GBX.
• Parties libres (ou tournois officieux) tous les mercredis à 14 h 30
à la Maison des X.
• Nouveau cycle de cours de perfectionnement de 1er niveau (pour
joueurs peu expérimentés) “ Approfondir la mise en œuvre des bases
du bridge ” les jeudis matin : 2, 16 et 30 mars, 6 avril.
• Cours de perfectionnement de second niveau sous la conduite de
Norbert LEBELY les vendredis 3, 17 et 31 mars à 14 h 30.
VOYAGES
• Croisière de 8 jours – PORTO, la vallée du DOURO (Portugal)
et SALAMANQUE (Espagne) du 30 mai au 6 juin 2006.
Embarquement à PORTO pour remontée de la vallée du Douro aux
sites spectaculaires : Vila Nova de Gaia, Regua, Crestuma, Pocinho,
Peradosa. En cours de route, visite de vignobles et excursions à Vila
Real, Braga, Pinhao, Lamego, avec une pointe jusqu’à Salamanque,
en Espagne. Retour à Porto.
• Lacs,villas et jardins d’ITALIE DU NORD
7 jours de Milan à Venise du 13 au 19 septembre 2006.
– L’enchantement des lacs italiens dans leur cadre alpestre : lac Majeur,
lac de Lugano, lac de Lecco, lac de Côme, lac de Garde.
– La splendeur des villes historiques : Vérone, Mantoue, Padoue.
Petite croisière sur la Brenta. Arrivée à Venise. Extension
possible de trois jours à Venise.
54 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
PROMENADES À PIED
• Dimanche 26 février avec Philippe GRANDJEAN (70).
Tél. : 01.45.03.26.45.
Forêt de Verrières. Parc de la Vallée aux Loups. Visite de la maison de
Chateaubriand (prévoir 2,50 € par personne). Retour par le Parc de
Sceaux. Parcours facile de 17 km.
Départ de Châtelet-les-Halles à 9 h 14 (Denfert-Rochereau : 9 h 22) par
le RER B, direction Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Mission KROL).
Arrivée à Massy Verrières à 9 h 43.
Retour par le RER B de Bourg-la-Reine à 16 h 44.
Arrivée à Châtelet à 16 h 59 (un train toutes les 7 minutes).
• Week-end de randonnée entre les caps Gris-Nez et Blanc-Nez,
les 10 et 11 juin 2006.
Ce week-end regroupera des randonneuses et randonneurs du GPX et
du Groupe Nord-Pas-de-Calais, qui se retrouveront à Wissant.
Deux randonnées en boucle (15 à 20 km chacune) sont prévues au
départ de Wissant. Pour les “ Parisiens ”, les trajets se feront en train
jusqu’à Calais, et en car jusqu’à Wissant.
Coût indicatif de la participation aux frais :
– 71 euros pour les “ Parisiens ” (hébergement en chambres doubles en
demi-pension, hors boissons et transferts en car),
– 59 euros pour les “ Nordistes ” (sans transferts en car).
Supplément pour une personne occupant seule une chambre pour
deux : 16 euros.
Inscriptions auprès de Michaël TÉMÉNIDÈS :
3, rue Ducastel, 78100 Saint-Germain-en-Laye. Tél. 06.07.88.94.71.
Courriel : [email protected]
• Dimanche 19 mars 2006 avec Yves DESNOËS (66).
Tél. : 01.45.67.02.92.
Boucle de 22 km dans le Vexin à partir de Valmondois, en passant par
Parmain, Nesles-la Vallée et Auvers-sur-Oise. Possibilités de raccourcis divers.
Départ de la Gare du Nord (surface, trains de banlieue) direction
Persan-Beaumont à 9h 17, arrivée à Valmondois à 10h 04.
Retour de Valmondois à partir de 17h 16, arrivée à Gare du Nord à
18h 06 (un train toutes les demi-heures). Vérifier les horaires de train.
✂
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BULLETIN D’ADHÉSION AU GPX
Saison 2005-2006
Nom : ................................................................................
Prénom : ...................................... Promotion : ................
Adresse : ..........................................................................
..........................................................................................
Courriel : ..........................................................................
Tél. : ..................................................................................
Désire adhérer comme :
64 euros *
❏ membre sociétaire (avec droit de priorité)
30 euros
❏ membre associé
et adresse ci-joint un chèque de ............................ euros
au GPX, 12, rue de Poitiers, 75007 Paris.
* 32 euros pour les promos 92 et postérieures et pour les veuves.
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GROUPES X
X-HÉRAULT-GARD
EXPOSÉ DU PRÉSIDENT GRAVEGEAL
Jacques GRAVEGEAL, viticulteur, est le
président de la Chambre d’agriculture de l’Hérault
et aussi président du Syndicat des producteurs
de vins du Pays d’Oc. Il a fait un exposé sur “ La
vigne en Languedoc, hier, aujourd’hui et demain”,
le 11 juin 2005, devant le groupe des anciens
polytechniciens de l’Hérault et du Gard. Le
compte rendu qui suit a été rédigé par Jérôme
PELLISSIER-TANON (54).
“ Le vignoble du Languedoc-Roussillon
est le plus vaste au monde. Son histoire
commence à la fin du XIXe siècle, avec le développement du rail, qui stimule les échanges
nationaux. Le vin, “ boisson énergétique et
hygiénique ”, connaît un grand succès au-delà
des zones viticoles. L’extension du vignoble de
notre région se fait aux dépens des cultures fourragères et de l’élevage ovin et aussi par l’assèchement des marécages littoraux. Il fournit
de beaux rendements à bas prix et il assure
l’émancipation économique de la population.
Cela fonctionne bien quelque temps, puis
s’installe une crise de surproduction. Les prix
chutent, la vigne “ ne paie plus ”. Se mettent
alors en place les premières mesures coercitives : droits de plantation, arrachages définitifs non rémunérés. Dans ce contexte éclate
au tout début du XXe siècle la “ révolte des
vignerons ”, qui embrase successivement les
villes du Languedoc.
L’épidémie du phylloxera et les difficultés
nées de la guerre 1914-1918 offrent deux
occasions de restructurer le vignoble. Mais
cela est fait dans le sens de la quantité, aux
dépens de la qualité. Le Languedoc-Roussillon
se spécialise dans les vins de coupage, par
l’assemblage d’une production régionale à fort
rendement et à faible degré avec les vins
robustes d’Algérie, importés en vrac.
Conjointement, un fort “lobby” vinicole régional se développe, sur lequel s’enracine le “radicalisme ” de la Troisième République.
