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Vendredi 11 avril 2014 // No 187
Immobilier
Les voisins
de la colère P. 4
CHF 3.– // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
Consommation
Bouquet de leurres
P. 7
Justice
Commerce
de Rom P. 8
mh370
La couleur
de la boîte noire P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ EST P AS P OUR D IRE !
Gripen à jouir
Sebastian Dieguez
G
ripen, ça veut dire griffon.
Rappelons que ce remarquable animal est un
être hybride, composé de sûreté et d’emplois.
Certains affirment qu’il se nourrirait
exclusivement de pognon qui ne sert à rien
d’autre et les plus audacieux assurent même l’avoir vu
voler dans les airs. Son seul défaut serait d’être totalement
imaginaire : à part une poignée de bouseux incultes du
Moyen Age et quelques cryptozoologistes égarés, le fait est
que personne n’y a jamais cru.
Mais comme toutes les légendes, cette créature fictive a
le mérite de stimuler notre imagination. Oh ! les histoires
qu’on raconte à son sujet ! Les plus terrifiantes nous
viennent d’un pays nordique, grand amateur de mythologies
délicieusement fantaisistes. Là-bas, on raconte aux enfants
que quand le Gripen s’en va dans un autre pays, il faut faire
plein de promesses à ce pays ! Terreur garantie. Il faut voir
la mine inquiète de ces têtes blondes quand leurs parents
évoquent, prenant un air sombre, le mystère des « affaires
compensatoires »… Brrr !
Mais c’est chez nous que la légende du Gripen est la plus
fertile en contes à dormir debout. Il y a même, en Suisse,
un vieux chaman qui se consacre entièrement à concocter et
raconter des billevesées qui régalent nos chroniqueurs. On
le reconnaît d’ailleurs assez facilement au Gripen miniature
qu’il arbore à sa redingote. Quand il va dans un village, il
raconte que le Gripen va bientôt y faire pleuvoir des lingots
d’or. Dans une vallée, il assure que si le Gripen ne vient pas
très vite, les hordes barbares vont dérober tout le chocolat
et violer les troupeaux. A la métropole, il annonce aux
notables, hypnotisés devant son charisme, que le Gripen
conduira un jour la Nation hors des âges obscurs, vers des
horizons où chacun gambadera en paix dans des pâturages
verdoyants et pleins d’emplois. Quel artiste !
Ses acolytes sont très distrayants aussi. Ils chuchotent
que si le Gripen ne devait pas venir, eh bien il viendra
quand même, mais par petits bouts et en cachette. Le vieux
chaman dit alors tout de suite que c’est même pas vrai, ce
qu’on s’amuse !
C’est ça qui est beau avec les mythes et les légendes : ils
sont exploitables à l’infini et se prêtent à toutes sortes
d’inventions. D’où l’importance de ne jamais les confondre
avec la réalité.
Vigousse vendredi 11 avril 2014
Q UELLE SEMAINE !
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affaires en court
Rome de discorde
L’Italie est agitée par des revendications séparatistes ! Après la Sardaigne, qui
souhaite être rattachée à la Suisse, puis la Vénétie, qui a organisé fin mars un
référendum en ligne recueillant 89 % de voix en faveur de l’indépendance de
Rome, c’est au tour de la Lombardie de demander son émancipation. Alors
que la capitale vit une grave crise politique, les rizzoules du Nord clament
qu’ils en ont plein la botte.
Lahore,
heureuse ?
Le 27 mars dernier, un
homme de 26 ans a été
condamné à mort pour
avoir blasphémé par la
justice pakistanaise. Lors
d’une discussion animée
avec un ami musulman,
le chrétien Sawan Masih
aurait offensé Mahomet
et donc enfreint la
« Black Law », soit la
loi antiblasphème, ce
qui lui a déjà valu un
an d’incarcération avant
son récent jugement. Le
jeune homme, père de
trois enfants, a aussitôt
fait recours. Si celui-ci
n’aboutit pas, il sera
exécuté pour quelques
traîtres maux.
Masque scolaire
Enorme problème dans les écoles
valaisannes ! La suppression de
90 postes d’enseignants ? Le
nombre d’élèves par classe en
augmentation ? Mais non, quelque
chose de bien plus grave : quelques
étudiantes voilées passent par
les bancs d’école du canton.
Heureusement, l’UDC cantonal lève
le voile et lance une initiative pour
l’interdire. Ouf, l’éducation et la
formation sortiront de ce débat la
tête haute.
Amende amère
A Strasbourg, un sans-domicile fixe
de 23 ans a été condamné à 400 euros
d’amende pour avoir tué un canard.
Interpellé alors qu’il venait d’abattre
le volatile avec sa carabine, l’homme a
reconnu avoir tué pour se nourrir. Une
faim de non-recevoir.
LE CHIFFRE
38,6
milliards de francs
C’est le poids de la nouvelle gigantesque société
LafargeHolcim, née de la fusion de l’entreprise suisse
Holcim et de la française Lafarge. Ce nouveau leader
mondial du ciment emploiera plus de 130 000 personnes
et son siège restera à Jona, Saint-Gall.
Thomas Schmidheiny, héritier de Holcim, réalise là
une jolie opération. En revanche, on ne sait pas si son
frangin Stephan, ex-patron d’Eternit condamné à 18 ans
de prison en Italie et qui depuis se terre au Costa Rica,
touchera une part du gâteau... Quelques millions en plus
pour s’offrir de jeunes amiantes ?
Vigousse vendredi 11 avril 2014
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FAITS D I V ERS ET V ARI É S
FAITS D I V ERS ET V ARI É S
Confit de voisinage
Tour
de passe-plat
Lèse béton Depuis six ans, à Saint-Prex (VD), deux puissants voisins
mènent la vie dure à une retraitée. La Municipalité voit passer
les plaintes réciproques et se terre.
Les collectivités publiques investissent 55 million dans Beaulieu
2020, les privés 130 millions dans
Taoua. Résumée ainsi, la votation
de ce dimanche 13 avril à Lausanne
devrait renvoyer les référendaires à
la campagne. Mais on pourrait aussi
se demander à qui profitera, à terme,
la manne de ladite tour.
MCH Foire Suisse SA est une société
cotée en bourse issue de la Foire des
échantillons de Bâle. Depuis 2010,
elle exploite le site, via MCH Beaulieu, autrefois temple du Comptoir
suisse, son concours Jean-Louis, ses
halles et ses caveaux…
En 2007, à l’heure de prendre sa
retraite, Jocelyne a hérité d’une
petite résidence secondaire avec
vue sur le lac, à Saint-Prex (VD).
Une maison de week-end nécessitant des rénovations, entourée d’un
bout de terrain, dont une partie en
forêt, le tout en forte pente. Depuis,
les environs immédiats de sa propriété ont vu pousser de grandioses
maisons de riches nouveaux venus.
Deux voisins qui la poussent à bout
pour qu’elle cède son lopin de terre.
Monsieur X* commence son annexion rapidement. En l’absence
de Jocelyne, il démolit la clôture
qui sépare son propre terrain de
celui de la vieille dame, fait raser
terrain miné
deux tentatives de reconstruction
de ladite clôture. Selon elle, il fait
disparaitre les bornes, détruit l’escalier qui lui permet d’accéder au
lac, excave sur son terrain, coupe
sa vigne, construit un mur sur sa
propriété.
Pendant ce temps, l’autre voisin,
madame Y*, remplace le portail
sur la servitude que Jocelyne doit
emprunter pour entrer chez elle
par « une lourde porte de pénitencier verrouillée » et tente par tous
les moyens de faire annuler ladite
servitude.
Curieusement, la commune ne
fait rien pour décourager ses riches
contribuables. Au contraire, elle
retarde la rénovation de la maison
de Jocelyne. « Chaque fois que nous
faisons des travaux, même légers,
le technicien communal débarque
avec la police pour les arrêter.
Mais quand nous les appelons
pour signaler un nouvel abus
de l’autre côté du mur, personne
ne vient », narre la retraitée. A
force de se voir pourrir la vie, Jocelyne engage un avocat spécialisé
et va jusqu’au Tribunal fédéral, qui
hausse les épaules.
Pour rentabiliser les 50 000 m2 de
Les plaintes pénales des deux voi-
sins pleuvent aussi sur Jocelyne
et son couple. L’utilisation
d’un instrument de mesure
répandu devient une attaque
au laser. Arroser son propre
terrain se transforme en
charge à la lance incendie,
ou presque. Le procureur
admet tout, y compris la
violation de domicile, dommage
à la propriété, injures et menaces.
