INTERVENTION DE L`HONORABLE VITAL KAMERHE, À L

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INTERVENTION DE L`HONORABLE VITAL KAMERHE, À L
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INTERVENTION DE L’HONORABLE VITAL KAMERHE, À L’OCCASION
DU 15ième ANNIVERSAIRE DE LA MONUSCO EN RDC
Excellences, Honorables, Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais, de prime à bord, remercier le Représentant Spécial du
Secrétaire Général des Nations Unies pour avoir bien voulu m’associer à
ce cadre d’échange et de réflexion profonde sur la manière dont la
MONUC devenue MONUSCO accomplit sa mission en RDC, notre pays.
En ma double qualité d’ancien Commissaire Général du Gouvernement
Adjoint chargé des relations avec la MONUC et d’ancien Commissaire
Général du Gouvernement chargé du suivi du processus de paix dans la
région de Grands Lacs, je vais essayer de m’éloigner de tout
développement partisan et me focaliser uniquement sur les faits tels que
je les ai vécus en tant que témoin, et tel que la population congolaise les a
perçus au regard de ses attentes.
C’est ainsi que mon adresse va s’articuler autour de 3 parties, à savoir :
1. L’aperçu historique de la Mission des Nations Unies en RDC ;
2. Les faiblesses de la mission ;
3. Les perspectives d’avenir.
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I. Aperçu historique de la Mission des Nations Unies en RDC
01. A la suite du génocide rwandais de 1994 de triste mémoire, près de
deux millions des réfugiés rwandais, à majorité des hutus, vont se
déverser dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, à l’Est de
la RDC.
02. Ces réfugiés parmi lesquels les ex Forces Armées Rwandaises
(FAR), l'armée de l'ancien président Habyarimana, étaient venus
sous l'encadrement des militaires français à travers l'opération
Turquoise entérinée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
03. Sous les yeux de la communauté internationale, ces militaires parmi
lesquels les responsables du génocide au Rwanda ont traversé avec
armes, minutions et argent, alors que l'ONU avait toute la possibilité
de les désarmer avant leur entrée sur le territoire congolais. Bien
plus encore les Nations Unies sous l’autorité desquelles étaient
placées ces hommes en armes, les ont regardés s’adonner aux
entraînements militaires et commerce des armes dans les camps
des réfugiés d’où ils partaient pour faire des incursions au Rwanda,
leur pays d’origine.
04. Pour éloigner cette menace que représentaient ces ex-FAR
Interahamwe vis-à-vis de Kigali, il fut décidé, à l'issue d'une tripartite
Zaïre-Rwanda et HCR, de leur déplacement à au moins 150 km des
frontières à l'intérieur du Congo. Alors que les sites d'accueil avaient
déjà été indiqués, l’ONU prétextant le manque des moyens pour
maintenir ces réfugies, civils et militaires confondus, sur place à un
jet de pierre de leur pays d'origine.
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05. Avec certainement la conscience chargée de n’avoir pas empêché
cette tragédie, la communauté internationale s’est montrée très
laxiste vis-à-vis du pouvoir de Kigali auquel elle n’ose pas imposer
les mêmes exigences d’ouverture démocratique tel que cela a été
fait au Congo et au Burundi où des dialogues internes ont été
sollicités et obtenus et continuent d’être sollicités.
06. Et Mzee Laurent Désiré Kabila, qui a décidé d’en finir avec le
régime de Mobutu, avait minimisé les vraies intentions de ses alliés
rwandais et ougandais qui, au delà du soutien lui apporté, visaient
en réalité le contrôle du Zaïre et de ses immenses richesses ainsi
que l’éradication de leurs groupes armés sur le territoire congolais.
Une guerre avec deux agendas.
Ces deux pays voisins du Congo à l’Est sont devenus des
exportateurs des minerais dont ils ne disposent pas des gisements
significatifs sur leurs territoires. Et même les multinationales, et pas
des moindres, sont citées dans tous les rapports des experts
comme étant les relais intéressés par ce commerce des minerais du
sang, particulièrement le coltan. Une économie du chaos s’est donc
installée sous l’impuissance de Nations Unies qui ont bien identifié
les acteurs étatiques et privés concernés, et aussi
sous l’œil
complaisant de certaines puissances occidentales qui ont pourtant,
les moyens d’appliquer des sanctions pour mettre fin à ce cycle de
violence lié à ce commerce qui entretient la guerre et les groupes
armés.