La situation peut-elle perdurer ? Les effets
de la guerre 1939-1945 et de la destruction
totale du vignoble dans l’hiver 1956 créent
les conditions d’une nouvelle restructuration :
elle se fait par la plantation systématique du
carignan, cépage étranger à la région, résistant au gel et à la sécheresse, et par la rationalisation des modes de plantation : la traction animale et la fumure sont relayées par la
motoculture et par les intrants minéraux. Les
rendements explosent : de 28 hl/ha on passe
à 80 hl/ha. Le carignan peut faire d’excellents
vins de coteaux ou d’infâmes piquettes. L’Algérie
ne livrant plus, les Pouilles et la Sardaigne la
remplacent et le Languedoc-Roussillon devient
la “ variable d’ajustement ” du vignoble français, y compris pour les vins de Champagne.
Dans ce contexte, les primes d’arrachage définitif sont mises en place.
À partir de 1970, les technocrates parlent
“d’équilibre du marché”, introduisant le “paramètre de consommation”. Or, celle-ci ne cesse
de chuter depuis l’après-guerre.
PRIX DE L’INGÉNIEUR DE L’ANNÉE 2005
L es sept prix de l’Ingénieur de l’année 2005 ont été remis le 14 décembre au pavillon
d’Armenonville par François LOOS (73), ministre délégué à l’Industrie. Deux de nos camarades,
Xavier HUBERT (78) et François BOURDONCLE (84) figurent parmi les lauréats.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
• Xavier HUBERT pour un système complet de vélos en libre-service
46 ans, X-Télécom Paris, directeur industriel du groupe JC Decaux
2 000 vélos répartis dans 200 stations libre-service. À Lyon, l’intermodalité des transports
n’est plus un vœu pieux. Depuis mai 2005, moyennant un abonnement ou un simple paiement
par carte à puce, les Lyonnais ou toute personne de passage peuvent emprunter, 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7, l’un des vélos mis à leur disposition à travers la ville par la société JC
Decaux le spécialiste du mobilier urbain.
Pour réaliser ce système, une équipe d’ingénieurs dirigée par Xavier HUBERT a conçu un
vélo répondant aux exigences du libre-service. Un ensemble de dispositifs (bornettes de
stationnement, antivols, garde-boue autofreinant, valve spéciale, par exemple) ont été mis
au point et brevetés ; mais aussi une carte électronique intégrée capable de superviser les
organes vitaux du vélo (avec entre autres un test automatique à chaque remisage sur une
borne), de piloter les lumières et l’alarme afin de garantir la sécurité de l’usager et de lutter
contre le vandalisme. À cela s’ajoute un système informatisé de location et de gestion de
flotte. Le succès du projet est total puisque après seulement trois mois de service 1,2 million
de kilomètres ont été enregistrés avec jusqu’à 12 000 locations par jour. Les Hollandais et les
Allemands sont déjà venus examiner ce système.
ENTREPRENEURS
• François BOURDONCLE pour un moteur de recherche
41 ans X-Mines, mastère en sciences informatiques de Normale sup, P.-D.G. fondateur de
Exalead
Après avoir travaillé aux États-Unis, notamment chez AltaVista, François BOURDONCLE
a fondé la société Exalead il y a cinq ans, pour développer et commercialiser un moteur de
recherche de documents particulièrement innovant. Alors que les moteurs traditionnels se
spécialisent dans la recherche sur le Web, l’Intranet de l’entreprise ou le poste personnel, le
moteur d’Exalead couvre, lui, les trois applications à la fois, avec trois versions basées sur le
même cœur technologique. Architecture ouverte, indexation en temps réel, techniques
linguistiques avancées... Par certains aspects, il est même considéré comme plus performant
que ses concurrents américains. Selon une enquête réalisée en septembre dernier par Business
Week sur son site, ce moteur s’est imposé comme le troisième moteur de recherche sur Internet,
derrière Google et Yahoo. À la fin de l’année, il devrait compter 4 milliards de pages indexées,
le double d’aujourd’hui. La société emploie 40 personnes et dispose de filiales aux États-Unis
et en Italie. Elle prévoit un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros en 2005, le double de celui
réalisé en 2004.
C’est alors que l’Europe entre dans le jeu.
La France lui propose (Jacques Chirac étant
ministre de l’Agriculture) un premier plan de
restructuration du vignoble européen. L’Europe
le met en place en 1973. Il comporte deux
volets : plantation de cépages “ qualitatifs ”,
modernisation des caves. Malgré cela, on doit
admettre au début des années 1980 que ce
plan n’a pas eu pour le Languedoc-Roussillon
les effets espérés : l’excédent de production
est colossal. Michel Rocard, alors ministre de
l’Agriculture, signe pour la France les “accords
de Dublin ” : ils instituent à l’échelle européenne la distillation et l’arrachage définitif
primés. Un grand débat s’ouvre entre les “gens
des coteaux ” et les “ productivistes ”. Il aboutit à un plafond de production de 98 hl/ha.
240 000 ha sont arrachés en France, dont
128 000 ha en Languedoc-Roussillon.
Aujourd’hui, le vignoble de notre région
couvre 300 000 ha et ne produit plus que
15 % de “ vins de table ”, contre 80 % avant
1970. La qualité est au rendez-vous, le contrôle
est généralisé. Et pourtant, la crise revient !
Que s’est-il passé ?
Dans le même temps, le vignoble mondial a connu un grand essor, avec l’aide du
savoir-faire et des capitaux français. Partout,
la viticulture est un signe de richesse, sauf
dans notre région !
Voyons d’abord ce qui s’est passé dans les
autres vignobles français. Dans le Bordelais,
en 1932, sont créés les “ crus bourgeois ”. La
surproduction s’installe. En 1974, 67 000 ha
sont des AOC et 35 000 ha, des vins de table.
Un décret étend le concept de “ vins de pays ”
au Bordelais : les vins de table, médiocres,
deviennent AOC. Puis l’Europe octroie au
Bordelais le droit à la croissance du vignoble :
25 000 hectares supplémentaires apparaissent. Dorénavant, le Bordelais compte
127 000 hectares.
Par un processus semblable, le vignoble
de Bourgogne est passé de 16 000 ha… à
29 000 ha. Même évolution pour les Côtes
du Rhône.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 55
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COTISATION 2006
Pensez à la régler avant fin février.
Chèques à l’ordre de Amicale AX.
Merci d’inscrire votre promotion au dos du chèque.
CCP 2139 F - Paris.
