Alerte rouge Alerte rouge

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Alerte rouge Alerte rouge
Alerte rouge
Au Groupe 25 Images nous sommes d’accord pour soutenir
l’innovation. Mais par le haut !
Le bureau
Faute d’ambition, de financement et souvent de culture créative, une certaine forme de téléréalité,
déguisée en fiction, commence à se développer sournoisement…
En dehors de rares exceptions de qualité comme Chante !, Cœur
océan ou Foudre, l’ambition française actuelle des « séries ados »
se résume plutôt au succès grandissant de Hollywood Girls sur
NRJ 12
Voici le genre nouveau qui, sournoisement, envahit nos chaînes,
petites et grandes… Cette soi-disant fiction, que certains nomment
scripted reality ou pire, dramality, n’a qu’un objet : permettre à
des industriels des programmes de flux de s’adouber « producteurs
de fiction ».
De quoi s’agit-il ? Simplement d’engager d’ex-candidats de
téléréalité ou des acteurs amateurs, de leur dire « à dater de ce jour
vous êtes comédiens » et de leur souffler au bord d’une piscine de
villa luxueuse des situations d’improvisation qui peuvent ressembler
à celle-ci, aperçue d’un œil atterré dans un extrait : « Putain de
salope, j’te croyais ma meilleure amie et tu m’as piqué mon keum !
Alors vas-y, j’vais te détruire ta race sur cinq épisodes ! »
« Action ! » Un régisseur de plateau bombardé réalisateur démarre
deux ou trois petites caméras tenues par des potes sans doute
heureux d’être promus cadreurs. Et, le soir venu, on envoie par
streaming les rushs compressés à Paris, où une équipe de montage,
pilotée par le producteur, va essayer de mettre en ordre pour faire
45, 90 ou 250 épisodes, qui voudraient mettre en pâmoison les
12-24 ans déjà écervelés par une certaine TNT…
Dans cette « fiction du réel », tout le monde est probablement
payé au poids, les décors sont négociés en placement de produit,
les barbies-pouffes se maquillent elles-mêmes, les costumes de
base sont peu onéreux en tissu : minijupes, débardeurs, bikinis
et bustiers basiques pour laisser vivre les poitrines dopées. Un
seul luxe : un Babyliss pour chaque « actrice » et les sandwichs
offerts !… « Coûts maîtrisés », selon le vocabulaire du marketing
qui n’ose pas dire « au rabais » ou « fauché », comme tout le
monde…
Voici le type de « fiction TNT » que les chaînes commerciales
essaient déjà de faire homologuer en « œuvres », afin d’obtenir des
subsides du Fonds d’innovation ou du compte de soutien sélectif.
Le Groupe 25 images sonne l’alarme. Pourquoi ? Cette « trash
fiction » tente d’infiltrer les commissions CNC malgré la résistance
des éventuels réalisateurs présents, mais pour combien de temps ?
On a bien vu, et pas seulement dans la commission Copé ou le
rapport Chevalier, que les réalisateurs, ces mouches du coche,
peuvent être oubliés.
Interpellé, Éric Garandeau, le patron du CNC, semble décidé à
ne pas ouvrir le compte de soutien automatique à ces avatars de
fiction. Mais certains producteurs l’ont apparemment convaincu
de la nécessaire industrialisation de la fiction.
Flash-back : Voisin voisine ! Ou comment La Cinq SeydouxBerlusconi, entre 1988 et 1990, remplissait son quota annuel
de 400 heures de fiction : 385 épisodes de 58 minutes tournés
p 12 • La Lettre des Réalisateurs n° 27
à raison d’un par jour (!), en improvisation. 11 séquences,
4 comédiens, 2 décors. Des acteurs qui inventaient presque
tout, sans être rémunérés comme coauteurs de leurs dialogues !
Souvenez-vous aussi des séries industrielles, qui gavaient les quotas
TF1 : Intrigues, Mésaventures, Côté coeur, Passions… 1450 épisodes
de 26 min en 5 ans !
Côté indigence, la TNT n’inventera donc rien car la Cinq et TF1
l’ont déjà fait. Mais, en 2012, beaucoup rêvent de ressusciter en
France cette « soupe » qui cartonne déjà sur la TNT anglo-latino.