Monsieur X a même essayé –
sans succès – de prétendre que la
convention qu’il a signée et dans
laquelle il s’engeait à reconstruire
les escaliers – ce qu’il n’a jamais
fait – ainsi qu’à entretenir le terrain
de Jocelyne était un bail à loyer !
Récemment, Jocelyne s’est rendu
compte que la propriété de son
voisin faisait partie d’un plan de
quartier avec zones vertes non
constructibles et zone forêt. Or
monsieur X la bétonne sans souci. Ainsi le garage qui devrait être
souterrain devient une extension
de la maison et le souterrain, lui,
devient une piscine. Il construit un
jacuzzi et son esplanade dallée, et
ajoute d’autres structures, augmentant ainsi la valeur de sa propriété.
Selon Jocelyne, la municipalité n’a
rien remarqué ni pour le permis de
construire ni pour le permis d’habitation. Interpellé, le syndic Daniel
Mosini soupire en pensant aux
trois cartons d’archives que cette affaire a déjà remplis : « Depuis 2008,
ce conflit de voisinage est un serpent
de mer. On ne peut que souhaiter un
apaisement entre eux », dit-il.
Le couple de Jocelyne a l’impression que tout le monde a intérêt à
étouffer l’affaire. Estimant que dès
le départ la Municipalité n’a pas fait
son boulot. Ce que conteste le syndic : « On a proposé aux trois de se
rencontrer, ça n’a pas été possible. »
Isolés, Jocelyne et son compagnon
trouvent néanmoins une forme de
solidarité de l’autre côté du domaine. Des propriétaires de PPE
qui eux aussi se font grignoter leurs
terrains et où, là aussi, les bornes
ont tendance à disparaître. « C’est
impossible, le cadastre existe, on ne
fait pas n’importe quoi », rétorque
Daniel Mosini.
En rendant la vie de Jocelyne impossible, monsieur X et madame Y
souhaitent purement et simplement
s’emparer de son terrain. Curieusement, le même monsieur X vient de
déposer ses papiers dans le canton
de Nidwald. Là où l’impôt est plus
doux et les voisins, peut-être, moins
combatifs. Jean-Luc Wenger
* noms connus de la rédaction
surface d’exposition, le théâtre et la
salle du grand paquebot, les Lausannois auront accepté, ou non, l’érection d’une tour de plus de 80 mètres
de haut.
Si le canton de Vaud y voit une carte
de visite pour son économie, la ville
de Lausanne, elle, reste propriétaire du terrain. Le financement des
130 millions est assuré par Losinger Marazzi SA, filiale du groupe
Bouygues en Suisse, à qui échoit le
mandat de construire et de développer le complexe hôtelier. Le Temps
(14.03.14) relève que la promesse
de droit de superficie sera signée
par Orox Capital Investment, une
société qui travaille avec Losinger.
Le quotidien révèle également le
nom du propriétaire final : le fonds
immobilier suisse (ERRES), piloté
par la banque privée Edmond de
Rothschild. Pour faire passer la pilule, le PS lausannois met en avant
les 30 appartements à loyer contrôlé
prévus dans la tour. Mais oublie les
60 autres luxueux logements vendus en PPE.
Les investisseurs Bouygues et Orox,
dont le siège se trouve au Luxembourg, remercient les citoyens lausannois de leur confiance. J.-L. W.
5
Les farces de l’ordre à Lausanne
Coûts et blessures Malmené sans raison par la police lausannoise, un inoffensif
noctambule découvre à quel point l’agent ne fait pas le bonheur.
Depuis le lancement
de l’opération « Strada » en juillet 2013, les
brigades lausannoises
perdent progressivement
en crédibilité ce qu’elles
gagnent en brutalité,
médisent d’aucuns. De
fait, la mésaventure
d’Antonin, un samedi
soir de cet hiver, montre
que la police est infoutue de
distinguer un aimable fêtard
d'un dangereux malfrat. Et dans
le doute, elle ne s’abstient pas
de cogner.
Etudiant à l’Université de Lausanne, aucunement suspect d’allure, bien élevé et propre sur lui,
Antonin prend un apéro prolongé
avec quelques amis. Lancés, ils se
rendent ensuite dans un club de
la capitale vaudoise. Là, en cours
de soirée, une jeune femme du
groupe, souffrant de diabète, est
prise d’hyperglycémie. Antonin
l’accompagne en vitesse hors de la
boîte pour tenter de calmer la crise
à l’air libre. Mais quand les deux
jeunes gens veulent revenir à l’intérieur pour que la malade puisse
faire son injection d’insuline, le
videur leur refuse l’entrée. Antonin tente d’argumenter, explique
l’urgence de la situation, insiste.
Buté, le gorille repousse violemment le jeune homme, qui tombe
sur les pavés. C’est lui qui, peu
après, interpelle une patrouille de
police qui passait par là.
D’abord soulagé, Antonin tente
d’exposer calmement la situation
aux agents : le diabète de son amie,
la crise, l’insuline à l’intérieur du
club, l’urgence. La nuit est glaciale,
en plus ; or la malade et Antonin
sont sortis comme ils étaient, sans
la face sur la banquette arrière de
la voiture de police, le frappe à
plusieurs reprises derrière le crâne
et au visage. C’est sans doute ce
qu’on appelle la police de proximité. Contactée par Vigousse, une
porte-parole de la police lausannoise confirme : « Vu le comportement de cette personne, il a été
amené au poste. »
Là, Antonin subit une fouille
leur veste. Mais dans le froid de canard, les poulets restent de glace.
Ils ne font rien pour aider les deux
jeunes à rentrer dans l’établissement, bien au contraire. Résultat :
l’amie diabétique finira sa soirée à
l’hôpital avec 35 ° d’hypothermie et
une hyperglycémie avancée.
leçon de violon
Quant à Antonin, il va tâter de la
force publique. Car devant la boîte,
face à des policiers sourds à ses explications et indifférents au sort de
son amie, il a le malheur de s’énerver un peu : il ose dire aux agents
qu’il les juge « incompétents ». Il
demande même à déposer plainte
contre la police sur-le-champ.
Grave erreur. Un jeune policier le
saisit et le plaque brutalement au
sol, lui ouvrant profondément la
lèvre au passage. Ayant menotté
sa prise, il l’embarque, lui écrase
intégrale avant d’être
bouclé en cellule. Il y
saigne de la bouche
deux heures durant
avant de s’endormir
en grelottant sous
une petite couverture. Au matin, il doit
se débarbouiller et se
désaltérer dans les toilettes turques,
rinçant sa plaie ouverte à l’eau sale
avant qu’on daigne lui apporter un
verre d’eau. Détail oratoire : quand
le prisonnier demande à un gardien
s’il aurait « l’obligeance de lui donner
l’heure », le fonctionnaire le rabroue
sèchement, faisant valoir qu’on ne
parle pas comme ça à un agent.
Après quinze heures de détention, Antonin comparaît devant
le procureur, qui ne retient aucun
élément de sa déclaration : sans
autre forme de procès, le jeune
homme est condamné pour injures, menaces et violences contre
les fonctionnaires, et pour trouble à
l’ordre public. Il écope de 45 joursamende à 20 francs, avec sursis
pendant deux ans, d’une amende
de 240 francs et d’une facture de
400 francs pour frais de procédure.
En définitive, les rumeurs sont fondées : la nuit à Lausanne, les honnêtes gens sont de moins en moins
en sécurité. Jean-Luc Wenger
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Vigousse vendredi 11 avril 2014
Vigousse vendredi 11 avril 2014
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FAITS D I V ERS ET V ARI É S
FAITS D I V ERS ET V ARI É S
Conso & consorts
Dans la ligne de rire
Le bail des vampires
Sans blague Un laboratoire consacré à l’étude de l’humour étudie ce qui fait marrer
les gens. Ou pourquoi une peau de banane, c’est plus drôle qu’une mine antipersonnel.
Romands d’espionnage De plus en plus, les régies immobilières jouent à la Stasi avec les candidats
à la location d’un appartement. Attention aux fouines !
Tiens, ça fait un moment qu’on ne
nous a plus fait le coup du « peuton rire de tout ? ». Oui, comme Vigousse est le seul journal satirique
du coin, c’est souvent vers nous
qu’on vient avec cette question,
comme si la réponse définitive
était inscrite quelque part dans nos
statuts... Oh, on y répond généralement de bonne grâce, mais franchement on a un peu fait le tour de
ce marronnier pas marrant.
Pourtant, la question n’est pas totalement inintéressante, à condition
de la prendre à rebours. C’està-dire non pas « peut-on rire de
tout ? », mais plutôt « qu’est-ce qui
fait rire et pourquoi ? ». Voilà une
vraie question, pas un vague prétexte pour lancer des débats stériles. Tarte à la crème aussi vieille
qu’Aristote d’ailleurs, qui pensait
sommairement que le rire reflétait
un sentiment de supériorité.