Montant de la cotisation
et de l’abonnement 2006
Cotisation
Abonnement
Total
102 €
51 €
33 €
–
135 €
51 €
• Promos 1996 à 1999
2e membre d’un couple d’X
76 €
38 €
25 €
–
101 €
38 €
• Promos 2000 à 2002
2e membre d’un couple d’X
51 €
25 €
17 €
–
68 €
25 €
• Promos 1995 et antérieures
2e membre d’un couple d’X
Le prélèvement automatique, fait chaque année fin février, simplifie votre vie et
celle de l’AX. Merci de demander le formulaire correspondant à l’AX avant le
28 février et qui pourra être utilisé pour la cotisation et l’abonnement 2006.
Le Bordelais produit donc aujourd’hui
7 millions d’hectos par an. Il n’en vend que
5,3. L’excédent a été “ caché ” par les effets du
stockage pour vieillissement. Ce n’est plus
possible. Une demande de distillation est faite
pour leurs AOC ! Et dans le même temps, ils
refusent d’arracher.
Hors de l’Europe, plusieurs vignobles ont
connu une croissance spectaculaire : l’Australie,
qui fait aujourd’hui 12 millions d’hectos par
an, la Californie, le Chili.
En 1999, à l’OCM (Europe), j’ai proposé
une limitation de la production avec des quotas par vignoble. Au contraire, l’Europe a
choisi une politique de croissance avec fixation de quotas et subventions par pays. La
France (104 millions d’euros la première
année), l’Espagne (120), l’Italie (120) en ont
été les principaux bénéficiaires. Seuls les groupements de producteurs pouvaient bénéficier
des aides. Trente-deux formules ont été établies : primes aux jeunes agriculteurs, Contrats
territoriaux d’exploitation (CTE), etc. Ces subventions sont décroissantes les années suivantes. Or, la France a été incapable de faire
le plein de son enveloppe. Elle a ainsi perdu
en quatre ans 105 millions d’euros sur ses
quotas, qui ont été redistribués aux autres
pays. L’Espagne a, de son côté, “ fait le plein ”
et a créé un outil bien structuré, taillé pour
la concurrence. Elle est devenue le premier
exportateur sur le marché français !
Quelle est la situation du marché mondial
aujourd’hui? La consommation totale augmente
dans l’ensemble avec un nivellement. Ainsi, la
France est toujours en tête pour la consommation par habitant, mais avec “seulement” 58 litres
par an et par personne au lieu de 160 au début
du XXe siècle. L’Europe fait distiller les excédents. À ce jeu, les Espagnols sont les meilleurs,
ils en font une activité rémunératrice.
56 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Sur le plan régional, j’ai, en 1987, initié
le regroupement et le développement des vins
de cépages (vins de terroir), au sein du Syndicat
des producteurs de vins de Pays d’Oc, dont je
suis le président. Aujourd’hui, nous produisons 4,4 millions d’hectos, soit 95 % des vins
de cépages en France sans le gamay, 85 % en
l’incluant. Nous sommes le premier exportateur national, avec 3,3 millions d’hectos.
❈
L’exposé du président Gravegeal suscite
des commentaires parmi les vignerons de
l’auditoire.
Alain GRILL (51), fils et petit-fils de vignerons, époux et père des exploitantes du “Château
de l’Engarran ” (Hérault), rapporte les souvenirs de son grand-père, qui au début du siècle
dernier avait dû verser son vin dans le ruisseau. Mais il distillait aussi et cela lui avait
permis de traverser la crise.
Concernant l’actualité, il remarque que
d’autres activités ont traversé des crises structurelles et s’en sont sorties grâce à la qualité.
“Les vins de Pays d’Oc” vont dans ce sens.
“ Mais ne devrait-on pas pousser encore plus
loin?” demande-t-il au président GRAVEGEAL.
Réponse du président : “ Je présente inlassablement aux pouvoirs publics des demandes
pour étendre à nos vins certaines dénominations accordées à d’autres. J’ai eu des résultats mais il reste du chemin à faire. Pour l’élevage en barriques, j’y suis favorable, mais
certains de nos membres ne veulent faire d’élevage que s’ils ont la garantie de l’agrément
avant la mise en barrique. Ce n’est pas possible.
Notre politique de qualité trouve malheureusement un contrepoint dans les accords
bilatéraux qu’a signés la France avec certains
États, autorisant les importations croisées de
leurs vins chargés de diverses “cochonneries”.
Cela peut expliquer, sans l’excuser, la colère
de nos jeunes viticulteurs, qui ont le sentiment qu’on se f… d’eux. ”
Pierre CAPION (50) a une longue tradition familiale de viticulture. Il fait des vins de
Pays d’Oc blancs et pense lui aussi qu’il faut
continuer dans la voie de la qualité. Mais il
juge que cela nécessite une politique communautaire impliquant l’Espagne et l’Italie, qui
doivent accepter le même niveau de contrôle
que nous. Il constate que les statistiques sont
opaques sur les mouvements intracommunautaires. “ Une plus grande clarté est très
souhaitable ” conclut-il.
Réponse du président : “ Les chiffres relatifs aux mouvements de vins transfrontaliers
que nous possédons sont “ extrapolés ”. À
l’époque des codes-barres et de l’informatique,
seul le refus de l’INAO empêche d’établir des
statistiques fiables. C’est très regrettable. ”
Notre invité Roger VERDIER de FLAUX,
vigneron des Costières, a été successivement
riziculteur et arboriculteur, avant de créer un
domaine viticole en 1968. Il estime qu’il a
bien travaillé et bien gagné sa vie. Pour faire
face aux enjeux d’aujourd’hui, il pense que
la commercialisation n’a pas la place qui lui
revient dans les priorités des viticulteurs et
dans la formation des jeunes.
Notre invité Jacques PIOT, ancien haut
fonctionnaire de l’Agriculture, nous présente
une bouteille d’inspiration anglo-saxonne :
verre blanc, pas d’étiquetage mais marquage
du verre, bouchon de couleur en plastique.
“Que faut-il en penser?” demande-t-il au président GRAVEGEAL.
Réponse du président : “Cet emballage, c’est
le Troisième millénaire, et ça fait vendre.
Gardons-nous de juger à la place du consommateur, c’est lui en fin de compte qui fait ses
choix. ”
CRÉATION D’UN GROUPE
X-ÉCONOMIE-VAR
Les compétences intellectuelles en activité ou en retraite sont nombreuses dans le
Var ; or il apparaît difficile de les réunir régulièrement pour aborder les problèmes économiques théoriques, locaux, régionaux, nationaux, européens ou internationaux. Pourtant
la réflexion sur ces sujets, dans leurs aspects
techniques et juridiques, constitue un point
de passage obligé de l’élaboration d’avis éclairés non polémiques sur les décisions qui engagent lourdement l’avenir.