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07. Le 27 juillet 1998, Mzee Laurent Désiré Kabila, Président de la RDC
de l’époque, visiblement excédé par le comportement de ses alliés,
et sous la pression de la population, a pris la décision de mettre fin
à la coopération militaire entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda.
Cinq jours après, soit le 2 août 1998, s’est déclenchée ce qu’il
convient de qualifier de guerre d’agression que la Communauté
internationale dans son hypocrisie qualifiait de guerre interne entre
congolais, donc une rébellion.
08. Malgré l’évidence de la présence des troupes rwandaises et
ougandaises sur le territoire congolais, le Conseil de Sécurité suite
au veto de certaines puissances, membres permanents, se refusa
de nommer les pays agresseurs. Et se contenta des concepts
vagues des forces invitées et des forces non invitées dans sa
Résolution 1234.
09. Après de laborieuses et âpres discussions, l’Accord de Lusaka fut
signé le 10 Juillet 1999 par les Etats impliqués dans la guerre en
RDC et respectivement, le 30 et 31 Juillet 1999 par le Mouvement
de Libération du Congo (MLC) et le Rassemblement Congolais pour
la Démocratie (RCD), deux mouvements de rébellion alliés à
l’Ouganda et au Rwanda.
Malgré la signature de cet accord, les offensives militaires se sont
poursuivies sur terrain et la guerre a continué à faire des ravages
sur le plan humain, humanitaire et social.
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10. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui s’est rendu à
l’évidence d’un côté, de la menace de la souveraineté, de l’intégrité
territoriale et de l’indépendance politique de la République
Démocratique du Congo ainsi que de tous les Etats de la Région
des Grands Lacs et de l’autre, de l’exploitation illégale des
ressources de la RDC et de ses conséquences sur la sécurité et la
poursuite des hostilités, a décidé de l’envoi des casques blues
regroupés au sein de la MONUC, pour une mission d’observation
de paix entre les différents groupes armés, à travers sa
Résolution 1279 du 30 novembre 1999.
La MONUC avait pour mandat notamment :
- de surveiller l’application de l’accord de cessez-le-feu et
d’enquêter sur ses violations ;
- d’établir et de maintenir en permanence une liaison sur le terrain
avec les quartiers généraux des forces militaires de toutes les
parties ;
- d’élaborer un plan d’action pour l’application de l’accord de
cessez-le-feu dans son ensemble par tous les intéressés ;
- de collaborer avec toutes les parties pour obtenir la libération de
tous les prisonniers de guerre et de tous les militaires capturés ;
- de
superviser
et
de
vérifier
le
redéploiement des forces des parties ;
désengagement
et
le
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- de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et de veiller au
respect des droits de l’homme en prêtant une attention
particulière aux groupes vulnérables les femmes, les enfants,
etc.
11.Et, le 4 mai 2000, l’accord concernant le Statut de la mission de
l’organisation
des
Nations
Unies
(SOFA)
en
RDC
entre
l’Organisation des Nations Unies, représentée par Monsieur Kamel
Morjane, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies et la République Démocratique du Congo, représenté par le
Ministre d’Etat, Monsieur Yerodia Abdoulaye, fut signé.
12. Pour permettre l’application de l’accord de Lusaka, le plan de
désengagement des forces fut signé à Kampala le 8 avril 2000. Ce
plan prévoyait le redéploiement en arrière de 15 Kilomètres dans les
zones de combat où les forces étaient en contact de manière à
créer un couloir de 30 Km pour le déploiement des observateurs
des Nations Unies, l’objectif étant de positionner ces forces dans
des positions d’empêcher la reprise des hostilités.
13. Il a fallu attendre le 16 mai 2000, date à laquelle les armées
régulières du Rwanda et de l’Ouganda, sous le commandement de
leurs Chefs d’Etat Major respectifs, James Kabarebe et James
Kazini, s’affrontent à l’arme lourde dans la ville martyre de
Kisangani,
causant
des
dégâts
humains
et
matériels
incommensurables pour que le masque tombe. On a assisté à une
guerre en règle entre deux Etats sur le territoire d’un Etat tiers,
sans que ce dernier n’en connaisse la raison. D’où la Résolution
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1304 du Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant aux
deux armées de se retirer immédiatement du territoire congolais.