Aujourd’hui, c’est la science qui
s’y colle. Le « Humor Research
Lab », fondé par le psychologue
Peter McGraw à l’université du
Colorado, est un laboratoire qui
se consacre entièrement à « l’étude
scientifique de l’humour, ses causes
et ses conséquences ». On y collectionne les blagues du monde
entier, on mesure leur efficacité, on
collabore avec des humoristes professionnels et des clowns, du vrai
boulot de blouse blanche, quoi, et
sans nez rouge.
l'humour,
toujours l'humour
Depuis cinq ans, le labo du rire a
même développé une théorie qui se
veut universelle, c’est-à-dire qui expliquerait toutes les formes de poilade, des Monty Python à la blague
à Toto. Il s’agit de la « théorie de
la transgression bénigne ». Pour
qu’un truc soit drôle, il faudrait
réunir deux éléments : d’abord une
transgression ou une incongruité
(qu’elle soit morale, physique,
verbale ou autre), et la perception
simultanée que cette transgression
est bénigne, c’est-à-dire n’a pas de
conséquences graves. Ce qui fait
rire, c’est donc la violation inoffensive d’une norme sociale : quelque
chose a été transgressé, mais tout
va bien quand même.
La théorie n’est
pas neuve : la
plupart
des
théoriciens de
l’humour sont
tombés sur à
peu près la même
idée. Déjà, en 1899,
Bergson écrivait que ce qui déclenche le rire, c’est « du mécanique plaqué sur du vivant », sur
fond d’une « arrière-pensée d’entente » dans le but inconscient
« de corriger et d’instruire ». Incongruité, norme sociale et rétablissement de la situation : c’est
pareil… mais en plus intello.
Sauf que le « Humor Lab » teste
la théorie scientifiquement. Par
exemple, McGraw et son équipe
se sont demandé à partir de combien de temps après un désastre
naturel on pouvait en rire. Ils
ont donc proposé des blagues
sur l’ouragan Sandy tout le long
de la catastrophe et découvert
que le pic d’hilarité était atteint
36 jours après la dévastation. La
sévérité perçue de la transgression est trop forte au début, puis
s’estompe avec le temps pour
atteindre un rapport idéal et finit
Pot aux roses
par perdre de sa pertinence. C’est
pareil quand on taquine ou chatouille quelqu’un, au-delà ou en
deçà de certaines limites ce n’est
pas drôle du tout.
Tout l’art est donc de trouver
un juste équilibre, non pas parce
qu’on ne pourrait pas « rire de
tout », mais tout simplement
parce que c’est ainsi que fonctionne la mécanique du rire.
Bon, en même temps, quand
ce sont des scientifiques qui se
chargent aujourd’hui de nous
l’expliquer, c’est peut-être le
signe que l’humour a cessé d’être
drôle… Sebastian Dieguez
The Rise and Fall of Humor :
Psychological Distance Modulates
Humorous Responses to Tragedy, P.
McGraw et al., Social Psychological
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Vigousse vendredi 11 avril 2014
« Mignonne, allons voir si la rose,
qui ce matin avoit desclose… » Le
poète Ronsard n’imaginait pas que
des siècles après lui, on verrait
des roses qui ne fanent pas, n’ont
besoin ni d’entretien ni de soleil ni
d’eau.
Ces fleurs dites « stabilisées » sont
de vraies roses auxquelles on a
remplacé la sève par un élixir de
jouvence composé de glycérine
et d’hydrogène. On obtient une
rose d’aspect véritable, soyeuse et
comme fraîchement coupée, mais
conservable au moins deux ans.
C’est pratique, ce n’est pas du plastique et c’est « naturel », croit-on.
Sauf qu’en examinant de plus
près ces fleurs trafiquées, on note
que leur couleur est bien trop
concentrée pour être naturelle :
des colorants sont injectés avec la
mixture stabilisatrice. Et ces roseslà ne sentent pas la rose. Elles ne
sentent rien de rien à moins qu’on
les ait vaporisées avec un parfum
chimique style « rose anglaise ».
Les détaillants reçoivent les têtes
des roses dans de petites boîtes,
par le biais de fournisseurs tels
que Rosas Rivas. Lesquels les
importent des quatre coins du
monde… pas très écologique,
donc.
Dans les boutiques florales, ces
corolles figées sont le plus souvent
intégrées dans des arrangements
incluant gravier, perles, fleurs
séchées ou lyophilisées. Mais on
en trouve aussi à l’unité dans les
supermarchés, les kiosques ou
les stations-service, où elles se
vendent entre 8 et 20 francs. Aloïse
Fonjallaz, fleuriste neuchâteloise,
se marre à l’évocation de ces fleurs
sans âme, qui finiront oubliées sur
une étagère : « C’est très attrapepoussière et c’est moche. Quand
on aime un minimum la nature, on
n’offre pas une fleur comme ça aux
couleurs pétantes, mais une vraie,
qu’on va voir évoluer. »
Si Ronsard vivait de nos jours,
peut-être aurait-il voué ses vers
à une rose stabilisée pour une
« mignonne » botoxée qui refuse
l’emprise du temps. Ou peut-être
pas. Noémie Matos
Lorsqu’on cherche un
appartement, il peut
s’avérer utile d’enjoliver
son dossier de candidature. Il existe pour
cela des trucs faciles.
Par exemple, si l’on
est truffé de dettes et
en proie aux poursuites,
demander une attestation
de l’office des poursuites
dans un autre district que
celui où l’on est domicilié : le document sera
vierge et pur. Par
ailleurs, les logiciels
de retouche d’images
permettent de rajouter
très facilement quelques
chiffres à sa feuille de paie. A
moins qu’un ami entrepreneur
soit disposé à émettre des bulletins de salaire fictifs.
Face à ce type de ruse et face à
la difficulté de virer un locataire
mauvais payeur ou vandale, les
régies adoptent des parades par-
fois très intrusives. Ainsi l’appel
aux responsables du personnel
de l’entreprise ou du service qui
emploie le candidat à la location
serait de plus en plus fréquent. Et
souvent en pareil cas, les questions
sur le salaire de la personne en lice
en précèdent d’autres, au sujet de
son avenir professionnel probable,
voire de ses qualités personnelles.
7
Considérant à juste titre
que ces démarches
sont totalement déplacées, les bons directeurs des ressources
humaines refusent de
répondre. Ce qui naturellement défavorise
leur employé, dont la régie immobilière risque alors
de jeter le dossier.
Les gérances consultent par
ailleurs fréquemment le
fichier Deltavista, qui fournit un rapport de solvabilité
complet et où tous les loyers
payés en retard par le passé
sont consignés à vie. Enfin,
le coup de téléphone à l’ancienne
régie et même aux anciens voisins
est désormais très fréquent.
Gare à celui qui a invité des amis
bruyants pour une soirée il y a
quatre ans, dont le chien s’est soulagé une fois dans l’allée ou qui un
jour n’a pas rendu à l’heure la clé
Jonas
de la chambre à lessive !
Schneiter
La Toile de fonds
Ruse de sous Une invention apparemment géniale a séduit
des centaines d’internautes, qui ont versé des sous pour
la financer. Et s’il s’agissait plutôt d’une arnaque ?
La plateforme Indiegogo.com permet de réunir des fonds pour des
projets originaux grâce aux petits
investissements des internautes.
Lesquels sont ensuite récompensés
si tout marche comme prévu ou
font une croix sur leur argent dans
le cas contraire.
A la fin de l’an dernier, deux scientifiques états-uniens ont ainsi
levé plus de 300 000 francs pour
un machintruc à infrarouge qui
scanne et analyse la nourriture.
Selon les vidéos de présentation,
il suffit d’approcher de l’assiette le
bidule couplé à un smartphone : il
détecte la composition précise et
le nombre de calories de n’importe
quel aliment. Plus de problèmes
pour les allergiques
au gluten, les diabétiques, les obèses, les
astreints à tel ou tel
régime, les végétaliens ou les obsédés de
la taille mannequin.
C’est merveilleux.
Seul petit bémol :
jusqu’ici, la chose ne consiste
qu’en bla-bla et en films de simulation. Pas la moindre preuve
scientifique tangible. Aucune institution ou entreprise sérieuse ne
s’est d’ailleurs associée au projet.
Etrange pour un gadget promis à
un succès mondial assuré et qui
nécessitait un investissement relativement modeste.
La commercialisation étant prévue
pour cet automne, on verra à ce moment-là s’il s’agissait d’une vulgaire
escroquerie ou de l’affaire du siècle.
