8 Odontologie.Fontaine
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8 Odontologie.Fontaine
Mission d’enseignement au Maroc 1982-1992 Université de RABAT – faculté de Médecine Dentaire Par le Professeur Alain FONTAINE De la Faculté de Chirurgie Dentaire de NANCY Exposé oral du 22/03/2012 CADRE DE LA MISSION En 1981, par décret de sa Majesté Mohamed V, Roi du Maroc, sont créées deux Facultés de Médecine Dentaire, l’une à RABAT, l’autre à CASABLANCA. Les textes qui régissent le cursus des études dentaires sont identiques au Maroc et en France : → Un premier cycle : Une première année commune aux études de Médecine et Médecine Dentaire, et ensuite un concours classant. Le nombre d’étudiants pouvant être inscrits dans chacune des Facultés de « Médecine Dentaire » est de 100 étudiants pour RABAT et 100 pour CASABLANCA. Et Une deuxième année → Un deuxième cycle composé de 3 années. → Une soutenance de thèse : en vue de l’obtention du doctorat en « Médecine Dentaire » Guy PENNE, Conseiller du Président de la République Française pour les Affaires Africaines et Malgaches et sa Collaboratrice et le Professeur Nadine FOREST, élaborent un protocole de coopération avec le Maroc, pour une durée de 10 ans. (1982-1992). Celui ci prévoit en particulier l’attribution de crédits destinés à recruter des Enseignants Français. 1981-82- Première année des études médicales De 1982-83 à 1986 un nouveau programme d’enseignement s’ajoutait chaque année. Et à partir de 1986-87 - La totalité du Cursus est enseignée et les premières thèses sont soutenues. Le corps enseignant est ainsi constitué de Personnels Marocains et Français. Les Enseignants Marocains sont recrutés selon les critères retenus dans les Universités Marocaines pour occuper des postes d’Assistant des Universités, de MCU et de PU. Les enseignants Français peuvent être recrutés de trois manières : → Soit VSNA (Volontaire du Service National diplômé docteur en Chirurgie Dentaire) 1 → Soit sur titres pour intégrer des postes d’Assistants, de MCU ou de PU selon que ces personnels sont titulaires, outre du diplôme de Docteur en chirurgie Dentaire d’Un ou plusieurs Certificat d’études Supérieures, d’une thèse de 3ème Cycle ou d’une thèse d’Etat. → Soit par détachement de Personnels titulaires enseignants dans les Facultés de Chirurgie Dentaire en France. En dehors des personnels sédentaires, les enseignements peuvent être dispensés par des enseignants Français qui sont envoyés en mission, (les Missionnaires) en général pour deux semaines, par leur Université d’origine. Ce fut le cas de certains de nos Collègues de NANCY, les Professeurs VIVIER, LOUIS et d’autres de PARIS, TOULOUSE BORDEAUX, NICE, etc. STATUTS DES PERSONNELS Tous les personnels Français dépendent du Ministère des Affaires étrangères qui les met à disposition du Gouvernement Marocain. DEROULEMENT DE LA MISSION En Mai 1983, le Professeur Jean VADOT Doyen de la Faculté de Chirurgie dentaire de Nancy, sur proposition de Monsieur le Professeur VIVIER, nous confie une mission d’enseignement de 2 semaines (missionnaire) à la jeune Faculté de Médecine Dentaire de l’Université de RABAT au Maroc, celle ci vient d’ouvrir ses portes et l’on y enseigne le programme de P2. Le Doyen nous fait accompagner par un Assistant des Universités de notre Département, le Docteur Michel CLEMENT. En Mai 1984 nous sommes envoyé pour une deuxième mission d’enseignement à RABAT, accompagné, cette fois par un autre de nos jeunes Assistants, le Docteur Patrick MAHLER (futur chef de Service d’Odontologie, ensuite affecté à NICE) Cette mission se déroule dans les mêmes conditions que la première, à savoir que nous y enseignons notre cours magistral de P2 et D1 et nous encadrons les travaux pratiques relatifs à cet enseignement. Nous étions (les Missionnaires) en général sollicités pour participer à une séance d’enseignement post universitaire programmée le 1er vendredi soir de notre séjour. A la fin du second séjour, le Doyen nous demande, considérant que des postes pour des enseignants sont ouverts au détachement de Personnels titulaires de revenir à la Faculté de RABAT pour plusieurs Années. Nous faisons notre demande de détachement et mi Juin, nous recevons notre avis d’affectation au Ministère des Affaires étrangères. Ce dernier nous met à disposition du MAROC qui lui, nous affecte à l’Université de RABAT. 