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Vendredi 11 avril 2014 // No 187 Immobilier Les voisins de la colère P. 4 CHF 3.– // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch Consommation Bouquet de leurres P. 7 Justice Commerce de Rom P. 8 mh370 La couleur de la boîte noire P. 17 JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA 2 C ’ EST P AS P OUR D IRE ! Gripen à jouir Sebastian Dieguez G ripen, ça veut dire griffon. Rappelons que ce remarquable animal est un être hybride, composé de sûreté et d’emplois. Certains affirment qu’il se nourrirait exclusivement de pognon qui ne sert à rien d’autre et les plus audacieux assurent même l’avoir vu voler dans les airs. Son seul défaut serait d’être totalement imaginaire : à part une poignée de bouseux incultes du Moyen Age et quelques cryptozoologistes égarés, le fait est que personne n’y a jamais cru. Mais comme toutes les légendes, cette créature fictive a le mérite de stimuler notre imagination. Oh ! les histoires qu’on raconte à son sujet ! Les plus terrifiantes nous viennent d’un pays nordique, grand amateur de mythologies délicieusement fantaisistes. Là-bas, on raconte aux enfants que quand le Gripen s’en va dans un autre pays, il faut faire plein de promesses à ce pays ! Terreur garantie. Il faut voir la mine inquiète de ces têtes blondes quand leurs parents évoquent, prenant un air sombre, le mystère des « affaires compensatoires »… Brrr ! Mais c’est chez nous que la légende du Gripen est la plus fertile en contes à dormir debout. Il y a même, en Suisse, un vieux chaman qui se consacre entièrement à concocter et raconter des billevesées qui régalent nos chroniqueurs. On le reconnaît d’ailleurs assez facilement au Gripen miniature qu’il arbore à sa redingote. Quand il va dans un village, il raconte que le Gripen va bientôt y faire pleuvoir des lingots d’or. Dans une vallée, il assure que si le Gripen ne vient pas très vite, les hordes barbares vont dérober tout le chocolat et violer les troupeaux. A la métropole, il annonce aux notables, hypnotisés devant son charisme, que le Gripen conduira un jour la Nation hors des âges obscurs, vers des horizons où chacun gambadera en paix dans des pâturages verdoyants et pleins d’emplois. Quel artiste ! Ses acolytes sont très distrayants aussi. Ils chuchotent que si le Gripen ne devait pas venir, eh bien il viendra quand même, mais par petits bouts et en cachette. Le vieux chaman dit alors tout de suite que c’est même pas vrai, ce qu’on s’amuse ! C’est ça qui est beau avec les mythes et les légendes : ils sont exploitables à l’infini et se prêtent à toutes sortes d’inventions. D’où l’importance de ne jamais les confondre avec la réalité. Vigousse vendredi 11 avril 2014 Q UELLE SEMAINE ! 3 affaires en court Rome de discorde L’Italie est agitée par des revendications séparatistes ! Après la Sardaigne, qui souhaite être rattachée à la Suisse, puis la Vénétie, qui a organisé fin mars un référendum en ligne recueillant 89 % de voix en faveur de l’indépendance de Rome, c’est au tour de la Lombardie de demander son émancipation. Alors que la capitale vit une grave crise politique, les rizzoules du Nord clament qu’ils en ont plein la botte. Lahore, heureuse ? Le 27 mars dernier, un homme de 26 ans a été condamné à mort pour avoir blasphémé par la justice pakistanaise. Lors d’une discussion animée avec un ami musulman, le chrétien Sawan Masih aurait offensé Mahomet et donc enfreint la « Black Law », soit la loi antiblasphème, ce qui lui a déjà valu un an d’incarcération avant son récent jugement. Le jeune homme, père de trois enfants, a aussitôt fait recours. Si celui-ci n’aboutit pas, il sera exécuté pour quelques traîtres maux. Masque scolaire Enorme problème dans les écoles valaisannes ! La suppression de 90 postes d’enseignants ? Le nombre d’élèves par classe en augmentation ? Mais non, quelque chose de bien plus grave : quelques étudiantes voilées passent par les bancs d’école du canton. Heureusement, l’UDC cantonal lève le voile et lance une initiative pour l’interdire. Ouf, l’éducation et la formation sortiront de ce débat la tête haute. Amende amère A Strasbourg, un sans-domicile fixe de 23 ans a été condamné à 400 euros d’amende pour avoir tué un canard. Interpellé alors qu’il venait d’abattre le volatile avec sa carabine, l’homme a reconnu avoir tué pour se nourrir. Une faim de non-recevoir. LE CHIFFRE 38,6 milliards de francs C’est le poids de la nouvelle gigantesque société LafargeHolcim, née de la fusion de l’entreprise suisse Holcim et de la française Lafarge. Ce nouveau leader mondial du ciment emploiera plus de 130 000 personnes et son siège restera à Jona, Saint-Gall. Thomas Schmidheiny, héritier de Holcim, réalise là une jolie opération. En revanche, on ne sait pas si son frangin Stephan, ex-patron d’Eternit condamné à 18 ans de prison en Italie et qui depuis se terre au Costa Rica, touchera une part du gâteau... Quelques millions en plus pour s’offrir de jeunes amiantes ? Vigousse vendredi 11 avril 2014 4 FAITS D I V ERS ET V ARI É S FAITS D I V ERS ET V ARI É S Confit de voisinage Tour de passe-plat Lèse béton Depuis six ans, à Saint-Prex (VD), deux puissants voisins mènent la vie dure à une retraitée. La Municipalité voit passer les plaintes réciproques et se terre. Les collectivités publiques investissent 55 million dans Beaulieu 2020, les privés 130 millions dans Taoua. Résumée ainsi, la votation de ce dimanche 13 avril à Lausanne devrait renvoyer les référendaires à la campagne. Mais on pourrait aussi se demander à qui profitera, à terme, la manne de ladite tour. MCH Foire Suisse SA est une société cotée en bourse issue de la Foire des échantillons de Bâle. Depuis 2010, elle exploite le site, via MCH Beaulieu, autrefois temple du Comptoir suisse, son concours Jean-Louis, ses halles et ses caveaux… En 2007, à l’heure de prendre sa retraite, Jocelyne a hérité d’une petite résidence secondaire avec vue sur le lac, à Saint-Prex (VD). Une maison de week-end nécessitant des rénovations, entourée d’un bout de terrain, dont une partie en forêt, le tout en forte pente. Depuis, les environs immédiats de sa propriété ont vu pousser de grandioses maisons de riches nouveaux venus. Deux voisins qui la poussent à bout pour qu’elle cède son lopin de terre. Monsieur X* commence son annexion rapidement. En l’absence de Jocelyne, il démolit la clôture qui sépare son propre terrain de celui de la vieille dame, fait raser terrain miné deux tentatives de reconstruction de ladite clôture. Selon elle, il fait disparaitre les bornes, détruit l’escalier qui lui permet d’accéder au lac, excave sur son terrain, coupe sa vigne, construit un mur sur sa propriété. Pendant ce temps, l’autre voisin, madame Y*, remplace le portail sur la servitude que Jocelyne doit emprunter pour entrer chez elle par « une lourde porte de pénitencier verrouillée » et tente par tous les moyens de faire annuler ladite servitude. Curieusement, la commune ne fait rien pour décourager ses riches contribuables. Au contraire, elle retarde la rénovation de la maison de Jocelyne. « Chaque fois que nous faisons des travaux, même légers, le technicien communal débarque avec la police pour les arrêter. Mais quand nous les appelons pour signaler un nouvel abus de l’autre côté du mur, personne ne vient », narre la retraitée. A force de se voir pourrir la vie, Jocelyne engage un avocat spécialisé et va jusqu’au Tribunal fédéral, qui hausse les épaules. Pour rentabiliser les 50 000 m2 de Les plaintes pénales des deux voi- sins pleuvent aussi sur Jocelyne et son couple. L’utilisation d’un instrument de mesure répandu devient une attaque au laser. Arroser son propre terrain se transforme en charge à la lance incendie, ou presque. Le procureur admet tout, y compris la violation de domicile, dommage à la propriété, injures et menaces. Monsieur X a même essayé – sans succès – de prétendre que la convention qu’il a signée et dans laquelle il s’engeait à reconstruire les escaliers – ce qu’il n’a jamais fait – ainsi qu’à entretenir