1989 - Accueil

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1989 - Accueil
*Titre : *Journal de l'année (Paris. 1967)
*Titre : *Journal de l'année
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Date d'édition : *1967-2004
*Type : *texte,publication en série imprimée
*Langue : * Français
*Format : *application/pdf
*Identifiant : * ark:/12148/cb34382722t/date </ark:/12148/cb34382722t/date>
*Identifiant : *ISSN 04494733
*Source : *Larousse, 2012-129536
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34382722t
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1990 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique a été spécialement recomposée par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF pour la bibliothèque numérique Gallica.
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CHRONOLOGIE
1989
Janvier
Dimanche 1er
FRANCE
Commémoration.
L’ouverture des festivités du Bicentenaire de
la Révolution française est célébrée dans les
98 chefs-lieux de département de France et
d’outre-mer par l’envol de mongolfières.
Immigration.
Le ministère de l’Intérieur annonce quatre
circulaires destinées à « corriger » la « loi
Pasqua » du 9 septembre 1986 relative aux
conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
CANADA ! ÉTATS!UNIS
Relations économiques.
Entrée en vigueur du traité de libre-échange
prévoyant la suppression totale en dix ans
des barrières tarifaires entre les deux pays.
Lundi 2
BELGIQUE
Vie politique.
Le départ du maire francophone de la commune flamande des Fourons supprime l’une
des causes de crise institutionnelle du pays
devenu, le 1er, un État fédéral.
Mercredi 4
MÉDITERRANÉE
Incident militaire.
Au large des côtes de la Libye, deux F-14
américains appartenant au porte-avions
« USS-John-F.-Kennedy » abattent deux
Mig-23 libyens, dont le comportement était
jugé hostile. Le 11, la tension retombe entre
les deux pays qui s’accordent à considérer
que « l’incident est clos ».
SAHARA OCCIDENTAL
Conflit.
À Marrakech, le roi Hassan II reçoit pour
la première fois une délégation officielle du
Front Polisario.
Jeudi 5
FRANCE
Affaires.
M. Pierre Bérégovoy évoque publiquement
et avec « sérénité » les rumeurs de délits
d’initiés portant sur l’opération de rachat, en
novembre 1988, d’American National Can
(ANC) par Pechiney. Le 14 décembre 1988,
la Commission des opérations de Bourse
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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(COB) avait ouvert une enquête à ce sujet
après avoir été prévenue par la SEC, son
homologue américaine, de l’achat massif
d’actions Triangle, la société mère d’ANC,
avant la date du rachat (20, 23 et 31).
Vendredi 6
FRANCE
Faits divers.
Un groupe de jeunes royalistes perturbe le
récital de chansons révolutionnaires d’Hélène Delavault au théâtre des Bouffes-duNord et bouscule la cantatrice. Trois suspects sont inculpés le 13.
INDE
Troubles.
Les deux militants sikhs reconnus coupables du meurtre, le 31 décembre 1981,
du Premier ministre Indira Gandhi sont
pendus. Les jours suivants, en représailles,
les séparatistes sikhs assassinent plusieurs
hindous au Pendjab.
Samedi 7
La conférence internationale sur les armes
chimiques, annoncée par le président Reagan le 26 septembre 1988 à la tribune de
l’ONU, se tient à Paris jusqu’au 11 en présence des délégations de 149 États. Le 8,
M. Édouard Chevardnadze annonce que
l’URSS commencera à détruire ses stocks
avant la fin de l’année. Le document final
appelle à la rapide conclusion à Genève
d’une convention interdisant la fabrication,
l’usage et le stockage de ce type d’armes
(11).
URSS
Art.
Pour la première fois depuis soixante ans,
le pouvoir autorise l’exposition à Moscou
de deux cents oeuvres du peintre Kazimir
Malevitch (1878-1935), pionnier de l’art
abstrait.
JAPON
Mort d’un symbole
Le plus ancien souverain du monde s’éteint le
7 janvier à Tokyo après 62 ans de règne. Hirohito, empereur du Japon, meurt des suites d’un
cancer au duodénum, au terme de plus de trois
mois d’agonie. Il avait 87 ans. L’heure est venue
pour lui, selon la tradition, de prendre le nom
de son règne, Showa. Ce n’est pas sa première
transformation : en 1946, le descendant d’Amaterasu, déesse du Soleil, était devenu un monarque
constitutionnel et le demi-dieu, un simple mortel.
Cette mutation de l’institution impériale est à
l’image de celle du Japon lui-même, dont le règne
de Hirohito constitue une étape charnière de
l’histoire. Celui-ci parvenait en effet à être à la fois
le petit-fils de l’empereur Meiji, qui fit passer sans
transition le pays du Moyen Âge au XXe siècle, et
le père du prince Akihito, qui est le premier à être
sorti du palais impérial pour fréquenter l’université et épouser une roturière. Entre l’impérialisme
militariste d’hier et l’impérialisme économique
d’aujourd’hui, c’est lui qui aura connu l’humiliation de la première et seule défaite de son pays
et subi le jugement de l’histoire. Certains le considèrent comme un criminel de guerre, d’autres le
jugent héroïque d’avoir su imposer la capitulation
à son état-major belliciste. Le processus de démocratisation instauré par les Américains dans l’empire du Milieu l’obligea à renoncer à ses origines
divines. Les Japonais purent enfin le regarder et
certains, même, lui serrer la main. La Constitution
de 1946 réduisit son rôle à celui de simple « symbole de l’unité nationale ».
Ce symbole sera désormais incarné par le prince
héritier Akihito, né en 1933, qui succède immédiatement à son père. Lors d’une cérémonie, le
grand chambellan lui remet solennellement les
sceaux impériaux ainsi que les attributs de sa souveraineté. Mais c’est le gouvernement qui choisit de nommer la nouvelle ère « Heisei », ce qui
signifie « accomplissement de la paix à l’intérieur
comme au dehors ».
L’ambiguïté demeure donc et les questions resurgissent depuis plusieurs années. Le shinto,
culte national d’un État laïque ? Et l’empereur,
représentant de la nation à l’« existence sacrée » ?
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CHRONOLOGIE
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L’intégration des rites shinto aux funérailles nationales de l’empereur, qui se déroulent le 24 février,
laisse à réfléchir.
Dimanche 8
GRANDE!BRETAGNE
Catastrophe aérienne.
Un Boeing-737de la compagnie British
Midlands Airways, qui assurait la liaison
Londres-Belfast, s’écrase non loin de l’aéroport d’East-Midlands. Le bilan de cet accident, qui pourrait être dû à une inversion
des circuits de détection d’incendie, est de
44 morts et 82 rescapés.
Lundi 9
AFGHANISTAN
Conflit.
Les négociations entre les Soviétiques et les
représentants de la résistance sont rompues. Les jours suivants, l’URSS reprend le
retrait de ses troupes du pays (27).
Mardi 10
FRANCE
Faits divers.
Les cadavres des « disparus de Fontainebleau » sont retrouvés dans la forêt, non
loin de l’endroit où l’on avait perdu leurs
traces, le 31 octobre 1988. Gilles Naudet,
Anne-Sophie Vandamme et leur chien ont
été tués par balles.
Sociétés.
Le constructeur de chaudières nucléaires
Framatome annonce la réussite de son OPA
amicale sur la firme américaine Burndy,
spécialisée dans la fabrication de connecteurs électriques et électroniques. La prise
de contrôle de la société française Souriau,
le 26, lui permet de devenir le deuxième
fabricant mondial de ce secteur derrière
l’américain AMP.
Énergie nucléaire.
Le gouvernement autorise le redémarrage
provisoire du surgénérateur Superphénix
de Creys-Malville (Isère). La centrale était
arrêtée depuis le 26 mai 1987 à la suite
d’une défaillance technique.
Mercredi 11
RFA
Armes chimiques.
Le gouvernement reconnaît la participation
de firmes ouest-allemandes à la construction de l’usine chimique libyenne de Rabta.
En décembre 1988, les Américains avaient
affirmé que cette usine produisait des gaz
de combat (7).
Jeudi 12
FRANCE
Partis politiques.
Le PC et le PS signent un accord en vue de
la présentation de listes communes lors des
prochaines élections municipales. L’UDF
et le RPR avaient fait de même le 5. Toutefois, plusieurs « primaires » sont organisées
localement, à gauche comme à droite.
Relations économiques
v. Algérie
URSS
Nationalités.
Le présidium du Soviet suprême décide de
rattacher provisoirement au pouvoir central l’administration du Haut-Karabakh.
Son statut de région autonome de la République d’Azerbaïdjan est maintenu bien que
ses habitants, à 75 % arméniens, réclament
depuis onze mois son rattachement à la
République d’Arménie.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
4
ALGÉRIE
Relations économiques.
Après deux ans et demi de contentieux, Gaz
de France et la Sonatrach signent à Alger
un compromis sur le prix du gaz algérien
acheté par la France. Cet accord intervient
après l’octroi par le gouvernement français,
le 8, d’un crédit de sept milliards de francs
à l’Algérie.
Vendredi 13
FRANCE
Catastrophe.
À Vaujany (Isère), huit techniciens sont
tués dans la chute de la cabine d’un téléphérique géant en cours d’essai.
Sociétés.
M. Bernard Arnault, P-DG de FinancièreAgache, prend la direction de Louis Vuitton
– Moët-Hennessy, numéro un mondial de
l’industrie de luxe. À cette occasion, la COB
décide d’ouvrir une enquête sur les mouvements boursiers suspects ayant abouti, au
début du mois, à l’augmentation de 20 % du
titre et à l’échange de 8 % du capital de la
société.
Politique musicale.
M. Pierre Berge, président de l’Association
des théâtres de l’Opéra de Paris, limoge
Daniel Barenboim, directeur musical de
l’Opéra Bastille. Accusé de s’être éloigné des
objectifs qui lui avaient été fixés, ce dernier
refusait en outre d’accepter la réduction de
ses pouvoirs.
Peinture.
L’exposition de quarante tableaux de Laurent de La Hyre (1606-1656), qui s’ouvre
au Musée des beaux-arts de Grenoble, témoigne de la redécouverte du classicisme
français.
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
Menacé par une OPA, le groupe GEC annonce la fusion de ses secteurs européens
d’électronique médicale, d’électroménager
et de distribution électrique avec son homonyme américain General Electric.
SPORT
Rallye.
Le Finlandais Ari Vatanen remporte le Pa-
ris-Dakar après avoir, le 7, tiré la première
place à pile ou face avec le Belge Jacky Ickx
à la demande de Peugeot, leur écurie commune. Le Français Gilles Lalay, sur Honda,
l’emporte chez les motards.
Samedi 14
FRANCE
Justice.
Un procès anachronique
Un dialogue de sourds pour un verdict sans
alternative possible, c’est en résumé la leçon
du procès des quatre membres d’Action directe
accusés de l’assassinat de Georges Besse, qui
se déroule du 9 au 14 janvier devant la cour
d’assises de Paris, présidée par M. Xavier Versini
et composée pour la circonstance de magistrats
professionnels.
Les faits sont encore dans toutes les mémoires. Le
17 novembre 1986, le P-DG de la Régie Renault,
qui rentre chez lui, est abattu de plusieurs balles
devant son domicile du boulevard Edgar-Quinet
par deux jeunes femmes à visage découvert. Le
21 février 1987, Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron,
Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani sont
arrêtés dans une ferme de Vitry-aux-Loges, où
la police découvre les armes du crime, des lambeaux de la serviette de Georges Besse, les plans
de l’attentat ainsi que les brouillons du texte
de revendication. Envoyé seulement dix jours
plus tôt, celui-ci justifie au nom du « commando
Pierre-Overney », « l’exécution de la brute Besse »,
qui incarnait « la place prépondérante du secteur
public industriel dans la stratégie impérialiste de
concentration économique ». Le ton est donné,
inspiré de la phraséologie gauchiste des années
soixante-dix. Mais, dix-sept ans après le meurtre
de Pierre Overney devant les usines Renault,
l’évocation de son nom pour justifier l’assassinat
de l’actuel P-DG de la Régie paraît totalement
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CHRONOLOGIE
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anachronique. Les accusés le ressentent-ils, qui
affirment durant toute l’instruction n’avoir « rien
à dire » ?
Se réclamant de « la guérilla ouest-européenne
du prolétariat » et se défendant d’être « des citoyens de votre système », les quatre membres
d’Action directe exigent un « procès politique ».
Mais, signe des temps, plus personne aujourd’hui
ne songe à établir de relations entre le degré
d’exploitation de la classe ouvrière et la nostalgie criminelle de quatre illuminés. Les témoins
ne relèvent que la froide détermination des deux
meurtrières qu’ils reconnaissent.
Expulsés de la salle d’audience pour insolence
dès le premier jour du procès, ils n’y réapparaissent qu’une seule fois, le lendemain, pour lire
un discours assommant avant de se retirer définitivement. Ils sont condamnés tous les quatre à
la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une
peine de sûreté de dix-huit ans.
Médecine.
À la maternité de Port-Royal, à Paris, une
jeune femme qui suivait un traitement
contre la stérilité donne naissance à des
sextuplés.
Exposition.
Au Grand Palais, à Paris, s’ouvre la plus
grande rétrospective depuis 1949 des
oeuvres de Paul Gauguin. Celle-ci réunit plus de deux cents oeuvres venues du
monde entier.
Musique.
Le Nouvel Orchestre philharmonique de
Radio-France ouvre l’année consacrée à
Dimitri Chostakovitch en interprétant, sous
la direction de Marek Janowski, la 14e symphonie du compositeur soviétique décédé
en 1975.
BELGIQUE
Relations internationales.
Le gouvernement suspend son aide en
faveur du Zaïre après la décision prise par
ce pays de cesser le remboursement de ses
créances et de dénoncer les traités le liant à
son ancienne puissance coloniale.
Enlèvement.
L’ancien Premier ministre Paul Vanden
Boeynants est enlevé à son domicile de
Bruxelles (13 février).
ZAÏRE
v. Belgique
Dimanche 15
CSCE
La troisième conférence-bilan des accords
d’Helsinki de 1975, qui réunit à Vienne
depuis le mois de novembre 1986 les représentants de trente-cinq pays, adopte par
consensus son document final. Celui-ci
porte principalement sur le renforcement
des droits de l’homme, sujet sur lequel la
Roumanie déclare ne prendre « aucun engagement ». Il prévoit également l’ouverture,
en mars, à Vienne, des négociations entre
les États membres de l’OTAN et du pacte de
Varsovie sur la stabilité conventionnelle en
Europe (NSC).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Troubles.
La police se livre jusqu’au 20 à une sévère
répression et à de nombreuses arrestations
lors des manifestations organisées à la mémoire de l’étudiant martyr Jan Palach.
Lundi 16
ÉTATS!UNIS
Troubles.
Des affrontements dont le bilan s’élève à
deux morts opposent pendant deux jours
la police à certains habitants des quartiers
noirs de Miami.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Mardi 17
FRANCE
Éducation nationale.
M. Lionel Jospin présente en Conseil des
ministres, puis autour d’une « table ronde »,
les grandes lignes du futur projet de loi
d’orientation sur l’enseignement. Le 18, il
expose aux syndicats, qui les critiquent
vivement, ses propositions concernant la
revalorisation de la profession d’enseignant
(27).
ISRAËL
Territoires occupés.
Le ministre de la Défense annonce un renforcement de l’arsenal de répression judiciaire et militaire contre les « lanceurs de
pierres ».
Mercredi 18
CEE
Le Parlement européen vote en faveur du
transfert à Bruxelles de certaines sessions
spéciales de l’Assemblée de Strasbourg
et d’un millier de fonctionnaires basés à
Luxembourg.
FRANCE
Relations internationales
v. Bulgarie
BULGARIE
Relations internationales.
M. François Mitterrand effectue jusqu’au 19
la première visite d’un chef d’État français à
Sofia, où il défend les valeurs de la démocratie occidentale.
POLOGNE
Vie politique.
Le Comité central du parti communiste
(POUP) adopte une résolution prévoyant
le rétablissement progressif et conditionnel
du pluralisme syndical (22).
Jeudi 19
FINANCES MONDIALES
Les taux directeurs des banques centrales
européennes subissent une hausse concertée (de 3,5 % à 4 % en RFA, de 7,75 % à
8,25 % en France) destinée à enrayer l’augmentation du dollar, qui atteint 1,86 DM,
129 yens et 6,38 francs.
FRANCE
Académie française.
Élu le 23 mars 1988 au fauteuil du duc
Louis de Broglie, l’ancien Premier ministre
Michel Debré est reçu sous la Coupole par le
professeur Jean Bernard.
YOUGOSLAVIE
Gouvernement.
M. Ante Markovic, un Croate, est désigné
pour succéder à M. Branko Mikulic qui
avait démissionné de son poste de Premier
ministre le 31 décembre 1988.
ÉTATS!UNIS
Justice.
L’envoi de convocations judiciaires à
250 courtiers révèle au grand jour l’enquête
que menaient depuis deux ans des agents
du FBI infiltrés à la Bourse de commerce
et sur le marché des matières premières de
Chicago ; leurs investigations avaient permis de déceler des fraudes de plusieurs millions de dollars sur les transactions.
Médecine.
Pour la première fois, des manipulations
génétiques de cellules humaines sont officiellement autorisées dans le cadre du traitement d’une forme grave de cancer de la
peau (22 mai).
Vendredi 20
FRANCE
Affaires.
Le directeur de cabinet de M. Pierre Bérégovoy, M. Alain Boublil, démissionne afin
de pouvoir se défendre publiquement
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CHRONOLOGIE
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contre les « rumeurs » dont il fait l’objet
dans le cadre de l’affaire Pechiney (5, 23 et
31).
ÉTATS!UNIS
Vie politique.
Dans son discours d’investiture, le président George Bush déclare vouloir donner
à sa « nation un visage plus aimable et au
monde un aspect plus doux ».
Samedi 21
FRANCE
Cinéma.
Le grand prix du 17e festival du film fantastique d’Avoriaz est décerné à Faux Semblants, réalisé par l’Américain David Cronenberg et interprété par le Britannique
Jeremy Irons.
Dimanche 22
POLOGNE
Vie politique.
Malgré le meurtre, la veille à Varsovie, d’un
prêtre proche de l’opposition, le syndicat
Solidarité accepte l’offre de négociation faite
par le pouvoir sur le principe du pluralisme
syndical (18).
LIBAN
Conflit.
Estimant avoir reçu des « garanties crédibles » pour la sécurité de ses délégués,
le Comité international de la Croix-Rouge
(CIRC) décide de reprendre ses activités
dans le pays, suspendues le 20 décembre
1988.
ÉGYPTE
Archéologie.
La mise au jour de cinq statues datant de
la XVIIIe dynastie, dans la cour d’Aménophis III (1408-1372 av. J.-C.) du temple
de Louxor, constitue la plus importante
découverte égyptologique des dix dernières
années.
Lundi 23
FRANCE
Justice.
Inculpé le 27 octobre 1987 de forfaiture sur
plainte de Radio-Larsen, M. Michel Droit
bénéficie d’une ordonnance de non-lieu
délivrée par le juge rennais chargé de l’instruction du dossier après le dessaisissement
du juge parisien Claude Grellier.
Bourse.
L’Élysée dément les informations du Monde
daté des 22-23 selon lesquelles un rapport
des renseignements généraux sur l’affaire
Pechiney mettant en cause l’homme d’affaires Roger-Patrice Pelat, ami personnel
de M. François Mitterrand, aurait été remis
à ce dernier (5, 20 et 31).
ESPAGNE
Dali entre au musée
« L’issue du chef-d’oeuvre, si Dali y parvenait, serait la mort », écrivait le peintre catalan. Ce 23 janvier, à 10 h 13, les aiguilles de toutes les « montres
molles » s’arrêtent. Très diminué depuis plusieurs
années, Salvador Dali meurt à l’hôpital de Figueras à l’âge de 84 ans. En fait de chef-d’oeuvre,
sa légende avait depuis longtemps détrôné sa
peinture.
Gardera-t-on de lui l’image de l’ancien élève de
l’Académie des beaux-arts de Madrid séduit par le
surréalisme et adopté par André Breton, qui produit, du Jeu lugubre de 1929 à la Prémonition de la
guerre civile de 1936, ses plus beaux tableaux au
contact de son égérie Gala ? Ou bien celle du mégalomane « fou du chocolat Lanvin » que le même
Breton baptise dès 1940 de l’anagramme « Avida
Dollars » lorsque, abandonnant la bohème de
Montparnasse, il se lance sur le marché de Walt
Disney en brisant avec une baignoire la vitrine
d’un grand magasin new-yorkais ? Dali est tout
cela à la fois, ou plutôt tour à tour. Sa peinture de
facture académique, inspirée par Millet, Ernst ou
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Arcimboldo, où se mêlent baroquisme, onirisme
et symbolisme, par la suite dopée d’effets empruntés à l’holographie et à la chimie nucléaire,
est bientôt dévoyée par une abondante production de lithographies à l’authenticité douteuse.
Son militantisme surréaliste se transforme peu
à peu en gesticulation mondaine et en exhibitionnisme médiatique. Son amitié pour Federico
Garcia Lorca laisse place à une admiration inconditionnelle pour le général Franco. Sa méthode
« paranoïaque-critique » s’efface peu à peu
devant une théorie économique et publicitaire
autrement plus rentable. Les poils de sa moustache encaustiquée au « sperme de crapaud » deviennent plus célèbres que ceux de ses pinceaux.
Accoucheur parmi d’autres de l’esprit du siècle,
Dali se laisse prendre au piège de sa proche création. À force de vouloir ériger de son vivant la folie
en classicisme, le « Divin » en devient « vieux jeu ».
Nulle folie dans ses obsèques qui ont lieu le
25 janvier dans le musée mausolée de Figueras, où il avait choisi de reposer. Nulle surprise
à l’ouverture de son testament, qui apprend à
l’entourage avide de ses héritiers potentiels qu’il
lègue toute sa fortune, estimée à 10 milliards de
pesetas, soit 552,5 millions de francs environ, à
l’État espagnol. Installé depuis longtemps dans la
légende, Dali est à présent définitivement entré
au musée, momifié dans son cercueil.
GRÈCE
Terrorisme.
Le procureur Anastassios Vernardos est
assassiné à Athènes par un commando
d’extrême gauche. Les 11 et 18, deux autres
magistrats avaient été grièvement blessés
dans des circonstances similaires.
ARGENTINE
Troubles.
Trente-sept personnes sont tuées au cours
de l’attaque, par un commando de guérilleros d’extrême gauche, de la caserne
de La Tablada, dans la banlieue ouest de
Buenos-Aires.
Mardi 24
FRANCE
Conflits sociaux.
Les mécaniciens d’entretien d’Air France
reprennent le travail après trois mois d’un
conflit qui a coûté plus de 350 millions de
francs à la compagnie.
Audiovisuel.
Le président de la République désigne
M. Jacques Boulet, ancien président de TF1,
à la tête du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le 17, le Conseil constitutionnel avait
validé l’essentiel de la loi créant le CSA.
Celui-ci entre en fonctions le 30.
Mercredi 25
FRANCE
Pêche.
Le Premier ministre Michel Rocard tranche
dans le conflit opposant depuis plusieurs
mois les pêcheurs de Saint-Malo à ceux de
Saint-Pierre-et-Miquelon en accordant une
priorité à ces derniers.
URSS
Politique économique.
Tirant les leçons des mauvais résultats
de l’économie soviétique, un des proches
conseillers de M. Mikhaïl Gorbatchev annonce le report de la réforme du système
des prix, clé de voûte de la perestroïka
économique.
ÉTATS!UNIS
Justice.
Le groupe financier Drexel Burnham Lambert est officiellement accusé de six délits
boursiers pour lesquels il accepte de payer
une amende de 650 millions de dollars
(4 milliards de francs environ).
Jeudi 26
OLP
M. Yasser Arafat est reçu officiellement
à Madrid, où, le lendemain, il rencontre
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CHRONOLOGIE
9
les ministres des Affaires étrangères d’Espagne, de Grèce et de France chargés par
la Communauté européenne de promouvoir
l’effort de paix au Proche-Orient.
Vendredi 27
PACTE DE VARSOVIE
Désarmement.
Après l’URSS le 7 décembre 1988 et la RDA
le 23 janvier, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie annoncent à leur tour des réductions de 10 à 15 % de leur budget militaire
respectif.
FRANCE
Éducation nationale.
Plusieurs syndicats d’enseignants de lycées
et de collèges manifestent dans la capitale
contre les projets du ministre, M. Lionel
Jospin (17).
PAYS!BAS
Amnistie.
Deux criminels de guerre nazis détenus
depuis 1946 sont expulsés vers la RFA après
avoir fait l’objet d’une mesure de grâce en
raison de leur âge.
AFGHANISTAN
Conflit.
L’annonce de la fermeture de l’ambassade
américaine à Kaboul entraîne le départ,
les jours suivants, d’autres représentations
diplomatiques occidentales (9).
Samedi 28
FRANCE
Justice.
Trois huissiers lyonnais sont inculpés de
vol, destruction d’indices et faux en écritures publiques. Ils sont accusés d’avoir,
en août 1986, volé de l’argent et détruit des
documents trouvés dans un appartement
ayant servi à des membres d’Action directe.
TIBET
Vie politique.
La mort du panchen-lama, second chef religieux tibétain, prive la Chine de son seul
allié dans cette région.
Dimanche 29
FRANCE
Vie politique.
Bernard Tapie (majorité présidentielle)
remporte l’élection législative partielle organisée dans les Bouches-du-Rhône après
l’invalidation du scrutin de juin 1988 favorable à M. Guy Tessier (UDF).
Justice.
Les auteurs présumés des attentats racistes
dirigés contre des foyers Sonacotra de la
Côte d’Azur sont inculpés et écroués. Il
s’agit d’activistes marginaux proches des
milieux d’extrême droite.
Outre-mer
v. Réunion
RFA
Vie politique.
Les républicains, une formation d’extrême
droite issue d’une scission de la CSU, réussissent une percée électorale en remportant
7,5 % des voix et onze sièges lors du renouvellement du Sénat de Berlin-Ouest.
RÉUNION
Catastrophe naturelle.
Le passage du cyclone tropical « Firinga »
cause la mort de trois personnes et provoque des dégâts évalués à un milliard de
francs.
SPORT
Tennis.
Vainqueur de son compatriote Miloslav
Mecir, le Tchécoslovaque Ivan Lendl remporte pour la première fois les Internationaux d’Australie (6-2, 6-2, 6-2). La veille,
l’Allemande de l’Ouest Steffi Graf l’avait
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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emporté chez les femmes en battant la
Tchécoslovaque Helena Sukova (6-4, 6-4).
Lundi 30
Le prince Alphonse de Bourbon, duc
d’Anjou et de Cadix, chef de la maison
Bourbon, se tue à l’âge de 52 ans dans
cident de ski, à Beaver Creek, dans le
rado (États-Unis). Son fils unique, le
Louis de Bourbon (15 ans), lui succède
tête de la dynastie capétienne.
LIBAN
Conflit.
de
un acColoprince
à la
Après un mois de violents combats, les milices chiites rivales d’Amal et du Hezbollah
signent un accord de cessez-le-feu imposé
par leurs alliés respectifs, la Syrie et l’Iran.
VANUATU
Élection présidentielle.
À la suite de la crise politique ayant abouti,
le 12, à la destitution du président George
Sokomanu, M. Fred Timakata est élu à la
tête de l’État (21 déc. 1988, éd. 1989).
Mardi 31
FRANCE
Justice.
Les trois derniers inculpés dans l’affaire
dite des « espions » de la fusée Ariane bénéficient d’une ordonnance de non-lieu. Cette
affaire, qui remonte au 16 mars 1987, aurait
été, selon leurs avocats, « montée de toutes
pièces par la DST ».
Affaires.
Rendu public, le rapport de la COB concernant l’affaire Pechiney confirme l’existence
d’un délit d’initiés commis en France sans
toutefois en identifier les responsables. Le
dossier est immédiatement transmis à la
justice (5, 20 et 23).
ANTARCTIQUE
Pollution.
Le naufrage d’un navire-ravitailleur argentin, le Bahia Paraiso, transportant
950 000 litres de gazole provoque la première marée noire subie par ce continent.
Le mois de Jean Dausset
Janvier 1989 marque sans doute un tournant
dans l’histoire de la médecine. Le 19 janvier, le
National Institute of Health américain donnait
pour la première fois l’autorisation d’injecter à
l’homme des cellules dont le patrimoine génétique avait été préalablement modifié.
L’expérience consiste à prélever des cellules sur
des malades atteints d’une forme grave et très
évoluée de cancer de la peau (mélanome) et à introduire dans ces cellules un gène conférant une
résistance à un antibiotique. Cette expérience
est un préliminaire à une nouvelle thérapeutique
anticancéreuse : l’injection de cellules « tueuses »
spécifiques spécialement stimulées qui pourront
agir contre les cellules tumorales. On en conçoit
aisément la portée et l’espoir qui s’y attache.
Cette expérience est la première application à
l’homme de la récente et formidable conquête
qu’est la maîtrise de la vie. Encore faut-il être précis et tracer des limites à ce pouvoir.
L’introduction d’un gène dans une cellule du
corps d’un malade est sans doute appelée à un
grand avenir dans le traitement des maladies
génétiques. Sur le plan technique, il y a encore de
grandes difficultés à surmonter. En particulier, le
gène introduit, afin de s’exprimer correctement,
doit trouver sa place normale sur la longue chaîne
qui porte notre code génétique (l’ADN). Cette thérapeutique par le gène ne pose aucun problème
éthique. Il s’agit, en effet, d’une simple « greffe »
sur une cellule non reproductrice du corps d’un
malade. La modification n’est pas héréditaire.
On ne peut en dire autant d’une autre technologie déjà appliquée chez l’animal qui consiste à
introduire un gène dans une cellule reproductrice
car, dans ce cas, il sera transmis aux générations
futures. Le patrimoine génétique de l’humanité
se trouverait ainsi définitivement modifié. Dans
l’état actuel de nos connaissances, il est clair que
cette technologie ne doit en aucun cas être appliquée à l’homme.
Les craintes qu’engendre la génétique moderne
dans le grand public sont dues à une fréquente
confusion entre l’acquisition des connaissances
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CHRONOLOGIE
11
et leur utilisation. L’acquisition des connaissances
a fait de l’homme ce qu’il est, grâce à un savoir
patiemment accumulé. Il n’est donc pas question
de limiter la recherche fondamentale (à condition bien sûr que les méthodes de recherche
respectent la liberté et la dignité de l’homme).
Il faut, en revanche, s’élever avec vigueur contre
toute application néfaste, abusive, dévoyée des
nouvelles connaissances.
C’est pourquoi le Mouvement universel de la responsabilité scientifique (MURS) a pris en 1989
l’initiative de proposera l’ONU l’addition d’un
nouvel article à la Déclaration universelle des
droits de l’homme : « Les connaissances scienti-
fiques ne doivent être utilisées que pour servir la
dignité, l’intégrité et le devenir de l’homme mais
nul ne peut en entraver l’acquisition. »
Enfin, en ce qui concerne la génétique, il serait
hautement souhaitable que l’ONU explicite l’article précédent en énonçant solennellement le
principe suivant : « Le patrimoine génétique de
l’homme, dans l’état actuel de nos connaissances,
ne doit pas être modifié de façon héréditaire. »
JEAN DAUSSET
prix Nobel
président du MURS
(127, BD SAINT-MICHEL, 75005 PARIS)
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
12
Février
Mercredi 1er
EUROPE
Télécommunications.
Début de l’exploitation commerciale du
premier satellite privé européen, Astra. À
terme, celui-ci doit retransmettre douze
chaînes.
FRANCE
Affaires.
La Commission des opérations de Bourse
(COB) ouvre une enquête au sujet de l’offensive boursière qui a permis à M. Georges
Pébereau et à ses alliés d’acquérir en 1988
près de 10 % du capital de la Société générale (23).
Sport.
Paris pose officiellement sa candidature
à l’organisation du Mondial de football de
1998.
HONGRIE ! CORÉE DU SUD
Relations.
La Hongrie est le premier pays communiste
à établir des relations diplomatiques avec la
Corée du Sud.
Jeudi 2
URSS
v. Chine
CHINE
Relations internationales.
M. Édouard Chevardnadze effectue jusqu’au
4 la première visite depuis trente ans d’un
ministre soviétique des Affaires étrangères
à Pékin. Il confirme la venue en mai de
M. Mikhaïl Gorbatchev.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique.
Hospitalisé depuis le 18 janvier à la suite
d’un accident cérébral, le président Pieter
Botha démissionne de la direction du Parti
national. Il est remplacé par M. Frederik
Willem De Klerk, ministre de l’Éducation,
qui devient ainsi le candidat favori à la succession du chef de l’État.
PARAGUAY
Coup d’État.
Après trente-cinq ans de pouvoir, le général Alfredo Stroessner est renversé par son
ancien collaborateur, le général Andres
Rodriguez. Ce dernier promet un retour à
la démocratie et fixe au 1er mai la date de
l’élection présidentielle à laquelle il sera
candidat (1er mai).
Vendredi 3
FRANCE
Relations internationales
v. Inde
INDE
Relations internationales.
À Bombay, au terme d’une visite officielle
de trois jours, M. François Mitterrand préside l’inauguration de l’« année de la France
en Inde », qui donne lieu à de somptueuses
festivités.
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CHRONOLOGIE
13
Samedi 4
FRANCE
Syndicats.
À l’issue d’un congrès confédéral animé,
M. Marc Blondel est élu secrétaire général
de Force ouvrière avec 53,6 % des voix. Le
défenseur d’un « syndicalisme de combat »
l’emporte ainsi sur M. Claude Pitous, tenant
d’un « syndicalisme d’accompagnement »
et favori de M. André Bergeron.
Dimanche 5
FRANCE
Relations internationales
v. Iran
IRAN
Relations internationales.
M. Roland Dumas effectue la première visite d’un ministre français à Téhéran depuis
l’avènement de la République islamique. Le
6, son homologue iranien, M. Ali Akbar
Velayati, accuse la France d’avoir manqué à
sa parole en n’ayant pas relâché le terroriste
libanais Anis Naccache après la libération
des derniers otages français du Liban.
Lundi 6
FRANCE
Conflits sociaux.
Mécontents du rapport Bonnemaison sur la
modernisation du service public pénitentiaire publié le 3, les syndicats des surveillants
de prison appellent leurs adhérents à la
grève. Leur principale revendication porte
sur l’abaissement de l’âge de la retraite. Pendant plusieurs jours, la tension est très vive
entre grévistes et policiers avant de retomber à la fin du mois.
Éducation nationale.
Après les récentes manifestations des enseignants, M. Lionel Jospin accepte de faire
des concessions aux syndicats. Il renonce à
la création d’un corps de professeurs de col-
lège et aligne le recrutement et la carrière
des instituteurs sur ceux des professeurs.
POLOGNE
Pays de l’est
Réformistes et
conservateurs
C’est à l’aune du mouvement de fond qui agite
depuis quelque temps l’Union soviétique que se
mesure aujourd’hui l’avance ou le retard aux pendules de Budapest, de Varsovie ou de Prague. Si
certains événements récents autorisent un relatif optimisme quant à l’évolution politique de la
Hongrie, voire de la Pologne, d’autres laissent en
revanche sceptique quant à celle de la Tchécoslovaquie, tout au moins à court terme.
En Hongrie, le 12 février, un Premier ministre
évoque, pour la première fois en Europe de l’Est,
la possibilité pour le Parti communiste de perdre
des élections ! Le 11, le comité central du PSOH
(PC hongrois) réuni en session plénière a en effet
adopté le principe d’une « transition graduelle »
vers le multipartisme, « dans le respect du socialisme ». Cette réunion était destinée à résoudre la
crise ouverte par l’affirmation récente de M. Imre
Pozsgay, membre réformateur du bureau politique, selon laquelle les événements de 1956
n’étaient pas une « contre-révolution » mais bien
une « insurrection populaire ». Le comité central a ainsi choisi le compromis. Les insurgés de
1956 resteront au purgatoire ; mais un des acquis
de cette période sera réhabilité : il y aura peutêtre bientôt des élections – presque – libres en
Hongrie.
En Pologne, le 16 février, le pouvoir et Solidarité
annoncent qu’ils sont enfin parvenus à un accord
sur les conditions de légalisation du syndicat dissous en 1982. C’est le premier résultat de la « table
ronde » réunie depuis le 6 pour discuter du pluralisme syndical et politique et des réformes économiques. Les conditions de cet accord paraissent
toutefois très sévères. La première porte sur le
respect par l’opposition d’une sorte de contrat
économique et social. M. Lech Walesa a déjà
obtenu des ouvriers polonais qu’ils ne recourent
pas à la grève durant les négociations. La seconde
condition est que l’opposition accepte de cautionner un processus de démocratisation limité
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
14
qui ne lui permettra pas d’obtenir une représenta-
tion supérieure à 40 % au Parlement. En Pologne,
le dialogue existe, mais la liberté est encore pour
après-demain.
En Tchécoslovaquie, le 21 février, le dramaturge signataire de la charte 77 Vaclav Havel est
condamné à neuf mois d’emprisonnement. Il
est accusé d’avoir pris part, le 16 janvier, à une
manifestation interdite à l’occasion du vingtième
anniversaire du sacrifice de l’étudiant Jan Palach.
Pourtant, son pays n’avait-il pas adopté la veille, à
Vienne, le document final de la CSCE (Conférence
sur la sécurité et la coopération en Europe) consacré à la protection des droits de l’homme ?
Le fossé se creuse à l’Est entre réformistes et
conservateurs. Peu avant le procès, l’union officielle des écrivains hongrois avait exprimé son
« inquiétude » à l’ambassadeur tchécoslovaque.
Quatre jours après le verdict, le Premier ministre
polonais assiste symboliquement, à Varsovie, à la
représentation d’une pièce de Vaclav Havel.
ÉTATS!UNIS
Économie.
Le président George Bush présente son
plan de sauvetage des caisses d’épargne,
dont cinq cents sur trois mille sont en difficulté pour des raisons de conjoncture ou de
gestion déficiente ou frauduleuse.
Mardi 7
FRANCE
Environnement.
Après l’entrée en vigueur, le 1er janvier, du
protocole de Montréal sur la protection de
la couche d’ozone, le gouvernement signe
avec des industriels français plusieurs
conventions prévoyant une diminution de
l’utilisation des produits incriminés, CFC
(chlorofluorocarbones) et halons.
ISRAËL
v. États-Unis
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Dans son rapport annuel sur la situation
des droits de l’homme dans le monde, le
secrétariat d’État dénonce la répression menée par Israël dans les territoires occupés.
Mercredi 8
FRANCE
Emploi.
M. Michel Rocard présente en Conseil des
ministres le projet de « crédit-formation »,
qui figurait en bonne place dans la Lettre
à tous les Français du candidat François
Mitterrand. Ce plan devrait permettre à
100 000 personnes dans un premier temps
d’acquérir un diplôme équivalent au niveau
CAP.
AÇORES
Catastrophe aérienne.
Cent quarante-cinq passagers et membres
d’équipage trouvent la mort dans l’accident
d’un Boeing 707 appartenant à une compagnie charter américaine, qui s’écrase sur
une colline de Santa Maria, l’une des îles de
l’archipel.
ALGÉRIE
v. Maroc
MAROC
Relations internationales.
La signature avec l’Algérie d’un accord sur
la construction d’un gazoduc reliant les
deux pays conclut la première visite, entamée le 6, du président Chadli Bendjedid à
Rabat.
Jeudi 9
GRANDE!BRETAGNE
Santé.
La presse divulgue un rapport gouvernemental confidentiel qui fait état du développement à travers tout le pays d’une
épidémie de salmonellose résultant de la
consommation d’oeufs de poules infectées.
Une polémique à ce sujet avait provoqué la
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CHRONOLOGIE
15
démission du secrétaire d’État à la Santé le
16 décembre 1988.
ÉTATS!UNIS
Budget.
Le président George Bush présente au
Congrès son premier projet de loi de finances, qui reprend, bien que de façon
timide, l’essentiel de ses promesses électorales : réduction du déficit budgétaire, gel
des dépenses de défense, mesures sociales
en faveur des plus défavorisés ; le tout sans
impôt nouveau.
JAMAÏQUE
Élections législatives.
Le Parti national populaire (PNP, socialdémocrate) de l’ancien Premier ministre
Michael Manley remporte 45 des 60 sièges
au Parlement. Avec 15 sièges seulement, le
Parti travailliste jamaïcain (JLP, conservateur) est victime des effets de la politique
économique libérale de son chef, le Premier
ministre sortant, Edward Seaga.
Vendredi 10
ÉTATS!UNIS
Partis politiques.
Élu à la tête du Parti démocrate, M. Ronald
Brown est le premier Noir à diriger une
grande formation politique américaine.
Proche du pasteur Jesse Jackson, il incarne
l’aile libérale du parti.
Samedi 11
SPORT
Boxe.
À Grenoble, René Jacquot devient le premier Français champion du monde depuis
près de trente ans en battant aux points
l’Américain Don Curry, tenant du titre des
super-welters (WBC).
Dimanche 12
FRANCE
Vie politique.
Invité de l’émission télévisée 7 sur 7,
M. François Mitterrand évoque les « affaires » politico-boursières pour condamner
l’« argent facile ». Il réaffirme par ailleurs sa
fidélité à l’« union des forces populaires » et
défend le principe d’une « Europe sociale ».
URSS
Relations internationales.
L’inauguration du futur Centre culturel juif
de Moscou constitue un signe supplémentaire du réchauffement entre l’URSS et Israël, bien que les deux pays n’entretiennent
toujours pas de relations diplomatiques.
ISRAËL
v. URSS
SPORT
Ski alpin.
Avec chacune trois médailles d’or, l’Autriche et la Suisse se partagent les premières
places des championnats du monde, qui se
déroulent depuis le 2 à Vail, au Colorado
(États-Unis). Carole Merle obtient la seule
médaille française en se classant deuxième
dans le slalom géant. Sa compatriote Christelle Guignard, arrivée troisième dans la
même épreuve, est disqualifiée peu après
pour dopage.
Voile.
Le plus vieux record de navigation, établi
en 1854 entre New York et San Francisco
via le cap Horn par le clipper Flying Cloud
(89 jours), est battu de 8 jours et 12 heures
par l’Américain Warren Luhrs à bord de
son sloop de 60 pieds (18,28 m), Thursday
Child.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
16
Lundi 13
FRANCE
Musique.
L’exécution de l’intégrale des symphonies et
lieder de Gustav Mahler débute au Théâtre
musical de Paris-Châtelet. Ce cycle réunit
jusqu’au 10 mai onze orchestres internationaux parmi les plus prestigieux.
BELGIQUE
Enlèvement.
L’ancien Premier ministre Paul Vanden
Boeynants, enlevé le 14 janvier, est libéré
contre le versement d’une forte rançon.
L’enquête révèle que « VDB » a été détenu
en France, dans une villa du Touquet. Ses
ravisseurs sont rapidement identifiés et certains d’entre eux, arrêtés.
Mardi 14
FRANCE
Architecture.
Le projet de MM. Jean Nouvel et Jean-Marc
Ibos remporte le concours du Triangle de
la Folie, situé à la Défense. Il s’agit d’une
tour de 400 mètres de haut qui sera érigée à
proximité du CNIT et de la Grande Arche.
IRAN
Islam
Satanés versets !
Le 14 février est un jour sombre pour ceux
espéraient un prochain retour de l’Iran au
concert des nations. Ce jour-là, en effet,
Khomeyni lance un appel à l’exécution d’un
toyen britannique !
qui
sein du
l’imam
ci-
L’origine de l’affaire remonte à septembre 1988,
lorsque paraît à Londres le quatrième roman
de Salman Rushdie, écrivain anglais d’origine
indienne et de culture musulmane. Les Versets
sataniques sont une transposition très libre d’un
épisode connu de l’histoire de l’islam au cours duquel le Prophète, après avoir été mis en difficulté
par le Démon, renonce au culte des idoles pour
suivre la voie du monothéisme. Le livre poursuit
sa carrière normale jusqu’au 5 octobre, date à
laquelle le gouvernement indien décide de l’interdire pour des raisons propres à sa sécurité interne. La véritable campagne de dénigrement est
lancée quelques jours plus tard par des milieux
proches de l’Arabie Saoudite, qui voit là l’occasion
de renforcer sa position de garante d’un islam pur
et dur. Le 14 octobre, à Bradford (G-B), des musulmans intégristes brûlent en public des exemplaires du livre. La plupart des pays islamiques
interdisent sa publication. L’affaire rebondit le
12 février lorsqu’une manifestation contre la sortie des Versets sataniques aux États-Unis cause la
mort de cinq personnes à Islamabad, au Pakistan.
L’imam ne peut laisser son rival le roi d’Arabie
Saoudite, porte-drapeau de l’intégrisme sunnite,
tirer seul le profit de cette agitation. N’est-ce pas
en outre l’occasion pour lui, au lendemain du
dixième anniversaire de la révolution islamique,
de peser sur le conflit qui oppose, à Téhéran,
les « durs », qu’il soutient, aux « pragmatistes »,
favorables au rapprochement avec l’Occident ?
C’est donc aux musulmans du monde entier qu’il
transmet, le 14 février, l’ordre « divin » d’exécuter l’auteur ainsi que les éditeurs de l’ouvrage
blasphématoire.
En Occident, les intellectuels se mobilisent pour
défendre la liberté d’expression tandis que les
gouvernements s’indignent, tout en regrettant
de voir s’éloigner les perspectives offertes par
l’ouverture du marché iranien. Le 20, les ministres
des Affaires étrangères de la CEE décident de rappeler en consultation leurs ambassadeurs à Téhéran et de suspendre les visites à haut niveau dans
ce pays. L’Iran riposte en adoptant les mêmes
mesures. En Inde et au Pakistan, les violences
meurtrières redoublent. À Paris, après la manifestation qui rassemble dans les rues un millier
d’intégristes le 26, M. Michel Rocard affirme que
« tout nouvel appel au meurtre » sera poursuivi.
Le 28, le Parlement iranien exige la rupture des
relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne
si les Versets sataniques n’y sont pas condamnés
dans un délai d’une semaine. Il ne reste plus qu’à
l’URSS, dont le ministre des Affaires étrangères
revient tout juste de Téhéran, à entrer en jeu en
proposant ses « bons offices ». À Londres, Salman
Rushdie se cache.
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CHRONOLOGIE
17
INDE
Justice.
La Cour suprême condamne la firme
chimique américaine Union Carbide à verser 470 millions de dollars (3 milliards de
francs environ) d’indemnités aux victimes
de la tragédie de Bhopal. La partie civile
réclamait à l’origine 2,4 milliards de dollars. Le bilan de la fuite de gaz toxique
survenue dans une usine de pesticides le
3 décembre 1984 s’élève à ce jour à plus de
3 300 morts.
AMÉRIQUE CENTRALE
Plan de paix.
À l’issue de la conférence des cinq chefs
d’État de la région (Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Salvador),
réunie depuis la veille au Salvador, le président du Nicaragua, M. Daniel Ortega,
s’engage à entamer immédiatement « un
processus de démocratisation et de réconciliation nationale » dans son pays et à
avancer la date des élections générales au
mois de février 1990.
Mercredi 15
FRANCE
Catastrophe.
Dans le centre-ville de Toulon, un immeuble ancien de cinq étages s’effondre à
la suite d’une explosion, causant la mort de
quatorze personnes.
LIBAN
Conflit.
Au terme de deux jours d’affrontements
meurtriers pour le contrôle du secteur
chrétien de la capitale, un cessez-le-feu
est conclu entre l’armée du général Michel
Aoun, par ailleurs Premier ministre de
Beyrouth-Est, et la milice chrétienne des
Forces libanaises de M. Samir Geagea.
AFGHANISTAN
Conflit.
Les troupes soviétiques achèvent leur retrait total du pays à la date prévue par les
accords de Genève du 14 avril 1988.
SRI LANKA
Élections législatives.
Le Parti national unifié (PNU) du président Ranasinghe Premadasa remporte 125
des 225 sièges à pourvoir au Parlement. Le
bilan des violences qui ont marqué la campagne s’élève à plus de 700 morts.
ÉTATS!UNIS
Justice.
L’ancien amant de Rock Hudson obtient
14,5 millions de dollars (90 millions de
francs environ) de dommages et intérêts en
compensation du préjudice subi pour avoir
été tenu dans l’ignorance de l’état de santé
de l’acteur, mort du SIDA en 1985.
Jeudi 16
FRANCE
Justice.
Ami personnel du président de la République, M. Roger-Patrice Pelat est inculpé avec quatre autres personnes dans le
cadre de l’instruction de l’affaire Pechiney.
Il est poursuivi pour recel de délit d’initié
(7 mars).
URSS
Nationalités.
Le Sajudis, mouvement lituanien qui soutient la perestroïka, se prononce en faveur
de l’autodétermination de la république
balte.
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
Le Front démocratique uni (UDF), principale organisation antiapartheid, se désolidarise de Mme Winnie Mandela, l’épouse
du leader noir assigné à résidence. Il désavoue les agissements suspects des adhérents du Mandela Football Club, crée par
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
18
celle-ci, dont deux membres sont inculpés
de meurtre le 21.
Vendredi 17
FRANCE
Justice.
Plusieurs dirigeants de la Société auxiliaire
d’entreprise Rhône-Alpes-Méditerranée
(SORMAE) sont inculpés de faux, usage
de faux et de corruption dans une affaire
de fausses factures impliquant une dizaine
d’élus municipaux. Pour cette dernière raison, la Cour de cassation avait, le 15, annulé tous les actes de procédure effectués
depuis le 2 par le tribunal de Marseille et
fait transférer le dossier à Paris.
MAGHREB
Union économique.
À Marrakech, les chefs d’État qui participent depuis le 15 au deuxième sommet
maghrébin (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) signent le traité créant
l’Union du Maghreb arabe (UMA), organe
de coopération économique.
Samedi 18
AFGHANISTAN
Conflit.
La proclamation de l’état d’urgence annonce un durcissement du régime du président Najibullah. Le 20, le limogeage du
Premier ministre Hassan Sharq, adepte de
la « réconciliation nationale », permet au
Parti populaire démocratique (PPDA),
procommuniste, de renforcer son pouvoir.
Le 23, au Pakistan, l’assemblée des moudjahidins, ou « choura », nomme de son côté le
président et le Premier ministre d’un gouvernement intérimaire de la résistance, qui
ne sont pas reconnus par les partis chiites.
Lundi 20
URSS
v. Proche-Orient
PROCHE!ORIENT
Relations internationales.
Après avoir fait étape en Syrie et en Jordanie, M. Édouard Chevardnadze entame
en Égypte la première visite d’un ministre
soviétique des Affaires étrangères depuis
1974. Le 22, il y rencontre le chef de la diplomatie israélienne, M. Moshe Arens, ainsi
que le leader de l’OLP, M. Yasser Arafat. Il
se rend ensuite en Iraq et en Iran.
Mardi 21
FRANCE
Sociétés.
Le gouvernement annonce une série de
mesures destinées à faciliter l’accès des
personnes handicapées aux transports en
commun.
Pollution.
Le tribunal de Chicago chargé du dossier
de l’Amoco-Cadiz réévalue fortement le
montant prévu des indemnités que devra
verser la société américaine aux victimes de
la marée noire du 16 avril 1978 ainsi qu’à
l’État français. Cette somme, de 645 millions de francs, ne représente toutefois que
la moitié de celle réclamée à l’origine par la
France.
ÉTATS!UNIS
Justice.
La première audience du procès de M. Oliver North, personnage clé de l’affaire de
l’Irangate, se tient à Washington après plusieurs semaines de débats préliminaires
(5 juillet).
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CHRONOLOGIE
19
Mercredi 22
FRANCE
Conseil constitutionnel.
Le président de la République, le président
du Sénat et celui de l’Assemblée nationale
nomment respectivement MM. Maurice
Faure (ministre d’État, ministre de l’Équipement et du Logement), Jean Cabannes
(premier avocat général à la Cour de cassation) et Jacques Robert (professeur de droit
public à l’université Paris II) membres du
Conseil en remplacement de MM. Georges
Vedel, Robert Lecour et Louis Joxe.
Secteur public.
M. Michel Rocard présente en Conseil des
ministres son plan de rénovation du secteur
public. D’une durée de trente mois, celui-ci
prévoit une meilleure formation des responsables, une plus grande mobilité des
agents, un dialogue social élargi, l’adoption
de nouvelles méthodes de travail et un plus
grand souci de l’usager.
Jeudi 23
FRANCE
Société.
Un accord est conclu entre la direction de la
Société générale et les acteurs de l’offensive
boursière menée entre juin et octobre 1988,
avec l’appui de l’État, contre la banque privatisée en 1987 par M. Édouard Balladur.
Le principal assaillant, M. Georges Pébereau, se retire du capital de la banque, qui
est restructuré : avec 6 % des parts, la Caisse
des dépôts devient le principal actionnaire
(1er).
ALGÉRIE
Institutions.
73,43 % des électeurs approuvent par référendum la nouvelle Constitution, qui ne fait
plus allusion au socialisme et reconnaît le
multipartisme.
Vendredi 24
SUISSE
Terrorisme.
La cour pénale fédérale condamne à la
réclusion à vie le Libanais chiite Mohamed
Hariri, auteur en juillet 1987 du détournement d’un avion d’Air Afrique sur l’aéroport de Genève et du meurtre d’un passager
français.
JAPON
Funérailles impériales.
163 délégations nationales comptant de
nombreux chefs d’État ou de gouvernement assistent aux obsèques de l’empereur
Hirohito, décédé le 7 janvier.
HAWAII
Catastrophe aérienne.
Neuf passagers d’un Boeing 747 de United
Airlines sont aspirés dans le vide à la suite
de la perte d’une partie du fuselage de l’appareil quelques minutes après son décollage
d’Honolulu.
ÉTATS!UNIS
Finances.
La Réserve fédérale relève son taux d’es-
compte de 6,5 % à 7 % en raison des signes
de reprise de l’inflation.
Samedi 25
EUROPE
Météo.
Durant deux jours, une violente tempête
sévit sur le sud-ouest de l’Europe, en Méditerranée et dans le golfe de Gascogne. Elle
est la cause du naufrage de deux cargos et
de la mort d’une soixantaine de personnes.
FRANCE
Chasse.
Différentes manifestations réunissent plus
de cent mille chasseurs à Marseille, Périgueux et Rennes. Cette campagne, commencée à Rochefort le 7 janvier et poursuivie à Amiens le 18 février, est dirigée contre
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
20
des directives européennes qui aboutissent à
réduire la durée de la saison de la chasse des
oiseaux migrateurs.
Dimanche 26
URSS
v. Iran
IRAN
Relations internationales.
Poursuivant sa tournée au Moyen-Orient,
le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Édouard Chevardnadze, est reçu
par l’imam Khomeyni, qui exprime la volonté de son pays d’établir de « fortes relations » avec l’URSS.
CHINE
Relations internationales.
La visite à Pékin de M. George Bush est
troublée par le refus des autorités chinoises
de laisser le dissident Fang Lizhi assister au
banquet organisé par l’ambassade américaine, auquel il était invité.
ÉTATS!UNIS
v. Chine
Lundi 27
ÉTHOLOGIE
L’ami des oies
On gardera de lui le souvenir d’un grand
vieillard à barbe blanche suivi d’une procession
d’oies cendrées. Le 27 février, le médecin autrichien Konrad Lorenz s’éteint dans sa retraite d’Altenberg à l’âge de 85 ans.
Docteur en médecine, mais aussi en philosophie
– il obtient en 1941 la chaire de « grand penseur »
de l’université de Königsberg –, Konrad Lorenz est
considéré comme le père de l’éthologie, la science
du comportement des espèces. Il fonde en 1949 à
Altenberg le premier centre de recherche sur le
comportement et crée en 1961 le centre d’éthologie de l’Institut Max-Planck avant de prendre
sa retraite, en 1973. Cette année-là, il reçoit, avec
deux autres zoopsychologues, le prix Nobel de
médecine. Mais ses livres l’avaient rendu célèbre
dès la fin des années soixante, particulièrement le
premier, qui s’intitulait Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons (1968).
La première révolution que Konrad Lorenz ait
introduite dans l’étude du comportement animal consistait simplement à sortir du laboratoire
pour la pratiquer dans la nature. L’observation des
animaux dans leur milieu naturel, qui n’excluait
pas de les apprivoiser, lui avait fait découvrir
l’existence chez eux d’un sens très marqué de la
hiérarchie ainsi que d’une agressivité naturelle
qu’il assimilait à un instinct de survie. Le comportement était d’ailleurs selon lui plus affaire
d’instinct que d’éducation, plus déterminé par la
biologie que par la culture. Sa mise en évidence
du caractère naturel de la hiérarchie et de l’agressivité, sa défense de l’inné par rapport à l’acquis,
son adhésion aux principes du darwinisme le plus
extrême et surtout son extrapolation à l’homme
des observations faites sur les animaux ne manquèrent pas de lui attirer des critiques.
L’uniformité née du mélange des cultures et la
dégradation génétique constituaient pour lui les
principaux dangers menaçant l’humanité avec,
bien sûr, la destruction des milieux naturels du
fait du progrès. Cette dernière préoccupation
l’avait incité à rejoindre les rangs des écologistes.
On pourra regretter que le culte de la nature l’ait
amené à entretenir une certaine confusion entre
écologie, éthologie et sociologie. On l’enviera
néanmoins d’avoir su trouver toutes les réponses
dans l’amour de ses oies.
FRANCE
Conflits sociaux.
Le ministre de la Santé, M. Claude Évin,
et les syndicats de praticiens hospitaliers
parviennent à un accord prévoyant une
revalorisation des carrières et une augmentation du tarif des gardes. Ces concessions
incitent les autres catégories hospitalières à
faire valoir leurs revendications.
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CHRONOLOGIE
21
YOUGOSLAVIE
Nationalités.
Après une semaine de grève observée par la
population d’origine albanaise du Kosovo,
des « mesures d’exception » sont instaurées
dans cette province autonome de la République de Serbie. Le lendemain, une manifestation de soutien à la minorité serbe
rassemble des centaines de milliers de personnes à Belgrade.
Mardi 28
FRANCE
Assurances.
Lors de l’assemblée générale des actionnaires de la Compagnie du Midi, premier
groupe privé français du secteur, M. Claude
Bébéar, favorable au renforcement de l’activité d’assurance de la société, l’emporte sur
le P-DG sortant, M. Bernard Pagézy, partisan de la diversification. P-DG d’AXA,
M. Bébéar était devenu le principal actionnaire du Midi après avoir été appelé, il y
a neuf mois, par M. Pagézy pour contrer
l’assaut du groupe d’assurances italien
Generali.
Culture.
M. Jack Lang, ministre de la Culture, annonce une série de mesures destinées à
consolider l’essor pris par la danse en France
dans les années 80. Celles-ci correspondent
à une augmentation de 30 millions de F du
budget consacré à cet art.
URSS
Nationalités.
À Erevan, des centaines de milliers d’Arméniens défilent dans le calme pour célébrer
le premier anniversaire du pogrom de Soumgaït, en Azerbaïdjan, au cours duquel
plusieurs dizaines d’Arméniens avaient été
massacrés par des Azéris.
ISRAËL
Élections municipales.
Les résultats du scrutin local marquent une
avancée du Likoud, le parti du Premier ministre Itzhak Shamir, au détriment du Parti
travailliste. À Jérusalem, l’électorat arabe
s’abstient massivement à l’appel de la direction unifiée du soulèvement.
VENEZUELA
Troubles.
Le couvre-feu est instauré dans plusieurs
villes du pays après les violentes émeutes
provoquées, depuis la veille, par l’entrée
en vigueur du plan d’austérité décrété par
le chef de l’État. Les affrontements se prolongent jusqu’au 2 mars, entraînant la mort
de plus de 300 personnes.
Le mois
d’André Bergeron
Le 4 février 1989, j’ai donc abandonné le secrétariat général de Force ouvrière. J’assumais cette
responsabilité depuis plus d’un quart de siècle.
J’ai eu beaucoup de chance. En effet, depuis
la guerre, la condition sociale a été considérablement améliorée. Du fait de mes responsabilités syndicales, je crois y avoir modestement
contribué.
Pour moi, tout a commencé à Belfort en 1945, à
la tête du syndicat typographique, puis à l’Union
des syndicats FO du Territoire. Ensuite, j’ai été élu
au bureau de la Confédération Force ouvrière,
pour finalement en devenir, en novembre 1963,
le secrétaire général.
Après avoir imposé, en 1950, le retour à la liberté
de négociation des salaires, dans le cadre des
conventions collectives, et obtenu le salaire minimum, le mouvement syndical a signé les accords
instituant l’assurance chômage et l’indemnisation du chômage partiel, puis, petit à petit, ceux
créant les régimes de retraites complémentaires,
qui ont transformé la condition sociale des personnes âgées. La durée des congés payés a été
allongée. De deux semaines, on est passé à trois,
puis à quatre, pour en arriver aujourd’hui à cinq.
La durée hebdomadaire du travail se situait, dans
les années d’après-guerre, autour de 53 heures.
Elle a été progressivement ramenée à 39. De multiples accords ont été conclus dans les domaines
de la formation professionnelle, de l’emploi, des
rémunérations, etc.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
22
Pour moi, en février 1989, une page – et quelle
page – s’est tournée. En guise d’épilogue à cette
longue histoire, je voudrais rappeler – notamment aux jeunes – que rien de tout cela n’aurait
pu être accompli sans l’action collective. Je voudrais dire que rien n’est définitivement acquis.
Tout doit sans cesse être consolidé et, si possible, amélioré. Mais cela suppose l’engagement
de tous ; c’est-à-dire le contraire de l’illusion du
« chacun pour soi ».
Le combat entre le chômage et le devenir de la
protection sociale collective seront, sans doute,
les aspects essentiels des préoccupations sociales
de ces prochaines années.
Au soir du 4 février, j’ai souhaité que ceux qui ont
désormais en charge le destin de la Confédération préservent l’indépendance du mouvement
à l’égard des partis et des gouvernements. J’ai
souhaité aussi qu’on fasse preuve de tolérance.
L’expérience m’a, en effet, appris que personne
ne détient seul la vérité et que, en tout état de
cause, l’efficacité de l’action syndicale suppose
la cohésion interne, laquelle ne peut résulter
que du compromis entre les positions des uns et
celles des autres. J’ai exprimé le voeu que ceux
qui m’ont succédé ne cèdent jamais à la tentation de la démagogie et par conséquent du mensonge. J’ai souhaité qu’en toutes circonstances,
ils respectent celles et ceux au nom desquels ils
prétendent parler. Cela suppose avant tout qu’on
dise ce qu’on croit être la vérité.
J’ai souhaité enfin que les militants responsables
résistent à la tentation « de la gloriole » et qu’ils
trouvent en eux la force de ne jamais se croire
plus que ce qu’ils sont. En d’autres termes, que
sans cesse ils fassent preuve d’humilité et, comme
le disait mon prédécesseur Robert Bothereau,
« qu’ils ne croient pas à ce qu’ils sont mais à ce
qu’ils font ».
C’est tout cela qui a habité mon esprit durant
« mon mois » de février 1989.
ANDRÉ BERGERON
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CHRONOLOGIE
23
Mars
Mercredi 1er
ÉGLISE CATHOLIQUE
Discipline.
La profession de foi, désormais obligatoire
pour tous ceux qui exercent une fonction
officielle dans l’Église, prévoit l’acceptation
de « définitions irrévocables » se rapportant
à la « loi naturelle », allusion à des textes récents sur la contraception et la bioéthique ;
elle est assortie, en ce qui concerne les théologiens, de la prestation d’un « serment de
fidélité ».
Jeudi 2
CEE
Environnement.
Les douze ministres concernés fixent des
normes plus rigoureuses que celles prévues
par le protocole international de Montréal
sur la protection de la couche d’ozone, entré
en vigueur au début de l’année ; l’objectif est
de réduire d’ici cinq ans d’au moins 85 %
– au lieu de 50 % – le niveau actuel d’utilisation des CFC (chlorofluorocarbones)
(7 février 1989).
FRANCE
Justice.
Devant le tribunal correctionnel de Nanterre s’ouvre le procès du commissaire Yves
Jobic, inculpé de proxénétisme aggravé et
de corruption passive de fonctionnaires.
Son déroulement donne lieu à de très vifs
affrontements entre le juge d’instruction,
M. Jean-Michel Hayat, et la direction de la
police judiciaire (28 avril).
Vendredi 3
RFA
Espionnage.
Une information judiciaire est ouverte par
le parquet de Karlsruhe contre huit pirates
de l’informatique ouest-allemands soupçonnés d’espionnage au profit du KGB. Ils
seraient parvenus à percer les défenses de
plusieurs banques de données occidentales
très sensibles.
Samedi 4
FRANCE
Cinéma.
Camille Claudel, le film de Bruno Nuytten,
triomphe lors de la quatorzième Nuit des
Césars ; il reçoit cinq récompenses. Isabelle
Adjani – son interprète sacrée meilleure
actrice – rend hommage au romancier Salman Rushdie en lisant en public un passage
des Versets sataniques. La Vie est un long
fleuve tranquille d’Étienne Chatilliez obtient quatre Césars, l’Ours de Jean-Jacques
Annaud et le Grand Bleu de Luc Besson,
chacun deux ; Bagdad Café de l’Allemand
Percy Adlon est élu meilleur film étranger
de l’année.
Ventes.
La bibliothèque de Tristan Tzara, l’initiateur du dadaïsme, est dispersée aux enchères salle Drouot, à Paris. Le produit total
de la vente s’élève à près de 15 millions de F,
soit trois fois les estimations.
ÉTATS!UNIS
Sociétés.
Devant les risques d’OPA, Time, géant de la
presse, du livre et de la télévision, et Warner, célèbre société de production de films
et de disques, annoncent leur fusion. Ils dedownloadModeText.vue.download 25 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
24
viennent ainsi le premier groupe mondial
de communication.
Dimanche 5
TIBET
Chine
Le bourbier tibétain
Le 30e anniversaire du soulèvement antichinois
qui avait provoqué la mort de 10 000 Tibétains et
l’exil en Inde de leur chef spirituel, le dalaï-lama,
s’annonçait d’autant plus chaud qu’il correspondait à la première commémoration des émeutes
sanglantes de 1988.
Les autorités chinoises semblent pourtant avoir
été incapables de prévenir l’explosion de violence
qui secoue à nouveau Lhassa à partir du 5 mars.
Les forces de l’ordre paniquées et désorganisées
reculent devant l’assaut de la foule avant de
revenir à la charge en tirant au fusil de guerre.
Des atrocités sont commises de part et d’autre.
« Choc nécessaire », selon le Quotidien du peuple,
la loi martiale est proclamée le 7 après trois jours
d’émeutes qui causent plusieurs dizaines – ou
centaines ? – de morts. Les autorités avoueront
600 victimes depuis les émeutes de septembre
1987, qui viennent s’ajouter au million de morts
estimés de la révolution culturelle. Les jours suivants, les étrangers sont expulsés et la répression
s’abat sur le Tibet coupé du monde.
De toute évidence, les Chinois connaissent mal
et comprennent encore moins bien cette région
autonome « libérée » en 1950 et soumise depuis
à une domination de type colonial. La relative libéralisation de ces dernières années n’y a suscité
qu’un surcroît d’agitation et d’espérance déçue.
Le Tibet reste en effet sous le contrôle des derniers
nostalgiques du maoïsme. La mort, le 28 janvier,
du seul allié de Pékin dans la région, le panchenlama, ajoutée aux crises économique et politique
qui secouent la Chine ne place pas ses dirigeants
en situation d’accepter les concessions du dalaïlama ; ce dernier propose en effet le maintien de
liens organiques avec la Chine, une fois reconnu
le droit du Tibet à l’autodétermination. Et la Chine
se débat aujourd’hui dans un bourbier qui résulte
à la fois du durcissement de sa position et du rejet
croissant chez les Tibétains des appels à la modération et à la non-violence du dalaï-lama.
Mais le plus grand risque, aux yeux du gouvernement chinois, est celui de l’internationalisation
du conflit, qu’il a su jusque-là éviter. N’était-ce
pas pour empêcher toute mise en cause de sa
politique au Tibet que la Chine a choisi d’occuper le siège de vice-président de la Commission
des droits de l’homme de l’ONU ? Aussi est-ce de
façon particulièrement virulente que Pékin fait
connaître au Parlement européen et au Sénat
américain son « indignation extrême » après
l’adoption, le 16, par ces deux instances, de résolutions condamnant la violation des droits de
l’homme au Tibet.
SOUDAN
Vie politique.
Le Premier ministre Sadek el Mahdi se soumet aux exigences de l’armée en acceptant
de former un gouvernement de coalition
nationale, chargé de mettre fin à la guerre
civile. Le 26, celui-ci adopte l’accord de paix
conclu le 16 novembre 1988 entre le parti
unioniste démocratique (PUD) et l’Armée
populaire de libération du Soudan (APLS).
Lundi 6
EST!OUEST
Désarmement.
Les négociations sur la stabilité des forces
classiques en Europe s’ouvrent à Vienne
en présence des représentants des 23 pays
membres de l’OTAN ou du pacte de Varsovie. Ces rencontres sont considérées
comme un test de la nouvelle détente entre
les deux blocs.
Mardi 7
FRANCE
Affaires.
Inculpé de recel de délit d’initié dans l’affaire Pechiney le 16 février, M. Roger-Patrice
Pelat, ami personnel du président François
Mitterrand, meurt à l’hôpital parisien où il
séjournait depuis le 27 janvier. M. Max Théret, principale personnalité visée par le rapdownloadModeText.vue.download 26 sur 509
CHRONOLOGIE
25
port de la COB, avait été inculpé à son tour,
le 3, de délit d’initié, complicité et recel.
GRANDE!BRETAGNE
v. Iran
AFGHANISTAN
Conflit.
Les moudjahidins lancent une vaste offensive contre Djalalabad, la troisième ville du
pays. L’URSS accuse le Pakistan de participer aux côtés de la résistance au siège de
la ville, qui se renforce au cours du mois
(9 janvier et 18 février).
IRAN
Relations internationales.
Une semaine après l’ultimatum adressé à la
Grande-Bretagne, le gouvernement iranien
annonce la rupture des relations diplomatiques avec ce pays.
Mercredi 8
FRANCE
Faits divers.
À Belfort, l’incendie criminel d’un immeuble de meublés cause la mort de quinze
personnes. Son auteur, un jeune marginal
instable, est inculpé le 11.
Bourse.
Le Conseil des ministres approuve le projet
de loi sur la sécurité et la transparence des
marchés financiers, qui prévoit le renforcement des pouvoirs de la Commission des
opérations de Bourse (COB) et un contrôle
accru des offres publiques d’achat (OPA).
Jeudi 9
ONU
Droits de l’homme.
Coparrainée par la Hongrie, une résolution
condamnant les violations des libertés fondamentales en Roumanie est adoptée par la
commission de Genève grâce à l’abstention
de plusieurs pays socialistes, dont l’URSS.
FRANCE
Relations internationales
v. Algérie
ROUMANIE
v. ONU
ALGÉRIE
Relations internationales.
Le président François Mitterrand effectue
une visite de 24 heures à Alger, symbole
du soutien de la France à la politique de
réformes engagée par le président Chadli
Bendjedid.
ETATS!UNIS
L’argent, l’alcool...
et les femmes
La traditionnelle lune de miel entre le nouveau
président et le Congrès est terminée. La politique
de « main tendue » que George Bush entendait
pratiquer à l’égard des démocrates, majoritaires
dans les deux chambres, se voit opposer une
brutale fin de non-recevoir le 9 mars. Ce jour-là,
le Sénat rejette, par 53 voix contre 47, la nomination de M. John Tower au poste de secrétaire à la
Défense. C’est seulement la huitième fois que cela
se produit en deux siècles de gouvernement des
États-Unis.
L’argent, l’alcool et les femmes : tels sont les penchants supposés, et jugés incompatibles avec
ses fonctions pressenties, de M. Tower. Menée
par les démocrates, l’accusation n’hésite pas à
mêler histoires anciennes et rumeurs invérifiables
que l’enquête du FBI ne parvient d’ailleurs pas à
confirmer. Le fait que M. Tower a été dans le passé
le conseiller largement rémunéré de plusieurs
firmes d’armement aurait pu suffire. Le scandale
est plus sûr ! C’est en vain que M. Tower s’abaisse
à faire le serment devant les caméras de télévision
de ne plus boire une goutte d’alcool, de même
qu’il est inutile aux sénateurs républicains de proposer, de façon tout aussi incongrue, de le mettre
à l’épreuve pour six mois. Derrière son candidat
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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au Pentagone, c’est en effet le président qui est
visé.
La cible est atteinte. Déjà accusé d’inaction,
M. George Bush connaît une première et sévère
défaite avant même d’avoir véritablement en-
gagé le combat. Cette manoeuvre se double du
calcul personnel de M. Sam Nunn, puissant président démocrate de la commission des forces
armées du Sénat et « tombeur » de M. Tower.
M. Nunn ne souhaitait pas avoir comme interlocuteur au secrétariat à la Défense un homme qui
l’avait précédé à la tête de la commission et qui en
connaissait donc toutes les ficelles.
Mais, après M. Tower et M. Bush, le Sénat ne
risque-t-il pas d’être à son tour victime de cette
affaire ? En dehors même du recours condamnable à des arguments du type « il n’y a pas de
fumée sans feu » de la part des juristes confirmés
que sont censés être les membres du Sénat, les
débats qui s’y sont déroulés sont loin d’avoir eu
la dignité et la sérénité que l’on aurait pu attendre
en de telles circonstances. La tradition d’équité de
la chambre haute en aura certainement souffert.
Une fois cette défaite infligée au président Bush,
il suffit d’une semaine au Sénat pour confirmer, le
17 mars, la nomination de M. Richard Cheney au
poste de secrétaire à la Défense.
Vendredi 10
IRAN
Exécutions.
À Téhéran et
81 personnes
de drogue et
sont pendues
dans 26 autres villes du pays,
reconnues coupables de trafic
d’autres « pratiques amorales »
en public.
ÉTATS!UNIS
Dette internationale.
Le secrétaire au Trésor, M. Nicholas Brady,
rejoint la position de la France et du Japon
en présentant un plan d’allégement de 20 %
en trois ans de la dette privée des 39 principaux pays débiteurs du tiers monde (2 avril
et 24 mai).
SPORT
Boxe.
Le Français Fabrice Bénichou devient
champion du monde des super-coq (IBF)
en battant aux points, en douze reprises, le
Vénézuélien José Sanabria.
Samedi 11
ENVIRONNEMENT
Une conférence internationale « sur la protection de l’atmosphère du globe » se tient à
La Haye en présence des représentants de
24 pays parmi lesquels ne figurent ni les
États-Unis, ni l’URSS, ni la Chine. Les participants – dont MM. François Mitterrand
et Michel Rocard – appellent à la mise en
place d’une autorité mondiale de l’environnement. Cette conférence intervient après
le colloque de Paris, le 4, et la conférence de
Londres, du 5 au 7, consacrés à la protection de la couche d’ozone.
Dimanche 12
EUROPE
Vie politique.
Les élections municipales de Francfort
(RFA) et les élections régionales en Carinthie, à Salzbourg et au Tyrol (Autriche)
sont marquées par les progrès respectifs du
NPD, parti néo-nazi ouest-allemand, et du
Parti libéral, formation de la droite ultranationaliste autrichienne.
MADAGASCAR
Élection présidentielle.
La réélection pour un troisième mandat
de M. Didier Ratsiraka avec « seulement »
62 % des suffrages illustre la relative démocratisation du régime.
Lundi 13
CEE
Audiovisuel.
Les ministres des Douze parviennent à un
compromis sur le projet de directive « Télévision sans frontière », qui ouvre la voie à
la libre circulation des images en Europe
occidentale. Au grand mécontentement des
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CHRONOLOGIE
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professionnels, ni cet accord ni la convention sur le même sujet adoptée le 15 par le
Conseil de l’Europe ne retiennent le principe d’un quota de 60 % d’oeuvres européennes défendu par les créateurs.
FRANCE
Société.
À Suresnes (Hauts-de-Seine), une jeune
Marocaine de 19 ans est assassinée par ses
deux frères, âgés de 18 et 24 ans, qui se suicident ensuite. Ils reprochaient à leur soeur
de fréquenter un jeune homme français
non musulman.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique.
Infligeant un désaveu à M. Pieter Botha
souffrant depuis le mois de janvier, le Parti
national au pouvoir demande que son nouveau chef, M. Frederik Willem De Klerk,
devienne président de la République « dans
l’intérêt du pays ». M. Botha reprend toutefois ses fonctions le 15. Le 21, les deux
hommes parviennent à un compromis prévoyant le maintien de M. Botha au pouvoir
jusqu’aux prochaines élections législatives
(2 février).
Mardi 14
FRANCE
Médecine.
Une équipe médicale de l’hôtel-Dieu de
Lyon annonce qu’elle a pratiqué, le 30 juin
1988, pour la première fois au monde, une
greffe in utero de cellules foetales sur un
embryon de 28 semaines atteint d’un déficit
immunitaire mortel.
AUTRICHE!HONGRIE
Famille impériale
La dernière impératrice
Zita de Bourbon, princesse de Parme, dernière
impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, retirée
depuis 1962 à l’abbaye de Zizers, en Suisse, meurt
le 14 mars à l’âge de 96 ans.
Mariée à l’archiduc Charles d’Autriche en 1911,
Zita était devenue impératrice par un concours
de circonstances. Mayerling puis Sarajevo avaient
amené son époux à assumer l’héritage de son
grand-oncle François-Joseph à la mort de celuici, en 1916. La période ne se prêtait pas à de
longs règnes. Les négociations secrètes de paix
auxquelles Zita incita Charles échouèrent et les
réformes politiques et sociales qu’ils entreprirent
n’eurent pas le temps de se réaliser. En 1918, ils
remettaient « temporairement » leurs droits sur
l’Autriche et quittaient le pays. Charles mourait
en 1922 à Madère. L’exil de Zita, qui refusa toujours de faire allégeance à la République, dura le
restant de sa vie, entrecoupé d’une seule visite à
Vienne, en 1982.
Respectueuse du cérémonial austère et digne
hérité d’Espagne par les maisons de Habsbourg
et de Bourbon, Zita avait fait appeler son fils Otto
et son petit-fils Karl deux jours avant sa mort,
pour prendre congé d’eux. C’est avec le même
soin qu’elle avait prévu le déroulement de ses
obsèques, dessinant elle-même le parcours du
cortège. Le 1er avril, à Vienne, sa dépouille reçoit
des funérailles d’État et est inhumée dans la
crypte des Capucins, où reposent les restes des
Habsbourg.
Le respect gourmand que Vienne voue à la mort
tient une large place dans la réussite de la reconquête symbolique de l’ancienne capitale impériale par les Habsbourg. La calèche mortuaire de
François-Joseph est sortie du musée pour l’occasion. L’hymne impérial de Joseph Haydn résonne
de nouveau sous les voûtes de la cathédrale
Saint-Étienne. Mais Otto, qui s’est fait accueillir à
bras ouverts à Budapest le mois précédent, n’oublie pas qu’il est député européen. Et la nostalgie
sincère de la quarantaine de milliers de fidèles,
mêlés de badauds, qui se pressent sur le parcours,
s’inscrit dans le cadre d’une Mitteleuropa où l’Autriche n’a jamais été aussi proche de la Hongrie,
mais pour des raisons autres que dynastiques.
LIBAN
Conflit.
Le général Michel Aoun, chef de l’armée et
du gouvernement chrétiens, défie le président Hafez El Assad en appelant ses compatriotes à une « guerre de libération » contre
« l’occupation syrienne ». Les bombardedownloadModeText.vue.download 29 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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ments – les plus violents qu’ait connus Beyrouth depuis plusieurs années – reprennent
entre les deux secteurs de la capitale.
SPORT
Boxe.
Mis KO lors de son combat contre l’Américain Terrence Ali à Lyon, le 4, l’Ivoirien David Thio meurt sans avoir repris
connaissance.
Mercredi 15
CEE
Le Parlement européen adopte une résolution demandant aux Douze d’accorder
le droit de vote aux étrangers ressortissants de la Communauté pour les élections
municipales.
FRANCE
Conflits sociaux.
Le gouvernement conclut avec les internes
des hôpitaux un accord concernant leur rémunération et leur carrière, tandis que les
mouvements de revendications continuent
d’agiter d’autres catégories de personnels de
santé.
URSS
Agriculture.
Devant le Comité central du PCUS,
M. Mikhaïl Gorbatchev dresse un constat
critique de la situation agricole. Le lendemain, il fait adopter de nouvelles mesures en faveur de la décollectivisation des
exploitations.
ISRAËL!ÉGYPTE
Territoires.
Au terme d’une longue bataille juridique et
diplomatique remontant au retrait israélien
du Sinaï, en avril 1982, la minuscule enclave
de Taba, sur le golfe d’Akaba, est officiellement restituée à l’Égypte.
Jeudi 16
FRANCE
Conflits sociaux.
M. Lionel Jospin signe avec les syndicats
d’enseignants du supérieur un accord sur
la revalorisation des carrières universitaires.
Son projet de loi d’orientation suscite de
nouveaux mouvements de protestation de
la part des instituteurs et professeurs de
collège.
Pollution.
Après le naufrage du cargo panaméen
Perintis dans la Manche, un conteneur
de 5 tonnes de lindane – insecticide très
toxique – est perdu au cours de son remorquage et reste introuvable malgré les recherches entreprises.
Académie française.
Élu le 16 juin 1988, l’écrivain et diplomate
Pierre-Jean Rémy est reçu sous la Coupole
par Jacques de Bourbon Busset et prononce l’éloge de son prédécesseur, Georges
Dumézil.
ISLAM
Affaire Rushdie.
L’Organisation de la conférence islamique
(OCI), réunie en session à Riyad depuis le
13, condamne les Versets sataniques et qualifie Salman Rushdie d’apostat, mais ne cautionne pas les appels au meurtre lancés par
les dirigeants iraniens.
Vendredi 17
FRANCE
Sport.
Ayant délibérément pris beaucoup de liberté avec les règlements, Isabelle et Paul
Duchesnay n’obtiennent que la médaille de
bronze des championnats du monde de patinage artistique qui se déroulent au Palais
omnisport de Bercy, à Paris. Ils sont les premiers Français à monter sur un tel podium
depuis 1971.
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CHRONOLOGIE
29
ITALIE
Catastrophe.
Quatre personnes sont tuées dans l’effondrement de la Torre Civica (tour Civique)
de Pavie, édifice de 78 mètres de haut attenant à la cathédrale et datant du XIe siècle.
Samedi 18
URSS
Vie politique.
À Moscou, une manifestation regroupe une
dizaine de milliers de partisans de M. Boris
Eltsine, ancien membre du bureau politique
du PCUS, limogé en 1987 pour radicalisme
réformateur et candidat aux prochaines
élections du Congrès du peuple (26).
SPORT
Rugby.
Le XV de France remporte le Tournoi
des cinq nations pour la quatrième fois
consécutive.
Dimanche 19
FRANCE
Élections municipales.
Les résultats du second tour confirment
ceux du 12 en laissant inchangé le rapport
des forces politiques issu des législatives de
juin 1988, hormis une poussée des Verts et
un tassement du Front national. Le Parti
socialiste efface son échec de mars 1983 en
conquérant 35 villes de plus de 20 000 habitants, dont Strasbourg, Brest, Dunkerque et
Aix-en-Provence, aux dépens de toutes les
autres grandes formations politiques. La
participation est inférieure à 75 %.
GRÈCE
Scandale.
Après la coalition des forces de gauche le
15, c’est au tour de l’opposition conservatrice d’organiser à Athènes une manifestation contre la corruption du gouvernement
socialiste de M. Andréas Papandréou, à
laquelle participent près d’un million de
personnes. Le 6, dans une interview accordée à Time depuis sa prison américaine, le
banquier Georges Koskotas, au centre du
scandale politico-financier qui porte son
nom, avait mis nommément en cause le
Premier ministre, ainsi que M. Agamemnon Koutsoyorgas, ministre de la Présidence
du Conseil et numéro deux du régime, qui
donne sa démission le 14.
SALVADOR
Élection présidentielle.
M. Alfredo Cristiani, candidat de l’Alliance
républicaine nationaliste (ARENA) d’extrême droite, est élu dès le premier tour avec
53,82 % des suffrages. 43 personnes sont
tuées lors d’affrontements entre l’armée et
la guérilla du Front Farabundo-Marti de
libération nationale (FMLN), qui appelle
au boycottage des élections et empêche près
de la moitié des inscrits d’aller voter.
Lundi 20
CEE
Relations internationales.
Un mois après avoir rappelé en consultation leurs ambassadeurs en Iran à la suite
de l’affaire Rushdie, les ministres des Affaires étrangères des Douze décident de les
renvoyer en poste.
FRANCE
Conflits sociaux.
M. Michel Rocard propose vainement une
« concertation approfondie » aux fonctionnaires corses en grève depuis quatre
semaines. Ceux-ci réclament une prime
d’insularité destinée à compenser le coût
élevé de la vie dans l’île.
Sociétés.
M. Pierre Bérégovoy autorise le rapprochement entre la Banque nationale de
Paris (BNP) et l’Union des assurances de
Paris (UAP), première banque commerciale et première compagnie d’assurances
françaises, toutes deux nationalisées. Il en
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
30
limite toutefois l’étendue à des prises de participations croisées minoritaires.
