Troisième partie

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Troisième partie
Société Astronomique du Valais Romand
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Introduction à la spectrométrie
Troisième partie : les spectres d’absorption et d’émission
par Alain Kohler
L'expérience de Newton
1. Le spectre continu
2. Les spectres d’émission et d’absorption
En 1666, Sir Isaac Newton fit une expérience célèbre (image ci-dessus) : il perça un petit trou dans un
volet pour laisser passer une fente de lumière blanche venant du Soleil. Sur le trajet de cette lumière, il
interposa un prisme de verre : non seulement la lumière est déviée (phénomène de réfraction) mais elle
se décompose en plusieurs couleurs, du violet en
passant par le jaune jusqu’au rouge. Ce phénomène
était déjà connu mais on attribuait les couleurs au
prisme lui-même !
En plaçant un prisme supplémentaire après le premier, il montra qu’il est possible de retransformer ce
faisceau formé de plusieurs couleurs en une lumière
blanche. Et ainsi de montrer que ces couleurs appartiennent bien à la lumière blanche.
On doit attendre le début du XIXème siècle pour
qu’un chimiste britannique, William Hyde Wollaston, observe des « absences » de certaines couleurs
dans le spectre du Soleil : il aperçoit en effet des
« raies noires » en beaucoup d’endroits dans le spectre mais ne sait pas à quoi les attribuer.
Il mit par ailleurs en évidence qu’une couleur « sélectionnée » passant par un nouveau prisme ne se décompose plus en d’autres couleurs.
Bien sûr, Newton avait mis en évidence un
spectre continu sans toutefois pouvoir mesurer les intensités relatives des différentes
couleurs. Malheureusement son appareil
expérimental ne permit pas de voir autre
chose.
En 1814, le physicien allemand Joseph Fraunhofer
(1787-1826), profitant de la bonne qualité optique
de ses lunettes astronomiques, fait une mesure précise de la position de plusieurs centaines de ces raies
sombres en notant les raies les plus intenses par des
lettres, en particulier les deux raies très serrées, notées D, dans le jaune. Toutefois il n’expliqua pas
Le spectre original de Fraunhofer
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non plus l’origine de ces raies
En 1859 le physicien allemand Gustav Kirchhoff (1824 – 1887, (photo de gauche) et le chimiste Robert Bunsen (1811 – 1899) mettent en évidence qu’un
gaz chaud sous basse pression émet non pas un spectre continu mais une série
de raies et que cette série de raies est propre à la composition chimique de ce
gaz : un gaz à base de sodium n’émet pas les mêmes raies qu’un gaz à base de
mercure. Un tel spectre est appelé spectre d’émission (image ci-dessus).
En cherchant à superposer la lumière blanche et la lumière provenant de la raie
d'émission du sodium, Kirchhoff découvre le phénomène de renversement des
raies : le sodium présent dans la flamme absorbe la radiation jaune de la lumière blanche. Il découvre donc presque par hasard les raies d’absorption
(voir l'image ci-dessous).
Le résultat remarquable qu’il obtient est qu’un gaz émet et absorbe des raies
de mêmes couleurs !
Voici l’énoncé des lois de Kirchhoff :
1ère loi : « Un gaz à pression élevée, un liquide ou
un gaz, s’ils sont chauffés, émettent un rayonnement
continu qui contient toutes les couleurs : le spectre
continu ».
2ème loi : « Un gaz chaud, à basse pression, émet un
rayonnement uniquement pour certaines couleurs
bien spécifiques liées à sa composition chimique : le
spectre de ce gaz présente des raies d’émission sur
un fond noir, c’est un spectre d’émission ».
3ème loi : « Un gaz, à basse pression et à basse température, s’il est situé entre un observateur et une
source rayonnant un spectre continu, absorbe certaines couleurs, produisant des raies noires (ou plutôt
générant une absence de raies) superposées à ce
spectre continu : c’est un spectre d’absorption.
Ces raies d’absorption se retrouvent aux mêmes longueurs d’onde que celles émises lorsque le gaz était
chaud ».
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Spectre d'absorption
Spectre d'émission
Kirchhoff établit le parallèle de sa découverte avec
le spectre de Fraunhofer : les raies d’absorption D1
et D2 correspondent exactement aux deux raies d’émission du sodium dans le jaune. Il en conclut que
ces raies D proviennent de l’atmosphère du Soleil :
la lumière venant du cœur du Soleil traverse son atmosphère et certaines longueurs d’onde sont absorbées par les éléments chimiques dans l’atmosphère
stellaire. La conclusion est fantastique :
La mesure de la position (en fait la mesure des
longueurs d’onde) des raies d’absorption permet
de déterminer à distance la présence de tel ou tel
élément chimique à la surface du Soleil et donc
des étoiles ! La spectrométrie était née et avec elle
l’astrophysique moderne !!
Et en voici quelques premières applications :
En 1863, l’astronome italien Giovanni Battista Donati publie les spectres d’une quinzaine d’étoiles
suite à l’idée de coupler un spectroscope à son télescope : il en arrive à la conclusion que les étoiles sont
certainement des astres semblables à notre Soleil en
terme de rayonnement (un spectre d’absorption su-
perposé à un spectre continu).
A la même époque, on étudie le spectre de la Lune :
il est identique à celui du Soleil. On en arrive à deux
conclusions : la Lune ne produit pas sa lumière mais
ne fait que refléter celle du Soleil et comme il n’y a
pas d’autres raies d’absorption la Lune n’a pas
d’atmosphère !
En 1868, le français Janssen part en expédition en
Inde pour analyser la couronne solaire lors de l’éclipse totale de Soleil du 18 août. Il remarque alors
une raie brillante dans le jaune, très près des raies
jaunes du sodium. Or cette raie ne correspond à rien
de connu au laboratoire. Pour lui, c’est un nouveau
élément : il l’appelle le coronium. Cet élément chimique ne sera découvert sur Terre qu’en 1895 par
Ramsey en très petite quantité dans notre atmosphère et nommé finalement hélium (en hommage à
hélios, le Soleil).
Comme nous le verrons plus tard, la spectrométrie
possède une foule d’applications mais il convient
d’abord dans un prochain article d’analyser plus en
détails le pourquoi de la formation de spectres d’émission et de spectres d’absorption.