Face à l’absence actuelle de structures
adaptées il serait bénéfique de créer un “club”
aussi souple que possible regroupant les personnes intéressées. Le club s’adresserait dans
un premier temps aux X mais n’exclurait pas
l’ouverture ultérieure à d’autres formations
techniques ou juridiques.
Les intéressés peuvent contacter :
L. DESPORT (55) à
[email protected]
et peuvent visiter le site :
www.trifolium-ancre.com
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X-ENVIRONNEMENT
■ CONFÉRENCE-DÉBAT
mercredi 8 mars 2006 de 18 h à 20 h,
Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007
Paris. Métro Solférino/RER Musée d’Orsay.
Entrée libre.
Les bâtiments très faiblement consommateurs d’énergie
Un gisement important de diminution
des consommations et des émissions de CO2
réside dans les bâtiments que nous occupons
(chaleur, froid, électricité spécifique…). Afin
d’en mieux cerner les enjeux, le groupe XEnvironnement vous convie à une réunion-débat
sur le thème “ Des bâtiments très faiblement
consommateurs d’énergie ” – ou comment
parvenir au “Facteur 4” chez soi et au bureau?
Les questions à résoudre sont en effet
multiples : faisabilité technique (comment
diminuer drastiquement les consommations
dans un bâtiment résidentiel ou tertiaire),
aspects réglementaires (incitations ou obligations) et prospective (échelles de temps à
considérer, enjeux industriels et impacts économiques pour parvenir à diviser par 4 les
consommations sur l’ensemble du parc français d’ici 2050).
Le débat, préparé et animé par
A. CHARDON (88), sera introduit par trois
intervenants :
• Olivier SIDLER, président du bureau d’études
ENERTECH, spécialiste des consommations
dans le bâtiment, présentera le volet technique,
• Régis MEYER, responsable bâtiment à la
Mission interministérielle de l’effet de serre,
qui exposera le volet réglementaire,
• Pascal EVEILLARD, directeur marketing
chez Saint-Gobain ISOVER et animateur du
collectif ISOLONS LA TERRE, qui présentera
le volet industriel sur l’exemple de l’isolation.
■ CONFÉRENCE-DÉBAT
mercredi 22 mars 2006 de 18 h à 20 h,
Maison des X, 12, rue de Poitiers, 75007
Paris. Métro Solférino/RER Musée d’Orsay.
Entrée libre.
Les brevets sur le vivant : jusqu’où repousser les limites de l’appropriation marchande?
Quels sont les enjeux autour des ressources
génétiques ?
En 1992 lorsque s’ouvrent les négociations de la Convention sur la diversité biologique (CDB), le développement spectaculaire
du secteur des biotechnologies promet d’importantes retombées commerciales. Or la rentabilisation des investissements de recherche
passe, en biologie comme ailleurs, par la protection des découvertes et des innovations.
Les brevets, à l’origine conçus pour protéger
des inventions industrielles, ont été étendus
aux gènes et aux êtres vivants au fur et à
mesure des progrès du génie génétique.
Avec pour objectif la conservation de la
diversité biologique et son usage durable, la
CDB aboutit à la reconnaissance de la souveraineté des États (du Sud) sur leurs ressources génétiques en échange de la reconnaissance des brevets industriels (du Nord).
La définition des droits de propriété sur le
vivant doit en effet permettre la création d’un
VIE
DES PROMOTIONS
ÉLECTION
À L’ACADÉMIE DES SCIENCES
Notre camarade Roland GLOWINSKI
(58) a été élu à l’Académie des sciences,
dans la section des Sciences mécaniques
et informatiques, le 29 novembre 2005.
marché des ressources génétiques générateur d’importants profits industriels et dont
les retombées financières assureront la protection de la biodiversité. Dans la foulée, le
GATT sanctionne l’extension des brevets sur
le vivant avec les accords sur les droits de
propriété intellectuelle liés au commerce
(ADPIC), sans pour autant reprendre les
objectifs de la CDB.
Quelles sont les conséquences aujourd’hui de l’abandon de la notion de patrimoine
commun de l’humanité et de la banalisation
de la “ marchandisation ” du vivant ? Le marché des ressources génétiques a-t-il permis
de valoriser la biodiversité et donc d’inciter à
sa protection ?
Pour introduire le débat, préparé et animé
par Marie-Véronique GAUDUCHON (91),
membre du bureau de X-Environnement, trois
conférenciers nous offriront leur point de vue :
• Madame Laurence TUBIANA, directrice de
l’Institut du développement durable et des
relations internationales (IDDRI), qui nous
expliquera pourquoi et comment la brevetabilité des ressources génétiques est entrée au
cœur des négociations internationales sur la
biodiversité.
• Madame Catherine AUBERTIN, directrice
de recherches à l’Institut de recherche pour le
développement (IRD) et coordinatrice du
groupe de recherche “ Quels marchés pour
les ressources génétiques?” soutenu par l’Institut
français de la biodiversité (IFB), qui illustrera
la mise en œuvre des accords bilatéraux dans
le cadre de la CDB et les conséquences des
droits de propriété intellectuelle sur le vivant.
• Monsieur Michel Trommetter, chargé de
recherches au Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble (INRA – université Pierre
Mendès-France), membre du conseil scientifique de l’IFB, qui présentera une analyse économique du marché des ressources génétiques
et fera le lien entre la CDB et les accords sur
les droits de propriété intellectuelle liés au
commerce (ADPIC) de l’OMC.
En savoir plus sur les activités
du groupe X-Environnement :
www.x-environnement.org
1937 – Erratum
• Le camarade CARDOT signale que son
adresse dans l’Annuaire 2006 doit être lue
“Château de Courcelle” à Gif-sur-Yvette comme
dans les 50 annuaires précédents.
• L’adresse de messagerie Internet de Gilbert
DREYFUS est : [email protected]
1938
Prochain magnan le jeudi 16 mars 2006
(épouses et veuves conviées) au Restaurant
administratif de la Montagne Sainte-Geneviève
(25, rue de la Montagne Sainte-Geneviève,
75005 Paris) à 12 h 30.
S’inscrire pour le 10 mars au plus tard auprès
de GUILLEMIN (tél. : 01.47.51.69.73) ou
06.75.98.06.53.
CARNET
PROFESSIONNEL
En partenariat avec :
• Armand BATTEUX (59) est nommé président d’Equip’Auto.
• Jean-Paul BAILLY (65) est nommé président du Conseil de surveillance à Efiposte.
• Dominique TEISSIER (65) est nommé viceprésident de l’Ordre des architectes Île-deFrance.