14. Finalement, la Communauté internationale n’avait plus de choix
que de citer, pour la première fois, le Rwanda et l’Ouganda comme
pays agresseurs de la RDC, alors que pendant longtemps la thèse
faussement soutenue était celle d’un conflit interne à la RDC.
15. Dans les soucis de rendre le processus de paix de Lusaka
irréversible, le Président Thabo Mbeki de l’Afrique du Sud initia en
dates du 14 octobre et du 27 Novembre 2000, le processus de
Maputo réunissant autour de lui uniquement les Etats impliqués
dans la guerre, à l’exception des mouvements de rébellion.
16.Au moment d’adopter le plan de démantèlement des ex-FAR
Interahamwe et du retrait des troupes rwandaises, l’Ouganda ayant
accepté de se retirer volontairement, le Président Laurent Désiré
Kabila excédé, va qualifier les Présidents Kagame et Museveni de
chefs des Interahamwe. Et de rappeler que les Interahamwe
n’étaient pas congolais et que personne ne les avait invités sur le
territoire congolais. Grand incident diplomatique, le sommet se
termina en queue de poisson.
17.Après cet échec de Maputo, la RDC devait choisir entre l’option
militaire avec une offensive sur Pweto et l’issue diplomatique. Mzee
Laurent Désiré Kabila opta pour les deux. C’est ainsi que le 03
décembre 2000, les forces armées subirent un lourd revers à Pweto.
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18.C’est la signature, en date du 3 décembre 2000, des sous plans de
désengagement de Harare entre les délégations de la RDC, du
Rwanda, de l’Ouganda, du RCD et du MLC qui va faciliter l’adoption
par le Conseil de Sécurité, en date du 14 décembre 2000, de la
résolution 1341 rendue publique le 22 février 2001, prévoyant le
déploiement des observateurs de la MONUC dans les zones
désengagées (Lisala, Boende, Kabinda et Kabalo). C’est le point de
départ de l’accalmie sur le plan militaire.
19. Sous l’égide des Présidents Mbeki de l’Afrique du Sud et Edouardo
Dos Santos de l’Angola, l’Accord de Pretoria fut signé en juillet
2002 avec le Rwanda et l’Accord de Luanda sur la pacification de
l’Ituri avec l’Ouganda.
20. L’Accord Global Inclusif obtenu grâce à la facilitation de l’ancien
Président Masiré et l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général de
l’ONU, Moustapha Niasse et Namanga Ngongi, Représentant
Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, institua une
transition de 2 ans et 6 mois, renouvelables une fois.
Grâce
à
la
collaboration
du
CIAT
(Comité
International
d’Accompagnement de la Transition) regroupa les 5 permanents
plus la Belgique, l’Angola et l’Afrique du Sud, dirigé des mains de
maître par Monsieur Swing, Représentant Spécial du Secrétaire
Général des Nations Unies, la RDC a connu pour la première fois
les élections générales plus ou moins acceptables après 44 ans.
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21. Il faut, cependant, noter qu’au cours de ce mandat, Nkunda
Batware resté à Goma après la signature de l’Accord Global et
Inclusif, déclencha les hostilités dans un nouveau mouvement
nommé CNDP. Pour mettre fin à cette nouvelle rébellion, un Acte
d’engagement fut signé à Goma, sous les auspices du Représentant
Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Alan
DOS.
22.Après la suppression du CIAT, croyant que les congolais avaient
acquis suffisamment d’expérience et un relâchement de la MONUC
dirigée par Monsieur Roger Meece, Représentant Spécial du
Secrétaire Général des Nations Unies de l’époque, les élections du
28 novembre 2011 furent un chaos, un fiasco qui a engendré une
crise de légitimité et planté le décor d’une autre guerre à l’Est. C’est
le M23.
23. Pour faire face à ce nouveau défi, le Conseil de Sécurité des
Nations Unies, à travers sa Résolution 1925 du 28 mai 2010, a
décidé de changer l’appellation de la MONUC en Mission de
l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC, en
sigle MONUSCO.
Au regard de cette Résolution, la MONUSCO a pour mandat
notamment :
o La stabilisation et la consolidation de la paix ;
o La protection des civils.
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24. Et plus tard, le Secrétaire
Général des Nations Unies initia
l’Accord-cadre d’Addis-Abeba assorti de la Résolution 2098.