IRAN
v. CEE
CHINE
Économie.
Le Premier ministre, M. Li Peng, présente
à l’Assemblée nationale populaire un programme d’austérité d’au moins deux ans
rendu nécessaire par l’augmentation de
l’inflation.
Mardi 21
FRANCE
Commémoration.
La journée des «
lébrée dans plus
donne lieu, dans
des explications
française.
Arbres de la liberté » est céde 10 000 communes. Elle
les écoles, à des lectures et
de textes sur la Révolution
Mercredi 22
ONU
Programme des Nations unies pour
l’environnement (PNUE).
Les délégués de 115 pays réunis à Bâle depuis le 20 adoptent une « convention sur
les mouvements transfrontières de déchets
dangereux » que 34 pays, dont la France,
signent immédiatement.
FRANCE
Justice.
Après certains dirigeants de l’entreprise
générale du bâtiment SORMAE, des élus
municipaux et régionaux sont à leur tour
inculpés dans la même affaire de fausses
factures (17 février).
ITALIE
Vie politique.
Lors de son XVIIIe congrès, le Parti communiste de M. Achille Ochetto adopte
un programme d’essence nettement
social-démocrate.
ÉTATS!UNIS!OLP
La deuxième rencontre américano-palestinienne se tient à Carthage (Tunisie). L’éventualité de discussions directes officieuses
entre l’OLP et Israël est évoquée.
Jeudi 23
SCIENCES
Énergie nucléaire.
Deux électrochimistes, le Britannique
Martin Fleischmann et l’Américain Stan
Pons, affirment avoir produit une réaction
de fusion nucléaire au cours d’une expérience très simple effectuée à température
ambiante.
Vendredi 24
FRANCE
Syndicalisme.
En signant – après la CGC, le 21, et contrairement à FO, la CGT et la CFTC – le protocole d’accord sur l’aménagement du temps
de travail en discussion depuis octobre
1988, la CFDT se pose en interlocuteur du
patronat.
ÉTATS!UNIS
Politique étrangère.
Le président George Bush et les leaders démocrates et républicains du Congrès s’accordent sur le principe de la poursuite d’une
aide humanitaire à la Contra jusqu’aux élections de février 1990 au Nicaragua.
Pollution
Alaska :
Marée et colère noires
Dans un décor de montagnes enneigées, semée
d’innombrables îles et entaillée de fjords profonds, la baie du Prince-Guillaume, sur la côte sud
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CHRONOLOGIE
31
de l’Alaska, a tout, à la belle saison, du paradis terrestre. Au fond de l’un de ces fjords se trouve le
port de Valdez, terminal du pipe-line Alaskeya qui
achemine le pétrole en provenance de la baie de
Prudhoe, sur l’océan Arctique. Le 24 mars, le superpétrolier Exxon-Valdez, qui vient de remplir ses
soutes, s’éventre sur le récif de Blight, à la sortie
du fjord, déversant 40 000 tonnes de brut dans la
baie. C’est la plus grande marée noire de l’histoire
des États-Unis.
L’accident est impardonnable. Connu pour son
ivrognerie, Joseph Hazelwood, le commandant
de l’Exxon-Valdez, cuvait dans sa cabine au moment du choc. L’officier qui a jeté le bateau sur
des récifs figurant sur toutes les cartes n’était
pas qualifié pour tenir la barre. Mais l’incurie des
secours est encore plus scandaleuse. La compagnie pétrolière assurait pouvoir juguler toute marée noire en cinq heures : il faut un jour et demi
avant que les premières mesures soient mises en
place. L’inaccessibilité des côtes rend, certes, cette
marée noire autrement plus difficile à traiter que
celle – six fois supérieure – de l’Amoco-Cadiz. Mais
que penser de l’indisponibilité de la barge chargée de disposer les bouées flottantes, de l’insuffisance du nombre de bateaux employés à « écrémer » les eaux de la baie, de l’inefficacité une fois
de plus vérifiée des procédés de brûlage ou de
dispersion chimique de la nappe, de la lenteur de
réaction des autorités locales et fédérales ?
À Valdez, la fureur le dispute à la résignation. Obligée pour des raisons d’intérêt national d’accueillir
le terminal (25 % du pétrole américain provient
d’Alaska), la ville en tire en retour 90 % de ses
revenus, pour endormir une méfiance toujours en
éveil. Le contrat est aujourd’hui rompu. « Rien ne
sera plus comme avant. »
La baie du Prince-Guillaume était une véritable
arche de Noé. Les oiseaux et les loutres de mer
sont les premières victimes de la pollution. Mais
on craint pour les baleines et les ours. De plus, on
est à quelques semaines de l’époque de la ponte
des harengs, de la reproduction des phoques, de
la descente des rivières des saumons. La jurisprudence récente laisse espérer une compensation
de l’ordre de 100 millions de dollars quand une
seule saison de pêche en rapporte déjà 80. Tandis
que les Américains boycottent la marque Exxon,
la marée noire s’étend dans le golfe d’Alaska.
Samedi 25
FRANCE
Conflits sociaux.
À Paris, une tentative de négociation entre
l’intersyndicale des fonctionnaires corses et
le gouvernement échoue, tandis que l’île est
totalement paralysée par les grèves. Dans
une interview au Figaro, le ministre délégué
au Budget, M. Michel Charasse, affirme que
« tout l’argent distribué par l’État en Corse
ne va pas dans les bonnes poches ».
Dimanche 26
URSS
Élections législatives.
Les résultats du scrutin pour la désignation
du Congrès des députés du peuple constituent une victoire pour les rénovateurs et
un désaveu des candidats officiels du PCUS
et des membres de l’appareil du parti.
M. Boris Eltsine est triomphalement élu à
Moscou.
Exploration spatiale.
Six mois après une
la sonde Phobos-1,
contact radio avec
ambitieuse mission
lite de Mars.
défaillance similaire de
la perte irréversible de
Phobos-2 met fin à une
d’exploration du satel-
TURQUIE
Vie politique.
Les résultats des scrutins locaux, mais de
portée nationale, confirment le recul électoral du Parti de la mère patrie (ANAP) du
Premier ministre Turgut Ozal, qui arrive en
troisième position avec seulement 21,9 %
des voix.
GUATEMALA
Prisons.
Une mutinerie éclate à la prison d’El Pavon,
dans la banlieue de la capitale, où une centaine des 1 500 détenus prennent plus de
600 personnes en otages. Les rebelles se
rendent le 30 après avoir obtenu l’amélioration de leurs conditions de détention et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
32
le remplacement du directeur de l’établissement. Le bilan de la révolte s’élève à douze
morts.
Lundi 27
YOUGOSLAVIE
Nationalités.
Au Kosovo, région autonome de la République de Serbie, des affrontements, qui
opposent pendant deux jours des manifestants qualifiés de « nationalistes et séparatistes » aux forces de l’ordre, font 24 morts.
Ces troubles interviennent après l’adoption,
le 23, par le Parlement du Kosovo, d’amendements à la Constitution de la Serbie qui
enlèvent aux régions autonomes de nombreuses prérogatives.
Mardi 28
FRANCE
Vie politique.
La proposition de M. Charles Millon (UDF)
de présenter aux élections européennes une
liste réunissant la nouvelle génération des
rénovateurs de l’UDF, du RPR et du CDS
fait rapidement des émules parmi les jeunes
élus locaux de l’opposition.
IRAN
Vie politique.
L’ayatollah Hossein Ali Montazeri, qui avait
récemment dressé un sombre bilan de dix
ans de révolution islamique et s’était prononcé en faveur du multipartisme tout en
stigmatisant l’incompétence de certains
dirigeants, est démis de son statut de successeur désigné de l’ayatollah Khomeyni.
Mercredi 29
FRANCE
Transports.
La SNCF fête le cent-millionième voyageur
du TGV dont la ligne Paris-Lyon a été inaugurée dans sa totalité le 22 septembre 1981.
Cinéma
Sortie de l’artiste
L’élève emprunté d’Entrée des artistes n’est
plus. Bernard Blier meurt à Neuilly-sur-Seine le
29 mars à l’âge de 73 ans. En 150 films et 50 ans
de carrière, l’un des plus grands seconds rôles du
cinéma français était devenu l’un de ses derniers
monstres sacrés.
Le public s’attendait à la nouvelle depuis la Nuit
des Césars, le 4 mars, lorsque, flottant dans son
smoking trop large et titubant sur la scène, Bernard Blier était venu recevoir son César d’honneur
des mains d’un Michel Serrault étreint par l’émotion. Cette formalité jusqu’alors négligée prenait
soudain l’allure d’un poignant adieu.
Dans le film précité de Marc Allégret (1938), Bernard Blier donne la réplique à Louis Jouvet, qui
joue quasiment son propre rôle. Le jeu n’en est
presque pas un. C’est Jouvet, son professeur au
Conservatoire, qui a « fait » Blier, ne se trompant
que sur deux points : il lui a prédit une carrière
théâtrale et pense qu’il ne percera pas avant
50 ans. Or, Blier abandonne le théâtre après la
guerre pour devenir rapidement célèbre comme
acteur de cinéma.
Sa rondeur physique s’affirmant, les rôles d’amoureux transi, timide et naïf de ses débuts font place
à des compositions de mari bafoué où il excelle.
Il est ainsi successivement victime de Paulette
Dubost et d’Arletty dans Hôtel du Nord de Marcel
Carné (1938), de Suzy Delair dans Quai des Orfèvres d’Henri-Georges Clouzot (1947), de Simone
Signoret dans Dédée d’Anvers de Marc Allégret
(1947). Mais le « masque » de râleur goguenard
qu’il acquiert bientôt le fait s’orienter, à partir du
milieu des années cinquante, vers les rôles de flic
véreux, de truand donneur, de salaud de toutes
espèces. Il campe ainsi un excellent Javert dans
la version des Misérables de Jean-Paul Le Chanois
(1957). Mais l’« affreux » ne se départ jamais de
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CHRONOLOGIE
33
son humour. On le constate dans les Tontons flingueurs (1963) et dans d’autres films de Georges
Lautner, dont il devient l’un des interprètes favoris. Michel Audiard lui écrit des dialogues à la
mesure de sa gouaille avant de le faire tourner à
son tour. Le cinéma italien le demande. Il répond
jusqu’à la fin de sa carrière aux offres de Mario
Monicelli, Luchino Visconti, Ettore Scola ou Luigi
Comencini, pour ne citer que les plus grands.
Il atteint la quintessence de son art dans Buffet
froid, sous la direction de son fils Bertrand (1979).
Le rôle de flic cynique qu’il y incarne, le personnage veule et lâche de Série noire, d’Alain Corneau
(1979), et le « valeureux » humaniste de Mangeclous, de Moshe Misrahi (1988), présentent un
résumé de l’étendue de son talent.
Musée.
Précédant de peu le public, le président
François Mitterrand inaugure l’ouverture de la pyramide qui marque l’entrée
du Grand Louvre, ainsi que les nouveaux
espaces d’exposition situés au sous-sol de
la cour Napoléon. Dans ces locaux, le laboratoire de recherche des musées de France
abrite AGLAÉ, le premier accélérateur de
particules au monde destiné à l’étude d’objets artistiques et archéologiques.
BELGIQUE
Islam.
Assassinats du recteur saoudien de la mosquée de Bruxelles, Abdullah Ahdel, et du
bibliothécaire tunisien du centre culturel
islamique, qui avaient adopté une position
modérée dans l’affaire des Versets sataniques. Les meurtres sont revendiqués le
31 par un groupe islamique antisaoudien,
l’« Organisation des soldats du droit ».
ÉTATS!UNIS
Cinéma.
À Hollywood, les Oscars du meilleur film,
de la meilleure réalisation et du meilleur
acteur récompensent Rain Man, de l’Américain Barry Levinson, interprété par Dustin
Hoffman. Ce film avait déjà obtenu l’Ours
d’or au festival de Berlin, le 21 février.
Jeudi 30
FRANCE
Relations culturelles
v. URSS
URSS
Relations culturelles.
M. Roland Dumas participe au lancement
de la saison française en inaugurant une
exposition de peintures et de sculptures
du XXe siècle au musée Pouchkine de Moscou. D’autres manifestations, en particulier
théâtrales, doivent s’échelonner sur plusieurs mois.
URSS!ÉTATS!UNIS
Relations économiques.
Six géants de l’industrie américaine signent
avec un consortium soviétique un accordcadre prévoyant la création de 25 sociétés
à capitaux communs. Celui-ci correspond
à un investissement occidental de près de
10 milliards de dollars (64 milliards de F
environ) sur vingt ans.
Vendredi 31
FRANCE
Commémoration.
La cérémonie de l’inauguration de la tour
Eiffel est reconstituée pour célébrer le centenaire de l’édifice.
FRANCE!CANADA
Pêche.
L’accord conclu par les deux pays sur les
droits de pêche au large de Terre-Neuve et
de Saint-Pierre-et-Miquelon met fin à un
contentieux vieux de trois ans.
Le mois de
Jean-Jacques Annaud
Depuis des mois, je suis marchand « d’ours » à
travers l’Europe.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
34
Fin février, je reviens d’Israël. Je n’y suis pas allé
pour parler de mon film, mais pour bavarder tranquillement avec ma fille aînée. Elle voulait vérifier si on pouvait véritablement lire son journal
assis dans l’eau épaisse de la mer Morte : mission
accomplie.
Je passe le premier jour du mois avec mon « complice » – scénariste Gérard Brach. Nous rêvons
à l’avenir. Je reprends ma valise le lendemain
pour Lisbonne où je présente l’Oso. La réception est aussi chaude que le printemps précoce :
je regrette que mon ours ne soit pas sorti aux
« beaux » jours frileux de l’hiver lorsque les baigneurs préfèrent le velours des fauteuils de cinéma au sable des plages.
Je termine mes interviews le matin du samedi 4,
juste à temps pour rentrer à Paris : c’est le jour des
Césars. L’Ours est nommé six fois. On me largue à
l’aéroport. L’avion a 9 heures de retard. Pour une
fois, il ne s’agit pas d’un appareil d’Air France dont
les pilotes ont empoisonné ma vie pendant des
mois avec leur navrante grève corporatiste. Le
chef d’escale de la compagnie portugaise a beau-
coup aimé Sean Connery dans le Nom de la Rose.
Il m’a vu à la télé la veille : il me trouve une place
miraculeuse sur le vol de fin d’après-midi. Une
voiture m’attend à Orly avec femme et smoking.
Nous fonçons à l’Empire. J’arrive en retard et en
sueur. Je n’ai pas chaud longtemps. L’ambiance
est polaire. Je me surprends à espérer ne rien gagner pour éviter d’affronter un public aussi tendu.
On m’appelle sur scène. Je me sens généralement
à l’aise devant un micro. Ce n’est pas le cas ce
soir-là. Je me retrouve avec mon lourd cadeau
de bronze dans la salle de presse, triste de ne pas
avoir le droit de montrer ma joie.
Le lundi matin, ma femme et moi prenons le
premier vol pour Amsterdam. Un petit coup de
musée, une interminable avalanche d’interviews,
une petite balade sur les canaux et une première
« royale » pour couronner le tout. Sa Majesté est
une reine charmante. Je lui trouve toutes les qualités : elle a adoré le film et me le dit longuement
dans un français impeccable. Je regrette qu’elle
ne soit pas critique de cinéma au Telegraph ou je
suis traité de débile mental.
Je passe la troisième semaine du mois à contempler mon bébé. Pour la première fois depuis bien
longtemps, je peux passer quelques heures à la
maison.
Je vais souvent chez Brach qui affûte ses crayons.
Je vois quelques amis. Nous organisons même
deux ou trois dîners.
Le 23, je souffle avec ma femme les bougies de
son gâteau d’anniversaire. Deux jours plus tard,
je suis à Los Angeles. Les conseils de guerre se
succèdent. Il s’agit de savoir comment « lancer »
mon plantigrade pour qu’il retombe solidement
sur ses quatre pattes dans les territoires de langue
anglaise. On s’agite pour m’obtenir de toute urgence un visa pour l’Australie...
JEAN-JACQUES ANNAUD
Météo : l’Hiver
La période allant du 21 décembre aux premiers
jours de janvier est marquée par la persistance
de conditions anticycloniques et l’absence quasi
générale de précipitations. Les pluies fines et
les bruines observées dans l’Ouest, le Nord et le
Nord-Est du 22 au 24 et le 27 décembre sont le fait
de perturbations peu actives.
Une sécheresse hivernale
exceptionnelle et préoccupante
En ce début d’hiver, les réserves en eau des sols
sont très faibles ; au 31 décembre, le rapport R/
RU de la réserve en eau disponible à la réserve
utile est inférieur à 35 % en Berry, Touraine et
Aquitaine, dans le Poitou-Charentes et le MidiPyrénées. En janvier, les déficits pluviométriques
sont très importants sur l’ensemble du territoire
comme l’attestent les chiffres records suivants :
19,7 mm à Toulouse-Blagnac (normale 19511980 : 56,5 mm) ; 8 mm à Chamonix au heu de
11 mm en 1953 ; 11,6 mm à Lyon-Satolas au lieu
de 25,2 en 1983 (normale 62 mm)... Cette sécheresse, imputable aux très hautes pressions qui se
sont installées durablement sur la France, l’Allemagne et l’Italie (à Hyères, la pression moyenne
mensuelle a été de 1 029 hPa au lieu de 1 027 en
1983 ; à Avord : 1 032,8 hPa au lieu de 1 029,8 en
1964...) et exacerbée par des températures supérieures aux normales, a contribué à l’aggravation
du bilan hydrique des sols, notamment au sud de
la ligne Dinard-Nice. Ce manque d’eau, qui a retardé la levée des céréales dans certaines régions,
pourrait, s’il se prolongeait, avoir des conséquences sur la phénologie des plantes cultivées
et sur la production agricole.
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CHRONOLOGIE
35
En stabilisant une énorme masse d’air doux, l’anticyclone a favorisé la formation de brouillards
épais et persistants dans les vallées de la Saône,
du Rhône, de la Seine ou du Pô et l’augmentation
de la pollution atmosphérique au-dessus de Paris,
de Lyon ou de Milan. Le 27 janvier, dans cette dernière ville, la concentration en dioxyde de soufre
a atteint 431 microgrammes par m3 et celle de
dioxyde d’azote 426 microgrammes par m3 alors
que les seuils consentis en Europe sont de 250 et
200 microgrammes respectivement ! La situation
météorologique qui a prévalu en janvier explique
la faiblesse de l’enneigement dans tous les massifs ; Avoriaz : 40-65 cm ; Megève : 20-70 ; l’Alped’Huez : 60-80 ; Chamrousse : 20-30 ; Serre-Chevalier : 5-15 ; Font-Romeu : 45-55 ; les Rousses : 5-20 ;
Superlioran : 10-10...
Trois ans après Clotilda, Firinga
ravage la Réunion
Le 29 janvier, l’île de la Réunion est dévastée par
le cyclone Firinga ; le bilan est très lourd : 3 morts,
des dizaines de blessés, des milliers de personnes
sans abri ; les dégâts sont évalués à 1,5 milliard de
F. Aux États-Unis, des températures de l’ordre de
– 25 °C sont mesurées dans le Montana ; elles sont
les premières manifestations de la vague de froid
qui, du 1er au 12 février, affecte tout l’Ouest.
En février, les températures ont été, selon les régions, de 1 à 2 degrés supérieures aux normales.
Seuls les premiers jours du mois ont connu des
températures basses, des brouillards localement
givrants et une importante nébulosité. Les pluies
ont été légèrement excédentaires dans l’Ouest et
le Sud-Ouest, normales ou faiblement déficitaires
sur le reste du pays. L’essentiel des pluies et des
chutes de neige a été enregistré entre le 22 et le
28, période au cours de laquelle se sont succédé
des perturbations très actives, accompagnées
de vents forts. Du 24 au 27, une tempête d’une
violence inhabituelle a sévi sur le Portugal, l’Espagne, la France méridionale et l’Italie. Outre son
bilan très lourd (52 morts, des dizaines de blessés et des dégâts matériels), cette tempête a été
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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marquée par des valeurs de pression atmosphérique exceptionnellement basses sur tout l’ouest
et le sud-ouest de l’Europe : 957,8 hPa à ParisMontsouris ; 958,2 hPa à Rennes ou 964,6 hPa
à Nevers le 25 et des vents très forts tant dans
les régions littorales qu’à l’intérieur des terres
(144 km/h à Carteret, 102 km/h à Orléans le 25).
Au 28 février, l’enneigement est aussi médiocre
qu’à la fin de janvier. Hors de France, l’actualité
météorologique a été dominée par la froidure
calamiteuse qui s’est abattue sur l’ouest des ÉtatsUnis pendant la première décade (– 35 °C à San
Francisco), par les effets dévastateurs du cyclone
Harry en Nouvelle-Calédonie les 11 et 12 février,
par les pluies diluviennes observées aux Canaries
les 16 et 17 ou par la pire sécheresse de l’histoire
néo-zélandaise.
Mars quasi estival en France,
quasi polaire en Californie
Le mois de mars, avec des températures supérieures de 3 °C aux normales, est un mois d’hiver
étonnamment chaud, un des plus chauds depuis
1957 ; citons par exemple ces quelques températures maximales records : 20,4 °C à Paris-Montsouris le 6, 21,8 °C à Ambérieu, 23,5 °C à Mende,
22,1 °C à Auxerre et 25,6 °C à Gourdon le 12 mars.
Les trois épisodes pluvieux de la période allant du
1er à l’équinoxe ont profité au nord et à l’ouest du
pays ; dans les autres régions, la pluviométrie a
été déficitaire à très déficitaire : 20 % dans le Nord-
Est, 34 % dans le Sud-Ouest, 77 % dans le Sud-Est.
Le 21 mars, la sécheresse est préoccupante dans
une grande partie du territoire ; le rapport R/RU
est inférieur à 60 % en Poitou-Charentes, en Aquitaine, en Provence, en Corse, en Languedoc-Roussillon et dans le sud du Massif central. En cette fin
d’hiver, il existe un risque précoce d’incendies de
forêts. L’enneigement n’est satisfaisant que dans
les stations de haute montagne ; La Clusaz : 20180 cm ; La Plagne : 120-200 ; les Deux-Alpes : 10270... Ainsi, l’hiver 1989 restera dans les mémoires
comme un hiver anormalement doux et sec.
PHILIPPE C. CHAMARD
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CHRONOLOGIE
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Avril
Samedi 1er
NAMIBIE
Conflit.
Le processus d’indépendance prévu par les
accords de Washington du 22 décembre
1988 est troublé dès le jour de sa mise en
oeuvre par l’infiltration dans le nord du
pays, à partir de l’Angola, de maquisards du
mouvement indépendantiste de la SWAPO
(Organisation du peuple du Sud-Ouest
africain). Les combats qui opposent ceuxci aux forces namibiennes et sud-africaines
causent près de 300 morts. Le 9, un accord
est conclu entre les délégations angolaise,
sud-africaine et cubaine. Le retrait de Namibie des troupes de la SWAPO se poursuit
tout au long du mois sous le contrôle des
forces de l’ONU.
TCHAD
Troubles.
Une tentative de coup d’État contre le régime du président Hissène Habré échoue.
Dirigé par trois proches collaborateurs du
chef de l’État – le ministre de l’Intérieur,
le commandant en chef des forces armées
et le conseiller militaire de la présidence
–, ce coup de force était motivé par des
rivalités ethniques et par l’hostilité de certains compagnons de route de M. Habré à
l’ouverture politique du régime en direction
des anciens opposants ralliés. Ce complot
envenime les relations avec le Soudan, où
certains rebelles se sont réfugiés.
Dimanche 2
FINANCES MONDIALES
L’allégement de la dette des pays en voie
de développement et la stabilité du dollar sont les principaux dossiers défendus
à Washington tant par les ministres des
Finances du groupe des Sept (États-Unis,
Japon, RFA, Grande-Bretagne, France, Italie, Canada) que lors de la réunion, les 3 et
4, du Fonds monétaire international (FMI)
et de la Banque mondiale (BIRD).
URSS
v. Cuba
TUNISIE
Élections générales.
Les scrutins présidentiel et législatif anticipés confortent la position du président Zine
El Abidine Ben Ali, candidat unique, réélu
avec 99,27 % des voix. Son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique, remporte les 141 sièges de la Chambre des députés. Le courant islamiste s’affirme comme
la seconde force politique du pays.
CUBA
Relations internationales.
À l’occasion d’une visite officielle qu’il effectue jusqu’au 4 à La Havane, M. Mikhaïl Gorbatchev, chef de l’État soviétique, réaffirme
son appui au régime cubain ainsi qu’à celui
du Nicaragua ; mais il exprime aussi de
nouveau son hostilité à l’« exportation de la
révolution » ainsi que son soutien à un « règlement politique » de tous les conflits en
Amérique centrale – positions aujourd’hui
partagées par Fidel Castro.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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HAÏTI
Troubles.
Une tentative de coup d’État militaire
s’achève le 8 par la reddition des rebelles,
obtenue après des combats meurtriers.
Lundi 3
AGRICULTURE MONDIALE
Le comité de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation), réuni à Rome jusqu’au 7, exprime ses
inquiétudes face à la précarité de l’équilibre
alimentaire mondial pour 1989-1990. Cette
situation résulte tant des perturbations
climatiques qui ont affecté les récoltes de
1988 que de la persistance de dysfonctionnements structurels dans les économies du
tiers-monde.
FRANCE
Relations internationales
v. URSS
URSS
Relations internationales.
Après 12 ans d’absence de contacts entre
les responsables militaires des deux pays,
le ministre français de la Défense, M. JeanPierre Chevènement, se rend à l’invitation
de son homologue soviétique, le général
d’armée Dimitri Iazov.
Mardi 4
FRANCE
Solidarité internationale.
Devant l’ambassade du Liban à Paris, six
cents manifestants viennent soutenir la
démarche symbolique d’une soixantaine de
personnalités françaises qui demandent la
nationalité libanaise.
Musique.
La treizième édition du Printemps de
Bourges accueille pour la première fois trois
groupes de rock soviétiques, Kino, Zvouki
Mou et Auktsion.
ESPAGNE
Terrorisme.
L’organisation séparatiste basque ETA, qui
menait à Alger des négociations avec les
autorités madrilènes, annonce la rupture de
la trêve en vigueur depuis le 8 janvier. Cette
décision, qui résulte de la surenchère des
éléments « durs » de l’organisation, est suivie par la reprise des attentats à la bombe.
Mercredi 5
POLOGNE
Vie politique.
À Varsovie, les représentants du pouvoir et
de l’opposition concluent un accord « historique » au terme de deux mois de négociations. Celui-ci prévoit le rétablissement
du pluralisme syndical ainsi que la création
d’une fonction de président de la République dotée de pouvoirs étendus, l’élection
au scrutin libre d’un Sénat et la possibilité
pour l’opposition de détenir 35 % des sièges
à la Diète (17).
CAMBODGE
Conflit.
Sans attendre l’intervention d’un règlement
politique, le Viêt-nam annonce officiellement le retrait du pays, sous contrôle international, de la totalité de ses troupes d’ici la
fin du mois de septembre (30).
VIÊT!NAM
v. Cambodge
Jeudi 6
FRANCE
Sport.
Le désengagement du groupe Matra
du football professionnel, annoncé par
M. Jean-Luc Lagardère, met fin à l’avendownloadModeText.vue.download 40 sur 509
CHRONOLOGIE
39
ture onéreuse et sans résultats probants de
l’équipe du Matra-Racing.
ISRAËL
v. États-Unis
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Lors de sa visite officielle, entamée le 4, le
Premier ministre israélien Itzhak Shamir
présente au président George Bush son
plan de règlement du conflit israélo-palestinien. Celui-ci prévoit l’organisation d’élections dans les territoires occupés en vue de
désigner des représentants palestiniens aux
négociations destinées à définir, après une
période test d’autonomie interne, le statut
permanent de la Cisjordanie et de Gaza.
Bien accueilli à Washington, ce plan est
rejeté par l’OLP.
Vendredi 7
EST!OUEST
v. Grande-Bretagne
GATT
À Genève, les pays membres parviennent
à un accord grâce aux concessions américaines sur les subventions agricoles de la
CEE. Celui-ci permet de relancer l’Uruguay
Round, bloqué depuis la session ministérielle du 5 décembre 1988 à Montréal.
FRANCE
Médecine parallèle.
M. Guy-Claude Burger, fondateur du centre
d’instinctothérapie de Montramé (Seine-etMarne), qui prétend guérir de nombreuses
maladies grâce aux aliments crus, est inculpé d’exercice illégal de la médecine, de
publicité mensongère pour méthodes thérapeutiques et d’escroquerie.
AUTRICHE
Meurtres.
Accusées d’avoir tué au moins 49 vieillards
depuis six ans, quatre aides-soignantes de
l’hôpital de Lainz, près de Vienne, sont
arrêtées.
GRANDE!BRETAGNE
Relations internationales.
En visite à Londres depuis le 5, M. Mikhaïl
Gorbatchev déclare que toute décision de
l’OTAN en faveur de la modernisation des
armes tactiques en Europe affecterait les négociations de Vienne sur le désarmement
conventionnel (12).
URSS
Relations internationales
v. Grande-Bretagne
Accident naval.
L’incendie, puis le naufrage dans les eaux
internationales de la mer de Norvège, d’un
sous-marin nucléaire expérimental soviétique cause la mort de 42 des 69 membres
d’équipage.
LIBAN
Difficile oecuménisme
humanitaire
En ce début du mois d’avril, le dossier libanais resurgit brusquement sur le devant de la
scène politique française alors que, depuis trois
semaines, Beyrouth est de nouveau le théâtre de
violents affrontements.
Le 4, tandis que M. Jean-François Deniau est
envoyé par le gouvernement en mission d’information dans la capitale libanaise, le président
François Mitterrand lance un appel solennel à
la « conscience universelle ». Le lendemain, le
Quai d’Orsay annonce que la France a décidé de
« proposer aux autorités libanaises une assistance
humanitaire pour les populations victimes des affrontements ». Le 7 avril, le navire-hôpital la Rance
et le pétrolier Penhors appareillent à destination
de Beyrouth.
Le gouvernement syrien et ses alliés libanais accusent aussitôt la France de partialité en faveur
des seuls chrétiens. De retour à Paris, M. Deniau
ne déclare-t-il pas, le 9, que le général Michel
Aoun parle « au nom du Liban tout entier » ? Gêné
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
40
par des propos aussi peu diplomatiques envers
la Syrie, le gouvernement s’empresse de s’en
désolidariser.
Décidée sous la pression de l’opinion publique, et
sans concertation préalable avec ses destinataires,
l’aide humanitaire française ne fait pas non plus
l’unanimité dans le camp chrétien, où certains la
jugent inutile et ambiguë. Qui, se demandent-ils,
la France veut-elle aider ? Les Libanais ? Ignoret-elle qu’il n’existe plus à Beyrouth que des chrétiens d’une part et des musulmans de l’autre ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d’État à l’Action
humanitaire, envoyé superviser sur place l’opération française, s’en aperçoit rapidement.
Arrivé le 11 à Beyrouth en déclarant que l’aide
française ne se déroulera « qu’avec l’accord de
tous », M. Kouchner se trouve bien vite écartelé
entre les tentatives de récupération de sa mission
par les deux bords. Le camp chrétien, diplomatiquement isolé, y voit l’occasion de faire la preuve
de l’appui de la France. Le camp musulman tente
quant à lui de marchander son accord en demandant aux dirigeants français de « clarifier leur position à l’égard de la crise libanaise ». Le 12, M. Mitterrand réaffirme la « position constante » de la
France, qui « se veut l’amie des Libanais de toutes
confessions, de toutes les communautés », tandis
que M. Dumas déclare « comprendre le souci de
sécurité de la Syrie ». Le lendemain, le gouvernement de Damas donne son accord à l’opération
française. Amer, le général Aoun commente :
« Celui qui veut aider la victime ne demande pas
la permission à son bourreau. »
Le 14, 12 blessés chrétiens sont évacués à bord
de la Rance ; 77 blessés musulmans les rejoignent
le 18, après d’ultimes discussions avec le gouvernement de M. Selim Hoss. Le 23, enfin, le Penhors
décharge sa cargaison de 7 000 tonnes de fuel. Le
13, le Liban était entré dans sa quinzième année
de guerre.
Samedi 8
DJIBOUTI
Catastrophe naturelle.
Le bilan des pluies torrentielles qui s’abattent
depuis le 6 sur tout le pays s’élève à huit
morts et plus de 150 000 sans-abri. La capitale est sinistrée à 70 %.
Dimanche 9
URSS
Nationalités.
La violente répression par les forces de
l’ordre d’une manifestation nationaliste à
Tbilissi, capitale de la Géorgie, entraîne la
mort de 20 personnes selon un bilan officiel. Les jours suivants, les principaux responsables de la république sont limogés et
M. Édouard Chevardnadze, ministre des
Affaires étrangères, natif de Géorgie, est
envoyé sur place pour calmer les esprits et
laver le Kremlin de toute responsabilité. Le
couvre-feu est levé le 18.
ÉTATS!UNIS
Société.
Plusieurs centaines de milliers de personnes
manifestent dans les rues de Washington en
faveur du maintien du droit à l’avortement,
admis par un arrêt de la Cour suprême
datant de 1973. Elles s’élèvent contre les
tentatives de remise en cause de ce droit,
favorisées par les déclarations du président
George Bush et le remplacement progressif des juges suprêmes libéraux par des
conservateurs.
Lundi 10
FRANCE
Catastrophe aérienne.
Un Fokker-27 de la compagnie Uni-Air
assurant la liaison Paris-Valence, qui volait
à une altitude anormalement basse, s’écrase
sur les contreforts du Vercors, dans la
Drôme. Il n’y a pas de survivants parmi les
22 passagers et membres d’équipage.
ITALIE
Presse.
En prenant le contrôle du groupe Espresso, qui possède notamment le quotidien
la Repubblica, les éditions Mondadori de
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CHRONOLOGIE
41
M. Carlo de Benedetti deviennent le plus
important groupe de presse italien.
Mardi 11
FRANCE
Conflits sociaux
Corse : où va l’argent ?
Jusqu’à présent, l’agitation en Corse avait pour
origine essentielle la revendication séparatiste
que quelques rares militants opposaient à l’État.
C’est au contraire pour réclamer l’égalité de traitement avec leurs collègues continentaux que
les fonctionnaires de l’île se mettent progressivement en grève à partir de la fin du mois de février.
Prétextant du coût de la vie en Corse, ils exigent
une « prime d’insularité » de 1 000 francs annuels
et le classement de la région en « zone zéro » –
zone de vie chère entraînant des augmentations
de traitement. Cette revendication catégorielle
est également, nul ne s’y trompe, une demande
de reconnaissance du particularisme de l’île. Et
le problème s’avère d’autant plus complexe que
sa solution se heurte à l’incorruptible logique
gouvernementale de sauvegarde des grands
équilibres économiques. Rapidement relayé par
l’ensemble de la population corse, le mouvement
de grève paralyse bientôt l’île entière, soumise à
un blocus total.
Le 11 avril, afin de mettre un terme à un face-àface qui n’a pas évolué depuis sept semaines et
de limiter le coût politique du conflit, le gouvernement suspend les négociations avec l’intersyndicale et fixe unilatéralement le montant
d’une indemnité compensatoire de transport
– 300 francs par mois pour une famille de deux
enfants. C’est à ses yeux le prix du règlement d’un
conflit social classique. Le « traitement de fond »
des problèmes de la Corse est réservé aux participants des tables rondes qui doivent se réunir à
partir du 2 mai. C’est la première fois que la tranquillité de l’île n’est pas achetée à prix fort. Le 12,
tandis que douze mille personnes se livrent à un
baroud d’honneur dans les rues d’Ajaccio, le Premier ministre proclame à la tribune de l’Assemblée qu’« il faut que chacun abandonne l’idée
que, lorsqu’une catégorie descend dans la rue,
l’État paie ». Le travail reprend progressivement à
la fin du mois.
Où va l’argent ? La question est au centre du
débat. Que deviennent les 750 millions de francs
consacrés chaque année par l’État à la « continuité territoriale » et destinés à compenser les surcoûts inhérents à l’acheminement des produits ?
Où passent les 500 millions d’exemption fiscale
accordés annuellement à la Corse dans le même
souci de modération des prix ? Car cet argent ne
profite guère à ses destinataires. La très faible
concurrence et l’archaïsme des structures commerciales de l’île expliqueraient une partie de
l’« évaporation » des subventions ; mais celles-ci
se dilueraient aussi dans les réseaux de clientèle
des différents clans entre les mains desquels transite l’argent.
Les tables rondes vont devoir s’attacher à démêler l’écheveau enserrant une île qui a hérité de
structures sociales farouchement antiétatiques
mais où l’État reste le premier employeur et le
premier payeur.
ÉTATS!UNIS ! GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
Les groupes américain Smithkline Beckman
et britannique Beecham annoncent leur
fusion. Celle-ci leur permet de devenir le
deuxième fabricant mondial de médicaments, juste derrière l’américain Merck et
devant l’allemand Hoechst.
Mercredi 12
EST!OUEST
Désarmement.
La proposition du pacte de Varsovie d’ouvrir des négociations sur la réduction des
missiles à courte portée (SNF) en Europe
est rejetée par l’OTAN, elle-même partagée sur ce point. Le 27, le chancelier ouestallemand Helmut Kohl demande en effet
l’ouverture de telles négociations, s’attirant
les critiques de la Grande-Bretagne et des
États-Unis (29 mai).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
42
FRANCE
Santé.
M. Claude Évin présente en Conseil des
ministres les grandes lignes de sa politique
pour les trois ans à venir. Celle-ci privilégie
la prévention, la prise en compte des droits
des malades, le décloisonnement de l’hôpital par rapport à son environnement et la
maîtrise du prix des médicaments et des
honoraires médicaux.
Culture.
M. Jack Lang dévoile les grandes lignes du
projet de la future Bibliothèque de France,
destinée à désengorger la Bibliothèque nationale. Elle serait implantée rive gauche,
près du pont de Tolbiac, et accueillerait
tous les livres imprimés après 1945 ainsi
que des documents sonores et visuels ; toutefois, le principe de cette coupure chronologique est bientôt contesté par les usagers
de la Bibliothèque nationale (21 août).
ROUMANIE
Dette extérieure.
Le président Nicolae Ceaucescu annonce le
remboursement total de la dette de son pays,
qui s’élève à 10 milliards de dollars environ.
La réalisation de cet objectif, poursuivi depuis 1983, s’est faite au prix de restrictions,
qui pèsent lourdement sur la population.
Jeudi 13
ENVIRONNEMENT
La tournée mondiale d’information du
chanteur anglais Sting, accompagné du chef
indien Raoni, en faveur du sauvetage de la
forêt amazonienne débute à Paris. Elle s’efforce de réunir des fonds en vue d’agrandir
le parc naturel du Xingu, au Brésil.
FRANCE
Partis politiques.
Cinq jours après le Conseil national du
RPR, celui de l’UDF se prononce en faveur
d’une liste RPR-UDF menée par M. Valéry
Giscard d’Estaing pour les élections européennes du 18 juin ; les « rénovateurs » de
l’opposition renoncent à constituer leur
propre liste et déclarent qu’ils ne seront
candidats sur aucune autre. Le 23, le CDS
annonce la constitution d’une liste du centre
conduite par Mme Simone Veil (28 mars).
FRANCE!RFA
Relations industrielles.
Confrontés au ralentissement des commandes de centrales nucléaires dans le
monde, les constructeurs de chaudières français Framatome et allemand KWU (groupe
Siemens) signent un accord de coopération
en matière d’exportation. Parallèlement,
les gouvernements des deux pays décident
d’ouvrir les dossiers du retraitement des
déchets nucléaires et du « marché unique
de l’énergie ».
RFA
Gouvernement.
M. Helmut Kohl annonce un profond remaniement de son gouvernement destiné
à faire sortir de son marasme la coalition
CDU-CSU. Le changement le plus notable
est le passage de M. Gerhard Stoltenberg du
ministère des Finances – où il est remplacé
par le chef de la CSU, M. Theo Waigel – à
celui de la Défense.
Vendredi 14
FRANCE
Opéra.
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg
et les choeurs de l’Opéra du Rhin sous la
direction de Claude Schnitzler créent l’opéra-oratorio Orphée de Renaud Gagneux.
SUISSE
Finances.
Pour la cinquième fois depuis le mois de
juillet 1988, la Banque nationale (BNS)
procède au relèvement de ses taux directeurs afin de prévenir l’inflation et d’enrayer
la baisse de sa monnaie, qui ne cotait plus
que 3,82 francs français.
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CHRONOLOGIE
43
ÉTATS!UNIS
Vie politique.
Le compromis entre la Maison-Blanche et le
Congrès à majorité démocrate sur le budget 1990, qui prévoit la réduction du déficit
au-dessous de 100 milliards de dollars sans
impôts nouveaux, constitue une victoire
pour le président George Bush (9 février).
Samedi 15
FRANCE
Cinéma.
Acteur dans plus de deux cents films depuis
1922, Charles Vanel meurt à l’âge de 96 ans.
GRANDE!BRETAGNE
Mortelles tribunes
Ce 15 avril, à Sheffield, ils sont encore deux à
trois mille supporters de Liverpool à stationner
à l’extérieur du stade de Hillsborough quelques
minutes avant le coup d’envoi de la demi-finale
de la Coupe d’Angleterre opposant leur club à
celui de Nottingham-Forest. Certains sont ivres.
Ils n’ont pas tous de billet. Les policiers à cheval
sont bientôt débordés par leur agitation. Pour
éviter le drame, un officier ordonne l’ouverture
des grilles. La foule se précipite alors vers la tribune la plus proche, déjà saturée. En quelques
minutes, 95 spectateurs meurent étouffés contre
les grillages qui les séparent du terrain ou piétines dans la mêlée.
Toujours Liverpool ! Entre la violence préméditée
des hooligans « tueurs » du Heysel et le comportement irresponsable des supporters du stade de
Sheffield, quelle différence ? Ces deux drames en
reflètent un autre : celui des laissés-pour-compte
de la politique libérale de Mme Margaret Thatcher,
qui trouvent dans le soutien « musclé » de leur
équipe favorite un exutoire à leur misère sociale.
Sont-ils les seuls coupables ? Cela fait quatre ans
que la Fédération anglaise de football fait expier
aux supporters de Liverpool le crime du Heysel.
À Sheffield encore, une semaine pourtant après
l’annonce par l’UEFA de la probable sortie des
clubs anglais du purgatoire européen, elle ne leur
délivre que 23 000 billets alors qu’ils sont 40 000,
tandis que les fans de Nottingham, moitié moins
nombreux, s’en voient offrir 28 000 !
Alors que, les jours suivants, les abords des terrains de Sheffield et de Liverpool se couvrent de
bouquets et de foulards rouges, aux couleurs du
club, à Londres, la polémique sur la sécurité dans
les stades rebondit. Mme Thatcher est cette fois
résolue à faire adopter une réforme du football
dont la principale mesure consisterait à doter
les supporters d’une carte informatique qui permette de contrôler leur identité. Dans un pays
où n’existe aucun document d’identité officiel,
le projet soulève des réticences jusque dans les
rangs des conservateurs. En outre, les barrières
destinées à protéger les joueurs des spectateurs
seraient abattues et les places debout supprimées, tout cela à la charge des clubs.
Par un hasard du calendrier, le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles sur le drame du
stade du Heysel, où 39 personnes avaient trouvé
la mort le 29 mai 1985, est rendu le 28 avril. La
clémence du verdict reflète l’impuissance de la répression face aux tragédies collectives. Quatorze
supporters britanniques sont condamnés à trois
ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis, ce
qui devrait leur permettre d’être bientôt libérés.
Les onze autres sont acquittés. Deux peines de
prison avec sursis sont prononcées à rencontre du
responsable du maintien de l’ordre et de l’organisateur de la rencontre.
ITALIE
Justice.
Le verdict du troisième grand procès de
la Mafia sicilienne, commencé il y a un
an devant la cour d’assises de Palerme,
suscite de vives réactions ; 40 personnes
sont condamnées, dont six à la réclusion
à perpétuité, mais 82 autres sont acquittées, parmi lesquelles Michele Greco, chef
de l’organisation selon les témoignages de
nombreux repentis.
Dimanche 16
LIBAN
Conflit.
À Beyrouth, des bombardements particulièrement meurtriers causent la mort de
46 personnes durant le week-end, dont
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
44
celle de l’ambassadeur d’Espagne, Pedro
Manuel de Aristegui (27).
URUGUAY
Amnistie.
60 % des électeurs ratifient par référendum
la loi d’amnistie votée en 1986, au nom de
la réconciliation nationale, en faveur des
militaires accusés de violation des droits
de l’homme sous la dictature, entre 1973 et
1985.
Lundi 17
CEE
Le « comité Delors », formé en juin 1988
sous la direction du président de la Commission, remet son rapport sur l’union économique et monétaire européenne. Celui-ci
admet la progressivité du processus mais
exige des gouvernements un engagement
politique. Il préconise la mise au point d’un
nouveau traité (27 juin).
FRANCE
Santé.
La nouvelle Agence de lutte contre le SIDA
lance une campagne officielle de communication sur le thème « les préservatifs préservent de tout, de tout sauf de l’amour ».
Bourse.
Battant son record du 26 mars 1987 (460,4),
l’indice CAC atteint son plus haut niveau
historique à 465,1.
POLOGNE
Vie politique.
La légalisation officielle du syndicat Solidarité coïncide avec l’octroi par le gouvernement américain d’un prêt de 1 milliard de dollars et la promesse d’une aide
économique de la France. Le 18, M. Lech
Walesa et le général Wojciech Jaruzelski se
rencontrent pour la première fois depuis le
mois de novembre 1981. Le 20, M. Walesa
est longuement reçu au Vatican par le pape
Jean-Paul II.
CHINE
Manifestation.
Plusieurs centaines d’étudiants se rassemblent sur la place Tiananmen, à Pékin,
en vue de rendre hommage à Hu Yaobang,
secrétaire général du PCC écarté le 16 janvier 1987 et qui vient de mourir le 15 à l’âge
de 73 ans ; ils réclament sa réhabilitation
ainsi que la démission du gouvernement
et l’avènement de la démocratie. Soutenues
par la population, les manifestations s’amplifient les jours suivants jusqu’à réunir plusieurs centaines de milliers de personnes le
27 (4 mai).
Mardi 18
FRANCE
Finances.
Pour la première fois, l’État lance un emprunt en écus ; d’un montant de sept milliards de francs environ et d’une durée de
huit ans, il est très bien accueilli par les
investisseurs.
SUISSE
Justice.
Arrêté à Berne en exécution d’un mandat
américain, l’homme d’affaires saoudien Adnan Khashoggi est placé en détention provisoire aux fins d’extradition. Aux États-Unis,
il est accusé du recel de 6 milliards de dollars pour le compte de la famille de l’ancien
dirigeant philippin Ferdinand Marcos.
JORDANIE
Troubles.
Des émeutes contre la vie chère éclatent
dans plusieurs villes du sud du pays deux
jours après l’adoption par le gouvernement,
en accord avec le FMI, de sévères mesures
de hausse des prix. Ces manifestations
prennent fin le 21 après avoir causé la mort
de huit personnes selon un bilan officiel.
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CHRONOLOGIE
45
Mercredi 19
GRANDE!BRETAGNE
Ma cousine Daphné
On la croyait disparue depuis longtemps, tant
son oeuvre appartient intimement à l’époque révolue de la première moitié du siècle. Daphné Du
Maurier n’était que retirée dans le village de Par,
en Cornouailles. C’est là qu’elle meurt, le 19 avril,
à l’âge de 81 ans.
Daphné Du Maurier était l’auteur de nombreuses
nouvelles et d’une trentaine de romans parmi lesquels certainement trois des plus populaires du
siècle, l’Auberge de la Jamaïque (1931), Rebecca
(1938) et Ma cousine Rachel (1951), tous trois portés à l’écran. Mais on ignore généralement qu’Alfred Hitchcock s’était inspiré de l’un de ses textes
pour réaliser son chef-d’oeuvre, les Oiseaux. Le
rapprochement avec Hitchcock, qui tourna aussi
Rebecca, n’est pas fortuit. Bien qu’obstinément
qualifiée de romantique par une critique qui ne
l’aimait guère, Daphné Du Maurier appartenait
plutôt à la catégorie des auteurs de romans à suspense. L’atmosphère oppressante de ses décors,
la perversité de certains de ses personnages et
son sens aigu des rebondissements concouraient
certainement plus à tenir ses lecteurs en haleine
que son style, assez indigent.
Pour trouver des sujets romanesques, Daphné Du
Maurier n’avait qu’à puiser dans sa généalogie. Sa
bisaïeule était une célèbre courtisane qui avait
ruiné le duc d’York avant d’épouser un inventeur français qui mourut fou et endetté, Louis Du
Maurier. Son grand-père George était un illustrateur de renom également connu pour avoir
écrit, notamment, Peter Ibbetson. Son père Gérald
enfin, qu’elle adorait, était un acteur et metteur
en scène de théâtre célèbre à Londres au début
du siècle. Fidèle à cette lignée, la jeune fille allait
mener sa jeunesse de façon excentrique pour
l’époque, s’affichant en pantalons, conduisant sa
voiture et publiant à 24 ans son premier roman,
la Chaîne d’amour (1931). Devenue lady Browning
et mère de famille, elle ne conservait comme lien
avec ce passé que l’écriture et ne vivait désormais
plus ses passions qu’à travers ses livres.
Fuyant Londres et ses mondanités, Daphné Du
Maurier entrait alors dans le club très fermé de ces
romancières anglaises qui allient une imagination
créatrice confinant à l’horreur et au macabre avec
une existence des plus rangées. La mort de son
mari en 1965 et l’obligation de quitter « Menabilly », son cher manoir, la faisaient peu à peu
sombrer dans la dépression. Après la parution de
son autobiographie, Growing Pains (1977), elle
renonçait à écrire. La vieille dame rejoignait alors
prématurément le paradis de papier des auteurs
qui furent populaires.
ÉTATS!UNIS
Accident naval.
Au cours d’un exercice de tir au large de
Porto Rico, l’explosion de la tourelle du cuirassé Iowa cause la mort de 47 marins.
Jeudi 20
FRANCE
Vie politique.
Invité de l’émission télévisée l’Heure de vérité, le Premier ministre Michel Rocard déclare que « l’économie française est encore
en convalescence » et que « la France ne
veut pas d’une Europe sans règle du jeu ».
Audiovisuel.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
ouvre la voie à une économie mixte dans ce
secteur en attribuant les cinq canaux du satellite TDF 1 à une duplication de Canal +,
à Canal + Allemagne, à la SEPT, à Sport
2/3, à Canal Enfants et Euromusique, ces
deux dernières chaînes devant se partager
le même canal.
FRANCE!RFA
Relations.
À l’occasion du 53e sommet franco-allemand, MM. François Mitterrand et Helmut Kohl président la première réunion du
conseil de défense et de sécurité commun aux
deux pays, créé par un protocole annexe au
traité de l’Élysée, signé le 22 janvier 1988.
URSS
Vie politique.
L’ancien dissident Andreï Sakharov est élu
au Congrès des députés du peuple. Il y siédownloadModeText.vue.download 47 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
46
gera en tant que représentant de l’Académie
des sciences.
Vendredi 21
FRANCE
Trafic.
La Direction de la surveillance du territoire (DST) interpelle en flagrant délit trois
membres de l’Ulster Résistance, groupe
protestant clandestin d’Irlande du Nord,
un Américain et un diplomate sud-africain
dans le cadre d’une enquête sur la fourniture à l’Afrique du Sud d’un missile solair volé dans une usine de Belfast. Après
le gouvernement français le 28, celui de
Londres décide à son tour le 5 mai l’expulsion de trois diplomates sud-africains pour
protester contre cette tentative de tourner
l’embargo décrété par l’ONU sur les ventes
d’armes à l’Afrique du Sud.
Ventes.
Lors de la dispersion aux enchères de la
bibliothèque du colonel américain Daniel
Sickles, la plus grande collection privée
de manuscrits et d’ouvrages français du
XIXe siècle, une édition originale des Fleurs
du mal de Charles Baudelaire est adjugée
1,3 million de francs.
Samedi 22
SÉNÉGAL!MAURITANIE
Racisme à l’africaine
Les deux pays sont voisins et leurs relations
frontalières, intenses. L’économie, l’histoire et la
culture lient les deux États. Cela n’empêche pas
Sénégalais et Mauritaniens de nourrir les uns
envers les autres des pulsions xénophobes et
racistes qui, au-delà des préjugés profondément
ancrés, fonctionnent comme exutoires de conditions d’existence précaires.
Ainsi, les 22 et 23 avril, à Dakar (Sénégal), des
milliers de boutiques traditionnellement tenues
par des petits commerçants mauritaniens sont
pillées et dévastées par de jeunes vandales. Cette
flambée de violence fait suite aux incidents survenus au début du mois à la frontière. Plusieurs
personnes avaient alors trouvé la mort lors d’accrochages opposant des paysans sénégalais à
des nomades mauritaniens dont les troupeaux
de chameaux sont accusés de causer des dommages aux cultures. L’hebdomadaire d’opposition
sénégalais Sopi de Me Abdoulaye Wade, principal
adversaire du président Abdou Diouf, a exploité
l’affaire, évoquant « les bruits de bottes [qui]
se font entendre de l’autre côté du fleuve ». Le
désoeuvrement, le mécontentement social et la
haine de l’Arabe ont fait le reste.
Le contentieux entre Maures et Négro-Africains
remonte à l’indépendance. Les dirigeants mauritaniens n’ont cessé depuis lors de tenter de
réduire le pouvoir que les Noirs, sédentaires,
avaient acquis dans l’administration française,
tandis que, dans le même temps, le nombre des
Mauritaniens d’origine négro-africaine augmentait. À cela s’ajoute l’accusation formulée à l’encontre du Sénégal d’héberger les dirigeants du
Front de libération africain de Mauritanie (FLAM)
qui prônent l’instauration d’un pouvoir noir à
Nouakchott.
Aussi les autorités mauritaniennes ne font-elles
rien pour prévenir les réactions qui ne manquent
pas de se produire aux événements de Dakar, paraissant prêtes à tolérer deux jours de pillages en
réponse à deux jours de pillages. Mais les représailles tournent rapidement à la chasse aux Noirs.
Quand le couvre-feu est instauré à Nouakchott
et Nouadhibou, le 25, il est déjà trop tard : on
dénombre plus de deux cents morts. Poussé par
son opposition, qui le taxe de mollesse, le gouvernement sénégalais élève une « vive protestation »
auprès des autorités mauritaniennes.
C’est donc une population prête à en découdre
qui recueille les récits d’atrocités faits par les premiers réfugiés d’origine sénégalaise arrivés à Dakar et qui s’en prend de nouveau, le 27, aux Mauritaniens en instance de rapatriement. Plusieurs
dizaines sont victimes de ces nouvelles violences.
À partir du 29, un pont aérien est établi entre
les deux pays avec l’aide de la France. Selon des
bilans officiels, 80 000 Sénégalais et 170 000 Mauritaniens sont rapatriés jusqu’à la fin du mois de
mai, tandis que le chef de l’État malien, M. Moussa
Traoré, président en exercice de l’OUA, tente d’imposer des mesures d’apaisement.
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CHRONOLOGIE
47
Dimanche 23
FRANCE
Relations internationales.
Entamant à Paris une tournée qui doit
le mener dans huit autres capitales européennes, le président nicaraguayen Daniel
Ortega obtient l’augmentation de l’aide économique française à son pays.
ÉTATS!UNIS
Armement.
Choisissant la voie du compromis avec le
Congrès, le secrétaire d’État à la Défense
Richard Cheney annonce à la fois la mise
en chantier des missiles « nains » Midgetman transportés sur camions, en plus des
fusées MX montées sur wagons, et le ralentissement du programme IDS (initiative de
défense stratégique).
Lundi 24
RFA
Musique.
Nommé en avril 1955 « chef à vie » de
l’Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan, âgé de 81 ans, présente
sa démission. Très diminué physiquement
par une maladie osseuse, il entretenait des
relations de plus en plus mauvaises tant
avec l’administration de la ville qu’avec ses
musiciens.
Mardi 25
FRANCE
Sécurité routière.
Le Livre blanc remis au Premier ministre
par la « commission Giraudet » dans le but
de réduire l’hécatombe et de civiliser les
automobilistes préconise notamment un
développement de l’information et de l’éducation, la création d’un permis de conduire
provisoire pour les jeunes conducteurs,
l’instauration d’une répression plus efficace
et la limitation de la vitesse des véhicules à
la construction.
URSS
Vie politique.
Au lendemain d’un appel de la Pravda à
l’« autoépuration » du Parti, M. Mikhaïl
Gorbatchev renforce sa position en annonçant la mise à la retraite de 110 membres ou
suppléants réputés conservateurs du comité
central ou de la commission de révision du
Parti et la promotion de 24 réformateurs.
CORÉE DU SUD
Terrorisme.
Mlle Kim Hyun-hee, responsable de l’attentat contre le Boeing-707 de la KAL, le
29 novembre 1987, est condamnée à mort
par un tribunal de Séoul. Elle avait avoué
avoir agi sur les ordres du régime nord-coréen, ce que ce dernier a toujours démenti.
JAPON
Vie politique.
Impliqué dans le scandale politico-financier Recruit-Cosmos, Noboru Takeshita,
Premier ministre depuis novembre 1987,
présente sa démission, qui doit prendre
effet après le vote du budget. Son indice de
popularité était tombé à 3,4 %.
Mercredi 26
FRANCE
Conflit du travail.
Revenant sur la décision du juge des
prud’hommes du 17 février, la cour d’appel
de Versailles annule la réintégration des dix
militants CGT de l’usine de Renault-Billancourt licenciés de la Régie pour avoir commis des violences lors des manifestations de
l’été 1986.
Justice.
La cour d’assises du Nord amnistie ou acquitte six des sept accusés dans l’affaire du
hold-up de la perception de Condé-sur-l’Escaut par des militants libertaires, le 29 août
1979. Leur dossier étant passé du qualificatif de « politique » à celui de « droit comdownloadModeText.vue.download 49 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
48
mun », les accusés n’avaient pas pu bénéficier de l’amnistie votée en 1981. Remis en
liberté, ils ont attendu huit ans avant d’être
jugés.
Croix-Rouge.
Mme Georgina Dufoix est élue à la tête de
la section française de l’association humanitaire, qui traverse une crise avec un déficit d’exploitation de plus de 28 millions de
francs pour 1988.
GRANDE!BRETAGNE
Racket.
Le ministère de l’Intérieur confirme la découverte de petits pots pour bébés contenant des substances dangereuses. Une
demande de rançon de 1 million de livres
(11 millions de francs) est parvenue aux
deux groupes alimentaires fabriquant les
produits visés.
BANGLADESH
Catastrophe naturelle.
Une tornade ravage le centre du pays, provoquant la mort de plus de 700 personnes.
Jeudi 27
FRANCE
Justice.
Chargé du dossier sur les attentats terroristes de 1986 à Paris, le juge d’instruction
Gilles Boulouque délivre sept mandats d’arrêt contre des membres de l’organisation
chiite pro-iranienne du Hezbollah basée au
Liban.
Sociétés.
Premier et second voyagistes français, le
Club Méditerranée et Nouvelles Frontières
annoncent leur alliance en vue de constituer l’un des premiers groupes européens
(28 août).
RFA
Économie.
Présentant devant le Bundestag la nouvelle
politique de son gouvernement, le chancelier Helmut Kohl annonce la suspension, à
partir du 1er juillet, de la retenue à la source
sur les revenus de l’épargne instituée le
1er janvier. Cette décision constitue un pas
en arrière sur la voie de l’harmonisation fiscale européenne.
LIBAN
Conflit.
Après un mois et demi de bombardements
qui ont provoqué près de 300 morts, le comité de la Ligue arabe pour le Liban décrète
un cessez-le-feu « définitif » qui n’est respecté que quelques heures.
Vendredi 28
FRANCE
Vie politique.
M. Michel Rocard engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi approuvant le
Xe Plan (1989-1992), discuté en première
lecture. L’opposition ne déposant pas de
motion de censure, le texte est adopté.
Justice.
Poursuivi pour proxénétisme aggravé et
corruption passive de fonctionnaire, le
commissaire Yves Jobic bénéficie d’un jugement de relaxe très critiqué par certaines
associations de magistrats (2 mars).
Affaires.
Un rapport de la commission d’enquête sénatoriale dénonce le rôle joué par la Caisse
des dépôts et consignations dans la tentative
de prise de contrôle de la Société générale
et fait état de « pressions » de la part des
pouvoirs publics.
URSS
Art.
La première exposition consacrée en Union
soviétique à Wassily Kandinsky s’ouvre à la
galerie Tetriakov, à Moscou.
ÉTATS!UNIS!JAPON
Armement.
Le développement et la production
conjointe du FSX (Fighter Support ExperidownloadModeText.vue.download 50 sur 509
CHRONOLOGIE
49
mental), avion de chasse destiné à remplacer le F-16, font l’objet du premier accord de
ce type passé entre les deux pays. Le coût
global de cet avion est estimé à 7,2 milliards
de dollars.
Samedi 29
FRANCE
Écologie.
Malgré la suspension des travaux annoncée la veille par le secrétaire d’État à l’environnement, M. Brice Lalonde, des milliers
de personnes manifestent dans les rues du
Puy contre le projet de barrage de Serrede-la-Fare (Haute-Loire) avant de défiler
le lendemain sur le site, occupé depuis le
11 février.
Loisirs.
Le parc nautique Aquaboulevard ouvre ses
portes en bordure du 15e arrondissement
de Paris ; le lendemain, le parc Astérix, dédié au personnage de Goscinny et Uderzo,
fait de même à Plailly (Oise).
Violence.
Un instituteur de l’école de Déols, dans
l’Indre, est transporté à l’hôpital dans un
coma profond après avoir été frappé au
visage par un parent d’élève qui est inculpé
et écroué.
Sport.
Le match nul contre la Yougoslavie (00) rend presque certaine l’élimination de
l’équipe de France de la Coupe du monde de
football. Pour la première fois depuis 1974,
elle ne devrait donc pas participer au Mondial, qui se tiendra en 1990 en Italie.
Dimanche 30
CAMBODGE
Constitution.
L’Assemblée nationale adopte une nouvelle
loi fondamentale, qui ne fait plus référence
au socialisme. De « république populaire »,
le Cambodge devient un « État neutre, pacifique et non aligné ». Le bouddhisme est
érigé en religion d’État, certaines libertés
fondamentales sont reconnues et l’économie
de marché est rétablie.
SPORT
Tennis.
L’Argentin Alberto Mancini (19 ans) remporte l’Open de Monte-Carlo en battant en
finale l’Allemand de l’Ouest Boris Becker
(7-5, 2-6, 7-6, 7-5).
Le mois de
Jean-François Deniau
Au mois d’avril 1989, les croûtes de notre vieille
planète craquent un peu partout. Les cicatrices
des conflits anciens apparaissent, mais percent
aussi les bourgeons de nouveaux espoirs. La
France, trop attentive aux seuls jeux de sa politique intérieure, regarde ce printemps du monde
comme un vague spectacle où se succèdent une
révolte ici, une guerre plus loin, une élection ailleurs, un massacre là. Et pourtant, quelque part,
s’est levé le souffle puissant et chaud du vent de
la liberté.
Le 3, je préside à Bourges le bureau du conseil
général du Cher. Le 4, très tôt, un Mystère 20
m’emmène au Liban, en guerre depuis 15 ans et
de nouveau en crise. Je fais la navette entre l’Est
et l’Ouest sous les bombardements. Le 7, dans la
nuit, je rends compte à Paris de mes entretiens
avec le général Aoun et le docteur Hoss sur l’affaire des « ports illégaux », sur les besoins d’aide
en carburant et sur les réformes politiques. Le 10,
je suis désavoué pour avoir dit notamment qu’il y
avait des troupes syriennes au Liban.
Le 11, veillée de prières à Notre-Dame. De
l’Orient compliqué, je suis revenu avec une leçon
simple : c’est la coexistence entre communautés
religieuses différentes qui justifie l’existence du
Liban. Si les chrétiens s’isolent, il n’y a plus de
Liban ; mais, si les chrétiens disparaissent, il n’y
a plus de Liban non plus. N’entendent pas cette
leçon les fanatiques de tous bords et ceux dont
les intérêts sont autres.
Terrorisme en Espagne, annonce de retrait au
Cambodge, principe d’un accord « historique »
entre Solidarnosc et le général Jaruzelski en PodownloadModeText.vue.download 51 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
50
logne. Un sous-marin militaire soviétique prend
feu au large de la Norvège. Que fait Greenpeace ?
Émeutes en Géorgie. En France, le gouvernement met à l’ordre du jour la maîtrise du prix des
médicaments et des honoraires médicaux. Le
CDS conduira sa propre liste aux Européennes,
les « rénovateurs » renoncent. Du 16 au 18 avril,
je suis à Washington avec la mission du Bicentenaire. Séance de travail au département d’État sur
l’Afghanistan.
Le 20, à Paris, je reçois officiellement le Dalaï Lama
à l’Assemblée nationale. Méditation à haute voix
sur la violence engendrant la violence. Le 21, à
Bourges, conférence à l’IUT. Le 23, réception des
maires du canton de Saint-Martin-d’Auxigny, de
nouveau bureau du conseil général et assemblée
du comité du tourisme du Cher. Le 26, à Paris, réunion sur le Laos, pays oublié.
L’ambassadeur d’Espagne au Liban a été tué
dans sa résidence par un obus tiré depuis le
secteur pro-syrien. Le Comité Delors relance
« l’Union économique et monétaire » européenne. Quelques centaines d’étudiants chinois
commencent à se rassembler à Pékin sur la place
Tien An Men. À Moscou, M. Gorbatchev « démissionne » 110 membres du Comité central, qu’il appelle des « âmes mortes ». En France, dans l’Indre,
un instituteur est dans le coma après avoir été
attaqué par un parent d’élève irascible qui n’avait
pas admis qu’on sanctionnât son enfant.
On continue à célébrer le bicentenaire des Droits
de l’homme. Et les devoirs ?
JEAN-FRANÇOIS DENIAU
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CHRONOLOGIE
51
Mai
Lundi 1er
FÊTE DU TRAVAIL
La célébration du 1er-Mai est placée en
France sous le signe de la division et de la
démobilisation syndicale. Elle donne lieu
en Turquie, en Tchécoslovaquie, au Chili et
en Corée du Sud à de violents affrontements
entre forces de l’ordre et manifestants.
PARAGUAY
Élections générales.
Lors des premières élections libres organisées depuis 1928, l’auteur du coup d’État du
2 février (2 févr.), le général Andres Rodriguez, est élu président pour quatre ans par
74,18 % des voix. Le parti Colorado, auquel
il appartient, conserve la majorité dans les
deux chambres.
Mardi 2
FRANCE
Politique extérieure
France-OLP : « Caduque »
La plupart des ministres des Affaires étrangères
occidentaux ont déjà rencontré M. Yasser Arafat,
des diplomates américains s’entretiennent désormais périodiquement, à Tunis, avec des représentants de l’OLP et le leader palestinien a déjà
été officiellement reçu par le roi d’Espagne Juan
Carlos et par le pape Jean-Paul II. La poignée de
main échangée le 2 mai sur le perron de l’Élysée
avec le président François Mitterrand constitue
toutefois pour M. Arafat une distinction particulière. Sa visite officielle à Paris, qui dure jusqu’au
4, lui donne par ailleurs l’occasion d’une nouvelle
« percée » diplomatique.
La France a été la première à se démarquer des
autres grands pays occidentaux en votant, en novembre 1970, une résolution de l’ONU stipulant
que « le respect des droits des Palestiniens est un
élément indispensable à l’établissement d’une
paix juste et durable au Proche-Orient ». En octobre 1974, elle a appuyé la candidature de l’OLP
comme observateur à l’ONU, et son ministre des
Affaires étrangères a été le premier officiel occidental à rencontrer le leader palestinien. Élu président, M. Mitterrand ne cache pas sa profonde
amitié pour Israël. Cela ne l’empêche pas d’affirmer devant la Knesset, en mars 1982, qu’« il appartient aux Palestiniens de décider eux-mêmes
de leur sort ». Mais c’est l’aggiornamento de l’OLP,
fin 1988, qui décide de la normalisation des relations franco-palestiniennes. Dans son message
adressé le 26 avril à la communauté juive de
France, émue de la visite de M. Arafat à Paris le
jour de la commémoration du génocide, le chef
de l’État tient toutefois à préciser qu’« entendre
n’est pas adhérer ». Soucieuse de contribuer à la
résolution du conflit israélo-palestinien, la France
« entend recevoir confirmation de la volonté de
paix » exprimée par le leader de l’OLP, déclare le
ministre des Affaires étrangères Roland Dumas.
C’est dans cet esprit que le chef de l’État demande
à M. Arafat de « mettre les choses au net » concernant la charte nationale palestinienne, texte fondateur de l’OLP, que M. Mitterrand juge « contraire
sur des points importants au programme adopté
le 15 novembre 1988 par le Conseil national
palestinien d’Alger ». Sans mentionner explicitement l’élimination de l’État hébreu, celle-ci appelle en effet à « liquider la présence sioniste en
Palestine » (art. 15). Tandis que les partisans de la
visite du chef de l’OLP scandent dans les rues de
Paris « nous sommes tous des Palestiniens », ses
adversaires, parmi lesquels des personnalités de
l’opposition, se rassemblent rue Copernic aux cris
de « Mitterrand, trahison ! »
Le soir même, lors d’une interview à TF1, M. Arafat affirme que la charte de l’OLP est « caduque ».
Soigneusement choisi, le mot connaît un succès
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
52
immédiat. La déclaration est jugée « bien venue »
par les autorités américaines. Elle suscite en revanche un certain embarras à Jérusalem, où le
radicalisme de la charte palestinienne justifiait
les accusations de double langage proférées à
l’encontre de l’OLP. De leur côté, les groupes palestiniens extrémistes condamnent la « trahison »
de M. Arafat.
Corse.
Les travaux des « tables rondes » prévues
pour favoriser le « traitement au fond » des
problèmes de l’île débutent à Ajaccio tandis
que la reprise du travail est générale chez les
fonctionnaires.
Danse.
Au Grand Palais, à Paris, le Béjart Ballet de
Lausanne donne la première représentation
du spectacle 1789... et nous. Cette commande officielle inaugure le programme
« Danse en Révolution ».
HONGRIE
Frontières.
Le démantèlement du réseau de clôtures et
d’alarme protégeant la frontière avec l’Autriche ouvre une première brèche dans le
« rideau de fer » entre l’Europe de l’Est et
celle de l’Ouest.
Mercredi 3
FRANCE
Enseignement.
Les deux principaux syndicats du primaire
et du secondaire, le SNI-PEGC et le SNES,
signent l’accord sur la revalorisation de la
fonction enseignante.
Justice.
Le jury de la cour d’assises des Bouches-duRhône acquitte un père accusé du meurtre
de son enfant nouveau-né mongolien.
PAYS!BAS
Gouvernement.
À la suite d’un désaccord avec son allié
libéral M. Ruud Lubbers, Premier ministre
chrétien-démocrate du gouvernement de
coalition au pouvoir depuis 1982, présente
sa démission à la reine Béatrix (6 sept.).
CAMBODGE
Conflit.
Au terme de deux jours d’entretiens à Djakarta (Indonésie), le prince Norodom Sihanouk et le Premier ministre cambodgien
Hun Sen évoquent les « progrès considérables » accomplis sur la voie d’un règlement politique.
SPORT
Navigation en solitaire.
Parti de Brest le 28 décembre 1988, à la
barre de son trimaran « Un autre regard »,
le Français Olivier de Kersauson améliore
de quatre jours le précédent record du tour
du monde à la voile, détenu depuis 1987 par
son compatriote Philippe Monnet.
Jeudi 4
FRANCE
Politique sociale.
Le conseil des ministres adopte le projet de
loi de M. Jean-Pierre Soisson, ministre du
Travail, sur la prévention des licenciements
économiques et le droit à la reconversion.
Il honore ainsi un engagement pris par le
président de la République dans sa Lettre à
tous les Français, sans pour autant revenir
sur la suppression de l’autorisation administrative de licenciement.
Commémoration.
À Versailles, 300 000 personnes environ
assistent à la reconstitution de la procession du Saint-Sacrement qui avait précédé
l’ouverture des États généraux de mai 1789.
CHINE
Manifestations.
Malgré l’interdiction des autorités,
300 000 étudiants défilent jusqu’à la place
Tiananmen pour l’anniversaire de la première manifestation d’intellectuels en fadownloadModeText.vue.download 54 sur 509
CHRONOLOGIE
53
veur de la démocratie, en 1919. Les forces
de l’ordre n’interviennent pas (13).
NOUVELLE!CALÉDONIE
La malédiction d’Ouvéa
La cérémonie du 4 mai sur l’île d’Ouvéa devait
marquer la fin du deuil canaque. Elle en inaugure
un nouveau. Alors qu’ils assistent à une manifestation à la mémoire des 19 Canaques tués un
an plus tôt lors de l’assaut de la grotte de Gossanah par l’armée et la gendarmerie, Jean-Marie
Tjibaou, président du FLNKS, et son principal
adjoint, Yeiwéné Yeiwéné, tombent sous les balles
d’un extrémiste canaque, Djoubelly Wéa, qui est
immédiatement abattu. Évincé des discussions
de Matignon, cet ancien pasteur refusait de reconnaître la validité des accords du 26 juin 1988
et poursuivait depuis cette date « sa » guerre au
nord de l’île d’Ouvéa, transformée par ses soins
en zone retranchée, de facto indépendante. Son
geste est la réponse d’un chef de tribu vexé et
amer à la « trahison » de Tjibaou.
Tjibaou, traître à la mémoire des morts de Hienghène et d’Ouvéa pour avoir serré la main de
M. Jacques Lafleur, président du RPCR ? C’est
négliger l’assassinat de deux de ses frères dans
l’embuscade de Hienghène ; c’est oublier le « plus
jamais ça ! » exprimé par le leader indépendantiste après le premier drame d’Ouvéa. Contre
l’avis des siens et de son parti dans un premier
temps, Tjibaou avait choisi la paix. Il avait imposé
cette modération commune au paysan madré, au
fin diplomate et à l’homme sage qu’était tout à la
fois ce prêtre défroqué, ancien étudiant à l’École
des hautes études, entré en politique en 1977 lors
de son élection à la mairie de Hienghène.
La classe politique quasi unanime condamne
le double assassinat et exprime son inquiétude
quant à l’avenir du processus politique en cours
d’application dans l’île. Le Premier ministre Michel
Rocard envisage tout d’abord de différer la date
des élections provinciales prévues le 11 juin. Il
revient toutefois sur sa décision en constatant
sur place, où il assiste le 7 aux obsèques des
deux hommes, la détermination des modérés caldoches et canaques de mener à bien les réformes
institutionnelles.
Responsabilité collective ? On a certainement
sous-estimé le traumatisme de la communauté
canaque et la contestation au sein du mouvement indépendantiste, encore attisée par un
contentieux né des élections municipales. Le
Front uni de libération canaque (FULK), groupe
maximaliste de Yann Céléné Uregeï, hostile aux
accords de Matignon, ne déclare-t-il pas, le 9, qu’il
ne « condamne pas » l’assassinat de Tjibaou et
Yeiwéné ? Cela tend à accréditer la thèse invérifiée d’un complot fomenté par les membres d’un
« front du refus », ou « comité antinéocolonia-
liste », rassemblé autour du FULK et dirigé contre
l’Union calédonienne, composante principale du
FLNKS présidée par Tjibaou. Les jours suivants,
le fossé se creuse entre le FNLKS, dont le bureau
politique confirme, le 11, son attachement aux
accords de Matignon, et le FULK, qui appelle au
boycottage des élections du 11 juin.
Le 20, M. François Burck, qui affirme disposer de
« racines canaques et de branches européennes »,
succède à Jean-Marie Tjibaou à la tête de l’Union
calédonienne.
ÉTATS!UNIS
Justice.
Au terme de plus de deux mois de procès,
le lieutenant-colonel Oliver North, principal protagoniste de l’Irangate, est reconnu
coupable de trois chefs d’inculpation sur
douze, pour lesquels il encourt théoriquement dix ans de prison. Le condamné annonce son intention de faire appel.
Espace.
La navette spatiale Atlantis procède au
lancement de la sonde Magellan, qui doit
approcher et photographier Vénus en août
1990. Cette mission constitue la première
exploration interplanétaire américaine depuis onze ans.
Vendredi 5
ENVIRONNEMENT
Le protocole de Montréal sur la protection
de la couche d’ozone s’enrichit de l’engagement de ses 81 signataires, réunis depuis le
2 à Helsinki (Finlande), à cesser toute prodownloadModeText.vue.download 55 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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duction et toute utilisation des chlorofluorocarbones (CFC) d’ici l’an 2000.
CONSEIL DE L’EUROPE
La Finlande est le 23e et dernier pays d’Europe occidentale à devenir membre de l’organisation, qui fête son 40e anniversaire.
FINLANDE
v. Conseil de l’Europe
IRAN
Terrorisme d’État.
Le président du Parlement iranien, M. Hachemi Rafsandjani, lance aux Palestiniens
un appel au meurtre d’« Américains, de Britanniques ou de Français » en représailles à
« la brutalité sioniste en Palestine ». Devant
l’ampleur de la réaction internationale,
M. Rafsandjani, qui était jusque-là considéré comme un modéré, tente, le 10, de
minimiser la portée de ses propos.
Samedi 6
ÉGLISE CATHOLIQUE
Le pape Jean-Paul II achève un voyage en
Afrique commencé le 28 avril à Madagascar et poursuivi à la Réunion, en Zambie et
au Malawi. À Saint-Denis de la Réunion,
où il est accueilli le 1er mai par M. Michel
Rocard, le souverain pontife procède à la
béatification de frère Scubilion, un missionnaire des Écoles chrétiennes arrivé dans
l’île Bourbon en 1833.
ÉTATS!UNIS
Drogue.
Le chef de la secte des « narcosataniques »,
Adolfo de Jesus Constanzo, d’origine
cubaine, est tué lors d’un affrontement avec
la police. Depuis deux ans, cette bande se
livrait à des sacrifices humains destinés à
« couvrir » un trafic de stupéfiants entre les
États-Unis et le Mexique. Un charnier de
quinze corps avait été découvert près de la
frontière le 12 avril.
Dimanche 7
FRANCE
Théâtre.
La troisième Nuit des molières consacre
meilleurs spectacles de l’année le Foyer
d’Octave Mirbeau, mis en scène par Régis Santon, et l’Avare de Molière, mis en
scène par Jacques Mauclair. Le Hamlet de
William Shakespeare, mis en scène par
Patrice Chéreau et interprété par Gérard
Desarthe, reçoit quatre récompenses. Sont
aussi distingués Eugène Ionesco, Maria Casarès, Raymond Devos et le couple Colette
Brosset et Robert Dhéry.
BOLIVIE
Élections générales.
Aucun des trois candidats arrivés en tête à
l’élection présidentielle n’obtient la majorité
absolue : M. Gonzalo Sanchez de Lozada
(MNR au pouvoir, centre droit) réalise
23,07 % des voix, le général Hugo Banzer
(ADN, droite) 22,70 % et M. Jaime Paz
Zamora (MIR, social-démocrate) 19,64 %.
C’est donc le nouveau Congrès qui doit désigner le 6 août le successeur du président
Victor Paz Estenssoro.
PANAMA
Élections générales.
À l’issue d’un scrutin marqué par des
fraudes massives, la Coalition de libération
nationale (COLINA) au pouvoir, soutenue
par le général Manuel Noriega, tout comme
l’Alliance d’opposition (ADOC) déclarent vainqueur leurs candidats respectifs,
M. Carlos Duque et M. Guillermo Endara.
Le 10, après la répression brutale d’une
manifestation de l’opposition, le gouvernement annonce l’annulation des résultats
des scrutins. Le 11, les États-Unis décident
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CHRONOLOGIE
55
d’envoyer des renforts militaires dans la
zone du canal.
Lundi 8
POLOGNE
Presse.
Le journal de Solidarité, Gazetta Wyborcza (« Gazette électorale »), est le premier
quotidien indépendant à voir le jour dans
un pays de l’Est depuis la guerre. Dans son
éditorial, M. Lech Walesa appelle à la mobilisation pour les élections du 11 juin.
URSS
Religion.
Invité de l’Église russe orthodoxe depuis le
29 avril, l’archevêque de Paris, le cardinal
Jean-Marie Lustiger, décide d’écourter son
voyage après que le Patriarcat de Moscou
lui a refusé l’autorisation de se rendre à
Kiev, en Ukraine, berceau du christianisme
en Russie.
ÉTATS!UNIS
Pollution nucléaire.
Le Pentagone confirme la présence d’une
bombe H immergée depuis décembre 1965
par 5 000 mètres de fond au large de l’île
d’Okinawa à la suite de l’accident d’un chasseur-bombardier de l’US Navy. Il affirme
le 12 que les 15 kilos de plutonium se sont
depuis longtemps dissous sans causer de
dommages.
Mardi 9
FRANCE
Commémoration.
M. Michel Rocard inaugure à Paris la
« Grande fête des Tuileries 89 », qui doit accueillir pendant six mois des spectacles, des
expositions et des boutiques de souvenirs
liés à la Révolution française. Deux « tours
de la liberté » supportant des voilures de
toile et d’acier surplombent l’ensemble des
installations.
Code pénal.
La discussion du projet de refonte du code
Napoléon élaboré par M. Robert Badinter,
alors garde des Sceaux, débute au Sénat.
Le nouveau texte privilégie « la défense de
la personne humaine » contre toutes les
atteintes à « sa vie, son corps, ses libertés,
sa sûreté, sa dignité, son environnement ».
Meurtre.
À Aix-en-Provence, un adolescent de seize
ans égorge, à la suite d’une dispute, un camarade de son âge ainsi que la mère de ce
dernier.
Loisirs.
À Maizières-lès-Metz (Moselle), M. Jacques
Delors inaugure le parc d’attraction des
Schtroumpfs. Le président de la Commission des Communautés européennes salue
cette opération de reconversion d’un site
sinistré créatrice de 800 emplois nouveaux,
réalisée grâce au soutien financier de la
CEE.
GRANDE!BRETAGNE
Partis politiques.
Le chef du parti travailliste, M. Neil Kinnock, obtient du comité exécutif national
de sa formation l’abandon de la doctrine
« unilatéraliste » de désarmement nucléaire
en vigueur depuis trente ans ainsi que la
limitation du programme de renationalisation aux services du téléphone et de la distribution d’eau.
ÉTATS!UNIS
Ventes.
Adjugé pour 47,85 millions de dollars (plus
de 300 millions de francs) chez Sotheby’s, à
New York, un autoportrait peint par Picasso en 1901, Yo Picasso, devient le deuxième
tableau le plus cher du monde après les Iris
de Van Gogh (11 nov. 1987, éd. 1988).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
56
Mercredi 10
CONSEIL DE L’EUROPE
Mme Catherine Lalumière, ancien secrétaire
d’État français aux Affaires européennes,
est élue secrétaire générale de l’organisation
européenne. Elle prône l’ouverture de celleci aux pays d’Europe centrale et orientale,
le jour même où M. Lech Walesa vient recevoir le Prix européen des droits de l’homme
décerné par le Conseil.
FRANCE
Sécurité routière.
Les députés entament l’examen du projet de loi instaurant notamment le permis
de conduire à points, qui fonctionne sur le
principe du bonus-malus. Ils votent le 11
un texte un peu assoupli.
Racisme.
L’agression d’un Tunisien, grièvement blessé
par un jeune ouvrier agricole à Nice, suscite
une réaction du gouvernement de son pays
qui exprime sa vive préoccupation quant à
l’insécurité de ses ressortissants vivant sur
la Côte d’Azur.
Jeudi 11
FRANCE
Instruction civique.
Dans le cadre d’une opération menée par
les ministères des Finances et de l’Éducation, M. Michel Rocard et son ministre du
Budget, M. Michel Charasse, soutiennent
devant les enfants d’une classe de CM2 du
14e arrondissement de Paris que le principe
démocratique de l’impôt date de la période
révolutionnaire.
Prix littéraires.
Le Grand Prix du roman de l’Académie
française est attribué à Geneviève Dormann pour le Bal du dodo (Albin Michel).
URSS
Désarmement.
Profitant de la visite à Moscou du secrétaire
d’État américain James Baker, M. Mikhaïl
Gorbatchev annonce la réduction unilatérale de 500 ogives de son arsenal nucléaire
tactique en Europe et propose le retrait
symétrique de tous les missiles à courte
portée avant 1991. Il présente également un
programme très élaboré de réduction des
armes conventionnelles.
LIBAN
Conflit.
Le deuxième cessez-le-feu décrété par les
émissaires de la Ligue arabe à Beyrouth est
relativement respecté, hormis dans le secteur du littoral chrétien soumis au blocus
par les bombardements syriens.
Vendredi 12
OMS
L’Assemblée générale de l’Organisation
mondiale de la santé ajourne d’un an sa
décision concernant la demande d’adhésion de l’OLP à titre de membre de plein
droit. Les États-Unis avaient menacé de
quitter l’organisation, dont ils assurent le
quart du financement, si cette demande
était acceptée.
FRANCE
Musique.
Au cours des Rencontres d’Évian, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch présente
la création française de Rayok (1948), une
cantate satirique de Dimitri Chostakovitch
qui ridiculise le discours de Staline sur la
« musique formaliste ».