Dans le premier cas, ça apprendra
aux internautes qu’investir sur les
sites de microfinancement n’est pas
le moyen le plus sûr de s’enrichir.
Dans le second, ça apprendra au
soussigné qu’il ne faut pas toujours
être si sceptique et rabat-joie. J. S.
Vigousse vendredi 11 avril 2014
8
FAITS D I V ERS ET V ARI É S
Q UELLE SEMAINE !
Charité mal ordonnée
Calcul pénal Si un pas fait
un mètre et cinq mètres font
40 francs, quel est le prix de la
distance entre une main tendue
et une porte ?
Depuis mai 2013 à Lausanne, le durcissement du règlement communal
sur la mendicité est précisément
détaillé sous l’article 87 bis (voir
encadré). Son application est quant
à elle beaucoup plus floue. Démonstration.
Juillet 2013, Adrian fait la manche
devant la poste de la Pontaise. Des
policiers le contrôlent et, après
estimations (sans outil de mesure, la police détermine « au bon
sens » qu’un pas = 1m), les agents
concluent qu’il ne respecte pas les
5 mètres de distance réglementaire
entre l’entrée d’un commerce et son
activité de mendiant. Il écope donc
d’une amende de 40 francs. Epaulé
par les membres de l’Association
lausannoise d’action et de solidarité
avec les Roms, il fait opposition à
cette condamnation. Une première
juridique.
Avril 2014, l’affaire est jugée au Tribunal de police. Mesures précises ef-
PLUS VRAI QUE
VECU
fectuées a posteriori à l’appui, chaque
partie a sa version. D’une part, la
police déclare que le Rom mendiait
au bas des escaliers (voir photo), soit
à une distance de 4,10 m précise de
l’entrée. De l’autre, Adrian affirme
qu’il était adossé au lampadaire, soit
à 5,50 de la porte.
« C’est une histoire de centimètres et
les chiffres sont plus précis que ne
l’est la mesure », relève la présidente
du tribunal. Car l’article 87 bis n’est
pas explicite quant au calcul de la
distance… Faut-il partir de l’axe de
la porte pour arriver à la chaussure
du mendiant ? De l’angle gauche
de l’entrée jusqu’à la main tendue ?
Ou du centre du palier au centre
de gravité de la personne ? Un flou
artistique qui rend l’application du
nouveau règlement laborieuse de
part et d’autre.
Des imprécisions qui n’aident en
rien Adrian : reconnu coupable, il
doit s’acquitter d’une amende de
40 francs ainsi que de 50 francs de
frais de police. Les 700 francs de la
procédure d'opposition sont mis à sa
charge. Quant aux prochains calculs
par l’absurde imposés par le nouveau règlement, c’est une autre aire
de manche. Alinda Dufey
Vigousse vendredi 11 avril 2014
Buvez ce vin…
Photo : Yves Leresche
Article 87 bis […] La mendicité
est interdite dans les endroits
où elle est de nature à troubler
l’ordre et la tranquillité publics ou
entraver la circulation sur la voie
publique, notamment : dans les
transports publics, aux arrêts de
bus et de métro ainsi que sur les
débarcadères et quais adjacents
et aux alentours des gares ;
dans les marchés ; à proximité,
soit à au moins 5 mètres
des horodateurs, machines
à paiement, distributeurs
d’argent et automates à billets
de transports ; à l’intérieur des
magasins, commerces, cinémas,
théâtres, musées, administrations
publiques et établissements,
ainsi qu’à proximité, soit à au
moins 5 mètres de leurs entrées
respectives et sur les terrasses ;
dans les cimetières ainsi qu’à
leurs entrées et à l’intérieur des
lieux de culte ; dans les jardins
publics, parcs publics et zones
de jeux. […]
Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement.
Noms fictifs mais personnages réels et dialogues authentiques.
« Je fais des choses légales, simples et saines. »
Monsieur Roduit est accusé d’infraction et contravention à la loi
fédérale sur les stupéfiants, et d’infraction grave à la loi fédérale
sur la circulation routière.
– Que dit le chef d’accusation… fait la juge en feuilletant
sa paperasse. Ah, voilà : vous avez cultivé des plants de
marijuana pour votre propre consommation, vous avez
d’ailleurs été arrêté alors que vous fumiez. Vous avez aussi
eu un retrait de permis d’un an à cause de l’alcool et de
la drogue. Et sinon, vous avez vendu de l’herbe et plus de
500 « ecstasy ». Vous admettez ?
– Il reconnaît tout, répond l’avocate de l’accusé.
– Maintenant oui ; mais lors des interrogatoires, il a tout nié
en bloc !
– Mon client protégeait alors certaines personnes de
mauvaise influence. Depuis, il a réalisé que ce milieu et ces
amis-là sont nocifs pour lui. Il admet donc ses torts et il tente
de se racheter.
La juge apostrophe le prévenu :
– Et ça faisait longtemps que vous baigniez là-dedans ?
– Ce sont mes potes depuis que je suis tout petit, murmure-t-il.
– Et maintenant ?
– Je ne les fréquente plus. Et comme ils m’ont traité de
« balance » et menacé de me choper, puis de me frapper,
c’est plus des potes. Pourtant c’est dur, j’ai changé de milieu
et je me reconstruis, mais je n’ai plus aucun ami…
9
en court
– Ah… compatit la magistrate. L’avocat intervient :
– L’arrestation a été très bénéfique pour mon client, il
a aussitôt arrêté la drogue, les sorties et tout le reste.
Maintenant, il travaille et il a une vie simple.
– Oui, renchérit l’accusé d’un air angélique, j’ai beaucoup
de regrets pour ce que j’ai fait. Avec mes anciens amis, on
s’amusait, puis ça a été l’engrenage : les fêtes, les retards
au travail, la consommation, le trafic… et on se coupe de sa
famille. Mais j’ai tout arrêté et je fais des choses légales,
simples et saines.
– Bien, approuve la juge tout sourire. Et vous avez repris des
relations avec vos parents ?
– Mon père n’a jamais été présent. Mais je mange chaque
semaine chez ma maman ; elle a été d’un grand soutien. Le
plus dur, d’ailleurs, ça a été de lui avouer la vérité après mon
arrestation. Elle a pleuré, c’était horrible…
– C’est bien gentil, tout ça, mais à juste 20 ans, vous n’allez
pas me dire que vous ne faites rien d’autre que voir votre
mère et bosser ?
– Je me suis remis à la pêche, j’aime beaucoup ça et c’est
très sain comme activité. Et légal !
Reconnu coupable, monsieur Roduit est condamné à une peine
pécuniaire de 200 jours-amende à 50 francs avec un sursis de
deux ans, ainsi qu’à 1000 francs d’amende. Les frais de justice
s’élevant à 3862 francs sont à sa charge. Lily
Selon le centre de recherche
californien Wine Institute,
le Vatican est le pays où
l’on consomme le plus
de vin au monde. Avec
une descente annuelle de
74 litres par personne (ce
qui représente tout de même
100 bouteilles, ma foi...),
les habitants de l’enclave
romaine picolent deux
fois plus que les français
et autres gros buveurs.
Des habitudes pas très
catholiques qui n’ont rien à
voir avec le vin de messe.
La dernière bière
Histoire de pouvoir faire la
fête et se pinter sans craindre
des lendemains difficiles, des
chercheurs australiens ont
inventé une bière miracle.
Contenant moins d’alcool
(2,3 % contre une moyenne
de 4,8 %) mais plus de sel, la
nouvelle boisson empêche la
déshydratation, principale
cause de la gueule de bois,
et n’entraîne ni maux de
tête ni nausées ni autres
symptômes des soirées trop
arrosées… Cette mousse est
l’incarnation du malt !
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Vigousse vendredi 11 avril 2014
ça va mieux en le disant
Infamille Espérer bien vivre avec son ado, c’est comme rêver de nager avec des requins
mangeurs d’hommes : c’est con.
LE COURRIER
DU CHIEUR
A CAV
Les angoisses existentielles du
professeur Junge Cette semaine :
alors que des lesbiennes ont obtenu
un carré réservé dans un cimetière, je
crains de ne pas pouvoir être enterré
avec des gens qui me conviennent.
Bileux
Il est d’usage, dans nos sociétés
comme dans celles des autres, de
concrétiser un amour qu’on pense
éternel par la « mise en route d’un
bébé ». On voit bien comment ce
petit être fragile et délicat va être
le lieu de la tendresse et de l’attention conjointe des bienveillants
géniteurs. Mais, le temps faisant,
cet être va inexorablement se
transformer en ado. Ce n’est pas
de votre faute, vous n’avez rien
fait de faux. Alors évidemment, si
au début de votre relation on vous
avait proposé de « mettre en route
un ado », vous auriez flairé le coup
fourré. Et comme on n’avorte pas
d’un ado (le délai en Suisse étant
de 12 semaines), il va bien falloir faire avec. Quelques pistes.