le terrain de Jocelyne était un bail à loyer ! Récemment, Jocelyne s’est rendu compte que la propriété de son voisin faisait partie d’un plan de quartier avec zones vertes non constructibles et zone forêt. Or monsieur X la bétonne sans souci. Ainsi le garage qui devrait être souterrain devient une extension de la maison et le souterrain, lui, devient une piscine. Il construit un jacuzzi et son esplanade dallée, et ajoute d’autres structures, augmentant ainsi la valeur de sa propriété. Selon Jocelyne, la municipalité n’a rien remarqué ni pour le permis de construire ni pour le permis d’habitation. Interpellé, le syndic Daniel Mosini soupire en pensant aux trois cartons d’archives que cette affaire a déjà remplis : « Depuis 2008, ce conflit de voisinage est un serpent de mer. On ne peut que souhaiter un apaisement entre eux », dit-il. Le couple de Jocelyne a l’impression que tout le monde a intérêt à étouffer l’affaire. Estimant que dès le départ la Municipalité n’a pas fait son boulot. Ce que conteste le syndic : « On a proposé aux trois de se rencontrer, ça n’a pas été possible. » Isolés, Jocelyne et son compagnon trouvent néanmoins une forme de solidarité de l’autre côté du domaine. Des propriétaires de PPE qui eux aussi se font grignoter leurs terrains et où, là aussi, les bornes ont tendance à disparaître. « C’est impossible, le cadastre existe, on ne fait pas n’importe quoi », rétorque Daniel Mosini. En rendant la vie de Jocelyne impossible, monsieur X et madame Y souhaitent purement et simplement s’emparer de son terrain. Curieusement, le même monsieur X vient de déposer ses papiers dans le canton de Nidwald. Là où l’impôt est plus doux et les voisins, peut-être, moins combatifs. Jean-Luc Wenger * noms connus de la rédaction surface d’exposition, le théâtre et la salle du grand paquebot, les Lausannois auront accepté, ou non, l’érection d’une tour de plus de 80 mètres de haut. Si le canton de Vaud y voit une carte de visite pour son économie, la ville de Lausanne, elle, reste propriétaire du terrain. Le financement des 130 millions est assuré par Losinger Marazzi SA, filiale du groupe Bouygues en Suisse, à qui échoit le mandat de construire et de développer le complexe hôtelier. Le Temps (14.03.14) relève que la promesse de droit de superficie sera signée par Orox Capital Investment, une société qui travaille avec Losinger. Le quotidien révèle également le nom du propriétaire final : le fonds immobilier suisse (ERRES), piloté par la banque privée Edmond de Rothschild. Pour faire passer la pilule, le PS lausannois met en avant les 30 appartements à loyer contrôlé prévus dans la tour. Mais oublie les 60 autres luxueux logements vendus en PPE. Les investisseurs Bouygues et Orox, dont le siège se trouve au Luxembourg, remercient les citoyens lausannois de leur confiance. J.-L. W. 5 Les farces de l’ordre à Lausanne Coûts et blessures Malmené sans raison par la police lausannoise, un inoffensif noctambule découvre à quel point l’agent ne fait pas le bonheur. Depuis le lancement de l’opération « Strada » en juillet 2013, les brigades lausannoises perdent progressivement en crédibilité ce qu’elles gagnent en brutalité, médisent d’aucuns. De fait, la mésaventure d’Antonin, un samedi soir de cet hiver, montre que la police est infoutue de distinguer un aimable fêtard d'un dangereux malfrat. Et dans le doute, elle ne s’abstient pas de cogner. Etudiant à l’Université de Lausanne, aucunement suspect d’allure, bien élevé et propre sur lui, Antonin prend un apéro prolongé avec quelques amis. Lancés, ils se rendent ensuite dans un club de la capitale vaudoise. Là, en cours de soirée, une jeune femme du groupe, souffrant de diabète, est prise d’hyperglycémie. Antonin l’accompagne en vitesse hors de la boîte pour tenter de calmer la crise à l’air libre. Mais quand les deux jeunes gens veulent revenir à l’intérieur pour que la malade puisse faire son injection d’insuline, le videur leur refuse l’entrée. Antonin tente d’argumenter, explique l’urgence de la situation, insiste. Buté, le gorille repousse violemment le jeune homme, qui tombe sur les pavés. C’est lui qui, peu après, interpelle une patrouille de police qui passait par là. D’abord soulagé, Antonin tente d’exposer calmement la situation aux agents : le diabète de son amie, la crise, l’insuline à l’intérieur du club, l’urgence. La nuit est glaciale, en plus ; or la malade et Antonin sont sortis comme ils étaient, sans la face sur la banquette arrière de la voiture de police, le frappe à plusieurs reprises derrière le crâne et au visage. C’est sans doute ce qu’on appelle la police de proximité. Contactée par Vigousse, une porte-parole de la police lausannoise confirme : « Vu le comportement de cette personne, il a été amené au poste. » Là, Antonin subit une fouille leur veste. Mais dans le froid de canard, les poulets restent de glace. Ils ne font rien pour aider les deux jeunes à rentrer dans l’établissement, bien au contraire. Résultat : l’amie diabétique finira sa soirée à l’hôpital avec 35 ° d’hypothermie et une hyperglycémie avancée. leçon de violon Quant à Antonin, il va tâter de la force publique. Car devant la boîte, face à des policiers sourds à ses explications et indifférents au sort de son amie, il a le malheur de s’énerver un peu : il ose dire aux agents qu’il les juge « incompétents ». Il demande même à déposer plainte contre la police sur-le-champ. Grave erreur. Un jeune policier le saisit et le plaque brutalement au sol, lui ouvrant profondément la lèvre au passage. Ayant menotté sa prise, il l’embarque, lui écrase intégrale avant d’être bouclé en cellule. Il y saigne de la bouche deux heures durant avant de s’endormir en grelottant sous une petite couverture. Au matin, il doit se débarbouiller et se désaltérer dans les toilettes turques, rinçant sa plaie ouverte à l’eau sale avant qu’on daigne lui apporter un verre d’eau. Détail oratoire : quand le prisonnier demande à un gardien s’il aurait « l’obligeance de lui donner l’heure », le fonctionnaire le rabroue sèchement, faisant valoir qu’on ne parle pas comme ça à un agent. Après quinze heures de détention, Antonin comparaît devant le procureur, qui ne retient aucun élément de sa déclaration : sans autre forme de procès, le jeune homme est condamné pour injures, menaces et violences contre les fonctionnaires, et pour trouble à l’ordre public. Il écope de 45 joursamende à 20 francs, avec sursis pendant deux ans, d’une amende de 240 francs et d’une facture de 400 francs pour frais de procédure. En définitive, les rumeurs sont fondées : la nuit à Lausanne, les honnêtes gens sont de moins en moins en sécurité. Jean-Luc Wenger PUB Françoise Neuhaus 079 213 82 64 Petit-Flon 35b, 1052 Le Mont-sur-Lausanne Tél. 021 648 52 70 Fax 021 648 52 71 Vigousse vendredi 11 avril 2014 Vigousse vendredi 11 avril 2014 6 FAITS D I V ERS ET V ARI É S FAITS D I V ERS ET V ARI É S Conso & consorts Dans la ligne de rire Le bail des vampires Sans blague Un laboratoire consacré à l’étude de l’humour étudie ce qui fait marrer les gens. Ou pourquoi une peau de banane, c’est plus drôle qu’une mine antipersonnel. Romands d’espionnage De plus en plus, les régies immobilières jouent à la Stasi avec les candidats à la location d’un appartement. Attention aux fouines ! Tiens, ça fait un moment qu’on ne nous a plus fait le coup du « peuton rire de tout ? ». Oui, comme Vigousse est le seul journal satirique du coin, c’est souvent vers nous qu’on vient avec cette question, comme si la réponse définitive était inscrite quelque part dans nos statuts... Oh, on y répond généralement de bonne grâce, mais franchement on a un peu fait le tour de ce marronnier pas marrant. Pourtant, la question n’est pas totalement inintéressante, à condition de la prendre à rebours. C’està-dire non pas « peut-on rire de tout ? », mais plutôt « qu’est-ce qui fait rire et pourquoi ? ». Voilà une vraie question, pas un vague prétexte pour lancer des débats stériles. Tarte à la crème aussi vieille qu’Aristote d’ailleurs, qui pensait sommairement