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
La fusion entre le numéro un britannique
du textile, Coats Vyella, et le numéro trois,
Tootal, donne naissance au nouveau leader
mondial du secteur avec 80 000 employés
et un chiffre d’affaires de l’ordre de 35 milliards de francs.
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CHRONOLOGIE
57
ÉTATS!UNIS
Politique étrangère.
Le Président George Bush prononce son
premier discours programme sur les relations soviéto-américaines. Prônant « l’intégration de l’URSS à la communauté des nations », il met à l’épreuve la bonne volonté
de M. Mikhaïl Gorbatchev en l’invitant notamment à permettre l’inspection aérienne
de son territoire.
Samedi 13
CHINE
Manifestations.
Malgré les appels à la raison lancés par le
secrétaire général du PCC, M. Zhao Ziyang,
deux à trois mille étudiants entament une
grève de la faim sur la place Tiananmen, à
Pékin ; les jours suivants, ils sont soutenus
par des centaines de milliers de manifestants, et la contestation s’étend aux autres
grandes villes du pays (20).
ÉTATS!UNIS
Transports.
L’entrée en atelier de la dernière rame couverte de « tags » marque le terme d’un programme de nettoyage du métro de New York
qui a mobilisé un millier de personnes pendant cinq ans et coûté 52 millions de dollars
par an (333 millions de francs environ).
Dimanche 14
ARGENTINE
Douloureuse transition
M. Raul Alfonsin rêvait d’être le premier président élu à terminer normalement son mandat
depuis 1928. Son rêve s’est évanoui. En fixant la
date des élections générales sept mois avant la
passation des pouvoirs prévue le 10 décembre
– la Constitution lui interdit de se représenter –,
il pensait prendre l’inflation de vitesse et sauver
au moins une majorité parlementaire. Ultime manoeuvre, ultime échec.
Le 14, le candidat péroniste du mouvement justicialiste, M. Carlos Saul Menem, remporte l’élection présidentielle dès le premier tour avec 49,2 %
des suffrages et la majorité des grands électeurs,
tandis que son parti s’octroie la majorité des
sièges au Parlement. M. Eduardo Angeloz, candidat néolibéral du parti de l’Union civique radicale
au pouvoir, n’obtient que 36,9 % des voix.
Ce dernier est victime des échecs économiques
répétés du président Alfonsin. Avec une dette
extérieure de 60 milliards de dollars et une inflation de 2 % par jour, l’Argentine est aujourd’hui en
voie de sous-développement. Doté d’un « look »
de « gaucho », d’un charisme certain et d’un programme tenant en un mot, « Sigame ! » (« suismoi ! »), M. Menem a su, de son côté, redonner
l’espoir aux Argentins en reprenant le flambeau
du célèbre caudillo Juan Peron. Soutenu par la
CGT – le tout-puissant syndicat unique péroniste
– et ami du général rebelle emprisonné Mohammed Ali Seineldin, cet obscur gouverneur de la
lointaine province de la Rioja a acquis la sympathie du peuple et des militaires.
Face à l’aggravation brutale de la crise économique – l’inflation atteint 78 % en mai – et en
l’absence d’accord avec M. Menem sur une passation anticipée des pouvoirs, le président Alfonsin
forme un « cabinet de crise » et annonce, le 28, un
plan économique draconien. Le lendemain, une
explosion de colère suscitée par l’annonce d’une
énième hausse des prix dans un supermarché de
Rosario, à 300 km au nord-ouest de la capitale, dégénère en pillage de tous les magasins de la ville.
L’état de siège est décrété dans tout le pays. Les
militaires refusent toutefois d’intervenir contre la
population pauvre, dont ils se sentent solidaires.
La répression par la police de ces « émeutes de la
faim », qui cessent le 31 après s’être étendues à la
banlieue de Buenos Aires, cause la mort de quatorze personnes selon un bilan officiel. Le gouvernement se contente d’organiser la distribution
de soupes populaires et d’arrêter des dirigeants
d’extrême gauche considérés comme les instigateurs des pillages.
Spectateur impuissant de la crise économique, le
président Alfonsin renâcle à se faire le complice
objectif du second responsable de sa chute :
l’armée. Il refuse, avant de partir, d’endosser la
responsabilité d’amnistier les officiers supérieurs
encore poursuivis pour les crimes qu’ils auraient
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commis sous la dictature, comme le lui demande
M. Menem. Le 12 juin, il annonce sa démission
pour la fin du mois. Tout en protestant de se faire
ainsi « forcer la main », M. Menem accepte, le lendemain, cette transmission anticipée du pouvoir :
il doit entrer en fonctions le 8 juillet.
Lundi 15
URSS
v. Chine
CHINE
Relations internationales.
La visite officielle que M. Mikhaïl Gorbatchev entreprend jusqu’au 19 est fortement
perturbée par les manifestations qui continuent de regrouper des centaines de milliers de personnes dans les rues de Pékin
et de Shanghai. Le 16, sa rencontre avec
M. Deng Xiaoping scelle la fin de trente
années de brouille sino-soviétique. Le chef
du Kremlin propose la démilitarisation de
la frontière commune et annonce des réductions de troupes en Asie. Un différend
subsiste toutefois au sujet du Cambodge.
Mardi 16
SANTÉ
Le Comité international d’éthique sur le
SIDA, créé en 1987 à l’initiative du président François Mitterrand, tient sa première
réunion à Paris en présence de représentants des Douze, du Japon, des États-Unis
et du Canada.
FRANCE
Vie politique.
79 députés de l’opposition, parmi lesquels
les présidents de groupe RPR et UDF, refusent la motion de censure de la politique
européenne du gouvernement déposée par
les « rénovateurs ».
LIBAN
Conflit.
Le chef de la communauté sunnite, cheikh
Hassan Khaled, est tué à Beyrouth dans
un attentat à la voiture piégée dont les
chrétiens et les musulmans se rejettent la
responsabilité.
ÉTHIOPIE
Troubles.
Une tentative de coup d’État menée par des
militaires partisans de la paix en Érythrée
et de la démocratie est déjouée. Le président Mengistu Haïlé Mariant procède les
jours suivants à une sévère épuration du
haut commandement militaire.
Mercredi 17
FRANCE
Immigration.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
loi présenté par M. Pierre Joxe sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en
France. Très critiqué par l’opposition, ce
texte abroge de nombreuses dispositions
de la « loi Pasqua » du 9 septembre 1986 et
garantit de nouveaux droits aux étrangers
vivant régulièrement sur le territoire tout
en maintenant les dispositifs de contrôle
aux frontières.
POLOGNE
Église catholique.
La Diète adopte une série de lois sur la
normalisation des relations entre l’État et
l’Église. Celle-ci ne dépendra plus que du
Vatican et se verra accorder la personnalité
juridique.
PORTUGAL
Justice.
La Cour suprême décide la libération de
M. Otelo Saraiva de Carvalho, héros de la
« révolution des oeillets », et de 28 de ses
compagnons. Arrêtés en 1984 sous l’accusation de constituer une « association criminelle » d’extrême gauche responsable de
nombreux attentats et attaques de banques,
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CHRONOLOGIE
59
ils avaient été condamnés en 1987 à de
lourdes peines de prison. La Cour demande
une nouvelle instruction du dossier.
RFA
Justice.
Accusé d’avoir participé, en juin 1985, au
détournement d’un avion de la TWA au
cours duquel un citoyen américain avait
trouvé la mort, le militant chiite libanais
Mohamed Hamadé est condamné par le
tribunal de Francfort à la réclusion criminelle à perpétuité au terme de huit mois de
procès.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Justice.
Arrêté le 16 janvier pour avoir participé à
une manifestation interdite à la mémoire
de Jan Palach et condamné en appel le
21 mars à huit mois de prison ferme, le dramaturge et ancien porte-parole de la charte
77 Vaclav Havel est libéré après avoir purgé
la moitié de sa peine.
Jeudi 18
FRANCE
Vie politique.
Au cours d’une conférence de presse consa-
crée à la politique internationale et à la
défense, le président François Mitterrand
fait connaître son arbitrage à propos des dépenses militaires pour les quatre prochaines
années : les armées devront faire des économies, mais aucun grand programme ne
sera abandonné. D’autre part, il s’oppose
au principe de l’option triple zéro tout en
déclarant que la décision de moderniser les
armes tactiques en Europe n’est pas urgente.
Exposition.
La Grande Halle de La Villette et le Centre
Georges-Pompidou présentent les Magiciens de la Terre, une sélection d’oeuvres
d’art contemporaines originaires du monde
entier.
Vendredi 19
GRANDE!BRETAGNE
Espionnage.
Le gouvernement procède à l’expulsion
de huit diplomates et de trois journalistes
soviétiques. Le 20, les autorités de Moscou
prennent des mesures identiques à l’encontre d’un même nombre de Britanniques.
ITALIE
Gouvernement.
Des rivalités entre démocrates-chrétiens
et socialistes sont à l’origine de la chute du
cabinet de coalition de M. Ciriaco De Mita
(DC), au pouvoir depuis 13 mois.
NAMIBIE
Conflit.
L’Afrique du Sud, Cuba et l’Angola signent
un accord destiné à relancer le processus
d’accession à l’indépendance à la suite du
retrait total des maquisards de la SWAPO
qui s’étaient infiltrés dans le territoire le
1er avril (1er avril).
Samedi 20
FRANCE
Relations internationales
v. États-Unis
Faits divers.
Le vol d’une centaine d’animaux de laboratoire dans les locaux de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM) de Lyon est revendiqué par un
groupe d’opposants aux expérimentations
sur les bêtes.
Sport.
Victorieux d’Auxerre (2-1), l’Olympique de
Marseille, qui ne peut plus être rejoint par
le Paris-Saint-Germain, remporte le championnat de France de football.
ESPAGNE
Justice.
Le verdict clément dans le procès de l’affaire
des huiles frelatées responsables de la mort
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60
de 650 personnes en 1981 suscite une vive
émotion dans l’opinion.
CHINE
Troubles.
Alors que les dirigeants paraissent désemparés face à la poursuite des manifestations,
la loi martiale est décrétée à Pékin ; mais la
progression des militaires est stoppée par
la foule. Après quelques jours de débats
internes au pouvoir, le Premier ministre Li
Peng réapparaît le 25 à la télévision après
avoir obtenu le soutien de M. Deng Xiaoping, des militaires et de la vieille garde du
régime. La ligne dure l’emporte ainsi sur
celle, favorable à la conciliation, du secrétaire général du PCC, M. Zhao Ziyang, qui
est démis de ses fonctions.
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Au cours de la visite de deux jours effectuée par M. François Mitterrand en Nouvelle-Angleterre, M. George Bush salue
« l’émergence de l’Europe comme partenaire
du leadership mondial » et se félicite de la
position modérée de la France au sein de
l’OTAN.
Dimanche 21
RELIGION
OEcuménisme.
Les 638 représentants catholiques, orthodoxes et protestants, réunis pour la première fois à Bâle (Suisse) depuis le 15,
adoptent un message appelant les 500 millions de chrétiens européens à se mobiliser
pour la défense de la paix, de la justice et de
l’environnement.
FRANCE
Transports.
La violente agression de trois contrôleurs
sur la ligne Paris-Meaux provoque les
jours suivants un mouvement de grèves
sur le réseau banlieue de la SNCF. Le travail reprend après l’annonce par le Premier
ministre, le 24, de la création d’une police
des chemins de fer.
Lundi 22
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
Le secrétaire d’État James Baker durcit le
ton à l’égard d’Israël, qui réclamait des autorités américaines un « soutien sans condition » au plan de paix de M. Itzhak Shamir,
adopté par son gouvernement le 14. Il engage les dirigeants israéliens à renoncer au
« grand Israël » et les Palestiniens à « l’illusion d’un contrôle sur toute la Palestine ».
Médecine.
La première expérience de manipulation
génétique sur l’homme à des fins thérapeutiques est réalisée avec l’accord des autorités
sanitaires au National Cancer Institute de
Bethesda, dans le Maryland. Des lymphocytes dont le patrimoine génétique avait été
modifié sont injectés à un malade atteint
d’un cancer de la peau au stade terminal
(19 janvier).
ISRAËL
v. États-Unis
Mardi 23
FRANCE
Outre-mer.
Le Conseil des ministres adopte le projet
de loi d’amnistie des crimes et délits commis en Guadeloupe dans le cadre de la lutte
pour l’indépendance de ce département.
Cinéma
Une cure de jouvence
Pour sa 42e édition, le festival de Cannes parie
sur l’avenir. N’est-ce pas le meilleur service que
puisse rendre à un art qu’on dit malade cette prestigieuse manifestation qui promeut le cinéma au
moins autant qu’elle le célèbre ? Or, l’avenir est
par excellence le domaine de l’imprévu.
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CHRONOLOGIE
61
On s’attend donc à l’inattendu, faisant pour cela
confiance au réalisateur allemand Wim Wenders,
plus jeune président du jury de l’histoire du festival. Entamée par la fin, la lecture du palmarès
établi le 23 mai défie tous les pronostics. Celuici est à l’image de la cure de jouvence subie par
le Lawrence d’Arabie de David Lean, présenté en
ouverture dans sa version intégrale restaurée.
L’attribution du dernier prix, celui de la Commission supérieure technique du cinéma, à Pluie
noire de Shohei Imamura (Japon) donne le ton. La
Palme ne sera pas « politique ». Ce récit des retombées mortelles de la bombe d’Hiroshima était
le favori des films fondés sur la tragique réalité du
monde, parmi lesquels on peut aussi citer Do the
Right Thing, de Spike Lee (États-Unis), consacré
aux rapports entre Noirs et Blancs à New York, et
l’Ami retrouvé, de Jerry Schatzberg (Grande-Bretagne – France – RFA), tiré du célèbre roman de
Fred Uhlman. Le prix du jury, décerné à Jésus de
Montréal, de Denys Arcand (Canada), vision d’un
Christ très contemporain, est trop modeste pour
constituer la revanche du dernier film de Martin
Scorsese. Le prix de la meilleure contribution
artistique surprend aussi. Jim Jarmush, auteur
de Mystery Train (États-Unis) est réputé comme le
plus fidèle disciple de Wenders. Il pouvait espérer mieux. Arrive le moment du prix d’interprétation masculine. On songe à Michel Blanc pour
sa composition dans l’adaptation d’un roman
de Simenon par Patrice Leconte, Monsieur Hire
(France). C’est James Sprader qui l’emporte pour
son rôle dans Sexe, mensonges et vidéo, de Steven Soderbergh (États-Unis). Chacun se réjouit
de cette récompense indirectement attribuée à
un premier film prometteur. C’est Hollywood qui
décroche le prix d’interprétation féminine, attribué à Meryl Streep, seule star couronnée, pour
son rôle de mère injustement accusée d’infanticide dans Un cri dans la nuit, de Fred Schepisi
(Australie – Grande-Bretagne). Le prix spécial du
jury est double. Il récompense une confirmation,
Trop belle pour toi, paradoxale histoire d’amour de
Bertrand Blier (France), et une révélation, Cinéma
Paradiso de Giuseppe Tornatore (Italie), qui met
en scène l’âge d’or d’un cinéma de quartier, préféré au Splendor d’Ettore Scola, sur le même thème.
C’est à une autre vision du cinéma, moins nostalgique, plus dynamique, que revient enfin la
palme d’or. Sexe, mensonges et vidéo – puisqu’il
s’agit encore, à la surprise générale, de cet outsider – raconte le fantasme d’un impuissant qui
filme en vidéo des femmes évoquant leur sexualité. Du cinéma comme principe de jouissance, en
quelque sorte. C’est peut-être dans cette direction qu’il faut chercher cette « nouvelle frontière »
dont le festival de Cannes se veut le pionnier.
LIGUE ARABE
Le sommet extraordinaire qui se tient à
Casablanca jusqu’au 26 est marqué par la
réintégration de l’Égypte, suspendue de l’organisation le 31 mars 1979 après la signature du traité de paix avec Israël. Les pays
arabes apportent leur soutien à l’initiative
de paix palestinienne fondée sur la reconnaissance du droit à l’existence d’Israël et
s’abstiennent de condamner la présence
syrienne au Liban.
SOUDAN
Troubles ethniques.
Le gouvernement annonce que de récents
accrochages dans l’ouest du pays entre des
tribus arabes et l’ethnie africaine des Fours
ont causé plus de 450 morts.
Mercredi 24
FRANCOPHONIE
Le troisième sommet des pays « ayant en
commun l’usage du français » se tient à
Dakar jusqu’au 26. Il donne l’occasion au
président François Mitterrand d’annoncer
l’annulation de la dette de 35 pays négroafricains envers le Trésor français, soit
16 milliards de francs.
FRANCE
Justice.
L’ancien chef du service de renseignement
de la milice de Lyon en 1943 et 1944, Paul
Touvier, est arrêté à Nice dans un établissement religieux intégriste. Deux fois
condamné à mort par coutumace, gracié en 1971 puis recherché pour crimes
contre l’humanité, il a bénéficié, durant
ses 45 ans de fuite, de diverses protections
ecclésiastiques.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
62
SPORT
Football.
À Barcelone, l’équipe italienne du Milan
AC, présidée par M. Silvio Berlusconi, remporte la Coupe d’Europe des clubs champions en battant les Roumains du Steaua
Bucarest (4-0).
Jeudi 25
FRANCE
Politique musicale.
M. Pierre Berge, président des théâtres
de l’Opéra de Paris, annonce la nomination du chef sud-coréen Myong Whunchung comme directeur musical de l’Opéra
Bastille.
URSS
Vie politique.
M. Mikhaïl Gorbatchev est élu chef de l’État
par les 2 250 membres du Congrès des
députés du peuple réunis pour la première
fois au Kremlin. Le 26, les élections des
deux chambres du Soviet suprême avantagent les conservateurs. Dans son discours
d’orientation prononcé le 30, M. Gorbatchev annonce le renforcement de la politique de réformes et du rôle des institutions
parlementaires.
AFRIQUE DU SUD
Justice.
La Cour suprême condamne à mort un an-
cien policier afrikaner membre d’un groupuscule d’extrême droite, coupable d’avoir
abattu huit Noirs de sang froid en novembre
1988 à Pretoria. Le 26, quatorze Noirs sont
condamnés à la peine capitale pour avoir
participé au meurtre d’un policier noir lors
des émeutes de novembre 1985.
ÉTATS!UNIS
Politique commerciale.
En application de la loi sur le commerce
votée au mois d’août 1988, l’administration dénonce les pratiques « déloyales » du
Japon, du Brésil et de l’Inde. Elle dispose
de 18 mois pour tenter de résoudre ces
litiges par la négociation avant d’appliquer
des sanctions. Cette décision est vivement
critiquée par les pays membres de l’OCDE
réunis à Paris le 31.
Vendredi 26
FRANCE
Opéra.
Le Grand Théâtre de Nancy donne en création française Lady Macbeth du district de
Mzensk (1934) de Dimitri Chostakovitch,
mis en scène par Antoine Bourseiller. L’interdiction de cette oeuvre par Staline en
1936 avait conduit son auteur au bord du
suicide.
DANEMARK
Moeurs.
Le Parlement adopte une loi permettant
aux homosexuels de faire enregistrer officiellement leur « union » et de disposer
ainsi de certaines garanties économiques.
JAPON
Politique monétaire.
Inversant sa politique de baisse en vigueur
depuis 1980, la Banque du Japon décide
de relever son taux d’escompte de 2,5 % à
3,25 % en raison de l’accélération de l’inflation et de la forte hausse du dollar, qui a
dépassé, le 24 à Paris, le seuil psychologique
des 2 marks (143 yens ou 6,81 F).
Samedi 27
GRANDE!BRETAGNE
Islam.
À Londres, la plus grande manifestation
musulmane jamais organisée dans le pays
rassemble 20 000 personnes contre le roman de Salman Rushdie. Elle donne lieu
à des affrontements entre pro-iraniens et
pro-irakiens, qui doivent être séparés par
la police.
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CHRONOLOGIE
63
Dimanche 28
BELGIQUE
Criminalité.
Patrick Haemers, le cerveau du gang qui
avait organisé l’enlèvement de l’ancien Premier ministre Paul Vanden Boeynants le
14 janvier, est arrêté à Rio de Janeiro, au
Brésil. Il avoue le rapt mais nie avoir une
quelconque relation avec les « tueurs fous
du Brabant ».
MADAGASCAR
Élections législatives.
L’Avant-garde de la révolution malgache
(AREMA), le parti au pouvoir, remporte
120 des 137 sièges à pourvoir au Parlement.
Lundi 29
OTAN
Le sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres est dominé par
la présentation du plan de désarmement
du président George Bush. Celui-ci prévoit
une réduction de 15 à 20 % des effectifs des
troupes américaines basées en Europe, une
diminution de 10 à 15 % du nombre d’avions et d’hélicoptères détenus par l’OTAN et
par le pacte de Varsovie ainsi que l’ouverture de négociations avec l’URSS sur une
réduction partielle du nombre de missiles
nucléaires à courte portée (SNF) en Europe
après la mise en oeuvre d’un accord sur le
désarmement conventionnel. Ce compromis est bien accueilli par les membres de
l’OTAN et les autorités soviétiques.
Mardi 30
EST!OUEST
CSCE.
La première réunion de suivi de la Conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe consacrée aux droits de l’homme se
tient à Paris jusqu’au 23 juin en la présence
des représentants des 35 pays membres. La
Tchécoslovaquie, la Bulgarie et surtout la
Roumanie y sont les principaux accusés.
Mercredi 31
FRANCE
Audiovisuel.
FR3 retransmet la soirée inaugurale de
la SEPT, la chaîne culturelle européenne
diffusée par le satellite TDF1, que seuls
quelques dizaines de milliers de spectateurs
équipés d’une antenne parabolique captent
directement. Les abonnés de certains réseaux câblés peuvent aussi la recevoir.
Abandon.
Atteinte de troubles psychiques, la mère
du petit garçon de 21 mois prétendument
disparu le 29, à Nice, avoue avoir tenté de
s’en débarrasser en l’abandonnant dans une
carrière. L’enfant est retrouvé sain et sauf.
Sa mère est inculpée le 1er juin de tentative
d’assassinat.
Opéra.
L’activité lyrique du palais Garnier s’achève
sur l’ultime représentation du Maître et
Marguerite, adapté du roman de Mikhaïl
Boulgakov par l’Allemand York Höller.
L’ancien théâtre de l’Opéra de Paris doit se
consacrer exclusivement à la danse après
l’inauguration de l’Opéra Bastille.
ÉTATS!UNIS
Vie politique.
M. Jim Wright, président démocrate de
la Chambre des représentants, donne sa
démission tout en se défendant des accusations de corruption portées contre lui par le
comité d’éthique.
Ventes.
Chez Christie’s, à New York, le portrait de
Cosme Ier de Médicis par Jacopo Carucci,
dit le Pontormo (1494-1557), est attribué au Musée Getty de Los Angeles pour
une somme de 35,2 millions de dollars
(225 millions de francs environ), un record
mondial pour un tableau de maître ancien.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
64
CHILI
Institutions.
Le gouvernement et l’opposition parviennent à un accord sur la réforme de la
Constitution.
Le mois de
Geneviève Dormann
Le 11 mai 1989, le grand prix du roman de l’Académie française m’a été attribué pour mon roman
le Bal du dodo, ce qui m’a semblé parfaitement
normal car : a) ce livre à quoi j’ai beaucoup travaillé n’est pas mauvais et b) l’âge aidant, je compte
quelques amis parmi les Immortels du quai Conti.
À l’étonnement de me voir mêlée à cette histoire
de grandes personnes a succédé un plaisir certain. En effet, j’ai été très flattée de m’apercevoir
que, parmi les soixante-quinze écrivains couronnés qui m’ont précédée depuis 1915, figuraient
des auteurs tels que Pierre Benoit, Carco, Chardonne, Bernanos, La Varende, sans compter Kléber Haedens et Pascal Jardin qui me manquent
tous les jours. Je rejoignais donc ainsi une famille
spirituelle dont les pages m’aident à vivre.
De plus, mon éditeur était très content, et chacun sait que, lorsque les éditeurs sont contents,
ils vous invitent en souriant à manger des huîtres.
Enfin, je me suis aperçue que, grâce à ce prix, je
m’étais fait des ennemis tout frais, ce qui rajeunit.
Ce n’est pas moi qui le dis mais Cioran : « On commence à vieillir quand on se contente des ennemis qu’on a sous la main. »
Pourquoi des ennemis ? Parce que le grand prix
du roman de l’Académie française étant réputé
le marche-pied de l’Académie tout court, des
confrères qui le guignaient ont pensé que c’était
vraiment du gâchis que de le donner à une
femme bien décidée à ne jamais porter le bicorne
et le cabas, qui remplace l’épée pour les dames.
En effet, plus que jamais, je pense qu’il faut laisser ce club du jeudi exclusivement aux hommes.
Ils ont besoin d’être seuls entre eux, de temps en
temps. Et puis, quand ils sont au dictionnaire, ils
ne sont pas au bistro.
Autrefois, quand les hommes étaient seuls à l’Académie, une femme écrivain pouvait les embrasser
et même les inviter à dîner sans que les esprits
chagrins y voient malice. Ce qui est devenu impossible depuis que Mme Yourcenar a posé son
séant flamand parmi les académiciens français.
C’est bien triste.
GENEVIÈVE DORMANN
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CHRONOLOGIE
65
Juin
Jeudi 1er
ÉGLISE CATHOLIQUE
v. Scandinavie
FRANCE
Sociétés.
La fusion des activités touristiques de
la Garantie mutuelle des fonctionnaires
(GMF) et du Club Aquarius donne naissance au holding Groupe A, qui se place,
par son chiffre d’affaires, au deuxième rang
des voyagistes français.
Art.
Le premier tableau fauve de Georges
Braque, l’Estaque, l’embarcadère, estimé à
20 millions de francs, est volé en plein jour
au Musée national d’art moderne du Centre
Georges-Pompidou, à Paris.
IRLANDE DU NORD
Justice.
À l’issue d’un procès de huit semaines au
cours duquel le tribunal a visionné plus de
dix-sept heures de films de télévision, Harry
Maguire et Alex Murphy sont condamnés
à la réclusion à perpétuité pour leur par-
ticipation au lynchage de deux caporaux
britanniques lors des funérailles d’un sympathisant de l’IRA, en mars 1988, à Belfast.
PORTUGAL
Institutions.
Le Parlement adopte une nouvelle Constitution qui ne fait plus mention de la « transition vers le socialisme », de « l’appropriation collective des moyens de production »
ni du « caractère irréversible des nationalisations ». Elle est promulguée le 7 juillet
par le président Mario Soares et entre en
vigueur le 8 août.
SCANDINAVIE
Visite pontificale.
Le pape Jean-Paul II effectue jusqu’au 10
une visite en Norvège, en Islande, en Finlande, au Danemark et en Suède, pays de
tradition protestante.
Vendredi 2
JAPON
Gouvernement.
Le Parlement élit M. Sosuke Uno (66 ans)
au poste de Premier ministre après sa désignation comme président du Parti libéraldémocrate (PLD). Ce proche de M. Noboru Takeshita était ministre des Affaires
étrangères dans le cabinet démissionnaire
(25 avril).
Samedi 3
URSS
Nationalités.
À Fergana, dans la République d’Ouzbékistan, des troubles éclatent entre les Ouzbeks
sunnites et les Meskhs chiites. Déplacés
sous Staline, ces derniers demandent à
retourner en Géorgie. Les affrontements
causent la mort d’une centaine de personnes (17).
Accident ferroviaire.
Dans la région de Kouibychev, au pied des
monts Oural, l’explosion d’un gazoduc bordant la voie transsibérienne au moment du
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
66
passage de deux trains provoque la mort de
près de 500 personnes.
IRAN
La mort du guide
Il avait affirmé, en juillet 1988, que le cessez-lefeu avec l’Irak était un « poison » qu’on l’obligeait
à boire. Il aura mis dix mois à en mourir. L’imam
Ruhollah Khomeyni, guide de la révolution islamique, s’est éteint le 3 juin à l’âge de 89 ans.
L’homme qui avait mobilisé le peuple contre le régime impérial, qui avait intrigué l’Occident avant
d’embarrasser les États-Unis, qui avait opposé à
son puissant voisin irakien une résistance sans
merci ne pouvait survivre longtemps à un échec
qui révélait l’essoufflement d’une révolution
épuisée. Quasiment absent des célébrations du
dixième anniversaire de la révolution islamique,
au début du mois de février, l’imam n’était sorti
de sa retraite politique, quelques jours plus tard,
que pour jeter l’anathème contre Salman Rushdie. Mais ce combat participait déjà d’une autre
guerre : celle pour sa propre succession.
Celle-ci est à ce point délicate que l’assemblée
des experts, soucieuse de combler au plus vite le
vide béant laissé par la mort de l’imam, désigne
dès le 4 juin l’hodjatoleslam Ali Khamenei, chef
de l’État iranien, aux fonctions de guide religieux.
La Constitution prévoit pourtant que celui-ci doit
être une « source d’imitation », ce que le falot
Khamenei n’est assurément pas. Le constat est
lucide : Khomeyni étant irremplaçable, le pouvoir
de l’imam ne peut que disparaître avec lui. Son
successeur est suffisamment transparent pour
recueillir l’allégeance des chefs des deux clans rivaux, M. Hachemi Rafsandjani, puissant président
du Parlement iranien, et M. Ahmed Khomeyni,
inspirateur des dernières décisions de son père.
Le testament de l’imam, ouvert le 5, ne contient
qu’un message d’intransigeance révolutionnaire, celui de « rester éloigné de l’Est comme
de l’Ouest », étranger aux préoccupations du
moment. L’heure est en effet à la consolidation
d’un pouvoir fragilisé par la disparition de celui
qui suffisait à l’incarner. Orphelins, les Iraniens
se priveront-ils encore longtemps de pain et de
liberté ? Les funérailles de l’imam, le 6, sont l’occasion d’une gigantesque démonstration d’unité
autour du régime.
Bénéficiant d’une couverture médiatique inhabituelle, la cérémonie réunit sur le chemin du
cimetière de Behechte Zahra, dans la banlieue
de Téhéran, les mêmes millions de personnes qui
avaient accueilli l’imam à son retour en février
1979. Relayées par les télévisions du monde
entier, les images de la foule des fidèles qui
psalmodient des heures durant des prières en
se frappant le visage puis, gagnés par l’hystérie,
bousculent le cercueil et arrachent le linceul sont
impressionnantes.
Plongé dans une expectative inquiète, l’Occident
guette les signes d’une normalisation des relations entre l’Iran et la communauté internationale.
CHINE
Troubles.
Après que la population a une nouvelle fois
fait reculer les soldats désarmés qui tentaient de gagner le centre de Pékin, la tension monte dans la capitale. Dans la nuit du
3 au 4, les blindés investissent la ville, et les
soldats ouvrent le feu à l’arme lourde sur les
manifestants, causant des milliers de morts.
La répression s’étend les jours suivants à la
province. Tandis que les étrangers quittent
en masse le pays, les États occidentaux
adoptent des mesures de sanction limitées
(9).
Dimanche 4
SANTÉ
La 5e conférence internationale sur le SIDA
réunit huit cents intervenants et dix mille
participants jusqu’au 9 à Montréal. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à six millions le nombre probable de
malades en l’an 2000.
POLOGNE
Élections législatives.
Les résultats du scrutin accordent une victoire éclatante aux candidats de Solidarité.
Au terme du second tour, disputé le 18,
ceux-ci s’adjugent les 161 sièges qu’ils pouvaient briguer à la Diète (35 % de la totadownloadModeText.vue.download 68 sur 509
CHRONOLOGIE
67
lité) et 99 des 100 sièges du nouveau Sénat.
Dans le collège réservé au POUP (parti
communiste) et à ses alliés, presque aucun
conservateur n’est élu.
SPORT
Marche.
Le policier parisien Roger Quémener s’impose dans la course Paris-Colmar, couvrant
les 521 km en 64 h 35′ (8,113 km/h). Avec
cette septième victoire, il devient le nouveau détenteur du record de l’épreuve.
Lundi 5
FRANCE
Relations internationales
v. Tunisie
Environnement.
Les autorités interdisent l’importation
d’ivoire en vue de contribuer au sauvetage
des éléphants d’Afrique massacrés par les
braconniers (18 juillet et 17 août).
TUNISIE
Relations internationales.
Le président François Mitterrand effectue
une visite officielle de deux jours à l’issue
de laquelle est conclu un accord sur la diffusion d’Antenne 2 en Tunisie.
Mardi 6
FRANCE
Immigration.
L’Assemblée nationale repousse la motion
de censure déposée par l’opposition contre
le projet de loi sur les conditions d’entrée et
de séjour des étrangers en France.
Justice.
La cour d’assises de l’Oise condamne à la
réclusion perpétuelle Pascal Dolique, un
garçon charcutier de 29 ans, pour l’assassinat, en octobre 1983, de six membres de la
famille d’une jeune fille qui l’avait repoussé.
Sociétés.
Premier groupe agroalimentaire français,
BSN annonce le rachat des cinq filiales
européennes mises en vente par la firme
américaine RJR Nabisco pour 2,5 milliards
de dollars (17 milliards de francs environ).
Il devient ainsi le leader européen de la
biscuiterie.
FRANCE!RFA
Énergie.
Les sociétés française COGEMA et allemande VEBA signent un accord d’intention
sur le retraitement des déchets nucléaires,
qui prévoit la participation de la seconde
à la construction d’une nouvelle unité de
l’usine de La Hague (Manche).
SURINAM
Accident aérien.
Un DC-8 de la compagnie nationale avec
188 personnes à son bord s’écrase près de
l’aéroport de Paramaribo après deux tentatives d’atterrissage. Il y a 174 victimes.
Mercredi 7
OPEP
La conférence ordinaire de l’organisation
réunie à Vienne depuis le 5 s’achève par
un compromis précaire entre les positions
divergentes de l’Arabie Saoudite, favorable
à l’augmentation des prix du pétrole, et du
Koweït, partisan d’un relèvement des quotas de production.
FRANCE
Sociétés.
Le cimentier Lafarge Coppée annonce la
prise de contrôle du suisse Cementia AG
et son entrée dans le capital de l’espagnol
Asland. Cet investissement de 5 milliards
de francs lui permet de devenir le numéro
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
68
deux mondial du ciment derrière le suisse
Holderbank.
Jeudi 8
CONSEIL DE L’EUROPE
Le statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée de l’organisation européenne, adopté
en mai en vue de favoriser les relations entre
les deux Europes, est accordé à l’URSS, à la
Pologne, à la Hongrie et à la Yougoslavie.
FRANCE
Vie politique.
Un débat télévisé exceptionnel réunit sur
TF1 les six principales têtes de liste en compétition pour le scrutin européen.
Industrie aéronautique.
Inauguré par M. François Mitterrand,
le 38e Salon du Bourget bénéficie de la
conjoncture très favorable des marchés.
Accident aérien.
Au Salon du Bourget, un chasseur soviétique Mig-29 qui effectuait une démonstration est victime d’une défaillance technique
et s’écrase au sol après l’éjection du pilote.
Justice.
Interpellée le 6 en compagnie de sa fille
Darie Boutboul, qui est remise en liberté
le lendemain, Mme Marie-Élisabeth ConsBoutboul est inculpée de complicité d’homicide volontaire et écrouée par le juge
d’instruction havrais chargé de l’enquête
sur l’assassinat d’un représentant de commerce, Bruno Dassac, commis au Havre en
mai 1988.
HONGKONG
Manifestation.
Un million de personnes descendent dans
les rues pour dénoncer les massacres perpétrés par l’armée en Chine et exprimer leur
inquiétude pour l’avenir de la colonie britannique, qui doit passer sous souveraineté
chinoise le 30 juin 1997.
Vendredi 9
CEE
Environnement.
Les ministres des Douze aboutissent à un
compromis sur le renforcement, à partir de
1992, des normes antipollution pour les voitures de cylindrée inférieure à 1,4 litre, qui
seront dotées de pots catalytiques permettant l’usage de carburant sans plomb. Cet
accord mécontente certains constructeurs
européens, dont Peugeot.
CHINE
Troubles.
Après vingt-quatre jours d’absence,
M. Deng Xiaoping reparaît à la télévision,
entouré du Premier ministre Li Peng et de
membres de la vieille garde conservatrice,
pour féliciter les généraux responsables
de l’application de la loi martiale tout en
appelant à la poursuite de la politique de
réformes et d’ouverture. Précédée par une
campagne d’encouragement à la délation,
une vague d’arrestations déferle à partir du
10 (3, 9).
Samedi 10
FRANCE
Sport.
Champion de France de football 1989,
l’Olympique de Marseille remporte la
Coupe de France en battant Monaco (4-3)
et réalise ainsi le second doublé de son histoire après celui de 1972.
Dimanche 11
NOUVELLE!CALÉDONIE
Élections provinciales.
Les résultats du scrutin, qui se déroule dans
le calme et enregistre un taux de participation de 69,29 %, constituent une nette
victoire pour les signataires des accords de
Matignon. Le RPCR remporte la majorité
dans la province du Sud, 44,46 % des voix
au total et 27 des 54 sièges au Congrès du
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CHRONOLOGIE
69
territoire ; le FLNKS conserve son emprise
sur les provinces du Nord et les îles Loyau-
té, obtenant au total 28,65 % des suffrages
et 19 sièges.
SPORT
Tennis.
L’Américain d’origine chinoise Michael
Chang remporte à 17 ans les Internationaux
de France au stade Roland-Garros en battant en finale le Suédois Stefan Edberg (61, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2). La veille, l’Espagnole
Arantxa Sanchez, âgée également de 17 ans,
l’avait emporté sur l’Allemande de l’Ouest
Steffi Graf (7-6, 3-6, 7-5).
Automobile.
Pour sa première participation officielle
aux 24 Heures du Mans depuis le drame de
1955 qui avait causé la mort de 82 spectateurs, l’écurie Mercedes remporte l’épreuve
d’endurance.
Cyclisme.
Le Français Laurent Fignon remporte le
Giro (Tour d’Italie).
Lundi 12
IRAN
Relations internationales.
La France et la RFA sont les derniers pays
de la CEE – hormis la Grande-Bretagne,
qui a rompu ses relations diplomatiques
avec l’Iran – à annoncer le retour de leur
ambassadeur à Téhéran (7 et 20 mars).
CANADA
Sport.
Le sprinter canadien Ben Johnson, qui avait
été disqualifié pour dopage après sa victoire
dans le 100 mètres lors des jeux Olympiques de Séoul en 1988, reconnaît devant
une commission d’enquête qu’il utilisait
régulièrement des stéroïdes anabolisants
depuis 1981.
ÉTATS!UNIS
Environnement.
Rompant avec la politique de « dérégulation » de son prédécesseur, le président
George Bush présente un ambitieux plan de
lutte contre la pollution atmosphérique des
grandes cités.
Mardi 13
OCÉAN ATLANTIQUE
L’épave du Bismarck, le cuirassé allemand
coulé par la flotte britannique le 24 mai
1941, est repérée par une équipe américaine par plus de 4 000 mètres de fond, à un
millier de kilomètres au large de Brest.
FRANCE
Prisons.
Le traditionnel décret de grâce collective
signé par le président de la République à
l’occasion du 14-Juillet prévoit la libération
de 3 091 détenus. Le conseil donné le soir
même par M. Jacques Chirac de gracier le
terroriste libanais Anis Naccache en vue de
prévenir une éventuelle reprise des attentats à Paris étonne l’ensemble de la classe
politique.
Privatisations.
L’Assemblée nationale adopte définitivement le projet de loi rendant leur liberté
aux actionnaires des « noyaux durs » des
sociétés privatisées par le gouvernement de
M. Jacques Chirac en 1986.
RFA
Relations internationales.
Au cours de sa première visite officielle à
Bonn et à Stuttgart du 12 au 15, M. Mikhaïl
Gorbatchev, chef de l’État soviétique, signe
avec le chancelier Helmut Kohl une déclaration commune qui engage leurs deux
pays à tenter de « surmonter la division de
l’Europe ».
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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URSS
v. RFA
Mercredi 14
ONU
À Genève, la conférence internationale
sur les réfugiés indochinois adopte le plan
d’action présenté par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Celui-ci préconise le retour volontaire des boat people
économiques vietnamiens et laotiens, sans
exclure, à terme, leur retour forcé, qui est
demandé par les pays de premier accueil.
FRANCE
Relations internationales
v. Pologne
PAYS!BAS
Musique.
La Dixième Symphonie de Franz Schubert,
oeuvre inachevée « complétée » par le compositeur italien contemporain Luciano
Berio sous le titre Rendering, est créée
à Amsterdam par l’Orchestre royal du
Concertgebouw dirigé par Nikolaus Harnoncourt. Le 20, l’oeuvre est présentée au
Festival de Paris.
POLOGNE
Relations internationales.
Lors de la première
effectue à Varsovie
François Mitterrand
d’aide à l’économie
visite officielle qu’il
jusqu’au 16, le président
présente un vaste plan
polonaise.
Jeudi 15
FRANCE
Académie française.
L’avocat, historien et romancier Jean-Denis
Bredin est élu au premier tour de scrutin au
fauteuil de Marguerite Yourcenar, décédée
le 17 décembre 1987.
Vendredi 16
CEE
L’Espagne annonce l’entrée de sa monnaie,
la peseta, dans le système monétaire européen (SME) à partir du 19.
FRANCE
Affaires.
Une ordonnance de non-lieu est rendue
dans l’affaire des ventes d’armes illicites
à l’Iran entre 1982 et 1986 par la société
Luchaire. Celle-ci avait été accusée, en novembre 1987, d’avoir versé des pots-de-vin
au Parti socialiste. Tout comme l’indépendance de la justice, l’absence de collaboration du ministère de la Défense est mise en
cause.
JUSTICE
La cour d’assises des Bouches-du-Rhône
condamne à deux ans de prison avec sursis le gardien de la paix Jean-Pierre Aveline,
coupable d’avoir tué par erreur un jeune
homme lors d’un contrôle de police, en février 1988, à Marseille. Le 30, Éric Laignel,
un autre gardien de la paix accusé d’avoir
tué, en juin 1986, à Fontenay-sous-Bois, un
voleur présumé qui s’enfuyait, est acquitté
par la cour d’assises du Val-de-Marne.
ESPAGNE
v. CEE
HONGRIE
Réhabilitation.
L’ancien Premier ministre Imre Nagy, exécuté en 1958 en raison du rôle qu’il avait
joué lors de l’insurrection de 1956 et dont
le corps avait été jeté dans une fosse commune, reçoit des funérailles solennelles, auxquelles assiste une foule nombreuse. Cette
cérémonie est critiquée par la Roumanie et
par la RDA.
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CHRONOLOGIE
71
Samedi 17
FRANCE
Commémoration.
La fête « Paris 89 », organisée par la Ville
de Paris en l’honneur du centenaire de la
tour Eiffel, rassemble un demi-million de
personnes.
URSS
Nationalités.
Des affrontements sanglants éclatent au
Kazakhstan entre Kazakhs autochtones et
Caucasiens immigrés (3).
Dimanche 18
CEE
Les élections au Parlement européen, qui
ont déjà eu lieu le 15 dans cinq pays, sont
marquées par un fort taux d’abstentions
(41,5 % en moyenne). La poussée des travaillistes britanniques renforce le groupe
socialiste à Strasbourg. Les écologistes et
l’extrême droite réalisent également une
percée.
GRÈCE
Élections législatives.
Avec 125 sièges (– 36) sur 300, le PASOK
(parti socialiste), au pouvoir, perd la majorité au Parlement sans que la Nouvelle
Démocratie (conservateur), avec 145 sièges
(+ 19), ne parvienne à la conquérir. La liste
regroupant le Parti communiste et divers
autres partis de gauche obtient 28 sièges
(1er juillet).
LUXEMBOURG
Élections législatives.
Les trois grands partis – chrétiens-sociaux
(22 élus ; – 3) et socialistes (18 élus ; – 3), au
pouvoir, et démocrates (libéraux ; 11 élus ;
– 3) – perdent des sièges au profit des écologistes (4 élus ; + 2) et d’un parti défendant
l’uniformisation des régimes de retraite
(4 élus ; + 4).
Lundi 19
EUROPE
Technologie.
La septième conférence ministérielle d’Eurêka réunie à Vienne adopte un projet de
coopération dans le domaine des composants électroniques nommé JESSI (Joint
European Submicron Silicon), dont le
budget (27 milliards de francs) représente
les deux tiers des sommes engagées depuis
1985 dans le programme technologique
européen.
CEE
Finances.
Les ministres des Douze adoptent une
directive sur la libéralisation de l’activité
bancaire au sein de la Communauté. À partir du 1er janvier 1993, toute banque d’un
État membre bénéficiera d’un « agrément
unique » l’autorisant à ouvrir des succursales dans les onze autres pays.
FRANCE
Vie politique.
Le Premier ministre Michel Rocard est
contraint d’engager la responsabilité de son
gouvernement sur le projet de loi relatif à
l’audiovisuel public, qui institue une présidence commune à Antenne 2 et FR 3. En
l’absence d’une motion de censure, le
texte est considéré comme adopté par les
députés.
GRANDE!BRETAGNE
Ventes.
Chez Sotheby’s, à Londres, un marchand
d’art français acquiert un manuscrit enluminé du XVe siècle pour près de 20 millions
de francs, un record pour une telle oeuvre.
NORVÈGE
Accident naval.
Un paquebot soviétique, le Maxime-Gorki,
heurte un iceberg au large du Spitzberg. Il
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
72
n’y a pas de victimes en raison de la rapidité
des secours.
Mardi 20
FRANCE
Vie politique.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
loi sur le financement des partis politiques et
des campagnes électorales. L’émotion suscitée par la disposition prévoyant l’amnistie
des infractions commises dans ce domaine
contraint toutefois le gouvernement à différer l’examen parlementaire du texte. Le
28, M. Michel Rocard affirme sa volonté
de voir la justice conduire à leur terme les
enquêtes sur les différentes « affaires ».
Restauration.
La pose des répliques des quatre statues,
détruites en 1793, qui ornaient le lanternon
de l’église Saint-Louis-des-Invalides parachève les travaux de rénovation du dôme,
qui ont duré dix mois et nécessité douze
kilos d’or fin.
URSS
Relations internationales.
L’Asie centrale et l’Afghanistan sont au
centre des discussions au cours de la visite
que le président du Parlement iranien,
M. Hachemi Rafsandjani, effectue jusqu’au
23 à Moscou, à Leningrad et à Bakou.
IRAN
v. URSS
ISRAËL
Troubles.
À Ariel, implantation juive du nord de la
Cisjordanie, le Premier ministre Itzhak
Shamir est insulté et bousculé par des colons
israéliens lors des funérailles de l’un d’entre
eux, assassiné le 17 par des Palestiniens.
Mercredi 21
FRANCE
Restauration.
Après un an de nettoyage et de remise en
état, l’arc de triomphe de l’Étoile est présenté au président François Mitterrand par
M. Valéry Giscard d’Estaing, qui a organisé
le financement des travaux.
CHINE
Troubles.
À Shanghaï ont lieu les trois premières
exécutions capitales de « contre-révolutionnaires » condamnés à mort le 15. Sept
autres ont encore lieu à Pékin le 22 malgré
les pressions occidentales (9).
ÉTATS!UNIS
Cour suprême
Les dossiers de la Cour
Des trois principales décisions rendues par la
Cour suprême au cours de la session qui s’achève,
la première déclenche les passions, la seconde
laisse l’opinion quasiment indifférente, la troisième réveille un vieux conflit de société. Elles ont
respectivement trait au drapeau américain, à la
peine de mort et à l’avortement.
Le 21 juin, statuant en appel d’un cas précis, la
Cour admet à son corps défendant que brûler le
drapeau national peut être assimilé à l’exercice de
la liberté d’expression telle que la garantit le premier amendement de la Constitution. À cette occasion, les voix des juges suprêmes, majoritairement conservateurs, ne se répartissent pas selon
la ligne de partage idéologique habituelle. Trois
juges votent « contre leur camp ». L’indignation
est générale. Au Congrès, démocrates et républicains font assaut de discours patriotiques tandis
qu’un sondage paru dans Newsweek montre que
71 % des personnes interrogées souhaitent interdire la profanation de la bannière étoilée. Tout en
affirmant son respect pour la justice, le président
George Bush annonce son intention de demander
l’introduction d’un amendement constitutionnel
susceptible de casser la décision de la Cour. Cela
fait pourtant quinze à vingt ans qu’il est passé de
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CHRONOLOGIE
73
mode de brûler le drapeau américain sur les campus de Californie.
La criminalité est en revanche un sujet toujours
actuel. L’arrêt rendu le 26 juin par la Cour selon lequel rien ne s’oppose à l’exécution de condamnés
à mort âgés de seize à dix-huit ans au moment
des faits, pas plus qu’à celle de criminels malades
mentaux, provoque pourtant peu de réactions.
Comme en 1976, lorsqu’elle avait légalisé à nouveau la peine de mort, la Cour estime qu’un
condamné mineur ou débile ne peut invoquer le
huitième amendement de la Constitution qui interdit « les châtiments cruels et inhabituels ». Sur
les quelque deux mille condamnés à mort dans
l’attente de leur exécution aux États-Unis, vingtsept ont moins de dix-huit ans.
La troisième décision de la Cour suprême, rendue le 3 juillet, est la plus attendue. Le débat sur
l’avortement a rassemblé dans les rues, ces derniers mois, des milliers de partisans du « droit à la
vie » et de défenseurs du « droit au libre choix ».
Les juges refusent de revenir sur la légalisation de
l’avortement, décidée par la Cour en 1973, mats
ils autorisent l’État du Missouri à interdire toute
forme d’aide publique à sa pratique. Une dizaine
d’autres États pourraient lui emboîter le pas. Le
président Bush, qui s’était montré durant sa campagne partisan de la criminalisation de l’avortement, paraît aujourd’hui fort préoccupé par ce
dossier qui refait surface.
Technologie.
Afin de lutter contre la suprématie japonaise en matière de composants électroniques, sept sociétés informatiques investissent 1 milliard de dollars (6,5 milliards
de francs environ) dans un consortium
commun dirigé par IBM et baptisé US
Memories Inc. en vue de produire des mémoires d’une puissance de quatre mégabits.
Jeudi 22
FRANCE
Partis politiques.
Devant le conseil national du RPR,
M. Jacques Chirac rejette le projet de fusion
RPR-UDF proposé par M. Valéry Giscard
d’Estaing à la suite de la victoire de la liste
d’union de l’opposition aux élections européennes (27).
Affaires.
Quatre nouvelles inculpations pour fausses
factures sont notifiées dans l’affaire de la
SORMAE, dont celle de M. Gilbert Monate,
l’un des principaux collecteurs de fonds du
Parti socialiste (17 février).
Académie française.
Élu le 24 novembre 1988 au fauteuil de Jean
Delay, le commandant Jacques-Yves Cousteau est reçu sous la coupole par Bertrand
Poirot-Delpech.
ANGOLA
Conflit.
À l’issue de la réunion de dix-huit chefs
d’État africains organisée au Zaïre par le
président Mobutu Sese Seko, le président
angolais Jose Eduardo Dos Santos et le chef
de l’Union nationale pour l’indépendance
totale de l’Angola (UNITA), M. Jonas Savimbi, signent un accord de cessez-le-feu
après quinze années de guerre civile. Des
négociations de paix s’ouvrent le 28 à Kinshasa (Zaïre).
Vendredi 23
FRANCE
Justice.
La cour d’assises de la Dordogne condamne
à la réclusion criminelle à perpétuité Francis Leroy, surnommé l’« assassin de la pleine
lune », reconnu coupable de dix agressions
dont un meurtre et deux viols.
Sociétés.
Les instituts Mérieux et Pasteur regroupent
leurs activités dans le domaine de l’immunologie en vue de renforcer la position
française sur le marché mondial des vaccins
et des produits issus des biotechnologies.
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Samedi 24
HONGRIE
Vie politique.
Le comité central du PSOH (communiste)
procède à un large remaniement de la direction du parti sous la pression de l’aile
réformatrice. M. Reszo Nyers est nommé
président du PSOH avec des pouvoirs accrus par rapport à ceux de son prédécesseur, M. Janos Kadar. Il est aussi nommé
à la tête de la nouvelle direction collégiale,
composée également du secrétaire général
du parti, Karoly Grosz, à présent isolé, du
Premier ministre Miklos Nemeth et du chef
de file des réformateurs, Imre Pozsgay.
TURQUIE
Bulgarie-Turquie
Têtes de Turcs
Après les troubles sanglants survenus dans le
Caucase soviétique et le Kosovo yougoslave et
l’exode forcé de la minorité hongroise de Roumanie, les rivalités nationalistes et religieuses en
Europe de l’Est frappent à leur tour les Bulgares
musulmans d’origine turque. Entre le début du
mois de juin et la fin d’août, ils sont 300 000 à être
contraints de rejoindre la « mère patrie ».
Tout commence par une sorte de défi. Le 29 mai,
à la veille de l’ouverture à Paris de la réunion de
suivi de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) consacrée aux questions
humanitaires, le gouvernement d’Ankara dénonce la répression dont sont victimes les populations bulgares de souche turque. Souvent accusée de violer les droits de l’homme, la Turquie ne
laisse passer aucune occasion de se poser en martyre. La Bulgarie, qui ne jouit pas d’une meilleure
réputation, relève aussitôt le gant. Le jour même,
M. Todor Jivkov déclare à la télévision : « En tant
que président du Conseil d’État, je demande à la
Turquie d’ouvrir ses frontières à tous les musulmans de Bulgarie qui veulent se rendre en Turquie ou y vivre. » En quelques jours, l’incitation au
départ se fait pressante. Les mesures d’intimidation apparaissent. L’exode commence.
La minorité turque de Bulgarie est estimée à un
million et demi de personnes – sur neuf millions
d’habitants –, que le régime n’est jamais parvenu à intégrer. C’est dans les années soixantedix qu’apparaît la première campagne anti-islamique. Les écoles turques sont fermées et la
presse turque, interdite. En 1985, les autorités
de Sofia décrètent que « l’État-nation bulgare ne
comprend pas d’autre peuple que les Bulgares ».
Cette fiction assimilant tous les musulmans à des
« Pomaks », c’est-à-dire à des Bulgares convertis
de force à l’islam durant l’occupation ottomane
(1396-1878), sert de justification à une vaste
campagne de slavisation des noms propres et
des noms de villages. Cette politique d’assimilation forcée entraîne des troubles meurtriers en
1986. La reprise de l’agitation au mois de mai provoque à nouveau des morts.
Au rythme de plusieurs milliers par jour, les Turcs
de Bulgarie affluent en Turquie, où la plupart ont
déjà de la famille. Les autres s’entassent dans des
camps. Le trop-plein menace : la Turquie, aux
3,5 millions de chômeurs, doit en effet déjà faire
face à l’afflux de réfugiés kurdes irakiens. Le 24,
une manifestation antibulgare réunit à Istanbul
plus de trente mille personnes en une démonstration d’unité nationale destinée tout autant à
la Bulgarie qu’à l’Occident et qu’à l’URSS. De leur
côté, le 4 juillet, les autorités bulgares décrètent
la « mobilisation civile » afin de pallier l’hémorragie de main-d’oeuvre provoquée par l’exode des
Turcs.
Le gouvernement turc décide enfin de rétablir à
partir du 22 août les visas d’entrée pour les ressortissants bulgares en attendant que les autorités de Sofia acceptent de signer une convention
d’immigration.
CHINE
Vie politique.
Révoqué pour « erreurs graves », M. Zhao
Ziyang est remplacé à la tête du PCC par
M. Jiang Zeming, chef du Parti à Shanghaï.
Dimanche 25
YOUGOSLAVIE
Religion.
La consécration de la nouvelle cathédrale de
Saint-Sava à Belgrade, la plus grande église
orthodoxe au monde avec 6 400 mètres cardownloadModeText.vue.download 76 sur 509
CHRONOLOGIE
75
rés de superficie, illustre le réveil de l’Église
orientale dans ce pays.
Lundi 26
FRANCE
Grands travaux.
M. Pierre Bérégovoy et ses collaborateurs
prennent possession des locaux du nouveau
ministère de l’Économie, des Finances et du
Budget, installé à Bercy, dans le XIIe arrondissement de Paris. Leurs anciens bureaux
de la rue de Rivoli doivent être intégrés au
musée du Grand Louvre en 1993, après
réaménagement.
Justice.
Le tribunal correctionnel de Montpellier
condamne le promoteur bordelais André
Orta à quatre ans de prison ferme et à un
million de francs d’amende pour abus de
confiance, faux et usage de faux. Il est reconnu coupable du détournement de 67,4
des 71 millions de francs qui lui avaient été
confiés par la municipalité de Carcassonne
pour construire un espace international de
séjour.
ROUMANIE
Frontières.
Les autorités annoncent le démantèlement
des barrières de barbelés qu’elles avaient
commencé à faire ériger sur la frontière
commune avec la Hongrie pour empêcher
la fuite vers ce pays des minorités magyares
victimes d’une politique d’assimilation
forcée.
Mardi 27
CEE
Le Conseil européen réuni depuis la veille
à Madrid aboutit à un compromis entre la
Grande-Bretagne et ses onze partenaires
au sujet de l’union économique et monétaire, dont la première étape doit débuter le
1er juillet 1990.
FRANCE
Vie politique.
Le RPR, l’UDF et le CDS décident de former un intergroupe de l’opposition à l’Assemblée nationale (22).
Mercredi 28
FRANCE
Administration.
Dans son rapport public annuel remis au
président de la République, la Cour des
comptes critique la gestion du Fonds national pour l’emploi, du palais omnisport de
Paris-Bercy, de la mission « Banlieues 89 »,
des Charbonnages de France, du Plan câble
et du Minitel ainsi que le coût de la formation des agents de la Sécurité sociale.
Patrimoine.
M. Jacques Chirac inaugure les nouveaux
locaux du musée Carnavalet, à Paris. L’aménagement de l’hôtel Le Peletier de SaintFargeau permet de doubler les surfaces
d’exposition du musée, consacré à l’histoire
de la capitale.
YOUGOSLAVIE
Nationalités.
La commémoration du six centième anni-
versaire de la bataille de Kosovo est célébrée par plus d’un million de nationalistes
serbes.
Jeudi 29
EUROPE
Armement.
Réunis à Lisbonne, les ministres européens de la Défense des pays membres de
l’alliance atlantique décident de lancer un
programme de recherches technologiques à
des fins militaires baptisé Euclid (European
Coopération for the Long-term in Defense), inspiré du programme civil Eurêka.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
76
FRANCE
Justice.
Au terme de 32 jours d’audience, la cour
d’assises du Rhône, spécialement composée, rend son verdict dans le jugement des
dix-neuf membres de la branche lyonnaise
d’Action directe impliquée dans trois homicides volontaires et trente-quatre attaques
à main armée en six ans. André Olivier,
Maxime Frérot et Émile Ballandras sont
condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Des peines de prison sont prononcées à rencontre des autres accusés.
Logement.
L’Assemblée nationale adopte définitivement la proposition de loi sur les rapports
entre propriétaires et locataires qui modifie
la « loi Méhaignerie » de 1986. Le gouvernement peut désormais limiter par décret
les hausses de loyer. C’est la troisième loi sur
le sujet depuis sept ans.
Fonction publique.
L’accord cadre sur la formation continue est
le premier jamais conclu entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires dans
un autre domaine que celui des salaires.
ISRAËL
Troubles.
L’expulsion de huit Palestiniens vers le
Liban porte à 53 le nombre de personnes
ayant fait l’objet de mesures de bannissement depuis le début du soulèvement dans
les territoires occupés.
Vendredi 30
FRANCE
Opéra.
L’oratorio de Marius Constant intitulé Des
Droits de l’homme est créé à Marseille sous
la direction du compositeur.
URSS
Édition.
L’Union des écrivains, organe officiel, autorise la publication de l’Archipel du Goulag,
d’Alexandre Soljenitsyne. Ce dernier avait
été banni de son pays au mois de février
1974 après la parution de son livre à Paris.
SOUDAN
Coup d’État.
Un putsch militaire dirigé par le général
Omar El Bechir renverse le gouvernement
de M. Sadek El Mahdi, accusé d’incurie
dans le règlement de la crise économique et
de la guerre civile.
Le mois de
Marius Constant
Octobre 1988 : la cour de l’hospice de la Vieille
Charité ; visite des lieux destinés à la création de
l’oratorio Des droits de l’homme, que je me suis
engagé à écrire et à composer, à la demande
de la municipalité de Marseille. Quelques essais
acoustiques et des décisions sur la localisation
des choeurs, de l’orchestre, des récitants et des
solistes. J’imagine un discours musical dense, qui
demande des masses « berlioziennes ».
« Vous aurez deux chorales venant d’Estonie,
une de Hongrie, plus les choeurs et l’orchestre
philharmonique de Marseille et le groupe de
Musique expérimentale. Avec vos solistes :
300 participants ! »
Après l’euphorie, l’angoisse de la page blanche ;
je plonge dans les dizaines de livres écrits sur le
sujet.
I. Origines. Un survol de six siècles : Magna Carta,
premier pacte de la Confédération helvétique,
Habeas Corpus, Bill of Rights, Constitution américaine... Le personnage de La Fayette fait naturellement la transition avec son (II. Initiation)
maçonnique à la loge « la Candeur » de Paris.
L’ésotérisme de cette cérémonie m’incite à écrire
un choeur de maçons (pardon Mozart !) sur le
symbolisme de la lettre G... Le profane La Fayette,
humble devant le grand maître de la loge, se
transforme en (III. Versailles) un personnage sûr
de lui, arrogant, devant Louis XVI. En uniforme
de général américain, il fait l’éloge de la liberté et
de la tolérance, rencontrées outre-Atlantique. Le
roi : « Sachez Monsieur que la loi souveraine est la
dépendance et la subordination ! »
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CHRONOLOGIE
77
C’est le point central. Il faut décrire musicalement
l’effervescence et l’explosion de 1789 : le clavecin
présent tout le long de ce tableau, avec sa connotation « Ancien Régime », est agressé, déchiqueté
par un orchestre fou. IV. Doléances. Un lamento
en triple choeur sur les taxes, dîmes et autres gabelles, un texte sur l’émancipation des femmes et,
à la fin, un cantique protestant chanté en contrepoint avec le « Schéma Israël » (célébration de la
liberté des cultes).
V. La Déclaration. Le texte, admirable d’intentions,
mais rédigé dans un style notarial, devait être
récité par un grand tragédien. D’autre part, une
lecture continue des dix-sept articles allait casser
le rythme général de l’ouvrage. J’ai dessiné des
entrelacs : la voix tonnante d’Alain Cuny est ornée
de cinq airs (sur des textes de Lou Bruder) chantés
par la jeune soprano Marie Atger.
VI. Final. Un chant d’espoir, – large polyphonie des
choeurs – finissant à l’unisson : « La vie est venue
se poser sur mon épaule comme une colombe
apprivoisée. »
Marseille, le 30 juin 1989 : la Première. Silence
total du public durant l’exécution et merveilleux
accueil.
Dans la nuit, une deuxième grande joie : l’URSS
autorise la publication de l’Archipel du Goulag de
Soljenitsyne.
MARIUS CONSTANT
Météo : le Printemps
De l’équinoxe à la fin de mars, les hautes pressions situées sur l’Europe centrale favorisent l’advection d’air chaud depuis le sud et entretiennent
des types de temps estivaux. Les températures
maximales atteignent de nouveaux records mensuels : 23,5 °C à Trappes, 21,9 °C à Langres, 24,7 °C
à Paris-Montsouris... le 29 mars, 25 °C à Luxeuil,
25,6 °C à Romorantin, 25,5 °C à Colmar le 30. Les
pluies sont peu abondantes ; le 31, cependant, de
violents orages accompagnés de rafales de vent
et de grêle s’abattent dans les régions de Samatan, de Bordes-sur-Arize et de Lannemezan. La
douceur et la sécheresse qui prévalent depuis
plus de trois mois sont brusquement interrompues par la disparition des hautes pressions et
l’installation durable d’un régime perturbé. Du
31 mars au 8 avril, les perturbations circulant dans
un flux de nord entraînent une chute de 13 à 22 °C
des températures maximales ! Il neige même le 4
sur tout le quart nord-ouest du pays.
Que d’eau en avril !
Le mois d’avril, qui n’a connu qu’un court épisode de douceur, du 8 au 12, a été plutôt frais. Les
températures moyennes régionales ont été inférieures aux normales 1951-1980, comme à celles
de mars. Entre le 25 et le 30 avril, des températures maximales anormalement basses sont relevées : 7 °C à Chartres le 25 ; 6,4 °C à Troyes, 7,5 °C
à Mâcon, 10,6 °C à Nîmes le 26 ou encore 10,2 °C
à Dax le 29. Mais avril 1989 est surtout un mois
extrêmement pluvieux qui, depuis 1957, n’a eu
d’égal qu’avril 1986. Il est vrai que l’ensemble du
pays a subi, tout au long du mois, l’influence de
perturbations généralement actives venues du
nord (du 31 mars au 7 avril), de l’Atlantique (du 9
au 22 et du 24 au 30) ou de remontées de masses
d’air chaud imputables à des dépressions situées
sur l’Espagne ou la Méditerranée. À l’échelle régionale, les hauteurs mensuelles représentent
1,7 à 2,7 fois les hauteurs normales ; à l’échelle
locale, de nombreux records mensuels sont battus : 121 mm à Aulnat (a.r. : 115 mm en 1983),
154,2 mm à Vichy (a.r. : 132.3 mm), 229 mm à
Mont-de-Marsan au lieu de 151,1 en 1986...
Des pluies journalières remarquables par leur
abondance sont mesurées dans la moitié sud du
pays : 66 mm à Pau le 17,115 mm à Murat, 96 mm
à Castans, 71 mm à Mâcon le 25. Ces abats provoquent dans la région lyonnaise, en Ardèche et
dans le Gard la crue brutale de nombreux cours
d’eau. Des chutes de neige ont été observées le
14 avril dans les Alpes centrales, dans le massif
du Queyras et même dans les monts de Lacaune.
Au 30 avril, le bilan hydrique des sols est redevenu normal à excédentaire sur la quasi-totalité
du territoire. Le rapport R/RU de la réserve disponible à la réserve utile demeure cependant
inférieur à 60 % dans l’Aude, le Roussillon, les
Bouches-du-Rhône et dans les régions de Toulon et de Nîmes. D’autres régions du monde sont
affectées par des pluies torrentielles et des inondations : Djibouti, une des régions les plus arides
de la planète, du 7 au 10 avril ; l’État de Ceara au
N.-E. du Brésil, du 10 au 12 ; en Nouvelle-Calédonie, le 10, au moment du passage du cyclone
Lily. Le 26, la région de Manikganj, au Bangladesh, est ravagée par une tornade meurtrière
(1 600 morts, 12 000 blessés).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Sécheresse en mai
Mai, à l’inverse d’avril, est exceptionnellement
chaud et sec. Les températures moyennes sont,
selon les régions, de 1,4 à 4,2 °C supérieures aux
normales ; elles se placent au 1er ou au 2e rang
des valeurs mesurées depuis 1957. Beaucoup de
records ponctuels sont battus ; pour les températures minimales élevées, notons par exemple
17,2 °C à Vannes le 20, 15,4 °C à Saint-Dizier le 23,
19,3 °C à Bordeaux le 24 et, pour les températures
maximales : 27,6 °C à Beauvais, 27,9 °C à Metz le
20, 29,1 °C à Dinard le 21 mai. Dans maintes stations, les températures moyennes mensuelles
flirtent avec les records absolus et le nombre de
jours chauds (jours où la température maximale
est supérieure à 25 °C) est très élevé : 16 jours
à Nîmes, 13 jours à Saint-Yan et à Bourges, 12 à
Angers et Lorient... Au plan de la pluviométrie,
mai 1989 se classe parmi les mois de mai les plus
secs observés depuis 32 ans. Les déficits sont supérieurs à 39 % dans le Centre-Est, à 66 % dans
l’Ouest et le Nord, à 80 % dans le Sud-Est et en
Corse. La nébulosité étant très faible, la durée de
l’insolation a atteint des valeurs inhabituelles :
315 heures à Paris-Montsouris au lieu de 288 en
1944, 350 heures à Reims au lieu de 255 en 1952,
320 heures à Angers au lieu de 280 en 1952. À la
fin du mois, les réserves en eau des sols sont très
faibles dans le sud de la Bretagne, en Berry, en
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CHRONOLOGIE
79
Poitou-Charentes et au sud de la ligne LibourneAlbi-Nice, où R/RU est inférieur à 40 %.
Juin qui finit bien
Du 31 mai au 9 juin, l’ensemble du pays, à l’exception du Midi méditerranéen, connaît les effets
d’un régime perturbé de nord, puis de nordouest. Brumes et nuages bas de début de matinée, averses ou pluies orageuses alternant avec
de brèves éclaircies entretiennent des températures minimales et maximales inférieures aux
normales (4 à 8°C et 16 à 19 °C respectivement
dans les Pays de Loire et le Centre par exemple).
Ce temps frais et maussade fait place, à partir du
10, à des types de temps qui, caractérisés par un
bon ensoleillement, des températures élevées, de
brefs orages de chaleur et une sécheresse accusée
dans certaines régions, sont vraiment estivaux.
PHILIPPE C. CHAMARD
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
80
Juillet
Samedi 1er
CEE
La France assure pour six mois la présidence
de la Communauté européenne.
FRANCE
Législation.
Le Parlement adopte les lois relatives à la
prévention du licenciement économique, au
Xe Plan, à la sécurité et à la transparence du
marché financier, à la sécurité routière.
GRÈCE
Vie politique.
Le Parti communiste annonce que le Rassemblement de la gauche et du progrès qu’il
préside accepte de soutenir un gouvernement minoritaire dirigé par M. Tzannis
Tzannétakis, numéro deux de la Nouvelle
Démocratie (conservateur). Mis en place le
2 pour trois mois, celui-ci a pour mission
de rétablir le fonctionnement normal des
institutions et de moraliser la vie politique.
HONGRIE
Audiovisuel.
Balaton Channel, première chaîne de télévision privée des pays de l’Est, commence à
émettre. Ses programmes comprennent des
films, des clips et des émissions d’information en langues hongroise et allemande.
URSS
Nationalités.
Dans une allocution télévisée, M. Mikhaïl
Gorbatchev lance une sévère mise en garde
contre la montée des nationalismes et les
affrontements interethniques qui menacent
la perestroïka et « l’intégrité de l’État ».
Dimanche 2
URSS
Vie politique.
Ministre des Affaires étrangères de 1957 à
1985 et chef de l’État de 1985 à 1988, Andreï
Gromyko meurt à l’âge de 79 ans. Le 5, ses
obsèques ne donnent lieu qu’à une cérémonie brève et discrète.
ALGÉRIE
Vie politique.
Les députés adoptent la loi sur les associations à caractère politique qui autorise le
multipartisme et met ainsi fin au monopole
du FLN au pouvoir depuis 1962.
Lundi 3
FRANCE
Audiovisuel.
Le Parlement adopte la loi instituant une
présidence commune pour Antenne 2 et
FR3.
ARGENTINE
Justice.
Le tribunal de Mar del Plata condamne
l’ancien champion de boxe Carlos Monzon
à onze ans de prison pour le meurtre de
sa compagne, commis au mois de février
1988.
Mardi 4
FRANCE
Relations internationales.
Le chef de l’État soviétique, M. Mikhaïl Gorbatchev, entame à Paris une visite officielle
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CHRONOLOGIE
81
de trois jours. Le 5, il signe avec le président
François Mitterrand une déclaration réaffirmant l’indépendance et la souveraineté
du Liban. Le 6, à Strasbourg, il expose aux
parlementaires du Conseil de l’Europe le
principe de maison commune européenne et
réitère ses propositions de négociation sur
les armes nucléaires tactiques.
Éducation nationale.
Le Parlement adopte la loi d’orientation. Les
polémiques autour du texte se sont apaisées
après les concessions de M. Lionel Jospin.
BELGIQUE
Accident aérien.
Après avoir survolé pendant plus d’une
heure la RFA, les Pays-Bas et une grande
partie de la Belgique, un Mig 23 soviétique
dont le pilote s’était éjecté au-dessus de la
Pologne s’écrase près de Courtrai à court de
carburant, causant la mort d’une personne.
URSS
v. France
Mercredi 5
FRANCE
Audiovisuel.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
exige des chaînes de télévision qu’elles ne
diffusent pas de films interdits aux mineurs
avant 22h30. Cette décision suscite une
protestation des professionnels.
ISRAËL
Vie politique.
Lors de la réunion du comité central du
Likoud, le Premier ministre Itzhak Shamir
cède aux exigences de l’aile droite de son
parti menée par M. Ariel Sharon en acceptant d’apporter des restrictions à son plan
de paix qui prévoit des élections dans les
territoires occupés. Le 23, un compromis
évite aux travaillistes de quitter la coalition
gouvernementale.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique.
Au Cap, le président Pieter Botha rencontre
en secret le leader noir du Congrès national
africain (ANC) Nelson Mandela, emprisonné depuis 27 ans, qui se prononce en faveur
d’une « évolution pacifique » du pays.
ÉTATS!UNIS
Justice.
Reconnu coupable le 4 mai d’obstruction
à l’enquête menée par le Congrès sur les
ventes d’armes à l’Iran, de destruction de
documents et d’acceptation illégale d’un
don en nature, le lieutenant-colonel Oliver
North, principal accusé du procès de l’Irangate, est condamné à trois ans de prison
avec sursis. Il décide de faire appel.
Jeudi 6
ÉGLISE CATHOLIQUE
Miracle.
L’archevêque de Catane (Italie) reconnaît
officiellement la guérison, à Lourdes en
1976, de Delizia Cirolla, une jeune Sicilienne atteinte d’un sarcome d’Ewing.
SCIENCES
Énergie nucléaire.
L’hebdomadaire britannique Nature présente un bilan négatif des tentatives de vérification de l’expérience de fusion à froid (ou
fusion nucléaire de l’hydrogène à température ambiante) que les chercheurs Martin
Fleischmann et Stanley Pons avaient affirmé avoir effectuée (23 mars).
FRANCE
Météorologie.
La violente tempête qui frappe le Sud-Ouest
durant toute la nuit provoque de gros dégâts, en particulier dans certains vignobles
du bordelais, dont ceux de Sauternes.
HONGRIE
Vie politique.
Secrétaire général du PSOH (Parti communiste) depuis la fin de l’insurrection de 1956
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
82
jusqu’au mois de mai 1988, puis nommé au
poste honorifique de président du Parti,
Janos Kadar meurt à l’âge de 77 ans. Il avait
été exclu du Comité central le 8 mai. Le
même jour, la Cour suprême réhabilite officiellement Imre Nagy, l’ancien président du
Conseil exécuté le 16 juin 1958.
ISRAËL
Terrorisme.
Un accident d’autobus provoqué par un Palestinien sur l’autoroute Tel-Aviv-Jérusalem
cause la mort de quatorze personnes.
TIERS MONDE
Dette.
Le président américain George Bush annonce l’annulation de la dette publique des
pays de l’Afrique subsaharienne pour un
montant de 1 milliard de dollars.
Vendredi 7
FRANCE
Justice.
La cour d’appel de Paris confirme un jugement du tribunal de Fontainebleau relatif à
l’indemnisation d’une victime de la route
contaminée par le virus du Sida après une
transfusion en janvier 1985. Le dépistage
automatique du virus avant les transfusions
n’étant pas alors obligatoire, la cour impute
la responsabilité du dommage à l’auteur de
l’accident qui devra payer 2 300 000 F de
réparations.
CUBA
Overdose
C’était un combattant de la première heure de la
sierra Maestra, le vainqueur de la guerre de l’Ogaden en 1978, le commandant en chef des troupes
castristes en Angola en 1987-1988 et l’un des six
« héros de la République de Cuba ». Le 7 juillet, le
général de division Arnaldo Ochoa est condamné
à mort pour trafic de drogue.
Au terme d’une enquête ordonnée en avril par
Fidel Castro, le général Ochoa est arrêté le 14 juin
en compagnie d’autres officiers. Parmi eux se
trouve le colonel Antonio de la Guardia qui dirige,
au ministère de l’Intérieur, le service chargé de
lutter « par tous les moyens » contre le blocus économique imposé par les États-Unis. Ils sont accusés d’avoir fait transiter par Cuba, grâce au réseau
du colonel de la Guardia, six tonnes de cocaïne
et plusieurs tonnes de marijuana en provenance
de Colombie et à destination des États-Unis, pour
un profit de 3,4 millions de dollars. Le 27, un jury
d’honneur composé de hauts responsables militaires déclare les six hommes coupables de « trahison » et réclame à leur encontre la peine de
mort. Tout est joué.
L’épreuve est douloureuse pour le régime castriste qui prétend, en cette année du trentième
anniversaire, défendre la pureté du dogme
marxiste-léniniste face à la perestroïka jugée
corruptrice. De plus, le scandale donne raison
aux États-Unis qui dénonçaient l’existence d’une
« Cuban connection » depuis le début des années
80. A-t-on jugé le moment opportun pour procéder à une épuration que la précision croissante
des accusations américaines rendait chaque jour
plus nécessaire ?
Le castrisme a toujours montré du goût pour
les procès à grand spectacle. Celui qui s’ouvre le
30 juin devant la cour martiale, dont le procureur
n’est autre que le ministre de la Justice, ne fait pas
exception. Tous les accusés plaident coupables.
D’étranges zones d’ombre subsistent toutefois
dans le dossier. Jusqu’à quel point le trafic de
drogue n’était-il pas, pour le colonel de la Guardia, le moyen – toléré – de mener à bien une mission de plus en plus coûteuse ? Mais, surtout, de
quoi le général Ochoa est-il vraiment coupable ?
Le « héros de la République » était l’unique personnalité cubaine, en dehors de Fidel Castro, à déclencher des applaudissements spontanés dans
les rues. Le général, que le ministre des Forces
armées et frère du « lider máximo » Raul Castro
accuse d’avoir eu des tendances « populistes »,
allait recevoir le commandement de l’armée occidentale chargée de la défense de la capitale. A-t-
on craint l’éclat de son étoile montante ?
Le général Ochoa, le colonel de la Guardia et deux
de leurs coaccusés sont fusillés le 13 après que
le Conseil de l’État dirigé par Fidel Castro leur a
refusé sa grâce.
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CHRONOLOGIE
83
Samedi 8
FRANCE
Commémoration.
En réaction aux fastes des cérémonies officielles du bicentenaire de la Révolution
française, la Ligue communiste révolutionnaire (trotskiste), le chanteur Renaud et
l’écrivain Gilles Perrault organisent, sous le
slogan Ça suffat comme ci, une manifestation à Paris contre « le sommet des riches,
la dette du tiers monde, la faim, l’apartheid
et les dernières colonies », suivie d’un grand
concert gratuit place de la Bastille.
Justice.
Le Conseil constitutionnel rejette l’amendement socialiste qui élargissait la loi
d’amnistie des militants indépendantistes
guadeloupéens et corses, votée le 3, aux
licenciés pour « faute lourde ». Il aurait permis de réintégrer dans leur entreprise les
dix militants CGT de Renault-Billancourt
exclus en octobre 1986 pour avoir commis
des violences dans l’usine. La CGT proteste
et exige l’intervention directe du chef de
l’État. Le 10, le ministre de Travail désigne
un médiateur.
Conflits sociaux.
Un accord industriel et social concernant
l’avenir du site de construction navale de La
Ciotat est signé entre les pouvoirs publics,
les collectivités locales et les syndicats. Il
met fin à 276 jours de conflit et d’occupation du chantier.
SPORT
Boxe.
Victime d’une entorse après deux minutes
de combats, le Français René Jacquot perd
son titre de champion du monde des superwelters (WBC) face à l’Ougandais John Mugabi au cours d’un combat organisé dans le
parc d’attraction de Mirapolis (Val-d’Oise).
Dimanche 9
POLOGNE
Relations internationales.
Accueilli avec enthousiasme, le président
George Bush effectue une visite de deux
jours à Varsovie et à Gdansk au cours de
laquelle il présente un plan d’aide économique américaine d’ampleur modeste (11).
SOUDAN
Vie politique.
Dix jours après le coup d’État du général
Omar El Bechir, la nomination d’un gouvernement composé de proches de l’organisation des Frères musulmans confirme
l’orientation islamique du nouveau régime
(30 juin).
ÉTATS!UNIS
v. Pologne
SPORT
Tennis.
Les Allemands de l’Ouest réalisent leur
premier doublé dans un tournoi du grand
chelem lors des Internationaux de GrandeBretagne au stade de Wimbledon. Boris
Becker l’emporte en finale sur le Suédois
Stefan Edberg (6-0, 7-6, 6-4) et Steffi Graff
sur l’Américaine Martina Navratilova (6-2,
6-7, 6-1).
Lundi 10
FRANCE
Paris.
Le préfet de police informe le Conseil de
Paris des mesures exceptionnelles relatives
à la circulation et au stationnement dans le
centre de la capitale durant la semaine où
doivent se dérouler les fêtes du bicentenaire
de la Révolution française et le sommet des
Sept. Un renforcement de la présence policière et militaire ainsi que la surveillance
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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aérienne des zones sensibles à l’aide d’un
dirigeable sont prévus.
Bourse.
L’introduction des titres du groupe de couture et de parfum Yves Saint-Laurent sur
le second marché connaît un fort succès.
Seuls 3,72 % des ordres d’achat peuvent être
servis.
Cinéma.
Dans la salle de la Géode de la Cité des
sciences et de l’industrie de la Villette, le
président François Mitterrand assiste à
la présentation de J’écris dans l’espace, de
Pierre Etaix. Il s’agit du premier film de fiction réalisé en procédé Omnimax, qui permet la diffusion d’une image sur 180 degrés.
URSS
Conflits sociaux.
Dans le Kouzbass, en Sibérie, les mineurs
de charbon déclenchent un mouvement de
grève qui s’étend au Donbass, en Ukraine,
à partir du 17. Les salaires, les conditions
de travail et de vie ainsi que la lenteur des
réformes sont à l’origine de ce conflit d’une
ampleur sans précédent qui accentue les
divergences entre réformateurs et conservateurs. Les accords passés le 19 entre le
gouvernement et les mineurs du Kouzbass
permettent une reprise progressive du travail en Sibérie. La grève cesse à la fin du
mois en Ukraine.
Mardi 11
FRANCE
Musique.
Le Festival d’Aix-en-Provence présente la
reconstitution de la version scénique de The
Fairy Queen, de Purcell, dirigée par William
Christie et mise en scène par Adrian Noble.
GRANDE!BRETAGNE
Théâtre.
L’un des plus grands acteurs shakespeariens
du siècle, sir Laurence Olivier, meurt à l’âge
de 82 ans.
HONGRIE
Relations internationales.
Le président américain George Bush séjourne jusqu’au 13 à Budapest où il plaide,
comme en Pologne, en faveur d’une Europe
« réconciliée, entière et libre » (9).
ÉTATS!UNIS
v. Hongrie
Mercredi 12
FRANCE
Massacre.
À Luxiol (Doubs), un agriculteur, saisi de
folie meurtrière, tue au fusil de chasse quatorze personnes, dont trois enfants, avant
d’être maîtrisé par les gendarmes.
Théâtre.
En ouverture du Festival d’Avignon, Jeanne
Moreau et Lambert Wilson interprètent la
Célestine (1499), de Fernando de Rojas, mis
en scène par Antoine Vitez dans la cour
d’honneur du palais des Papes.
IRLANDE
Gouvernement.
Le Parlement accorde sa confiance au
quatrième cabinet dirigé par M. Charles
Haughey (Fianna Fail ; nationaliste), qui a
dû se résoudre à former une coalition avec
les Démocrates progressistes.
Jeudi 13
FRANCE
Commémoration.
Les manifestations officielles des fêtes du
bicentenaire de la Révolution débutent,
à midi, par une célébration des Droits
de l’homme sur le parvis du Trocadéro
à laquelle assistent, autour du président
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CHRONOLOGIE
85
François Mitterrand, les trente-deux chefs
d’État ou de gouvernement invités pour
l’occasion. Les hôtes du chef de l’État se
rendent le même soir à l’Opéra Bastille, qui
est inauguré par un spectacle lyrique mis en
scène par Bob Wilson et dirigé par Georges
Prêtre, avec la participation de June Anderson, Teresa Berganza, Placido Domingo,
Barbara Hendricks, Ruggero Raimondi.
KURDES
M. Abdel Rahman Ghassemlou, secrétaire
général du Parti démocratique du Kurdistan
d’Iran (PDKI) et principal dirigeant kurde
iranien, en lutte contre le gouvernement de
Téhéran, est assassiné à Vienne avec deux
autres responsables du PDKI au cours d’une
entrevue avec des émissaires iraniens.
ÉTATS!UNIS
Sociétés.
La multinationale anglo-néerlandaise Unilever annonce l’achat des firmes Fabergé et
Elizabeth Arden pour 1,55 milliard de dollars (10 milliards de francs environ). Elle
contrôle ainsi 10 % du marché des cosmétiques et rattrape son concurrent l’Oréal.
Vendredi 14
SCIENCES
Physique.
Le CERN (Organisation européenne pour
la recherche nucléaire) met en service le
LEP (Large Electron Positron Collider),
plus grand accélérateur de particules au
monde. Cet anneau souterrain de 27 kilomètres de circonférence, bâti sur la frontière franco-suisse près de Genève, permet
d’analyser des faisceaux de particules d’une
puissance de 100 GeV (gigaélectronvolt).