Vous voici donc, depuis samedi
dernier, réélu à la vice-présidence de l’UDC suisse. Même que le
verdict est tombé « à l’unanimité »
des voix des délégués présents.
Bel exploit, à saluer tel quel,
pour un homme dont le nombre de
casseroles rendrait jaloux les
meilleurs maîtres queux de Suisse
et de Navarre.
Certes, il s’en trouve quelquesun(e)s pour vous accuser d’« amateurisme » dans la gestion des
comptes de votre section, d’autres
pour rappeler la manière peu glorieuse dont vous aviez fui, jadis,
le Jura bernois, d’autres encore
de vous accuser de pingrerie à
l’égard de quelques employées de
ménage disons plutôt consentantes.
Règle de base : déontologique-
ados
de chameaux
Votre ado, à tort ou à raison,
trouve que la vraie vie, c’est à
chier. Tout se passe sur internet. Il
ne comprend d’ailleurs plus bien
les raisons d’être de nos institutions : pourquoi donc aller à l’école
alors que tout ce qu’on y apprend
est sur Wikipédia ? Pourquoi aller
à la rencontre des autres alors
que le monde entier est à un clic
de distance ? Pourquoi construire
une vie dans le monde réel alors
qu’un avatar peut se fatiguer à
Vigousse vendredi 11 avril 2014
votre place ? A ce sujet, ne vous
inquiétez pas : mâles ou femelles,
ses hormones lui feront tout naturellement entrevoir les avantages
du monde réel.
L’adolescent, avide de sensations
fortes, s’adonne à la biture express.
Bien que le sujet alerte au plus
haut point les autorités publiques,
contre ça non plus vous ne pourrez rien. Et inutile de lui proposer
des activités de substitution : ranger sa chambre n’a jamais procuré
de sensations fortes. Ni dans les
années 50 ni maintenant. De la
même manière, gardez pour vous
vos suggestions concernant son
look/sa musique/son langage/ses
fréquentations/le porno. Ici, c’est
vous le con.
Si dans les années 50 il allait de soi
que le jeune pourvoie à ses besoins
dès sa majorité, il n’est pas rare
aujourd’hui que cet être maléfique
fasse durer le supplice jusqu’à
l’aube de ses 30 ans. Si légalement
vous n’êtes plus obligé à rien, il
est de bon ton d’être « cool » avec
cette génération de vieux enfants.
De plus, il serait très malvenu de
le traiter autrement qu’en adulte.
Il en va de son équilibre futur.
Oui, même votre fils de 30 ans qui
passe le week-end à regarder des
dessins animés en pyjama Tigrou.
Pour toutes ces raisons, et à juste
titre, votre enfant fait naître en
vous des pulsions infanticides.
Ce qui nous amène au sujet très
controversé du châtiment corporel. Très en vogue dans les années
50, il tend à disparaître au profit
d’un sain dialogue, dont on a vu
plus haut qu’il était impossible.
Comment ça, c’est découra-
geant ? Oh, et puis merde après
tout. Cet enfant, vous l’avez voulu, non ? On ne vous a pas forcé la
main (c’est une image)? Alors assumez, que diable. Mais, on vous
l’accorde, c’est cher payé pour un
si bref moment de plaisir. Sacha
Durant
Tandis que j’agonise
Ce qu’on a vu ce dernier weekend à Näfels prouve bien que pour
les membres de votre parti ces
vilaines accusations ne sont que
peccadilles en regard de vos talents d’homme politique. A moins
que le fait de vous savoir affaibli et toujours susceptible d’être
pris en faute fasse – passez-nous
l’expression – le beurre de vos
« amis » du parti agrarien. Déjà
qu’ils considèrent comme quantité
négligeable les sections romandes
de leur parti, les gros bonnets de
l’UDC suisse n’ont aucun intérêt à
ce que de ce côté-ci de la Sarine
un quelconque poids lourd vienne
leur faire de l’ombre. Croyez
nous, M. Claude-Alain Voiblet,
votre fragilité fait de vous, de
facto, un vice-président parfaitement respectable.
Et puisque ces jours-ci vous devez
subir une légère opération, on ne
peut que vous conseiller d’y aller le cœur léger. Inutile de vous
faire la moindre bile : avec ou
sans vésicule vous continuerez de
servir la cause.
Roger Jaunin
6 avril. Des lesbiennes ont obtenu
un carré réservé dans un cimetière
berlinois afin qu’elles puissent rester ensemble dans la mort. Il s’agit
sans doute du premier lieu d’ensevelissement dévolu à une orientation
sexuelle. Quelle riche idée ! Pour ma
part, je n’ai pas envie de reposer à
côté d’homosexuels. Au cas où l’un
d’entre eux est enterré alors qu’il
n’est pas vraiment mort (ça arrive),
qu’il se réveille, creuse une galerie
jusqu’à ma tombe et profane mon
cadavre. J’écris donc à ma paroisse
pour proposer un carré réservé aux
hétéros.
7 avril. A la réflexion, il y a pas mal
d’hétérosexuels avec lesquels je n’ai
pas envie de partager une concession
funéraire. Car si jamais la religion se
trompe et qu’il n’y a pas de résurrec-
tion après la mort, et qu’en mourant
on reste enfermé dans son cadavre,
conscient mais incapable de bouger,
et qu’on puisse communiquer par la
pensée avec les autres macchabées
(personne ne peut affirmer catégoriquement que ça ne se passe pas
comme ça), eh bien, à ce momentlà, pour un gauchiste comme moi, il
faudrait se taper pour l’éternité des
conversations avec des abrutis de
droite, et ce serait un cauchemar ! Je
veux reposer dans un carré réservé
aux hétéros de gauche.
la ligne ou le bricolage. Or moi, ce
que j’aime, c’est la littérature. Alors
si après ma mort, en admettant
que je devienne un fantôme, je me
retrouve entouré d’esprits qui justement en manquent, d’esprit, et
que je doive me farcir à longueur
de journée des discussions au sujet
de la supériorité de la clé à molette
sur le tournevis de 12, j’aurai envie
de me pendre alors que ce ne sera
même plus possible ! Il me faut un
carré réservé aux hétéros de gauche
qui aiment la littérature.
8 avril. Je suis de plus en plus taraudé par des questions existentielles.
Au dernier pique-nique du parti, je
me suis ennuyé à mourir avec certains membres qui ont des centres
d’intérêt limités comme la pêche à
9 avril. J’ai perdu le sommeil à
force de me ronger les sangs. Parce
que dans la perspective où il y ait
une fuite de produits chimiques
radioactifs provenant de l’usine à
côté du cimetière et que toutes les
Le 8e conseiller fédéral
Bon, Johann,
vous en êtes
où avec vos
histoires de
magouilles ?
C’est pas ça que
je vous reproche.
C’est de vous
être fait gauler !
Mais j’ai rien
fait, chef.
Je vous jure que
c’est pas moi !
On vous fait des misères parce
que vous planquez du fric ?
la pensée contemporaine
Ni vu ni connu,
je t’embrouille.
Mais c’est légal, les
entreprises ont
besoin de faire de
l’optimisation fiscale !
Allons, allons,
pas de ça
entre nous.
10 avril. Je me demande si le plus
simple ne serait pas de ne pas mourir. Il faut que j’approfondisse cette
question. Professeur Junge, phare de
Pardon, de l’optimisation, on passe
par des sociétés écrans aux îles
Caïman et des hommes de paille.
J’ai rien fait
d’interdit !
Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.
dépouilles sont réanimées sous
forme de zombies, je pourrais avoir
la mauvaise surprise de découvrir,
lors d’une discussion littéraire avec
mes congénères entre deux attaques
pour manger les cerveaux des vivants, que je suis le seul lecteur de
Virginia Woolf et William Faulkner
alors que tous les autres sont des
amateurs de Balzac et Zola ! Ce serait horrible ! J’ai besoin d’un carré
réservé aux hétéros de gauche qui
aiment la littérature anglo-saxonne
du début du XXe siècle avec narration en monologue intérieur.
Oui, mais pas à travers
des sociétés déclarées et
auxquelles on peut vous
rattacher sans problème !
C’est complètement débile !
Ah bon ?
Et comment
je procède ?
Maintenant
vous passez
pour un escroc.
Je vais vous envoyer
mon conseiller fiscal,
le professeur Mamadou.
Il a plein de combines pour
rendre l’argent intraçable.
Quand on est ministre et qu’on
veut faire de l’évasion…
De l’optimisation !