Cette situation a conduit le Conseil de sécurité, à travers sa
Résolution 2098 du 28 mars 2013, à renforcer la mission de la
MONUSCO par la création, sans préjudice des principes convenus
du maintien de la paix, d’une brigade d’intervention pour neutraliser
les groupes armés, surveiller la mise en œuvre de l’embargo sur les
armes,
appuyer
les
procédures
judiciaires
nationales
et
internationales.
De même, la reconfiguration de la MONUSCO et de son mandat
seront fonction de l’évolution de la situation sur le terrain.
25. Aujourd’hui, 15 ans, jour pour jour, la présence en RDC de la
mission des Nations Unies en RDC, n’a pas été une parfaite
réussite. L’on a enregistré plus de 7 millions des morts malgré les
différentes Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur
la révision des mandats de la mission des Nations Unies en RDC.
II. Faiblesse de la Mission des Nations Unies en RDC
26. La Résolution 1279 ayant confiée à la MONUC la mission de faire
observer la paix entre les belligérants n’a pas atteint son objectif,
car la MONUC s’était révélée finalement comme spectatrice de la
paix et n’a pas procuré la paix aux congolais. Elle était en cela
limitée par son mandat qui ne cadrait pas avec le défi à relever. Le
peuple ne pouvait pas le comprendre avec raison. Et le
Gouvernement aussi.
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27. L’autre faiblesse de départ et qui a tendance à se renforcer ce jour
est que la MONUSCO et le gouvernement congolais évoluent
comme deux Etats parallèles, alors qu’il devrait eu avoir
collaboration et symbiose. La méfiance entre ces deux institutions
est perceptible et de temps à temps on sent l’instrumentalisation
pour discréditer la mission onusienne, ce qui n’est pas de nature à
favoriser un climat pouvant conduire à des connections nécessaires
pour vaincre les forces du mal. Car, ce n’est pas la course à la
victoire de quiconque qui intéresse les congolais, mais plutôt le
retour d’une paix durable devrait préoccuper toutes les parties.
28.De même, la Résolution 1304 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies qui demanda le retrait sans condition des armées du Rwanda
et de l’Ouganda et la démilitarisation de la ville de Kisangani, ne
changea rien sur le terrain. Les armées du Rwanda et de l’Ouganda
ont poursuivi leur œuvre macabre sur le territoire de la RDC sans
qu’aucune grande puissance ne s’indigne, et sans la moindre
sanction de la part du Conseil de Sécurité en dehors du
communiqué laconique faisant état de sérieuses préoccupations.
Les populations de Kisangani ne pouvaient pas comprendre que les
casques bleus aient été incapables d’imposer la paix dans cette ville
et de la démilitariser.
29. En ce qui concerne la Résolution 2098, la présence de la Brigade
d’intervention au sein de la MONUSCO ne jugule pas l’existence
des groupes armés à l’Est de la République Démocratique du
Congo qui tuent, violent, volent, massacrent, pillent au quotidien les
paisibles congolais qui n’ont guère de culture belliciste.
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Davantage, ces forfaits se commettent aux endroits où on
enregistre une forte présence des casques bleus de la MONUSCO.
C’est qui est paradoxal.
Aussi, le dialogue recommandé dans ce cadre par l’accord d’AddisAbeba sous les auspices de la MONUSCO n’a jamais eu lieu. C’est
qui est un échec. Alors que le point 14b de la Résolution 2098
donne au Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies, Monsieur Martin Kobler, le rôle de bons offices.
30. De même, la MONUSCO ne doit pas se taire devant la remise en
cause par le pouvoir en place de l’indépendance de la justice en
sanctionnant injustement les magistrats qui ont, dans leur mission
de dire le droit, respecter la loi. Elle ne doit non plus se taire quand
la
liberté
d’expression
est
entravée
par
des
fermetures
intempestives et illégales des médias tels que Canal Futur
Télévision depuis le 28 novembre 2011 et tout récemment de la
Radio Télévision Watanshi à Lubumbashi et 5 médias à Beni.
31. C’est ici le lieu d’insister sur le rôle que joue Radio Okapi dans la
réunification du pays, la consolidation de la paix et de la
démocratie, à travers l’accès de toutes les tendances politiques à ce
média. Dès à présent, nous devrions réfléchir sur son avenir après
que la MONUSCO aura totalement rempli sa mission.