GROUPE DES SEPT
Un sommet révolutionnaire
Le choix du président de la République de faire
coïncider la réunion annuelle des pays les plus
industrialisés avec la célébration du bicentenaire
de la Révolution française, en juillet, à Paris, ne fait
pas l’unanimité. Les sans-culottes d’aujourd’hui
ne sont-ils pas ces habitants du tiers monde écra-
sés par leur dette envers les pays occidentaux ?
Tandis que le chanteur Renaud prête son nom,
le 8, à une manifestation « contre le sommet des
riches », « l’autre sommet économique », qui réunit chaque année des représentants de sept pays
parmi les plus pauvres, connaît une renaissance.
Enfin, l’initiative prise la veille de l’ouverture du
sommet de Paris par les présidents du Sénégal,
de l’Égypte, du Venezuela et de l’Inde, invités aux
festivités du Bicentenaire, de réclamer la tenue de
sommets Nord-Sud réguliers se veut un rappel
des relations existant entre développement des
uns et croissance des autres.
Inauguré le 14 sous la pyramide du Louvre pour se
poursuivre les 15 et 16 au trente-cinquième étage
de la nouvelle Arche de la Défense, le sommet
des Sept (Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, RFA) s’achève sur un bilan qui
privilégie toutefois l’axe Est-Ouest. Ses conclusions n’en sont pas moins « révolutionnaires ».
Après s’être félicités du processus de réformes en
cours en Pologne et en Hongrie, les Sept se disent
prêts à « envisager, selon les besoins et d’une façon coordonnée, une aide économique destinée
à transformer et à ouvrir leurs économies d’une
manière durable ». Cette proposition fait écho à la
lettre adressée le 14 à M. François Mitterrand par
M. Mikhaïl Gorbatchev, dans laquelle ce dernier
évoque la destruction des « vieilles barrières artificielles entre les systèmes économiques ». Cette
déclaration illustre également la nouvelle répartition des rôles entre Européens et Américains.
C’est en effet à la Commission de Bruxelles – dont
le président Jacques Delors assiste au sommet –
que les Sept confient le soin de coordonner l’aide
occidentale.
Révolutionnaire aussi, malgré l’absence de
mesures nouvelles au sujet de la dette du tiers
monde, la déclaration économique avertit dès
ses premières lignes que « le sommet de l’Arche
marque le début d’un nouveau cycle ». N’annonce-t-il pas la transformation du club que
formaient les Sept à l’origine en ce « directoire »
mondial qu’ils se défendaient alors de constituer ?
Après le Sud, les Sept élargissent leur champ d’action à l’Est. Mais leurs préoccupations vont aussi,
pour la première fois, à l’environnement – plus du
tiers de la déclaration économique y est consacré
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– et à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Cela
fait longtemps que les puissances occidentales
n’étaient pas apparues aussi souveraines.
FRANCE
Vie politique.
Dans sa traditionnelle allocution télévisée
à l’occasion de la fête nationale, le président
François Mitterrand propose de réviser la
Constitution afin de permettre à chaque
citoyen de saisir directement le Conseil
constitutionnel « s’il estime ses droits fondamentaux méconnus ».
Commémoration.
Les chefs d’État et de gouvernement invités
aux festivités du bicentenaire de la Révolution assistent, sur les Champs-Élysées, à un
défilé militaire particulièrement fourni, placé sous le thème de « l’armée et la nation ».
Le soir, au même endroit, se déroule sous
leurs yeux – et ceux de centaines de milliers
de Parisiens – une grande parade imaginée
par le publicitaire Jean-Paul Goude, que
retransmettent les télévisions de cent deux
pays.
Terrorisme.
Trois membres présumés de l’IRA sont interpellés par la DST au péage autoroutier de
Saint-Avold (Moselle). Soupçonnés d’avoir
participé à des attentats contre les forces
britanniques stationnées en RFA, ils sont
inculpés et écroués le 18 à Paris.
SOMALIE
Troubles.
À Mogadiscio, des émeutes suscitées par
l’arrestation de dignitaires musulmans sont
l’objet d’une sanglante répression.
Samedi 15
URSS
Nationalités.
Dans la République autonome d’Abkhazie
(Géorgie), des affrontements meurtriers
opposent des Géorgiens, chrétiens, à des
Abkhazes, musulmans, qui revendiquent
un statut de république fédérée pour leur
région. Les troubles s’étendent au cours du
mois à l’ensemble de la Géorgie.
Dimanche 16
MUSIQUE
Requiem
Chef d’orchestre génial, star internationale,
homme d’affaires avisé : avec Herbert von Karajan, décédé le 16 juillet à Salzbourg à l’âge de
81 ans, la musique perd son démiurge. Homme
d’un orchestre – le Philharmonique de Berlin –,
d’un lieu – le Festspielhaus de Salzbourg –, d’une
maison de disques – Deutsche Grammophon –,
Karajan a servi la musique autant qu’elle l’a servi,
pour la plus grande gloire de l’art et de l’artiste.
Si ce musicien au talent fou a toujours fait figure
d’homme pressé, c’est que l’ambition qui le portait était trop haute pour être jamais satisfaite. Né
à Salzbourg en 1908, diplômé chef d’orchestre à
21 ans, il est aussitôt engagé à l’Opéra d’Ulm alors
même qu’il n’a jamais dirigé d’oeuvre lyrique. Il
n’hésite pas à s’affilier au parti nazi dès avril 1933
pour mieux gravir les échelons qui le mènent de
l’Opéra d’Aix-la-Chapelle en 1935, à celui de Berlin
en 1941.
Après la guerre – et sa réhabilitation –, il entame
une carrière internationale à la Scala de Milan.
Tenu à l’écart de Vienne et de Salzbourg par Wilhelm Furtwängler, il est consacré, en 1955, « chef
à vie » du Philharmonique de Berlin. L’année suivante, il prend enfin la direction de l’Opéra de
Vienne. Il en claque la porte en 1964. Trois ans
plus tard, comme une sorte de défi à Vienne et à
Bayreuth, il lance un festival Wagner à Salzbourg.
En 1969, il est nommé conseiller musical de l’Opéra de Paris, poste qu’il abandonne deux ans plus
tard faute de pouvoir y consacrer suffisamment
de temps. Berlin, Vienne et Salzbourg deviennent
alors les capitales de son empire musical et
économique.
Le premier, en 1938, à comprendre l’importance
de l’enregistrement, Karajan a vendu au cours de
sa carrière 115 millions de disques pour la seule
marque à l’étiquette jaune. Il s’est aussi intéressé
au cinéma et au vidéodisque et a créé dans ces
deux domaines des sociétés qui ont engrangé
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CHRONOLOGIE
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des heures de témoignages audiovisuels. Mais
qu’on le décrive comme un technocrate arriviste
ne l’empêche pas, sitôt au pupitre, d’entraîner son
public dans un monde de perfection et de beau-
té. Jamais vénéré à l’instar de Bruno Walter, Arturo
Toscanini ou Wilhelm Furtwängler, il les dépasse
tous par son charisme sans égal.
Souffrant de polyarthrite, il subit en 1975 une
première opération de la colonne vertébrale. Plus
sa santé décline, plus il charge son programme.
Monter au pupitre devient pour lui un calvaire,
même si la musique le transfigure dès les premières mesures. À la douleur physique s’ajoute
une épreuve morale. À partir de 1982, un conflit
l’oppose aux musiciens du Philharmonique de
Berlin, excédés par son autoritarisme. Sa démission de la direction de cette formation, en avril
de cette année – venant après sa brouille avec les
organisateurs du festival de Salzbourg –, résonne
comme un coup de grâce.
Lundi 17
CEE
L’Autriche dépose officiellement sa demande d’adhésion à la Communauté européenne, mais sa neutralité rend sa candidature problématique.
AUTRICHE
v. CEE
POLOGNE!VATICAN
Diplomatie.
Le gouvernement de Varsovie et le SaintSiège rétablissent leurs relations rompues
au mois de septembre 1945.
ÉTATS!UNIS
Défense.
Surnommé l’« avion furtif » pour sa capacité à échapper à la détection des radars, le
bombardier B-2 effectue son premier vol en
Californie.
Mardi 18
ÉGLISE CATHOLIQUE
Édifices cultuels.
Après trois mois de réflexion, le pape JeanPaul II accepte le don de la basilique NotreDame-de-la-Paix, réplique de Saint-Pierre
de Rome, édifiée sur l’initiative du président Félix Houphouët-Boigny à Yamoussoukro, son village natal devenu capitale de
la Côte-d’Ivoire.
FRANCE
Banditisme.
Quatre appelés parachutistes de la base
aéroportée de Toulouse-Francazal, auteurs présumés d’une série de viols et de
meurtres, sont arrêtés à l’issue d’une cavale
mouvementée. Ils sont inculpés et écroués
le 20.
Architecture.
M. Michel Rocard inaugure la Grande Arche
de la Défense conçue par l’architecte danois
décédé Otto von Spreckelsen et achevée
par le Français Paul Andreu. Il visite l’exposition la Traversée de Paris consacrée à
l’histoire de la capitale. L’édifice doit abriter,
entre autres, les bureaux du ministère de
l’Équipement et du Logement.
CÔTE!D’IVOIRE
v. Église catholique
KENYA
Braconnage.
Dans le parc national de Nairobi, le président Daniel Arap Moi allume un immense
brasier dans lequel douze tonnes d’ivoire
provenant de saisies sont détruites (5 juin,
17 août et 20 octobre).
Mercredi 19
FRANCE
Justice.
Le juge d’instruction J.-L. Bruguière accepte de lever l’interdiction absolue de
communiquer qu’il avait ordonnée à l’égard
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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des quatre « chefs historiques » d’Action
directe condamnés à la prison à vie au mois
de janvier 1989. Le 21, ceux-ci cessent la
grève de la faim qu’ils menaient depuis le
20 avril afin d’obtenir le statut de « prisonnier politique ».
Finances.
M. Pierre Bérégovoy présente en Conseil
des ministres le plan d’épargne populaire
(PEP) qui est destiné à développer une
épargne longue. Il doit remplacer, à partir
de janvier 1990, le plan d’épargne retraite
(PER) institué par M. Édouard Balladur au
mois de juin 1987.
Édition.
Les Versets sataniques, le roman qui a
valu à son auteur Salman Rushdie d’être
condamné à mort par l’imam Khomeyni,
paraissent dans leur traduction française
aux éditions Christian Bourgois.
POLOGNE
Élection présidentielle.
Candidat unique, le général Wojciech Jaruzelski est élu par la Diète à une seule voix
de majorité. Le 30, le Premier ministre
sortant, M. Mieczyslaw Rakowski, le remplace au secrétariat général du POUP (Parti
communiste).
SUISSE
Justice.
Arrêté le 18 avril en exécution d’un mandat
américain, l’homme d’affaires saoudien Adnan Kashoggi est extradé vers les États-Unis
avec son accord. Incarcéré à New York, il est
remis en liberté le 27, après avoir payé une
caution de 10 millions de dollars et accepté
de porter un bracelet électronique permettant de contrôler ses allées et venues.
ÉTATS!UNIS
Catastrophe aérienne.
Après l’explosion d’un de ses réacteurs qui
provoque une panne générale de ses circuits hydrauliques, un DC-10 de la compagnie United Airlines s’écrase près de
Sioux-City, dans l’Iowa. Il y a 110 morts et
183 rescapés.
Jeudi 20
FRANCE
Loisirs.
Après plusieurs accidents mortels et dans
l’attente d’une réglementation spécifique,
le ministère de l’Intérieur demande aux
maires d’interdire la pratique du saut à
l’élastique qui consiste à se jeter dans le vide,
accroché par un câble élastique.
ÉTATS!UNIS
Espace.
Dans un discours prononcé à l’occasion
du vingtième anniversaire de la première
mission humaine sur la Lune, le président
George Bush annonce la poursuite du programme d’exploration spatiale américain,
de nouveau vers la Lune, puis vers Mars.
Vendredi 21
URSS
Gouvernement.
La composition du nouveau Conseil des
ministres présenté par son président,
M. Nicolaï Ryjkov, illustre un certain renouvellement des dirigeants et une diminution du nombre des portefeuilles.
ÉTATS!UNIS
Espionnage.
Le département d’État annonce qu’un diplomate américain, M. Felix Bloch, fait l’objet
d’une enquête du FBI. Un film de l’agence
de contre-espionnage diffusé à la télévision
le montre en train de remettre une mallette
à un agent soviétique, à Vienne où il était
le numéro deux de l’ambassade américaine.
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CHRONOLOGIE
89
Samedi 22
POLOGNE
Conflit religieux.
L’expiration du délai fixé en 1987 par les
autorités juives et chrétiennes pour le déménagement du carmel d’Auschwitz relance
la polémique entre les deux communautés
(rubrique Religion).
Dimanche 23
FRANCE
Catastrophes naturelles.
D’abondantes pluies contribuent à mettre
fin aux gigantesques incendies qui ont
détruit 5 000 hectares de pinèdes dans la
région de Lacanau et du Porge (Landes)
depuis le 18.
ITALIE
Gouvernement.
Après 64 jours de crise, M. Giulio Andreotti
forme un nouveau cabinet composé des
cinq partis qui dirigent le pays depuis
1981 : les démocrates-chrétiens, les socialistes, les libéraux, les républicains et les
sociaux-démocrates.
MEXIQUE
Dette.
En concédant au gouvernement de Mexico
une réduction de 35 % des 54 milliards
de dollars de sa dette commerciale, les
banques occidentales appliquent pour la
première fois la théorie exposée le 10 mars
par le secrétaire d’État au Trésor américain,
Nicholas Brady (10 mars).
SPORT
Cyclisme.
L’Américain Greg Lemond remporte pour
la deuxième fois le Tour de France en comblant son retard de 50 secondes sur Laurent
Fignon lors de la dernière étape contre la
montre Versailles-Paris, et en devançant
finalement celui-ci de 8 secondes.
Lundi 24
CEE
Aide alimentaire.
Les ministres de l’Agriculture des Douze
accordent à la Pologne une aide de 770 millions de francs sur deux ans.
GRANDE!BRETAGNE
Gouvernement.
Confrontée à de nombreuses difficultés
– échec électoral, reprise de l’inflation,
conflits sociaux –, Mme Margaret Thatcher
procède à un profond remaniement de son
cabinet.
POLOGNE
v. CEE
JAPON
Gouvernement.
Le Premier ministre Sosuke Uno annonce
sa démission après la défaite enregistrée par
le Parti libéral-démocrate (PLD) aux élections sénatoriales partielles du 23. Le PLD a
perdu la majorité qu’il détenait depuis 1955
à la Chambre haute, où la représentation du
Parti socialiste (PSJ) de Mme Takako Doi
progresse fortement (9 août).
OUA
M. Hosni Moubarak, chef de l’État égyptien, est élu président de l’Organisation de
l’unité africaine. Le 26, M. Salim Ahmed
Salim, ministre de la Défense tanzanien,
devient secrétaire général.
ÉTATS!UNIS
Un grand mariage
L’enjeu de la bataille juridico-financière qui
oppose durant plus d’un mois les sociétés américaines Time, Warner et Paramount n’est pas
seulement spéculatif. Il s’agit surtout de ravir le
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
90
premier rang mondial dans le domaine de la communication. Le 24 juillet, la Cour suprême de l’État
du Delaware tranche en donnant son accord définitif au rachat de Warner par Time.
C’est le 4 mars que ces deux groupes, hantés par
le risque d’une OPA (offre publique d’achat) hostile, annoncent leur prochaine fusion par simple
échange d’actions, c’est-à-dire sans endettement.
Cette alliance a tout du mariage de l’eau et du feu.
Time Incorporated, c’est le géant de la presse, de
l’édition et de la télévision, au chiffre d’affaires de
4,5 milliards de dollars, dirigé par Richard Munro,
garant de la respectabilité des magazines Time ou
Fortune, des chaînes de télévision à péage Home
Box Office et Cinemax, du principal réseau câblé
des États-Unis et de plusieurs maisons d’édition.
Le P-DG de Warner Incorporated, Steven Ross,
s’est quant à lui illustré dans les pompes funèbres
avant de sauver les prestigieux studios Warner de
la faillite et de constituer autour d’eux un groupe
de production de films et de disques qui pèse
au jourd’hui 4,2 milliards de dollars de chiffre
d’affaires. Les rares magazines qu’il édite ont pour
titre DC Comics – des bandes dessinées – ou Mad.
Les fiançailles de New York avec Hollywood
inquiètent les nombreux autres groupes audiovisuels américains qui craignent de faire les frais
de cette monstrueuse restructuration. Elles indisposent également Martin Davis, patron de la
puissante Paramount, qui exclut de se voir privé,
à si bon compte pour ses concurrents, du premier
rang mondial. Le 6 juin, quelques jours avant la
réunion des conseils d’administration qui doivent
entériner la fusion de Time et Warner, il lance une
OPA d’un montant de 10,7 milliards de dollars
sur le capital du groupe de presse, proposant
175 dollars aux actionnaires de Time pour un titre
qui en vaut 125.
L’affaire rebondit de nouveau le 16 : Time annonce le rejet de l’OPA de Paramount et le rachat
de Warner avec lequel il devait à l’origine simplement fusionner. Lui-même traîné en justice, Paramount demande aux tribunaux d’invalider l’OPA
de Time qui n’a pas consulté ses actionnaires,
tout en portant son offre à 200 dollars par action.
Sans résultat, sinon celui de forcer ses principaux
concurrents à s’endetter – de 15 milliards de dollars environ –, ce qui devrait limiter leur expansion durant quelque temps...
SURINAM
Guerre civile.
Le gouvernement et les rebelles du Jungle
Commando de Ronnie Brunswijk signent
un accord de paix qui met fin à trois ans de
conflit. Il intervient après la conclusion du
cessez-le-feu, le 7 juin, et la décision des
Pays-Bas, le 12 juillet, de reprendre leur
aide au développement, interrompue en
1982.
Mardi 25
CEE
Parlement européen.
À la suite d’un accord entre les groupes socialiste et démocrate-chrétien, M. Enrique
Baron Crespo, socialiste espagnol, est élu
président en remplacement de lord Plumb,
conservateur britannique. Le discours
inaugural du doyen, M. Claude Autant-Lara, élu du Front national, est très largement
boycotté.
FRANCE
Sociétés.
La commission antitrust de Bruxelles autorise le groupe Rhône-Poulenc à racheter au
géant américain Monsanto quatre unités
de fabrication d’aspirine et de paracétamol.
Cette opération lui permet de devenir le
premier fabricant mondial d’analgésiques
et d’antipyrétiques.
POLOGNE
Vie politique.
M. Lech Walesa rejette le principe d’un
gouvernement de coalition entre le POUP
(communiste) et Solidarité. Il revendique le
droit pour son mouvement d’occuper tous
les postes ministériels.
Mercredi 26
FRANCE
Défense.
Le Conseil des ministres adopte le plan Armées 2000 présenté par M. Jean-Pierre ChedownloadModeText.vue.download 92 sur 509
CHRONOLOGIE
91
vènement, qui fixe les limites des nouveaux
commandements territoriaux et réorganise
les forces opérationnelles. La dissolution du
corps d’armée de Metz est confirmée.
BELGIQUE!ZAÏRE
Relations.
Les ministres belge et zaïrois des Affaires
étrangères signent à Rabat un accord mettant fin au différend qui opposait leurs deux
pays depuis le mois d’octobre 1988. Le texte
prévoit notamment la réduction de près de
11 milliards de francs belges (1,7 milliard
de francs français) de la dette zaïroise envers la Belgique.
Jeudi 27
FRANCE
Haute couture.
Le Dé d’or de la collection automne-hiver
1989 est attribué au couturier italien Gianfranco Ferré, qui a succédé à Marc Bohan
chez Dior.
Sociétés.
Le groupe d’assurances Victoire accède au
deuxième rang national derrière l’UAP en
signant un accord de participation majoritaire dans le groupe ouest-allemand
Colonia.
Archéologie.
Le ministère de la Culture annonce la découverte, dans la grotte du Placard (Charente), de gravures rupestres d’un grand intérêt, contemporaines de celles de Lascaux.
SUÈDE
Justice.
La cour d’assises de Stockholm condamne
à la réclusion perpétuelle Christer Pettersson, ancien repris de justice, reconnu
coupable de l’assassinat, le 28 février 1986,
du Premier ministre Olof Palme. Les deux
juges membres du jury contestent le verdict
qu’ils n’estiment pas suffisamment étayé
par le témoignage de Mme Lisbet Palme
(12 octobre).
URSS
Nationalités.
Le Soviet suprême adopte une résolution
qui prévoit le passage à l’autonomie comptable pour les trois Républiques baltes à
partir du 1er janvier 1990, premier pas vers
l’« autonomie économique ».
LIBYE
Accident aérien.
Un DC-10 de Korean Airlines (KAL) transportant 199 personnes s’écrase à l’atterrissage sur l’aéroport de Tripoli. L’accident, lié
aux mauvaises conditions météorologiques,
cause la mort de 75 personnes.
Vendredi 28
FRANCE
Immigration.
Saisi par les parlementaires de l’opposition et par le Premier ministre, le Conseil
constitutionnel annule un article de la loi
relative aux conditions d’entrée et de séjour
des étrangers en France, votée le 4, qui
prévoyait la possibilité de saisir l’autorité
judiciaire d’une décision administrative de
reconduite à la frontière.
Justice.
Un jeune toxicomane et trafiquant de
drogue séropositif est inculpé d’empoisonnement par un juge d’instruction de Mulhouse pour avoir mordu jusqu’au sang,
dans le but de le contaminer, le gardien de
la paix venu l’interpeller.
Bourse.
Statuant sur le recours formé par les sénateurs de l’opposition, le Conseil constitutionnel censure certaines dispositions de
la loi sur la sécurité et la transparence des
marchés financiers, votée le 1er, relatives
à des prérogatives jugées exorbitantes de
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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la Commission des opérations de Bourse
(COB).
Bourse.
Pour la première fois depuis sa création en
1982, l’indice CAC, baromètre de la Bourse
de Paris, franchit la barre des 500 points à
503,3.
IRAN
Élection présidentielle.
Opposé à un adversaire symbolique,
M. Hachemi Rafsandjani est élu président
de la République islamique par 94,51 %
des suffrages. Le référendum constitutionnel destiné à entériner l’extension des pou-
voirs du chef de l’État recueille 97,38 % de
« oui ».
ISRAËL
v. Liban
LIBAN
Otages.
À Jibchit, dans le sud du pays, un commando israélien enlève un haut dignitaire chiite,
Cheikh Abdel Karim Obeid, responsable
régional du Hezbollah pro-iranien (31).
Samedi 29
SRI LANKA
Troubles.
Implanté dans le nord de l’île depuis le mois
d’août 1987 à la demande des autorités dans
le but de mater le soulèvement séparatiste
tamoul, le corps expéditionnaire indien
entame son retrait, selon les voeux du nouveau président Ranasinghe Premadasa,
nationaliste et anti-indien.
SPORT
Athlétisme.
Lors des championnats des Caraïbes disputés à Porto Rico, le Cubain Javier Sotomayor, qui n’avait pas pu disputer les jeux
Olympiques de Séoul en 1988 en raison du
boycott décidé par Fidel Castro, améliore
son propre record du monde de saut en
hauteur en franchissant 2,44 mètres.
Dimanche 30
URSS
Vie politique.
Sur l’initiative de MM. Boris Eltsine et
Andreï Sakharov, les députés réformateurs
du Soviet suprême se constituent en groupe
parlementaire.
CAMBODGE
Conflit.
La première session ministérielle de la
conférence internationale sur le Cambodge
s’ouvre à Paris. Organisée à la demande du
prince Norodom Sihanouk et sur l’initiative de la France, elle rassemble les quatre
parties cambodgiennes, les cinq membres
du Conseil de sécurité de l’ONU, les six
membres de l’ASEAN (Association des
nations du Sud-Est asiatique), un représentant des non-alignés et le secrétaire général
de l’ONU. Le 1er août, un compromis intervient au sujet de l’organisation et des objectifs des commissions d’experts (30 août).
MOZAMBIQUE
Vie politique.
Réuni à Maputo depuis le 24, le cinquième
congrès du FRE-LIMO (Front de libération
du Mozambique), parti unique au pouvoir,
s’engage à mettre fin à vingt-cinq ans de
guerre civile, entérine l’ouverture économique et politique vers l’Occident entreprise par le président Joaquim Chissano et
adopte un programme qui ne fait plus référence au marxisme-léninisme.
CHILI
Référendum.
85,7 % des électeurs approuvent les réformes
constitutionnelles qui leur étaient soumises.
Les principales dispositions concernent la
réduction du mandat présidentiel à quatre
ans, l’annulation de la mise hors-la-loi des
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CHRONOLOGIE
93
partis « marxistes » et l’abolition du droit
du chef de l’État de bannir des opposants.
Lundi 31
FRANCE
Bourse.
La Commission des opérations de Bourse
(COB) transmet à la justice son rapport
concernant le raid effectué par M. Georges
Pébereau sur la Société générale entre les
pois de juin et de décembre 1988. À la demande de M. Pierre Bérégovoy, le nom des
personnes mises en cause n’est pas rendu
public.
LIBAN
Otages.
L’organisation des Opprimés dans le monde
annonce l’exécution de l’officier américain
membre des forces de l’ONU, William
R. Higgins, enlevé le 17 février 1988, qu’elle
avait menacé de pendre si Cheikh Obeid,
capturé par l’armée israélienne le 29, n’était
pas libéré. Entre l’heure de l’expiration de
l’ultimatum et celle du communiqué des
extrémistes pro-iraniens, les autorités de
Jérusalem avaient proposé d’échanger le dignitaire chiite contre les trois soldats israéliens et tous les otages occidentaux détenus
au Liban (2 août).
Conflit.
Dénonçant la Syrie comme le principal
obstacle à la paix, le comité arabe tripartite
(Algérie, Arabie Saoudite, Maroc) dresse
un constat d’échec de la mission de pacification dont l’avait chargé la Ligue arabe le
26 mai.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
94
Août
Mardi 1er
FRANCE
Réfugiés.
Un premier groupe de 183 Kurdes irakiens
en provenance de la frontière turque arrive
à Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme, où
ils sont hébergés dans un centre de l’armée,
sur l’initiative de la Fondation France-Liberté de Mme Danielle Mitterrand. Il en
arrive 152 autres le 3. La Turquie héberge
encore 34 000 réfugiés kurdes.
Audiovisuel.
La disjonction du système d’alimentation
du satellite de télévision directe TDF1 lancé
le 28 octobre 1988 provoque la perte d’un
canal de diffusion – encore inutilisé – sur
les cinq existants.
GRANDE!BRETAGNE
v. Argentine
POLOGNE
Économie.
L’entrée en vigueur des mesures de libération des prix agroalimentaires provoque de
très fortes hausses qui entraînent bientôt
une nouvelle vague de grèves, en particulier
dans le secteur public. Le 8, le pouvoir et
l’opposition concluent un accord prévoyant
certaines augmentations de salaires.
ARGENTINE
Relations internationales.
Le gouvernement annonce la levée des
restrictions au commerce avec la GrandeBretagne en vigueur depuis la guerre des
Malouines en 1982 (16).
Mercredi 2
IRAN
v. États-Unis
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
À la suite de l’exécution du lieutenant-colonel William R. Higgins, le 31 juillet, le
département d’État demande au président
iranien Hachemi Rafsandjani d’intervenir afin de faciliter la libération des otages
occidentaux encore détenus au Liban. Le 4,
M. Rafsandjani offre son « aide » aux ÉtatsUnis à la condition que ceux-ci renoncent à
recourir à la force (6).
Jeudi 3
FRANCE
Incendies de forêt
Le Midi rouge
La sécheresse et la chaleur exceptionnelles de
l’été favorisent le développement de nombreux
incendies dans les régions particulièrement sensibles du Sud-Est et de Corse.
Entre le 31 juillet et le 3 août, les feux de forêts atteignent une ampleur catastrophique. Le nombre
et la dispersion des foyers et la force du mistral
concourent à la destruction de dizaines de maisons et de voitures et de trente-cinq mille hectares de garrigues, maquis et forêts en Provence
et en Corse. Les flammes menacent Nîmes (Gard)
et Hyères (Var). De nombreux lieux de villégiature
doivent être évacués. Quatre personnes périssent
carbonisées.
À partir du 28 et jusqu’au 30, sans que les incendies aient jamais totalement cessé depuis le dédownloadModeText.vue.download 96 sur 509
CHRONOLOGIE
95
but du mois, des feux particulièrement violents
ravagent à nouveau les départements du Midi.
La principale victime est la montagne SainteVictoire chère à Cézanne. Le bilan des incendies
s’élève cette année à 12 morts, 30 blessés et environ 68 000 hectares de végétation détruits.
Aussi l’indignation des habitants des départements méditerranéens est-elle légitime. Mais il
ne faut pas se tromper de responsables. C’est ce
que déclare le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe
qui entame, le 3, une tournée sur le front des incendies où combattent 30 000 sapeurs-pompiers.
« Faire croire aux Français que le seul moyen de
lutter contre les feux de forêts consiste à acheter
des Canadair serait une imposture. » La France ne
possède-t-elle pas une flotte aérienne de défense
contre l’incendie supérieure à celle du Canada ?
Mais la politique de prévention préconisée est difficile à mettre en oeuvre, tant les communes intéressées sont parfois négligentes. Ainsi, en quatre
ans, seuls 175 des 2 500 hectares de la superbe
forêt de Ramatuelle (Var) ont été débroussaillés,
alors que cette activité est subventionnée à 95 % !
Les maires n’aiment guère infliger des amendes
aux particuliers qui n’entretiennent pas leurs terrains. Il est électoralement beaucoup plus rentable de réceptionner un camion rouge ou de
réclamer des Canadair supplémentaires.
Réagissant à l’arrestation de 22 suspects, au début du mois, M. Haroun Tazieff, ancien secrétaire
d’État aux risques majeurs, affirme que les pyromanes et les incendiaires « mettent le feu, certes,
mais n’allument pas l’incendie ». Jusque dans les
années 50, remarque-t-il, la forêt était habitée et
propre et les incendies rarissimes. Pourtant, il y
avait à cette époque beaucoup plus de bergers en
Corse qui pratiquaient l’écobuage qu’aujourd’hui.
Tourisme.
Alors que le maire de Ramatuelle envisage
de réaménager la célèbre plage de Pampelone menacée par le développement anarchique des équipements de loisir, Brigitte
Bardot dénonce « la saleté humaine qui se
répand comme une marée noire » dans une
lettre ouverte au maire de Saint-Tropez.
Accident.
Deux ouvriers meurent dans l’effondrement
d’un immeuble en réfection rue Pierre-Demours, dans le XVIIe arrondissement de
Paris.
Vendredi 4
GRANDE!BRETAGNE
Justice.
Le rapport du juge chargé de l’enquête publique sur le drame survenu le 15 avril au
stade de Sheffield met en cause les chefs de
la police locale et les employés du club de
football.
URSS
Vie politique.
Dans son discours de clôture de la 1re session du nouveau Soviet suprême ouverte le
26 juin, M. Mikhaïl Gorbatchev déclare que
celle-ci a constitué « une véritable école de
politique » pour les Soviétiques et confirme
que cette assemblée est bien « l’organe suprême du pouvoir ».
ÉTATS!UNIS
Finances.
Six mois après avoir été annoncé, un plan de
sauvetage des caisses d’épargne d’un montant de 159 milliards de dollars (1 000 milliards de francs environ) est adopté par le
Congrès (6 février).
NICARAGUA
Vie politique.
Le gouvernement sandiniste et l’opposition
concluent un accord sur l’organisation des
élections générales du 25 février 1990 (7).
Samedi 5
BOLIVIE
Élection présidentielle.
Le Parlement désigne M. Jaime Paz Zamora, candidat du Mouvement de la gauche
révolutionnaire (MIR, social-démocrate)
comme président de la République. Arrivé
en troisième position lors du premier tour
du 7 mai, M. Zamora a passé une alliance
avec l’ex-dictateur Hugo Banzer (droite)
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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pour battre le candidat de la formation du
président démocrate-chrétien sortant.
Dimanche 6
FRANCE
Presse
Le Monde sur
les épaules
Ce pessimiste avait bâti le Monde sur une morale et avait été le premier étonné de son succès.
La mort à Fontainebleau d’Hubert Beuve-Méry,
le 6 août, à 87 ans, a endeuillé une corporation
normalement peu encline au respect : celle des
journalistes qui le considéraient comme un modèle d’intégrité, et comme celui qui avait démontré qu’une presse capable de résister aux pressions de l’argent et des pouvoirs n’était pas une
chimère.
Il était né à Paris, d’une famille sans ressources.
Il avait réussi à faire des études de droit. Professeur à l’Institut français de Prague, il devint aussi
correspondant de grands journaux parisiens. Il
mesura alors la vénalité d’une certaine presse,
son mépris de toute vérité dérangeante. Il démissionnera de tous.
En 1940, après la défaite, il devient directeur des
études à l’École des cadres d’Uriage. Il y participe
à la création d’une sorte d’ordre de chevalerie
moderne. Avec Uriage, il prend le maquis.
Après la Libération, il accepte de répondre à un
souhait du général de Gaulle de voir se créer un
journal de référence. Mais il entend conserver sa
liberté à l’égard du pouvoir politique, quel qu’il
soit. Il refuse l’aide de l’État et refusera toujours
les propositions des grandes entreprises financières et industrielles. Le premier numéro du
Monde paraît le 18 décembre 1944.
Son directeur mène de dures batailles à la fois
pour la survie matérielle du journal et pour une
indépendance qui l’amène à entrer en conflit
avec les divers gouvernements, notamment sur
la politique étrangère de la France. Opposé à la
poursuite de la guerre d’Indochine, il s’élève, pendant la guerre d’Algérie, contre les méthodes qui
y sont pratiquées. Position morale avant d’être
politique. Plus tard, il aboutit à la conclusion que
l’indépendance de l’Algérie est à la fois nécessaire
et inéluctable.
Après le retour au pouvoir du général de Gaulle
qu’il a accepté non sans réserves, il n’épargne pas
ses critiques au nouveau pouvoir dont il craint
une dérive autoritaire. Sous son pseudonyme de
Sirius, il engage avec le chef de l’État une sorte
de dialogue qui se situe au-dessus des simples
péripéties.
En 1969, le général et Hubert Beuve-Méry
quittent en même temps le devant de la scène.
Le fondateur du Monde conserve jusqu’en ses dernières années cette passion de la montagne où
se reflètent cette austère rigueur et ce goût sans
concession des larges horizons qui ont marqué
toute sa vie.
Propriété artistique.
Après plus d’un an de procédure judiciaire
l’opposant aux héritiers de John Huston,
la cinquième chaîne diffuse une version
colorisée de Quand la ville dort, en vertu de
l’autorisation que lui a accordée le 6 juillet
la cour d’appel de Paris. Le film est précédé
d’un avis indiquant la réprobation des héritiers du réalisateur.
LIBAN
Otages.
L’Organisation de la justice révolutionnaire
(OJR) propose l’échange des otages occidentaux qu’elle détient contre Cheikh Abdel Karim Obeid ainsi que les Palestiniens
et les militants chiites détenus en Israël. Elle
souhaite que la Syrie joue le rôle de médiateur (28 juillet et 2 août).
Lundi 7
FRANCE
Sécurité.
Des représentants des Guardians Angels,
association de bénévoles non armés qui
se donnent pour mission de défendre les
usagers du métro dans plusieurs grandes
villes des États-Unis, séjournent durant
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CHRONOLOGIE
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une semaine dans le métro parisien. Leur
présence suscite de vives réserves.
Législation sociale.
La direction de la chaîne suédoise de
meubles Ikea renonce à ouvrir le dimanche
son magasin des Lisses (Essonne), après
avoir, treize semaines de suite, payé une
astreinte de 300 000 F à l’union départementale CGT qui l’avait fait condamner par
le tribunal d’Évry (21).
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
Un des principaux producteurs mondiaux
d’or, de platine et de cadmium, le groupe
minier Consolidated Gold Fields, passe sous
le contrôle du conglomérat anglo-américain Hanson, au terme d’une OPA d’un
montant de 3,5 milliards de livres (36 milliards de francs environ).
NOUVELLE!ZÉLANDE
Gouvernement.
Premier ministre depuis le mois de juillet
1984, le travailliste David Lange, dont la
popularité est au plus bas et qui est désavoué par son propre parti, présente sa démission. Il est remplacé le 8 par le vice-Premier ministre Geoffrey Palmer.
AMÉRIQUE CENTRALE
Paix.
Les cinq chefs d’État centraméricains
réunis depuis le 5 à Tela, au Honduras,
parviennent à un accord concernant le
démantèlement des groupe de « contras »
nicaraguayens, qui doivent remettre leurs
armes à une commission internationale
avant la fin de l’année.
Mardi 8
ESPACE
La fusée européenne Ariane-4 lance le satellite allemand de télédiffusion TVSAT-2, qui
commence à émettre dès le 18, et le satellite
européen Hipparcos d’observation astronomique. Une panne de son moteur d’apogée
empêche ce dernier de rejoindre son orbite,
ce qui limite fortement ses capacités.
FRANCE
Sociétés.
L’annonce par la Compagnie financière
de Suez du lancement d’une OPA sur la
Compagnie industrielle, principal actionnaire du groupe d’assurance Victoire,
provoque une très vive bataille boursière
(5 septembre).
OLP
La principale composante de l’Organisation
Fath, réunie en congrès depuis le 3 à Tunis,
entérine les initiatives de paix de M. Yasser
Arafat tout en appelant à la poursuite de la
lutte armée dans les territoires occupés par
Israël.
Mercredi 9
FRANCE
Sécurité.
À la suite des nombreux accidents, mortels
pour certains, occasionnés en bordure des
plages méditerranéennes par les véhicules
nautiques à moteur, en particulier les scooters des mers, le ministre de la Mer nomme
une mission chargée d’organiser une meilleure formation des plaisanciers (12).
Sociétés.
Les actionnaires des cristalleries SaintLouis, créées sous Louis XV, préfèrent
l’offre d’achat présentée conjointement par
le groupe d’articles de luxe Hermès et le flaconnier Pochet aux propositions du groupe
verrier américain, Brown Forman.
JAPON
Gouvernement.
Désigné le 8 à la présidence du Parti libéral-démocrate avec la mission d’en redorer
l’image ternie par les scandales, M. Toshiki
Kaifu est élu Premier ministre par la Diète.
La composition de son gouvernement illustre sa volonté de renouveler le personnel
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politique conservateur, tout en se pliant à la
logique des clans.
Jeudi 10
FRANCE
Télévision.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
désigne M. Philippe Guilhaume à la présidence commune d’Antenne 2 et de FR3. Le
président de la Société française de production (SFP) est préféré à M. Hervé Bourges
et à Me Georges Kiejman, pourtant considérés comme favoris.
URSS
Économie.
Afin de stimuler le développement des
cultures de céréales et d’oléagineux, le gouvernement annonce que les agriculteurs
pourront être désormais payés partiellement en devises.
Vendredi 11
SANTÉ
Épidémies.
Un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle une forte
recrudescence du paludisme, dont on détecte cent millions de cas environ chaque
année et qui menace plus de 1,7 milliard de
personnes.
FRANCE
Transports.
Dans la région de Toulon, près de
12 000 voyageurs restent bloqués pendant
une partie de la nuit dans une vingtaine de
trains immobilisés à la suite d’une panne
d’électricité provoquée par un orage.
Industrie.
Le groupe maritime américain Lexmar
propose une offre de reprise du site de
construction navale de La Ciotat, qu’il affirme plus avantageuse que celle présentée
par la banque Worms pour le compte de
l’État.
Samedi 12
FRANCE
Sécurité.
Quarante plaisanciers sont l’objet de procès-verbaux pour excès de vitesse ou défaut
de sécurité lors d’une opération « coup de
frein en mer » menée par la gendarmerie
maritime dans le golfe de Saint-Tropez (9).
URSS
Musique.
Exactement vingt ans après la manifestation de Woodstock, aux États-Unis, un
concert de hard-rock rassemble pendant
le week-end près de 200 000 personnes au
stade Lénine de Moscou. Les recettes de
cette manifestation sont destinées à la lutte
contre l’alcoolisme et la toxicomanie.
CORÉE DU SUD
Vie politique.
Président du Parti pour la paix et la démocratie (PPD) et principale figure de l’opposition au régime du président Roh Tae-woo,
M. Kim Dae-jung est accusé par le parquet
de Séoul d’avoir reçu de l’argent de la Corée
du Nord. Il dénonce la campagne de dénigrement lancée contre lui et l’arrêt du processus de démocratisation engagé durant
l’été 1987.
Dimanche 13
IRLANDE DU NORD
Troubles.
À Belfast et à Londonderry où de très nombreuses forces de police sont déployées, le
vingtième anniversaire de l’intervention britannique est marqué par des manifestations
catholiques et protestantes ponctuées de
quelques incidents.
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CHRONOLOGIE
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Lundi 14
AVIATION
Record.
Un Boeing 747-400 livré à la compagnie
australienne Quantas réalise le vol sans
escale le plus long de l’histoire de l’aviation commerciale en parcourant d’une
seule traite les 17 600 kilomètres séparant
Londres de Sydney.
FRANCE
v. Liban
LIBAN
Conflit.
La France annonce le renforcement de sa
présence navale en Méditerranée orientale.
Le 19, le porte-avions Foch quitte Toulon
pour une mission de « sauvegarde » et
d’« assistance » destinée « à tous les Libanais ». Le 23, face aux réactions suscitées
par l’opération, le dispositif naval français
est allégé.
TURQUIE
Finances.
Après la levée presque complète du contrôle
des changes, la livre turque devient entièrement convertible sur les marchés internationaux. Signe de la bonne santé de l’économie, cette décision illustre également la
volonté du Premier ministre Turgut Ozal
de faire de son pays un candidat sérieux à
l’adhésion à la CEE.
AFGHANISTAN
Conflit.
Deux médecins français, collaborateurs de
l’association humanitaire Handicap international, sont pris dans une escarmouche
opposant les moudjahidin avec lesquels ils
circulaient à des troupes régulières. Vincent
Gernigon est tué et Xavier Lemire blessé et
fait prisonnier (14 septembre).
CHINE
Boycottage.
Au terme d’un raid de 11 000 kilomètres,
les concurrents du deuxième rallye ParisPékin rebroussent volontairement chemin
au poste-frontière entre le Pakistan et la
Chine après avoir remis à un officier un
message d’amitié à la jeunesse chinoise.
ÉTATS!UNIS!OLP
La quatrième rencontre américano-palestinienne à Carthage (Tunisie) depuis le
16 décembre 1988 permet un rapprochement des positions des deux parties autour
du principe selon lequel les élections dans
les territoires occupés ne sont qu’une étape
d’un règlement de paix au Proche-Orient.
Mardi 15
FRANCE
Commémoration.
À l’appel de l’association 15-août-1989 opposée aux célébrations du Bicentenaire, plusieurs dizaines de milliers de personnes se
regroupent devant l’église Saint-Germainl’Auxerrois, à Paris, pour assister à une
messe, avant de suivre une procession dans
le quartier en expiation des « crimes de la
Révolution ».
LIBAN
Conflit.
L’appel au cessez-le-feu lancé par le Conseil
de sécurité de l’ONU est suivi d’un apaisement des combats, particulièrement violents depuis le 10. Les efforts diplomatiques
de la France et de l’URSS n’empêchent pas
la reprise des tirs d’artillerie à partir du 30.
AFRIQUE DU SUD
Vie politique.
Le conflit déclaré opposant le président Pieter Botha à son successeur désigné, M. Frederik De Klerk, chef du Parti national depuis
le mois de février, s’achève par la démission
de M. Botha. M. De Klerk assure l’intérim
de la fonction jusqu’à la désignation d’un
nouveau chef de l’État par le collège spécial
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qui sera issu des élections du 6 septembre
(25).
Mercredi 16
FRANCE
Islam.
À Charvieu-Chavagneux, dans l’Isère, où la
communauté musulmane représente 11 %
de la population, la destruction au bulldozer, « par erreur », d’une mosquée provisoire
provoque, le 17, des représailles contre des
bâtiments publics. Le 28, après l’intervention du ministre de l’Intérieur, le maire et
la communauté musulmane concluent un
accord offrant à cette dernière la possibilité de disposer d’un lieu de culte dans la
commune.
GRANDE!BRETAGNE!ARGENTINE
Relations.
Après cinq ans d’absence totale de contacts,
des représentants des deux pays, qu’un
conflit au sujet de la souveraineté des îles
Malouines avait opposés en 1982, renouent
secrètement le dialogue à New York. Le 18,
les deux délégations annoncent une reprise
des négociations directes pour octobre (1er).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Histoire.
Le parti communiste hongrois condamne
l’intervention des forces du pacte de Varsovie à Prague en 1968. Il est imité le 17
par une majorité de députés de la Diète
polonaise.
Jeudi 17
ASTRONOMIE
Lune.
Un milliard d’habitants de la Terre peuvent
assister à une éclipse totale du satellite.
CEE
Environnement.
La Commission européenne adopte un
règlement interdisant l’importation d’ivoire
provenant d’éléphants d’Afrique (5 juin et
18 juillet).
FRANCE
Racisme.
Le ministre de la Justice engage des poursuites contre M. Jean-Marie Le Pen pour
« diffamation raciale ». Dans un entretien
publié le 11 dans le quotidien d’extrême
droite Présent, le président du Front national avait dénoncé le rôle de l’« internationale juive » et de la franc-maçonnerie dans
la « création de l’esprit antinational ».
IRAK
Accident.
Près de Al Hillah, au sud de Bagdad, une
explosion dans une usine de fabrication de
missiles cause la mort de 19 personnes selon les autorités. Diverses sources occidentales font état de 700 à 1 500 morts, parmi
lesquels de nombreux Égyptiens.
IRAN
Vie politique.
Lors de sa prestation de serment devant le
Parlement (Majlis), le président Hachemi
Rafsandjani se fixe comme principale mission le redressement économique de son
pays. Le 19, il présente au Majlis un gouvernement composé de technocrates qui est
investi le 29.
JAPON
Relations économiques.
Le ministère des Affaires étrangères annonce la reprise progressive de l’aide de son
pays à la Chine, suspendue à la suite de la
répression du mois de juin.
Vendredi 18
FRANCE
Visite officielle
v. Pacifique Sud
Affaires.
M. Michel Pezet, député socialiste des
Bouches-du-Rhône, est la 33e personne
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CHRONOLOGIE
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et le 9e élu à être inculpé dans l’affaire des
fausses factures de la SORMAE.
PACIFIQUE SUD
M. Michel Rocard effectue jusqu’au 26
un voyage qui le mène successivement en
Australie, en Nouvelle-Calédonie – où il
constate les progrès réalisés dans l’application des accords de Matignon –, à Fidji, à
Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.
COLOMBIE
Drogue.
L’assassinat par la mafia de la drogue du
sénateur Luis Carlos Galan, favori de l’élection présidentielle de 1990, conduit le président Virgilio Barco à décréter une « guerre
totale » aux narco-trafiquants.
Samedi 19
ÉGLISE CATHOLIQUE
Les nouveaux croisés
Ils sont venus des régions d’Espagne et du Portugal, mais aussi de France et d’Italie, ou bien
encore d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud,
d’Asie ou du Liban. Ils ont fait le chemin de SaintJacques-de-Compostelle en car, en train ou en
bateau, à cheval ou à patins à roulettes, ou plus
simplement à pied. Ils ont pour la plupart entre
15 et 25 ans. Ils appartiennent à toutes les sensibilités catholiques. On les attendait au nombre de
250 000, les 19 et 20 août, dans ce sanctuaire de
la chrétienté ; ils sont le double.
Ce demi-million de jeunes catholiques a répondu
à l’appel de Jean-Paul II, lancé le jour des Rameaux
1988, à le rejoindre au pied du tombeau de
l’apôtre Jacques à l’occasion du quatrième anniversaire de la Journée mondiale des jeunes qu’il a
instituée en 1985. Ressuscitant un pèlerinage qui
connut son heure de gloire au XIIe siècle, ces « jac-
quets » ont répété les gestes de leurs ancêtres. Ils
ont convergé vers le Monte del Gozo – le mont
de la Joie – qu’ils ont gravi avant d’apercevoir
enfin les tours de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Ils ont parcouru pieds nus les dernières centaines
de mètres les séparant de la cathédrale où ils ont
posé la main sur la colonne représentant l’arbre
de Jessé et embrassé la statue de l’apôtre avant
de passer sous l’encensoir géant. Puis ils ont installé leur bivouac dans un désordre bon enfant.
L’intendance mise en place par les autorités de
la province de Galice était depuis longtemps
débordée.
Lassés de fréquenter des églises vides, ces jeunes
attendaient un message de l’homme qu’ils vénèrent comme un « père ». C’est un véritable discours-programme que Jean-Paul II prononce devant eux, le 19, dans le vaste amphithéâtre creusé
dans le mont de la Joie. Au pays de la Reconquista,
le pape appelle à une « nouvelle christianisation
de l’Europe ». Face à « la permissivité aliénante de
la société moderne », les méthodes d’apostolat
doivent changer. Au moment où « la conscience
de la vocation chrétienne commune devient
obscure », il ne suffit plus d’annoncer l’Évangile
mais d’engager une entreprise de reconquête
spirituelle en affirmant massivement son identité
chrétienne. « Soyez, à l’aube du troisième millénaire, les apôtres du monde moderne », répète le
pape dans toutes les langues.
Le message passe. Lors de leurs premières rencontres avec le souverain pontife, les jeunes
étaient présumés « aimer le chanteur, mais pas
la chanson ». Jean-Paul II n’a pas changé son
texte. Mais, aujourd’hui, la liesse atteint son
comble lorsqu’il fustige « l’hédonisme, le divorce, le contrôle des naissances, les moyens de
contraception ».
Le 20, les nouveaux croisés, l’esprit apaisé, se
recueillent au même endroit, au cours de la plus
grande messe jamais célébrée.
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
Forçant le blocus du pays en vigueur depuis
une vingtaine d’années dans le domaine
sportif, vingt-sept rugbymen originaires de
six nations, dont huit Français, participent
jusqu’au 2 septembre, à titre individuel et
malgré les pressions de leurs gouvernements, à une tournée mondiale organisée
pour célébrer le centenaire de la Fédération
sud-africaine de rugby.
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102
Dimanche 20
GRANDE!BRETAGNE
Catastrophe.
À Londres, 57 personnes trouvent la mort
dans la collision entre une barge et un bateau-discothèque sur la Tamise.
HONGRIE
Religion.
Des dizaines de milliers de personnes se
rassemblent devant la cathédrale SaintÉtienne, à Budapest, pour assister à la première procession depuis plus de quarante
ans en l’honneur du fondateur de l’État
hongrois mort en 1038. Le président de la
République, le président du Parlement et le
maire de la ville y participent.
KENYA
Braconnage.
Célèbre spécialiste de la faune africaine, le
Britannique George Adamson est assassiné
par des braconniers dans la réserve nationale de Kora où il vivait.
Lundi 21
ONU
Droits de l’homme.
La sous-commission de Genève publie les
fragments d’un rapport accablant sur la
situation en Roumanie que son expert roumain Dimitru Mazilu, retenu dans son pays
depuis 1986, lui a fait parvenir clandestinement. Les autorités de Bucarest répliquent
en mettant en cause la « capacité intellectuelle » de M. Mazilu.
FRANCE
Législation sociale.
Le rapport de M. Yves Chaigneau sur l’ouverture des magasins le dimanche préconise
un assouplissement négocié des conditions
du travail dominical (7).
Culture.
Au cours d’une conférence de presse consacrée à la présentation du projet lauréat du
jeune architecte Dominique Perrault pour
l’édification de la Bibliothèque de France, le
ministre de la Culture Jack Lang annonce
que l’ensemble des livres de la Bibliothèque
nationale sera transféré dans le nouveau
bâtiment, contrairement à ce qui avait tout
d’abord été décidé (12 avril).
ROUMANIE
v. ONU
TCHÉCOSLOVAQUIE
Manifestation.
À Prague, deux mille personnes environ,
rassemblées place Venceslas pour exiger
« la liberté et la démocratie », à l’occasion
du 21e anniversaire de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie, sont dispersées
par la police qui procède à de nombreuses
arrestations.
SÉNÉGAL
Diplomatie.
Quatre mois après les affrontements interethniques entre Sénégalais et Mauritaniens, le gouvernement de Dakar annonce
la rupture de ses relations avec celui de
Nouakchott.
Mardi 22
FRANCE
Corse.
Les trois derniers militants nationalistes
encore incarcérés sont mis en liberté
conditionnelle.
Justice.
Après l’inculpation de huit personnes pour
le vol d’animaux de laboratoire à l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de Lyon, le 20 mai, un arrêt
de la cour d’appel de cette ville ordonne la
restitution des vingt-huit singes retrouvés
(20 mai).
Sociétés.
Le groupe nationalisé Thomson acquiert
tout ou partie de trois filiales de Philips
spécialisées dans l’électronique militaire,
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CHRONOLOGIE
103
domaine où il se place déjà au deuxième
rang mondial.
Mercredi 23
FRANCE
Gendarmerie
Ras-le-képi !
À partir de la fin du mois de juillet se développe
une campagne de protestation au sein de la gendarmerie nationale. Elle prend la forme de lettres
anonymes – devoir de réserve oblige – adressées
au Premier ministre puis à la presse et dénonçant
la précarité des conditions de vie et de travail des
gendarmes. Cette action revendicatrice conduit
le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement à réunir une table ronde le 23 août, afin de
débattre avec les intéressés.
Née dans la région Rhône-Alpes, la contestation
s’étend rapidement à l’ensemble du territoire.
Dans leurs lettres, les gendarmes évoquent les
nombreuses heures de permanence et les 70 à
80 heures de travail hebdomadaires qui rendent
toute vie de famille impossible. Ils critiquent la
modicité de leur solde – 7 000 F mensuels pour un
jeune gendarme –, le carriérisme des chefs et le
sous-équipement des brigades. Mais, surtout, ils
dénoncent leur isolement et l’absence de considération pour leur travail.
Le 17, au lendemain de la mise aux arrêts d’un
sous-officier de Perpignan accusé d’avoir utilisé
le système de transmission interne pour diffuser
un message de protestation, M. Chevènement
s’adresse à son tour aux contestataires. Les assurant de sa compréhension, il affirme toutefois que
« la ligne jaune vient d’être franchie », faisant allusion aux demandes de création d’un syndicat. Il
invite les gendarmes à prochainement « discuter,
d’homme à homme et en toute liberté, des problèmes qui se posent ».
Le 23, à l’issue de la réunion de concertation
qui rassemble autour du ministre de la Défense
87 gendarmes tirés au sort parmi les milliers de
volontaires, M. Chevènement présente une série
de mesures, dans l’attente d’un plan de réorganisation plus complet. Elles concernent des augmentations d’effectifs – 4 000 emplois sur quatre
ans –, la revalorisation de certaines primes, l’affectation de crédits supplémentaires à l’équipement
des hommes et des locaux. Enfin, le ministre annonce la création de commissions permanentes
de concertation à l’échelon national et à l’échelon
régional... Le même jour, M. Charles Barbeau remplace M. Régis Mourier à la direction générale de
la gendarmerie.
Le 28, sur l’antenne d’Europe 1, le ministre de la
Défense dénonce la récente « campagne orchestrée par une partie de la droite et de l’extrême
droite » et relayée par la presse. En 1974, le gouvernement de M. Jacques Chirac, aux prises avec
les « comités de soldats », s’en prenait à la gauche.
Les gouvernements passent, le malaise dans l’armée subsiste.
Agriculture.
M. Henri Nallet présente en Conseil des
ministres un plan d’un montant de 580 millions de francs destiné à venir en aide aux
agriculteurs les plus touchés par la sécheresse. Les organisations syndicales le jugent
insuffisant.
Détournement d’avion.
Un Algérien expulsé tente en vain de détourner un appareil d’Air France sur la ligne
Paris-Alger. Il prétendait agir au nom de la
cause libanaise.
URSS
Nationalités.
Plusieurs centaines de milliers de Baltes
participent à une chaîne humaine de près
de mille kilomètres de long, organisée par
les Fronts populaires de Lituanie, d’Estonie
et de Lettonie pour marquer le 50e anniversaire du pacte germano-soviétique qui prévoyait l’annexion des trois Républiques par
l’Union soviétique (26).
GAMBIE
v. Sénégal
SÉNÉGAL
Relations internationales.
Le président Abdou Diouf propose à la
Gambie le gel de la Confédération de la SédownloadModeText.vue.download 105 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
104
négambie, constituée en 1981 et dont l’existence ne s’était pas traduite dans les faits.
Jeudi 24
POLOGNE
À l’Est, du nouveau !
La Pologne semblait être allée trop loin pour
reculer. Le 24, M. Tadeusz Mazowiecki devient le
premier non-communiste à diriger le gouvernement d’un pays membre du pacte de Varsovie depuis plus de quarante ans. Pour la première fois, le
caractère irréversible du communisme est battu
en brèche en Europe de l’Est.
Cette révolution ne se déroule pas dans la liesse
spontanée des lendemains de victoire électorale.
Elle résulte d’un marchandage raisonné entre dirigeants lucides, sur fond de faillite économique
et de grèves.
Le 2, c’est tout d’abord le général Czeslaw
Kiszczak qui est nommé Premier ministre par la
Diète. Après l’élection en juillet du général Wojciech Jaruzelski comme chef de l’État et son remplacement aux fonctions de secrétaire général du
POUP (communiste) par M. Mieczyslaw Rakowski
– ancien Premier ministre –, la désignation à la
tête du gouvernement de l’ancien ministre de
l’Intérieur apparaît à l’opposition comme une réédition du coup d’État de 1981. Solidarité refuse
les portefeuilles qu’on lui propose. Le 7, M. Lech
Walesa appelle les dirigeants du Parti paysan
(ZSL, 76 sièges à la Diète) et du Parti démocrate
(SD, 27 sièges) à composer une coalition gouvernementale avec sa propre formation. Très partagés sur leur rôle d’alliés traditionnels du POUP,
ceux-ci tergiversent. Le 11, le « grand frère » soviétique manifeste son inquiétude devant les risques
de « déstabilisation ». Le 14, le général Kiszczak
renonce à former un gouvernement et préconise
que cette tâche soit confiée au président du ZSL,
M. Roman Malinowski, proche du POUP.
Le 15, M. Walesa revient sur son opposition à la
participation de communistes à un gouvernement de « responsabilité nationale » auquel le ZSL
et le SD acceptent, le 16, de collaborer. Le 17, le
principe d’une coalition animée par Solidarité, à
participation communiste minoritaire, est accep-
té par le général Jaruzelski. La désignation par ce
dernier, le 19, de M. Tadeusz Mazowiecki, intellectuel catholique membre de Solidarité, comme
Premier ministre suscite toutefois de nombreux
remous au sein du comité central du POUP. La
partie de bras de fer qui s’engage au sujet du programme et de la composition du gouvernement
est marquée, le 22, par l’intervention de M. Mikhaïl
Gorbatchev, qui estime « impossible » d’exclure la
participation de ministres communistes.
Le 24, M. Mazowiecki est investi par la Diète par
378 voix contre 4 et 41 abstentions. Déclarant son
intention de rétablir une économie de marché, il
affirme que le succès de son entreprise « dépend
de son acceptation par la population », tandis
que M. Walesa s’efforce, les jours suivants, d’obtenir l’arrêt des grèves. La Pologne a franchi le pas ;
mais tout reste à faire.
ANGOLA
Conflit.
Devant l’impasse dans laquelle se trouvent
les négociations de paix menées au Zaïre
et la rupture effective de la trêve décrétée
au mois de juin, le chef de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola
(UNITA), M. Jonas Savimbi, appelle ses
troupes à la reprise des combats.
ÉTATS!UNIS
Bourse.
À New York, l’indice Dow Jones des valeurs
industrielles atteint 2 734,63 points, son
plus haut niveau historique, dépassant de
douze points le précédent record établi le
25 août 1987.
Vendredi 25
ESPACE
Neptune.
Lancée le 20 août 1977, la sonde américaine
de 850 kilos Voyager-2 aborde la dernière
phase de sa mission au cours de laquelle
elle a déjà survolé Saturne et Uranus. Elle
s’approche à moins de 5 000 kilomètres de
la surface de Neptune, située à 4,5 milliards
de kilomètres de la Terre. Les scientifiques,
réunis au Jet Propulsion Laboratory (JPL)
de Pasadena, en Californie, reçoivent pendownloadModeText.vue.download 106 sur 509
CHRONOLOGIE
105
dant huit jours des images en direct de la
planète et de son plus gros satellite, Triton.
SCIENCES
Génétique.
Un groupe de biologistes canadiens et américains annonce qu’il est parvenu à identifier le gène responsable de la mucoviscidose,
l’une des plus fréquentes et des plus graves
maladies héréditaires. Cette découverte est
due à l’application à la médecine des nouvelles techniques de biologie moléculaire.
FRANCE
Logement.
Huit personnes trouvent la mort dans l’incendie d’origine criminelle d’un hôtel meublé de Clichy (Hauts-de-Seine) habité principalement par des immigrés.
FRANCE!RFA
Fiscalité.
À Tegernsee, en Bavière, lors de la réunion
du Conseil économique et financier commun aux deux pays, M. Pierre Bérégovoy
rallie son homologue ouest-allemand Theo
Waigel à ses positions sur l’harmonisation
de la TVA dans le cadre communautaire.
AFRIQUE DU SUD
Relations internationales.
Rompant l’isolement diplomatique de son
pays, le président Frederik De Klerk rencontre le président zaïrois Mobutu avant de
se rendre le 28 en Zambie.
Samedi 26
FRANCE
Commémoration.
À l’occasion du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme, M. François
Mitterrand inaugure à la Défense la Fondation de l’Arche de la fraternité, présidée
par M. Claude Cheysson. L’actualisation
du célèbre texte, rédigée par les jeunes de
80 pays, réunis autour de l’Association pour
la Déclaration du 26 août 1989 (AD 89), est
remise au président de la République.
POLOGNE
Vie religieuse.
Le pape Jean-Paul II publie une condamnation ferme de l’antisémitisme. Le même
jour, le cardinal Joseph Glemp, primat de
Pologne, prend vivement à partie la communauté juive internationale, avec laquelle
l’Église catholique est en discussion au sujet
du carmel d’Auschwitz (rubrique Religions).
URSS
Nationalités.
Trois jours après les manifestations dans
les pays Baltes (23), le comité central du
PCUS dénonce « l’hystérie nationaliste ».
Le 27, un rassemblement est organisé à
Kichinev, capitale de la Moldavie, pour protester contre l’annexion du pays par l’Union
soviétique en 1944.
Dimanche 27
SPORT
Cyclisme.
Les vainqueurs des Tours de France 1989,
Greg Lemond et Jeannie Longo, remportent
les championnats du monde sur route organisés à Chambéry (Savoie).
Lundi 28
FRANCE
Sociétés.
En désaccord sur la distribution de leurs
produits et sur la question du transport
aérien, le Club Méditerranée et Nouvelles
Frontières renoncent à leur projet d’alliance
annoncé le 27 avril.
ÉTATS!UNIS
Espace.
À la suite de l’arrêt de l’exploitation commerciale de la navette spatiale par la NASA,
un satellite – le britannique Marco-Polo-1
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
106
– est mis sur orbite par un lanceur privé
construit par McDonnell Douglas.
Mardi 29
FRANCE
Vie politique.
M. Jean-Paul Huchon, directeur de cabinet
du Premier ministre, présente les grandes
lignes de l’action gouvernementale à venir.
Ce qu’il appelle « les onze travaux d’Hercule » marque l’ancrage à gauche de M. Michel Rocard, qui est de plus en plus critiqué
au sein du Parti socialiste.
Logement.
Le Journal officiel publie le décret réglementant l’augmentation des loyers à Paris et
en région parisienne. Des exceptions sont
toutefois prévues à cette limitation basée
sur l’évolution de l’indice du coût de la
construction.
Islam.
Malgré l’hostilité d’associations de riverains, M. Michel Noir, maire de Lyon, signe
le permis de construire d’une mosquée,
qui sera édifiée boulevard Pinel, dans le
VIIIe arrondissement.
Viticulture.
Dans le Bordelais, les vendanges débutent
en août pour la première fois depuis 1893,
en raison des conditions climatiques
exceptionnelles.
GRÈCE
Histoire.
Un projet de loi sur « les séquelles de la
guerre civile » est adopté à l’unanimité en
commission parlementaire. Le même jour,
dix-sept millions de dossiers de police, accumulés depuis cette époque et jusqu’à la fin
du régime des colonels, sont détruits, malgré les protestations des historiens et des
anciens combattants.
JAPON
Sociétés.
La fusion annoncée entre deux des principaux établissements financiers, Mitsui et
Taiyo Kobe, donne naissance au numéro
deux mondial du crédit derrière le géant
Dai-Ichi Kangyo, également japonais.
Mercredi 30
FRANCE
Déréglementation.
Le rapport de M. Hubert Prévôt sur la
réforme des PTT préconise de séparer la
Poste des Télécommunications. Il suscite les
protestations de plusieurs syndicats représentatifs du demi-million de fonctionnaires
de ce secteur.
CAMBODGE
Conflit.
Après quatre semaines de travaux en commissions, la Conférence internationale de
Paris sur le Cambodge suspend ses activités. Illustrant l’échec des négociations, la
déclaration finale indique qu’« il n’est pas
encore possible de parvenir à un règlement
global » (30 juillet).
CHINE
Répression.
Les informations recensées dans le rapport qu’Amnesty International remet à
la Chine et à l’ONU au sujet de l’écrasement du « printemps de Pékin » font état
d’au moins 1 300 morts et de beaucoup
plus que les 4 000 arrestations reconnues
par les autorités chinoises. D’autres témoins parlent de 10 000 exécutions et de
100 000 arrestations.
Jeudi 31
LIBYE!TCHAD
Territoire.
À Alger, les ministres libyen et tchadien des
Affaires étrangères signent un accord-cadre
qui met fin à seize ans de guerre. Conclu
sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), il prévoit le règlement pacifique du contentieux entre les deux pays au
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CHRONOLOGIE
107
sujet de la bande d’Aozou, annexée par la
Libye en 1973.
PANAMA
Vie politique.
Le Conseil d’État, au sein duquel siège
le général Noriega, désigne M. Francisco
Rodriguez au poste de président de la République ; il remplace M. Manuel Solis Palma,
dont le mandat arrive à expiration. Le président américain George Bush fait part de
la « frustration » des États-Unis devant
cette décision.
Le mois de
Dominique Perrault
Premières lézardes, premières fissures dans les
murs et les rideaux : un premier « Premier ministre » issu de Solidarité pour la Diète polonaise
et le début des migrations, via la Hongrie, vers
l’Allemagne de l’Ouest.
À Paris, après l’inauguration en juillet de la Fenêtre ouverte, c’est-à-dire l’Arche de la Défense,
et le défilé « unité de contrastes » de Jean-Paul
Goude, pour fêter le 14 juillet de cette année
révolutionnaire, le président de la République
choisit en août un projet de Bibliothèque pour la
France, transparente, avec grande place publique
et jardins méditatifs.
« Glasnost »..., désormais le monument contemporain ne surveille plus et ne punit plus : il se démocratise ; il met en évidence ses qualités d’accueil
à un large public et d’ouverture à l’ensemble des
champs de la connaissance en s’inscrivant dans
un réseau de relations multiples avec le monde.
Les murailles de nos Bibliothèques-Temples s’envolent pour donner « à voir » et rendre « disponible » notre trésor culturel.
Cette absence d’enceinte physique confère à
l’Architecture, expression symbolique de notre
culture, une approche contemporaine de l’institution, qui s’accompagne d’une vision nou-
velle de l’urbanité du monument dans la ville,
inclue plutôt qu’exclue. Tel est le thème majeur
de cette fin de siècle, qui rassemble et condense
les différences pour faire apparaître des identités
nouvelles.
Au travers de cette alchimie, l’architecture française trouve grandeur d’esprit et générosité de
coeur. Dès lors, que dire de cette émotion profonde de deux destinées qui s’emmêlent, celle du
prince et celle de l’architecte ? Que dire aussi du
bonheur de cette rencontre consensuelle autour
d’un projet, lorsque la veille nous croyions être si
peu à partager une telle conviction ?
Ici, les mots viennent à manquer. Seul, l’achèvement du projet donnera la mesure de nos engagements et de nos espoirs. Alors, en retour, l’inquiétante violence de notre environnement ne
fait que nous renforcer dans notre détermination
à laisser une trace profonde et lisible du passage
de notre civilisation.
DOMINIQUE PERRAULT
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
108
Septembre
Vendredi 1er
FRANCE
Politique sociale.
M. Michel Rocard présente son projet de
« pacte de croissance », qui doit permettre
de financer la création d’emplois, l’éducation, la formation, la recherche et l’investissement ainsi que l’augmentation du pouvoir d’achat.
Télévision.
Lors de l’émission d’Apostrophes consacrée
à la rentrée littéraire, Bernard Pivot annonce
que son magazine, créé sur Antenne 2 au
mois de janvier 1975, sera présenté pour la
dernière fois en « juin ou juillet 1990 ».
Samedi 2
FRANCE
Terrorisme.
Cinq Italiens – trois hommes et deux
femmes – soupçonnés d’appartenir à la
branche « internationale » des Brigades
rouges sont interpellés à Paris en possession
d’armes et de munitions. Ils sont inculpés
d’association de malfaiteurs et écroués le 6.
Lundi 4
LIT TÉRATURE
Une pipe qui s’éteint
Georges Simenon est mort trois fois. La première en 1978, quand le suicide de sa fille de
vingt-cinq ans, Marie-Jo, le terrasse. La deuxième
en 1981, date à laquelle paraissent ses Mémoires
intimes, suivis du Livre de Marie-Jo, qui seront délibérément son dernier livre. La troisième enfin le
4 septembre, lorsqu’à Lausanne, sa pipe s’éteint
pour de bon. Il avait 86 ans.
Son héritage comprend plus de quatre cents
titres tirés à ce jour à cinq cents millions d’exemplaires en cinquante-cinq langues. Aucun d’entre
eux ne se distingue des autres. C’est ce que l’on
appelle une oeuvre.
Georges Simenon est né à Liège, le 13 février
1903, dans un milieu modeste. Son grand-père
était chapelier, son père employé dans une
compagnie d’assurances ; sa mère dut travailler comme vendeuse à la mort de ce dernier. Le
décor est posé, les personnages de ses romans
s’agitent déjà sous ses yeux. Il entre à seize ans
à la Gazette de Liège et écrit son premier roman
à dix-neuf. À vingt-cinq ans, établi à Paris, il vit
de sa plume et plutôt bien. Certains de ses livres
sont rédigés en trois jours ! Dans Pietr le Letton,
écrit en 1929 et publié en 1931, il donne vie au
commissaire Maigret. Il a trente-cinq ans lorsque
André Gide le salue comme le plus grand écrivain
de son temps.
Et pourtant, il n’aime pas la « littérature » : « La
phrase fluide, la belle description, c’est cela que
j’appelle la littérature, je supprime, je supprime ! »
Supprimés, les adjectifs et les adverbes. Supprimées, même, l’intrigue et l’atmosphère « polar ».
Reste la vie. Les bistrots, la pluie, les gares, les pavillons de banlieue, les canaux, l’ennui, la fatigue,
la vie et la mort des gens ordinaires, ses personnages, pour qui il a une immense tendresse. Maigret se meut au milieu d’eux, posément, la pipe à
la bouche. Il lit à livre ouvert dans leurs entrailles,
« sans pitié et sans haine ». N’est-il pas l’un des
leurs ?
Incarné au cinéma et à la télévision, avec plus
ou moins de bonheur, par de multiples acteurs,
Maigret devient très populaire ; mais, en même
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CHRONOLOGIE
109
temps, Simenon apparaît aux yeux de certains qui
ne le lisent pas comme un auteur de littérature de
gare. « Vous passez pour un auteur populaire alors
que vous vous adressez aux délicats », lui écrivait
Gide. Avait-il songé au solide boeuf miroton et aux
bigoudis de Mme Maigret ?
FRANCE
Antisémitisme.
À la suite des réactions suscitées par la
publication dans le mensuel Globe de propos déplacés de M. Claude Autant-Lara à
l’égard de Mme Simone Veil, celui-ci donne
sa démission du Parlement européen, où il
était l’élu du Front national. Le 8, le ministre
de la Justice fait engager contre lui des poursuites pour injures raciales.
URSS
Nationalités.
Le mouvement de grève générale lancé en
Azerbaïdjan afin d’affirmer l’autorité azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh s’accompagne d’un blocus de cette région autonome
revendiquée par les Arméniens (12 janvier
et 28 février).
Mardi 5
FRANCE
Sociétés.
Au terme d’une OPA d’un montant record
de 26 milliards de francs et après un accord
entre leurs dirigeants, la Compagnie financière de Suez prend le contrôle de la Compagnie industrielle, principale actionnaire
du groupe Victoire, deuxième assureur
français (8 août et 16 décembre).
ÉTATS!UNIS
Drogue
Guerre totale
La drogue est « la plus grave menace intérieure
à laquelle ait à faire face notre nation » affirme le
président George Bush en présentant son plan
de lutte en direct à la télévision, le 5 septembre,
jour de la rentrée scolaire. Le président colombien Virgilio Barco ne pense pas différemment
lorsqu’il décide, le 6, d’extrader Eduardo Martinez
Romero, trésorier présumé du cartel de Medellin,
vers les États-Unis. Déclaration de guerre : de part
et d’autre, le terme n’est pas trop fort. Six millions d’Américains sont officiellement considérés
comme toxicomanes ; 80 % de la cocaïne consommée aux États-Unis provient de la Colombie.
Le 18 août, les hommes de main des « barons »
colombiens de la drogue assassinaient le sénateur Luis Carlos Galan, favori de l’élection présidentielle de 1990. Devant cette menace directe
contre la vie politique de son pays, le président
Barco se décidait à agir. Il annonçait le jour même
la remise en vigueur du traité d’extradition entre
son pays et les États-Unis, signé en 1979 et suspendu depuis 1987. Le 19 août, une vaste opération de police lancée à travers le pays conduisait à
l’arrestation de nombreux suspects – dont Martinez Romero, sur qui pesait une demande d’extradition – et à la séquestration de leurs propriétés.
La mafia de la drogue, avec laquelle le gouvernement refusait de négocier, décrétait la « guerre
totale » aux autorités le 24 août, menaçant de
faire exécuter dix juges pour chaque trafiquant
extradé.
La croisade engagée par le gouvernement colombien recevait aussitôt l’appui technique et financier des États-Unis, qui mettaient à sa disposition
du matériel de surveillance et d’intervention et lui
octroyaient une aide d’urgence de 65 millions de
dollars.
D’un montant global de 7,9 milliards de dollars
(plus de 51 milliards de francs), le plan de lutte du
président Bush comprend aussi un programme
d’aide de 2 milliards de dollars sur cinq ans destiné aux pays andins. Trop peu, affirme le quotidien colombien la Prensa, qui fait remarquer que
la chute actuelle des cours du café – que les ÉtatsUnis refusent d’enrayer – coûte plus aux Colombiens que ne leur apporte l’aide américaine. Or,
la solution du problème passe par la substitution,
au sein des économies latino-américaines sinistrées, d’autres activités à celles – très lucratives
– liées à la drogue.
Le plan Bush est également critiqué aux ÉtatsUnis. Privilégier comme il le fait l’interdiction et
la répression, n’est-ce pas oublier les effets bénéfiques de la « prohibition » sur la prospérité des
trafiquants ? N’est-ce pas croire que la construcdownloadModeText.vue.download 111 sur 509
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110
tion de prisons peut résoudre les problèmes exprimés par la toxicomanie ?
Mercredi 6
FRANCE
Fiscalité.
Le Conseil des ministres décide d’abaisser
de 28 % à 25 % le taux de la TVA sur les
automobiles et le matériel hi-fi. Cette deuxième baisse en deux ans s’inscrit dans la
perspective de l’harmonisation des fiscalités européennes.
PAYS!BAS
Élections législatives.
Lors du scrutin anticipé organisé à la suite
de la crise gouvernementale du mois de
mai, le Parti chrétien-démocrate (CDA) du
Premier ministre Ruud Lubbers conserve
54 des 150 sièges au Parlement. Le Parti
du travail (PVDA ; socialiste) perd 3 sièges
(49) et le Parti libéral (WD), membre de
la coalition sortante, 5 (22), au profit des
petites formations. L’élection inattendue de
M. Hans Janmaat, chef du Parti des démocrates (extrême droite), suscite de vives
réactions.
LIBAN
Conflit.
Au lendemain d’une manifestation de chrétiens qui estiment que les États-Unis ont
« vendu le Liban à la Syrie », les diplomates
américains procèdent à l’évacuation de leur
ambassade à Beyrouth.
AFRIQUE DU SUD
Élections législatives.
Lors du renouvellement des trois chambres
– blanche, métisse et indienne –, le Parti
national au pouvoir conserve la majorité
absolue à la chambre blanche (93 députés sur 166) mais subit une érosion de son
électorat. Il perd 30 sièges au profit du Parti
conservateur (droite ; 39 députés ; + 17), favorable à l’apartheid, et du Parti démocrate
(centre gauche ; 33 députés ; + 13), qui y
est opposé. La grève décrétée la veille par les
mouvements anti-apartheid est très suivie.
Dans la région du Cap, de violents affrontements causent la mort de 23 personnes.
ÉTATS!UNIS
v. Liban
Jeudi 7
NON!ALIGNÉS
Le neuvième sommet, réuni à Belgrade
depuis le 4, adopte une résolution finale
modérée sous l’influence de la Yougoslavie. Le texte prône une approche pragmatiste des réalités économiques et évoque la
défense de l’environnement et les droits de
l’homme. La présence syrienne au Liban
n’est pas mentionnée.
FRANCE
Escroquerie.
L’ancienne présentatrice de télévision Danièle Gilbert est inculpée d’escroquerie et de
publicité mensongère et écrouée pour avoir
fait la promotion d’une bague magique
dont les acquéreurs non satisfaits n’avaient
jamais été remboursés. Pour cela, elle avait
perçu 4 millions de francs. Le 14, elle bénéficie d’une ordonnance de mise en liberté
sous caution.
ÉTHIOPIE
Conflit.
En vue de mettre fin à un conflit vieux
de vingt-huit ans, des négociations entre
des représentants du gouvernement et du
Front populaire de libération de l’Érythrée
(FPLE) s’engagent à Atlanta (États-Unis)
sous l’égide de l’ancien président Jimmy
Carter. Le même jour, La Havane annonce
le retrait, à partir du 9, du dernier contingent cubain stationné dans le pays.
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CHRONOLOGIE
111
Vendredi 8
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
Au terme d’une bataille juridique et boursière de neuf mois, le groupe de matériel électrique General Electric Company
(GEC), allié à l’allemand Siemens, prend le
contrôle de Plessey, entreprise spécialisée
dans l’électronique de pointe, notamment
militaire, pour un montant de 2 milliards
de livres (21 milliards de francs environ).
RFA
Sociétés.
En dépit de l’avis contraire de l’Office des
ententes, le gouvernement autorise la
fusion entre le constructeur automobile
Daimler-Benz et le groupe aéronautique
Messerschmidt Bolkow Blohm (MBB) à la
condition que ces deux entreprises, qui
créent ainsi le troisième groupe industriel
européen, abandonnent leurs activités dans
les domaines de la construction navale et
de l’armement.
Dimanche 10
RDA!RFA
RDA
Ça craque !
Les Allemands de l’Est sont nombreux, depuis le
début de l’été, à partir en – « vacances » en Hongrie. Profitant du récent démantèlement du « rideau de fer » avec l’Autriche, ils passent à l’Ouest
par centaines, abandonnant leurs automobiles
Trabant pour traverser la très perméable « frontière verte ». Illégalement. Le 10 septembre, les
autorités hongroises décident d’autoriser officiellement les réfugiés est-allemands à gagner « le
pays de leur choix ». À la fin du mois, ils sont près
de vingt-cinq mille à avoir transité par la frontière
austro-hongroise pour se rendre en RFA.
En 1988, plus discrètement, les Allemands de
l’Est avaient été quarante mille à émigrer en RFA,
dont trente mille légalement. Jeunes et qualifiés
pour la plupart, ces émigrés sevrés de liberté et
de consommation occidentale contribuent à
combler le déficit démographique et de maind’oeuvre que connaît la RFA. Lié à l’« albanisation »
croissante de la RDA au sein d’un bloc de l’Est en
pleine évolution, le caractère massif de leur exode
en 1989 apparaissait le 19 août lorsque cinq cents
d’entre eux forçaient le passage au poste-frontière situé entre la ville hongroise de Sopron et le
village autrichien de Saint-Margarethen à l’occasion d’un « pique-nique paneuropéen » animé
par l’archiduc Otto de Habsbourg ! Déjà éprouvées par l’afflux de réfugiés dans les ambassades
de RFA des pays de l’Est, les relations entre les
deux Allemagnes s’assombrissaient encore après
cette fuite collective – la plus importante depuis
la construction du mur de Berlin, en 1961. Le
25 août, la visite à Bonn du Premier ministre magyar Miklos Nemeth traduisait l’embarras de la
Hongrie, coincée entre une RDA consciente que
sa seule raison d’être est idéologique et une RFA
favorable à l’évolution libérale de sa voisine permettant une réunification en douceur.
À partir du 29 août, des centres d’accueil de
grande capacité sont installés en Bavière. Les milliers de réfugiés est-allemands regroupés dans
les camps hongrois doivent pourtant attendre le
11 septembre à 0 h pour franchir les barrières de
la liberté en montrant leur passeport ouest-allemand délivré par l’ambassade. Tandis que l’URSS
met en garde la RFA contre « une mise en cause
du statu quo de l’après-guerre » sans jamais critiquer la position hongroise, la RDA accuse le
gouvernement de Budapest de violer le traité
d’alliance bilatéral de 1969.
Le 30, afin de désamorcer la crise avant les cérémonies du 40e anniversaire de la RDA, le gouvernement de Berlin-Est autorise, pour des raisons
« humanitaires », le transfert en RDA de plus de six
mille Allemands de l’Est réfugiés dans les ambassades de RFA à Prague et à Varsovie.
Le 25 à Leipzig, huit mille de leurs concitoyens
avaient exprimé leur volonté de changer leur
pays de l’intérieur au cours de la plus grande
manifestation qu’ait connue la RDA depuis 1953
(3 et 9 octobre).
ALGÉRIE
Gouvernement.
Le président Chadli Bendjedid nomme
M. Mouloud Hamrouche Premier ministre
en remplacement de M. Kasdi Merbah,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
112
qui déclare cette décision illégale avant de
s’incliner. Le 16, M. Hamrouche présente
un gouvernement resserré, principalement
composé de techniciens.
SPORT
Tennis.
L’Allemand de l’Ouest Boris Becker remporte l’Open des États-Unis au stade de
Flushing Meadow en battant en final le
Tchèque Ivan Lendl (7-6, 1-6, 6-3, 7-6). Le
9, sa compatriote Steffi Graf s’était imposée
face à l’Américaine Martina Navratilova (36, 7-5, 6-1).
Lundi 11
NORVÈGE
Élections législatives.
Le mécontentement des électeurs se traduit
par une défaite des deux grands partis, les
Travaillistes au pouvoir – qui n’obtiennent
que 64 sièges (– 7) sur les 165 que compte le
Folketing – et les Conservateurs (37 sièges ;
– 37), au profit des Progressistes (populistes ; 21 sièges ; + 19) et des Socialistes de
gauche (17 sièges ; + 11).
Mardi 12
FRANCE
Corse.
Synthèse des tables rondes réunies après le
mouvement de grève des fonctionnaires au
printemps, le rapport de M. Michel Prada
affirme que les disparités entre l’île et le
continent ne justifient pas de « mesures exceptionnelles ». Il préconise une normalisation des régimes fiscaux, une amélioration
des structures économiques existantes et
un développement de l’activité touristique.
ESPAGNE
Terrorisme.
Mme Carmen Tagle, procureur spécialisé
dans les affaires de terrorisme, est assassinée à Madrid par un commando de l’ETA
militaire.
POLOGNE
Gouvernement.
Le cabinet formé par M. Tadeusz Mazowiecki est investi par la Diète par 402 voix
contre 0 et 13 abstentions. Il comprend
treize membres de Solidarité, quatre du
POUP (communiste), quatre du Parti paysan (ZSL) et trois du Parti démocrate (SD).
Solidarité contrôle les Affaires étrangères et
les postes économiques ; le POUP détient
l’Intérieur, la Défense, les Transports et le
Commerce extérieur.
Mercredi 13
FRANCE
Politique sociale.
Un an après le premier, le gouvernement
annonce un deuxième plan pour l’emploi.
Celui-ci vise à favoriser l’embauche par la
réduction des charges des entreprises et
privilégie la réinsertion des chômeurs de
longue durée.
Protocole.
M. Michel Rocard présente en Conseil des
ministres le décret relatif aux « cérémonies
publiques, préséances, honneurs civils et
militaires », destiné à la remise à jour de
dispositions qui datent pour la plupart de
1907 (Le mois de Jacques Gandouin).
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
Grâce à l’intervention du président intérimaire Frederik De Klerk, plus de trente
mille personnes peuvent participer dans le
calme, au Cap, à la première manifestation
antiapartheid autorisée (14).