• Alain BUGAT (68) est nommé administrateur général au Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
• Claude IMAUVEN (77) est nommé directeur
général de BPB Placo.
• Marc MORTUREUX (80) est nommé directeur
général adjoint ressources de l’Institut Pasteur.
• François STEINER (81) est nommé viceprésident de la Chambre syndicale du prêt-àporter, des couturiers et des créateurs de mode.
• Bruno ANGLES (84) est nommé partner du
Cabinet Mercer Delta.
• Pierre DERIEUX (85) est nommé vice-président du bureau de Paris de The Boston
Consulting Group.
• Benoît BRUNOT (92) est nommé directeur
général des Sociétés d’exploitation des aéroports de Grenoble et Chambéry.
• Igor PRIMAULT (2000) est nommé chargé
de la régulation des offres de gros d’accès large
bande à l’unité accès haut débit de l’Autorité
de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP, ex-ART).
CHERS CAMARADES INTERNAUTES, CONSULTEZ LE SITE :
http://www.la-jaune-et-la-rouge.com
Vous y trouverez les pages de couverture et les sommaires des numéros de La Jaune
et la Rouge parus depuis janvier 2002.
Les abonnés à La Jaune et la Rouge pourront en outre consulter les articles parus
depuis janvier 2004.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 57
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Rencontres avec des hommes remarquables
D.R.
Le retour de l’ambition politique
Passer de la démocratie à la responsabilité
Entretien avec Jacques Attali
Jeudi 23 mars 2006 à 18 h 45
Palais des Congrès
Congrès, niveau 2 – Salle de conférences 252 AB
Place de la porte Maillot – 75017 Paris
Jacques Attali
“Démocraties molles, avec le marché comme seul exercice de la liberté politique individuelle”, “individualismes nonchalants,
vaguement solidaires “, “ vision à court terme et panne de créativité ” ou encore, “ pilotage à vue, dans les tempêtes du
moment ”… Comment transformer toutes ces critiques, destinées à la gauche comme à la droite, en un véritable projet
de société qui accompagne les mutations profondes de notre civilisation ? Comment porter ce projet nécessairement à
l’échelle mondiale et l’expliciter avec pédagogie à l’échelle locale ? N’est-ce pas l’ambition, le rôle et le devoir du politique ?
Jacques Attali nous présentera des pistes de réflexions et d’actions qui admettent la “ réhabilitation de l’utopie ” et de la
“ révolution civilisée ”. Il redonnera du sens et de l’épaisseur au temps.
L’homme
Conseiller spécial auprès du Président de la République de 1981 à 1991, Jacques Attali est aujourd’hui président de
PlaNet Finance, organisation internationale à but non lucratif, rassemblant l'ensemble des institutions de microfinance
du monde et de A & A, société internationale de conseils, spécialisée dans les nouvelles technologies. Il a été le
fondateur et premier président de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (1991à 1993),
fondateur d’Action Contre la Faim en 1980, du programme européen Eurêka en 1984. Il a lancé un programme
international d'action contre les inondations catastrophiques au Bangladesh, en 1989, puis a conseillé le Secrétaire
général des Nations unies sur les risques de prolifération nucléaire. Il est à l’origine de la réforme de l’enseignement
supérieur qui harmonise tous les diplômes européens.
Docteur d'État en Sciences économiques, Jacques Attali est diplômé de l'École polytechnique et de l'École nationale
d'administration. Il est l'auteur de 40 livres, diffusés à plus de 6 millions d'exemplaires dans le monde entier.
Cet événement est conçu et organisé par l’Association “ Rencontres avec des hommes remarquables ”.
Les bénéfices de cette conférence servent à financer des projets humanitaires ou de recherche, à caractère non lucratif.
En partenariat avec :
CONFÉRENCE JACQUES ATTALI – JEUDI 23 MARS 2006 À 18 H 45 HEURES
Coupon-réponse à retourner au plus tard le 22 mars 2006, accompagné d’un règlement de 20 €,
à l’Association “ Rencontres avec des hommes remarquables ” (RHR)
37, rue du Bois de Boulogne, 92200 Neuilly-sur-Seine
Nom : ............................................................................................................................. Prénom : ........................................................... Promotion : .....................
Tél. : ............................................................................................... Courriel : .................................................................................................................................................
Assistera à la conférence de Jacques Attali, accompagné de ........ personnes.
Ci-joint un chèque de participation de 20 euros x .............. = .............. euros
58 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
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7e colloque international des anciens élèves
de l’ENA, HEC et Polytechnique
Avec le parrainage et en présence de M. Thierry BRETON,
ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
Centre de conférences Pierre Mendès-France (ministère de l’Économie)
jeudi 30 mars 2006
Le capitalisme a-t-il un avenir ?
PROGRAMME
11 h – 11 h 15 : Pause.
8 h 30 – 9 h : Accueil café.
11 h 15 – 12 h 45 : Nouveaux riches
et nouveaux pauvres.
L’État se reconnaît le devoir de favoriser la
croissance et les entreprises celui d’être
“ citoyennes ”. À l’heure du développement
durable, qui voit l’irruption de la société au
sein de l’entreprise, qui est responsable de
quoi ?
Saurons-nous résoudre les problèmes de la
pauvreté ? Le capitalisme peut-il faire reculer
l’exclusion ?
9 h – 9 h 30 : Ouverture, animée par Jacques
Barraux, directeur de la rédaction, Les Échos.
Dialogue entre les présidents des trois associations :
• Mercedes Erra, présidente exécutive Euro
RSCG Monde, présidente de l’Association des
diplômés HEC,
• Pierre-Henri Gourgeon, directeur général
exécutif d’Air France, président de l’Association
des anciens élèves de l’École polytechnique,
• Arnaud Teyssier, directeur du centre d’études
et de prospective du ministère de l’Intérieur,
président de l’Association des anciens élèves
de l’ENA.
9 h 30 – 11 h : Quel profit pour
quel partage ?
Le profit est partout mis en avant mais privilégie-t-on le court terme ou le long terme ?
Des fonds de pension anglo-saxons à la “veuve
de Carpentras ”, en passant par l’actionnariat
familial ou salarié, la notion d’actionnaire
recouvre des intérêts non seulement différents
mais parfois contradictoires. La question du
partage du profit s’en trouve reposée sur des
bases nouvelles, qui doivent également prendre
en compte la relation propriétaire-manager.
Entre actionnaires et salariés, entre les dirigeants de grandes entreprises et les autres
salariés, les modalités de partage du profit doivent-elles changer ? Comment et jusqu’où ?
Quel est le bon équilibre à trouver pour assurer la solidité du système économique ?