que le rire reflétait un sentiment de supériorité. Aujourd’hui, c’est la science qui s’y colle. Le « Humor Research Lab », fondé par le psychologue Peter McGraw à l’université du Colorado, est un laboratoire qui se consacre entièrement à « l’étude scientifique de l’humour, ses causes et ses conséquences ». On y collectionne les blagues du monde entier, on mesure leur efficacité, on collabore avec des humoristes professionnels et des clowns, du vrai boulot de blouse blanche, quoi, et sans nez rouge. l'humour, toujours l'humour Depuis cinq ans, le labo du rire a même développé une théorie qui se veut universelle, c’est-à-dire qui expliquerait toutes les formes de poilade, des Monty Python à la blague à Toto. Il s’agit de la « théorie de la transgression bénigne ». Pour qu’un truc soit drôle, il faudrait réunir deux éléments : d’abord une transgression ou une incongruité (qu’elle soit morale, physique, verbale ou autre), et la perception simultanée que cette transgression est bénigne, c’est-à-dire n’a pas de conséquences graves. Ce qui fait rire, c’est donc la violation inoffensive d’une norme sociale : quelque chose a été transgressé, mais tout va bien quand même. La théorie n’est pas neuve : la plupart des théoriciens de l’humour sont tombés sur à peu près la même idée. Déjà, en 1899, Bergson écrivait que ce qui déclenche le rire, c’est « du mécanique plaqué sur du vivant », sur fond d’une « arrière-pensée d’entente » dans le but inconscient « de corriger et d’instruire ». Incongruité, norme sociale et rétablissement de la situation : c’est pareil… mais en plus intello. Sauf que le « Humor Lab » teste la théorie scientifiquement. Par exemple, McGraw et son équipe se sont demandé à partir de combien de temps après un désastre naturel on pouvait en rire. Ils ont donc proposé des blagues sur l’ouragan Sandy tout le long de la catastrophe et découvert que le pic d’hilarité était atteint 36 jours après la dévastation. La sévérité perçue de la transgression est trop forte au début, puis s’estompe avec le temps pour atteindre un rapport idéal et finit Pot aux roses par perdre de sa pertinence. C’est pareil quand on taquine ou chatouille quelqu’un, au-delà ou en deçà de certaines limites ce n’est pas drôle du tout. Tout l’art est donc de trouver un juste équilibre, non pas parce qu’on ne pourrait pas « rire de tout », mais tout simplement parce que c’est ainsi que fonctionne la mécanique du rire. Bon, en même temps, quand ce sont des scientifiques qui se chargent aujourd’hui de nous l’expliquer, c’est peut-être le signe que l’humour a cessé d’être drôle… Sebastian Dieguez The Rise and Fall of Humor : Psychological Distance Modulates Humorous Responses to Tragedy, P. McGraw et al., Social Psychological and Personality Science, à paraître. PUB Exclusivité mondiale. La première tablette numérique entièrement en vrai papier. CADEAUES L À TOUS ÉS N ABON Pour tout renouvellement ou nouvel abonnement, vous recevrez en bonus le recueil « Le mieux de Vigousse 2013». 88 pages, format 24 x 31 cm, valeur CHF 22.– 021 612 02 56 / [email protected] www.vigousse.ch En vente chez Payot et Naville Vigousse vendredi 11 avril 2014 « Mignonne, allons voir si la rose, qui ce matin avoit desclose… » Le poète Ronsard n’imaginait pas que des siècles après lui, on verrait des roses qui ne fanent pas, n’ont besoin ni d’entretien ni de soleil ni d’eau. Ces fleurs dites « stabilisées » sont de vraies roses auxquelles on a remplacé la sève par un élixir de jouvence composé de glycérine et d’hydrogène. On obtient une rose d’aspect véritable, soyeuse et comme fraîchement coupée, mais conservable au moins deux ans. C’est pratique, ce n’est pas du plastique et c’est « naturel », croit-on. Sauf qu’en examinant de plus près ces fleurs trafiquées, on note que leur couleur est bien trop concentrée pour être naturelle : des colorants sont injectés avec la mixture stabilisatrice. Et ces roseslà ne sentent pas la rose. Elles ne sentent rien de rien à moins qu’on les ait vaporisées avec un parfum chimique style « rose anglaise ». Les détaillants reçoivent les têtes des roses dans de petites boîtes, par le biais de fournisseurs tels que Rosas Rivas. Lesquels les importent des quatre coins du monde… pas très écologique, donc. Dans les boutiques florales, ces corolles figées sont le plus souvent intégrées dans des arrangements incluant gravier, perles, fleurs séchées ou lyophilisées. Mais on en trouve aussi à l’unité dans les supermarchés, les kiosques ou les stations-service, où elles se vendent entre 8 et 20 francs. Aloïse Fonjallaz, fleuriste neuchâteloise, se marre à l’évocation de ces fleurs sans âme, qui finiront oubliées sur une étagère : « C’est très attrapepoussière et c’est moche. Quand on aime un minimum la nature, on n’offre pas une fleur comme ça aux couleurs pétantes, mais une vraie, qu’on va voir évoluer. » Si Ronsard vivait de nos jours, peut-être aurait-il voué ses vers à une rose stabilisée pour une « mignonne » botoxée qui refuse l’emprise du temps. Ou peut-être pas. Noémie Matos Lorsqu’on cherche un appartement, il peut s’avérer utile d’enjoliver son dossier de candidature. Il existe pour cela des trucs faciles. Par exemple, si l’on est truffé de dettes et en proie aux poursuites, demander une attestation de l’office des poursuites dans un autre district que celui où l’on est domicilié : le document sera vierge et pur. Par ailleurs, les logiciels de retouche d’images permettent de rajouter très facilement quelques chiffres à sa feuille de paie. A moins qu’un ami entrepreneur soit disposé à émettre des bulletins de salaire fictifs. Face à ce type de ruse et face à la difficulté de virer un locataire mauvais payeur ou vandale, les régies adoptent des parades par- fois très intrusives. Ainsi l’appel aux responsables du personnel de l’entreprise ou du service qui emploie le candidat à la location serait de plus en plus fréquent. Et souvent en pareil cas, les questions sur le salaire de la personne en lice en précèdent d’autres, au sujet de son avenir professionnel probable, voire de ses qualités personnelles. 7 Considérant à juste titre que ces démarches sont totalement déplacées, les bons directeurs des ressources humaines refusent de répondre. Ce qui naturellement défavorise leur employé, dont la régie immobilière risque alors de jeter le dossier. Les gérances consultent par ailleurs fréquemment le fichier Deltavista, qui fournit un rapport de solvabilité complet et où tous les loyers payés en retard par le passé sont consignés à vie. Enfin, le coup de téléphone à l’ancienne régie et même aux anciens voisins est désormais très fréquent. Gare à celui qui a invité des amis bruyants pour une soirée il y a quatre ans, dont le chien s’est soulagé une fois dans l’allée ou qui un jour n’a pas rendu à l’heure la clé Jonas de la chambre à lessive ! Schneiter La Toile de fonds Ruse de sous Une invention apparemment géniale a séduit des centaines d’internautes, qui ont versé des sous pour la financer. Et s’il s’agissait plutôt d’une arnaque ? La plateforme Indiegogo.com permet de réunir des fonds pour des projets originaux grâce aux petits investissements des internautes. Lesquels sont ensuite récompensés si tout marche comme prévu ou font une croix sur leur argent dans le cas contraire. A la fin de l’an dernier, deux scientifiques états-uniens ont ainsi levé plus de 300 000 francs pour un machintruc à infrarouge qui scanne et analyse la nourriture. Selon les vidéos de présentation, il suffit d’approcher de l’assiette le bidule couplé à un smartphone : il détecte la composition précise et le nombre de calories de n’importe quel aliment. Plus de problèmes pour les allergiques au gluten, les diabétiques, les obèses, les astreints à tel ou tel régime, les végétaliens ou les obsédés de la taille mannequin. C’est merveilleux. Seul petit bémol : jusqu’ici, la chose ne consiste qu’en bla-bla et en films de simulation. Pas la moindre preuve scientifique tangible. Aucune institution ou entreprise sérieuse ne s’est d’ailleurs associée au