En nous servant un discours « web-connecté-transmédia » pour
séduire les jeunes…
Avec ses filles de Hollywood, NRJ 12 n’est pas seule à tenter le
jackpot. D’autres s’attaquent à une cible plus adulte : M6 tourne
depuis fin 2011 Face au doute avec des comédiens amateurs. Des
enquêtes policières tirées de faits réels, en épisodes de 40 minutes
filmés, dixit la chaîne, « en reportage à une seule caméra, comme
si le téléspectateur menait lui- même l’enquête avec les héros ».
(ndlr : ou comme si la production n’avait pas de budget ;-))
Lagardère Entertainment, à travers sa filiale de « flux » 909
Productions, se lance aussi dans la scripted reality, en affirmant
haut et fort qu’il s’agit bien « de fiction pure où tout est écrit de
A à Z »… même si on y retrouve « certains codes efficaces de la
téléréalité ». Un pilote d’une série longue de 26 minutes, baptisée
Au cœur d’un fait divers, a déjà été tourné, ou « de vrais comédiens
réinterprètent l’histoire d’un fait divers »…
TF1, avec sa nouvelle chaîne TNT HD1, est aussi en pleine
effervescence autour du concept. « HD1 doit permettre à tous les
talents dans leur diversité de s’exprimer, des plus confirmés aux
plus inédits, avec l’ambition d’être une vitrine reflétant la vitalité
et l’évolution de la fiction sous toutes ses formes », a déclaré Nonce
Paolini. Rien de moins…
M6 prend même un ton vertueux pour annoncer qu’elle va freiner
sa diffusion de séries américaines pour raviver la fiction française.
Bravo ! Mais la vraie raison, c’est que l’arrivée des chaînes connectées
des géants Google, Apple et Amazon va s’emparer des séries US
et les retirer de nos chaines nationales ! Tout cela nous rappelle le
"mieux-disant culturel" revendiqué en 1987 par Francis Bouygues
devant la CNCL (ancêtre du CSA), lorsqu'il a racheté TF1 en
promettant de l'opéra aux heures de grande audience. Il a tenu sa
promesse, mais il a rajouté "soap" devant "opéra"…
Et comme la CNCL en 1987, le CSA n’y voit que du feu et les
pros de l’audiovisuel et de la fiction ne s’en émeuvent pas encore.
Mais la machine est lancée.
Les dirigeants justifient trop facilement leur incurie par la crise.
En particulier dans l’audiovisuel, où ils espèrent s’en sortir par du
« vite-fait-pas-cher » comme la scripted reality, présentée comme
innovante.
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Exemple : À Toronto, la chaîne SYFY, filiale de NBC Universal,
tourne Defiance avec des acteurs renommés. Un projet interactif
innovant qui mêle série télé et jeu de rôles multijoueurs en ligne.
Interactivité ambitieuse puisque les événements se déroulant dans
l’un des deux supports influencent directement l’autre. Voilà
une idée créative comme en ont déjà les jeunes auteurs français
« connectés », auxquels le Fonds d’innovation du CNC apporte à
bon escient son soutien.
Le Groupe 25 Images s’oppose à ce que la fiction-réalité soit
homologuée en oeuvre. Il s’oppose également à ce que le
financement indigent (la moitié de l’Angleterre, le tiers de
l’Allemagne !) de la fiction de prime time soit de surcroît amputé
du budget nécessaire à la production « à coûts maîtrisés » du
« day time », comme France Télévisions a annoncé en prendre le
chemin.
Loin de nous l’idée de jeter les Hollywood Girls de NRJ 12 dans
la piscine. Dans une télévision forte et bien gérée, tous les genres
peuvent cohabiter. Mais même si les diffuseurs s’en défendent la
main sur le cœur, il serait inadmissible que cette fausse fiction
remplace peu à peu les séries ou films ambitieux qui sont encore la
fierté de l’audiovisuel français et qui ont déjà presque disparu dans
de nombreux pays, pour les raisons évoquées plus haut.
L’épidémie de la téléréalité menace tous les genres, de la fiction au
documentaire.
être indépendantes et vivantes, placées sous le signe de la liberté des
créateurs et de la diversité des expressions, aussi bien lorsqu’elles
répondent aux besoins du savoir et de l’échange qu’à ceux du
plaisir et du rêve. En ce sens, leurs programmes, par leur contenu
et leur qualité, constituent des instruments irremplaçables du
développement culturel ; ils sont le double reflet d’une diversité
et d’une unicité nationales, tout en restant largement ouverts
aux autres cultures. Pour atteindre ces objectifs, les programmes
appellent des conditions particulières d’organisation et de
production et l’aménagement de relations plus harmonieuses avec
l’industrie de l’audiovisuel et du cinéma.