Jeudi 14
FRANCE
Justice.
La cour d’assises de Paris condamne Christian David à quinze ans de réclusion pour le
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CHRONOLOGIE
113
meurtre du commissaire de police Maurice
Galibert, au mois de juillet 1966. L’accusé
avait obtenu quatre fois en deux ans le report de son procès en se blessant volontairement ou en avalant divers objets.
AFGHANISTAN
Conflit.
Le kinésithérapeuthe français Xavier Lemire, capturé par l’armée le 14 août, obtient
sa libération à la suite de l’intervention du
président François Mitterrand et du secrétaire général des Nations unies (14 août).
AFRIQUE DU SUD
Élection présidentielle.
Le collège électoral parlementaire confirme
à l’unanimité M. Frederik De Klerk à la tête
de l’État pour cinq ans. Celui-ci promet
d’accorder les droits politiques à la majorité
noire (13).
NAMIBIE
Vie politique.
De retour dans son pays après trente années
d’exil, M. Sam Nujoma, chef de la SWAPO,
lance un appel à la réconciliation nationale
malgré l’assassinat, le 12, d’un dirigeant
blanc de son mouvement, avocat au barreau de Windhoek.
Vendredi 15
FRANCE
Audiovisuel.
M. Philippe Guilhaume, président commun
des deux chaînes de télévision publique,
désigne respectivement comme directeurs
généraux et directeurs des programmes
M. Jean-Michel Gaillard et Mme Ève Ruggieri pour Antenne 2, Mme Dominique Alduy et
M. Jean-Marie Cavada pour FR3.
FRANCE!RFA
Transport aérien.
Face à la concurrence mondiale, Air France
et Lufthansa annoncent le renforcement de
leur coopération technique et commerciale.
ITALIE
Cinéma.
Le Lion d’or de la Mostra de Venise est attribué à la Ville du chagrin, de Hou Hsiao
Hsien (Taiwan).
SALVADOR
Conflit.
Réunis depuis le 13 dans la capitale mexicaine, des représentants du gouvernement
du nouveau président Alfredo Cristiani
(extrême droite) et du Front Farabundo
Marti (FMLN, guérilla d’extrême gauche)
concluent un accord qui prévoit un calendrier de négociations en vue de l’établissement d’un cessez-le-feu.
Samedi 16
FRANCE
Commémoration.
Dans la Marne, M. François Mitterrand
préside la célébration de la bataille de Valmy du 20 septembre 1792 tout au long d’un
parcours spectacle intitulé Naissance d’une
nation. Le président de la République en
profite pour défendre l’amélioration « des
conditions matérielles et morales » des
militaires.
BELGIQUE
Banditisme.
À Tilff, près de Liège, trois malfaiteurs,
dont le Français Philippe Delaire, connu
des services de police, prennent en otage
le gérant d’une banque, qui réussit cependant à s’évader, et sa famille. Le 22, après
la libération des enfants contre rançon, les
ravisseurs prennent la fuite. Après avoir
libéré leur dernier otage, ils sont cernés par
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
114
la police ; Philippe Delaire se suicide et ses
deux complices se rendent.
LIBAN
Conflit.
Après avoir repris ses activités le 13, le comité tripartite arabe (Algérie, Arabie Saoudite, Maroc) présente son plan de paix, qui
prévoit un cessez-le-feu, la levée des blo-
cus et la réunion de l’Assemblée nationale
libanaise hors du pays afin de discuter des
réformes institutionnelles. Le camp chrétien
lui reproche de ne pas envisager le retrait de
l’armée syrienne du Liban avant deux ans
(31 juillet, 22 et 30 septembre).
Dimanche 17
FRANCE
Justice.
Interpellé le 13, M. Claude Cornilleau, président du Parti nationaliste français et européen (extrême droite), est inculpé d’association de malfaiteurs et écroué dans le cadre
de l’enquête sur les attentats commis en
mai et en décembre 1988 contre les foyers
Sonacotra de Cannes et de Cagnes-sur-Mer
(Alpes-Maritimes).
URSS
Nationalités.
À Lvov, en Galicie, plus de cent mille catholiques ukrainiens assistent à des messes en
plein air afin de réclamer la légalisation de
l’Église uniate, de rite byzantin, intégrée de
force à l’Église orthodoxe en 1946. Le même
jour, des dizaines de milliers de personnes
manifestent pour marquer le cinquantième
anniversaire de l’invasion de l’Ukraine occidentale par l’armée rouge et afin de réclamer une plus grande autonomie pour leur
république.
GUADELOUPE
Rase-Terre
« La Guadeloupe est à reconstruire. » Tel est le
constat unanime dressé au lendemain de la nuit
de cauchemar du 16 au 17 septembre, au cours
de laquelle le cyclone Hugo a dévasté l’archipel
des Antilles françaises.
Né, comme la plupart des hurricanes, au contact
des eaux chaudes baignant les îles du Cap-Vert,
Hugo a augmenté de puissance en se déplaçant
vers l’ouest au-dessus de l’Atlantique tropical.
Épargnant la Martinique, il a provoqué les premiers dégâts à la Dominique avant de traverser
de part en part la Guadeloupe, puis de ravager
toutes les îles séparant celle-ci de Porto Rico, qu’il
a atteint le 18. S’orientant au nord, le cyclone a
ensuite effleuré la République dominicaine et
les Bahamas avant de dévaster le port de Charleston et toute la Caroline du Sud (États-Unis), le
19. C’est sous forme de tempête tropicale qu’il est
allé ensuite se dissiper au-dessus du Canada.
Le bilan est lourd : cinq morts à la Guadeloupe
– auxquels il faut ajouter les huit passagers d’un
hélicoptère de l’armée française tombé en mer
pendant les opérations de secours, le 20 –, une
vingtaine de victimes dans les autres îles des
Caraïbes, vingt-neuf aux États-Unis, près de deux
cent mille sans-abri sur l’ensemble des terres dévastées. Les économies fragiles de nombreuses
îles sont ruinées.
Il en est ainsi de celle de la Guadeloupe. Eau, électricité et communications coupées, habitations
détruites, marinas décimées et palmiers arrachés, mais aussi et surtout infrastructures hôtelières inutilisables, plantations de canne à sucre,
de bananes et de fleurs entièrement dévastées
et industrie locale hors service. L’arrivée rapide
de nombreux secours, aussitôt débordés par
l’étendue de la tâche, et la visite du ministre des
DOM-TOM, qui ne peut offrir que des promesses
d’indemnisation, n’empêchent pas que naisse
bientôt dans la population le sentiment que la
Guadeloupe ne se relèvera pas sans l’aide des
Guadeloupéens eux-mêmes.
Le passage du cyclone révèle à la fois les méfaits
pressentis d’une situation d’assistanat total vis-àvis de la métropole et les bienfaits insoupçonnés
d’une organisation parallèle qui ne doit rien à
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CHRONOLOGIE
115
l’État. Le vent a balayé les trompeuses apparences
du dieu Tourisme, d’une agriculture subventionnée à 100 %, de la surconsommation de produits
d’importation et de la combine élevée au rang de
règle coutumière.
Durement sonné, l’archipel se réveille plus
lucide. Hugo serait-il donc une chance pour la
Guadeloupe ?
Lundi 18
HONGRIE!ISRAËL
Diplomatie.
La Hongrie est le premier des membres du
pacte de Varsovie qui avaient rompu leurs
relations avec Israël en 1967 à procéder à
leur rétablissement.
ÉGYPTE
Diplomatie.
Le président Hosni Moubarak présente son
plan de paix au Proche-Orient au ministre
israélien de la Défense Itzhak Rabin (travailliste), en visite au Caire. Ce projet est
un aménagement de la proposition israélienne d’élections dans les territoires occupés
(6 avril).
BURKINA FASO
Coup d’État.
Victimes d’une machination destinée à
éliminer les dernier chefs historiques de
la révolution burkinabé après l’assassinat
du président Thomas Sankara en octobre
1987, les ministres de la Défense et de la
Promotion économique sont exécutés sans
procès aussitôt après une tentative de coup
d’État contre le président Blaise Compaoré.
Mardi 19
VATICAN
Un communiqué du Saint-Siège évoque
pour la première fois l’affaire du carmel
d’Auschwitz. Il prend position en faveur de
l’installation des carmélites dans le centre
d’information, de dialogue et de prières situé hors du camp d’extermination, comme
le prévoient les accords de Genève signés le
22 février 1987 (21).
NIGER
Accident aérien.
Peu après son décollage de N’Djamena, au
Tchad, un DC-10 de la compagnie française
UTA assurant la liaison Brazzaville-Paris
disparaît avec 171 personnes à son bord. Le
20, les débris de l’appareil, qui a explosé en
vol, sont retrouvés dans le désert du Ténéré
(23).
ÉTATS!UNIS
Justice.
La division d’appel de la Cour suprême de
l’État de New York redonne la Coupe de
l’America au Yacht Club de San Diego (Californie), qui en avait été dépossédé au profit
du Mercury Bay Boating Club d’Auckland
(Nouvelle-Zélande). Le 28 mars, cette
même cour avait estimé que le catamaran
utilisé par les Américains lors des épreuves
du mois de septembre 1988 n’était pas
conforme au règlement de l’épreuve.
Mercredi 20
FRANCE
Économie.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
budget 1990. Celui-ci prévoit la diminution
du déficit de 100 à 90 milliards de francs
malgré un accroissement des dépenses
publiques de 5,3 %. Sont aussi proposés
une augmentation du nombre des fonctionnaires, un allégement de certains impôts
mais un alourdissement de l’ISF.
Transports.
Le Premier ministre Michel Rocard inaugure la ligne à grande vitesse Paris-Le Mans.
Atteignant la vitesse de pointe de 300 km/h,
le TGV Atlantique parcourt la distance en
une heure ; il met Nantes et Rennes à deux
heures de Paris, et Brest, à quatre.
Théâtre.
La représentation de la Mort de Danton, de
Georg Büchner, au théâtre des Amandiers
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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de Nanterre dans une mise en scène de
Klaus Michael Grüber, inaugure le Festival
d’Automne de Paris.
GRÈCE
Scandales.
Le Parlement se prononce en faveur de la
comparution de l’ancien Premier ministre
socialiste Andréas Papandréou devant une
Cour spéciale pour écoutes téléphoniques.
Le 28, il prend une décision identique à
propos de son rôle dans l’affaire Koskotas
(19 mars).
URSS
Vie politique.
À l’issue d’un plénum de deux jours, le
comité central du PCUS procède à un
profond remaniement du bureau politique,
dont plusieurs conservateurs sont exclus
et remplacés par des réformateurs. D’autre
part, il adopte à l’unanimité une « plateforme sur les nationalités » qui prévoit une
plus grande autonomie pour les républiques fédérées.
Jeudi 21
FRANCE
Musique.
En ouverture du Festival d’art sacré de Paris, Jean Guillou inaugure le nouvel orgue
de l’église Saint-Eustache, oeuvre de deux
jeunes facteurs hollandais, les frères Van
Heuvel.
POLOGNE
Religion.
Auteur de déclarations controversées sur le
déménagement du Carmel d’Auschwitz, le
cardinal Joseph Glemp, primat de Pologne,
se rallie à la position conciliatrice du Vatican (19).
ARABIE SAOUDITE
Justice.
Reconnus coupables d’attentats à la bombe
lors du pèlerinage annuel de La Mecque au
mois de juillet, seize Koweïtiens chiites sont
publiquement décapités au sabre.
Vendredi 22
EST!OUEST
Désarmement.
À Jackson Hole, dans le Wyoming, au cours
de sa rencontre avec le secrétaire d’État
américain James Baker, le ministre soviétique des Affaires étrangères Édouard Chevardnadze annonce que son pays renonce
à lier la conclusion d’un accord START sur
la réduction des armements stratégiques à
l’abandon par les États-Unis du programme
IDS de bouclier spatial antimissile.
FRANCE
Sociétés.
Le rachat du groupe américain UniroyalGoodrich pour 4,5 milliards de francs permet à Michelin de devenir le premier fabricant de pneumatiques au monde devant
l’américain Goodyear.
GRANDE!BRETAGNE
Terrorisme.
À Deal, dans le Kent, un attentat à la bombe
revendiqué par l’IRA dévaste l’école de la
fanfare des Royal Marines, faisant dix morts
et vingt-deux blessés.
LIBAN
Conflit.
L’acceptation du plan de paix du comité
arabe tripartite par le général chrétien
Michel Aoun ramène le calme dans la capitale libanaise, très éprouvée par plus de six
mois de combats qui ont causé près de mille
morts. Le 27, toutefois, le général Aoun
demande aux députés chrétiens de n’accepter aucune réforme politique avant d’avoir
obtenu le retrait syrien du pays (16 et 30).
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CHRONOLOGIE
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Samedi 23
FINANCES MONDIALES
À Washington, les ministres des Finances
des sept pays les plus industrialisés (G7)
s’engagent à stopper la hausse du dollar, qui
a coté 2 DM, 149 yens et 6,75 F le 15.
FRANCE
Attentat.
Le ministère des Transports confirme la
thèse de l’attentat contre le DC-10 d’UTA
détruit en vol au-dessus du Niger le 19
en révélant la présence d’explosif dans les
soutes de l’appareil (19).
Dimanche 24
FRANCE
Élections sénatoriales.
Le renouvellement du tiers des sénateurs
(102 sièges) se traduit par un rééquilibrage
de la droite (65 sièges ; + 2) au profit du RPR
et par la stabilité de la gauche (37 sièges ;
+ 0).
Réfugiés politiques.
À Paris, des dissidents chinois de toutes
origines créent la Fédération pour la démocratie en Chine, première organisation d’opposition au régime de Pékin ; son éminence
grise est M. Chen Yizi, ancien conseiller de
M. Zhao Ziyang.
Lundi 25
EST!OUEST
Désarmement.
Lors de la séance d’ouverture de la 44e Assemblée générale de l’ONU, le président
américain George Bush présente un plan de
réduction radicale des arsenaux chimiques
des deux Grands. Le 26, le ministre soviétique des Affaires étrangères réclame à la
même tribune l’élimination totale de ce
type d’armes.
FRANCE
Accident.
Une fuite se déclare dans le tuyau d’alimentation de la réserve souterraine de gaz
de Chémery (Loir-et-Cher), la plus grande
d’Europe. Elle est colmatée le 27 après
avoir libéré 5 millions des 5,5 milliards
de mètres cubes de méthane entreposés à
1 000 mètres de profondeur.
ESPAGNE
Relations internationales.
Le roi Hassan II du Maroc effectue jusqu’au
27 sa première visite officielle à Madrid.
ÉGYPTE
Culture.
L’équipe du Norvégien Kito Thorson remporte le concours international d’architecture pour la construction de la nouvelle
Bibliothèque d’Alexandrie ; cette dernière
doit succéder à celle qui avait été bâtie il y a
23 siècles par Démétrios de Phalère.
MAROC
v. Espagne
CANADA
Élections provinciales.
Au Québec, le Parti libéral (PLQ) du Premier ministre Robert Bourassa conserve
la majorité à l’Assemblée de la province
(92 sièges sur 125 ; – 6) malgré la remontée du Parti québécois (indépendantiste ;
29 sièges ; + 10) et le mécontentement des
électeurs anglophones, qui profite au Parti
de l’Égalité (4 sièges ; + 4).
Mardi 26
FRANCE
Culture.
Au Grand Palais, à Paris, M. Jack Lang
lance l’Année de l’archéologie en inaugurant
une exposition consacrée à « Trente ans de
découvertes » archéologiques en France.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
118
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
L’annonce d’un plan de restructuration du
conglomérat BAT provoque l’échec de l’OPA
de 13,4 milliards de livres (134 milliards de
francs environ) lancée par Sir James Goldsmith, tout en lui donnant raison.
GRÈCE
Terrorisme.
Le député Pavlos Bakoyannis, porte-parole
de la Nouvelle Démocratie (conservateur),
parti membre de la coalition au pouvoir, est
assassiné à Athènes par un groupe terroriste qui lui reprochait d’être impliqué dans
le scandale Koskotas (20).
CAMBODGE
Conflit.
Le retrait du pays des dernières unités du
corps expéditionnaire vietnamien, mis en
doute par le prince Norodom Sihanouk,
marque le terme officiel d’une intervention
entamée à la fin de l’année 1978 contre le
régime des Khmers rouges.
Mercredi 27
OPEP
À Genève, où ils sont réunis depuis le 23,
les Treize décident d’augmenter le plafond
global de leur production de pétrole de 19,5
à 20,5 millions de barils par jour sans régler
le problème de la révision des quotas accordés à chaque membre.
FRANCE
Conflits sociaux.
Pour la troisième fois en un an, les personnels pénitentiaires entament un mouvement
de grève qui force le gouvernement à faire
appel à l’armée pour assurer le fonctionnement des prisons.
Architecture.
Installé dans l’espace réaménagé du CNIT,
à La Défense, le Centre de communication
et d’échange ouvre ses portes au monde de
l’entreprise auquel il est destiné.
Musique.
Successeur de Daniel Barenboïm,
Bychkov ouvre à la salle Pleyel
saison à la tête de l’Orchestre
dirigeant la Deuxième Symphonie
tav Mahler.
Semyon
sa première
de Paris en
de Gus-
YOUGOSLAVIE
Républiques.
Malgré l’opposition du gouvernement
fédéral, le Parlement de Ljubljana adopte
une révision de la Constitution de la Slovénie prévoyant le droit de cette dernière à
l’autodétermination.
ÉTATS!UNIS
Sociétés.
Le groupe électronique japonais Sony
annonce l’achat de la société cinématographique Columbia pour un montant de
3,4 milliards de dollars (près de 20 milliards de francs).
Jeudi 28
FRANCE
Art.
À Paris, au musée des Arts décoratifs, une
exposition rassemble quarante carnets de
dessins de Picasso.
PHILIPPINES
L’ancien dictateur Ferdinand Marcos, au
pouvoir de 1965 à 1986, décède à l’âge de
72 ans, à Honolulu (Hawaï), où il vivait en
exil, poursuivi par la justice de son pays.
Vendredi 29
ÉTATS!UNIS
Drogue.
Vingt-deux tonnes de cocaïne découvertes
dans un entrepôt de la banlieue de Los
Angeles constituent la plus grosse saisie
jamais effectuée. Cette marchandise aurait
permis de fabriquer plus d’un milliard de
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CHRONOLOGIE
119
doses de crack pour un prix de vente de 7
à 10 milliards de dollars (44 à 63 milliards
de francs).
Samedi 30
LIBAN
Conflit.
62 des 73 députés libanais se réunissent à
Taëf (Arabie Saoudite) afin de débattre du
« document d’entente nationale » proposé
par le comité arabe tripartite (16 et 22 septembre, 22 octobre).
Le mois
de Jacques Gandouin
Dans une actualité mondiale et omniprésente,
un événement pousse l’autre au créneau de
l’actualité pour en disparaître le plus souvent
presque aussitôt.
Dans ce flot continu, trois faits principaux auront
suscité ma réflexion au cours du mois de septembre : le courageux combat engagé par le
gouvernement colombien contre les géants de
la drogue ; l’institution en Pologne d’un gouvernement dirigé par un non-communiste et
l’incroyable exode des Allemands de l’Est ; l’explosion criminelle d’un DC-10 de l’UTA et la mort de
171 passagers...
Au regard de tels événements celui dont je vais
parler pourrait paraître quelque peu dérisoire. Cependant, il ne m’a pas semblé inutile de l’évoquer :
il s’agit de la publication du décret du 13 septembre 1989 relatif aux « cérémonies publiques,
préséances, honneurs civiles et militaires ».
Dans ses Mémoires, Louis XIV disait des règles
protocolaires que ceux qui s’imaginent que ce ne
sont que des affaires de cérémonies se trompent
lourdement. Ces règles reflètent en effet les
principes qui inspirent les institutions, la forme
du gouvernement, l’histoire et les caractères de
chaque peuple. Nombre de textes sont intervenus au cours de notre histoire pour définir les
règles du protocole. Mais c’est le décret napoléonien du 24 messidor an XII qui définit d’une
manière complète et cartésienne l’ensemble des
règles relatives aux cérémonies publiques, préséances et honneurs.
Il aura fallu cent trois ans pour passer de ce texte
au décret du 16 juin 1907 malgré les changements successifs de régime politique et les nombreux incidents qui ne cessaient de se produire.
Puis quatre-vingt-deux ans auront été nécessaires pour que soit approuvé un nouveau décret,
les travaux des commissions nommées avant et
après 1958 étant restés sans suite. Cela montre
combien il est difficile de toucher à un ordre établi dont chacun affirme qu’il n’y attache aucune
importance mais fronce terriblement le sourcil
dès qu’il s’agit de son rang, alléguant que ce n’est
pas pour lui-même mais pour l’organisme qu’il
représente.
J’ai l’honneur d’avoir été désigné par le président
de la République pour effectuer une refonte complète du décret de 1907 qui était devenu obsolète. Pour cela, j’ai consulté les responsables de
tous les organismes concernés et je me suis référé
aux principes qui avaient inspiré le décret de 1907
et ceux découlant de la Constitution de 1958 ; j’ai
également tenu compte des mutations opérées
par la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation et
les textes subséquents.
Événement ou non événement, la publication de
ce décret du 13 septembre 1989, après quatrevingt-deux ans de tentatives successives vouées
à l’échec ? Je ne saurais le dire. La presse écrite,
radiodiffusée et télévisée l’a cependant plus que
largement relatée. Elle n’a pas manqué, à cette
occasion, de rappeler que, quinze ans auparavant, j’avais été très temporairement sanctionné
pour avoir apostrophé un peu rudement une
paire de truands qui avaient pris, dans la Sarthe,
une famille en otage et obtenu grâce à cela sa
libération.
Paradoxe ou ironie de l’existence ? J’aurais écrit
de nombreux articles, deux ouvrages sur le protocole et rédigé celui de mon pays ; j’aurais aussi, je
crois – qu’on me pardonne ce manque d’humilité
–, accompli au service de l’État nombre de tâches
d’une certaine importance et j’aurais acquis la
notoriété pour avoir prononcé un gros mot, au
demeurant d’un usage assez répandu mais dont,
pour ma part, je n’use que rarement.
JACQUES GANDOUIN
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
120
Météo : l’Été
La dernière décade de juin se caractérise par des
températures égales ou légèrement supérieures à
la normale, un ensoleillement satisfaisant et des
précipitations très faibles dans l’Ouest, le SudOuest, le Sud-Est et le Centre-Est. Au 30 juin, le
rapport R/RU de la réserve en eau disponible à la
réserve utile n’est supérieur à 40 % que dans le
Béarn, la Gascogne et la Basse-Navarre ainsi qu’au
nord d’une ligne Avranches – Paris – Thionville.
Cette sécheresse, outre qu’elle aggrave les risques
d’incendie de forêt est préoccupante pour les
cultures de maïs, de tournesol et de betterave à
sucre, comme pour les productions fourragères.
Précipitations orageuses et pluies
diluviennes
Le mois de juillet est chaud ; dans les régions de
l’Ouest, du Sud-Ouest et du Sud-Est, les températures journalières n’ont jamais été inférieures
aux normales. La chaleur a atteint son paroxysme
au cours de la 3e décade. De très nombreux records ont été battus ; on peut citer, entre autres
valeurs, pour les températures minimales : 19,4 °C
à Rennes et 22 °C à Guéret le 21, 23,4 °C à Cognac,
20,3 °C à Langres le 22, 20 °C à Bourges et à Beauvais le 23 et pour les températures maximales :
36,5 °C à Cognac et 32,9 °C à Lann-Bihoué le 20,
36,1 °C à Bourges Je 21, 34 °C à Vannes le 24... À
Nîmes, les températures maximales ont été supérieures à 30 °C pendant 23 jours.
Les précipitations, souvent orageuses, sont inégalement réparties dans le temps et dans l’espace ;
elles sont déficitaires à très déficitaires dans le
Nord, l’Ouest, le Sud-Ouest et le Sud-Est, excédentaires dans le reste du pays. Les précipitations
remarquables (pluies très intenses et averses de
grêle) ont été observées entre le 6 et le 8 du SudOuest à l’Alsace et les 23 et 24 juillet en Gascogne,
en Limousin, en Berry, ou encore dans le Vichyssois : 20 mm en 4 heures à Limoges le 6, 54 mm en
6 heures à Lubersac ou 80 mm à Vichy le 24. C’est
pendant le premier épisode pluvio-orageux que
les vignobles de Sauternes, de Barsac, des côtes
de Duras, du Bergeracois, du Beaujolais et de
la région de Riquewihr ont subi d’importants
dommages.
Au 31 juillet, la sécheresse des sols demeure très
marquée sur l’ensemble du pays. Elle explique la
fréquence et l’importance des feux de forêt ; sont
ainsi réduits en cendres : 5 000 hectares de pins
dans les communes de Lacanau et du Porge entre
le 18 et le 22, 1 600 ha de broussailles dans le Figeacois les 21 et 22.
Hors de France, l’actualité météorologique est
dominée par les pluies diluviennes et meurtrières
qui s’abattent sur le Sichuan en Chine (10-15 juillet), la Corée du Sud (les 24 et 25), l’État de Maharashtra en Inde le 26 et les typhons Gordon et
Irving qui dévastent le nord des Philippines (15 et
16 juillet) et la région de Thanh Hoa au Viêt-nam
le 24. La sécheresse et la foudre sont à l’origine du
gigantesque incendie qui, du 15 au 27, a anéanti
900 000 hectares de forêt dans le Manitoba et le
Saskatchewan, au Canada.
Chaleur et sécheresse persistantes
Août est chaud et sec. Les températures mensuelles ont été de 1 à 2 degrés supérieures aux
normales. Précisons, toutefois, que dans le Nord,
le Nord-Est et le Centre-Est les écarts des températures journalières aux valeurs saisonnières ont
été importants : – 2 à – 4 °C du 1er au 3 août ; – 2
à – 5 °C du 28 au 31 ; + 5 à + 8 °C les 15 et 16 et
+ 4 à + 6 °C les 20 et 21 août. C’est au cours de
ces deux épisodes chauds que des températures
records ont été mesurées : 37 °C à Saint-Martind’Hyères le 16, 31,2 °C à Metz-Frescaty le 20... Les
conditions anticycloniques ayant prévalu tout au
long du mois, les pluies ont été très déficitaires
sur l’ensemble du pays à l’exception du Sud-Ouest
et de la Corse. Des orages souvent accompagnés
de violentes rafales de vent, de grains intenses ou
de grêle se sont manifestés dans le Sud-Ouest et
le Languedoc entre le 4 et le 10, du 14 au 16 et
du 19 au 21 août. Le 5, un véritable déluge s’abat
sur Narbonne et ses environs : 221 mm de 11 h
40 à 15 h 15 ! Le 7, chutes de grêlons de 5 cm de
diamètre sur Toulouse et sur Malzieu en Lozère. Le
15, violent orage sur Ribérac...
Au 31 août, la sécheresse du sol s’est encore
accentuée (R/RU < 20 %). Aucune région n’est à
l’abri des feux de forêt et, à la fin du mois, plus
de 50 000 hectares ont été la proie des flammes.
L’Espagne est affectée par une sécheresse catastrophique et on signale, au début de la 3e décade,
des pluies diluviennes et des inondations dans la
région de Buenos Aires, en Tunisie et au nord du
Ghana. Du 1er septembre à l’équinoxe, périodes
de fraîcheur (du 1er au 7 et du 11 au 15) et de
chaleur (du 8 au 10 et du 16 au 21) alternent.
La pluviométrie est déficitaire sauf en Corse où
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CHRONOLOGIE
121
les abats, 2,5 fois supérieurs à la normale, sont
mesurés le 1er et le 8. Les réserves en eau du sol
sont nulles dans les 2/3 du territoire ; les débits
d’étiage des cours d’eau atteignent des valeurs
records et le niveau des nappes superficielles est
au plus bas. Sécheresse et chaleur qui persistent
depuis de longs mois ne profitent qu’à la vigne :
les vendanges sont très précoces et 1989 serait un
millésime comparable à 1929 ou à 1947.
Le cyclone fou
Les 16 et 17 septembre, le cyclone Hugo, né à
proximité du Cap-Vert le 12, ravage la Désirade et
la Guadeloupe. Le bilan est très lourd : 16 morts,
105 blessés, 10 000 maisons détruites, 30 000
cases soufflées, plus de 60 % des productions de
canne à sucre et de banane réduits à néant. Les
dégâts s’élèvent à plusieurs milliards de francs. Du
18 au 22, Hugo sème la désolation dans les îles
Vierges, à Porto Rico et sur les côtes de Géorgie
et des Carolines, aux États-Unis ; il atteint même
les Appalaches avant d’aller mourir au-dessus
du Canada. Le 16, le typhon Vera avait dévasté la
province chinoise de Zhejiang faisant 500 morts
et des centaines de blessés et disparus.
PHILIPPE C. CHAMARD
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Octobre
Dimanche 1er
FRANCE
Musique.
Le Centre de musique baroque de Versailles
dirigé par Philippe Beaussant consacre une
journée à la Musique à Versailles en 1789. Il
interprète notamment la messe d’ouverture
des États généraux, de Gossec, et la symphonie la Reine de France, de Haydn.
CHINE
Commémoration.
Les cérémonies du quarantième anniversaire de la République populaire sont l’objet
d’un boycottage de la part de la population
chinoise et des pays occidentaux.
SPORT
Cyclisme.
Sur la piste olympique en plein air de
Mexico, la Française Jeannie Longo améliore son propre record de l’heure en parcourant 46,352 km pendant cette durée.
Lundi 2
SCIENCES
Génétique.
Cinq cents spécialistes du monde entier
réunis à San Diego (Californie) lancent le
programme « Génome humain » dont l’objectif est de dresser la carte du patrimoine
héréditaire de l’homme.
EUROPE
Audiovisuel.
Réunis depuis le 30 septembre à Paris dans
le cadre des Assises européennes de l’audio-
visuel, trois cents experts appartenant aux
vingt-trois pays membres du Conseil de
l’Europe et à quatre pays de l’Est adoptent
le plan Eurêka Audiovisuel destiné à renforcer leur capacité de production d’images et
leur maîtrise des technologies.
FRANCE
Sociétés.
L’achat de l’activité micro-informatique du
groupe américain Zenith pour un montant
de 635 millions de dollars (4 milliards de
francs environ) fait passer le groupe Bull de
la onzième à la sixième place mondiale des
constructeurs d’ordinateurs.
Mardi 3
CEE
Le Conseil des ministres des Affaires étrangères adopte la directive Télévision sans
frontières qui régit la circulation des images
dans la Communauté. Le texte invite les
Douze à accorder une priorité aux programmes européens, sans toutefois imposer de quotas (13 mars).
FRANCE
Vie parlementaire.
Après douze heures de tractations et trois
tours de scrutin, le Sénat réélit pour la septième fois à sa présidence M. Alain Poher.
Ce dernier, dont la candidature était critiquée au sein même de son groupe, doit son
élection à l’appui du RPR et à la division des
centristes.
BELGIQUE
Terrorisme.
Le président du Comité de coordination
des organisations juives de Belgique, M. Joseph Wybran, est assassiné à Bruxelles. Le
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CHRONOLOGIE
123
5, le groupe clandestin arabe des « Soldats
du droit » revendique l’attentat, comme il
l’avait déjà fait pour l’assassinat, le 29 mars,
du recteur de la mosquée de Bruxelles et de
son bibliothécaire (29 mars).
RDA
Exode.
Le pouvoir autorise à nouveau plus de huit
mille de ses ressortissants, réfugiés dans les
ambassades de RFA à Prague et à Varsovie, à gagner la République fédérale. Dans
la nuit du 4 au 5, des incidents éclatent à
Dresde lorsque de jeunes Allemands de
l’Est tentent de monter dans les « trains de
la liberté » qui traversent la RDA.
PANAMA
Coup d’État.
Une tentative de putsch dirigée contre le
général Manuel Antonio Noriega, « homme
fort » du pays, est déjouée. Mis en cause, les
États-Unis n’auraient apporté qu’une assistance limitée à l’opération.
Mercredi 4
FRANCE
Prisons.
Les surveillants en grève depuis le 27 septembre reprennent le travail après l’envoi de
près de trois cents notifications de révocation. Le dialogue qui s’engage entre les syndicats et le ministère de la Justice aboutit le
16 à la levée des sanctions (27 septembre).
Jeudi 5
Le prix Nobel de la paix est attribué au
dalaï-lama, chef spirituel et symbole nationaliste du Tibet, réfugié en Inde depuis le
mois de mars 1959. Le 7, la Chine qualifie
ce choix d’« ingérence dans les affaires intérieures » du pays.
EUROPE
Finances.
À l’instigation de la Bundesbank qui relève
son taux d’escompte de 5 % à 6 %, la plupart
des banques centrales européennes – imitées le 11 par celle du Japon – augmentent
leurs taux directeurs qui atteignent 9,5 % en
France (+ 0,75 %). Cette décision collective
est la conséquence des engagements de freiner la hausse du dollar, pris le 23 septembre
à Washington par le groupe des Sept.
Vendredi 6
ÉGLISE CATHOLIQUE
Voyage pontifical.
Le pape Jean-Paul II entreprend un périple
de six jours qui le mène en Corée du Sud, en
Indonésie et à l’île Maurice (12).
FRANCE
Justice.
La cour d’assises du Rhône condamne Tahar Aït-Messaoud à dix-huit ans de réclusion criminelle pour avoir commis treize
agressions, dont six viols, contre des jeunes
femmes, durant l’hiver 1986-1987, dans le
quartier de la Croix-Rousse, à Lyon.
RDA
Commémoration.
Invité aux cérémonies du quarantième
anniversaire de la création de l’État est-allemand, M. Mikhaïl Gorbatchev exhorte les
jeunes à la patience et se déclare convaincu
que le régime de Berlin-Est saura répondre
aux préoccupations de ses citoyens « en
coopération avec toutes les forces nationales » (3, 9).
ISRAËL
Conflit.
Sous la pression du Likoud, le gouvernement rejette le plan Moubarak qui prévoyait une rencontre israélo-palestinienne
au Caire en vue de préparer les élections
dans les territoires occupés (18 septembre
et 10 octobre).
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Samedi 7
FRANCE
Partis politiques.
Les députés adoptent en première lecture
le projet de loi relatif au financement des
partis et des campagnes électorales, amputé des articles concernant l’amnistie des
infractions commises en la matière avant le
15 juin 1989.
HONGRIE
La IVe République
Pour la première fois, l’effigie géante de Lénine
ne domine pas les débats du congrès extraordinaire du Parti socialiste ouvrier hongrois (PSOH,
communiste), qui s’ouvre le 6 octobre à Budapest.
Marx non plus n’est pas à la fête. Nepszabadsag,
l’organe du Parti, abandonne le même jour le surtitre « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous »
pour la mention « Quotidien socialiste ». Le 7, à la
majorité de 80 %, les délégués décident de fonder un nouveau parti, le Parti socialiste hongrois
(PSH).
L’enjeu ambigu de ce congrès de rupture consiste
précisément à éviter... une rupture et la dangereuse vacance du pouvoir que celle-ci ne manquerait pas d’entraîner. Il s’agit de faire cohabiter
au sein de la nouvelle formation les réformateurs
« radicaux » conduits par MM. Rezsö Nyers – président du PSOH – et Imre Pozsgay – candidat du
Parti aux présidentielles –, adeptes de l’eurogauche, voire de la social-démocratie, et les réformateurs « centristes » dirigés par MM. Karoly
Grosz – membre de la direction collégiale du
Parti – et Janos Berecz, partisans d’un Parti communiste « renouvelé », dans la lignée du PSOH. La
scission est évitée grâce à un compromis concrétisé le 9 par l’élection de M. Nyers à la présidence
du PSH et par le choix d’une liste de candidats au
présidium, sur laquelle ne figurent ni M. Grosz ni
M. Berecz. Les statuts du nouveau Parti socialiste,
adoptés le même jour, ne font plus référence aux
principes du centralisme démocratique et de la
dictature du prolétariat, bien que le PSH s’affirme
toujours marxiste. M. Mikhaïl Gorbatchev félicite
aussitôt M. Nyers.
Le 18, le Parlement adopte par 333 voix contre 5
et 8 abstentions une série d’amendements qui
réforment profondément la Constitution communiste de 1949, en attendant la nouvelle, prévue
pour l’an prochain. Une loi votée le 19 légalise les
partis d’opposition. Le 20, l’adoption d’une nouvelle loi électorale ouvre la voie aux premières
élections législatives libres et multipartites depuis 1947. La milice ouvrière, bras armé du Parti,
forte de 60 000 hommes, est dissoute.
Le 23, tandis que plusieurs milliers de Hongrois
célèbrent – pour la première fois légalement – le
trente-troisième anniversaire du début du soulè-
vement de Budapest réprimé par l’Armée rouge,
le chef de l’État par intérim, le président du Parlement, Matyas Szurös, proclame la quatrième « République de Hongrie » qui n’est plus « populaire ».
Très émus, les Hongrois n’en restent pas moins
sceptiques. Ils sont peu nombreux à adhérer au
nouveau PSH. Le 31, le Parlement décide qu’ils
choisiront par référendum d’élire leur président
au suffrage universel avant les législatives, ou de
laisser ce soin aux députés qu’ils auront désignés
à cette occasion.
SAHARA OCCIDENTAL
Conflit.
L’offensive menée par le Front Polisario
contre le mur de défense marocain dans la
région de Guelta-Zemmour met un terme
à la relative accalmie observée dans la
« guerre des sables » depuis la réconciliation
algéro-marocaine entamée au mois de mai
1988.
ARGENTINE
Justice.
En application de son programme de « réconciliation nationale », le président Carlos
Menem annonce l’amnistie de 213 militaires poursuivis pour mutinerie ou pour
violation des droits de l’homme sous le régime de la dictature, de 64 guérilleros ainsi
que des trois commandants en chef en poste
durant la guerre des Malouines.
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CHRONOLOGIE
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Dimanche 8
RFA
Musique.
Les musiciens de la Philharmonie de Berlin élisent Claudio Abbado à la tête de leur
orchestre en remplacement d’Herbert von
Karajan, décédé le 16 juillet.
IRAN
Économie.
Le président Hachemi Rafsandjani annonce
une série de réformes destinées à la relance
et à la libéralisation de l’économie. Après
dix ans d’autarcie, les capitaux étrangers
pourront de nouveau s’investir dans le pays
et les entreprises iraniennes emprunter sur
le marché international.
Lundi 9
Le prix Nobel de médecine est attribué aux
chercheurs américains Michael Bishop et
Harold Varmus pour leurs travaux sur les
oncogènes ou gènes du cancer. Le Français
Dominique Stehelin, qui avait eu part aux
premières découvertes, proteste.
FRANCE
Relations internationales
v. Venezuela
Vie parlementaire.
Le rejet de la motion de censure déposée le
5 par le RPR contre le projet de programmation militaire, et boycottée par l’UDF et
l’UDC, illustre la division de l’opposition.
Justice.
Sur la foi d’un nouveau témoignage,
Mme Marie-Élisabeth Cons-Boutboul est
inculpée de complicité dans l’assassinat de
son gendre Jacques Perrot le 27 décembre
1985 (8 juin).
RDA
Manifestations.
À Leipzig, à l’issue de l’office protestant
en l’église Saint-Nicolas auquel assistent
chaque lundi les opposants au régime, plus
de cinquante mille personnes défilent dans
les rues en scandant « Gorby » et « Liberté »
et en réclamant la légalisation du mouvement Nouveau Forum. Pour la première
fois, les forces de l’ordre n’interviennent pas
(6 et 16).
URSS
Politique sociale.
Le Soviet suprême adopte une loi qui reconnaît et réglemente l’usage du droit de grève,
qui est interdit dans de nombreux secteurs
stratégiques. Celui-ci était jusque-là ignoré
par la législation soviétique.
VENEZUELA
Relations internationales.
Après une étape à la Guadeloupe, le président François Mitterrand arrive à Caracas
pour une visite officielle de deux jours au
cours de laquelle il s’entretient avec son
homologue Carlos Andres Perez des problèmes de la dette et de la drogue (12).
Mardi 10
ISRAËL
Territoires occupés
v. États-Unis
Justice.
Militant très populaire du dialogue israélopalestinien, M. Abie Nathan est la première
personne emprisonnée en application de
la loi du mois d’août 1986 interdisant tout
contact entre Israéliens et membres de
l’OLP.
ÉTATS!UNIS
Diplomatie.
Le secrétaire d’État James Baker présente
un plan moins contraignant pour Israël que
celui du président égyptien Hosni Moubarak, en vue de faciliter l’ouverture d’un dialogue israélo-palestinien sur l’organisation
des élections dans les territoires occupés
(6).
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Mercredi 11
Le prix Nobel d’économie est attribué au
Norvégien Trygve Haavelmo, considéré
comme le père de l’économétrie moderne.
ISRAËL
Protection du territoire.
La désertion d’un pilote syrien, qui parvient
à poser son Mig-23 sur un aéroport militaire du nord du pays sans avoir été détecté
par les radars, entraîne un réexamen du
système de défense aérienne israélien.
Jeudi 12
Le prix Nobel de physique est attribué aux
Américains Norman F. Ramsey et Hans
G. Dehmelt et à l’Allemand de l’Ouest Wolfgang Paul pour leurs travaux concernant
le développement de la spectroscopie atomique de précision.
Le prix Nobel de chimie est attribué au
Canadien Sidney Altman et à l’Américain
Thomas Cech pour leur découverte des propriétés catalytiques de l’acide ribonucléique
(ARN).
FRANCE
v. Colombie
SUÈDE
Justice.
Condamné au mois de juillet à la réclusion
à perpétuité pour l’assassinat du Premier
ministre Olof Palme, Christer Pettersson
est acquitté à l’unanimité par la cour d’appel de Stockholm qui juge insuffisantes les
preuves retenues contre lui (27 juillet).
TIMOR
Visite pontificale.
La messe célébrée par Jean-Paul II à Dili,
dans la partie de l’île annexée par l’Indonésie en 1976, est marquée par un vif incident
entre partisans du Front révolutionnaire
pour l’indépendance du Timor oriental
(FRETILIN) et les services de sécurité.
COLOMBIE
Relations internationales.
Au retour de sa visite au Venezuela et en
Équateur, où il a rencontré les 11 et 12 le
président Rodrigo Borja, M. François Mitterrand effectue une escale improvisée à
Bogota. Il assure le président Virgilio Barco
de l’appui de la France dans la lutte contre
les narco-trafiquants (9).
Vendredi 13
FRANCE
Meurtre.
Six jours après la disparition, en Gironde,
du général Jean Favreau, ancien gouverneur
militaire de Paris, son corps est retrouvé
dans la Dordogne. Son agresseur présumé,
un auto-stoppeur, est interpellé le 25.
Justice.
La cour d’assises de Paris condamne
Édouard de Faucigny-Lucinge (23 ans) à
huit ans de réclusion criminelle pour vols
avec armes et tentatives d’homicides volontaires sur deux gardiens de la paix, place du
Panthéon, à Paris, le 9 mars 1987. Ses quatre
jeunes complices sont aussi condamnés à
des peines de réclusion.
Informatique.
La rumeur lancée aux Pays-Bas, qui annonçait l’entrée en action, vendredi 13, de virus
programmés pour contaminer le parc de
micro-ordinateurs, ne se vérifie pas.
ÉTATS!UNIS
Mini-krach
Rien de commun entre le « lundi noir » et ce
vendredi 13. Le krach qui ébranle la Bourse de
New York le 13 octobre n’a pas l’ampleur de celui
du 19 octobre 1987. L’indice Dow Jones chute
néanmoins de 190 points, soit 7 %. Avec une progression de 30 % depuis le début de l’année, il
enregistrait encore un nouveau record historique
quelques jours auparavant.
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CHRONOLOGIE
127
Le mini-krach de Wall Street remet à l’heure
les pendules boursières. Il met fin à l’euphorie
artificiellement entretenue sur les principales
places financières depuis plusieurs mois par la
succession d’opérations majeures. Dès l’été dernier, alors que les cours retrouvaient leur niveau
d’avant octobre 1987, les experts s’inquiétaient
de l’inadéquation entre le maintien des grands
déséquilibres financiers mondiaux et l’évolution
optimiste des valeurs.
Aucun fait majeur ne se trouve à l’origine de la
secousse de la Bourse américaine. Le 10, le président de la Réserve fédérale laissait entendre qu’il
était hostile aux actions engagées par le Groupe
des Sept pour faire baisser le dollar et qu’il n’agi-
rait pas sur les taux. Ces déclarations suffisaient
à alerter les opérateurs. Le 13, l’annonce par le
consortium des pilotes et du personnel d’United
Airlines, qui avait offert de racheter la deuxième
compagnie aérienne américaine pour 6,75 milliards de dollars (43 milliards de francs environ),
qu’il n’était pas parvenu à réunir la somme nécessaire, soulevait un vent de panique. Cet échec
ébranlait la confiance déjà fragile des investisseurs dans les « junk bonds », titres à haut risque
et taux d’intérêt élevé, utilisés pour financer les
prises de contrôle d’entreprise. Il laissait présager
des difficultés financières de même ordre pour les
autres OPA en cours. Il n’en fallait pas plus !
Lundi 17, les places asiatiques et européennes
subissent le contrecoup de la secousse enregistrée par la Bourse de New York le vendredi précédent. Malgré le redressement observé les jours
suivants, les marchés restent très « volatils ». La
tourmente boursière révèle une nouvelle fois la
fragilité d’un système financier fondé sur un déséquilibre entre épargne et investissement, et qui
s’entretient de lui-même indépendamment de la
santé des entreprises. Elle prouve parallèlement
la capacité des autorités financières à gérer la
crise et à agir de façon pragmatique en vue de sa
solution. Elle ne présume en rien de la faculté des
spéculateurs à retenir la leçon.
Dimanche 15
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
La libération de sept dirigeants historiques
du Congrès national africain (ANC), dont
Walter Sisulu, proche collaborateur de Nelson Mandela, emprisonné depuis vingt-six
ans, illustre la volonté de dialogue des autorités sud-africaines (29).
Lundi 16
NORVÈGE
Gouvernement.
À la suite des élections législatives du
mois de septembre, le cabinet travailliste
de Mme Gro Harlem Brundtland, qui a
démissionné le 13, cède la place à une
coalition tripartite de centre droit minoritaire dirigée par le conservateur Jan Syze
(11 septembre).
RDA
Manifestations.
À Leipzig, plus de cent mille personnes assistent au rassemblement désormais rituel
du lundi soir en faveur des réformes (9, 18,
23 et 27).
ÉGYPTE!LIBYE
Relations.
Après une longue période de brouille entre
les deux pays, le colonel Mouammar Kadhafi rencontre le président Hosni Moubarak
à Marsa-Matrouh, en Égypte, où il se rend
pour la première fois depuis seize ans. Le
17, les deux hommes poursuivent leurs entretiens à Tobrouk, en Libye. Les relations
diplomatiques entre les deux pays, rompues
en 1977, ne sont cependant pas rétablies.
Mardi 17
MONACO
Ventes.
Lors de la dispersion chez Sotheby’s de la
collection d’imprimés et de manuscrits
français appartenant au bibliophile américain Bradley Martin, un exemplaire des
Fleurs du mal, de Charles Baudelaire, illustré par Courbet, est adjugé 250 000 F. La BidownloadModeText.vue.download 129 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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bliothèque nationale exerce alors son droit
de préemption sur six ouvrages.
URSS
Psychiatrie.
À la suite de l’aveu par le délégué soviétique
de l’usage de traitements psychiatriques
à des fins politiques dans le passé, l’Association mondiale de psychiatrie réunie en
congrès à Athènes accepte la réintégration
de l’URSS dans ses rangs à la condition de
pouvoir opérer sur place une vérification
de l’arrêt de ces pratiques.
ÉTATS!UNIS
« J’ai survécu »
Pendant quinze secondes, ce 17 octobre, à 17 h
04 (heure locale), la terre tremble sous les pieds
des 4 millions d’habitants de la baie de San Francisco. C’est la troisième secousse depuis le début
de l’année. Mais celle-ci est d’une autre ampleur
que les deux précédentes. Elle atteint une magnitude de 7,1 sur l’échelle de Richter, équivalente
à celle du séisme qui a ravagé l’Arménie, le 7 décembre 1988.
Située dans l’une des zones du monde les plus
sujettes aux tremblements de terre en raison de
l’activité de la faille de San Andréas qui la traverse, la région de San Francisco est prête à subir
le pire depuis le séisme destructeur du 18 avril
1906. Aussi les réactions sont-elles rapides et efficaces. L’organisation des secours est parfaite, les
communications, l’électricité et le gaz sont rétablis en quelques dizaines d’heures, la discipline
et la solidarité des habitants sont exemplaires.
Aucune panique n’est à déplorer. Mais, surtout,
les réglementations particulières en matière
d’urbanisme font une fois de plus la preuve de
leur utilité. Aucune des hautes tours dominant le
centre des affaires n’est endommagée. Le fameux
Golden Gâte, qui date de 1937, est intact. Seuls
certains immeubles victoriens du vieux quartier
de la Marina s’écroulent, causant quelques victimes et entraînant de rares incendies dus à des
fuites de gaz.
C’est à Oakland que le drame se joue. Le double
tablier du Bay Bridge et la chaussée supérieure de
l’autoroute urbaine 880 qui le prolonge – point
faible du dispositif antisismique – s’effondrent.
Des dizaines de voitures sont écrasées sous des
tonnes d’acier et de béton. Il faudra plusieurs
jours pour dégager les corps de leurs occupants.
Fondées sur le trafic routier habituel à cette heure
de la journée, les premières estimations sont élevées. Par chance, beaucoup d’habitants avaient
regagné plus tôt leur domicile pour assister à la
retransmission d’un match de championnat de
base-bail opposant... San Francisco à Oakland.
Le bilan s’établit finalement à soixante-douze
morts, dont cinquante automobilistes. Le coût
matériel du séisme, intégrant les frais de reconstruction et la baisse de productivité, s’élève à près
de 10 milliards de dollars (65 milliards de francs
environ). Mais les affaires reprennent vite le dessus. Quelques heures à peine après le séisme, des
tee-shirts portant l’inscription « J’ai survécu au
tremblement de terre » étaient en vente sur les
trottoirs de San Francisco.
Mercredi 18
RDA
Vie politique.
À l’issue de la réunion du comité central
du SED (communiste), M. Erich Honecker
annonce qu’il abandonne ses fonctions en
raison de son « état de santé ». Il est remplacé au poste de secrétaire général du Parti
par M. Egon Krenz, considéré comme son
dauphin. Celui-ci évoque la nécessité de réformes tout en insistant sur le rôle dirigeant
du SED (16, 23 et 24).
ÉTATS!UNIS
Espace.
Lancée de cap Canaveral (Floride), la navette Atlantis met sur orbite la sonde Galileo chargée d’une mission d’exploration de
l’atmosphère de Jupiter qu’elle atteindra au
mois de juillet 1995.
SALVADOR
Conflit.
L’absence d’accord entre les représentants
du gouvernement et de la guérilla du Front
Farabundo Marti (FMLN) consacre l’échec
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CHRONOLOGIE
129
des négociations qui se sont déroulées durant trois jours à San José (Costa Rica) (31).
Jeudi 19
Le prix Nobel de littérature est attribué au
poète et romancier espagnol Camilo José
Cela.
FRANCE
Peinture.
Au Centre Georges-Pompidou s’ouvre une
rétrospective de l’oeuvre du peintre néerlandais Bram Van Velde, synthèse originale de
l’expressionnisme et du cubisme. Méconnu
de son vivant, celui-ci est mort en 1981 à
Paris, où il vivait depuis 1924.
GRANDE!BRETAGNE
Justice.
La cour d’appel de Londres reconnaît l’innocence et ordonne la libération de trois Irlandais du Nord et d’une Anglaise condamnés
il y a près de quinze ans pour deux attentats
à la bombe meurtriers contre des soldats
britanniques.
URSS
Presse.
Après avoir fustigé l’« irresponsabilité »
de certains journaux réformateurs, le 13,
M. Mikhaïl Gorbatchev obtient le départ
du rédacteur en chef conservateur de la
Pravda, M. Victor Afanassiev.
Vendredi 20
ENVIRONNEMENT
Faune.
Réunis à Lausanne depuis le 9, les pays signataires de la Convention de 1973 sur le
commerce international des espèces menacées décident par 76 voix contre 11 d’interdire le commerce de l’ivoire (5 juin, 18 juillet et 17 août).
FRANCE
Souveraineté.
Statuant sur les requêtes déposées après les
élections européennes du 18 juin, le Conseil
d’État inverse sa jurisprudence en acceptant de faire prévaloir un traité sur une loi
postérieure.
Conflits sociaux
Le gâchis
La vie sociale française entre dans l’ère des
conflits de l’après-crise. Il devient en effet difficile,
pour le patron d’une entreprise privée comme
pour le gouvernement, de faire comprendre à ses
salariés la nécessité de maintenir une rigueur de
gestion alors que la crise s’éloigne. Cette période
de convalescence de l’économie française appelle
un nouveau type de relations sociales auquel ni
le secteur privé ni le secteur public ne semblent
préparés. Les agents des Finances, qui reprennent
lentement le travail à partir du 20 octobre, tout
comme les salariés de Peugeot, qui interrompent
le 23 leur mouvement de grève, estiment n’avoir
pas été vraiment entendus.
Le 15 septembre, la grève déclenchée le 5 à l’usine
Peugeot de Mulhouse et le 8 à celle de Sochaux,
se durcit après les déclarations du P-DG de PSA
qui nie toute « dégradation du climat social » dans
son groupe. Les grévistes, dont les moins payés
gagnent 5 000 F par mois, réclament des augmentations de 500 à 1 500 francs mensuels. Appelé à
engager le dialogue, M. Jacques Calvet refuse de
céder. Le 25, la première lettre de licenciement
parvient à Mulhouse. Le 27, la publication par le
Canard enchaîné de la feuille d’impôts du patron
de Peugeot apprend à ses salariés que celui-ci
gagne 180 000 F environ par mois. Le 5 octobre, le
gouvernement nomme un médiateur, M. Francis
Blanchard. Le 13, celui-ci obtient l’évacuation de
l’atelier de forge de Mulhouse contre la levée des
sanctions et l’ouverture de négociations. Ces dernières aboutissent le 20 au relèvement de 400 F
des salaires mensuels les plus bas et à la revalorisation de l’intéressement.
Le 15 septembre, le conflit engagé au début du
mois de juin par les agents des Impôts au sujet
des traitements et des effectifs – mais qui traduit
un malaise plus profond – s’étend au Trésor et
aux douanes après le frein mis par Matignon aux
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
130
propositions du ministère des Finances. Rudement interpellé par les parlementaires socialistes,
le gouvernement manie la carotte et le bâton.
Alors que M. Michel Rocard se veut apaisant en
déclarant, le 4 octobre, que « le climat social
reste plutôt moins nerveux qu’on veut bien le
dire », les agents des Finances qui menaçaient, le
14, de paralyser la paye des fonctionnaires, sont
sévèrement mis en demeure d’y renoncer. Au
lendemain de la manifestation nationale du 19,
M. Bérégovoy, qui affirme être allé « au-delà du
possible », propose une revalorisation des indemnités aboutissant à un bonus mensuel de 315 F,
auxquels s’ajoute la « prime de croissance » de
1 200 F que doivent recevoir tous les salariés de
la fonction publique. L’augmentation des crédits
de fonctionnement et des emplois nouveaux sont
en outre promis.
Peugeot a « perdu » 50 000 véhicules. Les entreprises, les particuliers et l’État lui-même ont
lourdement pâti de la paralysie des services des
Finances.
URSS
Finances.
Cinq banques occidentales, dont le Crédit
Lyonnais, et trois banques soviétiques annoncent la création de l’International Moscow Bank (IMB), société anonyme au capital de 100 millions de roubles (150 millions
de dollars au cours officiel), fonctionnant
selon les règles de l’économie de marché.
Samedi 21
ANTARCTIQUE
Exploitation.
La quinzième réunion des pays signataires
du traité sur l’Antarctique, qui se tient à Paris depuis le 9, s’achève par l’adoption d’une
résolution franco-australienne prévoyant
de consacrer une réunion spéciale à la protection de l’environnement du continent,
en 1990.
FRANCE
Culture.
Durant le week-end, les nombreuses manifestations de la première fête de la lecture,
organisée par le ministère de la Culture et
baptisée la Fureur de lire, connaissent un
grand succès.
ÉTATS!UNIS
Avortement.
Le président George Bush oppose son veto
à la loi adoptée par le Congrès, qui prévoyait le remboursement sur fonds publics
des interruptions de grossesse en cas de viol
ou d’inceste.
HONDURAS
Accident aérien.
Un Boeing 727 de la compagnie hondurienne Sahsa, qui tentait un atterrissage de
fortune, s’écrase près de Tegucigalpa. Il y a
131 victimes et 15 rescapés.
Dimanche 22
COMMONWEALTH
Le sommet des pays de l’ancien empire britannique réuni depuis le 18 à Kuala Lumpur (Malaisie) appelle au renforcement des
sanctions économiques envers l’Afrique du
Sud, contre l’avis de la Grande-Bretagne.
FRANCE
Sociétés.
En acquérant 13 % du capital du Nuovo
Banco Ambrosiano pour 1,3 milliard de
francs, le Crédit agricole devient le principal actionnaire de cette future première
banque privée italienne et réalise ainsi sa
première opération d’envergure à l’étranger.
PAYS!BAS
Violence.
Dans le stade d’Amsterdam, deux bombes
de fabrication artisanale lancées par des
hooligans blessent quatorze spectateurs
du match de football Ajax-Feyenoord
Rotterdam.
LIBAN
Conflit.
Après trois semaines de discussions, les
députés libanais réunis à Taëf (Arabie
Saoudite) adoptent un document d’« endownloadModeText.vue.download 132 sur 509
CHRONOLOGIE
131
tente nationale » qui modifie l’équilibre
institutionnel au bénéfice des musulmans et
consacre la présence syrienne dans le pays
pour au moins deux ans. Le général chrétien Michel Aoun rejette aussitôt l’accord
(30 septembre).
SPORT
Automobile.
La disqualification d’Ayrton Senna lors
du Grand Prix du Japon – avant-dernière
épreuve de la saison – permet à Alain Prost
de remporter virtuellement son troisième
titre de champion du monde de formule 1
et met fin au duel des deux pilotes de
McLaren.
Lundi 23
FRANCE
Vie parlementaire.
L’abstention des communistes et des barristes fait échouer la motion de censure déposée par les groupes RPR, UDF et UDC
contre la première partie du projet de budget 1990.
Sociétés.
La Compagnie financière Paribas lance une
OPA sur le capital de la Compagnie de navigation mixte dont elle détient déjà 18,7 %
achetés en Bourse. Le 26, la Mixte rejette
l’offre.
RDA
Manifestations.
Trois cent mille personnes dans les rues de
Leipzig et plusieurs milliers dans d’autres
villes du pays réclament la suppression des
entraves à la libre circulation des personnes
hors des frontières et expriment leur méfiance envers M. Egon Krenz (18 et 24).
URSS
Politique étrangère.
Devant le Soviet suprême, M. Édouard
Chevardnadze critique l’ancienne direction du pays pour avoir notamment décidé
l’intervention en Afghanistan. Il propose
d’autre part la liquidation respective, d’ici
l’an 2000, de toutes les bases et de toute présence militaire américaine ou soviétique à
l’étranger. Le 25, l’OTAN rejette cette offre.
Mardi 24
RDA
Vie politique.
Le Parlement élit M. Egon Krenz président
du Conseil d’État, organe suprême de l’exécutif. Fait remarquable, sur 500 députés,
26 votent contre et 26 s’abstiennent (18, 23,
27 et 30).
URSS
Institutions.
Passant outre aux objections de M. Mikhaïl
Gorbatchev, le Soviet suprême se prononce
en faveur de l’élection au suffrage universel
direct des présidents des différentes républiques de l’Union.
ÉTATS!UNIS
Justice.
Reconnu coupable d’avoir détourné 3 des
158 millions de dollars recueillis par l’intermédiaire de son ministère télévisé, le
« télévangéliste » Jim Bakker est condamné
à 45 ans de réclusion et 500 000 dollars
d’amende.
Mercredi 25
CEE
M. François Mitterrand déclare devant le
Parlement européen de Strasbourg que la
construction de l’Europe politique constitue
la seule réponse aux événements en cours
dans les pays de l’Est. Il soutient qu’une
contribution commune des Douze devrait
leur être accordée.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
132
FRANCE
Politique étrangère.
Le gouvernement annonce l’octroi d’une
aide globale à la Pologne de près de 4 milliards de francs.
Outre-mer.
Le Conseil des ministres adopte le projet de
loi qui complète l’amnistie partielle prévue
par le référendum du 6 novembre 1988 en
l’étendant aux crimes de sang.
POLOGNE
v. France
URSS
Monnaie.
La banque d’État s’engage sur la voie de la
dévaluation et de la convertibilité du rouble
en décidant de relever, à partir du 1er novembre, le taux de change réservé aux touristes jusqu’à un niveau proche de celui du
marché noir.
NOUVELLE!CALÉDONIE
v. France
Jeudi 26
ONU
Scandale.
Le Suisse Jean-Pierre Hocké, haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés,
est contraint à la démission par le secrétaire
général de l’ONU, pour son utilisation discutable des fonds du HCR.
FRANCE
Corse.
Prenant le contrepied du rapport Prada, le
comité interministériel sur la Corse dirigé
par M. Pierre Joxe préconise le maintien
des mesures dérogatoires et reconnaît la spécificité de l’île (12 septembre).
Sociétés.
En décidant d’apporter au Crédit Lyonnais
80 % du capital de sa filiale financière en
trois ans en échange de 14 % de celui de la
banque, le groupe Thomson-CSF illustre
une stratégie inédite dans le secteur public.
Académie française.
Élue le 24 novembre 1988 au fauteuil d’André Roussin, l’helléniste Jacqueline de Romilly est reçue sous la coupole par M. Alain
Peyrefitte. Elle est la deuxième femme,
après Marguerite Yourcenar, à devenir
« immortelle ».
FINLANDE
Relations internationales.
En visite à Helsinki depuis le 25, M. Mikhaïl
Gorbatchev reconnaît officiellement la neutralité du pays.
GRANDE!BRETAGNE
Gouvernement.
Le chancelier de l’Échiquier, M. Nigel Lawson, remet sa démission en raison du désaccord qui l’oppose au conseiller économique
personnel de Mme Margaret Thatcher, sir
Alan Walters.
Vendredi 27
FRANCE
Justice.
La cour d’assises des Pyrénées-Orientales
condamne Roger Knobelspiess à neuf ans de
réclusion criminelle pour sa participation à
un vol à main armée à Thuir, le 6 avril 1987.
RDA
Justice.
Les autorités décrètent une amnistie pour
tous les émigrants et les manifestants illégaux. Les rassemblements en faveur de la
libéralisation du régime deviennent quotidiens (16, 18, 23, 24 et 30).
AMÉRIQUE
Relations internationales.
Seize États sont représentés au « sommet des
Amériques » qui se tient à San José jusqu’au
28 à l’occasion du centième anniversaire de
la République du Costa Rica. Le Canada annonce sa volonté d’adhérer à l’Organisation
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CHRONOLOGIE
133
des États d’Amérique (OEA). L’isolement
diplomatique du Nicaragua s’accentue.
Samedi 28
ESPACE
La fusée européenne Ariane 4 place sur orbite Intelsat VI, le plus gros satellite civil de
communication jamais construit (2 560 kg),
capable de transmettre simultanément
120 000 conversations téléphoniques.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Manifestation.
À Prague, la police anti-émeutes disperse
plusieurs milliers de manifestants qui célébraient au cri de « Liberté » le 71e anniversaire de la création de la République et qui
réclamaient l’organisation d’élections libres
(17 novembre).
Dimanche 29
ESPAGNE
Élections législatives.
Les premiers résultats accordent 176 sièges
sur 350 (-8), au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui conserve de justesse la majorité absolue aux Cortes. La coalition de
la Gauche unie (IU), conduite par le Parti
communiste, passe de 7 à 17 sièges.
ALGÉRIE
Catastrophe naturelle.
La région située entre Alger, Blida et Cherchell est éprouvée par deux secousses sismiques successives, de magnitude 5,7 et 4,5
sur l’échelle de Richter, qui entraînent la
mort de trente personnes.
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
Dans le stade de Soweto, où se sont réunies
soixante mille personnes, les dirigeants
historiques du Congrès national africain
(ANC) récemment libérés président le premier rassemblement autorisé de leur mouvement depuis son interdiction en 1960
(15).
ARTS
David
L’année du bicentenaire de la Révolution française ne pouvait s’achever sans un hommage à
celui qui fut, plus qu’un acteur et un témoin, l’un
des plus talentueux metteurs en scène de cette
période. Les 29 et 31 octobre s’ouvrent au musée
du Louvre et au château de Versailles deux riches
expositions des oeuvres de Jacques-Louis David.
Candidat malheureux au concours du prix de
Rome, converti à l’antique par adhésion au goût
Louis XVI, David se trouve, au gré de la conjoncture de 1789, en accord avec une jeune Révolution qui exalte la Vertu et le Héros, et qu’il s’empresse d’épouser. Député jacobin à la Convention
et régicide, il pourvoit largement la guillotine
en tant que membre zélé du Comité de sûreté
générale. Nommé à la commission du Muséum, il
combat les pouvoirs artistiques qui l’ont rejeté et
déclare : « Seul, je vaux une Académie ». Lui qui,
la veille, avait promis à Robespierre de boire avec
lui la ciguë, échappe au 9-Thermidor parce qu’il
choisit ce jour-là pour se purger ! Rallié à Bonaparte auquel il reste fidèle jusqu’aux Cent Jours,
il est exilé sous la Restauration pour avoir voté la
mort du roi.
Peintre officiel de la République puis de l’Empire,
David voit son art transfiguré par l’Histoire. Académique et ennuyeux quand il peint le Serment
des Horaces en 1784, pompier et mièvre lorsqu’il
réalise Mars désarmé par Vénus et les Grâces en
1824, il donne ses plus belles oeuvres dans le tumulte du tournant du siècle. L’Histoire court parfois même plus vite que son pinceau et nombre
de ses tableaux restent inachevés parce qu’ils
sont dépassés par les événements.
Théâtral, il met en scène le Serment du Jeu de
paume ou le Couronnement de l’Empereur, comme
il le fait du défilé lors de la fête de l’Être suprême,
en serviteur d’une idéologie, programmant les
sourires des figurants de la même façon qu’il
fixe sur la toile ceux de ses personnages. Plus
intimiste, il sait également représenter la mort,
comme celle de Marat. Il laisse enfin des portraits
à l’autorité saisissante, ceux de Louise Pastoret, de
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Prieur de la Marne, de Madame Récamier ou bien,
plus inspirés encore, des autoportraits au modernisme étonnant.
Tour à tour néoclassique, révolutionnaire et pompier, David apparaît encore, en 1989, comme ce
« composé singulier de réalisme et d’idéal » que
voyait en lui Delacroix, son héritier attentif.
Lundi 30
FRANCE
Immigration.
Mis en demeure de ne pas interrompre le
fonctionnement normal du service scolaire,
le maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) décide de ne pas donner suite aux mesures qu’il avait annoncées le 4 à rencontre
de deux directrices d’écoles maternelles qui
avaient inscrit des enfants d’immigrés malgré son interdiction.
RDA
Manifestations.
Près d’un demi-million d’Allemands de l’Est
défilent dans les rues de Leipzig et d’autres
grandes villes du pays, en réclamant des
réformes démocratiques (23, 27).
URSS
Manifestations.
À Moscou, un millier de personnes se rassemblent autour de la prison de la Liubianka, siège du KGB, à l’occasion d’une « Journée des prisonniers politiques » organisée
par le mouvement Mémorial.
CAMBODGE
Conflit.
Les autorités rétablissent le couvre-feu à
Phnom Penh alors que les offensives de la
guérilla des Khmers rouges menacent Battambang, principale ville de l’ouest du pays.
Mardi 31
FRANCE
Presse.
Malgré la décision des employés en grève
de reprendre le travail, M. Robert Maxwell
décide la fermeture de l’Agence centrale
de presse (ACP) dont il est l’actionnaire
principal.
ISRAËL
Conflit.
L’armée lève le blocus imposé depuis le
21 septembre à la localité cisjordanienne de
Beit-Sahour. Ses habitants, qui observent la
grève des impôts, étaient l’objet de saisies
systématiques.
TURQUIE
Élection présidentielle.
Premier ministre depuis 1983, M. Turgut
Ozal est élu président de la République par
le Parlement ; les députés de l’opposition
boycottent le scrutin.
JAPON
v. États-Unis
ÉTATS!UNIS
Sociétés.
Mitsubishi Estate, premier groupe immobilier japonais, prend le contrôle de 51 % du
capital du Rockefeller Group qui gère quatorze immeubles de bureaux de New York,
dont le célèbre Rockefeller Center.
SALVADOR
Conflit.
Un attentat à la voiture piégée dirigé contre
la Fédération nationale des travailleurs
salvadoriens (FENASTRAS) provoque la
mort de dix personnes, dont sept dirigeants
du syndicat, réputé proche de la guérilla du
Front Farabundo Marti (FMLN) (18).
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CHRONOLOGIE
135
Le mois de
Jacqueline de Romilly
Le mois d’octobre 1989 aura marqué dans ma
vie, puisqu’il a été celui de mon entrée à l’Académie française et de ma réception sous la Coupole.
Dans la mesure où, après Marguerite Yourcenar, il
n’y avait pas eu d’autre femme dans cette compagnie, ce fut aussi une occasion marquant l’assouplissement heureux d’une tradition séculaire.
Mais, même dans les joies et les obligations de
cette réception, je ne pouvais pas ignorer que,
non loin de nous, le monde, bougeait, avec
une force et selon un rythme rarement atteints
jusqu’alors.
On avait vu d’abord les événements de Chine.
Mais voici qu’au cours de l’été, puis de l’automne,
les mouvements se rapprochèrent et éclatèrent
un peu partout, comme d’énormes bulles qui
viendraient soulever une substance pesante.
Dans beaucoup de cas, ces mouvements entraînèrent des changements considérables. Après
la Pologne, on vit les manifestations de Leipzig
et de Dresde, qui augmentaient chaque jour en
importance. On vit des « trains de la liberté »
passer le rideau de fer, des Allemands de l’Est
franchir les anciens barrages par la Hongrie ou
la Tchécoslovaquie. On vit, en quelques jours, la
Hongrie changer soudain son régime, son parti
communiste se saborder, et l’étoile rouge dispa-
raître des monuments publics. Sans que le même
succès s’ensuivît, on vit, même à Prague, les gens
descendre dans la rue. Et l’on vit, sur la fin, des
troubles se manifester jusqu’en Bulgarie. Tous ces
mouvements, partout, se faisaient au nom de la
liberté.
Il n’est pas question de commenter ici l’aspect
proprement politique de ces événements, ou de
s’interroger sur les résultats à venir. Mais quand
on s’est, comme moi, occupé, à propos de la Grèce
antique, de l’idée de liberté, on ne peut pas ne pas
saluer, comme une révélation, la leçon morale de
ces « révolutions d’octobre ».
Elles prouvent à l’évidence la force et le dynamisme de cette idée. Elles montrent le lien étroit
qui, dans le monde moderne comme dans le
monde grec ancien, unit de façon toute naturelle
l’indépendance nationale et la liberté démocratique. Elles attestent surtout que cette idée de liberté peut surgir, s’épanouir et s’imposer – même
dans des pays où elle a été, pendant de longues
années, écartée de toute forme d’enseignement,
de propagande, ou même d’information.
Les Grecs d’autrefois ont défini et exalté la liberté ; plus près de nous, les instigateurs des Droits
de l’homme ont posé et proclamé des principes ;
mais, dans le silence, de façon latente, obstinée,
irréductible, comme une braise sous la cendre,
cette aspiration à la liberté est là, en tous. Telle
est, je crois, l’étonnante mais indiscutable leçon
de l’événement d’octobre.
JACQUELINE DE ROMILLY
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
136
Novembre
Mercredi 1er
LIBAN
Terrorisme.
L’assassinat du diplomate saoudien Ali
Marzouq à Beyrouth-Ouest est aussitôt revendiqué par le Djihad islamique.
Cette organisation proche de l’Iran avait
promis de venger les seize chiites exécutés à La Mecque au mois de septembre
(21 septembre).
NICARAGUA
Conflit.
À la suite de la reprise des attaques de la
Contra, le gouvernement annonce la suspension du cessez-le-feu unilatéral prévu par
les accords de Sapoa du 23 mars 1988. Les
États-Unis et l’opposition dénoncent la
menace que cette décision fait peser sur les
élections générales prévues pour le mois de
février 1990.
Jeudi 2
EUROPE
Culture.
M. Jack Lang réunit pendant deux jours
au château de Blois (Loir-et-Cher) les ministres de la Culture des Douze ainsi que diverses personnalités intellectuelles des pays
de l’Est, pour une rencontre « informelle ».
Les participants abordent les thèmes de la
libre circulation des biens culturels et de la
propriété littéraire et artistique. Ils se prononcent en faveur de la tenue d’assises européennes de la presse écrite en 1990.
GRANDE!BRETAGNE
Sociétés.
Le conseil d’administration de la firme automobile Jaguar accepte l’OPA de 1,6 milliard de livres (16 milliards de francs environ) présentée par la société américaine
Ford, à laquelle General Motors a finalement renoncé à s’opposer.
PAYS!BAS
Gouvernement.
À la suite des élections législatives du
6 septembre, les partis chrétien-démocrate
(CDA) et socialiste (PVDA) parviennent à
un accord sur le programme d’un gouvernement de coalition de centre-gauche dirigé par le Premier ministre sortant, M. Ruud
Lubbers. Celui-ci prête serment le 7. Le
socialiste Wim Kok devient vice-Premier
ministre.
URSS
Perestroïka.
Une émission de télévision en direct est organisée pour permettre aux téléspectateurs
de poser pour la première fois des questions à des officiers du KGB.
YOUGOSLAVIE
Nationalités.
À Pristina, capitale du Kosovo, un affrontement armé oppose pendant plusieurs
heures des manifestants de souche albanaise aux forces antiémeutes appuyées par
des blindés. Le bilan officiel est de deux
morts.
Vendredi 3
FRANCE!RFA
Relations.
Interrogé, à l’issue du 54e sommet francoallemand, qui se tenait à Bonn depuis la
veille, sur la position de la France au sujet
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CHRONOLOGIE
137
de la réunification des deux Allemagnes,
le président François Mitterrand déclare :
« Ce qui compte, c’est la détermination du
peuple allemand. » Le chancelier Helmut
Kohl affirme de son côté : « Les problèmes
allemands ne peuvent être résolus que sous
un toit européen. »
BULGARIE
Manifestation.
Pour la première fois depuis l’instauration
du régime socialiste, cinq mille personnes
peuvent défiler librement dans les rues de
Sofia aux cris de « démocratie » et de « glasnost » (10).
ÉTATS!UNIS
Ventes.
Chez Sotheby’s, à New York, la vente de la
collection de mobilier XVIIIe et XIXe siècle
appartenant à l’homme d’affaires américain
Roberto Polo, poursuivi pour détournement
de fonds, atteint un montant de 9 millions
de dollars (56,7 millions de francs), soit
plus du double de l’estimation. Une console
Louis XVI est adjugée 1,32 million de dollars (8,3 millions de francs).
Samedi 4
FRANCE
Société
Le fichu.
À l’automne, la France a brusquement redécouvert ses immigrés musulmans. Il a suffi
d’un conflit local – le port d’un foulard islamique par trois adolescentes dans un collège de Creil (Oise) – pour déclencher un
débat national. Sur la laïcité d’abord, puis
sur l’intégration des immigrés et de leurs
enfants.
L’objet du délit prêtait lui-même à controverse. Voile ? Foulard ? Tchador ? Hidjeb ?
Comment désigner ce fichu, apparu dans
certains pays arabes à la fin des années 70,
couvrant les cheveux, les oreilles et le cou,
pour ne laisser voir que l’ovale du visage ? Il
s’agissait, en tout cas, d’un signe religieux.
Or, les signes religieux – à moins d’être discrets – sont interdits à l’école publique.
Dans un premier temps, le ministère de
l’Éducation nationale tenta de favoriser un
compromis entre le principal du collège de
Creil et les familles. Mais l’accord fut très
vite remis en question, sous l’influence de
groupes islamistes, de mouvements antiracistes et des médias. Il apparaissait que le
foulard n’était que la partie émergée d’un
débat plus vaste, portant sur les droits
des élèves musulmans dans les écoles de
la République : pouvait-on, par exemple,
dispenser ceux qui le demandaient de certaines matières (comme la gymnastique)
jugées contraires à leur religion ?
Interrogé par les députés de l’opposition,
le ministre de l’Éducation nationale, Lionel Jospin, adopta, le 25 octobre, une position moyenne. Selon lui, il ne fallait « venir
à l’école avec aucun signe » religieux. Si
une élève insistait pour porter le foulard
islamique, un dialogue devait être engagé.
Mais, si la famille refusait de céder, il fallait
alors admettre l’intéressée avec son foulard
car « l’école ne peut exclure ».
Dans la polémique qui suivit, toutes les
cartes étaient brouillées. La droite se po-
sait en défenseur de la laïcité, tandis que
la gauche, divisée, se partageait entre partisans de la tolérance et partisans de la
fermeté.
Le gouvernement décida alors, le 4 novembre, de saisir le Conseil d’État. Dans l’attente de cet avis, la polémique allait s’élargir
à toute la question de l’immigration, sous
la pression de forces contradictoires : l’opposition parlementaire qui trouvait là un
moyen de mettre le gouvernement en difficulté ; le Front national qui croyait voir
triompher ses thèses sur « l’islamisation de
la France » ; les défenseurs des immigrés
qui réclamaient des mesures pour l’intégration ; les Français qui, pour la première fois,
osaient dire à haute voix leurs sentiments ;
les médias enfin qui donnaient à tout cela
une très forte résonance...
L’avis rendu le 27 novembre par le Conseil
d’État allait ressembler à un retour à la case
départ : le port de signes religieux « n’est
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
138
pas, par lui-même, incompatible avec la
laïcité de l’école publique », mais diverses
raisons autorisent un établissement scolaire
à l’interdire (si les signes religieux constituent un acte de pression, de provocation,
de prosélytisme ou de propagande », s’ils
portent atteinte « à la dignité ou à la liberté de l’élève », s’ils « troublent l’ordre dans
l’établissement », etc.). En clair, il appartient à chaque école de définir son propre
règlement, en se fondant sur ces principes
généraux.
Conséquence politique immédiate : la victoire d’une candidate du Front national,
Marie-France Stirbois, à l’élection législative partielle de Dreux, le 3 décembre.
L’extrême droite a retrouvé ainsi une place
au Parlement.
Pressé de divers côtés, le gouvernement de
Michel Rocard a mis en place un dispositif
pour favoriser l’intégration des immigrés :
un comité interministériel, un secrétaire
général, pour coordonner l’action des administrations, et un conseil de « sages ». Le
premier effort du gouvernement a porté sur
le contrôle des flux migratoires, en annonçant une lutte plus active contre les tra-
vailleurs clandestins et un traitement plus
rapide des demandes d’asile.
Trois foulards dans un collège de Creil...
Malgré de gros dégâts, cette affaire aura au
moins permis de redéfinir le modèle français d’intégration qui, selon Michel Rocard,
consiste à intégrer des personnes et non à
faire de la France « une juxtaposition de
communautés ».
Dimanche 5
GRÈCE
Élections législatives.
Pas plus que celui du mois de juin, le nouveau scrutin ne permet de dégager une
majorité stable au Parlement (Vouli). La
Nouvelle Démocratie (conservateur) et le
PASOK (socialiste) obtiennent respectivement 148 (+ 3) et 128 (+ 3) sièges sur
300. La Coalition de la gauche et du progrès conduite par le Parti communiste ne
conserve que 21 députés (– 7) [18 juin et
21 novembre].
ISRAËL
Conflit.
Le gouvernement accepte avec réserves le
plan de dialogue israélo-palestinien proposé par le secrétaire d’État américain James
Baker au mois d’octobre (10 octobre).
LIBAN
Élection présidentielle.
Le Parlement, réuni à la base militaire de
Qlaiaat, dans le nord du pays, élit le député
chrétien René Moawad à la présidence de la
République, vacante depuis le 22 septembre
1988, date de l’expiration du mandat d’Aminé Gemayel. Le général chrétien Michel
Aoun, qui avait proclamé la dissolution du
Parlement la veille, déclare cette élection
« anticonstitutionnelle » (22).
THAÏLANDE
Catastrophe naturelle.
Le bilan officiel du passage du typhon Gay,
qui a ravagé durant plusieurs jours le sud
du pays, s’élève à 437 morts et des centaines
de disparus, principalement en mer où la
tempête a provoqué le naufrage d’un navire
américain de prospection gazière, le 3.
MUSIQUE
Accord final
Il appartenait à la légende musicale du siècle.
Son génie très personnel en faisait l’interprète
le plus admiré et le plus controversé de l’histoire
du piano après Franz Liszt. Après 85 ou peut-être
86 ans d’une vie de triomphes et d’éclipsés, Vladimir Horowitz est mort à New York, le 5 novembre.
Né près de Kiev, en Russie, dans une famille de
musiciens, le jeune Volodya Gorowitz – son véritable nom – est mis à l’école de la grande tradition pianistique de son pays à l’âge de six ans.
Célèbre dès sa sortie du conservatoire en 1922, il
joue quelque temps dans les salles glaciales des
lendemains de révolution avant d’obtenir un visa
de sortie de six mois pour suivre les cours d’Arthur
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CHRONOLOGIE
139
Schnabel à Berlin, en 1925. Il ne reviendra dans
son pays que soixante et un ans plus tard.
Il conquiert tour à tour l’Allemagne, la France,
l’Europe et les États-Unis par la puissance et la
virtuosité de son jeu. Un véritable don du ciel
aidé par un poignet d’acier lui confère la capacité
de caresser ou de frapper le clavier sans jamais
briser le son. Ravel et Rachmaninov le félicitent.
Confronté à lui en 1931, Arthur Rubinstein se
retire de la scène pendant six ans, pour se mettre
à niveau. En 1932, Horowitz interprète – et enregistre – la fameuse Sonate en si mineur de Liszt. La
même année, il fait la connaissance de Toscanini
dont il épouse la fille Wanda en 1933. Scarlatti,
Liszt, les Russes : son répertoire ignore alors quasiment les Français, le XXe siècle, Schumann.
Sa vie conjugale tumultueuse ajoutée à la tension
d’un travail sans répit compromettent bientôt
une santé et un psychisme délicats. De 1935 à
1937, il connaît la première éclipse de sa carrière.
Il disparaît à nouveau complètement de la scène
entre 1953 et 1965. Malade, déprimé, dégoûté, il
enregistre chez lui Clementi, Scriabine, Beethoven et s’ouvre à Schumann. Dernière parenthèse
entre 1969 et 1974.
Mais ce génie qui se fait rare renaît à chaque
fois pour mettre le monde à ses pieds. Le dandy
ombrageux redevient alors le bon vivant ravi de
sa propre gloire, au visage pétillant de malice
souligné par l’éternel noeud papillon. Retrouvant
Carnegie Hall au mois de mai 1965, il entame son
récital par la plus émouvante fausse note de l’histoire du piano I Son dernier retour est celui qu’il
entreprend en Europe, après tant d’années de
bouderie. Il est à Londres en 1982, à Paris en 1985,
à Moscou en 1986, à Vienne en 1987. Enfin libéré
de sa névrose d’échec, il ne cesse jusqu’à la fin de
découvrir de nouveaux pans du répertoire.
Mardi 7
ONU
Le Conseil de sécurité approuve à l’unanimité la création du Groupe des observateurs
des Nations unies en Amérique centrale
(ONUCA), en application des accords de
San José et de Tela conclus en février et en
août par les cinq chefs d’État de la région.
Cette force de paix sera chargée de veiller à ce qu’aucun armement ne parvienne
à la Contra nicaraguayenne (14 février et
7 août).
FRANCE
Corse.
Un attentat contre deux immeubles de
vacances en construction près de PortoVecchio, revendiqué le 16 par l’ex-FLNC,
marque la fin de la trêve observée par les
nationalistes depuis le mois de juin 1988.
Privatisations.
Selon le rapport de la commission d’enquête
parlementaire présidée par M. Raymond
Douyère, député PS, la sous-estimation du
prix de vente des sociétés privatisées par le
gouvernement de M. Jacques Chirac aurait
fait perdre à l’État entre 8,3 et 19,6 milliards
de francs.
URSS
Commémoration.
À Moscou, le traditionnel défilé militaire
organisé sur la place Rouge en l’honneur de
la Révolution d’octobre est beaucoup plus
modeste que de coutume. Des contre-manifestations nationalistes ont lieu à travers
le pays.
ÉTATS!UNIS
Élections locales.
Pour la première fois, un Noir, M. David
Dinkins (démocrate), est élu maire de New
York. En Virginie, M. Douglas Wilder (démocrate) devient le premier gouverneur
noir d’un État de l’Union.
Mercredi 8
RDA
Vie politique.
Sous la pression de la rue et au lendemain de
la démission du gouvernement de M. Willi
Stoph, Premier ministre depuis 1964, le bureau politique du parti communiste (SED)
est l’objet d’un profond remaniement dès
l’ouverture des travaux du comité central.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
140
JORDANIE
Élections législatives.