projet. Etrange pour un gadget promis à un succès mondial assuré et qui nécessitait un investissement relativement modeste. La commercialisation étant prévue pour cet automne, on verra à ce moment-là s’il s’agissait d’une vulgaire escroquerie ou de l’affaire du siècle. Dans le premier cas, ça apprendra aux internautes qu’investir sur les sites de microfinancement n’est pas le moyen le plus sûr de s’enrichir. Dans le second, ça apprendra au soussigné qu’il ne faut pas toujours être si sceptique et rabat-joie. J. S. Vigousse vendredi 11 avril 2014 8 FAITS D I V ERS ET V ARI É S Q UELLE SEMAINE ! Charité mal ordonnée Calcul pénal Si un pas fait un mètre et cinq mètres font 40 francs, quel est le prix de la distance entre une main tendue et une porte ? Depuis mai 2013 à Lausanne, le durcissement du règlement communal sur la mendicité est précisément détaillé sous l’article 87 bis (voir encadré). Son application est quant à elle beaucoup plus floue. Démonstration. Juillet 2013, Adrian fait la manche devant la poste de la Pontaise. Des policiers le contrôlent et, après estimations (sans outil de mesure, la police détermine « au bon sens » qu’un pas = 1m), les agents concluent qu’il ne respecte pas les 5 mètres de distance réglementaire entre l’entrée d’un commerce et son activité de mendiant. Il écope donc d’une amende de 40 francs. Epaulé par les membres de l’Association lausannoise d’action et de solidarité avec les Roms, il fait opposition à cette condamnation. Une première juridique. Avril 2014, l’affaire est jugée au Tribunal de police. Mesures précises ef- PLUS VRAI QUE VECU fectuées a posteriori à l’appui, chaque partie a sa version. D’une part, la police déclare que le Rom mendiait au bas des escaliers (voir photo), soit à une distance de 4,10 m précise de l’entrée. De l’autre, Adrian affirme qu’il était adossé au lampadaire, soit à 5,50 de la porte. « C’est une histoire de centimètres et les chiffres sont plus précis que ne l’est la mesure », relève la présidente du tribunal. Car l’article 87 bis n’est pas explicite quant au calcul de la distance… Faut-il partir de l’axe de la porte pour arriver à la chaussure du mendiant ? De l’angle gauche de l’entrée jusqu’à la main tendue ? Ou du centre du palier au centre de gravité de la personne ? Un flou artistique qui rend l’application du nouveau règlement laborieuse de part et d’autre. Des imprécisions qui n’aident en rien Adrian : reconnu coupable, il doit s’acquitter d’une amende de 40 francs ainsi que de 50 francs de frais de police. Les 700 francs de la procédure d'opposition sont mis à sa charge. Quant aux prochains calculs par l’absurde imposés par le nouveau règlement, c’est une autre aire de manche. Alinda Dufey Vigousse vendredi 11 avril 2014 Buvez ce vin… Photo : Yves Leresche Article 87 bis […] La mendicité est interdite dans les endroits où elle est de nature à troubler l’ordre et la tranquillité publics ou entraver la circulation sur la voie publique, notamment : dans les transports publics, aux arrêts de bus et de métro ainsi que sur les débarcadères et quais adjacents et aux alentours des gares ; dans les marchés ; à proximité, soit à au moins 5 mètres des horodateurs, machines à paiement, distributeurs d’argent et automates à billets de transports ; à l’intérieur des magasins, commerces, cinémas, théâtres, musées, administrations publiques et établissements, ainsi qu’à proximité, soit à au moins 5 mètres de leurs entrées respectives et sur les terrasses ; dans les cimetières ainsi qu’à leurs entrées et à l’intérieur des lieux de culte ; dans les jardins publics, parcs publics et zones de jeux. […] Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement. Noms fictifs mais personnages réels et dialogues authentiques. « Je fais des choses légales, simples et saines. » Monsieur Roduit est accusé d’infraction et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, et d’infraction grave à la loi fédérale sur la circulation routière. – Que dit le chef d’accusation… fait la juge en feuilletant sa paperasse. Ah, voilà : vous avez cultivé des plants de marijuana pour votre propre consommation, vous avez d’ailleurs été arrêté alors que vous fumiez. Vous avez aussi eu un retrait de permis d’un an à cause de l’alcool et de la drogue. Et sinon, vous avez vendu de l’herbe et plus de 500 « ecstasy ». Vous admettez ? – Il reconnaît tout, répond l’avocate de l’accusé. – Maintenant oui ; mais lors des interrogatoires, il a tout nié en bloc ! – Mon client protégeait alors certaines personnes de mauvaise influence. Depuis, il a réalisé que ce milieu et ces amis-là sont nocifs pour lui. Il admet donc ses torts et il tente de se racheter. La juge apostrophe le prévenu : – Et ça faisait longtemps que vous baigniez là-dedans ? – Ce sont mes potes depuis que je suis tout petit, murmure-t-il. – Et maintenant ? – Je ne les fréquente plus. Et comme ils m’ont traité de « balance » et menacé de me choper, puis de me frapper, c’est plus des potes. Pourtant c’est dur, j’ai changé de milieu et je me reconstruis, mais je n’ai plus aucun ami… 9 en court – Ah… compatit la magistrate. L’avocat intervient : – L’arrestation a été très bénéfique pour mon client, il a aussitôt arrêté la drogue, les sorties et tout le reste. Maintenant, il travaille et il a une vie simple. – Oui, renchérit l’accusé d’un air angélique, j’ai beaucoup de regrets pour ce que j’ai fait. Avec mes anciens amis, on s’amusait, puis ça a été l’engrenage : les fêtes, les retards au travail, la consommation, le trafic… et on se coupe de sa famille. Mais j’ai tout arrêté et je fais des choses légales, simples et saines. – Bien, approuve la juge tout sourire. Et vous avez repris des relations avec vos parents ? – Mon père n’a jamais été présent. Mais je mange chaque semaine chez ma maman ; elle a été d’un grand soutien. Le plus dur, d’ailleurs, ça a été de lui avouer la vérité après mon arrestation. Elle a pleuré, c’était horrible… – C’est bien gentil, tout ça, mais à juste 20 ans, vous n’allez pas me dire que vous ne faites rien d’autre que voir votre mère et bosser ? – Je me suis remis à la pêche, j’aime beaucoup ça et c’est très sain comme activité. Et légal ! Reconnu coupable, monsieur Roduit est condamné à une peine pécuniaire de 200 jours-amende à 50 francs avec un sursis de deux ans, ainsi qu’à 1000 francs d’amende. Les frais de justice s’élevant à 3862 francs sont à sa charge. Lily Selon le centre de recherche californien Wine Institute, le Vatican est le pays où l’on consomme le plus de vin au monde. Avec une descente annuelle de 74 litres par personne (ce qui représente tout de même 100 bouteilles, ma foi...), les habitants de l’enclave romaine picolent deux fois plus que les français et autres gros buveurs. Des habitudes pas très catholiques qui n’ont rien à voir avec le vin de messe. La dernière bière Histoire de pouvoir faire la fête et se pinter sans craindre des lendemains difficiles, des chercheurs australiens ont inventé une bière miracle. Contenant moins d’alcool (2,3 % contre une moyenne de 4,8 %) mais plus de sel, la nouvelle boisson empêche la déshydratation, principale cause de la gueule de bois, et n’entraîne ni maux de tête ni nausées ni autres symptômes des soirées trop arrosées… Cette mousse est l’incarnation du malt ! PUB Changement de Chaudière ? ContaCtez-nous ! devis sans engagement ! tél. 024 463 37 04 mob. 079 247 37 25 Ruelle du Marché 5 CP 311 – 1880 BEX Fax 024 463 37 39 [email protected] www.as-Chaudieres.Ch Vigousse vendredi 11 avril 2014 ça va mieux en le disant Infamille Espérer bien vivre avec son ado, c’est comme rêver de nager avec des requins mangeurs d’hommes : c’est con. LE COURRIER DU CHIEUR A CAV Les angoisses existentielles du professeur Junge Cette semaine : alors que des lesbiennes ont obtenu un carré réservé dans un cimetière, je crains de ne pas pouvoir être enterré avec des gens qui me conviennent. Bileux Il est d’usage, dans nos sociétés comme dans celles des autres, de concrétiser un amour qu’on pense éternel par la « mise en route d’un bébé ». On voit bien comment ce petit être fragile et délicat va être le lieu de la tendresse et de l’attention conjointe des bienveillants géniteurs. Mais, le temps faisant, cet être va inexorablement se transformer en ado. Ce n’est pas de votre faute, vous n’avez rien fait de faux. Alors évidemment, si au début de votre relation on vous avait proposé de « mettre en route un ado », vous auriez flairé le coup fourré. Et comme on n’avorte pas d’un ado (le délai en Suisse étant de 12 semaines), il va bien falloir faire avec. Quelques pistes. Vous voici donc, depuis samedi dernier, réélu à la vice-présidence de l’UDC suisse. Même que le verdict est tombé « à l’unanimité » des voix des délégués présents. Bel exploit, à saluer tel quel, pour un homme dont le nombre de casseroles rendrait jaloux les meilleurs maîtres queux de Suisse et de Navarre. Certes, il s’en trouve quelquesun(e)s pour vous accuser d’« amateurisme » dans la gestion des comptes de votre section, d’autres pour rappeler la manière peu glorieuse dont vous aviez fui, jadis, le Jura bernois, d’autres encore de vous accuser de pingrerie à l’égard de quelques employées de ménage disons plutôt consentantes. Règle de base : déontologique- ados de chameaux Votre ado, à tort ou à raison, trouve que la vraie vie, c’est à chier. Tout se passe sur internet. Il ne comprend d’ailleurs plus bien les raisons d’être de nos institutions : pourquoi donc aller à l’école alors que tout ce qu’on y apprend est sur Wikipédia ? Pourquoi aller à la rencontre des autres alors que le monde entier est à un clic de distance ? Pourquoi construire une vie dans le monde réel alors qu’un avatar peut se fatiguer à Vigousse vendredi 11 avril 2014 votre place ? A ce sujet, ne vous inquiétez pas : mâles ou femelles, ses hormones lui feront tout naturellement entrevoir les avantages du monde réel. L’adolescent, avide de sensations fortes, s’adonne à la biture express. Bien que le sujet alerte au plus haut point les autorités publiques, contre ça non plus vous ne pourrez rien. Et inutile de lui proposer des activités de substitution : ranger sa chambre n’a jamais procuré de sensations fortes. Ni dans les années 50 ni maintenant. De la même manière, gardez pour vous vos suggestions concernant son look/sa musique/son langage/ses fréquentations/le porno. Ici, c’est vous le con. Si dans les années 50 il allait de soi que le jeune pourvoie à ses besoins dès sa majorité, il n’est pas rare aujourd’hui que cet être maléfique fasse durer le supplice jusqu’à l’aube de ses 30 ans. Si légalement vous n’êtes plus obligé à rien, il est de bon ton d’être « cool » avec cette génération de vieux enfants. De plus, il serait très malvenu de le traiter autrement qu’en adulte. Il en va de son équilibre futur. Oui, même votre fils de 30 ans qui passe le week-end à regarder des dessins animés en pyjama Tigrou. Pour toutes ces raisons, et à juste titre, votre enfant fait naître en vous des pulsions infanticides. Ce qui nous amène au sujet très controversé du châtiment corporel. Très en vogue dans les années 50, il tend à disparaître au profit d’un sain dialogue, dont on a vu plus haut qu’il était impossible. Comment ça, c’est découra- geant ? Oh, et puis merde après tout. Cet enfant, vous l’avez voulu, non ? On ne vous a pas forcé la main (c’est une image)? Alors assumez, que diable. Mais, on vous l’accorde, c’est cher payé pour un si bref moment de plaisir. Sacha Durant Tandis que j’agonise Ce qu’on a vu ce dernier weekend à Näfels prouve bien que pour les membres de votre parti ces vilaines accusations ne sont que peccadilles en regard de vos talents d’homme politique. A moins que le fait de vous savoir affaibli et toujours susceptible d’être pris en faute fasse – passez-nous l’expression – le beurre de vos « amis » du parti agrarien. Déjà qu’ils considèrent comme quantité négligeable les sections romandes de leur parti, les gros bonnets de l’UDC suisse n’ont aucun intérêt à ce que de ce côté-ci de la Sarine un quelconque poids lourd vienne leur faire de l’ombre. Croyez nous, M. Claude-Alain Voiblet, votre fragilité fait de vous, de facto, un vice-président parfaitement respectable. Et puisque ces jours-ci vous devez subir une légère opération, on ne peut que vous conseiller d’y aller le cœur léger. Inutile de vous faire la moindre bile : avec ou sans vésicule vous continuerez de servir la cause. Roger Jaunin 6 avril. Des lesbiennes ont obtenu un carré réservé dans un cimetière berlinois afin qu’elles puissent rester ensemble dans la mort. Il s’agit sans doute du premier lieu d’ensevelissement dévolu à une orientation sexuelle. Quelle riche idée ! Pour ma part, je n’ai pas envie de reposer à côté d’homosexuels. Au cas où l’un d’entre eux est enterré alors qu’il n’est pas vraiment mort (ça arrive), qu’il se réveille, creuse une galerie jusqu’à ma tombe et profane mon cadavre. J’écris donc à ma paroisse pour proposer un carré réservé aux hétéros. 7 avril. A la réflexion, il y a pas mal d’hétérosexuels avec lesquels je n’ai pas envie de partager une concession funéraire. Car si jamais la religion se trompe et qu’il n’y a pas de résurrec- tion après la mort, et qu’en mourant on reste enfermé dans son cadavre, conscient mais incapable de bouger, et qu’on puisse communiquer par la pensée avec les autres macchabées (personne ne peut affirmer catégoriquement que ça ne se passe pas comme ça), eh bien, à ce momentlà, pour un gauchiste comme moi, il faudrait se taper pour l’éternité des conversations avec des abrutis de droite, et ce serait un cauchemar ! Je veux reposer dans un carré réservé aux hétéros de gauche. la ligne ou le bricolage. Or moi, ce que j’aime, c’est la littérature. Alors si après ma mort, en admettant que je devienne un fantôme, je me retrouve entouré d’esprits qui justement en manquent, d’esprit, et que je doive me farcir à longueur de journée des discussions au sujet de la supériorité de la clé à molette sur le tournevis de 12, j’aurai envie de me pendre alors que ce ne sera même plus possible ! Il me faut un carré réservé aux hétéros de gauche qui aiment la littérature. 8 avril. Je suis de plus en plus taraudé par des questions existentielles. Au dernier pique-nique du parti, je me suis ennuyé à mourir avec certains membres qui ont des centres d’intérêt limités comme la pêche à 9 avril. J’ai perdu le sommeil à force de me ronger les sangs. Parce que dans la perspective où il y ait une fuite de produits chimiques radioactifs provenant de l’usine à côté du cimetière et que toutes les Le 8e conseiller fédéral Bon, Johann, vous en êtes où avec vos histoires de magouilles ? C’est pas ça que je vous reproche. C’est de vous être fait gauler ! Mais j’ai rien fait, chef. Je vous jure que c’est pas moi ! On vous fait des misères parce que vous planquez du fric ? la pensée contemporaine Ni vu ni connu, je t’embrouille. Mais c’est légal, les entreprises ont besoin de faire de l’optimisation fiscale ! Allons, allons, pas de ça entre nous. 10 avril. Je me demande si le plus simple ne serait pas de ne pas mourir. Il faut que j’approfondisse cette question. Professeur Junge, phare de Pardon, de l’optimisation, on passe par des sociétés écrans aux îles Caïman et des hommes de paille. J’ai rien fait d’interdit ! Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique. dépouilles sont réanimées sous forme de zombies, je pourrais avoir la mauvaise surprise de découvrir, lors d’une discussion littéraire avec mes congénères entre deux attaques pour manger les cerveaux des vivants, que je suis le seul lecteur de Virginia Woolf et William Faulkner alors que tous les autres sont des amateurs de Balzac et Zola ! Ce serait horrible ! J’ai besoin d’un carré réservé aux hétéros de gauche qui aiment la littérature anglo-saxonne du début du XXe siècle avec narration en monologue intérieur. Oui, mais pas à travers des sociétés déclarées et auxquelles on peut vous rattacher sans problème ! C’est complètement débile ! Ah bon ? Et comment je procède ? Maintenant vous passez pour un escroc. Je vais vous envoyer mon conseiller fiscal, le professeur Mamadou. Il a plein de combines pour rendre l’argent intraçable. Quand on est ministre et qu’on veut faire de l’évasion… De l’optimisation ! 