120
Puberté d’expression
ment, votre ado ne peut pas vous
montrer qu’il vous aime. Ce serait
aller à l’encontre de la construction de son identité. Si, dans les
années 50, les parents réussissaient ce tour de force de jouer le
rôle de modèle, d’exemple, il faut
depuis se rendre à l’évidence : en
devenant parent, on devient « le
vieux con ». Pour remédier à cela,
ne tentez pas, par pitié, d’adopter
un langage djeun. Premièrement
parce qu’il est ardu d’employer ces
expressions à bon escient. Deuxièmement parce que ce qui se disait
en mars 2014 sera complètement
has-been en juin.
11
BIEN P ROFON D D ANS L ' ACTU
Pitch
10
Vigousse vendredi 11 avril 2014
12
CULTURE
CULTURE
Un film
Des védés
Un pacte sans impact
De l’écrit à l’écran On est allé presque guilleret voir Les yeux jaunes des crocodiles, on aurait
mieux fait de se péter le Pancol du fémur...
Les yeux jaunes des crocodiles.
Tu parles! La colère rouge des
pigeons, oui... L’arnaque est dans
le sac en croco et il ne nous reste
que les yeux pour pleurer. Ou rire
jaune. Mazette, pauvres mirettes!
C’est vite vu, cette adaptation
d’un livre de Katherine Pancol,
auteure d’autres best-sellers un
peu bêtes comme Les écureuils de
Central Park sont tristes le lundi
ou La valse lente des tortues, en
attendant certainement Les kangourous dansent le charleston (qui
sera évidemment disponible en
poche....), c’est un épisode de Jo-
séphine ange gardien en plus hype
et glamour! Bref, une toute petite
chose. Si les crocodiles du titre ne
sont pas du Nil, le film, lui, interminable, est nul.
Histoire d’un pacte littéraire entre
deux sœurs qui sont aussi de
Faust amies, l’une est oisive, riche
et très belle (Emmanuelle Béart
dans son éternel rôle de mi-pute,
mi-incomprise), l’autre est active,
pauvre et quelconque (Julie Depardieu, qui mérite mieux que
ça), Les yeux jaunes... est aussi
indigent et futile qu’un article de
journal féminin. Si vous aimez les
pactes d’encre, lisez Le contrat de
Donald Westlake !
En fait, parmi la multitude de personnages, on en envie deux. Au
milieu du film, Samuel Le Bihan
se suicide en s’offrant en pâture
aux crocos. Pour ne pas avoir à
lire la suite du scénario ! Et à la
fin, Patrick Bruel se tire à Londres.
Pour fuir les réalisatrices françaises! Bertrand Lesarmes
Les yeux jaunes des crocodiles,
de Cécile Telerman, avec Julie
Depardieu, Emmanuelle Béart,
Patrick Bruel. Durée: 2 h 02. En salles.
Vigousse vendredi 11 avril 2014
Mais au-delà du contenu, c’est une
véritable œuvre d’art qui est sortie de
l’atelier typographique du Cadratin
(Vevey) en octobre dernier. Illustré
par les écolines de Mathias Brügger,
l’ouvrage est paru sous forme de
leporello, écho explicite à La prose
du Transsibérien de Blaise Cendrars
et Sonia Delaunay, publié il y a cent
ans. Les 280 exemplaires étant déjà
écoulés, les Editions Paulette ont
repris les choses en main et publié
le titre ce mois-ci, cette fois sous la
forme d’un bouquin. Et pour ceux
qui n’aiment pas lire, les auteurs le
feront pour eux, mis en scène par la
Genevoise Heike Fiedler, au théâtre
2.21 à Lausanne les 11 et 12 avril.
Un remède idéal contre le train-train
quotidien ! Séverine Chave
Les Romains et la chose
(Re)découvrir une comédie
méconnue du réalisateur Dino Risi
est un événement. Voici l’histoire
de deux jeunes qui s’aiment
profondément, mais qui sont si
romantiques et fleur bleue que
leur union se brise par vagues
régulières sur les dures réalités du
monde moderne. Face aux barrières
et difficultés que rencontre leur
amour, les tourtereaux agissent
très romantiquement mais si
inefficacement ; ils tentent par
exemple de se suicider en se
couchant sur les rails, mais ils le font
à un endroit où le conducteur de
train les verra assez tôt pour arrêter
sa locomotive… Pour finir, comble
de mélodrame, la dulcinée craque et
épouse un sourd-muet à la place de
celui qu’elle aime.
Que tout finisse bien ne change
pas le message principal du
talentueux satiriste italien : les
actes dégoulinants à la « Roméo
et Juliette » ne font pas avancer
le schmilblick d’un iota et mieux
vaut être (un peu) réaliste dans les
histoires de cœur. Sympa et par
moment totalement décapant, ce
film mérite d’être vu juste pour son
titre si parfait : une belle déclaration
d’humour. Michael Frei, Karloff,
films cultes, rares et classiques,
Lausanne
Pâte latine Avec Chauds Latins, le Musée
romain de Lausanne-Vidy aborde le sexe
dans l’Antiquité. Saisissant et pénétrant.
La première salle dessine un
membre viril au mieux de sa forme ;
ça commence bien. Mais tout malentendu est balayé d’emblée : non,
les Romains n’étaient pas des débauchés frénétiques. Plutôt pudiques,
ils prônaient la vertu, le mariage et
la famille. Et ils avaient aussi leurs
tabous.
Simplement, les relations sexuelles
s’inscrivaient dans une culture différente de la nôtre. Pour ces païens,
la chair n’était pas honteuse et le
plaisir pas encore un péché. Ils
ignoraient les notions « homo » et
« hétéro ». De leur temps, tous les
êtres humains n’étaient pas égaux
en droit : les uns disposaient à leur
guise du corps d’autrui, ce qui est
bien commode. Dans ce monde
patriarcal et phallocrate, le plaisir
de l’homme primait, la seule
pratique digne de lui étant la
pénétration active. Et lui avait
le droit de s’épancher hors
mariage pour peu que ce
fût avec des partenaires
subalternes, jeunes mâles
de préférence, ou filles
de joie.
Tout en courbes, rose et tamisée,
la suite du parcours égrène les
méthodes contraceptives, les règles
sociales (qui baise qui), la drague et
les canons de la séduction, les ébats
et les déviances, les émois sentimentaux. Et pour mesurer l’écart, un
survol des temps ultérieurs conclut
la visite, des feuilles de vigne chrétiennes à l’industrie porno.
Nombre d’objets archéologiques
évocateurs jalonnent le tout pour
le plaisir des yeux. Et pour les
oreilles, des alcôves diffusent de
croustillants extraits d’auteurs
latins interprétés par Frédéric
Recrosio.
Attention, l’entrée n’est pas déconseillée aux moins de 16 ans.
Un savant système distingue en
effet deux versions, adultes avertis et chastes esprits. C’est que
chez notre drôle d’espèce le sexe
n’est pas que naturel : il est aussi
affaire de culture et de morale,
choses très variables. Une expo à
rosir de plaisir. Alinda Dufey
Chauds Latins, Musée romain
de Lausanne-Vidy, 12.04 – 26.10,
www.lausanne.ch/mrv
égé
Solution de la semaine précédente
Le monde autour, de l’Association
de jeunes auteurs romands (AJAR),
Editions Paulette.
La bande à Paulette, par l’AJAR
et le Collectif Fin de Moi,
les 11 et 12 avril au Théâtre 2.21
à Lausanne.
www.jeunesauteurs.ch
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Sang et maux
« Il n’a plus qu’une jambe ; son bras
droit est enveloppé dans un épais
pansement. Sa bouche est complètement tordue par une grosse
cicatrice qui descend jusqu’au bas
du menton. Du nez il ne reste que
deux énormes narines, deux trous
noirs qui semblent capter votre
regard, le fixer, le retenir afin que
vous sentiez bien, jusqu’aux tréfonds de votre conscience, ce que
cet homme a donné pour… pour
quoi ?... »
DéTOURNER Seize artistes de la
région qui se jouent des clichés de
vacances avec talent. Des romandsphotos. Do you speak tourist ? Quand
les photographies décodent le cliché,
Musée d’art de Pully, jusqu’au 11 mai,
www.musees.vd.ch/fr/musee-de-pully
VOGUER Mariée mais pas comblée,
amoureuse mais pas heureuse, une
femme s’isole chaque jour sur l’eau et
brasse son vague à l’âme. La dame de
la mer, d’après Henrik Ibsen, Théâtre
du Crochetan, Monthey, le 11 avril
à 20 h, www.crochetan.ch
SE MARRER Comme son mari ne
la touche plus, une épouse suspecte
qu’il la trompe et décide de lui tendre
un piège. Ça va faire mâle ! La puce
à l’oreille, de Georges Feydeau, par
L’Autre Compagnie, Théâtre Palace
Bienne, le 24 avril à 20 h 15,
www.spectaclesfrancais.ch
HALLUCINER A la fois timbrés et
TREMBLER Dans un incroyable
décor et sur de belles musiques,
l’homme sans cœur enchaîne les
conquêtes, puis les jette. Un séducteur
en série. Don Juan, de Molière, mise
en scène : Gilles Bouillon, Théâtre du
Passage, Neuchâtel, les 24 et 25 avril
à 20 h, www.theatredupassage.ch
S’éVADER En avril 2014, les
Un livre
Gare aux grilles par
BROUILLON
DE CULTURE
rêveurs, deux passionnés de Roger
Federer racontent leur étrange amour.