Les résultats du premier scrutin organisé
depuis 22 ans accordent 31 sièges sur 80
à des élus islamistes, dont 20 aux Frères
musulmans. Les partisans du régime
obtiennent 47 sièges et des proches du
FPLP et du FDLP, organisations palestiniennes, 2.
Jeudi 9
FRANCE
Concurrence.
La cour d’appel de Paris confirme la décision rendue le 25 avril par le Conseil de la
concurrence et des prix en condamnant des
compagnies pétrolières et des distributeurs et
revendeurs de carburants à des sanctions
pécuniaires pour « entente illicite sur les
prix » en Corse.
GRANDE!BRETAGNE
Énergie.
Le nouveau ministre, M. John Wakeham,
revient sur la politique de privatisation de
l’électricité prévue pour 1990 en annonçant
le maintien dans le giron de l’État, faute
d’acquéreur, des centrales nucléaires existantes, ainsi que le gel pour cinq ans du
programme de construction de nouvelles
unités.
RDA
v. Allemagne
La fin du mur
Le 9 novembre, les petits groupes de Berlinois
de l’Est qui stationnent peu avant minuit aux
abords des points de passage à travers le mur
sont sceptiques. Quelques heures plus tôt, les
autorités est-allemandes ont annoncé que la
libre circulation entre les deux Allemagnes serait
rétablie à partir du lendemain, zéro heure, sur
simple présentation d’un visa délivré dans les
commissariats.
À l’heure dite, les barrières se lèvent. Commence
alors la plus longue nuit d’allégresse qu’ait jamais
connue Berlin. Des milliers d’« Ostler » franchissent le mur en produisant leur carte d’identité, document toléré pendant quelques heures.
Chaleureusement accueillis par les « Westler »,
ils arpentent comme dans un rêve le Kurfurstendamm au milieu des vivats, avant de rentrer sagement chez eux.
Depuis le début de l’année, 225 000 Allemands
de l’Est sont passés à l’Ouest. À partir du 1er novembre, ils pouvaient à nouveau franchir la frontière tchécoslovaque, fermée depuis le 3 octobre,
et ne s’en privaient pas. La volonté de réformes
affichée à Berlin-Est ne pouvait s’accommoder
plus longtemps d’un exode que les changements
en cours avaient à peine ralenti. L’ouverture des
frontières s’imposait. Le mur ne servait déjà plus
à rien.
C’était en partie pour enrayer la fuite des Allemands de RDA depuis 1949 qu’avait été prise
la décision d’isoler les secteurs occidentaux de
Berlin, en pleine guerre froide. Le 13 août 1961, à
l’aube, commençait à se dresser sous les yeux des
Berlinois impuissants une barrière de fil barbelé
et de parpaings qui allait devenir le « mur de la
honte » à l’Ouest et le « mur de la paix » à l’Est. En
vingt-huit ans, soixante-dix-neuf personnes sont
mortes pour avoir tenté de le franchir clandestinement. Des milliers d’autres y sont parvenues malgré les miradors, les patrouilles de « Vopos », les
systèmes d’alarme et, jusqu’en 1987, les champs
de mines et les dispositifs de tirs automatiques.
Samedi 11 novembre, au petit matin, des bulldozers pratiquent les premières brèches dans le
mur en prévision de l’afflux de visiteurs. Quatre
millions de visas sont délivrés par la police est-al-
lemande, dont 700 000 rien qu’à Berlin-Est. Pendant deux jours, ces « Ostler » à qui sont offerts
100 marks de bienvenue font du lèche-vitrine
et visitent gratuitement les musées. Dimanche
12, les maires de Berlin-Ouest et de Berlin-Est,
MM. Walter Momper et Erhard Krach, échangent
une poignée de main au passage réouvert de la
Potsdamer Platz. S’il n’est pas supprimé, l’exode
massif est toutefois ralenti. Certains Allemands de
l’Est réfugiés à l’Ouest décident même de rentrer
chez eux.
« La question allemande reste ouverte aussi
longtemps que la porte de Brandebourg est
fermée », disait récemment M. Richard von Weizsëcker, chef de l’État ouest-allemand. Mais la
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CHRONOLOGIE
141
porte de Brandebourg, symbole trop évident
d’une Allemagne unie et conquérante, est restée
fermée. Preuve que la chute du mur, loin de régler la question allemande, la pose avec encore
plus d’acuité.
TURQUIE
Gouvernement.
Le nouveau chef de l’État, M. Turgut Ozal,
nomme M. Yildirim Akbulut pour lui succéder au poste de Premier ministre.
CHINE
Vie politique.
Âgé de 85 ans, M. Deng Xiaoping annonce
sa démission de ses dernières fonctions officielles de président de la commission militaire du Parti communiste. Il n’en demeure
pas moins l’« éminence grise » du régime.
Vendredi 10
FRANCE
Sociétés.
La fusion de Rémy-Martin et de Cointreau
donne naissance au troisième groupe français du secteur des vins et spiritueux, avec
un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards de
francs.
Musique.
Au Théâtre musical de Paris-Châtelet est
donnée la première d’une série de représentations de l’opéra de Beethoven, Fidelio,
mis en scène par Giorgio Strehler et dirigé
par Lorin Maazel.
BULGARIE
Vie politique.
Au cours d’une réunion du comité central,
M. Todor Jivkov, au pouvoir depuis 1954,
annonce sa démission de ses fonctions à la
tête du parti communiste et de l’État. Il est
remplacé au secrétariat général du parti par
M. Petar Mladenov, ministre des Affaires
étrangères depuis 1971, qui promet des réformes « dans le cadre du socialisme » (16).
RDA
Vie politique.
À l’issue de son plénum, le comité central
du parti communiste (SED) se prononce en
faveur d’élections libres (17).
URSS
Nationalités.
À Kichinev, capitale de la République de
Moldavie, de violents affrontements opposent les forces de l’ordre à des partisans
du Front populaire moldave qui réclament
la libération de militants nationalistes
emprisonnés et la démission des autorités
locales. On dénombre 129 blessés. Le 15, le
premier secrétaire du Parti en Moldavie est
destitué.
Samedi 11
FRANCE
Protocole.
Les représentants de l’Académie française
boycottent les cérémonies commémoratives du 11 novembre afin de protester
contre la rétrogradation de leur institution dans la hiérarchie de la République
(13 septembre).
NAMIBIE
Élections législatives.
Étape du processus d’accession à l’indépen-
dance, le scrutin pour la désignation des députés à l’Assemblée constituante se déroule
dans le calme depuis le 7. Avec 57,32 % des
suffrages et 41 des 72 sièges, l’Organisation
du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO)
n’atteint pas la majorité des deux tiers qui
lui aurait permis d’élaborer seule la Constitution (22).
Lundi 13
FRANCE
Conflits sociaux.
Fermé depuis six semaines en raison de la
grève des employés chargés du nettoyage, le
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Centre Georges-Pompidou rouvre ses portes
au public.
Musique.
À la Maison de la culture de Bobigny, le
metteur en scène américain Peter Sellars
présente un Don Giovanni de Mozart transposé dans le quartier new-yorkais de Harlem, qui suscite de nombreuses polémiques.
Mardi 14
FRANCE
Justice.
Inculpé de coups et blessures volontaires le
8 mars 1988 pour avoir effectué une expérimentation sur un sujet en état de coma
dépassé dans le cadre du procès des anesthésistes du CHU de Poitiers, le professeur
Alain Milhaud bénéficie d’un non-lieu.
Cinéma
v. États-Unis
POLOGNE
Relations internationales.
Le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl
achève une visite officielle de cinq jours à
Varsovie. Les Polonais font des concessions sur le statut de la minorité alle-
mande de Haute-Silésie. La RFA accepte
de remettre une large part de la dette polonaise et promet une aide de 3 milliards de
deutschemarks (10,2 milliards de francs
environ). La déclaration finale n’aborde
pas la question de la reconnaissance définitive de la ligne Oder-Neisse réclamée par
la Pologne.
RFA
v. Pologne
ÉTATS!UNIS
Culture.
À Sarasota (Floride), se tient jusqu’au 19 le
premier Festival annuel du cinéma français,
dont l’ambition est de devenir le pendant du
Festival du cinéma américain de Deauville.
Mercredi 15
CONSEIL DE L’EUROPE
La Hongrie est le premier pays de l’Est à déposer officiellement sa demande d’adhésion
à l’organisation qui regroupe les vingt-trois
pays d’Europe occidentale.
FRANCE
Société.
Le secrétaire d’État, Mme Michèle André,
organise jusqu’au 5 décembre une campagne nationale de sensibilisation au problème des femmes battues.
HONGRIE
v. Conseil de l’Europe
ÉTATS!UNIS
Relations internationales.
En visite à Washington depuis le 13,
M. Lech Walesa s’adresse au Congrès réuni
en séance exceptionnelle, pour appeler les
Américains à « investir dans la liberté, la
démocratie et la paix ».
Jeudi 16
BULGARIE
Vie politique.
Le comité central du Parti communiste
exclut de son bureau politique plusieurs
conservateurs proches de M. Todor Jivkov,
qui sont remplacés par des réformateurs
(18).
AFRIQUE DU SUD
Apartheid.
Le président Frederick De Klerk annonce
l’abolition de la ségrégation raciale sur les
plages.
Vendredi 17
FRANCE
Justice.
À la suite d’une plainte déposée par plusieurs de ses adversaires politiques,
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CHRONOLOGIE
143
M. Jacques Médecin, maire de Nice, est inculpé de délit d’ingérence. Il lui est reproché
d’être le propriétaire d’une société éditrice
d’un mensuel en partie financé par les publicités d’associations subventionnées par
la mairie de Nice.
Société.
Le personnel RATP de la ligne de métro numéro 9 (Pont-de-Sèvres – Mairie-de-Montreuil) observe une journée de grève afin de
protester contre l’insécurité provoquée par
l’activité des revendeurs de drogue.
Musique.
À Paris, un concert donné salle Pleyel dans
le cadre du Festival d’automne permet
d’entendre la nouvelle oeuvre d’Olivier Messiaen, la Ville d’en haut, et la version définitive de Visage nuptial, de Pierre Boulez.
RDA
Vie politique.
Le nouveau Premier ministre Hans Modrow présente un gouvernement de coalition composé de dix-sept communistes et
de onze membres des quatre formations
associées au SED au sein du Bloc national. Il annonce des réformes en matière de
libertés publiques et d’économie et propose
de renégocier le traité qui lie les deux Allemagnes (20).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Manifestation.
À Prague, le jour de l’anniversaire du soulèvement antinazi de 1939, les forces antiémeutes se livrent à la répression brutale d’un
rassemblement de plusieurs dizaines de
milliers de personnes, principalement des
étudiants, en faveur de la liberté et la démocratie (19).
Samedi 18
CEE
Les chefs d’État ou de gouvernement de
la Communauté se réunissent à l’Élysée
sur l’invitation du président François Mitterrand afin de dégager une position commune au sujet de l’évolution dans les pays
socialistes. Ils affirment leur solidarité avec
les réformes entreprises et évoquent le projet d’une banque européenne pour le développement et la modernisation de l’Europe
de l’Est.
FRANCE
Presse.
Le conseil d’administration de l’Agence centrale de presse (ACP) annonce son dépôt de
bilan. Le 23, un administrateur judiciaire
est nommé pour tenter de trouver un remplaçant à M. Robert Maxwell, détenteur de
66,8 % du capital avant son désengagement
(31 octobre).
BULGARIE
Manifestations.
À Sofia a lieu un rassemblement autorisé
de cinquante mille personnes en faveur de
l’accélération des réformes. Mais, le 20, le
bureau politique émet une mise en garde
envers ceux qui avancent des « revendications extrémistes » en « contradiction avec
la Constitution » (16).
ÉTATS!UNIS
Défense.
Dans une interview au Washington Post,
le ministre Richard Cheney préconise une
réduction de son budget en raison de la
« diminution de la menace militaire des
pays du pacte de Varsovie ».
Dimanche 19
ÉGLISE CATHOLIQUE
Traditionalistes.
Au Bourget, vingt mille personnes environ et plusieurs centaines de prêtres et de
séminaristes se rassemblent pour fêter les
soixante ans de sacerdoce de Mgr Lefebvre.
FRANCE
Viniculture.
Une hausse moyenne de 96,74 % par rapport à 1988 du prix des vins blancs – contre
13,51 % pour celui des vins rouges – est endownloadModeText.vue.download 145 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
144
registrée lors de la vente aux enchères des
productions des Hospices de Beaune.
Littérature.
Présenté comme un antiprix Goncourt,
le premier prix Novembre, dont le jury est
présidé par l’écrivain et critique Angelo
Rinaldi, est attribué à Guy Dupré pour son
roman les Manoeuvres d’automne (Olivier
Orban).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Opposition.
Les représentants de douze mouvements
indépendants réunis dans un théâtre de
Prague constituent, sur l’initiative de l’écrivain et dramaturge Vaclav Havel, un Forum
civique qui propose aux autorités l’ouverture de négociations (24).
SPORT
Tennis.
Au Madison Square Garden de New York,
l’Allemande de l’Ouest Steffi Graf remporte
le tournoi féminin des Masters en battant
l’Américaine Martina Navratilova (6-4, 7-5,
2-6, 6-2).
Lundi 20
ONU
L’Assemblée générale adopte à l’unanimité
la Convention internationale sur les droits
de l’enfant. Ce texte complète et actualise la
déclaration de 1959.
FRANCE
Vie parlementaire.
Le projet de loi de finances pour 1990 est
considéré comme approuvé par l’Assemblée
nationale en première lecture après le rejet
de la motion de censure déposée par l’opposition à la suite de l’engagement de responsabilité du gouvernement.
Affaires.
Après la levée par M. Pierre Joxe du secretdéfense imposé à ce dossier, le directeur de
la DST révèle que c’est bien le ministre de
l’Intérieur de l’époque, M. Charles Pasqua,
qui a ordonné la délivrance d’un « vraifaux » passeport à M. Yves Chalier, impliqué en 1986 dans l’affaire du Carrefour du
développement.
Prisons.
Le ministre de la Justice, M. Pierre Arpaillange, annonce une série de mesures
destinées à améliorer les conditions de détention des mineurs après la révélation, la
veille, des « viols et sévices répétés » subis
par un adolescent de dix-sept ans placé en
détention provisoire à la prison de Boisd’Arcy (Yvélines).
Industrie.
Le gouvernement donne son accord à la
fermeture en 1992 de l’usine Renault de
Billancourt, à Boulogne (Hauts-de-Seine).
Construite dans l’île Seguin en 1925, celleci emploie encore 4 000 personnes qui bénéficieront d’un plan social.
Littérature.
Le prix Goncourt est attribué à Jean Vautrin
pour Un grand pas vers le Bon Dieu (Gras-
set). Philippe Doumenc reçoit le prix Renaudot pour les Comptoirs du Sud (Seuil).
ESPAGNE
Terrorisme.
Alors que la coalition séparatiste basque
Herri Batasuna, proche de l’ETA militaire,
avait décidé, le 7, de mettre un terme au
boycottage des travaux du Parlement, deux
de ses députés sont victimes d’un attentat à
Madrid. L’un d’eux, Josu Muguruza, est tué.
RDA
Manifestations.
À Leipzig, une foule de deux cent mille personnes scande des slogans en faveur de la
réunification de l’Allemagne (27).
ROUMANIE
Vie politique.
Le quatorzième congrès du Parti communiste réuni à Bucarest est l’objet d’un boycottage de la part des partis frères hongrois,
italien, autrichien et finlandais ainsi que
des diplomates occidentaux. Le PCF est
en revanche représenté. Le 24, M. Nicolae
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CHRONOLOGIE
145
Ceausescu, qui condamne les changements
en cours à l’Est, est réélu à l’unanimité au
poste de secrétaire général.
Mardi 21
FRANCE
Art.
Au Centre Georges-Pompidou, à Paris,
est inaugurée l’exposition des nombreuses
donations faites au Musée national d’art
moderne par le collectionneur et marchand
d’art Daniel Cordier.
GRÈCE
Gouvernement.
À la suite des élections législatives du 5,
la Nouvelle Démocratie (conservateur), le
PASOK (socialiste) et la coalition de gauche
conduite par le Parti communiste aboutissent à un accord sur la formation d’un
gouvernement provisoire d’union nationale
dirigé par M. Xénophon Zolotas, ancien
gouverneur de la Banque de Grèce.
Mercredi 22
LIBAN
Attentat.
À Beyrouth-Ouest, le nouveau président
René Moawad est tué par l’explosion d’une
bombe au passage de sa voiture le jour
anniversaire de l’indépendance du pays.
L’attentat cause en outre la mort de vingtquatre personnes (5 et 24).
NAMIBIE
Conflit.
Le départ des derniers soldats sud-africains
marque la fin d’une occupation du pays
entamée en 1915.
ÉTATS!UNIS
Euthanasie.
La Cour suprême de Géorgie autorise un
tétraplégique de trente-trois ans à faire débrancher l’appareil qui le maintenait artificiellement en vie depuis quatre ans.
SALVADOR
Offensive nationale
Dans cette Amérique centrale constamment
en proie aux rébellions, il est courant que les
négociations entre gouvernements et guérillas
alternent avec des affrontements armés. Meurtri
par dix ans d’une guerre civile qui a déjà fait plus
de 70 000 morts, le Salvador en donne au mois de
novembre une parfaite illustration.
Le 2 novembre, deux jours après l’attentat meurtrier contre le siège du syndicat FENASTRAS à
San Salvador, le Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) annonçait la suspension
des pourparlers engagés au mois de septembre,
à Mexico, avec les représentants du régime du
président d’extrême droite Alfredo Cristiani. Le
11, il lance une « offensive nationale » dont le but
avoué est de contraindre les autorités à négocier
sur des bases qui lui soient plus favorables. Le
12, le président Cristiani proclame l’état de siège.
Doté de moyens considérables grâce à l’appui des
Sandinistes et des Cubains, le FMLN consolide ses
positions, notamment dans les quartiers nord de
la capitale, où viennent se briser les contre-offensives de l’armée. Celle-ci décide alors de bombarder les cités populaires où sont retranchés les
rebelles.
Le 14, surpris par son propre succès, le FMLN
change de stratégie. Il déclare une grande partie du pays « territoire libéré » et affirme vouloir
renverser le gouvernement. Les jours suivants,
les combats redoublent de violence alors que la
population se montre toujours plus réticente à
l’égard de la rébellion.
Le 16, six jésuites sont assassinés dans la capitale.
Parmi eux se trouve le père Ignacio Ellacuria, recteur de l’Université d’Amérique centrale. Proches
des milieux d’extrême gauche, ces tenants de la
« théologie de la libération » étaient honnis par
l’Alliance républicaine nationaliste (ARENA) au
pouvoir, dont les Escadrons de la mort constituent le bras armé. La responsabilité de ces derniers est unanimement mise en cause. Le président Cristiani assiste aux obsèques aux côtés du
principal dirigeant de l’opposition.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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À partir du 19, les rebelles commencent à se
replier. Le 21, ils investissent l’hôtel Sheraton. Ce
n’est qu’un baroud d’honneur. Le 22, le FMLN demande un cessez-le-feu immédiat garanti par les
Nations unies – que les autorités refusent aussitôt
– et n’exclut pas la reprise des négociations.
Jeudi 23
URSS
Institutions.
Le Parti communiste de Leningrad se prononce en faveur d’une loi introduisant le
principe du multipartisme.
Vendredi 24
TCHÉCOSLOVAQUIE
Vie politique.
À l’issue du plénum extraordinaire du
comité central du Parti communiste, est
annoncée la démission en bloc du bureau
politique, dont sont exclus les responsables
de la répression du « printemps de Prague »
de 1968. M. Milos Jakes est remplacé par
M. Karel Urbanek au poste de secrétaire
général. Des milliers de personnes manifestent leur joie dans les rues de la capitale
où elles avaient applaudi, le même jour, la
déclaration de M. Alexandre Dubcek, secrétaire général du Parti en 1968, en faveur
d’un « socialisme réformé » (27).
LIBAN
Élection présidentielle.
Le Parlement réuni sous protection syrienne à Chtaura, dans le centre du pays,
élit le député maronite Elias Hraoui à la
présidence de la République (22, 25).
Samedi 25
LIBAN
Gouvernement.
Nommé Premier ministre le 24 par le nouveau président, le sunnite Selim Hoss présente un gouvernement d’union nationale
paritaire qui est investi par le Parlement le
26. Les nouvelles autorités sont récusées
par le général chrétien Michel Aoun (24,
28).
Dimanche 26
HONGRIE
Institutions.
Première consultation libre dans un pays de
l’Est, le référendum sur la date de l’élection
présidentielle n’attire que 58,03 % de participants. 50,07 % des votants choisissent
le report du scrutin présidentiel après les
législatives prévues au printemps 1990.
SUISSE
Défense.
Un référendum d’initiative populaire réclamant la suppression de l’armée recueille
35,6 % de « oui » et 64,4 % de « non ».
INDE
Élections législatives.
Les résultats du scrutin ouvert depuis le
22 illustrent la sévère défaite du parti du
Congrès du Premier ministre Rajiv Gandhi,
qui perd 222 des 415 sièges qu’il détenait au
parlement (545 députés). Le Bharatiya Janata Party (BJP), formation hindouiste de
droite, fait une percée inattendue en remportant 88 sièges. Le Front national conduit
par le Janata Dal de M. V.P. Singh obtient
145 sièges et les deux partis communistes
44.
COMORES
Troubles.
Autorisé, le 5, par référendum constitutionnel à se présenter pour un troisième mandat, le président Ahmed Abdallah est assassiné dans des circonstances obscures. La
Garde présidentielle dirigée par le mercenaire français Bob Denard prend le contrôle
de l’archipel (15 décembre).
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CHRONOLOGIE
147
HONDURAS
Élections générales.
Le candidat du Parti national (conservateur), M. Rafael Callejas, est élu président de
la République en remplacement de M. José
Azcona, du Parti libéral, au pouvoir depuis
1981. Il doit prendre ses fonctions le 27 janvier 1990.
URUGUAY
Élections générales.
Le candidat du Parti blanco, M. Luis Lacalle, est élu président de la République. Il
succède à M. Julio Sanguinetti, du Parti colorado, également conservateur, au pouvoir
depuis 1985. Il doit prendre ses fonctions le
1er mars 1990. M. Tabaré Vasquez, socialiste
marxiste, est élu maire de Montevideo.
Lundi 27
CEE!URSS
Relations.
La Communauté et l’Union soviétique
concluent un accord de commerce et de
coopération.
FRANCE
Littérature.
Le prix Femina est attribué à Sylvie Germain pour Jours de colère (Gallimard).
Serge Doubrovsky reçoit le prix Médicis
pour le Livre brisé (Grasset).
RDA
Manifestations.
À Leipzig, des affrontements verbaux opposent partisans et adversaires de la réunification au cours de l’habituel rassemblement
du lundi (20).
TCHÉCOSLOVAQUIE
Manifestations.
Le mot d’ordre de grève générale de deux
heures lancé par l’opposition regroupée au
sein du Forum civique est massivement
suivi (19 et 28).
COLOMBIE
Terrorisme.
L’explosion en vol d’un Boeing-727 de la
compagnie nationale Avianca cause la mort
de cent sept personnes. L’attentat est revendiqué par un groupe de narco-trafiquants.
Mardi 28
OPEP
La conférence ordinaire des Treize aboutit
au relèvement du plafond de production de
20,5 à 22 millions de barils par jour et à une
répartition des quotas prenant en compte
les capacités d’extraction de chacun.
FRANCE
Justice.
La cour d’assises de Haute-Savoie
condamne à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté maximale de trente ans Pascal Le Gac, meurtrier
d’une vieille dame et d’un jeune homme
en 1988. C’est la première fois qu’une telle
peine est prononcée.
RFA!RDA
Relations interallemandes.
Le chancelier Helmut Kohl présente au
Bundestag un plan de rapprochement avec
la RDA susceptible de conduire par étapes
à la réunification des deux Allemagnes.
Celui-ci est bien accueilli en RFA mais critiqué à l’Est comme à l’Ouest.
ROUMANIE
Dissidents.
La jeune gymnaste Nadia Comaneci, vedette des jeux Olympiques de 1976, quitte
clandestinement son pays. Après avoir
transité par la Hongrie, elle se réfugie aux
États-Unis le 1er décembre.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
148
TCHÉCOSLOVAQUIE
Vie politique.
À l’issue de négociations entre les représentants du Forum civique et le Premier ministre démissionnaire Ladislav Adamec, ce
dernier s’engage à former un gouvernement
de coalition (29).
URSS
Nationalités.
Le Soviet suprême approuve la suppression du comité spécial chargé, le 12 janvier,
de l’administration directe du Haut-Karabakh, région autonome de la République
d’Azerbaïdjan revendiquée par l’Arménie.
Cette décision suscite un brusque regain
de tension à Bakou comme à Erevan
(12 janvier).
LIBAN
Conflit.
Le Premier ministre Selim Hoss annonce
le limogeage du général chrétien Michel
Aoun de ses fonctions de commandant en
chef de l’armée. Des milliers de partisans
de ce dernier se rassemblent alors autour
du palais présidentiel de Baabda qu’il occupe, après la menace brandie par le nouveau président Elias Hraoui d’attaquer le
bâtiment (25, 29).
Mercredi 29
TCHÉCOSLOVAQUIE
Institutions.
Le Parlement procède à une modification
de la Constitution aboutissant à l’abolition
du rôle dirigeant du Parti communiste.
LIBAN
Solidarité.
Vingt-neuf parlementaires français de l’opposition se rendent à Beyrouth, en secteur
chrétien, afin d’apporter leur soutien au
général Michel Aoun (28).
Jeudi 30
FRANCE
Violence.
À Lyon, quatre vigiles sont inculpés et
écroués pour avoir assassiné un vagabond
d’origine nord-africaine, le 24, et en avoir
torturé un autre, le 15.
Ventes.
À la salle Drouot-Montaigne, à Paris, les
Noces de Pierrette de Picasso, (1905), sont
adjugées 300 millions de francs à un industriel japonais. Le 9, le ministère de la
Culture avait autorisé le tableau à sortir de
France en échange de la cession, par son
vendeur, d’une autre toile de Picasso, la Célestine (1904), aux musées de France.
FRANCE!RFA
Armement.
Les sociétés Aérospatiale et Messerschmidt-Bolkow-Blohm (MBB) signent
un contrat de développement d’un montant de 1,885 milliard de deutschemarks
(6,41 milliards de francs environ) relatif au
projet d’un hélicoptère de combat commun
aux armées des deux pays.
ITALIE
Relations internationales.
En visite officielle à Rome depuis la veille,
M. Mikhaïl Gorbatchev plaide en faveur
du respect des équilibres Est-Ouest en
Europe et propose la réunion des trentecinq membres de la CSCE dès 1990
(1er décembre).
RFA
Terrorisme.
M. Alfred Herrhausen, le président de la
Deutsche Bank, la plus grosse banque privée allemande, est assassiné à Bad-Hombourg, près de Francfort, dans un attentat à
la bombe revendiqué par la Fraction armée
rouge (RAF).
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CHRONOLOGIE
149
URSS
v. Italie
Le mois de
René Depestre
Le jeudi 9 novembre, comme chez tout un chacun en Europe et dans le monde, le chien de la
liberté s’est mis à frétiller d’allégresse à ma porte.
Le voici tout chaud d’une course de soixantedouze ans sous les tempêtes de neige que la
Révolution d’Octobre 1917 en Russie a tramées
contre les droits de l’homme.
Les révolutions du siècle n’ont changé ni le monde
ni la vie. Aucune la russe, la chinoise, la cubaine)
n’a su écouter la parole des poètes. Aucune n’a
proposé l’oxygène d’un style de vie qui eût agrandi jusqu’aux étoiles l’espace d’émerveillement
de l’homme par l’homme. Érigée en personne
mythique de l’Histoire, chacune s’est acharnée à
faire rentrer par la fenêtre la terreur qui avait pris
la porte.
Edgar Quinet l’a bien vu : « Par la terreur, les
hommes nouveaux redeviennent subitement, à
leur insu, des hommes anciens. » L’État ouvrier
et paysan a élevé des murs d’ignominie entre les
humains et leur rêve sans fin d’émancipation.
À Moscou, Varsovie, Budapest, Berlin, Prague,
Pékin, Hanoi, La Havane, les hommes anciens du
communisme doivent reculer aujourd’hui devant
l’impétuosité des forces juvéniles de la liberté. Au
carrefour des systèmes sociaux l’idéal des droits
de l’homme et de la souveraineté populaire a fini
par former à l’horizon de tous un fonds universel
d’expériences et de valeurs qui est le trésor indivis
du genre humain.
Ce destin commun est en train de transcender la
dynamique des conflits qui risquaient de mettre
fin à l’histoire des sociétés. L’Occident démocratique a les garde-fous qu’il faut contre les dogmes
de proie et les intégrismes sans foi ni loi. Ce novembre qui rêve annonce le naufrage des faux
prophètes de la raison et des bricoleurs du sacré.
Les feux fraternels n’ont plus de mur à franchir.
L’imaginaire de l’État, quand il n’est pas l’otage
du sacré et de son ersatz totalitaire, parvient à
renouveler l’art de vivre en société que les homo
sapiens, faber, ludens, eroticus ont la joie de rafraîchir sans cesse aux acquis individuels et collectifs
de la condition humaine.
Les progrès de la vérité – comme ceux du novembre berlinois soudain éclairé de la chute de
son rideau de béton et de fer – débordent les
Allemagnes et l’Europe. Ni de l’Est ou de l’Ouest,
ni du Nord ou du Sud, ils mesurent le degré de
tendresse et de maturité auquel il est donné au
vingtième siècle de parvenir dans sa remontée à
la justice et à la liberté.
Mesdames Thatcher, Aquino, Bhutto ; messieurs
Bush, Gorbatchev, Mitterrand, Kohl, Gonzalez,
Kaifu, Moubarak, Shamir, Gandhi, Boigny, Andrès,
Pérez de Cuellar, Mayor, aidez la famille humaine
à dresser l’inventaire des choses belles et principales de l’existence. Appelez-la à tenter à sa limite
une percée jamais vue de la solidarité contre
l’accumulation des malheurs et des iniquités. Ne
manquons pas le songe de cet unique mois de
novembre de la vie ! Il y va de l’honneur de l’espèce que les Nations unies réussissent quelque
chose d’impossible pour que le monde se constitue en libre et joyeuse humanité !
RENÉ DEPESTRE
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
150
Décembre
Vendredi 1er
RDA
Institutions.
Le Parlement se prononce en faveur de
l’abolition du rôle dirigeant du parti communiste (SED) (3).
URSS
v. Vatican
VATICAN
Diplomatie.
En visite officielle en Italie, M. Mikhaïl Gorbatchev est le premier dirigeant soviétique à
rencontrer le pape. Les deux hommes s’entretiennent de la liberté religieuse en URSS,
du prochain rétablissement des relations
diplomatiques entre les deux États et de la
visite de Jean-Paul II à Moscou.
INDE
Vie politique.
À la suite des élections législatives du
mois de novembre, le parti du Congrès
ayant renoncé à former le gouvernement, M. Vishwanath Pratap Singh (Janata
Dal), chef de la coalition du Front national, est désigné comme Premier ministre
(26 novembre).
PHILIPPINES
Vie politique.
La sixième tentative de coup d’État, depuis
l’arrivée au pouvoir de Mme Corazon
Aquino en 1986, est mise en échec grâce
à l’appui de l’aviation américaine. Les derniers rebelles regagnent leurs casernes le 9.
ALGÉRIE
Vie politique.
Le congrès extraordinaire du FLN, qui se
tient depuis le 28 novembre à Alger, est
marqué par un retour en force des partisans de l’ancien président Houari Boumediene (25).
Samedi 2
EST!OUEST
Sommet.
À Malte, la première rencontre entre
MM. George Bush et Mikhaïl Gorbatchev a lieu à bord du paquebot soviétique
Maxime-Gorki. Le président américain
affirme son soutien à son homologue soviétique et annonce son intention d’intégrer
l’URSS à la communauté internationale.
Les deux hommes saluent le début d’une
« ère nouvelle » dans leurs relations.
Dimanche 3
FRANCE
Élection législative.
La victoire de Mme Marie-France Stirbois,
qui obtient 61,30 % des voix au second tour
du scrutin partiel organisé dans la circonscription de Dreux (Eure-et-Loir), permet
au Front national de retrouver un siège à
l’Assemblée.
RDA
Vie politique.
À la suite de révélations relatives à des abus
de pouvoir dont auraient bénéficié les dirigeants du parti communiste (SED) sous le
régime de M. Erich Honecker, le comité
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CHRONOLOGIE
151
central et le bureau politique du parti annoncent leur dissolution (6).
SPORT
Tennis.
Au Madison Square Garden de New York,
le Suédois Stefan Edberg bat l’Allemand de
l’Ouest Boris Becker en finale du tournoi
des Masters (4-6, 7-6, 6-3, 6-1).
Lundi 4
PACTE DE VARSOVIE
La réunion d’information convoquée à
Moscou par M. Mikhaïl Gorbatchev au lendemain du sommet de Malte est marquée
par la « condamnation » de l’intervention de
1968 en Tchécoslovaquie par les pays qui y
ont participé.
Mardi 5
FRANCE
Violences policières.
Devant le Quai d’Orsay, au cours d’une manifestation de soutien au général chrétien
libanais Michel Aoun, des parlementaires
de l’opposition ceints de leur écharpe sont
frappés par des CRS.
Transports ferroviaires.
Sur la ligne à grande vitesse entre Courtalain et Tours, le TGV Atlantique atteint
482,4 km/h. Il bat ainsi le record du monde
de vitesse sur rail détenu depuis 1988 par
Tinter City Express (ICE) ouest-allemand,
avec 406,9 km/h.
Littérature.
Le prix Interallié est attribué à Alain Gerber
pour le Verger du diable (Grasset).
RDA
Troubles.
Dans diverses villes du pays, les locaux de la
Sécurité d’État (Stasi) sont pris d’assaut par
des manifestants qui veulent empêcher la
destruction de documents compromettants
pour les anciens dirigeants, dont certains
sont l’objet de procédures judiciaires (7).
IRAK
Espace.
La première fusée de fabrication irakienne,
destinée à placer des satellites sur orbite, est
lancée avec succès de la base d’Al-Anbar.
Mercredi 6
FRANCE
Relations internationales
v. URSS
Immigration.
Le Premier ministre Michel Rocard présente en Conseil des ministres les grandes
orientations d’une politique d’intégration
définie comme « la reconnaissance d’obligation mutuelle ». Sont privilégiés la lutte
contre les faux réfugiés politiques ainsi que
le logement et l’éducation.
Justice.
Auteur à succès de la Bicyclette bleue,
Régine Deforges est condamnée à verser
2 millions de francs de dommages et intérêts pour contrefaçon aux héritiers de Margaret Mitchell, l’auteur d’Autant en emporte
le vent.
RDA
Vie politique.
M. Egon Krenz annonce sa démission de la
présidence du Conseil d’État, organe suprême de l’exécutif dont l’intérim est assuré
par M. Manfred Gerlach (7).
URSS
Relations internationales.
Le président François Mitterrand rencontre
M. Mikhaïl Gorbatchev à Kiev. Il souligne
la priorité du renforcement de la Communauté européenne sur la réunification de
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
152
l’Allemagne et soutient le projet soviétique
de réunion d’un « Helsinki II ».
ÉGYPTE
v. États-Unis
ÉTATS!UNIS
Diplomatie.
Le département d’État juge positive l’acceptation de principe donnée par l’Égypte au
plan de paix au Proche-Orient présenté par
le secrétaire d’État James Baker et déjà approuvé sous réserves par Israël (10 octobre
et 5 novembre).
COLOMBIE
Attentat.
Le siège du Département administratif de
la sécurité (DAS), police politique engagée
dans la lutte contre les narco-trafiquants,
est détruit par une explosion criminelle qui
fait 49 morts et plus de 800 blessés.
Jeudi 7
FRANCE
Partis politiques.
Grâce à l’abstention de la majorité des députés des groupes UDC et UDF, l’Assemblée
nationale adopte un amendement socialiste
au projet de loi relatif au financement des
formations politiques. Cet amendement
prévoit l’amnistie des délits antérieurs au
15 juin 1989, à l’exclusion de ceux dont se
sont rendus responsables les parlementaires et de ceux qui ont permis un enrichissement personnel (22).
RDA
Vie politique.
Les mouvements d’opposition et le parti
communiste, réunis autour d’une table
ronde, décident d’organiser des élections
libres le 6 mai 1990 (9).
URSS
Institutions.
Les Soviets suprêmes des Républiques
baltes de Lituanie et d’Estonie se prononcent en faveur de l’abolition du rôle dirigeant du parti communiste inscrit dans
leurs Constitutions respectives (25).
Vendredi 8
BULGARIE
Vie politique.
Le plénum du Comité central du parti communiste procède à l’exclusion de M. Todor
Jivkov de ses rangs ainsi qu’à un profond
remaniement du bureau politique (11).
URSS
Politique extérieure.
Le gouvernement rend publique une déclaration demandant l’arrêt de toute livraison
d’armes aux mouvements rebelles d’Amé-
rique centrale (12).
Samedi 9
CEE
Le Conseil européen, qui se tient à Strasbourg depuis la veille, prévoit de réunir, fin
1990, une conférence intergouvernementale chargée de modifier le traité de Rome
en vue d’instaurer l’Union économique et
monétaire (UEM). La Grande-Bretagne est
seule à refuser la charte sociale. Les Douze
affirment enfin le droit à l’« autodétermination » du peuple allemand, « dans la perspective de l’intégration européenne ».
RDA
Vie politique.
Le Congrès extraordinaire du parti communiste (SED) désigne M. Gregor Gysi comme
président d’un parti rénové qui adopte de
nouveaux statuts reconnaissant le « pluralisme politique ».
CHINE
Relations internationales.
En dépit du boycottage décrété par la Maison-Blanche après la répression du « printemps de Pékin », le chef du Conseil national de sécurité et le secrétaire d’État adjoint
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CHRONOLOGIE
153
des États-Unis se rendent à Pékin, officiellement pour rendre compte du sommet de
Malte. Le 18, le gouvernement américain
reconnaît que des émissaires de haut rang
se sont rendus en Chine dès le mois de
juillet.
ÉTATS!UNIS
v. Chine
Dimanche 10
FRANCE
Allocution présidentielle.
Sur les chaînes de radio et de télévision,
M. François Mitterrand tente de rassurer
les Français sur les conséquences des bouleversements à l’Est et se montre ferme à propos de l’immigration clandestine.
Lundi 11
ANTARCTIQUE
Expédition.
Partie le 28 juillet de l’océan Pacifique,
l’expédition internationale Transantarctica,
dirigée par le Dr Jean-Louis Étienne, atteint
le pôle Sud après un trajet de 3 000 km en
traîneaux à chiens. Il lui en reste autant à
parcourir pour rejoindre l’océan Indien.
CEE
Le Parlement européen lève l’immunité
parlementaire de M. Jean-Marie Le Pen, par
198 voix contre 91 et 18 abstentions.
Le gouvernement français confirme les
poursuites engagées contre le président du
Front national qui avait traité le ministre de
la Fonction publique de « Durafour crématoire », le 2 septembre 1988.
BULGARIE
Institutions.
Au lendemain de manifestations réunissant
100 000 personnes dans les rues de Sofia
en faveur des réformes, le plénum du Comité central du parti communiste annonce
l’organisation d’élections libres au cours du
second trimestre de 1990 ainsi que l’abolition prochaine du rôle dirigeant du parti
communiste (29).
Mardi 12
FINANCES MONDIALES
Les événements d’Europe de l’Est et le haut
niveau des taux d’intérêts en RFA favorisent
la hausse du deutsche Mark aux dépens du
dollar qui chute de 1,76 DM à 1,70 DM et
de 6 F à 5,81 F à Paris.
CEE
v. États-Unis
FRANCE
Politique économique.
M. Pierre Bérégovoy annonce l’abolition totale du contrôle des changes pour le 1er janvier 1990. Cette mesure ne concerne que les
particuliers, les restrictions frappant les entreprises ayant été progressivement levées
depuis trois ans.
Commémoration.
Le transfert au Panthéon des cendres de
l’abbé Grégoire et de Gaspard Monge, auxquels est associé Condorcet, constitue la
dernière manifestation publique de la célébration du bicentenaire de la Révolution.
L’épiscopat français refuse de s’associer à
l’hommage rendu à l’évêque constitutionnel de Blois.
GRANDE!BRETAGNE
v. Hongkong
URSS
Institutions.
Le Congrès des députés du peuple repousse
un débat sur l’abolition du rôle dirigeant
du parti communiste, proposé par M. Andreï Sakharov, par 1 138 voix contre 839 et
56 abstentions.
HONGKONG
Réfugiés.
Les autorités britanniques procèdent au
rapatriement forcé d’un premier contingent
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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de 51 « boat peuple » vietnamiens, immigrés – selon elles – pour des raisons autres
que politiques. Ce geste soulève une large
réprobation internationale.
ÉTATS!UNIS
Politique extérieure.
Dans un discours à Berlin-Ouest, le secrétaire d’État américain James Baker propose
un resserrement des liens entre son pays et
la CEE dans le cadre d’un « nouvel atlantisme » plus politique que militaire, justifié
par les bouleversements dans les pays de
l’Est.
AMÉRIQUE CENTRALE
Diplomatie.
Réunis depuis le 10 à San José (Costa Rica),
cinq chefs d’État centraméricains – dont le
Nicaraguayen Daniel Ortega – appellent
à la démobilisation de la guérilla salvadorienne du Front Farabundo Marti (FMLN).
Mercredi 13
FRANCE
Consommation.
L’interdiction à la vente des moules et des
huîtres en provenance de l’étang de Thau
(Hérault), où des analyses ont révélé la présence de salmonelles, suscite une polémique
entre les conchyliculteurs et le ministère de
la Mer.
Jeudi 14
EUROPE
Frontières.
À la suite de l’ouverture de la frontière
interallemande, le gouvernement de Bonn
annonce qu’il reporte la signature de la
convention de Schengen sur la circulation
sans contrôle des personnes entre la Belgique, la France, le Luxembourg, les PaysBas et la RFA, au sujet de laquelle les autres
États émettaient aussi des réserves.
FRANCE
Sociétés.
Au terme d’une OPA d’un montant de
5,2 milliards de francs, l’institut Mérieux
– déjà associé à Pasteur – acquiert le canadien Connaught, devenant ainsi le premier
fabricant mondial de vaccins.
URSS
Andreï Sakharov, académicien, prix Nobel
de la paix 1975, meurt à Moscou d’une
crise cardiaque à l’âge de soixante-huit ans.
L’ancien dissident avait été élu député du
Congrès du peuple au mois d’avril.
CHILI
Élection présidentielle.
Le candidat unique de l’opposition, le démocrate-chrétien Patricio Aylwin, est élu au
premier tour avec 55,2 % des voix contre
29,4 % au candidat gouvernemental et
15,4 % à celui du « centre-centre ». Il doit
prendre ses fonctions le 14 mars 1990.
Vendredi 15
CEE ! ACP
Aide.
Au terme d’un an et demi de négociations,
les douze pays de la Communauté européenne et les soixante-huit pays d’Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique (ACP) signent
la quatrième convention de Lomé, qui doit
entrer en vigueur le 1er mars 1990 pour
une durée de dix ans. Elle prévoit une aide
financière renouvelable de 12 milliards
d’écus (1 écu = 7 francs), en augmentation
de 46 % sur la précédente convention.
FRANCE
Relations internationales
v. Comores
Affaires.
M. Jacques Gossot (RPR), maire de Toul
(Meurthe-et-Moselle) et vice-président du
conseil général, est le premier élu à être
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CHRONOLOGIE
155
écroué dans le cadre d’une affaire de fausses
factures à Nancy.
Justice.
La cour d’assises de Paris, spécialement
composée de sept magistrats, condamne
le Tunisien Habib Maamar à la réclusion
criminelle à perpétuité pour deux attentats à l’explosif commis à Paris, dont celui
dirigé contre le magasin Marks et Spencer,
qui avait causé la mort d’une personne, le
23 février 1985.
COMORES
Troubles.
Après quinze jours de négociations, Bob
Denard et ses mercenaires de la garde présidentielle quittent l’archipel sous les pressions française et sud-africaine tandis que
des parachutistes français débarquent pour
assurer l’ordre, à la demande des autorités
locales (26 novembre).
COLOMBIE
Drogue.
Considéré comme le numéro deux du cartel de Medellin, Rodriguez Gacha, dit « le
Mexicain », est tué lors d’un affrontement
avec la police.
Samedi 16
FRANCE
Société.
Après la prise de contrôle de la Compagnie industrielle par Suez, l’assureur UAP
achète à ce dernier la minorité de blocage
au sein du groupe d’assurances Victoire
(5 septembre).
FRANCE ! ÉTATS!UNIS
Relations.
Les présidents François Mitterrand et
George Bush se rencontrent dans l’île de
Saint-Martin (Antilles) pour évoquer le
rôle que les États-Unis souhaitent jouer
dans la nouvelle Europe.
ROUMANIE
Libertate !
Qui aurait prédit que le cours du Danube s’inverserait aussi vite ?
Le 16 décembre, des manifestations hostiles au
régime de Nicolae Ceausescu éclatent à Timisoara, capitale du Banat, dans l’ouest du pays, à
l’instigation de la minorité hongroise. Elles sont
réprimées dans le sang par l’armée appuyée par
des blindés. On dénombre les premières victimes
de la tyrannie depuis celles de la place Tiananmen, en juin. La réprobation internationale est
alors quasi générale contre ce régime qui, il y a
peu, était encore apprécié à l’Ouest pour son indépendance vis-à-vis de l’URSS... avant que l’URSS
ne change.
Les jours suivants, les dépêches de l’agence soviétique Tass font état de l’extension des émeutes
– et des massacres – à d’autres villes du pays.
Le chiffre de quelque 70 000 victimes est même
avancé. Le 20, Ceausescu dénonce les « hooligans » et les « fascistes » qui se livrent à des « actes
terroristes » avec l’aide « des services d’espionnage étrangers ». Le 21, à Bucarest, un discours
du Conducator est interrompu par des slogans
hostiles. Là encore, les soldats tirent sur la foule.
Le 22, les événements se précipitent. L’état
d’urgence est étendu à l’ensemble du pays et le
« suicide » du ministre de la Défense, accusé de
« trahison », est annoncé. À Bucarest, les militaires
fraternisent avec les manifestants et se dirigent
vers le palais présidentiel. À 13 h 05, heure locale, sur les ondes de la radio tombée aux mains
des insurgés, le poète dissident Mircea Dinescu
annonce que les époux Ceausescu sont en fuite.
Leur arrestation est annoncée peu après. Un
Conseil du front de salut national (CFSN), composé d’anciens dirigeants, de militaires et d’intellectuels, remplace le gouvernement démissionnaire.
À sa tête se distingue bientôt M. Ion Iliescu, ancien secrétaire du Comité central du parti, limogé
en 1971. Tandis que les Roumains fêtent l’événement dans la liesse, les membres bien armés de la
police politique, la Securitate, poursuivent à Bucarest et en province un combat d’arrière-garde
meurtrier.
Durant le week-end des 23 et 24, la dangereuse
anarchie qui règne dans le pays incite la France,
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
156
la Grande-Bretagne et les États-Unis à appeler
de leurs voeux une intervention soviétique en
Roumanie, qui fut pourtant le seul pays de l’Est à
condamner l’entrée des troupes du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, en 1968.
Le 25, un communiqué radiodiffusé annonce
l’exécution des époux Ceausescu, reconnus coupables, entre autres, du « génocide de plus de
soixante mille Roumains ». Des images de la parodie de « procès » sont présentées à la télévision le
lendemain. Elles suscitent une joie mêlée en Roumanie et de sérieuses réserves à l’étranger.
Le 26, M. Iliescu est nommé président du CFSN
et M. Petre Roman, universitaire et scientifique,
Premier ministre. Tandis que le calme se rétablit
progressivement dans le pays et que l’approvisionnement s’améliore, une partie de la population conteste le maintien en poste de nombreux
responsables de l’ancien régime.
Enfin sorti de la clandestinité, le CFSN souhaite
affirmer son pouvoir et sa cohésion. Le 28, il décrète l’abandon du caractère socialiste de la République roumaine et la disparition des symboles
communistes du drapeau national. Il annonce des
élections libres pour avril 1990. Le 31, le message
du Nouvel An est porteur d’espoir : la peine de
mort est abolie, la semaine de cinq jours promise
et une opération de redistribution de terres aux
paysans annoncée.
Dimanche 17
EUROPE
Intempéries.
La violence tempête qui ravage durant le
week-end la façade atlantique provoque
dix-huit morts et disparus ainsi que de
nombreux dégâts.
CEE
Adhésion.
La Commission émet un avis défavorable
sur la candidature de la Turquie en raison
de la priorité accordée à la mise en place du
grand marché de 1993 et de la situation économique et politique du pays demandeur.
POLOGNE
Politique économique.
Le gouvernement présente un « plan de
stabilisation » draconien destiné à lutter
contre l’inflation et à renforcer la monnaie.
BRÉSIL
Élection présidentielle.
Le candidat populiste de droite, M. Fernando Collor, est élu président de la République
avec 53 % des voix contre 47 % à son adversaire du Parti des travailleurs (PT), Luiz
Ignacio da Silva, dit Lula.
SPORT
Tennis.
À Stuttgart, l’Allemagne fédérale remporte
la Coupe Davis pour la deuxième année
consécutive en battant la Suède par trois
victoires à deux.
Lundi 18
FRANCE
Finances.
Pour la quatrième fois de l’année, la Banque
de France procède à une hausse de 9,5 % à
10 % de son taux directeur afin de défendre
le franc face au deutsche Mark et d’atténuer
la surchauffe de l’économie.
Mardi 19
FRANCE
Fonction publique.
M. Michel Durafour et les syndicats entament les négociations sur la réforme de la
grille unique des salaires des fonctionnaires,
instaurée en 1948.
Conflits sociaux.
La Cour de cassation rejette les pourvois
formés par les « dix » de Renault contre les
arrêts de la cour d’appel de Versailles du
26 avril, en vue d’obtenir leur réintégration
dans l’usine de Billancourt.
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CHRONOLOGIE
157
RFA!RDA
Relations.
Le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl
entame une visite de deux jours à Dresde,
où il est chaleureusement accueilli. Il
évoque avec son homologue est-allemand
Hans Modrow la prochaine mise en place
d’une « communauté contractuelle » entre
les deux pays.
Mercredi 20
FRANCE
Relations internationales
RDA
Budget.
Le projet de loi de finances pour 1990
est adopté à l’aide de la procédure de l’article 49-3. Les dépenses programmées
s’élèvent à 1 217,7 milliards de francs –
en augmentation de 5,3 % – et le déficit
prévu est de 90,2 milliards de francs – au
lieu de 100,5 en 1989. Le texte autorise la
capitalisation des dividendes des SICAV
d’actions, dans le cadre de l’harmonisation
européenne.
Tuerie.
Les corps de quatre personnes d’une même
famille d’agriculteurs sont découverts à
Castelviel (Gironde). Le meurtrier présumé, fils, frère et oncle des victimes, est
inculpé le 29.
RDA
Relations internationales.
Au cours de la visite officielle de deux jours
qu’il effectue à Berlin-Est, M. François Mitterrand met l’accent sur l’autodétermination
du peuple allemand.
PANAMA
Le canal, la seringue
et le bâton
Après plus de deux ans de pressions économiques, de gesticulations militaires et d’aide
aux tentatives de coups d’État, les États-Unis se
décident à appliquer au Panama la bonne vieille
« politique du bâton ». Le 20 décembre, ils lancent
24 000 GI’s à l’assaut du quartier général de Manuel Antonio Noriega, homme fort du pays.
Les circonstances favorisent l’intervention américaine. Le 15, le Parlement panaméen s’est déclaré
en « état de guerre » avec les États-Unis et a confié
au général Noriega, chef des forces armées, les
fonctions de chef du gouvernement jusqu’à la fin
de l’« agression américaine contre Panama ». Le
17, un officier américain a été tué au cours d’un
incident avec des soldats panaméens. Les ÉtatsUnis peuvent donc se dire en état de légitime
défense.
L’objectif avoué de l’opération « Juste Cause »
est d’arrêter le général Noriega, inculpé en février 1988 aux États-Unis pour trafic de drogue.
Ancien collaborateur de la CIA dans les années
soixante-dix – alors que l’agence était dirigée par
M. George Bush –, le général Noriega était devenu
gênant à la tête d’un régime corrompu et – qui
plus est – antiaméricain, à l’approche de la date
prévue par le traité Torrijos-Carter de 1977 pour le
passage du canal sous souveraineté panaméenne
(1999).
Les pays occidentaux déclarent « comprendre »
l’intervention américaine et l’URSS émet une
condamnation de pure forme tandis que l’Organisation des États américains (QEA) stigmatise
l’« impérialisme » des États-Unis.
Mais Noriega parvient à prendre la fuite. M. Guillermo Endara, vainqueur de l’élection présidentielle du 7 mai, dont les résultats avaient été annulés, prête serment dans une base américaine.
Dans les rues de Panama, livrées au pillage et où
les combats provoquent de nombreuses victimes
civiles, les GI’s se heurtent à une résistance inattendue de la part des partisans du dictateur.
Le 24, alors que l’on commence à évoquer l’enlisement des Américains, il se produit un coup de
théâtre. Noriega demande asile à la nonciature
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
158
apostolique de Panama. Le Vatican fait aussitôt
savoir qu’en l’absence de convention d’extradition avec les États-Unis il ne leur livrera pas le
fugitif. Commencent alors de longues tractations
tandis que se creuse l’isolement diplomatique du
dictateur, qui est soumis à une véritable guerre
psychologique. Hébergé avec un minimum de
confort et quasiment maintenu au secret, Noriega
ne peut échapper à la tonitruante musique rock
que diffusent jour et nuit les haut-parleurs de l’armée américaine qui encercle la nonciature.
Le 3 janvier, il se rend aux autorités militaires
américaines, officiellement sans contrepartie. Le
dénouement de l’affaire est accueilli dans la joie
au Panama. Le président Bush déclare que tous
les objectifs de l’opération « Juste Cause » ont été
atteints. Reste aux États-Unis à juger Noriega et
à reconstruire un pays fort éprouvé par les combats dont le bilan établi par les Américains s’élève
à 320 militaires – dont 23 GI’s – et 230 civils tués.
Jeudi 21
CEE
Sociétés.
Les ministres des Douze décident qu’à partir du 1er octobre 1990 les concentrations
d’entreprises représentant un chiffre d’affaires d’au moins 5 milliards d’écus (1 écu =
7 francs) devront être soumises à l’autorisation de la Commission.
Vendredi 22
LET TRES
Fin de partie
Homme de paroles, il était donc aussi homme
de silence. La discrétion était chez lui un art de
vivre, et de mourir. Reclus, il voyait peu de gens
et n’accordait aucune interview. Ses textes se
faisaient de plus en plus rares et de plus en plus
brefs. Samuel Beckett est mort le 22 décembre à
l’âge de quatre-vingt-trois ans, à Paris. La nouvelle
n’a été rendue publique qu’après son enterrement, à sa demande.
Samuel Beckett naît dans les faubourgs de Dublin. Il s’installe à Paris en 1937 et commence à
écrire en français. En 1951, il fait la rencontre de
Jérôme Lindon qui dirige les Éditions de Minuit.
Il lui restera fidèle. Deux romans paraissent cette
année-là : Molloy et Malone meurt. Mais c’est la
publication d’une pièce de théâtre, En attendant
Godot, en 1952, mise en scène par Roger Blin l’année suivante, qui le fait accéder à la célébrité. Il
la fuira sans cesse. C’est sa période triomphante,
qui culmine en 1957 avec sa pièce favorite, Fin de
partie. Il s’exprime indifféremment en français et
en anglais. En 1962 paraissent presque simultanément son dernier grand roman, Comment c’est, et
sa dernière grande pièce, Happy Days. Il obtient
le prix Nobel de littérature en 1969. Ses dernières
pages sont éditées en octobre 1989. Elles s’intitulent très justement Soubresauts.
Beckett parlant peu, on a beaucoup parlé sur Beckett. Mais Roger Blin affirme : « Dans Godot, il y a
tout ce que tout le monde y a vu. Toutes les interprétations du texte les plus farfelues et les plus
sérieuses ont été placées là par Beckett. » Seulement, tout cela est de trop. Dans les mises en
scène successives de ses pièces, Beckett ne cesse
de couper, de simplifier, de dénuder, pour tenter
de dire l’impossibilité de dire sur laquelle toute
son oeuvre est fondée. Tel est en effet le ressort
du pessimisme, du tragique, de la désolation, de
l’angoisse beckettienne. Et, si la forme de la narration emprunte aussi bien les voix de la tristesse
que du comique, c’est que « rien n’est plus grotesque que le malheur », de même que rien n’est
plus impuissant à produire du sens que le verbe.
Comme la vie et la mort sont consubstantielles.
C’est ce sentiment de l’impossibilité de la littérature qui interdit à Beckett les grands mots, les
grandes idées, et fait de lui l’écrivain le plus dé-
muni, le plus pauvre qui ait jamais existé. De ceux
qui, à force de prouver à quel point nous sommes
mortels, nous apprennent à vivre.
CEE
Diplomatie.
À Paris, une conférence destinée à relancer
le dialogue euro-arabe amorcé en 1973 réunit les ministres des Affaires étrangères des
Douze européens et des vingt-deux États
membres de la Ligue arabe, sur l’initiative
du président François Mitterrand.
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CHRONOLOGIE
159
FRANCE
Diplomatie
v. CEE
Conflits sociaux.
Après une semaine de grève qui a gravement perturbé la distribution de la presse,
la direction des Nouvelles Messageries de
la presse parisienne et le syndicat CGT du
Livre signent un accord sur la modernisation des NMPP.
Législation.
Alors que la session parlementaire s’achève,
la loi sur le financement des partis politiques
et des campagnes électorales est définitivement adoptée après la loi de programmation
militaire le 18 et la loi d’amnistie des crimes
politiques en Nouvelle-Calédonie le 20.
Industrie.
Le conseil général des Bouches-du-Rhône
accorde au groupe américano-suédois Lexmar une concession de six mois sur les terrains de l’ancienne société Normed, à La
Ciotat, pour relancer les chantiers navals
(11 août).
RFA ! RDA
Relations.
Les maires des deux Berlins inaugurent
l’ouverture d’un passage dans le mur à la
hauteur de la porte de Brandebourg, symbole de l’unité de l’Allemagne.
Dimanche 24
ÉTATS!UNIS
Distinction.
L’hebdomadaire Times désigne Mikhaïl
Gorbatchev comme l’« homme de la
décennie ».
Lundi 25
URSS
Institutions.
Devant le plénum du Comité central,
M. Mikhaïl Gorbatchev juge « illégale » la
décision des communistes lituaniens de proclamer leur indépendance en adoptant pour
leur parti un programme et des statuts distincts de ceux du PCUS.
ALGÉRIE
Partis politiques.
Le Comité central du FLN désigne un bureau politique au sein duquel figure un tiers
de réformistes mais aucun membre de la
« vieille garde » du Front.
Mardi 26
FRANCE
Partis politiques.
Regroupés autour de MM. Félix Damette,
Claude Poperen et Marcel Rigout, les
« reconstructeurs » du PCF demandent la
démission des dirigeants de leur parti en
raison de leur attitude passée à l’égard du
régime de M. Nicolae Ceausescu.
Mercredi 27
ÉGYPTE!SYRIE
Diplomatie.
Les deux pays annoncent le rétablissement
de leurs relations, rompues en 1977 après la
visite du président égyptien Anouar el-Sadate à Jérusalem.
AUSTRALIE
Catastrophe naturelle.
À Newcastle, dans l’est du pays, un séisme
de magnitude 5,5 sur l’échelle de Richter
provoque la mort de huit personnes et de
nombreux dégâts.
Jeudi 28
ÉTATS!UNIS
Terrorisme.
La compagnie aérienne Northwest Airlines rend publiques les menaces d’attentat pesant sur le vol Paris-Detroit du 30 et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
160
propose à ses passagers de modifier leurs
réservations.
Vendredi 29
BULGARIE
Nationalités.
Le Comité central du PCB rétablit les droits
de la minorité d’origine turque et autorise la
pratique de l’islam.
POLOGNE
Institutions.
Le Parlement se prononce en faveur de
l’abolition du rôle dirigeant du Parti ouvrier
unifié (POUP) et des articles de la Constitution faisant référence au caractère socialiste
et populaire de la République.
TCHÉCOSLOVAQUIE
Le président Havel
En cette fin d’année 1989, les pays de l’Est sont
le théâtre de l’Histoire : les unités de temps, de
lieu et d’action y sont respectées. L’impression
est encore renforcée en Tchécoslovaquie où le
héros de la pièce qui se joue sur la scène politique
est... un dramaturge. Vaclav Havel, arrêté en janvier et condamné le mois suivant pour avoir pris
part-à un rassemblement interdit, libéré en mai,
fondateur, au plus fort des manifestations du
mois de novembre, du Forum civique – qui voit
le jour dans un théâtre –, est élu président de la
République, le 29 décembre, à l’unanimité du
Parlement.
Là encore, les mouvements d’opposition soutenus par la rue ont fait reculer un pouvoir qui ne
représentait rien. Le 3 décembre, le Forum civique
rejette le « gouvernement de coalition » comportant seize ministres communistes sur vingt et un
membres, présenté par le Premier ministre Ladislav Adamec. Le 7, celui-ci démissionne pour être
remplacé par M. Marian Calfa. Le Forum civique
propose alors ouvertement sa participation au
gouvernement.
Le 10, pour la première fois depuis quarante ans,
le Parti ne détient plus la majorité des postes dans
le gouvernement du pays. Des élections libres
sont prévues dans les six mois. Le régime communiste a vécu. Sitôt après la prestation de serment
du nouveau cabinet d’« entente nationale », le
président Gustav Husak démissionne. Des négociations commencent sur le choix du candidat
unique à la présidence de la République et sur
son mode de désignation.
Le parti communiste lui-même tente de « rompre
avec le passé ». Le 20, le congrès extraordinaire
du PCT supprime le titre de secrétaire général
et désigne l’ancien Premier ministre Adamec et
l’ancien chef des Jeunesses communistes, M. Vasil
Mohorita, respectivement comme président et
premier secrétaire en remplacement de M. Karel
Urbanek nommé le 24 novembre. Le 21 décembre, les Tchécoslovaques applaudissent à la
dissolution de la police politique.
La « table ronde » de toutes les forces politiques
du pays continue à mettre en place les pouvoirs
de transition. Aux postes honorifiques, des symboles s’imposent. Le 28, l’ancien dirigeant du PCT,
destitué après la répression du « printemps de
Prague », M. Alexandre Dubcek, est élu président
de l’Assemblée fédérale. Le 29, enfin, par un juste
retour des choses, la République élit à sa tête un
homme de théâtre...
Dimanche 31
FRANCE
Relations internationales.
Dans son message de voeux, le président
François Mitterrand déclare souhaiter
l’avènement, dans les années 1990, d’une
« confédération » européenne englobant les
pays de l’Est, devenus démocratiques, parallèlement au renforcement de la Communauté européenne.
ISRAËL
Gouvernement.
Le Premier ministre Yitzhak Shamir
(Likoud) annonce le limogeage du ministre
de la Science Ezer Weizman (travailliste),
accusé d’avoir eu des contacts avec
l’OLP. Aux termes d’un compromis adopté
le 2 janvier, M. Weizman reste au gouvernement mais quitte le cabinet restreint.
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CHRONOLOGIE
161
MAROC
Pollution.
Les autorités font officiellement appel à
plusieurs pays européens – dont la France –
pour les aider à lutter contre la marée noire
qui menace le littoral touristique et des
zones de pêche, après l’accident survenu le
19, entre les îles Canaries et la côte marocaine, à un pétrolier iranien transportant
284 000 tonnes de brut.
Le mois de
Gaston Lenôtre
Le monde a la paix au coeur le 1er : le pape JeanPaul II serre la main du no 1 soviétique et je me
réjouis car mon ami G. Sender, le seul pâtissier au
monde capable de réaliser des pièces gastronomiques du XVIIIe siècle, a enfin trouvé une crèche
pour son enfant chéri : avec sa bibliothèque de
6 000 ouvrages gastronomiques, il est accueilli à
l’Institut national agronomique de Thiverval-Grignon. C’est un instant de gloire pour la France
lorsque trois ministres se donnent la main pour
acheter et préserver notre patrimoine culinaire.
Les Allemands souhaitent une réunification ; quoi
de plus normal ? Pourrait-on imaginer la France
coupée en deux pendant des dizaines d’années ?
Ce pays désire retrouver son identité et je suis
concerné : j’ai des amis allemands et j’aime la
qualité de leur travail. Ce sont les premiers à nous
avoir choisis et nous présentons une vitrine de la
France a Berlin depuis 1975.
Jeudi 14 : le professeur Sakharov n’est plus. Il y a
tout juste un an, il était à Paris avec Lech Walesa, et, le 21 mai dernier, ses amis physiciens du
monde entier l’attendaient à Blois. Nous avions
confectionné une pièce montée symbolisant la
paix, mais, à la dernière minute, les événements le
retinrent à Moscou près de Gorbatchev : le devoir
avant tout. Son dernier anniversaire, il n’a pu le
fêter avec ses amis.
Le 16, des noms commencent à se graver dans
nos mémoires : à Timisoara, ils ne se révoltent pas
parce qu’ils ont faim et froid, mais pour défendre
la liberté, et c’est l’enfer qui commence pour tous.
Moi qui cours d’une radio à l’autre, invité à jouer
les Père Noël par tous mes amis journalistes,
j’apprends qu’une de mes émissions vient d’être
annulée sur Europe 1 ; on est le 22 et Ceausescu
abandonne le pouvoir. Le monde entier veut
aider ces hommes, ces femmes, ces enfants qui
tombent sous les balles des agents de la Securitate. C’est pour cela que, le jour de Noël, doit
mourir le tyran roumain. On ose à peine entonner un cantique : « Aujourd’hui, jour de joie sur
Terre. »
Cette semaine encore la démocratie s’essaie à des
actions d’éclat : alors que les Américains assiègent
Panama City pour tenter de capturer le dictateur
Noriega, les ouvriers et les soldats allemands font
tomber les dalles de béton armé qui fermaient la
porte de Brandebourg.
L’équipe Lenôtre reçoit un appel de la Croix-Rouge,
une demi-tonne de tablettes de chocolat part en
Roumanie avec l’un des convois d’aide d’urgence
et nous continuons notre métier comme chaque
année, offrant le meilleur de nous-mêmes à nos
milliers de clients avec un pincement au coeur
en pensant au 31 décembre 1988 et à l’attaque
du restaurant du Pré Catelan. Cette année, mon
épouse Colette a un aide de valeur : le capitaine
Barril s’est proposé pour assurer la sécurité des
clients et du personnel. Comme l’histoire ne se
reproduit jamais de la même façon, c’est le magasin Lenôtre, 44, rue d’Auteuil, qui est attaqué le 30
au soir.
À quand un monde sans papier-monnaie, où
l’on pourrait circuler librement ? On peut rêver à
l’aube des années 1990. Je préconise le passeport
Gourmandise pour remplacer les visas. Ce sont
mes ballotins de chocolats qui me permettent de
passer les frontières. Mais c’est en France que je
me sens bien ; c’est en accompagnant tous mes
clients dans les grands événements de leur vie
que je comprends ma chance d’être né dans un
pays libre.
GASTON LENÔTRE
Météo : l’Automne
De l’équinoxe à la fin du mois de septembre,
aucun événement particulier n’a marqué l’actualité météorologique. Du 22 au 26, le passage
d’une perturbation évoluant dans un flux de sud
et la présence en altitude d’une goutte froide circulant du NNO au SSE sont à l’origine de pluies
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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orageuses localement abondantes. Du 27 au 30,
le champ de pression sur l’Europe occidentale et
méditerranéenne et le renforcement d’un anticyclone centré sur les îles Britanniques expliquent la
baisse sensible des températures (les flux dans les
basses couches s’orientent au nord) ainsi que la
faiblesse ou l’absence de pluies. Quoi qu’il en soit,
la sécheresse persiste sur la majeure partie du
territoire et notamment dans l’Ouest : les cumuls
pluviométriques mensuels calculés pour les stations de Dinard, Angers et Lann-Bihoué sont, avec
11, 9,8 et 6,7 mm respectivement, les plus faibles
depuis plus de 30 ans.
Le bel été indien de la Saint-Luc
Octobre est un mois chaud et sec. Les températures moyennes doivent leurs valeurs inhabituelles à la canicule automnale qui s’est manifestée pendant la deuxième quinzaine dans le Nord,
le Nord-Est, l’Ouest, le Sud-Ouest et le Centre-Est.
L’été indien 1989, celui de la Saint-Luc, est celui
de tous les records ; parmi les températures maximales élevées, on peut citer les chiffres suivants :
29,8 °C à Dax le 21, 22,5 °C à Lille-Lesquin, 23,4 °C
à Beauvais, 27,5 C à Châteauroux le 22, 12 °C au
mont Aigoual, 22,8 °C à Belfort, 24 °C à Lyon-Satolas le 26 ; et, parmi les températures moyennes
quotidiennes : 17,8 °C à Paris-Montsouris le 24,
17,5 °C à Lyon-Bron le 30. Les précipitations sont
quasi normales en Corse et dans le Nord-Est et
très déficitaires dans le reste du territoire. Précisons qu’octobre est le sixième mois consécutif à pluviométrie déficitaire. Les pluies les plus
remarquables sont le fait des perturbations plus
ou moins actives qui ont traversé le pays du 6 au
11, du 18 au 21 et du 28 au 31 : 27 mm à Millau
ou 20 mm en 3 heures à Saint-Yrieix le 28. Au
31 octobre, la majeure partie du pays présente
un bilan hydrique des plus médiocres. Le rapport R/RU de la réserve disponible à la réserve
utile n’est supérieur à 50 % que dans les régions
suivantes : le Finistère occidental, les secteurs
de Cherbourg, Colmar et Montpellier, le littoral
du Pas-de-Calais et le Doubs. La sécheresse qui
affecte surtout les régions situées à l’ouest de la
ligne Caen-Nice est sans doute – compte tenu de
ses multiples effets sur l’élevage, la pisciculture,
le remplissage des lacs de retenue, le fonctionnement des cours d’eau (dans la région Centre, plus
de 300 km de rivières, ruisseaux ou canaux sont
à sec) – la plus grave depuis la Seconde Guerre
mondiale. D’après le ministère de l’Agriculture, les
pertes cumulées s’élevaient à 10 milliards de F le
15 octobre, date à laquelle 22 départements ont
été déclarés sinistrés.
Novembre est caractérisé par l’alternance de
périodes douces, pluvieuses et venteuses et de
périodes fraîches ou froides et sèches ; seul le
Sud-Ouest a bénéficié d’une étonnante douceur
tout au long du mois. Les contrastes thermiques
sont attestés par les quelques records suivants :
– 8,4 °C le 16 à Apt-Saint-Christol, – 10,9 °C à Colmar, – 4,1 °C à Pontivy le 26, – 9,8 °C à Nevers le
27... ou, pour les températures maximales : 20,7 °C
à Brest, 19,5 °C à Lorient le 13, 19,1 °C à Auxerre
le 19. Les précipitations, globalement déficitaires,
sont inégalement réparties dans le temps et dans
l’espace. Si les abats abondants et intenses observés ici et là (71 mm à Ambérieu en 14 heures le
3, 270 mm à Villefort du 20 au 22...) n’ont guère
atténué le déficit en eau des sols, ils ont provoqué
des inondations dans le Roussillon le 18, moins
graves néanmoins que celles qui, cinq jours plus
tôt, avaient dévasté l’Andalousie. Ailleurs dans
le monde, le typhon Gay a balayé le golfe de
Thaïlande le 6 (250 marins portés disparus) ; le 15,
Huntsville (Alabama) est ravagée par une tornade
meurtrière (19 morts, 450 blessés).
Dans les stations,
les canons font la neige
Décembre est bien le mois de transition entre
l’automne et l’hiver. Du 1er au 10, les conditions
anticycloniques et les types de temps qui leur
sont associés prévalent sur l’ensemble de la
France. Les vents de secteur est sont faibles, les
nuages bas et les brouillards souvent givrants
réduisent l’ensoleillement dans les plaines et
les vallées. Les températures minimales varient
entre 0 et – 10 °C dans le Nord, le Nord-Est et le
Centre-Est. La pollution atmosphérique atteint ou
dépasse le seuil d’alerte à Paris, Rouen et Lyon.
Seules la façade atlantique et les régions situées
au sud de la ligne Bordeaux-Carcassonne-NîmesCastellane jouissent de conditions météorologiques agréables : ensoleillement satisfaisant,
températures positives supérieures aux normales
saisonnières et pluies qui réduisent quelque peu
la sécheresse des sols. Du 7 au 10 décembre, une
des plus fortes tempêtes jamais enregistrées dans
le golfe du Saint-Laurent provoque le naufrage
de plusieurs navires et la mort de 48 marins. À
partir du 11 et jusqu’au solstice d’hiver, le pays,
traversé par de nombreuses perturbations actives
circulant dans un flux d’ouest ou de sud-ouest,
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CHRONOLOGIE
163
connaît un épisode doux, pluvieux et venteux.
Les températures atteignent en effet des valeurs
records : 20,3 °C à Colmar le 16, 14,5 °C à Chartres
le 21 ; les précipitations sont abondantes et les
vents forts sont fréquents. Le 15, une dépression
centrée sur les Açores se déplace rapidement vers
l’Irlande ; elle entraîne dans son sillage une tempête qui ravage les littoraux depuis le sud-ouest
de la péninsule luso-ibérique jusqu’à l’Écosse.
Cette violente tempête (20 morts) occasionne des
dégâts matériels importants. Au 21 décembre, la
sécheresse perdure, et l’enneigement dans les
stations de sports d’hiver est très faible, voire nul.
Ainsi l’automne 89 restera-t-il dans les mémoires
comme l’automne de tous les contrastes.
PHILIPPE C. CHAMARD
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L’Année
dans le Monde
On ne peut plus désormais parler de
la Révolution de 89 sans préciser de
laquelle il s’agit. Du massacre de Tiananmen à l’ouverture du mur de Berlin et à la
Roumanie, la portée des événements qui
se sont succédé en 1989 est telle qu’ils feraient oublier, pour un peu, ceux de 1789.
Entre les deux révolutions, à vrai dire,
les similitudes ne manquent pas : même
culte de la liberté et de la démocratie,
même foi dans la nation, même attachement jaloux à son indépendance, mêmes
foules dans les rues pour obliger les gouvernements en place à se soumettre ou à
se démettre.
Avant 1789, dans toute l’Europe,
avant 1989, dans celle de l’Est, la légitimité du pouvoir échappait à toute contesta-
tion. Louis XVI et ses cousins de Madrid,
de Londres ou de Berlin étaient rois parce
que Dieu l’avait voulu. Le parti communiste régnait sur l’URSS et les pays de sa
zone d’influence parce que la classe ouvrière l’avait voulu. C’est cette légitimité
qui a été remise en cause avant d’être abolie. En Pologne, en Hongrie, en RDA, en
Tchécoslovaquie et en Roumanie, le parti
a dû renoncer à son rôle dirigeant.
En 1989 comme en 1789, le sacrilège
a donc été non seulement commis mais
validé. Le paradoxe veut qu’il y a deux
siècles il a entraîné tout naturellement
la contestation, puis la persécution de la
religion, rempart du trône, alors qu’aujourd’hui il conduit à sa réhabilitation.
En se rendant au Vatican, le chef du PC
soviétique a implicitement reconnu que
le bolchevisme n’était pas parvenu à substituer son paradis à celui du Ciel.
Jamais l’échec du communisme n’aura
été aussi flagrant. Partout l’économie est à
bout de souffle, la productivité pitoyable,
la corruption générale. Deng n’a sauvé
son pouvoir qu’en faisant tirer sur la foule
et Ceausescu a perdu le sien avec la vie.
Celui des dirigeants de Berlin-Est s’est
effondré aussitôt que Gorbatchev les a invités à ne pas compter sur l’Armée rouge
pour réprimer les colossales manifestations de Leipzig, de Dresde ou de la capitale. La Tchécoslovaquie a suivi.
Si les mêmes scènes ne se sont pas
déroulées à Varsovie et à Budapest, c’est
parce que, dans les deux cas, le régime
I avait pris les devants et composé avec
l’opposition. Écrasé aux élections qu’il
avait imprudemment organisées, le PC
polonais a dû confier la direction du gouvernement à un dirigeant de Solidarité
que Jaruzelski, huit ans plus tôt, avait jeté
en prison et les Hongrois sont en train de
satisfaire une par une les ambitions qui
avaient provoqué en 1956 la sanglante
répression soviétique.
Quant au Kremlin, qui a abdiqué son
rôle impérial, il a déjà bien assez de peine
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MONDE
165
à maintenir son autorité sur des j républiques soviétiques qui, du Caucase à la
Baltique, parlent avec une audace croissante d’indépendance.
Si l’on ajoute que de sévères pénuries
frappent de nombreuses agglomérations,
que des grèves ont longuement paralysé
les mines de charbon, que la criminalité
s’étend, que la presse contestataire, au tirage énorme, n’épargne rien ni personne,
on comprend que Gorbatchev multiplie
les voyages et les gestes de bonne volonté pour soulager son budget militaire et
obtenir de l’Occident une aide financière
et technologique massive. Que reste-t-il
alors de l’ersatz d’ordre sur lequel reposait
la paix en Europe ?
La grande question est redevenue
celle de la réunification de l’Allemagne,
pour laquelle Helmut Kohl n’a pas hésité,
sans prendre l’avis de qui que ce soit, à
présenter un plan en dix points. La communauté européenne saura-t-elle trouver
le moyen de faire progresser parallèlement l’unité de l’Allemagne et celle du
continent ?
Pour une Afrique du Sud qui, sous
l’impulsion de son président Frederik
De Klerk, paraît enfin décidée à liquider
l’apartheid, pour une Malaisie ou une
Namibie où le canon et la kalachnikov se
sont enfin tus, combien de terres, y compris la plus « sainte », où l’on désespère de
voir jamais refleurir la paix.
Le dialogue n’est toujours pas engagé
entre l’OLP et Israël, et l’intifada continue
de plus belle dans les territoires. L’accord
de Taëf n’a pas réussi à réconcilier les
Libanais, dont le nouveau président, élu
après des mois de vaines violences, a été
presque aussitôt assassiné. Les Khmers
rouges, dont le seul nom évoque les plus
sinistres souvenirs, sont à l’oeuvre au
Cambodge après le départ des Vietnamiens. On se bat toujours en Afghanistan, en Éthiopie, en Amérique centrale.
Les États-Unis n’ont pas hésité à intervenir au Panama pour s’emparer d’un chef
d’État accusé de trafic de drogue. La menace du Sida et des pollutions atmosphériques a pris la place, dans la conscience
populaire, de l’épée de Damoclès.
La France, quant à elle, n’avait pas
fini de célébrer le consensus politique et
la reprise économique, que l’affaire des
foulards islamiques venait montrer la difficulté grandissante de la cohabitation de
communautés aux croyances et aux habitudes si distinctes. L’idée d’intégration
répond, sur le papier, à la nécessité de
réconcilier, par l’acceptation des mêmes
valeurs fondamentales, des communautés qui ont du mal à se supporter. La soudaine poussée, aux élections partielles de
la fin de l’année, du Front national prouve
que l’on est malheureusement loin du
compte.
ANDRÉ FONTAINE
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POLITIQUE
L’année sans pareille : ainsi les historiens ont-ils baptisé 1789, l’année de
la Révolution française, au moment où la
France célébrait son Bicentenaire par un
grand défilé multicolore et pluriethnique
sur les Champs-Élysées. Deux siècles
plus tard, l’Europe a vécu à son tour une
année sans pareille, qui clôt pour elle un
XXe siècle qui fut lourd à porter et ouvre
les chemins d’un XXIe siècle placé sous
le signe de ce que la Révolution de 1789
eut de meilleur : la conquête de la liberté
et l’irruption de la notion de droits de
l’homme. Si bien qu’en présentant ses
voeux à la nation au soir du 31 décembre
1989, le président de la République, François Mitterrand, a pu faire l’inventaire
de toutes les questions qui se trouvent
désormais posées et dont les réponses
déterminent la vie des Français pour les
années qui viennent : celle de la survie
ou non des alliances militaires qui partageaient l’Europe en deux camps, celle
du niveau souhaitable de désarmement
sur ce même vieux continent, celle des
contours politiques de cette Europe qui,
en quelques mois, est « sortie de Yalta » et
va décider de sa place dans le concert des
grandes puissances.
Le retour de l’histoire
Curieux destin que celui d’un homme,
François Mitterrand, qui joue ainsi tout à
la fois sa « trace » dans l’histoire, le sens
de son second septennat et le destin du
pays dont il a la charge, alors qu’il s’apprêtait à une gestion paisible et dépassionnée
des affaires publiques.
Car, vue de France, 1989 restera une
année clef : celle du retour de l’histoire,
et de l’irruption de problèmes de société
qui peuvent remettre en cause les fondements mêmes du consensus républicain.
L’histoire ? Le pays en était sorti, au
fond, depuis 1962 et la fin de la guerre
d’Algérie. Quels qu’aient pu être le talent
du général de Gaulle, dont le verbe fit
penser aux Français qu’ils appartenaient
encore à un grand pays, et l’habileté du
président Mitterrand, qui tentèrent de
leur faire croire qu’ils étaient, précisément, encore dans l’histoire, il était clair,
pour l’opinion, que la France ne pourrait
se perpétuer que si elle acceptait de se
fondre dans un ensemble plus vaste – la
Communauté des Douze –, seul capable
de rivaliser avec les États-Unis, l’URSS,
la Chine et surtout le Japon. En quelques
mois d’un automne flamboyant, à mesure
qu’une à une les démocraties dites populaires le devenaient enfin et se libéraient
du joug du parti unique, la France a repris toute sa place et se trouve confrontée
à des choix qui engagent pour longtemps
son devenir. Bien que sous le choc de la
révolution roumaine et sollicités par ceux
qui, dans l’opposition notamment, ont
tenté de récupérer l’émotion provoquée
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POLITIQUE
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en France par la chute de Nicolae et Elena
Ceausescu, les Français auront certainement l’occasion de réaliser que la fin du
mur de Berlin et l’ouverture de la porte de
Brandebourg, la marche forcée du chancelier Kohl vers l’unité allemande et surtout son refus de reconnaître la frontière
Oder-Neisse (qui sépare l’actuelle RDA
de la Pologne) sont pour eux des événements d’une extrême importance et qui
expliquent la démarche des dirigeants
français, tout entière tournée vers le binôme réunification de l’Allemagne-accélération de la construction européenne.
Car deux questions ont dominé et
vont continuer de dominer la scène française : comment répondre à la demande
des pays de l’Est qui se libèrent ? Comment continuer de faire vivre la construc-
tion européenne? Un débat existe, sur ces
sujets, entre, d’un côté, les tenants d’une
vision néolibérale selon laquelle, la réunification allemande étant en marche, il
faut cesser de s’accrocher à l’Europe des
Douze et lui préférer un ensemble plus
vaste et plus lâche, une grande zone de
libre-échange en quelque sorte, et, de
l’autre côté, la démarche obstinée, voire
opiniâtre, du président français qui
cherche à préserver la CEE et à accélérer
son processus d’unification. Pour François Mitterrand, en effet, faire entrer les
sept pays de l’Est européen dans la Communauté sonnerait le glas de celle-ci,
au moment où son existence même est
mise en cause par la politique allemande.
Mieux vaut donc bâtir avec eux des programmes bilatéraux et donner un contenu permanent à la CSCE (Conférence sur
la sécurité et la coopération en Europe)
qui réunit déjà l’Est et l’Ouest européens
pour associer les nouveaux venus dans
la sphère démocratique sans casser le
moteur de la construction européenne
et sauver ainsi une Communauté qui,
dans un univers devenu instable, constitue un formidable pôle d’attraction et de
progrès.
Fédération et confédération
Déjà, l’Amérique, avec la « doctrine
Baker » visant à rapprocher de façon
organique les États-Unis et la CEE, mais
aussi l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev, qui
s’adresse à elle à travers son projet de
« maison commune », et les pays du Sud,
qui craignent de voir l’aide européenne
leur échapper, ont intégré dans leur comportement l’idée d’une Europe forte. Cette
donnée-là, qui est au coeur de la vision
française, continue de s’imposer malgré
l’hypothèque allemande. Pour tenter de
surmonter celle-ci, le président français a
proposé, au soir du 31 décembre, qu’aille
de pair la mise sur pied d’une fédération
européenne – celle des Douze – et d’une
confédération, entre les Douze et tous les
autres, URSS éventuellement comprise.