120 Puberté d’expression ment, votre ado ne peut pas vous montrer qu’il vous aime. Ce serait aller à l’encontre de la construction de son identité. Si, dans les années 50, les parents réussissaient ce tour de force de jouer le rôle de modèle, d’exemple, il faut depuis se rendre à l’évidence : en devenant parent, on devient « le vieux con ». Pour remédier à cela, ne tentez pas, par pitié, d’adopter un langage djeun. Premièrement parce qu’il est ardu d’employer ces expressions à bon escient. Deuxièmement parce que ce qui se disait en mars 2014 sera complètement has-been en juin. 11 BIEN P ROFON D D ANS L ' ACTU Pitch 10 Vigousse vendredi 11 avril 2014 12 CULTURE CULTURE Un film Des védés Un pacte sans impact De l’écrit à l’écran On est allé presque guilleret voir Les yeux jaunes des crocodiles, on aurait mieux fait de se péter le Pancol du fémur... Les yeux jaunes des crocodiles. Tu parles! La colère rouge des pigeons, oui... L’arnaque est dans le sac en croco et il ne nous reste que les yeux pour pleurer. Ou rire jaune. Mazette, pauvres mirettes! C’est vite vu, cette adaptation d’un livre de Katherine Pancol, auteure d’autres best-sellers un peu bêtes comme Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi ou La valse lente des tortues, en attendant certainement Les kangourous dansent le charleston (qui sera évidemment disponible en poche....), c’est un épisode de Jo- séphine ange gardien en plus hype et glamour! Bref, une toute petite chose. Si les crocodiles du titre ne sont pas du Nil, le film, lui, interminable, est nul. Histoire d’un pacte littéraire entre deux sœurs qui sont aussi de Faust amies, l’une est oisive, riche et très belle (Emmanuelle Béart dans son éternel rôle de mi-pute, mi-incomprise), l’autre est active, pauvre et quelconque (Julie Depardieu, qui mérite mieux que ça), Les yeux jaunes... est aussi indigent et futile qu’un article de journal féminin. Si vous aimez les pactes d’encre, lisez Le contrat de Donald Westlake ! En fait, parmi la multitude de personnages, on en envie deux. Au milieu du film, Samuel Le Bihan se suicide en s’offrant en pâture aux crocos. Pour ne pas avoir à lire la suite du scénario ! Et à la fin, Patrick Bruel se tire à Londres. Pour fuir les réalisatrices françaises! Bertrand Lesarmes Les yeux jaunes des crocodiles, de Cécile Telerman, avec Julie Depardieu, Emmanuelle Béart, Patrick Bruel. Durée: 2 h 02. En salles. Vigousse vendredi 11 avril 2014 Mais au-delà du contenu, c’est une véritable œuvre d’art qui est sortie de l’atelier typographique du Cadratin (Vevey) en octobre dernier. Illustré par les écolines de Mathias Brügger, l’ouvrage est paru sous forme de leporello, écho explicite à La prose du Transsibérien de Blaise Cendrars et Sonia Delaunay, publié il y a cent ans. Les 280 exemplaires étant déjà écoulés, les Editions Paulette ont repris les choses en main et publié le titre ce mois-ci, cette fois sous la forme d’un bouquin. Et pour ceux qui n’aiment pas lire, les auteurs le feront pour eux, mis en scène par la Genevoise Heike Fiedler, au théâtre 2.21 à Lausanne les 11 et 12 avril. Un remède idéal contre le train-train quotidien ! Séverine Chave Les Romains et la chose (Re)découvrir une comédie méconnue du réalisateur Dino Risi est un événement. Voici l’histoire de deux jeunes qui s’aiment profondément, mais qui sont si romantiques et fleur bleue que leur union se brise par vagues régulières sur les dures réalités du monde moderne. Face aux barrières et difficultés que rencontre leur amour, les tourtereaux agissent très romantiquement mais si inefficacement ; ils tentent par exemple de se suicider en se couchant sur les rails, mais ils le font à un endroit où le conducteur de train les verra assez tôt pour arrêter sa locomotive… Pour finir, comble de mélodrame, la dulcinée craque et épouse un sourd-muet à la place de celui qu’elle aime. Que tout finisse bien ne change pas le message principal du talentueux satiriste italien : les actes dégoulinants à la « Roméo et Juliette » ne font pas avancer le schmilblick d’un iota et mieux vaut être (un peu) réaliste dans les histoires de cœur. Sympa et par moment totalement décapant, ce film mérite d’être vu juste pour son titre si parfait : une belle déclaration d’humour. Michael Frei, Karloff, films cultes, rares et classiques, Lausanne Pâte latine Avec Chauds Latins, le Musée romain de Lausanne-Vidy aborde le sexe dans l’Antiquité. Saisissant et pénétrant. La première salle dessine un membre viril au mieux de sa forme ; ça commence bien. Mais tout malentendu est balayé d’emblée : non, les Romains n’étaient pas des débauchés frénétiques. Plutôt pudiques, ils prônaient la vertu, le mariage et la famille. Et ils avaient aussi leurs tabous. Simplement, les relations sexuelles s’inscrivaient dans une culture différente de la nôtre. Pour ces païens, la chair n’était pas honteuse et le plaisir pas encore un péché. Ils ignoraient les notions « homo » et « hétéro ». De leur temps, tous les êtres humains n’étaient pas égaux en droit : les uns disposaient à leur guise du corps d’autrui, ce qui est bien commode. Dans ce monde patriarcal et phallocrate, le plaisir de l’homme primait, la seule pratique digne de lui étant la pénétration active. Et lui avait le droit de s’épancher hors mariage pour peu que ce fût avec des partenaires subalternes, jeunes mâles de préférence, ou filles de joie. Tout en courbes, rose et tamisée, la suite du parcours égrène les méthodes contraceptives, les règles sociales (qui baise qui), la drague et les canons de la séduction, les ébats et les déviances, les émois sentimentaux. Et pour mesurer l’écart, un survol des temps ultérieurs conclut la visite, des feuilles de vigne chrétiennes à l’industrie porno. Nombre d’objets archéologiques évocateurs jalonnent le tout pour le plaisir des yeux. Et pour les oreilles, des alcôves diffusent de croustillants extraits d’auteurs latins interprétés par Frédéric Recrosio. Attention, l’entrée n’est pas déconseillée aux moins de 16 ans. Un savant système distingue en effet deux versions, adultes avertis et chastes esprits. C’est que chez notre drôle d’espèce le sexe n’est pas que naturel : il est aussi affaire de culture et de morale, choses très variables. Une expo à rosir de plaisir. Alinda Dufey Chauds Latins, Musée romain de Lausanne-Vidy, 12.04 – 26.10, www.lausanne.ch/mrv égé Solution de la semaine précédente Le monde autour, de l’Association de jeunes auteurs romands (AJAR), Editions Paulette. La bande à Paulette, par l’AJAR et le Collectif Fin de Moi, les 11 et 12 avril au Théâtre 2.21 à Lausanne. www.jeunesauteurs.ch 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 O L Y M P I A D E S 2 R O U E R A I E N T 3 A G A C A N T E 4 N A N 5 G R 6 O I 7 U 8 T 9 A M 10 N T S T E I E U S E S L C U R E E S T E A G I H E B E N E L N A B E E T E R R S I L E R D A E S Sang et maux « Il n’a plus qu’une jambe ; son bras droit est enveloppé dans un épais pansement. Sa bouche est complètement tordue par une grosse cicatrice qui descend jusqu’au bas du menton. Du nez il ne reste que deux énormes narines, deux trous noirs qui semblent capter votre regard, le fixer, le retenir afin que vous sentiez bien, jusqu’aux tréfonds de votre conscience, ce que cet homme a donné pour… pour quoi ?... » DéTOURNER Seize artistes de la région qui se jouent des clichés de vacances avec talent. Des romandsphotos. Do you speak tourist ? Quand les photographies décodent le cliché, Musée d’art de Pully, jusqu’au 11 mai, www.musees.vd.ch/fr/musee-de-pully VOGUER Mariée mais pas comblée, amoureuse mais pas heureuse, une femme s’isole chaque jour sur l’eau et brasse son vague à l’âme. La dame de la mer, d’après Henrik Ibsen, Théâtre du Crochetan, Monthey, le 11 avril à 20 h, www.crochetan.ch SE MARRER Comme son mari ne la touche plus, une épouse suspecte qu’il la trompe et décide de lui tendre un