2 Concomitamment, d’autres Personnels de NANCY et parmi eux, notre Collègue le Professeur ARTIS ont fait une demande de détachement. (Nous reviendrons ultérieurement sur son cas) Administration : Nous retrouverons, regroupés auprès d’un Secrétariat Général les mêmes services administratifs qu’en France. Les Facultés sont dirigées par un Doyen nommé par un dahir, c'est-à-dire un décret Royal. Le Doyen est le Professeur Bouchaïb JIDAL cumule les fonctions de Doyen, Professeur à l’Ecole Royale du Service de Santé des Forces Armées Royales (FAR) et chef de Service de Stomatologie et Chirurgie Plastique à l’Hôpital Mohammed V, l’Hôpital militaire de RABAT, Professeur Agrégé du VAL de GRACE à titre étranger. Nous avions eu, personnellement la chance de le rencontrer à PARIS, à l’Hôpital d’Instruction des Armées BEGIN au Service de Stomatologie et Chirurgie Plastique, dirigé, à l’époque par le Professeur PONS Médecin Général. CHARGES D’ENSEIGNEMENT Nos charges se répartissent de la manière suivante : Ø Enseignement théorique : Les cours, les enseignements dirigés et travaux pratiques Ø Enseignement clinique : en général les enseignements et activités cliniques se tiennent le matin. La responsabilité des départements d’enseignement a été répartie en fonction des appartenances ou des diplômes de chacun des enseignants. Le Doyen nous a nommé : Ø chef du Département de pathologie et Chirurgie buccale Ø et adjoint au chef de Service hospitalier. (Le Chef de Service Hospitalier étant obligatoirement un Marocain.) Cas particulier de notre Collègue M. le Professeur Jean Paul ARTIS : Notre Collègue ARTIS était lui aussi intéressé par un détachement. Seulement son départ était conditionné par le fait d’obtenir également un poste pour son épouse (Mme le Docteur Mireille ARTIS est Médecin anesthésiste réanimateur) La difficulté étant que le Maroc ne recrutait pas de Médecins étrangers 3 Ce n’est qu’après deux années de contacts avec le conseiller auprès du Ministre de la santé du Maroc et la Mission Culturelle que Madame le Docteur ARTIS a pu être recrutée à la Faculté de Médecine Dentaire pour enseigner l’anesthésie et la réanimation. Le Professeur ARTIS et son épouse ont donc pu nous rejoindre à RABAT pour la rentrée de 1986. Le Professeur ARTIS a été notre adjoint au département de Chirurgie buccale de 1986 à 1990. Enseignement. Nous avons enseigné une grande partie du programme de PATHOLOGIE et CHIRURGIE BUCCALE dispensé de la 3ème année à la 5ème année. Des missions de Collègues et Amis étaient prévues pour certains cours particuliers tels que la CHIRURGIE MAXILLO FACIALE, Certaines pathologies tropicales, la PHARMACOLOGIE ou la RADIOLOGIE (Ces missions ont été effectuées par Mrs les Professeurs PONS, PASTUREL, BELLAVOIR, VIALATEL, DIEVART de l’Université de PARIS.) Clinique. Lorsque nous sommes arrivés au MAROC, il y avait environ 500 chirurgiens Dentistes pour tout le Pays. C’étaient des praticiens formés en général en France ou en Belgique. Pour une grande partie de la population l’accès aux soins dentaires était beaucoup trop onéreux c’est pourquoi, dès l’ouverture du Centre de soins, l’activité clinique a été très intense. En général, nous consultions et opérions le matin. L’accès des patients à la consultation dentaire passait par un certain filtrage organisé par des personnels Marocains. Nous touchions une frange de la population qui présentait une pathologie ou une traumatologie exacerbée par le manque de soins, par le manque d’hygiène, par la durée d’atteinte pathologique. Concours de recrutement et soutenances de thèses. Nous avons été sollicité pour siéger dans différents concours de recrutement des assistants des Universités. Nous avons tout particulièrement recruté une jeune femme, dans le Département de Chirurgie Buccale. Elle a été notre assistant jusqu’à notre départ, elle est ensuite passée MCU puis Professeur des Universités, il s’agit de Madame le Professeur Waffa EL WADY qui maintenant est la chef de Service de Chirurgie Buccale à RABAT et de qui nous lisons avec plaisir les nombreuses publications. 4 Les jurys de thèse étaient composés de 4 personnes, en général un Professeur Président, deux MCU et un assistant. Il faut remarquer que les étudiants insistaient beaucoup pour avoir un enseignant Français comme Membre du Jury, ils avaient la sensation que cette présence valorisait leur travail. De notre côté, il était très difficile de leur refuser. Ainsi, de 1987 à 1990, personnellement nous avons dirigé, participé ou présidé plus de 150 Jurys de thèse. D’autant plus qu’à la Faculté de CASABLANCA, à cette époque, il n’y avait pas de Professeur diplômé en Odontologie Conservatrice (Soins dentaires) et nous étions souvent sollicité pour aller présider un jury dont le sujet de thèse traitait de cette discipline. Recherche. Lors de notre séjour au MAROC, il était impossible de consacrer du temps à la recherche fondamentale. Par contre, nous avons pu communiquer et publier grâce à une recherche clinique car, comme nous l’avons signalé plus haut, les cas traités étaient intéressants et souvent originaux. Nos travaux ont porté sur plusieurs sujets : Ø sur la transplantation de l’organe dentaire. L’objectif étant de mettre en évidence le comportement du parenchyme pulpaire