Des fans en vedette. In love with
Federer, conception, texte et jeu : Denis
Maillefer et Bastien Semenzato, Casino,
Le Locle, le 24 avril à 20 h 30,
www.grange-casino.ch
Fais-moi très mal
et couvre-moi de
baisers, de Dino
Risi, 1968, LCJ,
Vf et VOST, DVD,
114 min.
Les jeunes écrivent et le wagon lit
Qui n’a jamais rêvé, errant dans une
gare, de sauter au pif dans le premier wagon venu et de partir très
loin ? Même à l’époque d’internet et
des jets privés, les trains font toujours rêver. Ils sont au centre de Le
monde autour, dernière publication
collective de l’AJAR (Association
de jeunes auteurs romands). Dixhuit textes courts et poétiques s’y
présentent comme autant de portes
entrouvertes sur l’ailleurs. Tokyo,
Berlin, la Patagonie… il semblerait
qu’à eux seuls ces écrivains ont
couvert et découvert le globe. Ils
n’en restent pas moins romands
et suisses, bien des paysages lointains évoquant à certains les rives
du Léman et bien des convois rappelant les CFF.
Les copains d'abord
A la vie
à l’amore
Un spectacle
13
Ecrit en 1939 et narrant quelquesunes des horreurs de la Première
Guerre mondiale, ce témoignage
est hélas, cent ans plus tard, toujours d’actualité. Racontant son
travail dans un dispensaire, une
jeune femme évoque les « blessés de la face » ou « gueules cassées », tels Dargan qui n’a plus de
mâchoire inférieure ou Alix dont
la bouche n’est plus qu’une immense plaie zébrant son visage.
Sans fioritures mais avec un
profond respect, elle relate le
retour à la vie « des monstres, des
hommes qui n’ont presque plus
rien d’humain, de corps portant
des débris mutilés de visages »
après les tranchées, les bombes et
les balles. A la fois naïf et cru, ce
petit récit et sa surprenante postface sont un puissant plaidoyer
pour la paix. Les faces sombres
de la réalité. A. D.
Hommes sans visage,
d’Henriette Rémi,
postface historique
de Stéphane Garcia,
Editions Slatkine,
128 pages,
www.slatkine.com
trois artistes et amis partirent à la
découverte de la Tunisie : un séjour qui
les a fortement inspirés et a laissé de
belles traces. Le voyage de la Tunisie.
Klee, Macket, Moilliet, Centre Paul
Klee, Berne, jusqu’au 22 juin,
www.zpk.org
ILLUMINER Couleurs, trajets, vitesse,
puissance et autres caractéristiques
physiques de la lumière mise à jour. Une
exposition brillante. Dompter la lumière,
Musée d’histoire des sciences de la
ville de Genève, jusqu’au 11 avril 2015,
www.ville-ge.ch/mhs
Vigousse vendredi 11 avril 2014
14
mass merdia
De zéro à sept
Il est pétri d’ambition, Patrick
Vallélian, directeur des publications de Sept. Pour lui, mais surtout pour le nouveau média qu’il a
lancé ce samedi 5 avril à Fribourg.
Pour l’aventure Sept.info, un site
internet d’abord, « le navire amiral,
et un hebdomadaire, « qui est la cerise sur le gâteau », il s’est entouré
du photographe bernois Michael
von Graffenried comme directeur
artistique et d’une dizaine de journalistes romands confirmés.
A force d’assister aux enterrements
de journaux, de prédire la fin de
la presse papier ou l’amputation
par tranches dans les effectifs des
rédactions, cette naissance réjouit
le cœur du lecteur. L’investisseur,
l’avocat d’affaires fribourgeois
Damien Piller, se donne cinq ans
pour retrouver ses billes. Egalement président de Radio Fribourg
et actionnaire de La Télé, Damien
Piller sera jugé cet automne par le
tribunal de Perpignan pour une
affaire de corruption à Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales. Mais ceci n’a rien à voir avec
un nouveau média, il s’agit là d’immobilier et de marché de l’art.
« Vallélian a une sale tronche de
Gruyérien », complimente un ami.
« Un qui ne lâche pas son os » et avec
son appétit de jeune loup, ça devrait saigner. Formé à La Gruyère
justement, Patrick Vallélian a travaillé à La Liberté et à L’Hebdo.
Il est l’un des auteurs d’Attentat
L’été meurtrier ?
Réuni le 24 mars dernier à Zurich, le conseil d’administration
de Tamedia n’a, semble-t-il, pris aucune décision pour ce qui
concerne l’avenir du Matin. Ce n’est pourtant pas faute de
candidats à la succession de Sandra Jean, rédactrice en chef
démissionnaire, en partance pour Le Nouvelliste. Pas moins de
18 candidats, dont Christophe Passer (Ringier), Jean-François
Fournier (ex-Le Nouvelliste), l’inénarrable Fathi Derder (exjournaliste, conseiller national PLR) et Ludovic Rocchi (journaliste
au Matin), ont été auditionnés par Serge Reymond, membre du
comité de direction du groupe de presse zurichois. Egalement
responsable du département Publications romandes de Tamedia,
ce dernier était chargé d’effectuer un premier tri et de présenter
les meilleures candidatures à ses employeurs zurichois. Depuis…
rien. Pas une information, pas la moindre piste. Le dossier
est entre les mains de Pietro Supino, président du conseil
d’administration de Tamedia, ainsi que de Pierre Lamunière,
ex-propriétaire d’Edipresse et également membre dudit conseil
d’administration. Dans les rédactions, ce (trop) long silence
inquiète. L’été frappe à la porte et on sait que c’est la saison
généralement choisie par les grandes entreprises pour annoncer
les mauvaises nouvelles. La mort d’un journal, par exemple ? R. J.
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zoom avant Sur l'info
L’école en Sibérie
Express avec Caroline Poiron et
Sid Ahmed Hammouche, paru
au Seuil en 2013 et qui raconte
la mort du photographe français
Giles Jacquier en Syrie.
Né sur les cendres du très fribourgo-fribourgeois bimensuel L’Objectif et profitant de son fichier
de 10 000 abonnés, Sept.info vise
les 15 000 abonnements avec des
sujets société-culture.
Le premier numéro prend le temps
de nous faire voyager : de la fermeture de l’usine d’Ilford à Marly aux
salles de cinéma indiennes, du cinéma aborigène à la chronique de
François Gross.
Inspiré par Mediapart, Sept.info
tente le pari du journal en ligne
doublé d’un magazine papier.
Ce vendredi 11 avril paraît le
numéro deux avec à nouveau
de très beaux reportages photo,
dont un au Caire avec les frères
musulmans pourchassés. Loin de
la Sarine donc, mais avec ce mot
d’encouragement du conseiller
d’Etat Georges Godel qui souhaite bon vent aux collaborateurs et collaborateuses (sic) du
nouveau média.
Il fallait bien ça pour réinventer
la base de Sept. Jean-Luc Wenger
Afflux sur les bourses
Le 8e recalé
« La flambée des entrées en bourse gonfle
la bulle. » Le titre du Temps en page
« Finance » (05.04.14) prête à diverses
interprétations. Est-ce une flambée qui fait
gonfler ou des boursouflures sur la bulle ?
En tout cas, l’explosion « dans la biotech,
un secteur marqué par une forte volatilité
mais qui a gagné en maturité », semble
proche avec une telle frénésie. J.-L. W.