piège. Ça va faire mâle ! La puce à l’oreille, de Georges Feydeau, par L’Autre Compagnie, Théâtre Palace Bienne, le 24 avril à 20 h 15, www.spectaclesfrancais.ch HALLUCINER A la fois timbrés et TREMBLER Dans un incroyable décor et sur de belles musiques, l’homme sans cœur enchaîne les conquêtes, puis les jette. Un séducteur en série. Don Juan, de Molière, mise en scène : Gilles Bouillon, Théâtre du Passage, Neuchâtel, les 24 et 25 avril à 20 h, www.theatredupassage.ch S’éVADER En avril 2014, les Un livre Gare aux grilles par BROUILLON DE CULTURE rêveurs, deux passionnés de Roger Federer racontent leur étrange amour. Des fans en vedette. In love with Federer, conception, texte et jeu : Denis Maillefer et Bastien Semenzato, Casino, Le Locle, le 24 avril à 20 h 30, www.grange-casino.ch Fais-moi très mal et couvre-moi de baisers, de Dino Risi, 1968, LCJ, Vf et VOST, DVD, 114 min. Les jeunes écrivent et le wagon lit Qui n’a jamais rêvé, errant dans une gare, de sauter au pif dans le premier wagon venu et de partir très loin ? Même à l’époque d’internet et des jets privés, les trains font toujours rêver. Ils sont au centre de Le monde autour, dernière publication collective de l’AJAR (Association de jeunes auteurs romands). Dixhuit textes courts et poétiques s’y présentent comme autant de portes entrouvertes sur l’ailleurs. Tokyo, Berlin, la Patagonie… il semblerait qu’à eux seuls ces écrivains ont couvert et découvert le globe. Ils n’en restent pas moins romands et suisses, bien des paysages lointains évoquant à certains les rives du Léman et bien des convois rappelant les CFF. Les copains d'abord A la vie à l’amore Un spectacle 13 Ecrit en 1939 et narrant quelquesunes des horreurs de la Première Guerre mondiale, ce témoignage est hélas, cent ans plus tard, toujours d’actualité. Racontant son travail dans un dispensaire, une jeune femme évoque les « blessés de la face » ou « gueules cassées », tels Dargan qui n’a plus de mâchoire inférieure ou Alix dont la bouche n’est plus qu’une immense plaie zébrant son visage. Sans fioritures mais avec un profond respect, elle relate le retour à la vie « des monstres, des hommes qui n’ont presque plus rien d’humain, de corps portant des débris mutilés de visages » après les tranchées, les bombes et les balles. A la fois naïf et cru, ce petit récit et sa surprenante postface sont un puissant plaidoyer pour la paix. Les faces sombres de la réalité. A. D. Hommes sans visage, d’Henriette Rémi, postface historique de Stéphane Garcia, Editions Slatkine, 128 pages, www.slatkine.com trois artistes et amis partirent à la découverte de la Tunisie : un séjour qui les a fortement inspirés et a laissé de belles traces. Le voyage de la Tunisie. Klee, Macket, Moilliet, Centre Paul Klee, Berne, jusqu’au 22 juin, www.zpk.org ILLUMINER Couleurs, trajets, vitesse, puissance et autres caractéristiques physiques de la lumière mise à jour. Une exposition brillante. Dompter la lumière, Musée d’histoire des sciences de la ville de Genève, jusqu’au 11 avril 2015, www.ville-ge.ch/mhs Vigousse vendredi 11 avril 2014 14 mass merdia De zéro à sept Il est pétri d’ambition, Patrick Vallélian, directeur des publications de Sept. Pour lui, mais surtout pour le nouveau média qu’il a lancé ce samedi 5 avril à Fribourg. Pour l’aventure Sept.info, un site internet d’abord, « le navire amiral, et un hebdomadaire, « qui est la cerise sur le gâteau », il s’est entouré du photographe bernois Michael von Graffenried comme directeur artistique et d’une dizaine de journalistes romands confirmés. A force d’assister aux enterrements de journaux, de prédire la fin de la presse papier ou l’amputation par tranches dans les effectifs des rédactions, cette naissance réjouit le cœur du lecteur. L’investisseur, l’avocat d’affaires fribourgeois Damien Piller, se donne cinq ans pour retrouver ses billes. Egalement président de Radio Fribourg et actionnaire de La Télé, Damien Piller sera jugé cet automne par le tribunal de Perpignan pour une affaire de corruption à Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales. Mais ceci n’a rien à voir avec un nouveau média, il s’agit là d’immobilier et de marché de l’art. « Vallélian a une sale tronche de Gruyérien », complimente un ami. « Un qui ne lâche pas son os » et avec son appétit de jeune loup, ça devrait saigner. Formé à La Gruyère justement, Patrick Vallélian a travaillé à La Liberté et à L’Hebdo. Il est l’un des auteurs d’Attentat L’été meurtrier ? Réuni le 24 mars dernier à Zurich, le conseil d’administration de Tamedia n’a, semble-t-il, pris aucune décision pour ce qui concerne l’avenir du Matin. Ce n’est pourtant pas faute de candidats à la succession de Sandra Jean, rédactrice en chef démissionnaire, en partance pour Le Nouvelliste. Pas moins de 18 candidats, dont Christophe Passer (Ringier), Jean-François Fournier (ex-Le Nouvelliste), l’inénarrable Fathi Derder (exjournaliste, conseiller national PLR) et Ludovic Rocchi (journaliste au Matin), ont été auditionnés par Serge Reymond, membre du comité de direction du groupe de presse zurichois. Egalement responsable du département Publications romandes de Tamedia, ce dernier était chargé d’effectuer un premier tri et de présenter les meilleures candidatures à ses employeurs zurichois. Depuis… rien. Pas une information, pas la moindre piste. Le dossier est entre les mains de Pietro Supino, président du conseil d’administration de Tamedia, ainsi que de Pierre Lamunière, ex-propriétaire d’Edipresse et également membre dudit conseil d’administration. Dans les rédactions, ce (trop) long silence inquiète. L’été frappe à la porte et on sait que c’est la saison généralement choisie par les grandes entreprises pour annoncer les mauvaises nouvelles. La mort d’un journal, par exemple ? R. J. PUB 15 zoom avant Sur l'info L’école en Sibérie Express avec Caroline Poiron et Sid Ahmed Hammouche, paru au Seuil en 2013 et qui raconte la mort du photographe français Giles Jacquier en Syrie. Né sur les cendres du très fribourgo-fribourgeois bimensuel L’Objectif et profitant de son fichier de 10 000 abonnés, Sept.info vise les 15 000 abonnements avec des sujets société-culture. Le premier numéro prend le temps de nous faire voyager : de la fermeture de l’usine d’Ilford à Marly aux salles de cinéma indiennes, du cinéma aborigène à la chronique de François Gross. Inspiré par Mediapart, Sept.info tente le pari du journal en ligne doublé d’un magazine papier. Ce vendredi 11 avril paraît le numéro deux avec à nouveau de très beaux reportages photo, dont un au Caire avec les frères musulmans pourchassés. Loin de la Sarine donc, mais avec ce mot d’encouragement du conseiller d’Etat Georges Godel qui souhaite bon vent aux collaborateurs et collaborateuses (sic) du nouveau média. Il fallait bien ça pour réinventer la base de Sept. Jean-Luc Wenger Afflux sur les bourses Le 8e recalé « La flambée des entrées en bourse gonfle la bulle. » Le titre du Temps en page « Finance » (05.04.14) prête à diverses interprétations. Est-ce une flambée qui fait gonfler ou des boursouflures sur la bulle ? En tout cas, l’explosion « dans la biotech, un secteur marqué par une forte volatilité mais qui a gagné en maturité », semble proche avec une telle frénésie. J.