Table ronde animée par Erik Izraelewicz, directeur adjoint de la rédaction, Les Échos, avec :
• Joël Decaillon, secrétaire général adjoint de
la Confédération européenne des syndicats
(CES),
• Alain Leclair, président de l’Association française de la gestion financière (AFG),
• Gérard Mestrallet, président du Groupe Suez,
• Jean Peyrelevade, auteur de Le capitalisme total,
• Édouard Tétreau, directeur général de MEDIAFIN, auteur de Analyste au cœur de la folie
financière (Grasset).
Échanges avec la salle.
Table ronde animée par un journaliste radio
avec :
• Jean-Paul Bailly, président du Groupe La
Poste,
• Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d’AXA, président de l’Institut Montaigne,
• Daniel Cohn-Bendit, coprésident du Groupe
VERT/ALE, Parlement européen,
• Martin Hirsch, président d’Emmaüs France,
• Philippe Lagayette, président de JP Morgan
en France,
• Patrick Viveret, philosophe, auteur du rapport “ Reconsidérer la richesse ”.
Échanges avec la salle.
12 h 45 : Intervention
de Jacques Attali, président de PlaNet Finance.
Déjeuner
14 h 30 – 16 h : Le Nord a-t-il sacrifié
le Sud ?
Avons-nous renoncé à réduire l’écart entre
pays riches et pays pauvres ? Les déséquilibres
démographiques sont-ils explosifs? Protection
contre les risques, santé, sida, eau, communications… Que voulons-nous faire pour les pays
en développement ? Quelle place pour les pays
charnières ? Le Nord perd-il le Sud ?
Table ronde animée par un journaliste de TV5
avec :
• Donald J. Johnston, secrétaire général de
l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE),
• Vincent Redier, président d’AON en France,
• Ibrahima Sall, ancien ministre de la Coopération
du Sénégal,
• Jean-Cyril Spinetta, président du Groupe Air
France-KLM,
• James Wolfensohn, ancien président de la
Banque Mondiale.
Échanges avec la salle.
16 h – 16 h 15 : Pause.
16 h 15 – 17 h 45 : Vers un nouveau capitalisme ?
Entre l’autorégulation professionnelle, le contrôle
des comptes, les autorités indépendantes, les
contrôles de l’État, de l’Union européenne ou
d’organismes internationaux, les jugements
des tribunaux de tous ordres… quel bilan et
quelles perspectives ? La barrière public-privé
doit-elle être déplacée ?
Table ronde animée par Franz-Olivier Giesbert,
directeur, Le Point, avec :
• Patrick Gounelle, président d’ERNST & YOUNG
en France et Europe du Sud,
• Ashwini Kakkar, chef d’entreprise indien,
• Laurence Parisot, présidente du MEDEF,
• Denis Ranque, président de THALES,
• Hernando de Soto, président de l’Institut
pour la liberté et la démocratie.
Échanges avec la salle.
17 h 45 : Conclusion
de Thierry Breton, ministre de l’Économie, des
Finances et de l’Industrie.
RENSEIGNEMENTS :
REGARDS International,
Secrétariat général du colloque,
Olga JOHNSON,
8, rue Fallempin, 75015 Paris.
Tél. : 01.45.78.18.50.
Fax : 01.45.77.73.61.
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LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 59
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Carnet polytechnicien
■ 1922
■ 1939
■ 1930
■ 1941
Décès de Jacques Eisenmann le 10.1.2006.
Décès de Maurice Giraud le 29.12.2005.
■ 1935
Décès de Jean Doublet, père de Francis
Doublet (72), le 8.1.2006.
Décès de Georges de Masson d’Autume le
14.1.2006.
Décès de Jacques Sordoillet le 8.1.2006.
Décès d’André Lefebvre, père de Bernard
Lefebvre (74), le 17.12.2005.
■ 1942
Décès de Jacques Richard le 3.12.2005.
■ 1943
Décès de Léon Massat de Paulou le
10.1.2006.
■ 1937
Décès de Jean Bleuzen le 31.7.2004.
André Legendre fait part du décès de son
épouse, née Françoise Fournier, le 7.12.2005.
Décès de Michel Ozanne le 9.12.2005.
Décès de Madame Bernard-Guy Peyret,
née Simonne Ferriol, le 7.1.2006.
Décès de Pierre Sainflou, caissier de la
promo, le 13.1.2006.
■ 1938
Décès d’Henri Lafaurie le 4.1.2006.
Paul Bassole fait part de la naissance de
son quatrième petit-enfant, Mylo Camille
Bassole, le 12.10.2005.
■ 1944
Décès de Georges Renaud le 21.12.2005.
Décès de Denis François Dayonnet le
18.1.2006.
■ 1945
■ 1955
Mado et Raymond Chastel font part de la
naissance de leur septième petit-enfant,
Marie, le 21.12.2005, chez Bénédicte et
Xavier Chastel (87).
■ 1956
Jacques Aviron-Violet fait part du mariage
de son fils Jean-Cyriaque avec Kati Jansson
le 23.7.2005 et de la naissance de son
onzième petit-enfant (quatrième petite-fille),
Amandine, fille de Cédric et Laurence Feyrit,
le 28.9.2005.
Paul Poujol de Molliens fait part de la
naissance le 23.11.2005 de son huitième
petit-enfant, Victor, fils de Sabine et d’Antoine
Filipe (90).
■ 1957
Décès de Raymond Hélias le 29.12.2005.
André Le Saux fait part de la naissance de
son petit-fils Antoine, le 8.9.2005, et premier
enfant de Thierry et Agnès Le Saux-Narjoz.
■ 1953
■ 1958
François Rouillé fait part de la naissance
de son douzième petit-enfant, Ulysse, le
8.1.2006, chez Hervé et Marina.
Michel Faingold fait part de la naissance
de son premier petit-enfant, Martin, chez Anne
et Stanislas Brachet, le 8.11.2005.
■ 1961
115e Bal de l’X
Valorisez l’image de votre entreprise
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60 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Marcel Cassou fait part de la naissance de
son premier petit-fils, Axel, le 5.10.2005,
chez Emmanuel et Cécile.
■ 1964
Décès de Paul Le Jan le 21.1.2006.
■ 1965
Dominique Haberer fait part de la naissance
le 18.12.2005 de sa première petite-fille,
Élodie, au foyer de sa fille Marie-Laure et de
Xavier Denay.
■ 1966
Xavier Jourdain de Thieulloy fait part de
la naissance de ses douzième à quinzième
petits-enfants : Jacques de Thieulloy, fils de
François-Xavier (95) et Marguerite ; Agathe
Molin, fille de Patrick et Marie-Liesse ; Jean
Huet, fils de Pierre-Martin (95) et AnneCécile; Cyprien de Thieulloy, fils de Guillaume
et Anne.