C’est la mort dans l’âme qu’à Vigousse nous avons reçu
cette bien triste nouvelle. Dans un e-mail non personnalisé
et en allemand, Blick nous a en effet informé le 3 avril
que notre 8e conseiller fédéral n’a pas été retenu pour
le casting du 8e conseiller fédéral, ou plutôt « der achte
Bundesrat ». Rappelons que nous avions signifié à notre
confrère zurichois que le poste qu’il mettait au concours
était déjà pourvu depuis août 2011 – il est vrai dans
un lieu reculé de ce que certains appellent encore « la
Suisse » – et que le journal que vous tenez entre les
mains en est la preuve formelle… Hélas, la promesse d’un
salaire de 50 000 fr. et d’une voiture de fonction nous
passe malgré tout entre les doigts. Gageons qu’un jury
averti saura choisir parmi les 200 imposteurs retenus
samedi passé, et nous garderons un œil sur les finalistes
annoncés pour le 11 mai 2014, comme nous y invite
d’ailleurs sympathiquement Blick. Il va sans dire que nous
ne gardons aucune rancune de ce malheureux quiproquo.
Néanmoins, il serait bien téméraire d’oublier que depuis
son bunker, le seul véritable 8e conseiller fédéral a encore
le bras long… S. D.
24 heures à la faute
24 heures (07.04.14) a consacré un article à
la mutation des imprimeries IRL, à Lausanne.
Mutation réussie et qui passe, entre autres, par
l’édition de quelques journaux tels le Journal
d’Ouchy et Chasse et Nature. Dans cette liste
de publications figure également le nom de
Vigousse. Erreur : depuis sa naissance, il y a de
cela désormais 4 ans, votre petit satirique est
édité par la société Vigousse Sàrl, Lausanne,
et le journal que vous tenez entre les mains est
imprimé sur les presses du CIR, à Sion.
Les médias romands prennent les
politiciens trop au sérieux.
Oskar Freysinger est l’un de ces
personnages récurrents qu’on aime
bien parce qu’il fait rire, à la manière
de Prunelle ou monsieur Burns
dans les Simpson.
Deux semaines après l’épisode scénarisé par Canal+, notre joyeux
drille revient, cette fois-ci sans l’aide
de personne. Il vient d’écrire L’école,
c’est le futur.
Extrait : « Au lendemain de la révolution d’Octobre, la Russie a été soumise
à des expérimentations d’une remarquable ressemblance avec les théories en vogue chez les pédagogistes
d’aujourd’hui. (…) Contraint par la
crise et les menaces extérieures de
redescendre sur terre, l’Etat soviétique a brutalement mis fin à l’expérience pour revenir à l’enseignement
des matières de base. (…) Sans cette
volte-face, la Russie n’eût jamais vaincu Hitler. »
Le strip de Vincent
DES SPORTS
HISTOIRES D’EAU
Stupeur, samedi dernier, chez
les organisateurs du marathon
de Sheffield lorsque, au moment
de donner le départ, ils se sont
aperçus que la société chargée
de fournir l’eau destinée aux
coureurs avait oublié d’honorer leur
commande. Prudents, ils ont décidé
d’annuler purement et simplement
leur épreuve. Quelques obstinés,
pourtant, s’étaient mis en tête de
courir malgré tout. Bilan : quatre
athlètes souffrant de déshydratation
et emmenés fissa vers l’hôpital le
plus proche. Ça leur apprendra à ne
boire que de l’eau.
boulette russe
On ne sait pas ce qui est le plus
drôle. Son admiration implicite
pour Staline qui arrive au pouvoir
à peu près quand la Russie met fin
« brutalement » à l’expérience pédagogique ou l’allusion à Hitler. Car,
si on décode, le ministre de l’education voudrait « mouler » (c’est un
mot qu’il emploie) les élèves de son
canton afin qu’ils résistent à l’Hitler
de demain, qui doit être musulman
dans sa tête.
LE CAHIER
Il y a eu quelques réactions dans les
journaux (Jean-Yves Gabbud dans
Le Nouvelliste) et des interrogations
pertinentes de la part de la Société
pédagogique valaisanne. Pas plus.
L’humour de Freysinger mériterait
un plus grand écho.
C’est aussi un bon écrivain qui a le
sens de la métaphore. Sa vision de
l’école est agricole : « L’école est à la
civilisation ce que les semailles sont
au paysan : la promesse de la récolte
à venir » et blabli blabla.
Et là, on pense à Lyssenko.
C’était l’ingénieur agronome préféré
de Staline. Il prétendait faire pousser des espèces végétales à partir
d’autres espèces et a été à l’origine
d’une réforme agraire qui a affamé
des millions de soviétiques, sans
parler des dégâts écologiques.
Les scientifiques russes qui ne pensaient pas comme lui ont fini au
goulag. Stéphane Bovon
A Paris, il existe un marathon dit
« des leveurs de coude ». Initié dans
les années 60 par Antoine Blondin,
écrivain, billettiste à L’Equipe et
grand buveur devant l’Eternel. Cela
consiste à rallier 42 bistrots, à y
ingurgiter à chaque fois un gros
verre de rouge et à franchir la ligne
d’arrivée « dans le meilleur état
possible », précise le règlement. A
ce jour, aucun concurrent n’a dû
avoir recours au SAMU.
Toujours à Paris, dimanche
dernier, le funambule Denis Josselin
a traversé la Seine sur un câble
d’acier tendu à plus de 20 mètres
au-dessus du niveau de l’eau.
Quand on lui a parlé d’un véritable
exploit, il a précisé que tout cela
représentait des heures et des
heures d’entraînement, mais que
pour rien au monde il n'aurait voulu
boire la tasse.
Soucieuse de sa santé, Christine
Armstrong, 63 ans, nageait chaque
matin dans les eaux de la baie de
Tathra, une station balnéaire située
à quelque 350 kilomètres au sud
de Sydney. Pas de chance, la vieille
dame y a croisé un requin. D’elle,
on n’a retrouvé que ses lunettes
de soleil, son bonnet de bain et la
gourde qu’elle ne manquait jamais
d’attacher à sa ceinture. Le squale
avait faim, pas soif.
Et ce sera tout pour cette semaine.
Santé !
Roger Jaunin
Vigousse vendredi 11 avril 2014
Vigousse vendredi 11 avril 2014
16
{
B é B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUITE AU P ROCHAIN NUM É RO
Les doux gains de Dougan
Né en 1959 aux Etats-Unis, Brady
Dougan, directeur général de Credit Suisse, est fils de cheminot. Pas
vraiment boute-en-train, le garçonnet a très tôt pour hobby de vider
sa tirelire pour compter les pièces.
A 22 ans, il obtient à Chicago un bachelor en économie, puis un master
en finances l’année suivante. La voie
est tracée : il va se faire des wagons
de pognon.
Monté dans le train de Credit Suisse
en 1990, il remonte jusqu’à la locomotive, puis s’assied sur le siège du
pilote, où il pose ses gonades à forte
teneur aurifère en 2007. Trois ans
plus tard, il soulève un tollé en percevant un salaire total de 90 millions
de francs. Mais que voulez-vous, il a
son train de vie.
Tout à sa rutilante réussite, il
« oublie » un peu les règles sur les
pratiques bancaires et l’évasion fiscale dans son pays natal. Lequel
soupçonne fortement Credit Suisse
d’avoir systématiquement racolé de
riches Etats-Uniens pour les amener
à y planquer leur blé. En février derVigousse vendredi 11 avril 2014
nier, Brady Dougan comparaît donc
à Washington devant une sous-commission du Sénat. Et là, il déraille. Il
admet que sa banque a commis une
« erreur historique » en envoyant
des collaborateurs démarcher des
clients aux Etats-Unis, mais il argue
que les responsables de ces vilenies
étaient « un petit groupe de banquiers
privés basés en Suisse ». Une bande
dont bien sûr il ne fait aucunement
partie : lui, il est innocent comme
l’agneau tombé du nid.
Il est vrai que le boss laisse volontiers ses sous-fifres assumer les
responsabilités pour s’occuper du
reste, qui consiste à toucher ses
émoluments.
D’après le rapport annuel de la
banque, ils atteignent 9,8 millions
pour l’année 2013, soit 20 % de plus
que l’année précédente. Pourtant,
l’établissement doit alors ménager
d’énormes provisions (468 millions
au total) pour affronter les risques
juridiques liés à ses frasques étatsuniennes. De quoi inciter son patron à faire profil bas en rabotant
ses prébendes ? Non. Et cette année,
l’entrée en vigueur de la loi Minder
sur les salaires abusifs restreintelle ses appétits ? Non : la banque a
déjà annoncé qu’elle envisage une
« solution flexible » pour son patron.
Flexible surtout vers le haut, sans
doute. Le fils de cheminot n’est
pas près de se faire botter le train.
Quentin Tonnerre
Il a dit
la semaine prochaine
(ou du moins ça se pourrait bien)
« Je n’ai aucun
projet hégémonique.
L’annexion de toute
l’Ukraine était une
nécessité ponctuelle.
Il n’y aura pas de suite. »
(V. Poutine)
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