Les sources des programmes
Les programmes de la radio et de la télévision résultent de l’élan
donné : par le public, qui doit pouvoir s’exprimer autrement
que par la méthode des sondages ; par les créateurs, dont il faut
encourager le dynamisme et le renouvellement ; par les responsables
des programmes, qui en assurent la diversité, la cohérence et la
continuité ; enfin, par l’instrument lui-même, qui a sa logique
et son élan propres. Une relation harmonieuse doit être opérée
entre ces quatre éléments moteurs. A défaut, les programmes
risquent d’être détournés dans le sens d’une médiocrité, soi-disant
populaire ; (…) ou encore, d’une uniformité idéologique ou
culturelle imposée par des responsables trop autoritaires…
Auteurs, producteurs et réalisateurs
Les idées, l’intuition, la modernité, sont chez les auteurs et les
producteurs créatifs.
Les auteurs et les producteurs, agents essentiels des créations
télévisuelles et radiophoniques, doivent avoir leur place reconnue
dans les sociétés de radio et de télévision. Leur présence
nécessaire au sein du Conseil national, comme dans les conseils
d’administration et les conseils de programmes, garantira non
seulement leurs intérêts légitimes, mais leur participation à la
politique des programmes et aux organismes de concertation
relatifs à la recherche et à la prospective (…).
La téléréalité déguisée n’est pas la fiction que souhaitent les jeunes
réalisateurs du Groupe 25 Images, ni leurs aînés plus aguerris, ni
l’ensemble des auteurs.
Les réalisateurs sont les maîtres d’oeuvre des émissions qui leur
sont confiées. Ils amènent, au stade ultime de la réalisation du
projet, la liberté de la création et sa qualité.
Et pour l’importante histoire de la création à la télévision, ce
n’était en aucun cas la fiction envisagée il y a trente ans (!) par le
digne et visionnaire rapport Moinot de septembre 1981.
Conclusion du rapport
« Le public aime ça et en redemande. » Faux ! Un sociologue ou
publicitaire de haut niveau vous expliquerait en deux minutes que
le public consomme ce qu’on lui offre. Et si on lui impose le bas
de gamme, il finit par devenir la norme.
RAPPORT MOINOT
Rapport d’orientation et de réflexion sur l’audiovisuel, présidée
par Pierre Moinot à la demande du ministre Jack Lang.
Les recommandations de ce rapport remarquable, qui inventa
notamment la Haute Autorité de l’audiovisuel indépendante.
Extraits glanés çà et là dans le rapport :
Développement de la création
La radio et la télévision ne sauraient être soumises aux pressions
de divers pouvoirs, accaparées par la technocratie, déformées dans
leurs missions par des exigences de rentabilité systématique et de
concurrence artificielle entre les chaînes et menacées par l’invasion
et la fabrication de produits commerciaux standard. Elles doivent
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L’essentiel n’appartient pas aux structures, mais aux hommes et
aux femmes qui, un jour, les ont voulues, et à ceux qui en héritent.
Ces hommes et ces femmes doivent bâtir une radio, une télévision
et des moyens nouveaux de communication qui permettent aux
imaginations de rivaliser, à l’invention créatrice de foisonner sans
que jamais nul ne s’endorme dans la facilité ou la répétition (…).
Il s’agit de garder ces moyens ouverts à toute vérité, à toute
différence ; qu’ils donnent à chacun chance et envie de découvrir
les sciences aussi bien que la musique, la poésie, la danse, toutes
les formes d’art, puis aptitude à les aimer ; qu’ils aient moins le
culte de l’événement, et davantage la curiosité de ses causes et de
ses effets ; qu’ils soient méfiants à l’égard de tous les pouvoirs,
capables d’être irrespectueux des tabous, moins soucieux du règne
des vedettes et davantage à l’écoute de tous ceux qui pour l’instant
n’ont pas eu droit à la parole ; qu’ils soient connaissance pour ceux
qui en sont privés, présence pour ceux qui sont dans la solitude,
réconfort pour ceux qui sont dans l’épreuve.