■ 1967
Jean-Paul de Gaudemar fait part de la
naissance le 30.12.2005 de son petit-fils Milo,
fils de Caroline Faveris et Fabrice de Gaudemar
(93), arrière-petit-fils de Jean Bodin (43).
■ 1970
Ghislain Weisrock fait part du décès de
sa mère Marie Weisrock, le 17.4.2005 et
de son père Gaston Weisrock, le 17.5.2005
ainsi que de la naissance de ses petitesfilles : Margaux, le 31.10.2004, chez Gauthier
et Véronique Weisrock, et Chloé, le 14.2.2005,
chez Guillaume et Caroline Weisrock.
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LE SITE DU 115E BAL DE L’X
La Commission du Bal vous informe que le site Internet réalisé avec la participation active
d’Alexandra Mannaï, élève de la promotion 2003, et Étienne Jourdier, élève de la promotion
2004, est accessible à tous (polytechniciens, individuels, groupes…) pour connaître le
programme de la soirée de gala et faciliter votre inscription en ligne.
Nous vous souhaitons une bonne visite sur le site www.baldelx.com et une bonne soirée
au Bal de l’X 2006 !
Vous pouvez aussi réserver vos places en contactant l’AX,
Commission du Bal, 5, rue Descartes, 75005 Paris,
inscriptions individuelles : 01.56.81.11.04,
inscriptions entreprises : 01.56.81.16.93,
ou par courriel à [email protected]
■ 1972
Francis Doublet fait part du décès de son
père, Jean Doublet (35), le 8.1.2006.
■ 1973
Marie-Laurence Pitois-Pujade fait part
du décès de sa mère, Éliane Pitois, le
28.12.2005, belle-mère de Jean-Paul Rivet
(55, décédé).
■ 1974
Bernard Lefebvre fait part du décès de son
père, André Lefebvre (41), le 17.12.2005.
■ 1976
Jean-Dominique Martin fait part du mariage
de son fils Guillaume, petit-fils de Jean
Duverny (45), avec Virginie Champonnois,
le 24.9.2005.
■ 1986
Antoine-Tristan Mocilnikar fait part de
son mariage avec Sandra Fèvre le 8.7.2005.
■ 1987
Jean-Baptiste Baudy fait part de son mariage
avec Jeanne-Marie Bureau le 2.7.2005.
Bénédicte et Xavier Chastel font part de
la naissance de leur fille Marie, le 21.12.2005.
■ 1989
Paul Doppler fait part de la naissance de
son troisième enfant, Arthur, le 26.11.2005.
■ 1991
Laurent Manifacier fait part de la naissance
de son troisième enfant, Eulalie, le 28.11.2005.
■ 1992
Yan Georget fait part de son mariage avec
Mahnouch Khairy le 30.4.2005.
■ 1993
Lionel Assant fait part de son mariage avec
Florence Ahern le 17.12.2005.
Caroline Faveris et Fabrice de Gaudemar
font part de la naissance le 30.12.2005 de leur
fils Milo, petit-fils de Jean-Paul de Gaudemar
(67) et arrière-petit-fils de Jean Bodin (43).
■ 1994
Marie-Agnès et Emmanuel Laillier font
part de la naissance de leurs enfants, LouisMarie et Aliénor, le 1.12.2005.
■ 1995
Marguerite et François-Xavier de Thieulloy
font part de la naissance de leur troisième
enfant, Jacques, le 3.6.2005.
■ 1996
Caroline et Julien Puyou font part de la
naissance de leur fille Enora, le 6.9.2005.
■ 1997
Adrien Vesval et Mirna Daouk font part
de leur mariage le 30.12.2005.
■ 1999
Sophie Pinot-Périgord de Villechenon et
Julien Merceron font part de leur mariage
le 25.8.2005.
Nadia Feraoun et Cédric Bouzigues font
part de la naissance de leur fille Inès, le
13.11.2005.
■ 2000
Sylvie Lannou et Pierre-Yves Guidotti
font part de leur mariage le 2.7.2005.
■ 2003
Décès de Nicolas du Pouget le 4.1.2006.
LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 61
62-64_Annonces
6/02/06
14:36
Page 62
ANNONCES
BUREAU DES CARRIÈRES – AX
5, rue Descartes, 75005 Paris.
Téléphone : 01.56.81.11.14. Télécopie : 01.56.81.11.03.
Courriel : [email protected]
Site Web : www.abcdx.com
Nicolas ZARPAS (58) du BUREAU DES CARRIÈRES est à la disposition des camarades en recherche
d’emploi ou souhaitant réfléchir sur l’orientation de leur carrière, pour les recevoir et les conseiller. En effet,
un entretien est toujours souhaitable et peut aider efficacement avant un changement de situation.
Compte tenu de son expérience professionnelle, le Bureau des Carrières peut aussi répondre aux questions que
se posent les jeunes camarades avant leur premier emploi, ou, plus généralement, au moment où ils réfléchissent
à leur orientation et cherchent à définir leur projet professionnel.
Pour aider les camarades en recherche d’emploi, et leur permettre de se rencontrer pour débattre de leurs
démarches, l’AX met à leur disposition, gratuitement, un bureau situé à l’AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris.
Les camarades intéressés par les Offres d’emploi adressées par des sociétés ou des “ chasseurs de têtes ”
peuvent les consulter sur www.manageurs.com site à vocation internationale de mise en contact entre
recruteurs et anciens ou élèves.
Seules les annonces
reçues par courrier,
fax ou courriel
seront traitées
(aucune annonce par téléphone).
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annonce permanente :
9 € la ligne par mois
Le règlement s’effectue
en fin d’année.
Les annonces à publier
dans le numéro
d’avril 2006
devront nous parvenir
au plus tard
le mercredi 15 mars 2006.
62 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
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technologiques pluridisciplinaires (400 personnes dont 330 ingénieurs en mécanique,
électronique, optique, logiciel, biologie…),
recherche pour soutenir sa croissance des
ingénieurs experts, des chefs de projets et
des responsables d’activités à haut potentiel
(management d’équipes, conduite d’études
et de développement d’équipements à forte
valeur ajoutée).
Esprit d’entreprise, innovation technologique,
professionnalisme dans la satisfaction des
clients et la conduite de projets sont nos
valeurs. Venez les partager avec nous et nos
partenaires.
Contact : Philippe Demigné X 82, président.
Tél. : 01.39.30.61.00.