Cette confédération devrait être organisée à partir des accords d’Helsinki,
conclus en 1975 par trente-cinq pays
européens (à l’exception de l’Albanie),
plus les États-Unis et le Canada ; elle est
un point commun avec la « maison commune » de Mikhaïl Gorbatchev, mais,
pour le président français, elle ne sera
possible qu’à certaines conditions : l’instauration, dans les pays de l’Est, du pluralisme des partis, d’élections libres et de
la liberté de l’information. Tel semble être
en effet le choix qui s’offre à la France et à
ses partenaires au seuil de l’année 1990 :
poursuivre la construction commudownloadModeText.vue.download 169 sur 509
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nautaire à Douze, puis lancer ce projet
de confédération. Faute de quoi, assure
François Mitterrand, l’Europe se retrouverait dans une situation proche de celle
qui était la sienne en 1919 : « On connaît
la suite »... D’où le langage tenu aux Allemands : l’autodétermination est un droit
que la France respecte, mais sachez ne
pas bouleverser l’équilibre européen...
Le fait que celui-ci soit menacé
explique en grande partie la moindre
attention accordée à d’autres problèmes
cruciaux de la scène mondiale. Ainsi, en
d’autres temps, fort proches, l’opération
américaine au Panama, baptisée « Juste
cause », qui avait pour objet et a eu pour
effet de déloger le général Noriega du
pouvoir pour le traduire devant une juridiction américaine, sous l’inculpation de
trafic de drogue, eût provoqué un tollé
contre « l’impérialisme américain ». Tout
juste a-t-il été fait mention des réserves
de la France, dans un contexte influencé
par l’idée qu’il faut peut-être commencer d’admettre un droit d’ingérence des
grandes puissances, par exemple pour
venir en aide aux Roumains...
De même, les responsables occidentaux ont-ils rapidement passé par profits et pertes (précisément pour ne pas
perdre l’accès au marché chinois) le bain
de sang de la place Tiananmen qui a mis
fin, sous la houlette d’un Deng Xiaoping
finissant, au printemps de Pékin. Chacun
cependant a pu suivre avec passion sur
les écrans de télévision – l’Histoire se fait
maintenant en direct – cette préfiguration manquée du grand séisme qui allait
bientôt secouer un Est plus proche, et
s’en affirmer solidaire. En revanche, cette
même opinion ne s’est guère émue du prix
élevé probablement payé par la France –
les 171 passagers d’un DC 10 d’UTA –
pour l’opération de dissuasion menée par
une flotte française au large du Liban et
qui avait évité au général chrétien Michel
Aoun de périr sous les bombes syriennes.
Le consensus républicain
Ressaisie par l’histoire, témoin privilégié du mouvement des peuples, comme
en témoigne l’attente, à son égard, des
Roumains aussi bien que des Polonais ou
des Tchèques, la France a été confrontée
à des problèmes de société qui peuvent
mettre en cause le consensus républicain.
Le débat sur l’intégration des immigrés
et la nécessaire maîtrise de l’immigration
clandestine a resurgi dans les derniers
mois de l’année avec une force insoupçonnée, et dangereuse pour la société
elle-même. Il a suffi, en effet, qu’un principal de collège de la grande banlieue
parisienne interdise à trois jeunes élèves
musulmanes le port d’un foulard en
classe pour que la France du consensus se
transforme en un vaste champ de bataille
sur un sujet qui réunit deux des principaux thèmes des clivages à venir, à savoir
les questions éthiques et ethniques. Au
nom de la laïcité, presque toute la droite
et toute une partie de la gauche ont plaidé pour l’exclusion des jeunes filles. Le
gouvernement a cherché à préserver une
vision tolérante de la laïcité, n’envisageant
l’exclusion qu’après épuisement de toutes
les possibilités de dialogue. Cette position a provoqué la levée en masse d’un
certain nombre d’intellectuels proches
de la gauche qui l’ont considérée comme
une nouvelle « défaite de la pensée ». Le
gouvernement a plus sagement plaidé
pour l’intégration des immigrés régudownloadModeText.vue.download 170 sur 509
POLITIQUE
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liers, la protection des lois de la République étant, selon lui, le plus sûr rempart
contre l’intégrisme. À ce stade, personne
n’a plus prêté attention au sort des trois
collégiennes de Creil, qui ont finalement
accepté de ne porter le voile qu’en cour de
récréation. Mais tout le monde a retenu
que les gouvernements successifs n’ont
pas su prendre la mesure du problème
de l’immigration et que le président de la
République a opéré, sur ce sujet, un nouvel et important virage idéologique, que
certains comparent déjà avec le changement de cap en matière économique des
années 1982-1983. Alors que le candidat
Mitterrand à sa propre réélection avait
souhaité dans sa « Lettre à tous les Français », pouvoir convaincre ses concitoyens
d’accorder aux immigrés le droit de vote
aux élections locales, celui-ci étant conçu
comme un moyen de l’intégration, à
l’exemple de ce que pratiquent d’autres
démocraties européennes, le président
Mitterrand s’est rangé, dans une intervention télévisée prononcée à « chaud »,
à l’idée non seulement qu’il existe un
« seuil de tolérance » en matière d’immigration, mais aussi que celui-ci était bel et
bien atteint dans la France de 1989. Formulant le voeu que la France « échappe
aux entraînements du racisme », le chef
de l’État a tenu le discours de la fermeté,
et de la fermeture (autant qu’il est possible à l’heure des frontières ouvertes de
la CEE) des frontières françaises à l’immigration, ce que le Premier ministre a
traduit en disant que la France ne peut
accueillir « toute la misère du monde ».
Il est vrai que le pouvoir, et l’ensemble
de la classe politique avec lui, a été saisi
par le retour en force de l’extrême droite
de Jean-Marie Le Pen, à l’occasion de deux
élections législatives partielles organisées
en pleine polémique sur le « foulard islamique » et dont l’une, à Dreux, a vu la
victoire de la candidate du Front national
avec plus de 60 % des voix, face au candidat de la droite soutenu par la gauche.
Si cette polémique a incontestablement
apporté de l’eau au moulin du chef de
file de l’extrême droite, celui-ci profite
également d’un jugement globalement
négatif à l’endroit des hommes politiques,
alimenté tout au long de l’année par une
série d’affaires de nature à les discréditer.
De l’enquête sur les délits d’initiés commis autour de l’achat par le groupe Pechiney d’une firme américaine, et qui devait
indirectement provoquer la mort d’un
homme d’affaires, Patrice Pelat, proche
compagnon du chef de l’État, à la découverte d’un système généralisé de fausses
factures grâce auquel les partis financent
leurs activités et surtout les campagnes
électorales, la classe politique a eu, et
aura encore fort à faire pour redresser
une image réellement ternie. Elle s’en est
tirée, si l’on peut dire, en votant à l’Assemblée nationale une amnistie des délits liés
à ce mode de financement, assortie, il est
vrai, pour la première fois dans la démocratie française, d’une législation et d’un
contrôle fort contraignants qui devraient
obliger les hommes politiques à la vertu.
La conscience qu’il faut changer les
comportements et les moeurs politiques,
ainsi sans doute qu’il est urgent de rendre
moins artificielles les frontières partisanes, avait paru, un moment, progresser,
sous l’effet notamment des résultats des
élections municipales du mois de mars,
qui avaient vu le succès de nombreuses
personnalités « rénovatrices », en marge
des partis ou de leur propre formation,
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tels Robert Vigoureux à Marseille, Michel
Noir à Lyon, Michel Delebarre à Dunkerque. À dire vrai, la « rénovation » était
surtout attendue à droite et au centre.
Mais, au dernier moment, c’est-à-dire au
moment de constituer leur propre liste
pour les élections européennes, concurrente de celle dite de l’union de l’opposition, conduite par M. Giscard d’Estaing,
les rénovateurs ont renoncé et se sont
condamnés à des démarches plus personnelles à l’intérieur de leurs propres partis.
Le positionnement « moral »
Il reste de ces différents épisodes une
société qui, loin d’être bloquée, bouge en
profondeur et souhaite une représentation politique plus en phase avec ses
propres aspirations ; un paysage politique
toujours dominé par le couple exécutif
Mitterrand-Rocard qui, avec un bilan de
près de deux ans, reste à un haut niveau
de popularité, et marqué par la présence
forte et menaçante d’un Jean-Marie Le
Pen qui s’en prend ouvertement à ceux
qu’il nomme « les extrémistes juifs » et
joue les martyrs lorsque le Parlement
européen lève son immunité pour le
conduire à répondre en justice de son fameux et fâcheux calembour sur le « Durafour crématoire » ; tandis que, dans la
droite classique, l’ancien président Valéry
Giscard d’Estaing prend le meilleur sur
un Jacques Chirac désormais dépassé au
baromètre de la popularité par Michel
Noir et un Raymond Barre énigmatique
et pour l’essentiel silencieux.
Tous, quoi qu’il arrive, sous le double
aiguillon de l’histoire et de la société,
seraient bien avisés de se préparer à une
renaissance tous azimuts du débat politique, en sachant que le positionnement
« moral » importe désormais davantage
que des références idéologiques que l’année 1989 a achevé de rendre obsolètes.
JEAN-MARIE COLOMBANI
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POLITIQUE
171
Le marathon
électoral français
Une gauche en quête d’union, une opposition modérée en crise d’identité :
la bipolarisation est remise en question ; mais, surtout, la montée des
abstentions met en péril la démocratie. Et l’Europe sert d’alibi aux jeux
de la
politique intérieure.
Entamé le 24 avril 1988 avec le premier
tour de scrutin pour la désignation du
président de la République, le plus long
marathon électoral qui ait jamais été imposé aux citoyens français n’a pris fin que
le 24 septembre 1989 avec le renouvellement triennal du tiers sortant du Sénat.
Cet appel aux urnes à répétition
avait lassé les électeurs et désorienté
les hommes politiques. Les premiers
s’étaient réfugiés dans l’abstention qui
avait atteint le taux exceptionnellement
élevé de 62,96 % le 6 novembre 1988, lors
du référendum sur la Nouvelle-Calédonie ; les seconds tentaient d’interpréter
le message ambigu que leur avait délivré
le peuple français en accordant, le 8 mai
1988, un second septennat à François
Mitterrand, mais en refusant de donner,
les 5 et 12 juin, à ses partisans à l’Assemblée nationale la majorité absolue qui
aurait permis au chef de l’État de légiférer
sans risque ni compromis.
La gauche en quête d’union
La proximité de l’échéance des municipales, fixées de longue date aux 12
et 19 mars 1989, ne leur en laissa pas le
loisir. L’occurrence était particulière-
ment difficile pour les dirigeants socialistes, qui avaient pourtant remporté les
deux dernières consultations électorales.
Conscients de l’irrésistible déclin du
parti communiste qui ôtait à l’Union de
la gauche tout espoir d’obtenir la majorité
absolue des suffrages, la plupart d’entre
eux, à commencer par le Premier ministre, Michel Rocard, étaient partisans
d’une « ouverture au centre » à caractère
compensatoire.
Préconisé déjà en mai 1988 par le chef
de l’État, ce renversement des alliances
avait, certes, été accueilli favorablement
par quelques responsables centristes ;
mais, à en juger tout au moins d’après
le résultat des législatives partielles, les
électeurs n’avaient pas suivi. Et il avait
fallu attendre le 29 janvier 1989 pour
que l’homme nouveau de la majorité
présidentielle, Bernard Tapie, réussisse
à arracher, avec une étroite marge de
623 voix, le siège de la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône que détenait
jusqu’alors l’UDF Guy Tessier.
Cette « embellie marseillaise » n’était
pas suffisante pour convaincre la direction du PS, et son premier secrétaire,
Pierre Mauroy, de changer de stratégie.
Inébranlablement fidèle à celle de l’Union
de la gauche, ce dernier avait ouvert des
négociations avec le PCF, dès le 26 octobre 1988. Mais il s’était aussitôt heurté à
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172
la méfiance des dirigeants de la place du
Colonel-Fabien qui n’avaient pas oublié
que leur alliance avec le PS avait accéléré
l’hémorragie de leurs voix.
Après avoir remis en cause un premier
accord, celui du 12 janvier, puis un second,
celui du 3 février, ils acceptèrent pourtant
de conclure in extremis le compromis du
17 février, permettant la constitution de
listes communes socialo-communistes
dans 63 % des villes de plus de 30 000 habitants. En revanche, des primaires devaient être organisées dans 37 % d’entre
elles, soit parce que le parti socialiste avait
fait alliance avec des candidats du Centre,
soit parce qu’il avait revendiqué la tête de
liste dans des municipalités à direction
communiste, mais où les élections présidentielles et législatives de 1988 avaient
révélé qu’il était devenu la force politique
de gauche la plus importante. Et, cela, le
PCF ne pouvait l’admettre.
Divisions internes
Avec un taux de près de 95 % de listes
communes dans ces mêmes villes de plus
de 30 000 habitants, l’opposition avait fait
mieux. En agissant plus tôt et plus vite,
elle avait surpris l’opinion publique qui
ne croyait pas qu’elle puisse atteindre un
tel résultat après son échec lors de l’élection présidentielle de 1988. Certes, celuici avait nourri bien des rancoeurs et suscité des différences d’interprétations au
sein des deux formations politiques qui
la composaient. Pire : l’une d’elles, l’UDF,
paraissait même menacée d’éclatement
par la constitution, sur ses marges et à
ses dépens, du groupe parlementaire de
l’UDC, qui rassemblait des élus du centre
gauche dont on pouvait penser qu’ils rallieraient la majorité présidentielle dans
un avenir plus ou moins lointain.
C’était oublier la force des pesanteurs
sociologiques qu’accroissait une longue
pratique de la bipolarisation. Portés par
un électorat qui comprenait mal ce qui
pouvait bien séparer chacune des trois
composantes de l’opposition, ses dirigeants retrouvèrent tout naturellement le
chemin de l’unité, non sans avoir préalablement levé l’hypothèque du Front national avec lequel le bureau politique du
RPR s’était interdit, le 8 septembre 1988,
de contracter toute alliance, fût-elle simplement locale.
Politique
étrangère
Au-delà de la présidence du sommet
des pays industrialisés à Paris (du 14
au 16 juillet) et de celle de la Communauté
européenne (de juin à décembre), la France
a joué un rôle important dans la recherche
d’un nouvel équilibre européen, après les
bouleversements intervenus à l’Est.
Tout en soutenant l’action de Mikhaïl Gorbatchev en faveur de la libéralisation des
régimes d’Europe orientale, le gouvernement n’envisage une réduction du potentiel
militaire français qu’en échange d’un effort
parallèle des Soviétiques. En revanche, Paris
n’a pas ménagé son assistance économique
à la Pologne, qui a bénéficié des crédits de
la CEE et d’une aide française de 4 milliards
de francs. Depuis l’ouverture de la frontière
interallemande (10 novembre), les dirigeants
français ont redoublé leurs efforts pour accélérer l’union politique entre les Douze. Au
Conseil européen de Strasbourg (8 et 9 dédownloadModeText.vue.download 174 sur 509
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173
cembre), François Mitterrand a obtenu d’Helmut Kohl l’ouverture, fin 1990, d’une conférence intergouvernementale destinée à fixer
les étapes finales de l’union monétaire.
Il a aussi beaucoup contribué à la définition de la position commune des Douze
sur la question allemande : la Communauté accepte le retour à l’unité du peuple
allemand dans le respect des traités et la
perspective de l’intégration européenne.
Le 10 décembre, M. Mitterrand a souligné
que « la frontière Oder-Neisse devait rester
intangible et qu’une Allemagne réunifiée ne
devait pas disposer de l’arme nucléaire ».
La France a aussi multiplié les démarches
afin de ramener la paix au Liban et au Cambodge. Elle est même allée jusqu’à maintenir des relations diplomatiques avec les
dirigeants khmers rouges, responsables d’un
génocide de deux millions de personnes.
Laurent Leblond
Les primaires sauvages furent donc
relativement peu nombreuses au sein
de l’opposition (Aix-en-Provence, Brest,
Strasbourg), ce qui permit à cette dernière de ne perdre le contrôle que de
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32 municipalités de plus de 20 000 habitants les 12 et 19 mars. Elle pouvait se
déclarer satisfaite d’un résultat que couronnaient les grands chelems remportés
respectivement dans les neuf secteurs
de Lyon et, pour la deuxième fois, dans
les vingt secteurs de Paris par deux des
principaux responsables du RPR : Michel
Noir, et surtout Jacques Chirac.
Conçue, à l’origine, par Gaston Defferre pour permettre au parti socialiste
de conquérir quelques mairies d’arrondissement à partir desquelles il aurait pu
affaiblir de l’intérieur les deux principales
forteresses municipales de ses adversaires, la loi dite PLM (Paris-Lyon-Marseille) avait eu un effet boomerang à leur
avantage. Pire, elle avait facilité dans les
huit secteurs de la métropole phocéenne
le succès du maire sortant, Robert Vigouroux, qui avait été exclu du PS le 4 janvier 1989 pour avoir refusé de s’effacer au
profit du candidat officiel de ce dernier,
Michel Pezet.
Du fait de ses divisions internes,
l’Union de la gauche ne parvenait pas à
reconquérir toutes les places perdues lors
des élections municipales de 1983. Élargie aux centristes de la majorité présidentielle, elle n’avait rassemblé au premier
tour que 48,51 % des suffrages exprimés,
contre 47,73 % à l’opposition ressoudée.
Et, au soir du second tour, elle contrôlait
204 villes de plus de 20 000 habitants, ses
compétiteurs, maîtres de 180 mairies, faisant presque jeu égal avec elle.
La bipolarisation en question
Cette stabilité du rapport des forces
entre la droite et la gauche qui perdurait au moins depuis 1978 traduisait-elle
une stabilité analogue du corps électoral ? Il était tout aussi imprudent de
l’affirmer que de le nier. En apparence, la
bipolarisation restait l’une des données
constantes de la vie politique française.
La campagne municipale avait pourtant
révélé des tendances à la fissuration de
chacun des deux blocs. À droite, certains
membres du CDS, parfois même du PR,
tel Jean-Pierre Soisson à Auxerre, avaient
fait liste commune avec des socialistes. À
gauche, les dissensions avaient été plus
graves et s’étaient traduites par un effritement continu des positions du PCF,
qu’affaiblissait de l’intérieur l’action des
« rénovateurs », et par une aggravation
au sein du PS des divergences entre partisans et adversaires d’une ouverture au
centre qui mettait un terme à l’Union
de la gauche à laquelle restaient fidèles
un grand nombre de dirigeants et de
militants.
Mais les modalités du scrutin à deux
tours ne permettaient pas de mesurer
l’audience exacte de deux forces politiques qui disposaient de trop peu de
moyens en hommes et en argent pour
présenter des listes de candidats dans
toutes les communes françaises : le Front
national de Jean-Marie Le Pen, qui semblait rallier plus de 10 % de l’électorat dans
le Midi méditerranéen et dans l’Est alsacien ; les écologistes d’Antoine Waechter,
qui devaient recueillir en moyenne 7,7 %
des suffrages exprimés dans les villes de
l’Ouest armoricain et de l’Est jurassien
ou alsacien. Longtemps marginales, elles
avaient perturbé le jeu de « la bande des
quatre », ce qui s’était traduit le 19 mars,
par la multiplication des triangulaires,
voire des quadrangulaires, encore exceptionnelles au second tour en 1983.
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POLITIQUE
175
Un tel phénomène qui se manifeste,
sous sa double forme, dans un même
électorat urbain à Colmar, à Mulhouse,
à Strasbourg, contribuant à l’échec, dans
ces deux dernières villes, de municipalités
en place depuis plusieurs décades, traduit
un vote de rejet. Émis par une fraction
notable du corps civique d’origine populaire, il ne fait que manifester l’hostilité,
voire le désespoir de nombreux Français
à l’encontre de formations qui diffèrent
moins par l’action que par le discours et
qui n’ont su renouveler ni leurs hommes,
ni leurs méthodes.
Traduite par un taux d’abstention de
27,18 %, taux jamais atteint depuis la
Libération lors d’élections municipales,
cette discordance entre les citoyens et le
monde politique était-elle un mal passager ou une maladie pernicieuse qui
minait les bases mêmes de la démocratie française ? Les élections européennes
du 18 juin fournirent un élément de
réponse ; le scrutin de liste et la répartition des sièges à la proportionnelle dans
le cadre national permettaient à toutes les
listes dépassant le seuil fatidique des 5 %
d’envoyer des représentants siéger au Parlement de Strasbourg.
L’Europe : enjeu ou alibi ?
L’enjeu était considérable puisque la
nouvelle Assemblée devait dessaisir les
Parlements nationaux de leurs prérogatives économiques et sociales, fussentelles de caractère politique, à partir
du 1er janvier 1993. Pourtant, les 15 et
18 juin, leurs électeurs devaient se rendre
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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aux urnes non pour voter pour ou contre
l’Europe, mais pour approuver ou pour
sanctionner la majorité en place.
Défense
Edgar Faure avait coutume de qualifier la
discussion budgétaire de « morne litanie ». Exceptionnellement, les débats sur la
loi de programmation militaire ont pris cette
année un tour étonnamment vif du fait d’un
contexte international particulier.
Des dépassements de devis pour l’avion
Rafale et du char Leclerc aux réductions
annoncées des effectifs de l’armée de terre
en passant par la remise en question de la
modernisation de la triade stratégique, les
causes de désaccords n’ont pas manqué. Si la
ligne de fracture passe – c’est l’usage – entre
majorité et opposition, elle n’a pas manqué
de toucher les militaires eux-mêmes. Dans
ce contexte, le fameux complexe militaroindustriel a fait un retour remarqué sur la
scène médiatique.
À l’heure de la rigueur budgétaire – la perspective du marché unique européen rend
inévitables les baisses des prélèvements
obligatoires –, on s’est interrogé, avec un
peu plus d’acuité critique que par le passé,
sur la définition des grands programmes
d’armements. Ce qui a porté le feu au coeur
même du « triangle » ministère de la Défense
– états-majors – industries d’armement.
Au-delà des joutes parlementaires qui
ont, à l’évidence, dépassé les bornes du
« consensus défense », le ministre a dû également faire face à la grogne du personnel.
À peine la pilule de la réduction des effectifs de l’armée de terre avalée, c’était au tour
de la gendarmerie de redonner la parole à
la Grande Muette. Et ce dans un climat pro-
testataire aux plus purs accents syndicaux :
conditions de travail, rémunération, « statut » social, mission, droit à l’expression. Dans
le cadre d’un budget serré, la résolution des
revendications de la gendarmerie n’ira pas
sans poser quelques problèmes. Seule satisfaction pour le ministre de la Défense, les
nouveaux uniformes dessinés par le couturier Pierre Balmain n’ont fait à ce jour l’objet
d’aucune contestation.
Philippe Faverjon
En France, cette dérive nationale fut
d’autant plus nette et la campagne électorale d’autant plus vive que le scrutin
du 18 juin figerait pour quatre années
les rapports de force entre la majorité et
l’opposition, aucune consultation n’étant
inscrite au calendrier avant les législatives de 1993.
À gauche, le problème était relativement simple puisque la représentation
proportionnelle libérait le parti communiste de son alliance contraignante avec
un parti socialiste dont la préoccupation
majeure était de s’affirmer comme la
première force politique française. Cet
objectif ne pourrait être atteint qu’avec
le concours de voix centristes qui n’apporteraient leurs suffrages qu’à une liste
conduite par des socialistes d’ouverture.
Dès janvier, leurs noms étaient propagés
par la rumeur publique : Michel Rocard,
qui démentait le 6, Jacques Delors, qui
laissait planer l’incertitude le 8.
À droite, la situation était plus complexe. Le RPR et l’UDF devaient en effet
faire un choix : ou présenter des listes
séparées pour mesurer leur poids respectif au sein de l’opinion publique et pour
ratisser plus large, comme le préconisait
encore François Léotard dans une interview publiée dans le Monde du 27 janvier,
avec la perspective, quasi assurée, de faire
le jeu du parti socialiste ; ou constituer
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POLITIQUE
177
une liste unique de l’opposition, comme le
souhaitait déjà Valéry Giscard d’Estaing,
tirant ainsi tous les enseignements du
succès relatif mais inespéré remporté par
les candidats de l’URC (Union du Rassemblement et du Centre) les 5 et 12 juin
1988. La détermination du CDS de ne pas
lier son destin électoral à celui du RPR,
au risque de briser par contrecoup l’UDF,
rendait aléatoire son renouvellement et
paraissait lourde de conséquences pour
l’après-18 juin.
Au terme de deux mois de suspense,
la situation se décanta brutalement au
lendemain du 19 mars, avant même
que les hommes politiques n’aient eu le
temps d’analyser toutes les conséquences
des élections municipales et leur réelle
portée.
L’entrée en scène des protagonistes
À gauche, la désignation des têtes de
liste ne donna guère lieu à débat. Nourrie sans doute d’inspirations élyséennes,
la candidature de Laurent Fabius était
officialisée par le PS le 24 mars et le 30,
celle, virtuelle, de Philippe Herzog, libérait le secrétaire général du PCF, Georges
Marchais, des risques d’une aventure
européenne.
À droite, en revanche, le refus définitif
du CDS, Pierre Méhaignerie, annoncé dès
le 20 mars, de faire liste commune avec le
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RPR, suscitait une querelle des anciens et
des modernes. Pour tenter d’éviter qu’une
liste du centre n’entre en concurrence
avec celle de l’union UDF-RPR que devait
conduire Valéry Giscard d’Estaing, rallié
le 5 avril par François Léotard, les rénovateurs de l’opposition annonçaient, le 6,
leur intention de constituer, en dehors
et par-dessus les clivages partisans, une
liste de jeunes quadragénaires excluant
les chefs historiques de leurs formations
politiques respectives.
Le caractère contradictoire de leur
démarche les condamnait à l’échec. Désireux de maintenir à tout prix l’union
de l’opposition, comme ils l’affirmèrent
dans leur communiqué du 9 avril, comment auraient-ils pu prendre le risque
de s’exclure eux-mêmes soit du RPR,
soit de l’UDF, dont les conseils nationaux réaffirmaient successivement, le 8
et le 13, leur soutien à la liste d’Union
de l’opposition, dirigée par Valéry Giscard d’Estaing et par Alain Juppé ? Pour
éviter de s’entre-déchirer, il ne leur restait plus qu’à se retirer sur l’Aventin et à
laisser les centristes confier le 27 la tête
de leur liste européenne à une libérale,
Simone Veil.
Condamnée par les dirigeants historiques du CDS, et notamment par Jean
Lecanuet, rejetée par les membres de ce
parti restés de farouches adversaires de
la majorité présidentielle, cette décision
désarçonna l’électorat, convaincu, au
contraire, que rien de fondamental n’opposait désormais les deux grandes formations politiques de l’opposition.
À l’extrême gauche, Claude Llabrès
tentait d’entraîner les communistes sur
la voie de la rénovation, tandis qu’Ariette
Laguiller, au nom de Lutte ouvrière, et
Marc Gauquelin, en qualité de trotskiste
du MPPPT, se disputaient les voix de ceux
qui voulaient construire l’Europe des travailleurs contre l’Europe du capital. À
droite, l’opposition n’avait sans doute rien
à redouter des listes dont les leaders peu
connus Gérard Touati (Génération Europe) et Henri Joyeux (Alliance) prétendaient lui disputer des voix que convoitait
également Jacques Cheminade (Rassemblement pour une France libre), que ses
positions politiques rapprochaient de
celles de Jean-Marie Le Pen.
Ce dernier se donnait pour but non
seulement de défendre l’identité française au Parlement européen, mais aussi
et peut-être surtout de mesurer son audience nationale et de rappeler à l’opposition RPR-UDF que la force qu’il représentait était devenue, le 24 avril 1988,
l’une des composantes principales et
incontournables du paysage politique ; et
donc que, sans le concours qu’il lui proposait et qu’elle rejetait, elle ne pourrait
jamais redevenir majoritaire.
Législation
Des considérations politiciennes et les impératifs de l’unification de la législation
européenne justifient l’orientation donnée
par le gouvernement de M. Rocard au travail
parlementaire.
Quelques lois importantes inspirées par le
cabinet de M. Chirac sont abrogées ou largement amendées. La loi no 89-25 du 17 janvier 1989 relative à la liberté de communication modifie les dispositions promulguées
le 30 septembre 1986. Le CNCL fait place
au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel)
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POLITIQUE
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dont les pouvoirs de sanction sont renforcés. La loi du 23 décembre 1986, dite « loi
Méhaignerie », d’abord remaniée par la loi
no 89-18, a été abrogée en grande partie par
la loi no 89-642 du 6 juillet, qui constitue le
nouveau droit commun des baux d’habitation. Brève mais décisive, la loi no 89-465 du
10 juillet, qualifiée par certains de « dénoyautage », modifie celle du 6 août 1986 relative
aux modalités d’application des privatisations. Tandis que les obligations imposées
aux groupes d’actionnaires stables (« noyaux
durs ») constitués par M. Balladur sont rendues caduques, le ministre des Finances est
habilité à s’opposer à toute acquisition supérieure à 10 % du capital des privatisées. La loi
no 89-548 du 2 août réforme profondément
la législation relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France.
Invité par le Conseil des communautés
européennes à se prononcer, le législateur
français institue, le 13 juin, le Groupement
européen d’intérêt économique et modifie l’ordonnance du 23 septembre 1967 sur
les GIE. La loi no 89-421 du 23 juin met en
conformité le droit national avec des directives européennes en matière de consommation. Elle améliore certains textes anciens,
adapte la législation à certaines pratiques
commerciales (ventes « à la boule de neige »,
loteries avec pré- et post-tirages) et comble
certaines lacunes (contrat de courtage
matrimonial...). Ses 14 articles accroissent
d’évidence l’efficacité du droit de la consommation. Pourtant, l’adoption de la loi no 891010 (31 décembre) en révèle les limites.
Pour pallier « les difficultés liées au surendettement des particuliers », sont établies des
procédures de prévention et de règlement ;
l’article 10 institue une procédure collective
de redressement judiciaire civil.
Le droit pénal connaît de notables modi-
fications. Après la réforme de la révision
des condamnations pénales (loi no 89-431),
le Parlement réécrit les articles du Code de
procédure pénale relatifs à la détention provisoire par la loi du 6 juillet (no 89-461). Les
dispositions de la loi du 10 juillet (no 89-487)
relative à la prévention des mauvais traitements à mineurs posent les premiers jalons
d’une protection efficace de l’enfance. Promulguée le 10 juillet, l’amnistie concerne
les nationalistes corses et guadeloupéens
actuellement détenus.
Le Code du travail est encore l’objet de
modifications. La loi no 89-18 du 13 janvier,
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en son titre VIII, facilite l’embauche par divers procédés; celle du 2 août (no 89-549)
tend à prévenir le licenciement économique ; celle du 19 décembre (no 89-905)
veut favoriser l’insertion professionnelle de
ceux qui rencontrent des difficultés particulières d’accès à l’emploi. La loi no 89-899
du 18 décembre révise plusieurs chapitres
du Code de la santé publique pour développer la protection de la santé maternelle
et infantile. Après les remous causés par les
« affaires » Triangle et Pechiney, le ministre
de l’Économie sollicite du législateur l’examen de son projet sur la transparence et la
sécurité du marché financier. La loi no 89531 du 2 août renforce l’indépendance et les
pouvoirs de la Commission des opérations
de Bourse (COB) et modifie la réglementation des offres publiques d’achat (OPA). En
modifiant une réglementation de 1941, la
loi du 1er décembre (no 89-874) entend développer la protection du patrimoine culturel sous-marin.
Hervé Robert
Ces listes représentaient tous les courants politiques traditionnels, même les
plus ténus, de l’opinion publique française. La surprise vint de l’entrée dans
l’arène de trois forces nouvelles qui
avaient pour point commun la volonté affichée de défendre la nature. Deux d’entre
elles étaient pourtant antagonistes : celle
des protecteurs de la vie animale dont le
plus ardente protagoniste, Arlette Alessandri, condamnait notamment la vivisection ; celle des chasseurs et pêcheurs
qui rappelaient, sous l’impulsion d’André
Goustat, qu’ils contribuaient à réguler la
croissance d’une faune trop prolifique et
par là même menaçante pour la survie
des espèces végétales, qu’elles soient ou
ne soient pas cultivées.
Refusant de se situer à droite ou à
gauche de l’échiquier électoral, seule la
dernière de ces forces, celle des Verts
d’Antoine Waechter, donnait à son combat une dimension politique. Désireux
de se compter au plan national au lendemain des succès qu’ils avaient remportés
localement lors des municipales, ces derniers n’étaient pas antieuropéens comme
les « Grünen » allemands. Mais hostiles à
l’Europe de l’Acte unique fondée sur des
alliances militaires et sur des ententes
économiques, ils voulaient lui substituer
une Europe des régions et des peuples
qui aurait pour ciment le principe de
solidarité, alors que les jeunes de la liste
IDE, emmenée par Franck Biancheri,
entendaient promouvoir une Europe
transnationale.
Quinze listes en compétition pour
quatre-vingt-un sièges à pourvoir, c’était
beaucoup. Quinze protagonistes pour débattre de l’Europe devant les caméras de
TF1, c’était trop. Laurent Fabius refusait
un duel au sommet avec Valéry Giscard
d’Estaing sous prétexte de ne pas valoriser la liste RPR-UDF au détriment de
celle conduite par Simone Veil en qui il
voyait une alliée potentielle. Y faire participer cette dernière et Philippe Herzog,
c’était reconstituer « la bande des quatre »
en la caricaturant du fait de l’absence de
tout représentant du RPR. Il fut donc
décidé d’y intégrer Jean-Marie Le Pen et
Antoine Waechter. Le Front national et
les Écologistes faisaient leur entrée dans
la cour des grands.
De l’aveu même de l’un de ses participants, Valéry Giscard d’Estaing,
l’émission du 8 juin 1989 fut « peu passionnante » et même « un peu contraignante ». Elle accentua la lassitude des
Français, appelés à prendre le chemin des
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urnes au minimum pour la sixième fois
depuis le 24 avril 1988.
La démocratie remise en cause ?
Ils répliquèrent par un taux d’abstention exceptionnellement massif : 51,27 %,
significatif du peu d’intérêt qu’ils portaient non seulement à l’Europe mais
aussi à la classe politique. Ses quatre
forces dominantes depuis 1978 (RPR,
UDF, PS et PCF) ne recueillaient même
pas le tiers des inscrits (34,48 %) et devaient céder les 3e et 4e places aux deux
principaux trouble-fête de la campagne :
le Front national (5,55 %) et les Écologistes (5,01 %).
Absolue le 8 mai 1988, relative le
12 juin 1988, la « majorité présidentielle »
ne disposait plus que d’un support électoral minoritaire au soir du 18 juin 1989. À
sa gauche, elle ne pouvait plus compter
puiser dans le vivier électoral désormais
asséché du PCF pour atteindre la barre
fatidique de 50 % des votants qui assurerait sa pérennité gouvernementale. À
droite, l’échec de Simone Veil prouvait
que les électeurs centristes et libéraux
avaient préféré voter utile comme le leur
avait conseillé Valéry Giscard d’Estaing.
Dans le duel à fleuret moucheté qui
l’opposait depuis 1981 à François Mitterrand, l’ancien chef de l’État avait remporté un succès important qui restaurait
sa légitimité au plan national et rendait
de nouveau crédible son éventuelle candidature à la présidence de la République.
Il était donc le grand vainqueur de ces
élections, mais il n’était pas le seul.
Certes, derrière lui, c’était toute la
droite traditionnelle qui l’avait emporté
dans la diversité des composantes de
l’UDF et du RPR, dont le rééquilibrage
au profit de ce dernier et au détriment
du Centre devait être confirmé le 24 septembre par les grands électeurs, lors
du renouvellement du tiers sortant des
sénateurs.
Vie sociale
Comme 1988, l’année 1989 marque une
nette recrudescence des conflits après
six ans d’apaisement. Les revendications
catégorielles dans le secteur public sont permanentes et s’étendent : gardiens de prison,
enseignants, agents de la météo, infirmières
et milieux hospitaliers, fonctionnaires de
la Corse, agents des finances, gendarmes,
policiers et douaniers. Le secteur privé reste
beaucoup plus calme en dépit d’un certain
raidissement, particulièrement à l’automne
avec la grève qui touche les usines Peugeot.
La multiplication des conflits localisés,
mais aussi leur plus grande violence et leur
plus longue durée, accompagnée parfois par
une véritable volonté de « pourrissement »,
traduisent un malaise social grandissant. Les
salariés notent un « déficit social » croissant.
La poursuite de la rigueur salariale, mais aussi l’inégalité devant l’emploi (le chômage, la
précarité), alors que l’économie va mieux et
que la situation des entreprises ne cesse de
s’améliorer, accroissent le sentiment d’injustice. En même temps se développent des
revendications plus qualitatives concernant
les conditions de travail et le déroulement
des carrières.
Alors que la CFDT, avec Jean Kaspar élu en
novembre 1988, et FO, avec Marc Blondel qui
succède à André Bergeron en février, optent
pour le changement, la CGT préfère la continuité en reconduisant Henri Krasucki en mai.
Si Jean Kaspar se veut favorable à la négodownloadModeText.vue.download 183 sur 509
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ciation, Marc Blondel, en revanche, oppose
syndicalisme de contestation à syndicalisme
d’accompagnement et adopte une attitude
plus revendicative. Enfin, la CGT poursuit sa
tactique de harcèlement (« dix » de Renault,
hostilité à l’Europe de 1993, etc.).
Le patronat met en avant la construction
de l’Europe et les contraintes internationales
(la compétitivité) pour exiger toujours plus
de liberté (flexibilité, déréglementation et
allégement des charges). Pierre Guillen, président de la commission sociale du CNPF
(dont il démissionne le 31 mai avant d’être
remplacé par Jean-Louis Giral), est un adepte
du « girondinisme » ; il défend la décentralisation du dialogue social. Après l’accord
interprofessionnel sur l’aménagement du
temps de travail conclu en mars, mais qui
n’a été signé que par la CFDT et par la CGC,
les partenaires préparent ceux sur les conditions de travail et l’égalité professionnelle
d’une part et sur la mobilité professionnelle
et géographique des salariés d’autre part. Les
autres domaines de négociation concernent
la nouvelle convention assurance chômage,
le problème des retraites complémentaires
et l’Europe sociale.
Face à la montée des revendications dans
la fonction publique, le gouvernement de
Michel Rocard ne refuse pas le dialogue mais
ne cède pas et reste ferme dans ses choix
politiques, estimant l’économie « convalescente » et donc encore nécessaires l’amélioration de la situation des entreprises et la
modération salariale. En revanche, le gouvernement change de procédé en passant progressivement du traitement au cas par cas à
une méthode plus globale. Face à un parti
socialiste de plus en plus critique envers sa
politique sociale, le Premier ministre multiplie les initiatives au cours de l’automne.
Partisan de la rénovation du secteur public,
il propose en septembre un pacte de croissance qu’il inscrit dans le cadre de ses « 11 travaux d’Hercule » : selon le théorème des trois
tiers, les fruits de la croissance doivent se
répartir équitablement entre l’emploi, l’investissement et la formation, et le pouvoir
d’achat. De même, une prime de croissance
de 1 200 F est allouée en novembre à tous
les fonctionnaires et une réforme de la grille
de la fonction publique est engagée. Parallèlement, d’autres mesures plus particulières
sont prises en faveur des exclus (loi sur la
prévention du licenciement économique,
nouveau plan emploi, RMI, logement social
et crédit formation).
Dominique Colson
Mais, parmi les vainqueurs, il fallait
aussi compter ceux qui voulaient que le
pays soit gouverné autrement : électeurs
du Front national qui s’étaient prononcés en fait en faveur de la mise en oeuvre
d’une politique de retour en matière
d’immigration ; écologistes prêts, au
contraire, à favoriser la mutation de la
communauté nationale en une communauté multiraciale dont l’énergie devrait
être employée moins à l’essor de la production qu’à l’amélioration de la consommation dans le respect des spécificités
régionales, qu’elles soient économiques,
linguistiques, ethniques ou religieuses ;
défenseurs de la chasse et de la pêche, enfin, qui avaient su rassembler les moyens
financiers nécessaires pour mener une
campagne à l’échelle nationale. Leur appel fut largement entendu, car il ne leur
manqua que 0,87 % des suffrages exprimés pour faire leur entrée au Parlement
de Strasbourg.
Budget
Les dépenses publiques sont en assez
forte progression (+ 5,3 %) et atteignent
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1 217,7 milliards de francs. La hausse s’explique surtout par l’accroissement des dépenses liées au paiement des intérêts de la
dette (+ 17,6 %). Par l’affectation des crédits
comme par la création d’emplois (solde positif net de 7 800 postes), les efforts portent
dans trois directions. La solidarité s’exerce
au moyen de mesures prises en faveur du
logement social (+ 17 %), de l’emploi, du Revenu minimum d’insertion (RMI) et par l’aide
publique au développement. La préparation
de l’avenir passe par les efforts consentis en
faveur de l’éducation (+ 8,7 % et création
de 13 540 postes), de la formation, de la recherche (+ 7 %) de la culture (+ 7,6 %) et par
la modernisation et la rénovation du secteur
public : un pacte de croissance a été lancé
dans la fonction publique et les secteurs privilégiés, dont la justice (+ 7 % et 2 054 nouveaux emplois) et la police (+ 7,2 %).
Avec 1 127,5 milliards de francs, le recettes
publiques progressent de 6,8 %. Les allégements d’impôts représentent 16,7 milliards
de francs. Dans l’optique du marché unique
européen, les principales mesures favorisent
les entreprises (baisse de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfice réinvestis et crédits
d’impôt pour la recherche et la réduction du
temps de travail) et les revenus de l’épargne.
D’autres mesures privilégient l’égalité financière : baisse de la TVA et de la taxe d’habitation pour les plus démunis, mais alourdissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune
(ISF), mesure fiscales moins généreuses pour
les propriétaires et moralisation des stock
options pour les cadres.
La réduction du déficit budgétaire reste
prioritaire. Il passe de 100,5 à 90,2 milliards
de francs. En dépit d’un accroissement des
dépenses et d’un allégement des impôts, cet
effort es rendu possible par la croissance de
l’économie.
Dominique Colson
Un tel résultat n’est surprenant qu’en
apparence. En s’abstenant ou en votant
très minoritairement pour les représentants des quatre formations politiques
qui se partageaient ordinairement leurs
suffrages, les Français ont peut-être
exprimé leur lassitude d’un incessant
appel aux urnes. Mais ils ont sans doute
et surtout manifesté un certain rejet à
l’encontre du régime et des hommes
qui l’incarnent, élus ou fonctionnaires.
Considérés comme « souverains » le
temps d’une campagne électorale, ils
acceptent de moins en moins bien d’être
traités en « sujets » par une administration censée mettre l’État à leur service et
qui, en son nom, et nonobstant les aléas
électoraux, les infantilise en s’armant sans
cesse contre eux des rigueurs (fiscales ou
pénales) de la loi.
L’avenir de la démocratie est en jeu. À
ne pas tenir compte de cet avertissement,
les princes qui nous gouvernent – ou ceux
qui aspirent à nous gouverner – se réserveraient des lendemains qui déchantent.
PIERRE THIBAULT
Politique
économique
Estimant l’économie française encore
« convalescente », le gouvernement
poursuit la même politique économique.
Ses objectifs restent la compétitivité des entreprises, seule capable d’améliorer l’emploi,
et la désinflation.
La rigueur économique est maintenue : le
déficit budgétaire est encore réduit ; la politique monétaire se consacre à la défense du
franc par la hausse des taux d’intérêts mais
aussi au ralentissement de la croissance exdownloadModeText.vue.download 185 sur 509
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cessive des crédits ; la modération salariale
est toujours recommandée. En revanche, les
mesures en faveur de l’emploi se multiplient :
la loi relative à la prévention du licenciement
économique et au droit à la conversion est
adoptée le 2 août ; un deuxième plan emploi
est annoncé le 13 septembre ; il confirme et
prolonge le précédent en combinant traitement économique (encouragement à
l’embauche par allégement des charges et
incitation à la réduction du temps de travail)
et traitement social.
Partisan du « Ni Ni » (ni nationalisation ni
privatisation) et donc de l’économie mixte,
le gouvernement fait toutefois passer la loi
sur le dénoyautage des privatisées (liberté
rendue aux actionnaires mais protection
des intérêts nationaux). En ce qui concerne
la Bourse, une loi sur la sécurité et la transparence du marché financier est votée en
juin, de même qu’est entreprise une réforme
de la COB. En outre, l’adaptation de la fiscalité française à celle de l’Europe se poursuit
– notamment par la réduction des impôts
des entreprises et des prélèvements sur
l’épargne et par la baisse de la TVA. Enfin,
le Xe plan (1989-1992), adopté le 28 avril,
repose sur une croissance non inflationniste encouragée par l’investissement et par
l’exportation et cherche à favoriser un haut
niveau d’emploi, en vue de l’Europe de 1993.
Dominique Colson
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POLITIQUE
185
La politique
régionale
En 1989, l’aménagement du territoire et la réorganisation des collectivités
locales se sont poursuivis sous le signe de l’Europe.
L’aménagement du territoire
C’est en effet sur fond d’Europe que se
sont inscrits, quasiment pendant toute
l’année 1989, l’aménagement du territoire et l’action de Jacques Chérèque. La
réforme de ce que l’on appelle les fonds
structurels – c’est-à-dire le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social (FSE) et le Fonds
européen d’orientation et de garantie
agricoles (FEOGA) – est entrée en vigueur. Et les gouvernements des Douze,
ainsi que les autorités régionales, ont été
extrêmement vigilants à l’égard de cette
réforme, menant avec la Commission de
Bruxelles des négociations ardues, car
les enjeux financiers sont considérables.
La France, pour sa part (DOM, Corse,
zones de montagne, bassins industriels),
ne s’en est pas trop mal sortie. En effet,
entre 1988 et 1992, le volume de ses fonds
structurels doit globalement doubler,
passant de 7,8 milliards d’écus en 1988
à 13,4 en 1992 (1 écu = 7 francs). Autre
tonalité européenne : le 24 novembre, à
Nantes, Jacques Chérèque a réuni ses collègues de la CEE en charge de l’aménagement du territoire pour tenter d’harmoniser les points de vue entre les États et la
Commission, d’une part, et, d’autre part,
pour lancer des initiatives de coopération
interrégionales.
Un budget correct
Sur le plan budgétaire, l’aménagement
du territoire a été mieux servi dans la loi
de finances 1990 qu’en 1989, qui avait été,
sur le plan des crédits publics, une année
à marquer d’une « pierre noire ». D’une
année sur l’autre, les crédits progressent
de 9 %. Et, après une grosse « colère » des
membres de la commission des Finances
de l’Assemblée nationale, conduits par
M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur, député socialiste de l’Aisne, le ministère des
Finances a accepté d’accorder à Jacques
Chérèque une rallonge de 500 millions de
francs. Du coup, s’il n’est pas mirobolant,
le budget de ce département ministériel a
retrouvé tout de même un niveau correct
pour 1990.
1989 aura aussi été marquée par un
changement de taille, celui du délégué
à l’aménagement du territoire. M. JeanFrançois Carrez, l’ancien patron de la
DATAR, ami du ministre centriste Pierre
Méhaignerie, ayant été nommé directeur
général de l’Institut géographique national (IGN) ; il a été remplacé, au début
d’octobre, par M. Jean-Pierre Duport,
quarante-six ans, administrateur civil
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hors classe, jusqu’alors président de
l’Agence foncière et technique de la région
parisienne. Dans le même mouvement, la
directrice de la DATAR, Mme Claire Bazy-
Malaurie, est également partie. C’est donc
une nouvelle équipe qui est à la tête de la
DATAR, bras droit de Jacques Chérèque.
Mais la question, posée déjà depuis pludownloadModeText.vue.download 188 sur 509
POLITIQUE
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sieurs années, demeure : comment redonner à la DATAR – service dépendant
juridiquement du Premier ministre – le
« punch » qu’elle avait dans les années
1979-1980 ? Comment l’alléger d’organismes divers, voire parasitaires, qui
gravitent autour et qui « l’ankylosent »
en l’empêchant de jouer un véritable rôle
interministériel, en amont et en aval de
toutes les grandes décisions gouvernementales ? Pas plus que l’État d’ailleurs,
la DATAR n’a modifié, sur le terrain, ses
structures administratives, son organisation en « commissariats », pas toujours
bien en phase avec les services préfectoraux, en dépit des grands changements
engendrés par la décentralisation.
Fin 1988, et pendant tout le premier
semestre 1989, Jean-François Carrez
avait mené à bien la difficile négociation
sur la deuxième génération des contrats
de plan entre l’État et les Régions. L’exercice était particulièrement délicat, car
il fallait tenir des délais très brefs et, en
théorie, conclure les discussions avant la
fin 1988. Inévitablement, d’importants
retards furent enregistrés.
L’effort de l’État
Mais, au total, pour la période 19891993, l’État mettra au pot 52 milliards de
francs, soit une progression de 25 % des
crédits par rapport à la période 19851988. Pour leur part, les conseils régionaux affecteront 43 milliards de francs
à des opérations jugées prioritaires
conjointement par leurs élus et par l’État.
Parmi les secteurs d’équipement privilégiés figurent les infrastructures (routes,
ports), la formation, la recherche.
Par rapport à une moyenne nationale de 930 francs par habitant, l’effort de
l’État va atteindre 2 100 francs en Corse
(une région « ultra-prioritaire » au titre
de l’aménagement du territoire et qui re-
cevra en outre de volumineuses subventions de Bruxelles), 1 530 francs dans le
Limousin, 1 340 francs en Lorraine. Certaines régions, dans leur contrat, ont mis
l’accent sur la formation (par exemple le
Poitou-Charentes et la Franche-Comté),
d’autres sur la recherche (LanguedocRoussillon), d’autres, enfin, sur l’enseignement supérieur (Auvergne). Certaines,
comme la Bourgogne ou la Picardie, ont
cherché à élaborer des programmes d’action concertés du territoire (PACT) pour
prendre en compte les handicaps spécifiques de certaines zones rurales touchées
par l’exode démographique ou la faiblesse
de l’armature urbaine (Morvan, Bresse,
Thiérache).
L’Île-de-France
et le casse-tête
des transports
Il faut faire un sort spécial au contrat de
plan signé entre la Région Île-de-France,
présidée par M. Pierre-Charles Krieg (RPR),
et l’État, représenté par le préfet de Région,
M. Olivier Philip. D’abord, parce que la plus
importante Région de France par son poids
démographique et économique a été la dernière à approuver définitivement l’opération,
la signature n’étant intervenue que fin avril.
Ensuite, les sommes en jeu sont non seulement considérables, mais dans un rapport
inverse de celles des autres Régions.
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Sur les 23 milliards à dépenser en 5 ans,
8,5 sont à la charge de l’État, mais 14,5 à
la charge de la Région. L’État a voulu non
seulement éviter que les contribuables de
Bretagne ou du Massif central, à travers le
budget national, ne payent pour les Franciliens, réputés « riches », mais que la Région
elle-même fasse un effort exceptionnel sur
son propre budget pour améliorer le cadre
de vie de ses habitants. Sur les 23 milliards,
la « part du lion » revient aux infrastructures de communication (18 milliards, dont
12 imputables aux finances régionales). Le
contrat comporte aussi un volet relatif à
l’enseignement supérieur. La Région prévoit
350 millions pour la création d’une université
à Marne-la-Vallée, à condition que l’État accepte que la Région puisse récupérer la TVA
sur les travaux de construction. Mais, jusqu’à
maintenant, le fisc a dit « non ».
Fin octobre, après des mois de consultations et de préparatifs, Michel Rocard a
levé un coin du voile sur ce qui, pendant au
moins cinq ans, constituera le « grand chantier » de l’Île-de-France. Une première série
de mesures a été prise, à propos de l’offre
foncière, de l’accroissement du parc de logements sociaux, des transports en commun
(projet Éole, entre la gare du Nord et la Défense via Saint-Lazare). Une taxe sur le stock
de bureaux, privés et publics, a été décidée
avec un montant modulable géographiquement. Le plan, destiné à accélérer les travaux
d’amélioration du cadre de vie, a reçu un
accueil mitigé de la part des élus d’Île-deFrance. M. Charles Pasqua, président (RPR)
du conseil général des Hauts-de-Seine, s’y
est déclaré franchement hostile si c’est, pour
l’État, l’occasion de reprendre aux collectivités locales des pouvoirs que leur ont conférés les lois de décentralisation depuis 1982.
La coopération européenne
M. Chérèque aurait voulu que, dans
le cadre des contrats de plan, les Régions
multiplient les opérations de coopération interrégionales, soit entre Régions
françaises, soit au-delà des frontières de
l’Hexagone. De ce point de vue, il a été
déçu. Sans doute a-t-on vu fleurir les initiatives (accords entre le Nord-Pas-deCalais et la Wallonie, convention de coopération économique entre la Catalogne
et Midi-Pyrénées ou Languedoc-Roussillon, communauté de travail du Jura
entre la Franche-Comté et quatre cantons
suisses), mais jamais avec une programmation financière précise.
C’est pour inviter les autorités régionales à jouer avec davantage de détermination la carte de la coopération que
la Commission (qui ne déteste pas d’entretenir des relations directes avec les
régions des États membres en contournant si nécessaire, pour les besoins de la
cause, les gouvernements) a arrêté une
série de mesures fin novembre. Comme
l’y autorise le nouveau règlement sur les
fonds structurels, la Commission peut
en effet décider d’elle-même des opérations qualifiées de « projets d’intérêt
communautaire ».
C’est une enveloppe de 2,1 milliards
d’écus qui a été décidée et il restera encore
à répartir un reliquat d’un milliard d’écus.
La France est intéressée par le premier
train de projets puisqu’il s’agit d’aides aux
Régions affectées par la crise des charbonnages (programme Rechar) et aux
zones côtières particulièrement fragiles
sur le plan de l’environnement (Envireg), notamment en Méditerranée. Le
programme Stride, lui, doté de 400 millions d’écus, vise à renforcer les capacités
régionales de recherche et à faciliter les
contacts entre les centres de recherche,
les laboratoires et les entreprises.
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POLITIQUE
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200 millions d’écus sont réservés à
des programmes spécifiques en faveur
des îles ultrapériphériques de la Communauté, à savoir les départements d’Outremer français, les Açores, les Canaries et
Madère.
Enfin, et c’est l’essentiel, 700 millions
sur 2,1 milliards entrent précisément
dans le cadre de la coopération transfrontalière. En effet, à partir de 1993, ces
zones, dont la caractéristique essentielle
était d’être des zones frontières, deviendront des régions charnières, retrouvant
non seulement leur unité géographique
naturelle mais aussi une fluidité économique totale. Les zones privilégiées pour
les aides communautaires sont les deux
Irlandes, la frontière entre le Portugal et
l’Espagne, la coopération transfrontalière
de part et d’autre des Pyrénées, et, peutêtre, demain les « franges » entre l’Europe
de l’Ouest et les pays d’Europe de l’Est.
On a vu d’ailleurs, à la fin de 1989, se
manifester, ici ou là, des idées de coopédownloadModeText.vue.download 191 sur 509
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ration entre régions occidentales et provinces d’au-delà du rideau de fer. À la
conférence de Nantes, le 23 novembre,
M. Olivier Guichard, président du conseil
régional des Pays de la Loire, a déclaré :
« Il serait souhaitable que des régions de
l’Europe de l’Ouest s’associent pour engager ensemble une démarche concrète de
coopération avec tel ou tel pays de l’Est. »
Ainsi les Pays de la Loire pourraient, avec
l’Émilie-Romagne ou avec l’Andalousie
(avec lesquelles ils sont jumelés), proposer un contrat d’aide à la Hongrie ou à la
Pologne sur des objectifs précis comme
la formation de cadres. Cette déclaration intervenait quelques jours avant la
réunion à Vienne de l’Association des
régions d’Europe (ARE), présidée par
l’Italien Emilio Bernini, à laquelle participèrent 150 régions occidentales et
25 orientales ainsi qu’un vice-Premier
ministre soviétique.
Dernière dimension européenne de
l’aménagement du territoire : le rôle des
métropoles européennes ou, selon un j
autre concept, des « eurocités ». Quelles
villes françaises peuvent se prévaloir de
ce label ? Paris, bien sûr, Lyon, Marseille,
Strasbourg et encore Toulouse. Encore
ne font-elles que partiellement ou occasionnellement « le poids » face à Londres,
Bruxelles, Francfort, Milan, Barcelone...
Ce qui n’empêche pas Lille, Montpellier, Bordeaux, Nantes de redoubler
d’efforts pour se raccrocher au train des
« grands ». Nantes, d’ailleurs, ambitionne
de jouer un rôle d’entraînement pour
toute la façade ouest atlantique et maritime, non seulement en France, mais de
Belfort à Cadix. La métropole de l’estuaire
de la Loire, en effet, voit sa situation géopolitique s’améliorer d’année en année
avec un réseau d’autoroutes modernes,
un aéroport flambant neuf et l’arrivée du
TGV depuis septembre.
La décentralisation
La nouvelle a fait l’effet d’une petite
bombe dans le monde politique, à la fin
de septembre. Michel Charasse, ministre
du Budget, a annoncé que l’État avait
décidé de modifier les règles d’attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée chaque année aux
communes et aux départements. Le but
du gouvernement est de faire des économies, d’inviter les collectivités locales à
participer à l’effort général de modération
des dépenses publiques et de leur demander de se mettre, elles aussi, à l’heure de
l’Europe.
La DGF
Depuis une loi du 3 janvier 1979, la
DGF, versée par l’État, était calculée en
fonction des taux de TVA en vigueur à
cette époque, et qui sont donc aujourd’hui
fictifs. D’autant plus que, depuis trois ans,
la France doit réduire ses taux, et par
conséquent ses rentrées financières de
TVA, pour cause d’harmonisation européenne. Jusqu’à ce jour, grâce à des taux
garantis et à une bonne conjoncture économique, la DGF connaissait une croissance confortable et aucun élu ne voulait qu’on y touche. La DGF a rapporté
70 milliards de francs en 1987, 73,3 milliards en 1988 et 80,1 milliards en 1989,
soit pour cette dernière année une progression – très forte – de 9,28 %.
« C’est assez, il faut que les collectivités soient plus raisonnables ; l’État ne
peut indéfiniment, en étant prisonnier
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d’automatismes législatifs, alimenter la
pompe des finances locales. Une révision
s’impose », a lancé Michel Charasse, qui
a fait adopter un nouveau système, en
dépit de l’hostilité des parlementaires,
toutes tendances politiques confondues.
Désormais, on prendra pour base d’indexation de la DGF, non les taux fictifs
de la TVA de 1979, mais la hausse des
prix de la consommation des ménages.
Est donc inscrite dans la loi de finances,
pour 1990, une DGF de 82,15 milliards,
alors que, si l’ancien système était resté
en vigueur, les collectivités auraient pu
compter sur 87 milliards de francs. (À
titre de comparaison, l’ensemble des recettes procurées par les impôts directs
locaux représente 165 milliards de F.) Les
élus locaux, à qui il est demandé chaque
année de prendre à leur charge une part
croissante des dépenses publiques, ont
évidemment poussé des hauts cris. Et
le gouvernement, pour calmer le jeu, a
fait savoir qu’il rechercherait un système
d’indexation plus équitable. Il serait en
effet juste que les collectivités, qui font un
effort d’investissement proportionnellement deux fois plus important que celui
de l’État, profitent elles aussi, sous forme
de redistribution, de l’enrichissement gé-
néral du pays.
L’entreprise-Région
L’année 1989 aura été marquée également par l’amorce d’un débat, dans
le contexte européen, sur la taille des
Régions françaises à l’échéance de
1993. Mais cette discussion n’a pu être
conduite à son terme malgré son intérêt. Y a-t-il trop de Régions, ont-elles des
moyens financiers suffisants ? (À titre
d’exemple, le budget de la Généralité de
Catalogne est trente fois plus important
que celui de Midi-Pyrénées.)
Mais il ne s’agit pas seulement d’une
question de taille. Des maires, des présidents de Régions ou de départements
se comportent de plus en plus comme
des patrons d’entreprises. Ils sillonnent
le monde, concluent des accords économiques avec les régions étrangères,
étendent leurs pouvoirs sur la vie politique, sociale, universitaire, culturelle
d’une communauté d’hommes et de
femmes, électeurs, citoyens, contribuables. Les villes et les Régions
cherchent et trouvent des slogans percutants (« Montpellier au coeur, l’Europe en
tête » ; « le Languedoc-Roussillon : le Sud
intense »). Bref, les collectivités locales
qui, en droit, n’ont d’autres compétences
que celles que leur attribuent les lois et
les décrets, acquièrent dans les faits, jour
après jour et en fonction de la personnalité du maire ou du président qui est
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à leur tête, une légitimité générale et un
pouvoir considérable.
L’exemple des ex-chantiers navals
Normed de La Ciotat est caractéristique.
Le site est propriété du conseil général
des Bouches-du-Rhône. C’est donc son
président qui a autorité pour accorder ou
non au groupe américano-suédois Lexmar (qui en a fait la demande) l’autorisation de rouvrir, par concession sur le
domaine public maritime, un chantier
naval. M. Lucien Weygand, président
socialiste du conseil général, ne doit sa
(fragile) majorité qu’à l’appoint des com-
munistes favorables à la réouverture du
chantier et qui, avec la CGT, militent activement en sa faveur. Or, le projet industriel présenté par Lexmar ne repose sur
aucune base solide, financièrement ou
économiquement. L’État, pour sa part,
se déclare franchement hostile à la solution Lexmar, mais il n’est plus le premier
décideur. Conséquence – que certains
disent « perverse » – des lois de décentralisation, c’est le conseil général qui a en
main les cartes maîtresses et qui a donc
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POLITIQUE
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pu décider, le 22 décembre, d’accorder au
groupe une concession provisoire de six
mois.
RMI : l’exemple
des Yvelines
Le gouvernement a demandé aux départements (qui ont compétence pour
l’action sociale) de participer à la mise en
oeuvre du Revenu minimum d’insertion
(RMI). La plupart ont répondu rapidement et
favorablement.
À titre d’exemple, dans les Yvelines, un
conseil départemental d’insertion a été créé
le 1er mars 1989, par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général et le
programme départemental a été défini et
approuvé le 1er juillet.
Dans ce département, 3 553 personnes ont bénéficié du RMI. Pour l’année
1989, l’ensemble des allocations versées aura atteint 48,2 millions de francs.
– 8 commissions locales d’insertion examinent la validité des contrats d’insertion présentés par les instructeurs ;
– 4 commissions techniques d’appui fournissent une aide pour l’élaboration des
contrats d’insertion, animent et développent
les actions d’insertion sur le plan local ;
– 5 chargés de mission (2 mis à disposition
par l’État et 3 par le département) assurent la
mise en place et l’animation du dispositif au
sein d’une cellule départementale.
Les bénéficiaires sont français à 74 %. 47 %
d’entre eux sont hébergés gratuitement. Le
montant moyen du RMI est de 1 708 francs
par mois.
Sur le plan économique, les départements, villes et Régions sont de véritables
puissances. L’ensemble de leurs budgets a
atteint 610 milliards en 1989, soit 11,1 %
du produit intérieur brut. Les budgets
des communes progressent raisonnablement d’une année sur l’autre (+ 4,6 %),
ceux des départements un peu plus rapidement (+ 6,5 %) et ceux des Régions
« s’envolent » (+ 21,4 %). La progression est encore plus marquée lorsqu’on
observe la fiscalité, puisque les revenus
procurés par les impôts régionaux directs
ont augmenté de 29,1 %. Il est vrai que
les Régions sont appelées à faire un effort
de plus en plus considérable, notamment
en prenant en charge toute la rénovation
des lycées.
Le secrétaire d’État chargé des collectivités locales, M. Jean-Michel Baylet,
lui-même président du conseil général
de Tarn-et-Garonne, a présenté au Parlement un projet de loi qui élargit les
pouvoirs économiques de ces collectivités, notamment des départements. Mais
la majorité de centre droit du Sénat, qui
avait eu, en fin d’année, à examiner en
priorité le texte, l’a taillé en pièces et a
vidé les propositions gouvernementales
de leur sens. Les sénateurs sont hostiles
à tout système d’aide directe aux entreprises ou à la faculté qui serait donnée
aux collectivités de souscrire à des titres
participatifs émis par des coopératives.
Au printemps 1990, l’Assemblée nationale devra reprendre à zéro l’analyse du
texte.
Les « chantiers » du ministre
M. Pierre Joxe s’est attelé à une tâche
de longue haleine : la rénovation des
structures de l’appareil de l’État, sur le
terrain. Ici ou là, il faudra redécouper les
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arrondissements, regrouper des sous-préfectures, en créer de nouvelles. L’action de
l’État est émiettée dans les départements
et les Régions face à des collectivités locales puissantes, souples, pragmatiques et
souvent plus efficaces. Bref, la mission du
préfet est sur la sellette.
L’oeil de
l’étranger dans
l’industrie
Les Régions et les villes s’affrontent dans
une rude bataille pour attirer les emplois
et les investissements. C’est à qui aura son
usine japonaise, son « état-major » américain, son centre de recherche ou de logistique scandinave ou canadien. La ville de
Gap s’enorgueillit même d’avoir pu décrocher une usine à capitaux brésiliens, qui va
fabriquer des sacs en plastique.
Mais les Régions n’exercent pas toutes le
même attrait sur les investisseurs étrangers.
Les entreprises industrielles à participation
étrangère emploient 21,4 % de la population active, en moyenne, mais l’éventail va
de 36,9 % en Alsace à 9,8 % en Bretagne.
En ce qui concerne les investissements, si
les entreprises étrangères couvrent 26 % du
total dans l’industrie, le chiffre varie de 54 %
en Provence-Alpes-Côte d’Azur à 6,5 % seulement en Basse-Normandie.
L’influence américaine s’exerce surtout en
Île-de-France, dans le Centre et en Picardie,
alors que les capitaux allemands restent
en Lorraine ou en Alsace. Toutefois, fin novembre, Bosch (équipement automobile) a
annoncé d’importantes créations d’emplois
près de Caen.
M. Joxe a poursuivi aussi sa réflexion
sur le statut de l’élu local. Les maires,
leurs adjoints dans les grandes villes,
les présidents de Région ou de département font un travail à temps plein. Il faut
qu’ils puissent exercer leur métier avec
un certain nombre de garanties. Marcel
Debarge, sénateur socialiste de SeineSaint-Denis, a été chargé d’un rapport
pour « déblayer » le sujet. Les principaux
points sur lesquels portera la discussion
concernent les crédits d’heures ou les
règles d’autorisation d’absence pour les
salariés élus, la rationalisation du régime
des indemnités financières, le droit à un
congé-formation et la mise au point d’un
régime de retraite digne de ce nom.
Dernier « chantier » du ministre de
l’Intérieur : la recherche de solutions
pour inciter les communes d’une même
agglomération ou de cantons ruraux
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POLITIQUE
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voisins à mieux travailler ensemble et à
répartir d’une manière plus juste les ressources fiscales. Dans les agglomérations
de 100 000 habitants et plus, le gouvernement semble déterminé à les contraindre
à se regrouper dans une communauté
urbaine. En milieu rural, la formule serait
plus souple, avec une sorte de coopération à géométrie variable. Mais, ce qui est
sûr, c’est que l’émiettement actuel de la
carte communale française (36 627 communes, dont 80 % ont moins de 2 000 habitants, alors qu’il n’y en a que 8 500 en
RFA, 8 070 en Italie et 8 020 en Espagne)
compromet toute politique d’équipement
efficace.
FRANÇOIS GROSRICHARD
Entré au Monde en 1969, François Grosrichard est
aujourd’hui grand reporter économique.
Il a en charge, notamment, les rubriques
de l’aménagement du territoire
et de la politique économique régionale.
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À travers les Régions
Pour chaque Région ou département d’outremer, les budgets cités sont les états de prévision primitifs de 1989, qui sont susceptibles
d’évoluer dans le courant de l’année (source :
ministère de l’Intérieur).
Alsace
L’Alsace intéresse toujours les investisseurs japonais. Une nouvelle unité de
production a été inaugurée par Sony à
Ribeauvillé ; elle fournit magnétoscopes,
Caméscopes et lecteurs de disques compacts. Sharp s’est installé à Soultz pour
produire photocopieurs et télécopieurs.
Les industries mécaniques et métallurgiques d’Alsace souffrent d’un défi-
cit de main-d’oeuvre, car les ouvriers et
techniciens qualifiés sont « aspirés » par
l’industrie allemande. Plusieurs soludownloadModeText.vue.download 198 sur 509
POLITIQUE
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tions sont envisagées pour freiner cette
pénurie, notamment le recrutement et la
formation de jeunes filles (les nouvelles
machines rendent moins pénibles les
conditions de travail dans ce secteur).
Dans le même temps, l’Alsace a confirmé sa vocation frontalière dans plusieurs
domaines. L’inauguration du poste-frontière autoroutier de Saint-Louis (HautRhin) permet aux automobilistes de relier
Paris à Bâle par l’A35 sans rencontrer un
seul feu rouge. La jonction est également
réalisée avec l’A36 (Beaune-Mulhouse).
L’aéroport de Strasbourg a été agrandi
pour pouvoir accueillir deux millions de
passagers par an ; il doit s’efforcer d’attirer
la clientèle allemande qui passe actuellement par Francfort et Stuttgart.
Le « Métro-Rhin », entre Strasbourg
et Offenburg (pays de Bade), permet à la
métropole alsacienne d’être mieux reliée
aux grandes villes d’outre-Rhin (à peine
2 h 30 pour Francfort et 4 h pour Cologne). Un réseau express régional Mulhouse-Bâle-Lörrach (pays de Bade) est à
l’étude ; il devrait notamment permettre
la desserte ferroviaire de l’Euro-Airport
Bâle-Mulhouse-Fribourg, en pleine expansion. Le Centre européen de management, implanté à Colmar, a reçu ses
premiers stagiaires. Il répond au besoin
spécifique de formation et de soutien des
cadres des PME qui doivent affronter
l’internationalisation de la concurrence.
Il est soutenu par les régions d’Alsace, de
Bâle et du Bade-Wurtemberg.
Aquitaine
Le groupe britannique Pearson
(propriétaire du Financial Times et des
Échos) a vendu 605 millions de francs les
53,5 % du Château-Latour qu’il détenait
au groupe alimentaire, également britannique, Allied Lyons (propriétaire du
cognac Courvoisier et du whisky Ballantine), ce qui fixe la valeur totale de cette
propriété à 1,2 milliard de francs. Au prix
de 23 millions de francs l’hectare, Château-Margaux, avec ses 800 000 m2 et sa
renommée mondiale, vaut près de 2 milliards de francs.
Forte du succès remporté par « Vinexpo » dont le 5e salon s’est tenu en juin à
Bordeaux, la métropole aquitaine revendique le titre de capitale mondiale du vin.
Jacques Chaban-Delmas et Jacques Valade ont lancé l’idée de cité mondiale des
vins et spiritueux. Le projet prévoit une
Vinopolis de 40 000 m2 en plein coeur
des Chartrons, centre historique du vin
à Bordeaux. La Gironde, premier producteur d’appellation d’origine contrôlée
(AOC), compte 100 000 ha de vignes,
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et un actif sur six vit de la vigne et du
négoce du vin. Par ailleurs, le bordeaux
représente le quart des exportations françaises d’AOC, soit 4 milliards de francs.
La fermeture de l’usine d’aluminium Pechiney de Noguères (Pyrénées-Atlantiques) a été confirmée pour
1991. 570 emplois doivent être supprimés, mais l’entreprise s’est engagée à créer
500 postes dans d’autres établissements.
La demande d’eau potable dans le bassin Adour-Garonne augmente de 1,5 %
par an ; non pas à cause de la consommation industrielle, mais en raison de
la croissance vertigineuse des besoins
de l’irrigation. On est passé de 200 millions de m3 et 132 000 ha irrigués en
1970 à 600 millions de m3 et 400 000 ha
aujourd’hui. Les activités agricoles traditionnelles (blé, orge, élevage) sont remplacées par d’autres, gourmandes en eau :
kiwis, asperges, fraises et surtout maïs.
L’irrigation permet au producteur de
cette céréale d’obtenir 100 ou 200 quintaux à l’hectare. La forêt recule, laissant
la place à de vastes exploitations agroindustrielles. Le maïs semé dans le sable
pousse grâce aux engrais chimiques, au
soleil aquitain... et à l’irrigation. Les responsables de l’Agence Adour-Garonne et
le conseil régional d’Aquitaine montrent
l’Espagne en exemple : en Aragon, le
quart des surfaces exploitables est irri-
gué, contre seulement 7 % dans le SudOuest français. Un programme de quinze
barrages à construire dans les dix ans a
été arrêté.
Dans le match qui l’oppose à Nantes,
Bordeaux a marqué un point en obtenant
la construction de la cité internationale
des affaires qui sera intégrée dans l’opération de réaménagement du quartier
de la Bastide. Il faut signaler en outre,
dans la perspective d’une collaboration
plus étroite avec l’Espagne, la participation depuis cette année de l’Aquitaine à
la Communauté de travail des Pyrénées,
à laquelle sont associés le Pays Basque,
la Navarre, l’Aragon, l’Andorre, la Catalogne, le Languedoc-Roussillon et le
Midi-Pyrénées.
Auvergne
En assurant 70 % de la production
nationale, Thiers reste bien la capitale
française de la coutellerie. Des ouvriers
à domicile, dont la survivance répond
au besoin de souplesse du marché, cohabitent avec des entreprises disposant
de matériels très modernes. Ainsi Durol (75 salariés) propose des couteaux
dont la denture a été mise au point par
ordinateur. Thiers, cependant, ne réalise que 18 % de son chiffre d’affaires à
l’exportation et doit s’armer pour affronter la concurrence sur le grand marché
européen.
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POLITIQUE
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Le barrage de Serre-de-la-Fare
(Haute-Loire), destiné à servir de réservoir de stockage pour les besoins en eau
en aval du fleuve et à écrêter les crues
dans le bassin du Puy, a été déclaré d’utilité publique. À la suite de cette décision,
la population s’est mobilisée (au Puy, les
Verts ont obtenu 22 % des voix lors du second tour des élections municipales), et
le comité SOS-Loire vivante a demandé
un moratoire de trois ans.
Tout en se tournant résolument vers
l’avenir (un des premiers instituts de la
qualité vient d’être créé à Vichy à l’initiative de la Chambre de commerce et
d’industrie), l’Auvergne tient à sauvegarder son patrimoine naturel et culturel.
La Maison du saumon et de la rivière a
ouvert ses portes à Brioude et l’Agence
des musiques traditionnelles d’Auvergne,
dont le siège est à Riom, a organisé une
« Nuit des musiques d’en France ».
Bourgogne
Gravement touchée par les désastres
économiques des années 1975-1985, la
Bourgogne sort de sa léthargie : entre
juin 1988 et juin 1989, elle a été la Région
où le plus grand nombre d’emplois ont été
crées. Les effectifs salariés ont augmenté
de 4,19 %, contre 3,25 % pour la moyenne
nationale. 24 000 actifs sont employés
dans des entreprises étrangères, soit 22 %
des salariés bourguignons.
En 1989, le budget régional a consacré 33 millions de francs à la recherche.
La Bourgogne possède quatre Centres
régionaux d’innovation et de transfert de technologie (CRITT) ; trois sont
dijonnais et spécialisés en agroalimentaire, biotechnologie médicale et productique-informatique ; le quatrième,
situé au Creusot, s’occupe d’énergie et de
matériaux. La particularité de la Région
est d’avoir mis en place une structure originale pour fédérer les CRITT et créer
des passerelles entre les chercheurs et
les industriels d’une part, les entreprises
d’autre part : l’Agence régionale de développement technologique (ARDT), aussi
appelée « Bourgogne technologies », et
présidée par le directeur des laboratoires
Fournier. Trois pôles technologiques
fonctionnent sous l’égide de l’ARDT : le
hall agroalimentaire installé sur le campus de Montmuzard à Dijon, le centre de
calcul confié à l’IUT de Dijon, la technopole des hautes énergies, articulée autour
de l’IUT du Creusot et de l’ENSAM de
Cluny.
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Bretagne
Grâce à la signature, en février 1988,
d’une charte de développement de la
région brestoise avec le gouvernement
Chirac, la Région dispose d’une deu-
xième technopole, après celle de RennesAtalante. L’activité de la technopole de
Brest, située à la Pointe-du-Diable à
proximité de l’IFREMER (Institut français de recherche et d’exploitation de la
mer), est orientée selon trois axes principaux : les techniques agricoles et agroalimentaires, les techniques liées à la mer
et à l’océanographie, la technologie de
pointe en informatique, télécommunication et espace.
À l’autre extrémité de l’agglomération,
le port de plaisance de Moulin-Blanc
abrite depuis juillet un centre scientifique
et technique de la mer nommé Océanopolis (mais que les Brestois préfèrent
appeler Ty Ar Mor, la maison de la mer).
L’aquarium de 500 000 m3 – le plus vaste
d’Europe – est une vitrine vivante de la
flore et de la faune aquatiques ; un spectacle grandiose montre les phénomènes
météorologiques et hydrologiques.
La mise en service du TGV Atlantique
en septembre a mis Rennes à 2 heures de
Paris et Brest à 4. Sur la section RennesBrest, il a fallu renouveler 80 % des voies
et rebâtir 63 ponts. L’électrification touchera Lorient en 1991 et Quimper en
1992.
Première Région agroalimentaire
française, la Bretagne produit 52 % des
porcs français et fabrique plus d’emmental que le Jura. Elle est partie à l’assaut
du marché nord-américain : une liaison
aérienne achemine vers Montréal les légumes de la « ceinture dorée ».
Centre
Le conseil régional a décidé de faire
de la formation une priorité et lui a
consacré un budget de plus de 1 milliard
de francs en 1989. Les lycées en sont les
principaux bénéficiaires : ils reçoivent
815 millions de francs, et neuf nouveaux
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POLITIQUE
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établissements doivent être inaugurés en
dix-huit mois ; les lycéens pourront d’ailleurs mieux connaître leur Région grâce
à un manuel de géographie régionale qui
sera mis à leur disposition.
Différentes manifestations (Forum
interrégional de la sous-traitance à Orléans, Forum de l’entreprise nouvelle et
des nouveaux produits à Chartres) ont
permis de constater le dynamisme de la
région ; avec ses 235 000 salariés, dont
un septième travaille dans des industries de pointe, elle se classe en effet au
cinquième rang des régions industrielles
françaises. Vingt-deux villes de la Région
se sont dotées d’un service économique
qui a notamment pour tâche d’inciter les
chefs d’entreprises à venir s’installer sur
leur territoire. Cette opération a d’ailleurs
permis la création de 6 495 emplois.
Le parc de la Brenne, qui vient d’être
créé, est le vingt-sixième parc naturel régional français.
Champagne-Ardenne
La Champagne-Ardenne se place au
quatrième rang en France pour la production de céréales et au deuxième pour
celle de betteraves. Menacée par la crise
qui ébranle toute l’Europe agricole, la Région est en première ligne dans la bataille
de l’agroalimentaire et des produits de
substitution. La sucrerie Beghin-Say de
Connantre, située à 45 kilomètres au sud
d’Épernay, est la plus grande du monde.
Le département de la Marne est le premier producteur français de bioéthanol,
tiré de la betterave et du blé.
Le Comité interprofessionnel des vins
de Champagne (CIVC) annonce pour
1989 un grand millésime comme en 1950
ou en 1960 : « De mémoire de Champenois, le vignoble a rarement été aussi beau
à la veille de la récolte ; l’état sanitaire du
raisin est exceptionnel. » L’absence d’hiver, le printemps et l’été ensoleillés, la
sécheresse toute relative (les racines ont
pu puiser l’eau en profondeur) expliquent
cet optimisme. La récolte est estimée à
240 millions de bouteilles, inférieure aux
livraisons de l’année 1988 (250 millions
de bouteilles). Le prix du raisin vendu
aux maisons de négoce est en hausse de
13 %. Pour l’avenir, l’objectif est moins la
quantité que la qualité. 28 000 ha sur les
34 000 que compte la zone viticole définie par la loi sont déjà plantés. Le programme d’extension prévoit de porter le
vignoble à 29 000 ha en 1990.
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Corse
Depuis la fin de 1988, la Corse est
dans une situation juridique, financière
et politique qui lui permet de bénéficier des crédits européens affectés aux
Régions considérées comme en retard de
développement. Ces crédits proviennent
du Fonds européen de développement
régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).
Par ailleurs, comme les autres Régions
méditerranéennes, la Corse a reçu des
« dédommagements » au moment de
l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans
la CEE (274 millions de francs sur la période 1986-1988 au titre des Programmes
intégrés méditerranéens, ou PIM). Avec
les DOM-TOM, elle est la Région française qui bénéficie le plus des fonds
communautaires.
Les incendies de l’été ont provoqué
la mort de cinq personnes et ont détruit
25 000 ha de maquis ; le cap Corse, le
Nebbio, la Balagne, et la région du sud de
Bastia ont été les plus touchés. Les bergers
corses, soupçonnés de provoquer des incendies pour fertiliser les pâturages, ont
été mis une nouvelle fois en accusation.
L’analyse cartographique minutieuse a
permis aux hommes du Service départemental incendie et secours (SDIS) de la
Haute-Corse de conclure que 90 % des
mises à feu étaient d’origine pastorale.
En mai, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) a mis
en service son plus gros paquebot, le
Danielle-Casanova, construit à Saint-Nazaire. Il peut transporter 2 346 passagers
et 800 voitures.
Franche-Comté
Pour coordonner la nouvelle politique
économique du département, l’Agence de
développement économique du Doubs
(ADED) s’est substituée à l’Agence de
développement et d’industrialisation du
Doubs et à l’Association départementale du tourisme du Doubs. La première
convention, signée le 21 novembre 1988
avec l’université de Franche-Comté, a
eu pour but de développer les nouvelles
technologies par l’incitation à investir
dans la recherche et par le maintien sur
place des chercheurs de haut niveau. Dès
à présent, l’ADED permet à l’université
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POLITIQUE
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de mettre en place un important programme de recherche sur les microtechniques ainsi qu’un programme orienté
sur les biotechnologies et les technologies
plastiques.
Morez, la capitale jurassienne de la
lunetterie, a été épargnée par le chômage ; pourtant 1 300 personnes, sur
une population active de 3 800 individus, franchissent chaque jour la frontière
suisse, attirées par des salaires deux fois
plus élevés.
Le Fonds interministériel de développement et d’aménagement rural (FIDAR) a poursuivi son action de reconversion dans la montagne jurassienne :
les principales réalisations ont porté sur
la restructuration de l’industrie pipière et
le développement de l’industrie du jouet.
À Moirans, la Maison du jouet et de
la tournerie, inaugurée en décembre, sert
de centre d’animation, de documentation
et de communication sur le jouet français, de musée et de centre de créativité et
d’appui à l’innovation technique.
Île-de-France
Les dernières estimations de l’INSEE
dénombraient 10 320 000 habitants dans
la Région Île-de-France au 1er janvier
1988. Depuis le recensement de 1982, la
population s’est accrue de 240 000 habitants, c’est-à-dire de 40 000 par an. Toutefois, au sein de la Région, le desserrement
se poursuit : à cause principalement de
la hausse des loyers, Paris perd quelque
20 000 habitants par an et est passé de
2 178 000 habitants en 1982 à 2 057 000
en 1988.
Avec 19 % de la population nationale
et 22 % de la population active française,
l’Île-de-France assure près de 28 % du
PIB, la part des autres Régions variant
de 1 % (Limousin et Franche-Comté) à
9 % (Rhône-Alpes). Le PIB rapporté au
nombre d’habitants place l’Île-de-France
en tête (135 800 francs) devant l’Alsace
(93 700 francs). 4 750 000 emplois sont
offerts dans la Région. Sur ce chiffre,
4 600 000 sont occupés par des Franciliens et près de 150 000 par des actifs
venant travailler quotidiennement dans
l’un des huit départements de la Régioncapitale. Celle-ci continue à se « tertiariser » : en effet, sur 100 emplois, 72 s’exercent aujourd’hui dans le secteur tertiaire.
Vingt ans après leur création, les villes
nouvelles de la région parisienne ont atteint l’âge adulte. Chaque année, de huit
à dix mille logements y sont construits et
40 000 personnes viennent s’y installer.
Mais leur population est encore trop sélectionnée : 38,6 % de moins de 20 ans et
moins de 5 % de plus de 65 ans. 10 000 entreprises y offrent près de 300 000 emplois, mais le déséquilibre entre emploi
et logement ne s’atténue pas : à Cergy,
50 % des habitants travaillent en dehors
de la ville nouvelle, tandis que 50 % des
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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entreprises emploient des salariés venus
de l’extérieur.
L’Île-de-France est la première région
touristique française avec un chiffre d’affaires de 35 milliards de francs. 100 millions de nuitées sont offertes aux touristes
étrangers, principalement à Paris (92 %).
Le seul secteur de l’hôtellerie-restauration emploie 165 000 personnes. Les
fêtes du Bicentenaire ont été l’occasion
d’une publicité gratuite et de plusieurs
milliards de recettes. La pyramide du
Louvre a enregistré certains jours jusqu’à
50 000 entrées et, en août, la tour Eiffel
a reçu 125 000 visiteurs de plus qu’en
août 1988. Les 67 888 chambres d’hôtel
de la capitale étaient toutes occupées le
14 juillet.
Au terme de sa troisième saison, Mirapolis, le parc de Cergy-Pontoise, fait
ses comptes : un endettement de plus
de 300 millions et une chute de 30 % du
nombre des entrées (670 000 en 1989
contre 1 million en 1988). En même
temps, fort de l’expérience américaine,
Euro Disneyland sort de terre près de
Marne-la-Vallée : ses portes s’ouvriront
en 1992 à une clientèle estimée à 10 millions de visiteurs par an... au début !