des dents lorsqu’elles étaient transplantées et nous avons pu mettre en évidence que l’on pouvait obtenir, dans certains cas favorables une régénérescence du tissus nerveux de la pulpe. Ce travail a fait l’objet, sous la Direction de notre regretté Maître, le Professer GRIGNON du sujet de notre thèse de troisième cycle en Odontologie et intitulé : Etude du comportement du Parenchyme pulpaire lors des transplantations de l’organe dentaire. Ø Nous avons pu, en collaboration, publier à propos de cas de pathologie rarement rencontrés en France : NOMA, un cas familial de neurofibromatose. Dents surnuméraires en 9ème et 10ème position, etc. Ø Nous avons profité de cette période pour colliger nos notes accumulées avant notre départ et ainsi publier, en collaboration, avec un Collègue Marocain Professeur à la Faculté de Médecine de RABAT et une de nos Assistantes dont nous avions été Directeur de thèse, un ouvrage de 128 pages, illustré et intitulé : "LE MEDECIN DENTISTE FACE A UN MALADE CARDIAQUE" Mémento à l'usage du praticien en odontostomatologie 5 Ce travail, était destiné à permettre à un praticien de retrouver facilement l’anatomie pathologique des grandes pathologies cardiaques et surtout de donner des recommandations pour le traitement, en qualité de chirurgien dentiste, des patients atteints de ces maladies, et ce, en fonction de chacune. Ø En 1989, nous avons organisé une semaine de congrès pour Les Journées Franco-Marocaines d’Odontologie Quelques 50 confrères de NANCY et autant de Marocains ont participé à ces journées qui avaient été placées sous la Présidence d’Honneur d’André ROSSINOT Maire de NANCY 1990, fin du séjour : A notre demande, après d’insistantes sollicitations de notre Corps d’Origine, le 1er septembre 1990, prend fin notre détachement. Nous sommes de nouveau affecté à la Faculté de Chirurgie Dentaire et au CHU de NANCY, (Responsable de l’Unité Fonctionnelle d’Odontologie de l’Hôpital Jeanne d’Arc. Nous sommes toutefois de nouveau envoyé en mission d’enseignement à RABAT en 1991 et en 1992 afin de terminer le travail commencé. Commentaires personnels sur cette période : La première année de notre séjour a été une année assez difficile car il fallait, se mettre à jour dans notre situation administrative vis-à-vis du Maroc (carte de séjour, immatriculation de la voiture, impôts, banque, etc.) Il faut souvent faire la queue au guichet, qui n’est pas toujours le bon. La situation était la même vis-à-vis de l’administration Française (Consulat) • Accueil et prise en charge par la Mission Culturelle Française près l’Ambassade de France à RABAT. La prise en compte par la mission Culturelle n’est qu’administrative. Il y a peu de contacts sur le plan humain et social pour nous aider à nous intégrer dans un système différent du nôtre. Toutefois étant le Professeur le plus ancien, nous avons été désigné comme interlocuteur privilégié de la Mission Culturelle à laquelle nous devions rendre compte du déroulement général de la mission. • Accueil par la Société Militaire Française Grâce à notre qualité d’Officier de Réserve du Service de Santé des Armées, nous avons été accueilli par le « Milieu Militaire ». C’est d’ailleurs lors d’une de ces manifestations militaire que nous avons eu l’Honneur de recevoir les insignes de Chevalier de l’Ordre National du Mérite en Avril 1987. 6 • Accueil par la Société militaire Marocaine Notre charge d’enseignement à l’école du Service de Santé des Forces Armées Royales nous a ouvert énormément de portes au Maroc où le milieu militaire est très influent. (Notre Doyen était militaire) • Les congés Il était difficile de rentrer en France autrement qu’une année sur deux, pour deux raisons, la première était que la famille profitait de cette période pour venir nous voir et en même temps que nous, visiter le Pays et la deuxième était que nous ne percevions qu’une année sur deux, le remboursement du voyage pour la France basé sur le prix du billet du trajet SETE-TANGER en bateau. • En Conclusion, C’est une expérience exceptionnelle que de participer à la création d’une faculté dentaire et de son centre de soins. Les étudiants Marocains sont très respectueux vis-à-vis des anciens et de leurs Maîtres et à ce titre nous sommes toujours en contact téléphonique et épistolaire avec nos anciens assistants, avec de nombreux étudiants qui ne laisseraient pas passer un 1er janvier sans envoyer leurs vœux. C’est impossible de retourner au Maroc sans se signaler, tellement on se sent attendus. Cette période marocaine nous a apporté beaucoup ; sur le plan humain, sur le plan intellectuel et nous en gardons le meilleur souvenir et surtout nous avons été fier de porter les Couleurs de l’Université Henri Poincaré- NANCY I dans ce beau Pays qu’est le MAROC, et avec lequel la Lorraine a tant d’affinités. 7