[email protected] - www.bertin.fr
6/02/06
14:36
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■ 9318 - ModelEdition SA, spécialiste
amélioration processus budgétaire et business
plan intervenant auprès directions grandes
entreprises. Pour accompagner notre
développement recherchons futurs partenaires
seniors avec expérience confirmée conseil
en management et/ou direction générale
dans un ou plusieurs secteurs industriels.
Contacter Raoul de Saint-Venant (X 73),
[email protected]
■ 1076 - A.I.R. Grâce à l’informatique, les
aveugles et les malvoyants retrouvent une
autonomie impensable jusque-là pour lire,
écrire, communiquer… L’Association A.I.R.
la leur apporte en leur apprenant à utiliser
un ordinateur. En plein développement, elle
recherche un jeune retraité bénévole prêt à
s’investir et désireux d’y prendre des
responsabilités.
S’adresser à Pierre Miret (X 52)
A.I.R. - 4, rue Auber - 75009 Paris.
Tél. : 01.400.600.60.
E-mail : [email protected]
Site : www.air-asso.org
DEMANDES
DE SITUATION
Elles sont sur le site Web :
www.abcdx.com
■ 3455 - Formation : École polytechnique
(81), ENSTA - Expérience réussie dans
différentes fonctions des opérations (production,
industriel, achats) au sein d’entreprises
internationales de biens de consommation.
Recherche un poste de Directeur des opérations
ou Directeur des achats dans un groupe
international à composante industrielle.
Anglais, allemand courants.
■ 3460 - Formation : École polytechnique
(76), Sup-Aéro civil, 48 ans, 23 ans d’expérience
dans la R & D et l’innovation (management
de projets et de bureaux d’études, stratégie
technique, business development) dans
différents secteurs hi-tech (aéronautique,
spatial, armement, nucléaire, productique)
au sein de grandes entreprises (Thomson,
Matra, Dassault, Giat) ainsi qu’en PME.
Cherche poste tourné vers l’innovation et la
préparation de l’avenir : direction technique,
prospective, développement d’activité, marketing
stratégique.
■ 3461 - Chef de projet X 81, Télécom.
Compétences affirmées en architecture et
développement de produits complexes,
encadrement d’équipes pluridisciplinaires,
mise en place de contrats et pilotage de soustraitants majeurs, maîtrise des coûts et des
délais. Expérience variée dans le secteur
spatial (clients, contraintes coûts et délais,
anomalies).
Recherche poste de Direction de Projet,
encadrement de chefs de projet, direction
d’études et développements dans un secteur
à fort contenu technologique.
■ 3462 - X76, MBA Insead. Anglais courant.
Vente et marketing B2B - Conseil - Systèmes
d’information - Supply chain management.
Expérience 23 ans chez Hewlett-Packard,
IBM, i2 Technologies.
Recherche poste de direction secteurs des
prestations de services, systèmes d’information,
industries High-Tech.
■ 3463 - X 75, ENSAE (statisticien économiste), doctorat en mathématiques de
la décision. Forte expérience dans le domaine
de la formation (enseignement en écoles
d’ingénieurs et de gestion) et ingénierie de
la formation (conseil pédagogique, direction
d’études) et expérience significative en entreprise
(consulting), maîtrise de l’anglais et allemand
courants + arabe.
Recherche poste à caractère pédagogique
(formation, conseil en formation, direction
d’études).
■ 3464 - Formation : École polytechnique
(79), ENSTA - Expérience managériale et
technique réussie (direction usine, production,
achats) acquise au sein d’entreprises
internationales productrices de biens de
consommation dans des milieux très
concurrentiels.
Recherche un poste de Direction générale de
business unit au sein d’entreprise à composante
industrielle.
Anglais, allemand courants.
d’équipes et coopération pluridisciplinaire.
Participation à de nombreux projets en coopération européenne.
Recherche poste de direction d’un centre de
recherches ou de programmes de recherche
technologique, en environnement international.
■ 3467 - X 84, Armement, Sup-Aéro, IAE,
16 ans d’expérience dans l’aéronautique –
essais, conduite d’un grand projet, management
d’une unité de production, soutien logistique
intégré, maintien en conditions opérationnelles
et rétrofits d’aéronefs.
Cherche poste dans l’industrie de haute
technologie ou l’ingénierie (conduite de
programme, service à la clientèle, ou commercial
État français).
■ 3466 - 28 ans d’expérience en management de recherche technologique et de développement produits, dans secteurs industriels variés. Maîtrise des processus de R&D,
y compris des transferts entre recherche et
application. Compétences en management
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Que vous soyez ou non ancien de l’École polytechnique, vous avez la possibilité
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AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris.
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LA JAUNE ET LA ROUGE • FÉVRIER 2006 63
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ANNONCES
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Courriel : [email protected]
OFFRES
DE LOCATIONS
Province
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maison 200 m2, 150 m port Niel, tt cft, 6/8 pers.
De juin au 5 août. Tél. : 01.46.37.18.88.
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Saint-Agoulin, gîte, séjour cheminée 70 m2 +
3 chbres, jardin, parc, tennis et poney club.
ÉTAT NEUF. 700 €/semaine. 04.73.33.00.49.
Les annonces sont publiées
à titre de service rendu
aux camarades et n’engagent
pas la responsabilité de l’AX.
Elles sont publiées
sur le site Internet
www.polytechniciens.com
au début du mois
de parution dans la revue.
Tarifs 2006 : la ligne
Étranger
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médina Marrakech. Cuisine et piscine, trois serviteurs, brumisation externe et climatisation
interne. 01.40.27.80.22.
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APPARTEMENTS et PROPRIÉTÉS, (vente,
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Internationale ÎLE-SAINT-LOUIS, 75004 Paris.
Tél. : 06.09.74.38.37 (et 01.44.41.01.00),
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belles maisons ou beaux appts VIDES ou
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effectue restauration et travaux tous styles sur
plans. Conditions spéciales aux X et familles.
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GODEFROY (51), réalise tous travaux de création et de mise en page : logos, cartes de visite,
plaquettes, affiches… Tél. : 01.40.54.72.75.
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Courriel : [email protected]
64 FÉVRIER 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE
Demandes de situation :
Offres d’emploi :
Immobilier :
Divers :
7€
9€
13 €
15 €
Les annonces à publier
dans le numéro
d’avril 2006
devront nous parvenir
au plus tard le
mercredi 16 mars 2006.
■ D424 - Épouse GASTINE (49) recherche
pour son Agence Gastine Immobilier, Paris
VIIe, appartements à vendre sur Paris et banlieue. 06.07.53.25.09 - 01.45.67.88.55.
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00_Couv-4
6/02/06
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