-L. W. C’est la mort dans l’âme qu’à Vigousse nous avons reçu cette bien triste nouvelle. Dans un e-mail non personnalisé et en allemand, Blick nous a en effet informé le 3 avril que notre 8e conseiller fédéral n’a pas été retenu pour le casting du 8e conseiller fédéral, ou plutôt « der achte Bundesrat ». Rappelons que nous avions signifié à notre confrère zurichois que le poste qu’il mettait au concours était déjà pourvu depuis août 2011 – il est vrai dans un lieu reculé de ce que certains appellent encore « la Suisse » – et que le journal que vous tenez entre les mains en est la preuve formelle… Hélas, la promesse d’un salaire de 50 000 fr. et d’une voiture de fonction nous passe malgré tout entre les doigts. Gageons qu’un jury averti saura choisir parmi les 200 imposteurs retenus samedi passé, et nous garderons un œil sur les finalistes annoncés pour le 11 mai 2014, comme nous y invite d’ailleurs sympathiquement Blick. Il va sans dire que nous ne gardons aucune rancune de ce malheureux quiproquo. Néanmoins, il serait bien téméraire d’oublier que depuis son bunker, le seul véritable 8e conseiller fédéral a encore le bras long… S. D. 24 heures à la faute 24 heures (07.04.14) a consacré un article à la mutation des imprimeries IRL, à Lausanne. Mutation réussie et qui passe, entre autres, par l’édition de quelques journaux tels le Journal d’Ouchy et Chasse et Nature. Dans cette liste de publications figure également le nom de Vigousse. Erreur : depuis sa naissance, il y a de cela désormais 4 ans, votre petit satirique est édité par la société Vigousse Sàrl, Lausanne, et le journal que vous tenez entre les mains est imprimé sur les presses du CIR, à Sion. Les médias romands prennent les politiciens trop au sérieux. Oskar Freysinger est l’un de ces personnages récurrents qu’on aime bien parce qu’il fait rire, à la manière de Prunelle ou monsieur Burns dans les Simpson. Deux semaines après l’épisode scénarisé par Canal+, notre joyeux drille revient, cette fois-ci sans l’aide de personne. Il vient d’écrire L’école, c’est le futur. Extrait : « Au lendemain de la révolution d’Octobre, la Russie a été soumise à des expérimentations d’une remarquable ressemblance avec les théories en vogue chez les pédagogistes d’aujourd’hui. (…) Contraint par la crise et les menaces extérieures de redescendre sur terre, l’Etat soviétique a brutalement mis fin à l’expérience pour revenir à l’enseignement des matières de base. (…) Sans cette volte-face, la Russie n’eût jamais vaincu Hitler. » Le strip de Vincent DES SPORTS HISTOIRES D’EAU Stupeur, samedi dernier, chez les organisateurs du marathon de Sheffield lorsque, au moment de donner le départ, ils se sont aperçus que la société chargée de fournir l’eau destinée aux coureurs avait oublié d’honorer leur commande. Prudents, ils ont décidé d’annuler purement et simplement leur épreuve. Quelques obstinés, pourtant, s’étaient mis en tête de courir malgré tout. Bilan : quatre athlètes souffrant de déshydratation et emmenés fissa vers l’hôpital le plus proche. Ça leur apprendra à ne boire que de l’eau. boulette russe On ne sait pas ce qui est le plus drôle. Son admiration implicite pour Staline qui arrive au pouvoir à peu près quand la Russie met fin « brutalement » à l’expérience pédagogique ou l’allusion à Hitler. Car, si on décode, le ministre de l’education voudrait « mouler » (c’est un mot qu’il emploie) les élèves de son canton afin qu’ils résistent à l’Hitler de demain, qui doit être musulman dans sa tête. LE CAHIER Il y a eu quelques réactions dans les journaux (Jean-Yves Gabbud dans Le Nouvelliste) et des interrogations pertinentes de la part de la Société pédagogique valaisanne. Pas plus. L’humour de Freysinger mériterait un plus grand écho. C’est aussi un bon écrivain qui a le sens de la métaphore. Sa vision de l’école est agricole : « L’école est à la civilisation ce que les semailles sont au paysan : la promesse de la récolte à venir » et blabli blabla. Et là, on pense à Lyssenko. C’était l’ingénieur agronome préféré de Staline. Il prétendait faire pousser des espèces végétales à partir d’autres espèces et a été à l’origine d’une réforme agraire qui a affamé des millions de soviétiques, sans parler des dégâts écologiques. Les scientifiques russes qui ne pensaient pas comme lui ont fini au goulag. Stéphane Bovon A Paris, il existe un marathon dit « des leveurs de coude ». Initié dans les années 60 par Antoine Blondin, écrivain, billettiste à L’Equipe et grand buveur devant l’Eternel. Cela consiste à rallier 42 bistrots, à y ingurgiter à chaque fois un gros verre de rouge et à franchir la ligne d’arrivée « dans le meilleur état possible », précise le règlement. A ce jour, aucun concurrent n’a dû avoir recours au SAMU. Toujours à Paris, dimanche dernier, le funambule Denis Josselin a traversé la Seine sur un câble d’acier tendu à plus de 20 mètres au-dessus du niveau de l’eau. Quand on lui a parlé d’un véritable exploit, il a précisé que tout cela représentait des heures et des heures d’entraînement, mais que pour rien au monde il n'aurait voulu boire la tasse. Soucieuse de sa santé, Christine Armstrong, 63 ans, nageait chaque matin dans les eaux de la baie de Tathra, une station balnéaire située à quelque 350 kilomètres au sud de Sydney. Pas de chance, la vieille dame y a croisé un requin. D’elle, on n’a retrouvé que ses lunettes de soleil, son bonnet de bain et la gourde qu’elle ne manquait jamais d’attacher à sa ceinture. Le squale avait faim, pas soif. Et ce sera tout pour cette semaine. Santé ! Roger Jaunin Vigousse vendredi 11 avril 2014 Vigousse vendredi 11 avril 2014 16 { B é B E RT D E PLONK & REPLONK } LA SUITE AU P ROCHAIN NUM É RO Les doux gains de Dougan Né en 1959 aux Etats-Unis, Brady Dougan, directeur général de Credit Suisse, est fils de cheminot. Pas vraiment boute-en-train, le garçonnet a très tôt pour hobby de vider sa tirelire pour compter les pièces. A 22 ans, il obtient à Chicago un bachelor en économie, puis un master en finances l’année suivante. La voie est tracée : il va se faire des wagons de pognon. Monté dans le train de Credit Suisse en 1990, il remonte jusqu’à la locomotive, puis s’assied sur le siège du pilote, où il pose ses gonades à forte teneur aurifère en 2007. Trois ans plus tard, il soulève un tollé en percevant un salaire total de 90 millions de francs. Mais que voulez-vous, il a son train de vie. Tout à sa rutilante réussite, il « oublie » un peu les règles sur les pratiques bancaires et l’évasion fiscale dans son pays natal. Lequel soupçonne fortement Credit Suisse d’avoir systématiquement racolé de riches Etats-Uniens pour les amener à y planquer leur blé. En février derVigousse vendredi 11 avril 2014 nier, Brady Dougan comparaît donc à Washington devant une sous-commission du Sénat. Et là, il déraille. Il admet que sa banque a commis une « erreur historique » en envoyant des collaborateurs démarcher des clients aux Etats-Unis, mais il argue que les responsables de ces vilenies étaient « un petit groupe de banquiers privés basés en Suisse ». Une bande dont bien sûr il ne fait aucunement partie : lui, il est innocent comme l’agneau tombé du nid. Il est vrai que le boss laisse volontiers ses sous-fifres assumer les responsabilités pour s’occuper du reste, qui consiste à toucher ses émoluments. D’après le rapport annuel de la banque, ils atteignent 9,8 millions pour l’année 2013, soit 20 % de plus que l’année précédente. Pourtant, l’établissement doit alors ménager d’énormes provisions (468 millions au total) pour affronter les risques juridiques liés à ses frasques étatsuniennes. De quoi inciter son patron à faire profil bas en rabotant ses prébendes ? Non. Et cette année, l’entrée en vigueur de la loi Minder sur les salaires abusifs restreintelle ses appétits ? Non : la banque a déjà annoncé qu’elle envisage une « solution flexible » pour son patron. Flexible surtout vers le haut, sans doute. Le fils de cheminot n’est pas près de se faire botter le train. Quentin Tonnerre Il a dit la semaine prochaine (ou du moins ça se pourrait bien) « Je n’ai aucun projet hégémonique. L’annexion de toute l’Ukraine était une nécessité ponctuelle. Il n’y aura pas de suite. » (V. Poutine) Vigousse Sàrl, rue du Simplon 34, CP 1499, CH-1001 Lausanne > www.vigousse.ch > [email protected], tél. +41 21 612 02 50 Directeur rédacteur en chef : Barrigue Rédacteur en chef adjoint : Laurent Flutsch Chef d’édition : Roger Jaunin Journalistes : Alinda Dufey, Jean-Luc Wenger Correction : Victor Gagnaux Abonnements : [email protected] > Tél. +41 21 612 02 56 Publicité : IRL Plus, Ch. du Closel 5, 1020 Renens, 021 525 48 73, fax 021 525 48 01, E-mail: [email protected] – MEDIALIVE SA, Oetlingerstrasse 10, 4057 Bâle, tél. 061 561 52 80, [email protected] Layout et production : www.unigraf.com Impression : CIR, Sion > Tirage : 13 000 ex.