La Lettre des Réalisateurs n° 27 • p 13
Pour ou contre
le "Tout série"
– La qualité de nos séries repose également sur le talent
d’acteurs très demandés, qu’il est difficile de mobiliser sur
une longue période et de nombreux épisodes.
– Le risque que représente la série longue est plus élevé, car il
faut séduire le public sur un plus grand nombre d’épisodes.
Le bureau
Les séries américaines connaissent un succès mondial. Celles qui émergent et triomphent à
l’international sont extrêmement bien écrites et réalisées, et produites avec beaucoup d’argent.
Elles sont devenues le modèle universel.
Refusant d’admettre que la crise de la fiction française est la conséquence de son dramatique sousfinancement, mais aussi de leur frilosité soumise à l’audience et de leur interventionnisme indécent,
les responsables politiques, les diffuseurs et le puissant lobby des producteurs industriels se sont
réfugiés dans le déni de leur énorme responsabilité dans cette crise.
Après que certains incultes, accrochés à leur siège, ont osé accuser les auteurs français de manquer
d’imagination, ils tentent désormais de persuader le monde audiovisuel et le public que la cause
de cette crise est l’absence de séries « américaines » à la française. Confortés dans cette thèse par
certaines études orientées, amnistiés par le nécessaire mais injuste et restrictif rapport Chevalier,
qui ne parle que de financement de l’écriture, ils se sont autopersuadés que l’avenir était le « toutsérie » !
Mais les avis éclairés divergent :
(Sources : Écran total, Le Film français, Le Figaro, Le Monde, Le Village…)
POUR
Les directions d’antenne et de fiction des grands
diffuseurs
« – La fiction française est chère et peu rentable. Un épisode
de 50 min d’une série américaine coûte à TF1 en moyenne
75 000 euros par diffusion, alors qu’il lui faut dépenser
environ entre 1 et 1,3 million d’euros pour produire et
diffuser un épisode français (dont l’audience et les recettes
publicitaires sont souvent moins bonnes)…
– Il y a trop de producteurs indépendants. Environ 30 %. Il
faut redistribuer les cartes… »
Pascal Breton (chargé de la fiction mondiale du
Groupe Zodiac Entertainment)
« Produire moins cher, c’est possible et il le faut ! La série
longue est le modèle économique qui permet de baisser les
coûts de production en un temps où les chaînes hésitent à
se lancer dans des projets financièrement lourds. Une série
longue (au moins 20 épisodes) permet de fidéliser le public
et de faire baisser le budget jusqu’à 30 % par rapport à une
minisérie ou à une fiction unitaire dont le modèle est celui
du cinéma… Toute crise peut avoir des effets positifs, car
il y a toujours de bonnes affaires à réaliser dans ce genre de
période… »
p 40 • La Lettre des Réalisateurs n° 27
Jean-François Boyer (Tetra Media Studio)
« Le succès de la série américaine tient notamment à sa
capacité de proposer une récurrence sur vingt semaines, ce
que nous réussissons avec Un village français ou ce que font
Guillaume Renouil et Elephant Story avec Fais pas ci, fais
pas ça ! »
CONTRE
Kate Hartwood, directrice des séries de la BBC
« La BBC ne diffuse quasiment aucune série de plus de 6 à 8
épisodes en primetime. Pour plusieurs raisons :
– C’est un choix éditorial et une volonté de programmateur.
Nous sommes financés par la redevance, c’est-à-dire par le
public anglais. Nos séries sont donc avant tout créées pour
satisfaire ce public et pas pour le marché international.
Notre distributeur, BBC Worldwide, aimerait que nous
produisions des séries plus longues et un peu moins
exigeantes ou sombres pour séduire les acheteurs étrangers.
Mais ce n’est pas notre priorité.
– Notre rôle de service public est d’assurer la diversité
de l’offre. Les séries américaines ne sont diffusées qu’en
deuxième partie de soirée sur les grandes chaînes. Non par
choix de programmation, mais parce qu’elles n’attirent
qu’un public limité, notre volonté de valoriser nos créations
nationales ne leur ayant pas ouvert la porte…
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– Une dernière raison est que 60 à 70 % des fictions diffusées
sur les chaînes de la BBC sont produites par des structures
indépendantes et créatives »… (ndlr : France Télévisions
est en train de s’engouffrer dans le chemin inverse.)