La RDC étant encore à l’étape du balbutiement démocratique, nous
suggérons que Radio Okapi soit placée directement sous la tutelle
des Nations Unies, afin de préserver sa neutralité et l’indépendance
de sa ligne éditoriale.
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En résumé, on peut dire que les faiblesses de la MONUC devenue
MONUSCO étaient déjà dans la nature du mandat de départ :
- On veut mettre fin à l’agression par une simple observation et
protection des civils, là où l’on devait faire usage de la force,
conformément au chapitre 7 de la Charte des Nations Unies ;
- On déploie les observateurs le long de ligne de front laissant
penser à un plan de balkanisation, alors qu’il fallait repousser
les agresseurs dans leurs pays et placer un rideau sécuritaire le
long des frontières ;
- On se contente de faire des rapports d’observation là où la
population sont massacrées, forcées au déplacement, violées
impunément alors qu’il fallait traquer les groupes armés et les
forces négatives ;
- On se contente d’obtenir une multitude d’accord et résolutions
sans se donner les moyens de les appliquer ;
- On se focalise sur les élections reléguant au second plan les
autres
résolutions
autres
importantes,
notamment
la
construction de l’armée, la réforme de la justice, les missions de
la commission vérité et réconciliation.
Dans sa configuration actuelle, la MONUSCO est chargée de la
stabilisation et de la consolidation de la paix. Mais on ne voit pas de
grands projets de développement à l’Est, tout comme on ne voit pas après
l’échec de Umoja Wetu, Kimya I, Kimya II et Sokola, un plan réaliste et
volontariste concocté avec les FARDC et l’implication de tous les autres
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acteurs nationaux concernés pour mettre fin aux FDLR, ADF-NALU, FNL
et groupes armés nationaux.
Sur le plan de droit de l’homme, on s’étonne qu’après un bilan macabre de
7 millions des morts et des viols massifs, il n’y ait pas des mandats lancés
contre les auteurs identifiés dans les différents rapports des Experts aussi
bien au Congo, au Rwanda et en Ouganda. Complaisance !
On ne voit pas le soutien de la MONUSCO à l’instauration des cours
spéciales de justice à l’Est.
III. Perspectives d’avenir
32. Néanmoins, le peuple congolais reconnait que sans la présence de
la MONUSCO, la RDC aurait, sans nul doute, disparu en tant que
nation. Elle aurait été déjà balkanisée.
33. D’où la nécessité de redéfinir et de renforcer le mandat de la
mission des Nations Unies en RDC par une nouvelle Résolution du
Conseil de Sécurité des Nations Unies pour confier à la
MONUSCO la mission d’imposition de la paix.
Pour terminer, nous recommandons ce qui suit :
- L’adoption d’une résolution qui devra charger la MONUSCO de
s’impliquer en amont et en aval dans le processus électoral en
cours pour éviter la répétition de l’histoire après 2016 ;
- Cette résolution devra autoriser la MONUSCO d’assister le
gouvernement congolais notamment dans la réforme de
l’armée, de la justice et d’implantation de grands projets ;
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- Renforcer son mandat offensif au-delà d’une simple brigade
pour faire face aux FDLR et autres groupes armés suivant des
plans opérationnels convenus avec les FARDC ;
- Renforcer le mandat pour enrayer les tueries de Beni, du SudKivu et du Nord-Katanga ;
- Déployer les casques bleus en nombre suffisant dans le Nord
Katanga pour assister la population vivant dans ce qu’il convient
d’appeler aujourd’hui le triangle de la mort, Pweto, Mituaba et
Kasenga ;
- créer un organe ou une institution de liaison entre la MONUSCO
et le gouvernement congolais pour une meilleure collaboration
et enrayer ainsi la méfiance et les suspicions inutiles .
Il y a des leçons à tirer :
- Comment expliquer que durant 15 ans, une force impressionnante,
MONUSCO, dotée de plus de 18.000 hommes, du matériel
sophistiqué, de la logistique, du savoir-faire dans les domaines
variés
n’aient
pas
été
en
mesure
d’enrayer
définitivement
l’insécurité ?
- Il y a eu une mauvaise appréciation de la situation et de la menace ;
- Il y a eu complaisance vis-à-vis des gouvernements de Kigali, de
Kinshasa et l’Ouganda ;
- On ne peut pas comprendre que ces différents gouvernements
signent librement des accords qu’ils refusent d’appliquer. Et en cas
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d’échec, c’est la MONUSCO qui est vite désignée comme bouc
émissaire ;
- Que cachent les demandes incessantes de ces gouvernements de
demander le départ de la MONUSCO, alors qu’ils savent très bien
que cela va entrainer la somalisation de l’Est de la RDC, comme
c’est le cas aujourd’hui au Nord du Nigeria avec le phénomène de
Boko haram ?
- Comment exiger le départ de la MONUSCO avant la construction
d’une
armée
véritablement
républicaine
quand
le
rapport
parlementaire démontre des indices de complicité interne dans les
tueries de Beni et quand on sait que les FARDC est une armée
hétéroclite et sérieusement infiltrée ?
- Comment expliquer que tous les valeureux officiers finissent par
mourir des maladies ou assassinats ? Simple coïncidence ou une
planification macabre ( Mamadou Ndala, Bahuma, Mbudja Mabe, …)
et que les seigneurs de guerre sont gratifiés des grades de
Généraux avec plusieurs étoiles ?
- Devons-nous continuer à offrir une prime aux rebelles à travers les
nominations dans l’armée et les institutions de la République ? Ce
qui va naturellement inciter d’autres à se rebeller et la spirale va
continuer.
De ce qui précède, à mon humble avis, la MONUSCO devrait rester et
son départ devrait se faire parallèlement à la formation de l’armée qui
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devra réellement occuper les zones libérées et de l’instauration de
l’autorité de l’Etat.
- En ce qui concerne les FDLR, la plus grande menace, suivi des
ADF-NALU, LRA et FNL, une chose à la fois. Il faut élaborer et
convenir d’un plan inscrit dans le temps et dans l’espace où le
Rwanda jouera aussi son rôle d’accueillir ses compatriotes non
génocidaires ;
- Lancer un dernier ultimatum pour le désarmement volontaire et en
suite faire usage de la force. Il n’est pas question de continuer à
transformer la RDC en un dépotoir des forces du mal. Les FDLR
doivent rentrer au Rwanda ou ailleurs pour que les congolais vivent
en paix ;
- S’agissant des groupes armés nationaux, il faudrait les orienter dans
les centres de formation professionnelle où ils suivront la formation
des mécaniciens, menuisier, agriculteurs, coutumiers, maçons, ….
Pour enlever la kalachnikov de leurs mains et y placer un outil de
développement pour transformer ces derniers en agents de
développement. Ils ne sont pas à confondre avec les FDLR. Ils
avaient été créés par le gouvernement, qui est donc à mesure de les
démanteler.
Pour conclure, comme je l’ai démontré ci-haut, le processus de paix en
RDC évolue en dents de scie.
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Quand on fait un bon en avant qui suscite des espoirs, très vite le peuple
déchante avec la naissance de nouvelles rébellions ressemblant à une
génération spontanée.
Aujourd’hui, encore une fois, nous sommes à la croisée des chemins,
c’est-à-dire, à la veille des échéances électorales importantes, qui devront
conduire à l’alternance pacifique du pouvoir, nous devons tirer les leçons
des erreurs du passé, tirer les leçons des événements récents de BurkinaFaso et demander au Conseil de Sécurité de doter la MONUSCO d’un
organe lui permettant de s’impliquer dans le processus de préparation des
élections et de leurs organisation ainsi que la gestion des résultats, en
étroite
collaboration
avec
la
Commission
Electorale
Nationale
Indépendante, l’objectif étant d’avoir les élections apaisées . Nous invitons
la MONUSCO à s’impliquer dans l’initiative rassemblant toutes les parties
concernées pour voir, dès à présent, comment éviter le printemps
burkinabé en RDC. Les signaux que donne le pouvoir, notamment avec la
création de l’Office National d’Identification de la Population, ONIP, doit
nous interpeller tous, la MONUSCO y compris, sur la volonté affichée
d’appliquer la stratégie de glissement de calendrier électoral au-delà de 19
décembre 2016. Ce que le peuple, les forces vives et les forces politiques
sont déterminés à refuser en faisant usage de l’article 64 de la
Constitution.
Ne dit-on pas, il ne sert à rien de courir derrière les événements.
Gouverner c’est prévoir !
Je vous remercie.
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Fait à Kinshasa, le 05 décembre 2014
Vital KAMERHE
Président de l’UNC,
Ancien Commissaire Général du Gouvernement
chargé du suivi du processus de paix
Ancien Président de l’Assemblée nationale

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