Le Groupe 25 images
« L’augmentation des séries longues industrielles a de graves
et diverses conséquences :
– Elle se fait au détriment des films unitaires ou miniséries
qui abordent de façon souvent plus directe et aiguë des sujets
sensibles.
– Elle entraîne la raréfaction du travail pour nombre de
réalisateurs, comédiens, techniciens.
– Le low cost (traduit hypocritement par « coût maîtrisé »),
que certains gestionnaires osent présenter comme un facteur
de créativité, gangrène la rémunération des techniciens et les
commandes aux industries techniques.
– Les grands groupes fonctionnent par masse et cherchent à
imposer des productions formatées aux marges confortables.
Ils poussent les séries longues et rêvent de business models
qui assureraient une régularité pérenne de leurs revenus.
– A contrario, les producteurs indépendants s’investissent à
fond, sur peu de projets, dont ils s’occupent exclusivement et
qui sont à chaque fois un nouveau risque. Leur passion passe
bien souvent avant leur marge. Et, la plupart du temps, les
résultats sont là pour prouver que, d’un point de vue créatif,
ils ont eu raison de prendre ces risques…
– Le Groupe France Télévisions, à l’instar
des diffuseurs privés, favorise désormais
la production industrielle des groupes
audiovisuels très forts en lobbying…
– Ces reproches n’auraient plus cours si
la France développait ses fictions comme
l’ont fait l’Angleterre et l’Allemagne, qui
en produisent deux et trois fois plus,
c’est-à-dire en trouvant un mode de
financement des séries longues qui ne
touche pas au volume de création des
producteurs indépendants.
Jean-Pierre Guérin, PDG de GMT, président
de l’USPA
« Le problème est ailleurs. C’est une volonté des
programmateurs des grandes chaînes d’avoir introduit et de
maintenir en prime time des séries américaines. Nous sommes
le seul pays européen à pratiquer ainsi. L’industrie française
des programmes est en sérieuse difficulté. Le diffuseur français
est frileux. Son manque d’audace est le problème de fond.
La loi a séparé la diffusion de la production. Nous ne
pouvons intervenir dans la diffusion de nos œuvres. En
revanche les diffuseurs interviennent sans cesse dans notre
périmètre de production, notamment dans l’écriture. Ils ne
nous font globalement pas confiance. »
Julie Chemla, auteure d’une thèse de master sur
l’avenir de la fiction française
« La fiction française n’est pas une industrie. Nous n’arrivons
pas à gagner de l’argent en produisant des séries, et c’est
là tout le problème ! La fiction américaine, elle, a toujours
été commercialement viable car les États-Unis comptent
100 millions de téléspectateurs, contre 25 en France. Une
trentaine de chaînes y sont capables de produire de la fiction,
et environ 400 autres susceptibles d’en acheter (contre une
petite dizaine dans l’Hexagone)... Bref, il y a une différence
d’échelle énorme entre nos deux pays qui annihile tout effort
d’analyse. Ce n’est pas David contre Goliath, c’est la fourmi
contre Goliath. »
Étude Médiamétrie de janvier 2012
« Que ce soit Fais pas ci, fais pas ça ou Les Hommes de l’ombre,
les fictions françaises semblent retrouver peu à peu leur
public, qui s’était éloigné ces dernières années au profit des
séries américaines. Les téléspectateurs
ne préfèrent pas forcément les séries
américaines à la fiction française. Ils les
regardent pour des raisons différentes :
la fiction française crée un sentiment de
proximité alors que les séries américaines
sont au contraire plus dépaysantes.
Néanmoins, ces dernières représentent
encore 48 % de l’offre et 60 % de la
consommation, tandis que la fiction
française ne totalise que 39 % de mise
à l’antenne et 31 % de visionnage.
Des chiffres symptomatiques de la
programmation des grandes chaînes qui,
toutes, ont sécurisé leurs soirées avec
de multiples séries américaines longues
installées de saison en saison.
60 à 70 % des
fictions diffusées
sur les chaînes de la
BBC sont produites
par des structures
indépendantes et
créatives
– Contrairement à la BBC et à la ZDF,
France Télévisions est dans l’erreur Kate Hartwood
totale en siphonnant l’argent des fictions
de prime time pour alimenter les séries
longues de journée. Croyant sauver ainsi la fiction, FTV ne
fait qu’étouffer à terme les indépendants pour alimenter des
groupes industriels productivistes…
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NI POUR, NI CONTRE
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