En 1988, le trafic annuel de la RATP
a atteint 2,3 milliards de voyageurs, soit –
malgré les grèves – une hausse de 1,6 %
par rapport à 1987. C’est l’autobus qui
progresse le plus avec une hausse globale
de 4 %. En surface, la situation est proche
de l’asphyxie. Aucun nouvel espace n’est
aménageable pour la circulation ou pour
le stationnement ; il entre chaque jour
1 350 000 véhicules dans la capitale ; les
immatriculations ont augmenté de 10 %
en 10 ans. La vitesse moyenne de circulation aux heures de pointe est de 15 km/h
et de moins de 10 pour les autobus. Un
milliard d’heures sont perdues chaque
année. Paradoxalement, les rues tuent de
plus en plus (114 morts en 1988).
Le contrat de plan État-Région Île-deFrance, signé le 25 avril pour la période
1989-1993, fait la part belle aux communications : sur un engagement total
de 23 milliards de francs, 11 sont consacrés aux routes et 7 aux transports en
commun.
Languedoc-Roussillon
Paré du titre de « site mondial » décerné par l’UNESCO, le pont du Gard est
l’un des cinq monuments les plus visités
de France (2 millions de personnes par
an) ; mais sa renommée s’accompagne
d’une pollution grandissante et les retombées économiques sont très faibles pour
la région. Un premier projet qui transformait ses abords en un Luna Park vaguement gallo-romain ayant été rejeté, la
Commission nationale des sites a retenu
un plan plus modeste. Après la phase de
restauration et de nettoyage, viendra celle
de l’aménagement avec des parkings aux
extrémités nord et sud, un équipement
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POLITIQUE
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culturel, un « parcours ethnobotanique »,
etc.
Le coût de l’opération est estimé à
320 millions de francs dont le quart
sera financé par subvention publique ;
mais elle entraînera aussi la création de
200 emplois à plein temps qui seront appréciés dans ce département qui compte
plus de 11 % de chômeurs.
Le projet de barrage de La Borie, sur
le Gardon de Mialet, prend l’aspect d’une
« dragonnade technologique ». Il s’agit,
derrière un mur de béton de 46 m de
haut, de retenir un lac de 23 millions de
mètres cubes d’eau qui permettra d’irriguer toute la Gardonnengue, entre Alès
et Nîmes, mais qui détruira aussi une vallée sauvage, refuge de castors et de cincles
plongeurs. D’où les manifestations des
Verts... et des paysans cévenols attachés
à leur vallée, haut lieu de la communauté
huguenote qui se rassemble chaque année au musée du Désert tout proche.
Limousin
Le Limousin, qui a longtemps souffert de son enclavement, est en train de
se transformer. En effet, une plateforme
internationale de fret va être réalisée à
Limoges, dans la perspective de la liaison
autoroutière ininterrompue de Calais à
Barcelone par Paris, Toulouse et le tunnel de Puymorens. Limoges, au centre de
la liaison, se trouve en position d’étape
idéale. Cette plateforme intéressera les
transporteurs routiers, ferroviaires et aériens. Elle comprendra une aire d’accueil
pour les poids lourds, des installations
de stockage et de conditionnement, des
bureaux de douanes et de fret.
EUROLIM : sous ce sigle, les éleveurs
de bovins limousins se sont constitués en
fédération, se donnant notamment pour
but de généraliser la rigueur génétique
qui a suscité l’engouement actuel pour la
race et l’envol des prix des reproducteurs
(161 000 francs pour le taureau « Don
Juan », le 15 juin aux enchères). En effet,
la race limousine est aujourd’hui la plus
exportée dans le monde et cinquante-huit
pays possèdent des troupeaux limousins
dont le suivi est assuré par l’International
Limousine Council.
Limoges organise le quatrième carrefour international céramique. L’effort de
modernisation poursuivi par les porcelainiers a été couronné de succès, puisque
leur chiffre d’affaires a augmenté de 15 %
cette année.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Lorraine
Le bassin houiller de Lorraine (d’où
moins de 9 millions de tonnes ont été
extraites en 1988) cherche toujours des
solutions de remplacement. Le groupe
Orkem (ex-CDF Chimie) a lancé un plan
d’investissement de 1,5 milliard de francs
sur 3 ans, qui fera de l’unité de CarlingSaint-Avold en Moselle l’une des platesformes chimiques les plus modernes
d’Europe. L’enveloppe des investissements sera divisée en trois parts égales :
500 millions de francs pour la pétrochimie et l’augmentation de la production
de « polystyrène choc » (utilisé pour la
fabrication de pots de yaourts, des boîtiers arrière de téléviseurs ou des boîtes
de disques compacts) ; 500 millions pour
le développement de la chimie acrylique
(l’acide acrylique entre dans la composition des peintures, papiers glacés,
couches-culottes, Plexiglas...) ; 500 millions pour des opérations de modernisation des installations et de protection
de l’environnement. Seule ombre au tableau : la modernisation implique davantage de suppressions que de créations de
postes. Ainsi, le site de Carling emploiera
2 142 personnes en 1992, contre 2 500 en
1989.
Le carrossier Heuliez et l’équipementier Lebranchu doivent bientôt mettre en
service une unité de fabrication de pièces
embouties pour l’industrie automobile
sur le pôle européen de développement
(PED) de Longwy (Meurthe-et-Moselle). La production destinée principalement à PSA et à la Régie Renault assurera 200 emplois directs et 150 emplois
induits, bienvenus dans cette région en
crise qui, depuis 15 ans, a perdu plus de
25 000 emplois dans la sidérurgie. De
plus, au cours de l’année, une entreprise
allemande (fonderie d’aluminium) et
une entreprise sud-coréenne (montage
d’autoradios) se sont également installées
dans la Région.
Le premier complexe agroalimentaire
lorrain est né au début de l’année sur la
zone industrielle de Ludres (Meurtheet-Moselle). La laiterie Saint-Hubert
(650 salariés, 230 millions de litres de
lait traités par an), présidée par François
Guillaume, ancien ministre de l’Agriculture, s’est associée à l’Union lorraine des
producteurs de lait, qui fournira sa collecte, et aux Transports frigorifiques européens, qui distribueront la production.
Après avoir hésité entre la Sarre et la
Lorraine, la société américaine Kimberley Clark a choisi Villey-Saint-Étienne
(Meurthe-et-Moselle) pour installer son
usine de fabrication d’ouate de cellulose
(marque Kleenex). D’un montant d’un
milliard de francs, cet investissement redownloadModeText.vue.download 208 sur 509
POLITIQUE
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cevra une aide de l’État et des collectivités
locales. L’usine, qui entrera en service en
1990, emploiera 300 salariés.
Douze ans après sa création (en
1977), la technopole de Nancy-Brabois
peut afficher un bilan positif. Par sa taille,
elle vient en troisième position après
celles de Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) et de Grenoble. 78 entreprises s’y
sont installées, assurant 1 100 emplois
de haute technicité et 10 000 emplois
induits (services divers). Face à la technopole messine spécialisée dans les télécommunications, Nancy-Brabois-Innovation s’oriente vers l’informatique et la
biotechnologie.
Le Big Bang Schtroumpfs a ouvert ses
portes à Maizières-lès-Metz, près d’Hagondange (Meurthe-et-Moselle). L’inauguration officielle, le 9 mai, de ce parc d’attractions par Jacques Delors, président de
la Commission des Communautés européennes, témoigne de la solidarité européenne à l’égard d’une région durement
touchée par les mutations industrielles.
Toutefois, avec 800 000 visiteurs en 1989,
le parc n’a pas atteint son seuil d’équilibre
fixé à 1,1 million d’entrées.
Midi-Pyrénées
La vallée du Touyre, avec ses
20 000 habitants, dont 9 000 à Lavelanet,
fut et reste l’une des premières régions
productrices de tissu laine ou cardé en
Europe. En 1987, elle exportait encore
57 % de sa production. Le groupe Tissus André Roudière, racheté en 1987 par
Chargeurs SA (Jérôme Seydoux), a annoncé le 3 avril la suppression de 745 emplois sur un effectif de 2 185 personnes.
En compensation, deux entreprises textiles ont annoncé la création de 300 emplois près d’Albi (Tarn) : Fort de France
(prêt-à-porter masculin), à Saint-Juéry,
et TSA (Tee-shirts albigeois), au Garic.
Deux ans après la fermeture du puits
de Tronquié, le gigantesque chantier de
la mine ouverte de Carmaux (Tarn) a
atteint les premières veines de charbon.
L’extraction a commencé et doit atteindre
500 000 tonnes par an en 1992. Le charbon est destiné aux cimenteries locales, à
la centrale thermique d’Albi et à la cokerie de Fos-sur-Mer.
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Le contrat de plan État-Région portant sur la période 1989-1993 prévoit
2,25 milliards de francs (le tiers des dotations) pour l’aménagement du réseau
routier régional : amélioration de la circulation sur les rocades de Toulouse,
liaison autoroutière vers l’aéroport de
Blagnac, aménagement de la RN 20 vers
le col de Puymorens – dont le projet de
tunnel entre la France et l’Espagne est
maintenant définitivement arrêté.
Nord-Pas-de-Calais
La Région Nord-Pas-de-Calais rassemble encore le quart des salariés de
l’industrie textile française et le dixième
de ceux de la confection. Ces branches
occupaient 125 000 personnes avant la
guerre, et seulement 25 000 aujourd’hui.
Le mouvement devrait se poursuivre si
l’on en croit les plans de restructuration
et les licenciements annoncés pendant
l’été : 700 suppressions d’emplois à la
Lainière de Roubaix (VEV-Prouvost),
164 chez Protemo (VEV-Prouvost), à
Saint-Amand-les-Eaux, 360 aux Établissements Lepoutre (groupe Chargeurs de
J. Seydoux), 200 chez Caulliez-Delaoutre,
700 en deux ans à cause de la liquidation
du filateur Le Blan. La liste n’est pas limitative. La réduction des effectifs se fait au
rythme de 10 % par an. Cette situation
est le résultat d’un double phénomène :
les pertes de marchés et l’amélioration de
la productivité. La Lainière de Roubaix
pâtit de la chute de la consommation
de laine (de 40 à 50 % pour l’ensemble
de l’Europe), due au fait que les femmes
tricotent de moins en moins. En même
temps, les importations de chandails, de
chaussettes et d’autres articles entraînent
une baisse de 25 % de la consommation
de fils industriels. Le groupe Chargeurs
a donc décidé de suivre une politique de
recentrage vers le haut de gamme (pure
laine) au détriment de la bonneterie
(pantalons pour hommes). Pour mener
à bien ces reconversions, les entreprises
investissent beaucoup : 60 millions de
francs chez Lepoutre, 50 millions à la
Lainière. Mais, quand les Français réinvestissent 4 % de leur chiffre d’affaires, les
Allemands et les Italiens, dont les charges
sociales et les frais financiers sont moins
élevés, en sont à 6 %. Le groupe Caulliez
a toutefois dépensé 83 millions de francs
pour construire une filature ultramoderne à Valenciennes. 30 % de son chiffre
d’affaires ont été ainsi réinvestis dans
l’année.
Après une longue étude du dossier,
la Commission européenne a donné
son accord pour la construction à Dunkerque d’une usine d’aluminium du
groupe Pechiney. Celle-ci, d’une capacité
de 200 000 tonnes, emploiera 1 000 salariés. Elle représente un investissement
de 4,5 milliards de francs et symbolise le
retour en France de certaines industries
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POLITIQUE
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lourdes grosses consommatrices d’énergie, qui avaient tendance à s’implanter
dans les pays où cette dernière est peu
onéreuse. Mise en service fin 1991, l’usine
sera alimentée par la centrale nucléaire
de Gravelines, ainsi assurée de placer son
électricité.
Le tunnel sous la Manche devrait être
achevé le 15 juin 1993. Son coût total at-
teindra au moins 54,5 milliards de francs
(au lieu des 52,7 initialement prévus). Un
nouvel accord conclu entre Eurotunnel,
le maître d’ouvrage, et le constructeur
Transmanche-Link, a entériné cette augmentation. La facture pour le matériel
roulant a été revue à la hausse : elle représente 6,2 milliards de francs, au lieu de
2,2 milliards.
Le chantier du tunnel tombe à pic
dans une région touchée par le chômage ; mais la main-d’oeuvre disponible doit impérativement recevoir une
formation spécifique. Pour financer les
actions de formation, l’État a déboursé
39 millions de francs en 1989, la Région
15 millions, et l’on attend 73 autres millions dont 50 du Fonds social européen
(FSE) et 23 des entreprises. Du côté
français, 3 300 personnes travaillent sur
le site dont 350 cadres, 400 employés et
2 500 ouvriers. La plate-forme du futur
terminal de Coquerelles s’étendra sur
plus de 500 ha pour les équipements
liés aux transports, centres d’entretien,
aires de stationnement, etc. Il faudra
y ajouter 200 ha réservés aux activités
économiques que les élus locaux souhaitent fixer : le terminal doit être un
lieu d’attraction et non un simple lieu de
passage.
La seconde ligne de métro de l’agglomération lilloise a été inaugurée le
1er avril ; elle s’étend sur 12 800 m et comporte 18 stations.
Normandie
BASSE!NORMANDIE
La dernière mine de fer de l’ouest de
la France a cessé toute activité le 28 juillet. La mine de Soumont, à Potigny (Calvados), avait été ouverte en 1907. Cent
dix-sept personnes y travaillaient encore.
L’arrêt de l’exploitation a été dicté par le
choix de la Société métallurgique SM
Normandie, propriétaire et seul client de
la mine, de ne plus traiter que du minerai d’hématite d’importation au lieu du
minerai phosphoreux de Soumont.
Les nouvelles liaisons transmanche et
les prix attractifs incitent les Britanniques
à acheter des résidences secondaires en
Normandie. Une chaumière dans le pays
d’Auge coûte, en effet, deux à trois fois
moins cher qu’un cottage dans le sud de
l’Angleterre. En 1988, cinq mille Anglais
sont devenus propriétaires en Normandie. À Honfleur, en 18 mois, ils ont achedownloadModeText.vue.download 211 sur 509
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té 40 % des maisons et des appartements
mis en vente dans le centre ville.
Pour sauvegarder au moins 20 % du
rivage, soit 120 km sur 600, le conseil
régional de la Manche a élaboré avec le
conservatoire du littoral un audacieux
programme d’acquisition. Une vingtaine
de sites prestigieux seront définitivement
protégés, comme la baie du Mont-SaintMichel, le cap de la Hague ou les polders
de la baie des Veys, à l’embouchure du
canal de Carentan.
HAUTE!NORMANDIE
Exxon et Shell, les deux premiers
groupes pétroliers mondiaux, ont décidé
d’implanter à Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) la plus grosse
usine chimique d’Europe par l’intermédiaire d’une société commune où ils
sont associés à 50/50. L’investissement
porte sur 1 milliard de francs. D’ici à
1991, 220 000 t de polyéthylène linéaire
doivent être produites chaque année ; il
s’agit d’un plastique résistant qui sert à
la fabrication des emballages. Parallèlement, Exxon annonce la création pour
son propre compte, et sur le même site,
d’une usine de 140 000 t par an de polypropylène, pour la fabrication de pièces
moulées destinées à la construction automobile, à la construction et à l’emballage.
C’est encore 1 milliard de francs d’investissements prévus. Au total, 300 emplois
seront créés sur le site, et 600 si l’on prend
en considération les emplois induits.
Le port du Havre se prépare à faire
face à la hausse du trafic par conteneurs
qui a progressé de 16 % en 1988 : il songe
à augmenter la longueur de ses quais et
à améliorer ses moyens de manutention.
Le site assure en effet 53 % de tout le trafic français de conteneurs et doit recevoir bientôt un million de « boîtes » par
an. Le port normand se dote également
d’installations modernes pour l’importation d’aliments destinés au bétail qui,
en raison de l’infrastructure insuffisante
des ports bretons, passent par Gand ou
par Anvers. Le port d’Antifer, construit
à l’époque des supertankers, a subi les
effets du contre-choc pétrolier. 37 millions de tonnes y avaient transité en 1979
(année record) et seulement 6 millions
en 1985. La tendance s’inverse pourtant
doucement : en 1988, cinquante-quatre
navires sont venus y décharger 10 millions de tonnes de brut.
Le port autonome de Rouen affirme
sa vocation de port céréalier. Sur la période du 1er juillet 1988 au 30 juin 1989,
les exportations ont progressé de 28 %
par rapport à la campagne précédente.
Avec 8,86 millions de tonnes expédiées,
Rouen est le premier port européen exportateur de céréales.
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POLITIQUE
211
Pays de la Loire
Après le Sovereign of the Seas mis
à l’eau en décembre 1987, et le Nordic
Empress mis sur cale en août 1989 pour
être livré en 1991, les Chantiers de l’Atlantique (groupe Alsthom) de Saint-Nazaire
(les derniers chantiers navals français
après la liquidation de Normed) ont reçu
la commande d’un troisième paquebot
de luxe du même type : 300 m de long,
2 600 passagers. Mais l’armateur américano-norvégien Royal Carribean Cruise
Line ne versera qu’un milliard et demi de
francs alors que le prix de revient du bateau approche 2,5 milliards. La différence
sera en partie épongée par une subvention gouvernementale de 700 millions
arrachée par M. Claude Évin, maire-adjoint de Saint-Nazaire. La construction
de ce type de paquebot assure 4 millions
d’heures de travail environ ; elle intrègre
80 % de fournitures françaises (38 % pour
un Airbus). Le plan de charge est donc
convenablement rempli jusqu’en 1992.
Les nouveaux équipements mis en
service sur l’aéroport de Nantes-Atlantique (naguère appelé Château-Bougon)
permettront d’accueillir 3 millions de pas-
sagers par an. Cette inauguration coïncide avec l’arrivée du TGV Atlantique qui
pourrait être un sérieux concurrent pour
l’avion : depuis le 20 septembre, Nantes
est à 2 heures de Paris.
Le Centre européen de documentation et d’information sur la mer va
ouvrir ses portes sur le quai de la Fosse,
à Nantes. Accessible au public grâce à
un fichier électronique, il rassemblera le
maximum de documentation sur l’Europe maritime.
Picardie
L’association TGV-Amiens-Picardie continue de mener la bataille pour
obtenir du gouvernement le réexamen
du tracé du TGV Nord. L’inflexion du
tracé Paris-Lille par Amiens et, au nord
d’Amiens, la construction d’une nouvelle
ligne vers Calais... et le tunnel sous la
Manche seraient, selon l’association, la
solution la plus intelligente pour l’aménagement du territoire et la moins onéreuse
pour la SNCF. D’autre part, afin d’allonger la procédure d’expropriation et de
retarder les travaux, l’association a sugdownloadModeText.vue.download 213 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
212
géré aux particuliers d’acheter chacun, au
prix de 10 F le m 2, une portion des 15 ha
qu’elle avait préalablement acquis et sur
lesquels doit passer la ligne. 6 000 Amiénois se sont portés acquéreurs.
Le nouveau parc de loisirs Astérix a
ouvert ses portes le 30 avril sur un site
boisé de 156 ha, à Plailly (Oise). Sa proximité de Roissy et de l’autoroute A1, donc
de Paris, lui donne des atouts considérables. Les objectifs n’ont cependant pas
été atteints. Le seuil d’équilibre financier
était estimé à 1 800 000 entrées ; moins
de 1 400 000 ont été enregistrées. De
ce fait, le conseil d’administration du
parc a dû procéder à une augmentation
du capital de 154 millions de francs :
70 millions pour éponger les dettes et
84 millions pour couvrir de nouveaux
investissements.
Le groupe japonais Yamaha a décidé de fabriquer à Saint-Quentin, dans
l’usine de sa filiale MBK (ex-Motobécane), 15 000 des 50 000 moteurs qu’il
vend en Europe.
Poitou-Charentes
Le contrat de plan État-Région a
défini les priorités du développement
économique régional pour la période
1990-1994. Avec 4,2 milliards de francs,
il place le Poitou-Charentes au 6e rang
mondial pour l’investissement par habitant, au lieu du 15e rang pour la période
1984-1989. Quatre secteurs principaux
d’intervention sont privilégiés. L’enseignement et la formation, d’abord, auxquels la Région consacre chaque année
60 % de son budget. En matière d’emploi,
la Région a créé les Contrats régionaux
d’initiative locale (CRIL) dont l’entreprise
de microélectronique Micro-Contrôle
est le premier bénéficiaire. La maîtrise
de l’eau doit passer par la construction
de grands barrages-réservoirs. Enfin, en
matière d’équipement, la rénovation de la
RN 10, le transfert du port de pêche de La
Rochelle à La Pallice et l’électrification de
la ligne Poitiers-La Rochelle sont prévus.
La baisse des ventes du Cognac a
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POLITIQUE
213
nécessité de réduire la production du vin
et de diminuer la surface du vignoble.
De 106 000 ha en 1975, on est passé à
80 000 ha en 1989. Il y a encore 27 000 exploitations, mais 80 % de la production
sont assurés par les grandes maisons
(Hennessy, Rémy-Martin, Courvoisier,
Martell). Sur 135 millions de bouteilles
vendues, 90 % le sont à l’exportation.
Provence-Alpes
Côte-d’Azur
Les stations hivernales des HautesAlpes ont souffert d’un hiver 1988-1989
exceptionnellement doux et sans neige.
Les remontées mécaniques ont vu leur
chiffre d’affaires chuter de 43 % ; les écoles
de ski ont enregistré une perte de 70 % et
le secteur restauration-hébergement une
perte de 25 à 30 %, pouvant aller jusqu’à
100 % pour les stations d’altitude. Plus
d’un millier de professionnels du ski se
sont retrouvés au chômage.
Émoi dans la vallée de l’Ubaye : la
décision de Jean-Pierre Chevènement
de dissoudre une dizaine d’unités sur
proposition de l’état-major de l’armée de
terre a provoqué une levée de boucliers à
Barcelonnette et à Jausiers : la disparition
prochaine du 11e bataillon de chasseurs
alpins (BCA) peut entraîner la ruine de la
vallée. Le 11e BCA comprend un millier
d’hommes, soit, avec les familles, près de
1 400 personnes dans une vallée peuplée
de 7 000 habitants. L’impact économique
de leur présence est estimé à 30 millions
de francs par an.
Malgré l’importance des moyens
humains et techniques mis en oeuvre,
près de 10 000 ha de végétation ont
été détruits par le feu dans le Var et les
Bouches-du-Rhône : 4 000 ha dans le
massif de la Sainte-Victoire et 1 000 ha
dans la montagne de la Loube. Des quartiers de Marseille ont été évacués. Et la
polémique a recommencé à propos de
l’efficacité des moyens déployés. Comme
dans le maquis corse, le problème se pose
en termes de prévention : débroussailler,
brûler les sous-bois en hiver (écobuage),
faire paître les troupeaux, introduire des
espèces végétales moins combustibles... ;
mais le débroussaillement est coûteux, et
les troupeaux ovins ou caprins sont peu
appréciés des forestiers. D’où l’idée d’introduire des lamas dans la pinède...
Vingt ans après sa création sur les
hauteurs de Valbonne par Pierre Laffitte, alors directeur de l’École des mines,
Sophia-Antipolis, la première technopole française, affiche une belle santé :
300 entreprises, à mi-chemin entre
l’industrie et le tertiaire, 200 établissements d’enseignement ou de recherche,
10 000 emplois directs et 30 000 emplois
induits, un chiffre d’affaires de 6,3 milliards de francs réalisé sur le parc... DigidownloadModeText.vue.download 215 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
214
tal Equipement employait 35 salariés en
1980 ; ses effectifs dépassent aujourd’hui
900 personnes. Le parc est géré par une
société d’aménagement d’économie mixte
(SAEM) qui regroupait jusqu’à présent le
conseil général (51 %) et la CCI (49 %) ;
mais les communes viennent d’obtenir le
droit d’entrer dans le capital de la SAEM.
Le 27 février, le tribunal de commerce de
Paris a prononcé la mise en liquidation
judiciaire de Normed ; mais le sort du
site de La Ciotat restait suspendu aux décisions du conseil général des Bouchesdu-Rhône qui devait se prononcer sur
deux projets. Le 22 décembre, à celui de
Bernard Tapie et du gouvernement, qui
proposaient la division du site en trois
pôles, il a préféré celui du groupe américano-suédois Lexmar auquel il a accordé
une promesse de concession d’une durée
de six mois.
Avec 97,5 millions de tonnes de trafic en 1988 (+ 5 % par rapport à 1987),
Marseille demeure, de loin, le premier
port français et le deuxième port européen. Directement ou indirectement,
30 000 emplois sont tributaires du trafic
maritime. Après deux années de recul et
avec 1 230 000 passagers, celui-ci a repris sa croissance. La progression la plus
spectaculaire concerne le trafic avec le
Maghreb (+ 25 %).
Le pôle technologique de ChâteauGombert, au nord-est de Marseille, s’est
ouvert à la fin de l’année sur un site de
130 ha. À 20 km de là, Aix-en-Provence
prévoit pourtant de mettre en chantier la
technopole du plateau de l’Arbois avant
deux ans.
Rhône-Alpes
La préparation des jeux Olympiques
qui doivent se dérouler à Albertville en
1992 provoque une exceptionnelle progression des offres d’emploi en Savoie.
Le taux de chômage de la population
active masculine est tombé à 4,8 %. En
revanche, le taux de chômage féminin
atteint 11,9 % en raison de l’inscription
des femmes qui accompagnent leur mari
sur leur nouveau lieu de travail.
Lyon voit-il se profiler le spectre de
la désindustrialisation ? Dans l’impossibilité de s’étendre sur place, plusieurs entreprises lyonnaises ont plié bagage pour
s’installer à la périphérie. Ainsi, l’équipement automobile Valeo a-t-il fermé
son usine (323 licenciements) pour aller
s’implanter dans la zone industrielle de
l’Isle-d’Abeau (Isère), où s’est aussi instal-
lée l’entreprise de construction électrique
Paris-Rhône (1 000 emplois créés).
La multiplication des parcs d’activités créés dans la Région depuis 10 ans
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POLITIQUE
215
explique ce mouvement : techno-parc
de Saint-Genis-Pouilly (Ain), Technopolis du Léman, centre d’affaires international de Ferney-Voltaire (Ain), International Business Park d’Archamps
dans la zone franche de Haute-Savoie.
Situé à 7 km de Genève, ce dernier devrait offrir 2 500 emplois d’ici l’an 2000.
Il entend être un pôle de développement d’activités tertiaires supérieures,
d’activités de recherche et de haute
technologie.
DOM-TOM
Entre le 4 et le 28 avril, un recensement de la population en Nouvelle-Calédonie a été mené sous la direction de
l’INSEE. 164 173 habitants ont été dénombrés contre 145 368 lors de la précédente enquête en 1983. La population
néo-calédonienne est jeune : près d’un
tiers à moins de 15 ans et 6,9 % des habitants seulement atteignent ou dépassent
60 ans. Les groupes mélanésiens et wallisien sont les plus jeunes avec respectivement 39,1 % et 35,8 % de moins de
15 ans. Par rapport à 1983, toutes les
populations ont été marquées par une
tendance au vieillissement, mais les Mélanésiens sont les moins touchés : 41,7 %
d’entre eux avaient moins de 15 ans en
1983. Malgré les nombreux métissages,
la population demeure caractérisée par
la juxtaposition des différentes ethnies :
les Mélanésiens sont les plus nombreux
(44,8 %) devant les Européens (33,6 %),
les Wallisiens (8,3 %) et les Indonésiens
(3,2 %). Numériquement parlant les Mélanésiens dominent dans la province des
îles Loyauté (98,1 %) et dans la province
Nord (78,7 %). Les Européens sont rassemblés à 89 % dans la province Sud mais
ne constituent que 44,3 % de la population de la province.
Pour régler la question foncière, occa-
sion de multiples conflits entre les communautés européennes et autochtones, le
gouvernement français a décidé d’accélérer le processus de partage des terres.
Avant la fin de 1990, l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) doit distribuer 30 000 ha
en rééquilibrant la répartition des terres
disponibles au profit des populations
canaques.
La Nouvelle-Calédonie possède de 20
à 40 % des réserves mondiales de nickel.
La Société métallurgique Le Nickel (SLN)
est le premier employeur du territoire
avec 2 000 salariés auxquels il faut ajouter
plus de 600 personnes en sous-traitance.
Troisième producteur mondial après
INCO (28 % de la production mondiale)
et Falconbridge (15 %), SLN (8 %) assure
plus de 80 % en valeur des exportations
de l’île. Profitant d’une conjoncture favorable, le groupe SLN a décidé d’investir
1,2 milliard de francs dans la modernisation de ses installations (usine métallurgique de Doniambo et gisement de
Thio dont il faut prolonger l’exploitation
jusqu’au début du siècle prochain) et l’ouverture d’un nouveau centre sur la côte
ouest, à Népoui.
M. Louis Le Pensec, ministre des
DOM-TOM, a signé le 24 juin un contrat
de plan entre l’État et la Guyane, le premier du genre avec l’outre-mer. Sur la
période 1989-1993, l’État promet d’apporter 377,5 millions de francs (soit, par
habitant, trois fois plus que la moyenne
nationale). 100 millions de francs seront
consacrés à l’éducation, 60 millions à
l’emploi et le reste à l’aménagement du
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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territoire et aux infrastructures. Le fil
conducteur de cet effort est l’intégration de l’activité spatiale à l’économie du
département. Il faut que « les retombées
économiques du pôle technologique de
Kourou soient redéployées sur l’ensemble
du territoire », estime M. Elie Castor, président du conseil général (apparenté PS).
En voyage officiel en Polynésie, le Premier ministre, M. Michel Rocard, a rendu hommage à l’action de M. Leontieff,
président du gouvernement territorial, et
a exhorté tout le monde à refuser « la voie
de la facilité » qui « nourrit l’assistance
et la dépendance ». Devant le gouvernement territorial, M. Rocard a plaidé pour
un « développement plus autonome et
moins artificiel » de la Polynésie française
et s’est félicité de la création de 900 emplois dans le secteur privé, de novembre
1988 à mai 1989, « un des résultats les
plus encourageants ».
Le cyclone tropical Hugo a frappé la
Guadeloupe dans la nuit du 16 au 17 septembre. Des vents de 230 à 240 km/h
ont laissé un spectacle de désolation sur
un axe allant de La Désirade au nord
de Basse-Terre. Sur cette trajectoire, les
communes de Grande-Terre ont été les
plus touchées. Le Moule a perdu 80 %
de ses habitations. Les plantations de bananes, de fleurs et de cannes à sucre sont
détruites à près de 100 %. Et le bilan humain est également très lourd : 5 morts,
12 000 à 20 000 sans abri.
La hantise de l’échéance de 1993 continue à inquiéter les DOM. Une décision
commune du Conseil et de la Commission de la CEE a institué un programme
d’actions spécifique à l’éloignement et
à l’insularité des départements français
d’outre-mer (POSEIDOM). Sa mise en
oeuvre, entre le 1er juillet 1989 et le 31 décembre 1992, permettra d’attribuer des
moyens supplémentaires aux DOM pour
combler leur retard économique.
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POINT DE L’ACTUALITÉ
217
Le lamento corse
Annoncée le 1er juin 1988 pour cent
jours, la trêve des bombes avait été
prolongée par le mouvement nationaliste
pour « aboutir à un règlement politique
du problème corse ». On s’attendait donc
à percevoir les dividendes de la prudence
et de l’art subtil de la négociation qui semblaient guider la démarche de Pierre Joxe,
chargé des relations avec l’île depuis son
retour au ministère de l’Intérieur. Or, une
grève de dix semaines amorcée à la poste
de Bastia le 21 février s’est achevée le
soir du 1er mai après avoir mobilisé vingt
mille fonctionnaires et agents de l’État et
coûté cent soixante-dix millions à l’économie insulaire. Elle avait entre-temps
révélé l’insuffisance de l’information du
gouvernement, gêné les nationalistes
avant qu’ils ne rejoignent et récupèrent
le mouvement et confirmé l’impuissance
des élus régionaux.
Le poids de l’insularité
La grève a été lancée pour obtenir une
prime de vie chère. La section CGT de
l’administration des Impôts estimait que
« la vie courante (alimentation, essence,
assurances) » revenait à « 33 000 F plus
cher par an aux Corses » qu’aux continentaux. Effectivement, les enquêtes de
l’INSEE donnaient raison aux syndicats
de fonctionnaires. Ajaccio est la ville la
plus chère de France, et Bastia prend la
quatrième place dans ce classement, immédiatement après Paris. L’alimentation
coûte à Ajaccio et à Bastia 6,8 % de plus
que la moyenne nationale. Le prix des
légumes surpasse la moyenne française
d’un tiers. La baguette de pain, que l’on
paie 3,20 F sur le continent, est affichée
3,50 F dans l’île. À Ajaccio, il faut compter 15 % de plus qu’à Orléans pour s’habiller de la même manière.
Cette situation est bien connue et souvent prise en compte : les agents de l’EDF
et de la SNCF, les employés de banque
perçoivent des indemnités particulières
lorsqu’ils sont en service en Corse. Aussi,
dès le début du mouvement de grève, la
CGT a réclamé une prime d’insularité de
mille francs par mois et un relèvement de
l’indemnité versée en fonction du domicile ; la Corse, classée en zone deux, serait
passée en zone zéro ; chaque salarié aurait bénéficié d’une augmentation de 3 %
environ. Dans le même esprit, FO et la
CFDT, évitant les chiffres pour ouvrir la
voie aux négociations, ont demandé une
indemnité compensatrice de vie chère.
La disparité des prix qui se manifeste
aux dépens de la Corse a été parfaitement
admise par le gouvernement, puisque
Michel Rocard déclarait le 20 mars : « Il
est... anormal que le consommateur corse
paie à un prix supérieur à celui constaté
sur le continent des biens courants qui
arrivent en Corse à un prix inférieur. »
Dans son intervention, le Premier midownloadModeText.vue.download 219 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
218
nistre laissait clairement entendre, néanmoins, que la hausse des prix pouvait être
imputée aux agents économiques de l’île
même. En Corse, les intermédiaires sont
mieux placés qu’ailleurs pour élargir leurs
marges : l’île est un marché étriqué de
200 000 personnes environ, qui interdit
l’existence d’une véritable concurrence :
les médicaments, comme l’essence, sont
acheminés par un seul réseau de distribution ; pour les produits alimentaires, les
petits commerces ont leur choix réduit à
deux distributeurs. Ententes et concertations sont fréquentes. Ce marché étroit
est aussi sensible. Les flux touristiques
suscitent chaque année une tension sur
les prix ; tout mouvement social affectant
les relations entre le continent et l’île provoque le même effet.
L’intervention de l’État
S’il n’a pas su maîtriser les circuits
commerciaux, l’État est intervenu pour
compenser les inconvénients de la situation insulaire de la Corse : il participe
pour plus de 750 millions de francs par
an aux transports entre la Corse et le
continent. « Le problème », déclarait
Michel Rocard le 30 mars, « n’est pas de
transférer plus d’argent, mais de l’y transférer autrement ».
L’amélioration, nécessaire, de l’action
de l’État pourra se fonder, à partir de
cette année, sur une belle collection de
documents susceptibles d’éclairer l’Assemblée régionale et, plus encore, le gouvernement, qui détiennent les pouvoirs
de décision.
Henri Antona, président de l’Institut
régional du commerce, de l’innovation et
de la gestion, a élaboré un rapport destiné
à l’Assemblée de région, qui insiste sur la
nécessité de créer et d’accueillir en Corse
des entreprises performantes, de prévoir dans l’île une formation à la gestion,
d’orienter la fiscalité vers l’investissement
et d’élaborer un plan d’aménagement cohérent accepté par tous. Une Agence de
développement de la Corse permettrait
de mettre en oeuvre cette stratégie.
À la suite d’une mission d’étude menée en pleine grève, Robert Toulemon,
inspecteur général des Finances, préconise une série de modifications dans
le soutien à l’agriculture, une nouvelle
répartition des aides fiscales et la négociation de conventions de modération
des prix.
Un rapport sur l’éducation en Corse,
préparé par Émile Arrighi de Casanova,
président de section au Conseil économique et social, a été publie le 6 octobre.
Il propose la réhabilitation de la langue
corse « qui doit redevenir une langue de
communication ». L’université de Corte
devrait contribuer au redressement de
l’économie insulaire en mettant à sa disposition des cadres compétents pour la
gestion, la communication, les technologies de pointe et la maîtrise de l’environnement. Dans cette double perspective, Émile Arrighi de Casanova envisage
la création d’un Conseil supérieur de
la langue et de la culture corses et d’un
Centre régional d’innovation et de transfert de technologie.
Lors du Colloque sur le développement économique et l’identité culturelle
des îles de l’Europe, qui s’est tenu à Ajaccio du 18 au 20 octobre, la Commission
européenne a diffusé un programme
d’expansion régionale qui dresse la liste
des projets susceptibles d’être soutenus et
en partie financés par la CEE.
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POINT DE L’ACTUALITÉ
219
Enfin, un diagnostic global a été établi par quatre « tables rondes », dont la
constitution avait été décidée le 22 mars
en pleine grève. Les commissions rassemblant des élus, des syndicalistes et
des représentants des intérêts socioprofessionnels se sont réunies vingt-cinq
fois du 2 mai au 30 juillet et ont fait appel
au concours de deux cents personnes.
Les débats ont abouti à un document de
synthèse élaboré par Michel Prada, inspecteur général des Finances, remis au
Premier ministre le 12 septembre. Michel
Prada estimait que l’emploi des « moyens
les plus ordinaires » suffirait à améliorer
la situation de la Corse.
Éclairé, ou peut-être désorienté, par
l’abondance de ces contributions et par
des conseils parfois contradictoires, le
gouvernement a décidé des mesures à
prendre, le 28 octobre, à l’issue de la réunion d’un Comité interministériel consacré spécialement à la Corse. L’inspiration
décentralisatrice de Pierre Joxe, resté en
retrait depuis le début de la grève, a prévalu sur les conclusions très jacobines du
rapport Prada.
En réponse aux revendications motivées par le coût de la vie dans l’île, le gouvernement ouvrira en 1990 un Centre
local d’informations sur les prix, le CLIP,
qui poursuivra en permanence les enquêtes entreprises actuellement. L’Office
des transports de la région Corse pourra
participer à l’équipement de la compagnie
aérienne Corse-Méditerranée et l’Assemblée régionale devra assurer la rentabilité de l’entreprise. En ce qui concerne les
services de l’État, l’indemnité compensatoire de transport sera versée hors impôt.
Enfin, l’administration des finances fera
désormais appliquer dans l’île l’obligation
de déclarer les successions en ménageant
une période transitoire.
L’identité corse
Ces dispositions n’ont pas satisfait
les nationalistes corses, qui l’ont manifesté quelques jours après par la reprise
des attentats dans la nuit du 6 au 7 novembre à Santa-Lucia-di-Porto-Vecchio
et, le 13 novembre, à Ajaccio. Les nationalistes fondent leur refus sur un certain
nombre d’arguments qui recueillent une
adhésion largement répandue : la « spéculation généralisée » que les nationalistes dénoncent n’est peut-être pas aussi
générale qu’ils l’affirment, mais existe
indiscutablement ; les « Corses qui se
vendent pour mieux vendre notre terre »,
stigmatisés à Corte le 6 août, ont effectivement oublié la tradition et les intérêts
de la collectivité insulaire depuis le début
des années soixante ; les nationalistes
sont volontiers écoutés quand ils refusent
que la Corse devienne « le bronzodrome
de l’Europe » : Jean-Paul de Rocca-Serra,
député RPR et président de l’Assemblée
régionale, peu suspect de collusion avec
les nationalistes, constatait, lors des colloques sur les îles européennes, que le
tourisme était perçu en Corse comme
une « forme d’agression rentable, certes,
mais une forme d’agression ».
La force des nationalistes provient de
leur capacité à exprimer des inquiétudes
latentes. Aussi, le gouvernement serait-il
bien inspiré de tenir compte des critiques
et des mises en garde. Il conserve une
marge de manoeuvre appréciable dans
la mesure où certaines positions extrémistes sont loin d’être unanimement acceptées : le colonialisme dénoncé par les
nationalistes n’apparaît pas si évident aux
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Corses qui ont fait carrière dans la fonction publique, même parmi les grévistes
du début de l’année; le statut d’autonomie interne, rejeté par les nationalistes
les plus engagés, rallie actuellement en
Corse des membres du Parti socialiste et
même des partis de l’opposition.
Mais, si le gouvernement ne se départit pas d’un comportement directiviste
inspiré par la religion de l’État et par les
techniciens de l’administration, s’il oublie
la générosité pour accroître la charge fiscale et récupérer ainsi une partie de ce
qu’il donne, s’il ignore les particularismes
auxquels sont attachés les Corses, s’il
s’aliène les Corses du continent, au lieu
de les inviter à participer de toutes leurs
compétences au renouveau insulaire, les
plans les plus élaborés et les plus coûteux
aboutiront à des résultats partiels ; ils ne
régleront pas réellement le problème posé
depuis un quart de siècle. Les Corses ressentiront ces mesures, même si elles sont
objectivement utiles ou fondées, comme
des symptômes de sujétion ou des atteintes à leur dignité, comme l’ont bien
montré les réactions de la population lors
d’une grève prolongée par le « mépris »
supposé du gouvernement.
Au contraire, le projet de protection
de l’identité culturelle, intimement lié à
un programme de développement, est acceptable par tous les courants d’opinion.
Tous les autres plans d’action devraient
se fonder de la même manière sur une
intelligente concertation et sur une attentive compréhension des ressorts psycho-
logiques d’une communauté minoritaire
qui se sent menacée.
GEORGES GRELOU
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POLITIQUE
221
Europe – 3
Trois ans avant la naissance de l’Europe, les responsables s’agitent de
plus en
plus fébrilement autour du berceau.
Et les événements qui surviennent chez les cousins de l’Est ne font
qu’ajouter
à la confusion...
Année charnière dans l’histoire des relations mondiales de l’après-guerre,
1989 restera celle qui a pris la Communauté européenne par surprise. Les
brèches effectuées dans le mur de Berlin
le 9 novembre ébranleront-elles les fondements de la CEE ? Les changements,
aussi brutaux qu’inattendus, qui affectent
l’ensemble des pays du pacte de Varsovie,
et surtout la République démocratique
allemande, contribueront-ils au renforcement des liens au sein de la Communauté ? Accéléreront-ils, ou au contraire
ruineront-ils – pour reprendre une métaphore répandue – l’édification de ce
bâtiment sans toit mais dont quelques
étages sont déjà construits ? Quand bien
même chacun se réjouit de voir un certain « ordre établi » prendre fin, à compter du 9 novembre les interrogations se
multiplient autour de la « question allemande » et donc de l’avenir de l’Europe
communautaire.
Avant que ces événements n’interviennent, la Communauté concentrait
ses efforts sur l’Union économique et
monétaire, dont l’aboutissement logique
est l’union politique des Douze. Les tractations entreprises pour enclencher ce
processus auront occupé toute la fin de
la présidence espagnole de la Communauté (premier semestre 1989) et l’essentiel de la présidence française (deuxième
semestre).
Mais cette année est aussi celle qui
rapproche les Européens de l’« échéance
93 » ; la mise en oeuvre du marché unique
et la perspective d’une Europe sans frontières occupent les esprits... Espoirs, inquiétudes et questions sont mêlés.
« Objectif 93 »
À l’approche du 1er janvier 1993, date
devenue mythique, le tissu social, et surtout économique, se mobilise. Les entreprises se préparent à affronter la concurrence attendue des onze pays voisins ;
elles fusionnent, forment leur personnel,
se modernisent. Soucieux de voir naître
l’« Europe sociale » qu’on leur a promise,
les syndicats sont sur la brèche. De leur
côté, Américains et Japonais redoutent de
plus en plus l’édification d’une « Europe
forteresse », c’est-à-dire la réalisation d’un
marché très puissant dont ils seraient exclus. Bref, l’« objectif 93 » remplit son rôle
de « nouvelle frontière » (économique
s’entend).
En février 1986, afin de relancer une
machine en veilleuse (depuis la signature du traité de Rome en 1957, aucune
avancée notable n’avait été effectuée), les
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
222
Douze avaient signé l’Acte unique, un
instrument au service de la réalisation
du marché unique. Une échéance était
fixée : le 1er janvier 1993. À partir de cette
date, la libre circulation des personnes,
des biens, des capitaux et des services
doit être assurée. La mise en oeuvre de ce
principe se révèle un véritable casse-tête.
D’autant que plus l’on s’approche de la
date fixée, plus les compromis sont difficiles à élaborer entre les Douze. En 1989,
les présidences espagnole puis française
l’apprennent à leurs dépens.
Parmi les échecs : le report du projet
d’harmonisation de la fiscalité indirecte,
c’est-à-dire du rapprochement des taux
de TVA et des accises (les taxes sur les
alcools, les carburants et les tabacs). Le
9 octobre, les douze ministres de l’Économie et des Finances ajournent le principe de rapprochement des taux de TVA
et rejettent le plan d’harmonisation proposé par la Commission européenne.
Aucun accord non plus n’est trouvé dans
le domaine de la fiscalité de l’épargne. Et
pourtant, le temps presse : c’est le 1er juillet 1990 que doit entrer en vigueur la
directive (« loi » européenne) permettant
la libre circulation des capitaux. À cette
date, il faudra avoir pris des mesures
afin d’empêcher les fraudes et l’évasion
fiscales.
Les gouvernements réalisent par ailleurs que les obstacles auxquels se heurte
l’ouverture des frontières physiques sont
beaucoup plus nombreux qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Comment assurer la
sécurité des citoyens, comment régler
les questions de l’extradition, de la lutte
contre la drogue, des contrôles dans les
ports et les aéroports, une fois les frontières intracommunautaires supprimées ?
Des groupes d’experts y réfléchissent
au niveau des Douze, mais aussi à celui
des cinq pays (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, RFA) qui ont signé en
1985 « l’accord de Schengen ». Fin 1989,
les membres du « groupe de Schengen »
espèrent que les travaux aboutiront prochainement à la signature d’une convention qui organiserait l’ouverture de leurs
frontières communes en 1991.
Les présidences espagnole et française
ont aussi des difficultés à faire progresser
ce qu’il est convenu d’appeler l’« Europe
des citoyens ». Plusieurs projets, qui
devaient aboutir en 1989, restent lettre
morte, notamment ceux qui concernent
le séjour des inactifs (pour l’instant, ne
peuvent s’établir sans conditions, dans
un autre pays de la CEE que le leur, que
les travailleurs, c’est-à-dire ni les retraités, ni les étudiants) et le vote des ressortissants communautaires aux élections
municipales.
Deux soucis : l’image
et l’environnement
Pendant près de six mois, l’audiovisuel a occupé le devant de la scène. En
jeu, l’adoption d’une directive faisant
obligation aux chaînes de télévision des
États membres de diffuser un certain
quota d’oeuvres émanant de leurs partenaires. La France demandait un quota
s’élevant à 60 %. La directive adoptée le
3 octobre au terme de négociations serrées et, à Paris, d’un large débat entre
gouvernement et professionnels, n’a finalement aucun caractère contraignant. Les
États membres sont invités « chaque fois
que c’est possible » à faire en sorte que les
chaînes « réservent à des oeuvres eurodownloadModeText.vue.download 224 sur 509
POLITIQUE
223
péennes [...] une proportion majoritaire
de leur temps de diffusion de films, fictions et documentaires ». La veille, à l’occasion des premières assises européennes
de l’audiovisuel, avait été lancé à Paris
un « Eurêka de l’audiovisuel », structure regroupant vingt-six pays (les 23
du Conseil de l’Europe – qui incluent les
12 de la CEE –, rejoints par la Hongrie,
la Pologne et l’URSS) décidés à doter le
continent européen d’une stratégie offensive dans la bataille mondiale des images.
Par ailleurs, la Communauté a fait
sienne une préoccupation qui, en 1989,
suscite une prise de conscience à l’échelle
mondiale : la protection de l’environnement. Au moment où les conférences
internationales sur la protection de la
couche d’ozone, l’effet de serre ou encore
l’avenir de la forêt tropicale se multiplient,
la CEE a décidé de créer une Agence européenne de l’environnement.
Relations
internationales
L’année écoulée a été marquée par un
profond changement. La brusque libéralisation des régimes polonais et hongrois, la
fuite massive des Allemands de la RDA vers
la République fédérale, puis l’ouverture du
mur de Berlin et la chute du régime roumain
ont signifié la fin du statu quo politique existant depuis 1945 en Europe orientale.
En Afghanistan, dix mois après le retrait
des troupes soviétiques, qui s’est achevé le
15 février, la guerre continue. L’aide massive
du Kremlin au régime de Kaboul, moins fragile qu’on ne l’avait cru, et les livraisons américaines aux résistants expliquent en partie
l’absence de solution politique.
Au Sahara occidental, la méfiance réciproque du Maroc et du Front Polisario a empêché l’application du plan de paix accepté
par les deux parties le 30 août 1988. Les
chances d’aboutir à une solution semblaient
meilleures au Nicaragua. Le 14 février, à
l’issue d’une conférence réunissant les cinq
chefs d’État d’Amérique centrale, le président Ortega a annoncé la mise en route
d’un processus de démocratisation et de
réconciliation nationale. Conclu le 5 août
1988 entre les gouvernements de Pretoria,
de La Havane, de Luanda et de Washington,
le cessez-le-feu en Angola et en Namibie a
été remis en cause plusieurs fois. L’application de l’accord du 22 décembre 1988, qui
devait mener ce dernier pays à l’indépendance, a été entravée par l’intransigeance de
la SWAPO.
Toujours en Afrique, à la suite des affrontements interethniques meurtriers du mois
d’avril, le Sénégal a rompu ses relations diplomatiques avec la Mauritanie le 21 août.
En revanche, l’Égypte a été réintégrée au
sein de la Ligue arabe (26 mai) ; la Libye
et le Tchad ont signé le 31 août un accord
pour mettre enfin un terme au conflit qui les
oppose.
Au Cambodge, après l’échec de la conférence de Paris (30 août) et le retrait des
dernières unités régulières vietnamiennes
(26 septembre), les combats entre les résistants et les troupes gouvernementales ont
continué.
Au Liban, après avoir réussi à imposer un
cessez-le-feu fin septembre, le comité tripartite arabe (Arabie Saoudite, Algérie et Maroc)
a obtenu l’accord des députés libanais réunis à Taëf sur la modification des institutions
en faveur des musulmans et la question de la
présence syrienne (23 octobre) ; mais l’assassinat du nouveau président, René Moawad
(22 novembre) risque de remettre en cause
cette fragile entente.
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224
La lutte menée contre deux des maux les
plus préoccupants de cette fin de siècle
a peu progressé. Approuvée le 22 mars à
l’ONU, une convention sur les déchets dangereux n’a pas réussi à interdire leur exportation. D’autre part, afin de combattre le
trafic de drogue, M. George Bush a bien
accordé une aide de 65 millions de dollars
à la Colombie le 25 août, mais le Guatemala
est devenu en même temps un autre centre
commercial pour les narcotiques. Toutefois,
le 20 décembre, l’armée américaine a lancé
une vaste offensive au Panama pour tenter
d’arrêter le général Noriega, principal organisateur du trafic dans la région.
Autre motif d’alarme, le fanatisme islamique a atteint un paroxysme avec l’affaire
Rushdie. Le 14 février, l’imam Khomeyni a ordonné l’exécution de l’écrivain, qui avait « offensé l’islam » avec ses Versets sataniques. Le
7 mars, le Royaume-Uni et l’Iran ont rompu
leurs relations diplomatiques.
La détente entre l’Est et l’Ouest a progressé. Le 30 mai, le sommet de l’OTAN a entériné
les propositions de désarmement de George
Bush. En réponse à la demande de coopération économique de M. Gorbatchev, le Sommet des Sept, réuni à Paris du 14 au 18 juillet, a chargé la Commission européenne de
coordonner l’aide occidentale à la Pologne
et à la Hongrie ; le but de l’opération est de
soutenir le processus de réforme en cours.
Laurent Leblond
L’Europe sociale
Ce sont en fait deux grands dossiers,
celui de la Charte des droits sociaux
fondamentaux et celui de l’Union économique et monétaire qui font la une
de l’actualité européenne tout au long
de l’année. La nécessité d’une « Europe
sociale » n’est pas un thème aussi nouveau qu’on le croit généralement. Dès
son premier mandat, le Président François Mitterrand l’avait appelée de ses
voeux. Dans un mémorandum sur la
relance européenne du 13 octobre 1981,
le gouvernement français avait présenté
l’« espace social européen » comme le
corollaire obligé de la réalisation du Marché commun. L’accélération du processus
d’intégration communautaire, à la suite
de la signature de l’Acte unique, a renforcé la nécessité de prendre en compte la
dimension sociale du marché européen.
La méthode souhaitée pour y parvenir est
l’adoption d’une charte communautaire
des droits sociaux fondamentaux.
Le 31 décembre 1988, M. Mitterrand
affirmait : « J’attends de l’Europe aussi
qu’elle comprenne que, sans politique
sociale et sans espace culturel, elle ne
sera pas ». Six mois plus tard, au Conseil
européen de Madrid, par lequel s’achève
la présidence espagnole de la Communauté, le président de la République
française réitère son credo : « On ne va
pas faire l’Europe des capitaux sans faire
aussi l’Europe des travailleurs » ; mais
le dossier ne progresse guère. Un avantprojet de la Commission européenne est
présenté aux chefs d’État et de gouvernement réunis à Madrid. Parmi les propositions qui leur sont soumises figurent
l’institution d’un « salaire décent », la
« fixation d’une durée maximale du travail par semaine », la « reconnaissance
de la liberté syndicale » et une « protection sociale adéquate ». La question est
de savoir si ces principes auront, s’ils sont
retenus, un caractère contraignant.
Fin novembre, la Commission de
Bruxelles propose un nouveau programme d’action aux Douze, en espérant qu’ils l’approuveront lors du
Conseil européen de Strasbourg, les 8
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POLITIQUE
225
et 9 décembre. Ce programme délimite
les domaines dans lesquels la Communauté s’interdit d’intervenir : l’institutionnalisation d’un « salaire de référence
décent », par exemple, devrait rester de
la compétence des États. Mais, malgré le
caractère peu contraignant de la Charte
soumise à l’approbation des Douze, il
est probable que Mme Margaret Thatcher n’y apposera pas sa signature. Le
Premier ministre britannique a toujours
été hostile à une ingérence, quelle qu’elle
soit, de la Communauté dans le domaine
social.
Europe
occidentale
Dans la plupart des pays, les partis politiques au pouvoir ont subi des échecs
ou même de véritables défaites lors des élections nationales, régionales ou municipales.
En Europe centrale et septentrionale, le
succès de l’extrême droite est souvent à
l’origine de ces résultats. C’est le cas en Allemagne fédérale, où les républicains, dirigés
par M. Franz Schönhuber, ont obtenu 7,5 %
des voix le 29 janvier à Berlin-Ouest et 6,5 %
des suffrages le 1er octobre aux scrutins mu-
nicipaux de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Les chrétiens-démocrates ont été les grands
perdants ; ils ont dû céder plusieurs mairies
à des coalitions réunissant des sociaux-démocrates et les Verts. Au plus bas dans les
sondages, le chancelier Helmut Kohl a procédé le 13 avril à un profond remaniement
de son gouvernement, au profit des chrétiens-sociaux bavarois. En Autriche, les élections régionales du 12 mars en Carinthie, au
Tyrol et à Salzbourg ont donné une victoire
écrasante au parti libéral ultranationaliste de
M. Joerg Haider ; celle-ci s’est accompagnée
de la chute des conservateurs du parti populaire, dont le président fédéral, M. Aloïs Mock,
a été remercié.
Lors des élections générales néerlandaises
du 6 septembre, les chrétiens-démocrates
ont obtenu un succès qui, joint au déclin de
leurs alliés libéraux, devrait entraîner la rupture de la coalition de centre droit.
En Norvège, lors des élections législatives
des 10 et 11 septembre, les grands partis
– les travaillistes, au pouvoir, et les conservateurs, dans l’opposition – ont perdu un
grand nombre de sièges. Au contraire, deux
petites formations, les socialistes de gauche
et le parti du progrès (droite populiste) ont
nettement amélioré leurs positions. Quoique
minoritaire au Parlement, la coalition tripartite de centre droit a pu former un nouveau
gouvernement. Le 16 octobre, M. Jan P. Syse
a été nommé Premier ministre à la place de
Mme Gro Harlem Brundtland.
À l’issue des élections législatives anticipées, qui se sont déroulées en Irlande
le 15 juin, le Fianna Fail (nationaliste) de
M. Charles Haughey, Premier ministre depuis février 1987, n’a pu conserver la majorité au Parlement. Avec le soutien du petit
parti démocrate progressiste, M. Haughey
a pourtant réussi à constituer un nouveau
gouvernement.
Après son échec au scrutin européen du
15 juin, qui a vu le succès des travaillistes
et des écologistes, Mme Margaret Thatcher
a procédé, le 24 juillet, à un vaste remaniement ministériel. Le 26 octobre, le chancelier
de l’Échiquier, M. Nigel Lawson, en désaccord
avec la politique économique européenne
du Premier ministre, a présenté sa démission, ce qui n’a pas empêché Mme Thatcher
d’être réélue le 5 décembre à la tête du parti
conservateur.
Lors des élections législatives, qui ont eu
heu le 18 juin, les trois principaux partis
politiques luxembourgeois ont perdu chadownloadModeText.vue.download 227 sur 509
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226
cun trois sièges. Il s’agit des chrétiens-démocrates, dirigés par le Premier ministre
Jacques Santer, des socialistes, membres de
la coalition gouvernementale, et des démocrates (libéraux).
En Italie, deux mois après la démission de
M. Ciriaco De Mita, M. Giulio Andreotti, qui
est démocrate-chrétien comme son prédécesseur, a constitué le 23 juillet un gouvernement réunissant les cinq partis au pouvoir
depuis 1981.
Enfin, en Grèce, à l’issue des élections du
18 juin, le parti socialiste (PASOK) dirigé par
M. Andréas Papandréou, qui était Premier
ministre depuis octobre 1981, n’a pas su préserver sa majorité au Parlement. Malgré sa
progression, la Nouvelle Démocratie, formation conservatrice menée par M. Constantin Mitsotakis, ne disposait pas de la majorité absolue. Le 1er juillet, les communistes
ont accepté de soutenir un gouvernement
provisoire formé par M. Tzannis Tzannétakis,
vice-président de la Nouvelle Démocratie, et
le Parlement a décidé de traduire M. Papandréou devant une cour spéciale.
Laurent Leblond
Réticences...
L’irréductible « Dame de Fer » joue de
plus en plus les trublions dans le concert
européen. Il est vrai que les Danois font
aussi les fortes têtes, mais, leur capacité
d’influence étant moins importante, c’est
incontestablement à Mme Thatcher que
revient la palme de la dissonance. En septembre 1988, le chef du gouvernement
britannique avait prononcé à Bruges un
discours resté célèbre sur l’« Europe des
patries ». Elle y développait sa thèse en
faveur d’une Europe du libre-échange,
selon laquelle aucune part de souveraineté ne doit être transférée. Ce discours, relayé en Grande-Bretagne par un
groupe de pression dénommé le « groupe
de Bruges », fustigeait la Commission
européenne et ses « bureaucrates ». Ce
n’était en fait que le début d’une virulente
campagne contre l’exécutif de la Communauté, et en particulier contre son président, M. Jacques Delors.
Les réticences de Mme Thatcher à
l’égard de la Charte sociale et de l’Union
économique et monétaire (UEM) sont à
la source de maintes spéculations quant
à l’avenir de ces dossiers. Elles ne doivent
cependant pas cacher les hésitations
d’autres gouvernements. Ainsi, la question s’est posée récemment de savoir si
l’Allemagne fédérale choisirait de s’engager dans la voie de l’UEM avec la même
détermination que la France ou que
l’Italie.
L’union économique et monétaire
L’enjeu du projet Delors (le projet
d’UEM est fondé sur un « rapport Delors ») est avant tout politique. Sa réalisation supposerait d’importants transferts
de souveraineté, et donc la signature d’un
nouveau traité. Lors du Conseil européen de Hanovre, les 27 et 28 juin 1988,
les chefs d’État et de gouvernement de la
Communauté avaient confié à un groupe
d’experts, présidé par M. Delors, « la mission d’étudier et de proposer les étapes
concrètes » qui mèneraient à l’UEM. Ce
groupe – composé essentiellement des
gouverneurs des banques centrales des
Douze – a rendu public son rapport le
17 avril 1989. Celui-ci adopte le principe de l’engrenage : il ne contient pas
d’échéance pour la réalisation de l’UEM,
mais il indique que, si les Douze s’engagent dans le processus, il leur faudra
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227
aller jusqu’au bout. L’objectif doit être
atteint en trois étapes.
La première phase débuterait le
1er juillet 1990, date de la libération des
mouvements de capitaux ; il s’agirait
d’une période d’adaptation au cours de
laquelle les monnaies des Douze qui ne
participent pas encore au mécanisme du
taux de change du SME (Système monétaire européen) devraient y entrer. Une
conférence intergouvernementale, qui
procéderait à la réforme institutionnelle,
devrait avoir lieu à ce moment. La deuxième phase commencerait avec l’entrée
en vigueur du nouveau traité ; ce serait
une période de transition au cours de laquelle serait créé un Système européen de
banques centrales. Et la troisième phase
s’ouvrirait sur le passage à des parités
fixées irrévocablement et sur l’attribution aux institutions communautaires de
compétences économiques et monétaires
les plus larges.
La question des souverainetés
Invités à se prononcer sur ce texte
le 27 juin, lors du Conseil européen de
Madrid, les Douze parviennent à un
accord, certes unanime, mais très précaire. Mme Thatcher accepte le principe
d’une conférence intergouvernementale
qui aboutirait à la révision du traité de
Rome, mais continue à se déclarer hostile
à tout transfert de souveraineté. Le Premier ministre britannique accepte donc
de s’engager dans la première phase, mais
pas au-delà.
Le gouvernement français, qui prend
le relais de l’Espagne à la tête de la présidence de la Communauté trois jours plus
tard, concentre alors tous ses efforts sur
l’enclenchement du processus. Objectif :
faire en sorte qu’à l’occasion du Conseil
européen de Strasbourg, les 8 et 9 décembre, les Douze tombent d’accord sur
la date du début de la conférence intergouvernementale. Le temps presse, car le
but est d’aboutir à une ratification du nouveau traité, si nouveau traité il y a, avant
la fin de 1992, c’est-à-dire avant l’ouverture des frontières intracommunautaires.
Alors que les contacts bilatéraux
s’intensifient, chacun étant désireux de
connaître la position de ses partenaires,
ou de les convaincre, un groupe de hauts
fonctionnaires des Douze réfléchit. Car, si
le rapport Delors a apporté des réponses
techniques aux problèmes soulevés par
l’UEM, l’aspect politique n’a pas encore
été abordé. Le « groupe Guigou », du nom
de sa présidente, Mme Élizabeth Guigou,
conseiller de M. Mitterrand pour les Affaires européennes, remet, à l’automne,
un rapport sous forme de questions relatives aux transferts de souveraineté. Il est
clair que l’Union économique et monétaire est le « cheval de Troie » de l’Union
politique. Comment pourrait-on avoir
une monnaie unique sans un gouvernement central ? Reste à savoir comment
parvenir à cet objectif auquel le chef de
l’État français se dit très attaché...
M. Mitterrand l’a encore affirmé, à
Strasbourg, le 25 octobre : « L’Union économique et monétaire signifiera qu’un
pas décisif aura été accompli en vue de
l’objectif qu’il faut bien désigner, l’union
politique de la Communauté. Raison de
plus pour la vouloir et pour la faire. » Le
président français prononçait alors un
discours devant les parlementaires européens, avant même l’ouverture de la frontière entre les deux Allemagnes. Par la
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228
suite, sa conviction n’a fait que croître, la
construction d’une Europe aux structures
« plus solides » constituant, selon lui, la
meilleure réaction que la CEE pourrait
avoir face aux bouleversements dans les
pays de l’Est.
L’inconnue reste la position qu’adoptera le gouvernement de Bonn lors du
Conseil de décembre. L’Allemagne fédérale répondra-t-elle positivement à la
proposition française d’entamer la conférence intergouvernementale avant la fin
de 1990 ? Le chancelier Helmut Kohl se
trouve dans une position délicate, d’une
part en raison des élections législatives
qui auront lieu le 11 décembre 1990 en
Allemagne fédérale, et surtout du fait des
changements intervenus en Allemagne
de l’Est. L’ouverture de la frontière entre
les deux Allemagnes signifie-t-elle que
du jour au lendemain la population de
la Communauté européenne s’est accrue
de 16,7 millions d’habitants ? On n’en est
sans doute pas encore là.
La cohésion de la communauté
À l’initiative de M. Mitterrand, les
douze chefs d’État et de gouvernement se
réunissent à l’Élysée, le 18 novembre, afin
de définir une position commune face
aux bouleversements que connaît l’Europe centrale et orientale : ils encouragent
les mouvements de réforme et décident
d’y contribuer, à condition que le retour
à la démocratie soit effectif. Plus concrètement, ils se prononcent pour la création
d’une banque d’aide aux pays de l’Est, la
Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).
Par ailleurs, les Douze se mettent
d’accord sur une déclaration prévoyant
que le peuple allemand pourra « retrouver son unité à travers une libre autodétermination ». Ce droit ne pourra cependant s’exercer que « dans un contexte de
dialogue et de coopération Est-Ouest »
et « se situe dans la perspective de l’intégration communautaire »... Fin 1990,
la cohésion de la Communauté semble
indemne...
Petite chronique
européenne...
En janvier, à la suite de l’adoption du rapport Prag (du nom d’un élu britannique)
par les parlementaires, la « bataille du siège »
a été lancée pour décider si, exceptionnellement, le Parlement européen pourrait se réunir à Bruxelles et non à Strasbourg, où jusqu’à
présent ont eu lieu toutes les sessions...
Catherine Trautmann, élue en mars à la
tête de la municipalité de la capitale alsacienne, a alors entrepris de conforter sa ville
dans son rôle européen. Cette campagne a
été soutenue par François Mitterrand, et c’est
à Strasbourg que la réunion des douze chefs
d’État ou de gouvernement (le Conseil européen) s’est tenue les 8 et 9 décembre sous la
présidence de la France.
Les 15 et 18 juin, les 140 millions d’électeurs de la Communauté ont été appelés aux
urnes afin de renouveler leurs 518 représentants au Parlement européen. Cette élection
a peu mobilisé. Bien que le vote soit obligatoire dans certains États membres, le taux
de participation ne s’est élevé, globalement,
qu’à 58,5 %. La physionomie de l’hémicycle
est sortie quelque peu modifiée des urnes.
Le groupe socialiste a renforcé sa position de
premier groupe de l’Assemblée et les écolodownloadModeText.vue.download 230 sur 509
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229
gistes ont effectué une « poussée » relative-
ment importante.
Si la Communauté acquiert dans l’avenir
un véritable statut politique sur la scène
diplomatique, on retiendra peut-être alors
la date du 8 juillet 1989 comme le point
de départ d’une reconnaissance à l’échelle
mondiale. Ce jour-là, les chefs d’État ou de
gouvernement des sept pays les plus industrialisés se sont réunis en sommet, à Paris.
La situation en Pologne et en Hongrie était
en train d’évoluer et chacun convenait qu’il
fallait les aider. Les Sept ont alors décidé de
confier à la Commission européenne le soin
de coordonner l’aide des nations occidentales à ces deux pays.
C’est en juillet également que la Communauté a reçu la demande d’adhésion de
l’Autriche ; mais sa neutralité constitue un
obstacle de fond. Quoi qu’il en soit, le cas
est à l’étude et, au sein de la CEE, tous ont
convenu que l’élargissement de la Communauté restait prématuré tant que le marché
unique ne serait pas réalisé.
Le 25 juillet, les députés européens ont élu
à leur tête un socialiste espagnol, M. Enrique
Baron Crespo, ancien ministre du gouvernement Gonzalez. Au terme d’un accord avec le
second groupe du parlement, le PPE (groupe
démocrate-chrétien), M. Baron doit abandonner la présidence au profit d’un député
de droite après deux ans et demi d’exercice
(la moitié de la durée d’un mandat législatif
européen).
Depuis l’entrée en vigueur de l’Acte unique
(1er juillet 1987), les parlementaires européens sont associés, par le biais de la procédure de coopération, à une partie du processus de décision communautaire. Mais leurs
pouvoirs restent très limités et ils n’ont de
cesse de les voir s’accroître...
Marie-Pierre Subtil
Marie-Pierre Subtil est chargée des questions européennes au service de politique étrangère du Monde.
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Pays de l’Est :
le grand bouleversement
L’année 1989 a été marquée par le changement subit et radical du paysage
politique qui caractérisait la Russie depuis 1917 et toute l’Europe de
l’Est
depuis 1945.
Cette révolution est partie de l’URSS, de la stratégie de Mikhaïl
Gorbatchev
et s’inscrit en plusieurs chapitres : évolution démocratique, explosions
nationales, désastres économiques, bouleversements internationaux.
Le 1er décembre 1988, l’évolution de
l’URSS s’est brusquement accélérée
lorsque le Soviet suprême a décidé de
remanier la Constitution de 1977. Cette
réforme, annoncée dès le XXVIIe congrès
du Parti en 1986, imposée par les propositions de la Conférence du PCUS de
juin-juillet 1988, est importante dans
la forme et dans le fond. Dans la forme,
puisqu’elle est adoptée, pour la première
fois, à la majorité (et non à l’unanimité).
Dans le fond, car elle modifie radicalement le système politique soviétique dans
trois domaines. Elle instaure la pluralité
des candidatures, donnant ainsi à l’électeur la possibilité – qu’il n’avait encore
jamais connue – de choisir son représentant. Le Soviet suprême, parlement
de l’URSS à l’existence jusqu’alors épisodique, devient une instance permanente,
ce qui lui permettra de participer réellement à l’exercice du pouvoir. Enfin, la
création du Comité de contrôle constitutionnel constitue une étape décisive pour
la naissance d’un État de droit.
Certes, cette réforme ne résout pas
tout. Le Parti communiste reste l’organe
dirigeant de l’URSS et cela affaiblit le
rôle du parlement et la réalité de l’État
de droit. Le fédéralisme soviétique n’est
pas révisé alors que les revendications
nationales progressent. Enfin, le système
de représentation obligatoire des organisations sociales (750 députés, soit le
tiers du parlement), destiné à préserver
le Parti et diverses instances bureaucratiques des foucades du corps électoral,
s’accorde mal avec une vraie conception
du suffrage universel.
Un véritable parlement
Cette réforme a néanmoins ouvert la
voie à des changements profonds du système. Les élections ont lieu le 25 mars.
Même si, pour la première fois, ils n’y
sont pas contraints, 89,8 % des électeurs
(192 millions d’inscrits) se rendent aux
urnes. Dans plus de deux circonscriptions
sur trois, ils peuvent choisir entre deux,
voire trois candidats. Certes, les résultats
officiels ne semblent pas trop défavorables au Parti communiste puisque 87 %
des élus sont membres du Parti ; mais ces
chiffres dissimulent une tout autre réalité.
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POLITIQUE
231
Presque partout où il en avait la possibilité, le corps électoral a choisi le candidat étranger au Parti, ou encore celui que
le Parti ne soutenait pas, ou enfin celui
qui se situait au bas de la hiérarchie du
Parti. C’est ainsi qu’arrivent au parlement
des représentants de Fronts populaires
nationaux (tel le Front de Lituanie, le Sajudis), des opposants notoires – comme
Andreï Sakharov – ou des « enfants terribles » contestés par le Parti, tels que
Boris Eltsine ou Iouri Afanassiev. Dans
certains cas, comme à Leningrad, toute la
direction du Parti est rejetée par le corps
électoral. Les élections de 1989 ont provoqué un vrai séisme politique en URSS,
dont sort un parlement encore hésitant
sur sa capacité d’action réelle, et néanmoins beaucoup moins docile qu’on ne le
prévoyait.
En mai, s’ouvre la session du Congrès
des députés du peuple, vaste assemblée de
2 250 membres, qui devait, dans l’esprit
des auteurs de la réforme, élire aussitôt
en son sein le Soviet suprême, bicaméral
et permanent, avant de se séparer jusqu’à
une session ultérieure. Commence alors
l’aventure parlementaire soviétique. Le
Congrès des députés du peuple avait imposé sa volonté d’ouvrir un débat sur tous
les grands problèmes de l’URSS avant de
céder la place au parlement restreint. Ce
débat, télévisé dans son intégralité, fait
découvrir à la société soviétique – qui
passera des semaines devant les téléviseurs –, l’ampleur des problèmes et
l’importance de leur discussion libre et
contradictoire. En quelques semaines, la
société soviétique se politise et amorce sa
transformation en société civile.
Quand le Congrès se sépare le 10 juin,
il a un bilan remarquable à son actif. Pour
la première fois dans l’histoire de l’Union
soviétique, il a élu un véritable chef d’État,
le président du Soviet suprême, qui est
naturellement Mikhaïl Gorbatchev. Il
a aussi élu le Soviet suprême ; enfin, il a
montré au pays qu’il était en passe de devenir une institution vraiment représentative. Son émanation, le Soviet suprême,
ne pourra plus retomber dans l’ornière
de l’irresponsabilité. Ses débats, télévisés
comme ceux du Congrès, porteront sur
l’examen de toutes les candidatures gouvernementales, sur les lois en préparation
et sur toutes les options. L’URSS médusée verra des parlementaires soudain
convaincus de leurs responsabilités, soumettre à la question un ministre, l’accuser
d’incompétence, voire le renvoyer.
Deux événements témoignent du
progrès du parlementarisme. Tout
d’abord, la création, au sein du Soviet
suprême, du Groupe interrégional, qui
rassemble, autour de Sakharov, d’Afanassiev (tous deux non élus au Soviet suprême), et d’Eltsine (qui en est membre),
les députés qui veulent accélérer le cours
des réformes. Une véritable opposition
parlementaire naît ainsi. Ensuite, lorsque
le Congrès des députés du peuple se réunit à nouveau en décembre, le vote sur la
possibilité de débattre du rôle dirigeant
du Parti, hautement réclamé par les
libéraux à la suite de Sakharov, permet
de mesurer l’importance de ce courant.
Certes, le Congrès se prononce contre
un tel débat, mais la minorité vaincue
est considérable. Plus de 800 députés y
étaient favorables, c’est-à-dire plus du
tiers de l’assemblée. La question du rôle
dirigeant du Parti ne pourra plus être
évitée et Gorbatchev doit s’engager à la
soumettre au plénum du Comité cendownloadModeText.vue.download 233 sur 509
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tral au début de l’année 1990. Le pluralisme dont témoigne le vote du Congrès
existe même au sein du Parti où les clivages s’approfondissent entre partisans
de réformes radicales et partisans d’une
stabilisation interne. Entre l’extrémisme
novateur de Boris Eltsine et la prudence
d’Egor Ligatchev, la distance est telle
qu’elle justifierait la division du Parti en
deux organisations distinctes.
L’union menacée
À la disparition du monolithisme politique correspond la détérioration rapide
du fédéralisme soviétique. Si, en 1988,
la protestation nationale se traduisait en
affrontements interethniques, surtout
au Caucase et en Asie centrale, 1989 est
marqué par une politisation des revendications. Dans toutes les républiques, des
Fronts populaires ont été instaurés et une
coordination de ces Fronts commence à
fonctionner. De certaines républiques,
pays Baltes et Géorgie, monte une revendication de nature séparatiste que la
Lituanie a le plus clairement articulée.
Dans ces républiques, où drapeaux et
hymnes nationaux ont repris leur place,
en contradiction avec la Constitution soviétique, les Fronts populaires affirment
le droit à user des possibilités constitutionnelles d’autodétermination. Les
États baltes le proclament d’autant plus
vigoureusement que l’existence du protocole secret annexé au traité germanosoviétique de 1939, prévoyant l’inclusion
des républiques baltes dans une sphère
d’influence soviétique, est désormais reconnue en URSS. Protocole scandaleux
et illégal, dont la dénonciation frappe de
nullité, disent les Baltes, les événements
qui en découlent, donc leur inclusion
dans l’URSS.
Qu’à Moscou ce raisonnement soit récusé n’empêche pas les Fronts populaires
d’exiger que le pouvoir soviétique reconnaisse l’illégitimité du rattachement des
États concernés à l’URSS. Sur le même
modèle, le Soviet suprême de Géorgie a
proclamé à l’automne que l’invasion militaire soviétique de 1921 était en contradiction avec le traité soviéto-géorgien de
1918. Dans quatre républiques, le problème est posé d’un droit à la séparation
lorsque l’union est fondée sur des actes
internationalement illégaux. En attendant, les Fronts populaires et les autorités locales réclament un changement de
la loi militaire qui établisse le caractère
multiethnique de l’armée soviétique. Ils
exigent que le service militaire ne soit
plus effectué dans l’armée soviétique,
mais au sein d’unités nationales cantonnées dans les républiques. Enfin, la Lituanie et l’Estonie proclament leur indépendance économique, la propriété de leurs
ressources nationales et se dotent d’une
monnaie propre.
Le parti communiste d’URSS, symbole de l’unité à l’échelle du pays tout entier, subit un assaut identique. Le PC de
Lituanie dit sa volonté de devenir indépendant et, malgré la convocation de ses
dirigeants en novembre à Moscou, refuse
de céder aux objurgations de Gorbatchev
qui ne peut accepter d’être le liquidateur
du « Parti de Lénine ».
L’autorité de Gorbatchev est d’ailleurs
battue en brèche d’une autre manière au
Caucase. L’Azerbaïdjan, mécontent de ne
pas voir son autorité sur le Haut-Karabakh pleinement reconnue, a entrepris
de bloquer tous les accès de l’Arménie. La
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première conséquence est l’asphyxie de
l’Arménie, mais aussi la désorganisation
générale des transports ferroviaires en
URSS, partant la mise en cause des circuits d’approvisionnement.
L’économie désorganisée
La décomposition nationale de
l’URSS se conjugue ainsi avec la désorganisation générale de l’économie. Près de
cinq ans de perestroïka se traduisent par
une aggravation de la vie quotidienne.
Les magasins vides, les queues toujours
plus longues, la nécessité de rationner
les produits de base – sucre, savon, etc.
– dans un certain nombre de villes, l’interdiction faite aux provinciaux de venir
s’approvisionner dans la capitale, ont des
causes variées : les récoltes toujours en
retrait des prévisions (plus de 35 millions de tonnes de céréales manquent
en 1989), une inflation que le pouvoir
hésite à admettre mais qui grève dangereusement les budgets de la partie la plus
démunie de la population, l’inefficacité
aussi des structures économiques issues
de la réforme.
Le plénum du CC de novembre a lancé un vrai cri d’alarme sur la décomposition économique et le Premier ministre
Ryjkov a dû annoncer une politique en
retrait sur les décisions « libéralisantes »
de ces dernières années. En insistant sur
les vertus du plan, sur la nécessité de préserver les structures collectives à la campagne et le rôle de l’État dans l’entreprise,
Ryjkov ébranle les propositions faites
aux paysans et aux entrepreneurs dans
le projet de loi sur la propriété. Entre un
texte donnant aux paysans la propriété
du sol et le droit d’en disposer pour la
léguer ou la céder et l’insistance sur le
rôle maintenu des instances collectives
– sovkhozes et kolkhozes –, la distance
est grande et nourrit sans aucun doute la
méfiance des paysans à l’égard des offres
gouvernementales.
Dans une interview du 18 novembre,
Egor Ligatchev, co-président de la Commission d’agriculture du CC du PCUS, ne
s’est pas privé de dire son désaccord avec
le projet de transfert de terres aux paysans, contribuant ainsi à accroître l’impression d’une politique de transition et
non d’un choix politique clair.
La grève et son exercice
C’est la pénurie des biens les plus élémentaires qui a ouvert en URSS le cycle
des grèves qui prend maintenant des
proportions alarmantes. La grève des
mineurs commencée en Sibérie en juillet
a gagné le bassin du Donets, Vorochilovgrad et Dniepropietrovsk en Ukraine
avant d’atteindre Vorkuta en ExtrêmeOrient, Rostov sur le Don au Sud et Karaganda au Kazakhstan. En quelques jours,
ce premier grand mouvement de grèves
depuis 1917 couvre la quasi-totalité du
monde minier et fait la démonstration de
trois données encore inconnues en URSS.
D’abord l’ampleur de la pénurie des biens
de consommation et le caractère dérisoire des stimulants matériels en regard
de cette pénurie : les mineurs sont parmi
les salariés les mieux payés en URSS ; ils
vivent pourtant dans des conditions exceptionnellement misérables car l’État est
incapable de leur fournir les biens les plus
élémentaires. Deuxième donnée, la capacité des mineurs à s’organiser en dehors
de toute structure officielle. Les comités
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de grève qui ont surgi dans les mines ont
ignoré les syndicats et autres organisations sociales, et se sont très rapidement
montrés capables de mobiliser et d’encadrer les grévistes qui leur ont d’emblée
reconnu une représentativité incontestée. Enfin, dernière donnée, le désarroi
du système politique, habitué jusqu’à
aujourd’hui à ne traiter qu’avec des représentants officiels – les syndicats – et
convaincu que la société soviétique n’est
pas prête pour une mobilisation autonome du monde du travail sur le modèle
polonais.
Le 9 octobre, le Soviet suprême adopta donc une loi définissant les conditions
d’exercice de la grève, loi remarquable
et ambiguë. D’une part, elle reconnaît le
droit de grève jusqu’alors supposé inutile
en URSS puisque les travailleurs, détenteurs théoriques des moyens de production, n’avaient pas de raison de faire grève
contre eux-mêmes. Mais elle en limite
aussi l’exercice en précisant dans quels
secteurs, vulnérables pour la sécurité,
la prospérité de l’État ou le bien des citoyens, ce droit ne pourrait s’exercer.
L’effet de la loi sur les groupes privés
du droit de grève, les mineurs en tête,
est inexistant; on le constate presque
d’emblée. Quelques semaines après son
adoption, la grève reprend dans plusieurs mines d’Ukraine et de Sibérie. À
travers leurs organisations, les mineurs
se, posent en interlocuteurs directs de
l’État dont ils exigent non seulement des
concessions matérielles, mais aussi des
changements politiques comme l’abolition des privilèges, l’élaboration d’une
nouvelle constitution soumise à l’approbation populaire, et, pour certains, l’abrogation de l’article VI de la Constitution
qui consacre le monopole politique du
Parti communiste.
La création en septembre à Sverdlovsk du Front uni des travailleurs de
Russie, qui anime une série de grèves
locales dont celles qui ravagent alors
la Moldavie et coûtent des dizaines de
millions de roubles à l’économie soviétique, suggère aussi que la classe ouvrière
ressent désormais la nécessité de mettre
en place ses organisations propres dans
tout l’espace soviétique. Ces comités ouvriers viennent enrichir la masse considérable des groupements informels qui
sont montés en l’espace d’un an de 30 000
à 60 000 environ. Pour toutes ces organisations, il est une seule préoccupation :
faire redescendre dans la société un pouvoir qui s’était isolé au sommet de sa
pyramide. Et toute la stratégie de Gorbatchev encourage cette évolution. Mais, selon la tradition russe, les réformes ont été
décidées « en haut » et le chef de l’État a
cru pouvoir les appliquer d’en haut. C’est
à un renversement complet de tendances
qu’appelle la société, qui déjà multiplie
les instances au travers desquelles elle
pourra présenter ses propres candidats
aux élections locales du printemps 1990,
instances qui lui permettent déjà de faire
constater l’inutilité de l’ensemble de la
structure syndicale.
Pouvoir politique et pouvoir réel
Faut-il s’étonner que la classe politique soviétique soit plus que jamais divisée sur la voie à suivre ? Dès juillet, lors
d’une rencontre avec le Comité central,
Egor Ligatchev annonce que le Politburo
doit convoquer un Congrès des députés
des travailleurs, suggérant par là qu’au
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Congres des députés du peuple, trop
fourni en intellectuels réformateurs, il
faut opposer une vraie représentation
de la classe ouvrière, un contre-congrès.
En octobre, le même Ligatchev, dans une
interview publiée par Argumenty i Fakty, déclare que « la classe ouvrière et la
paysannerie sont offensées de n’être pas
représentées dans le Congrès des députés
du peuple en fonction de leur place dans
la société ». Et c’est ainsi que se développe
peu à peu une attaque générale contre la
politique de réforme, présentée comme
une invention abstraite d’intellectuels
ignorant tout des vraies aspirations des
travailleurs.
Maghreb
Machrek
L’année 1989 s’est ouverte sous le signe de
l’unité. Poussée par les contraintes économiques, la communauté arabe semble avoir
retrouvé sa cohésion en créant deux nouvelles ententes régionales.
Le 16 février, à Bagdad, le Conseil de coopération arabe (CCA) a réuni, dans la perspective d’une coopération économique,
l’Égypte, la Jordanie, le Yémen du Nord et
l’Irak. Le 17 février, à Marrakech, les chefs
d’État de l’Algérie, de la Libye, du Maroc, de
la Mauritanie et de la Tunisie ont proclamé
la naissance de l’Union du Maghreb arabe
(UMA), qui prévoit l’intégration des économies des cinq pays maghrébins. Par ailleurs,
au sommet arabe de Casablanca (23-26 mai),
l’unanimité s’est faite autour de la réintégration de l’Égypte au sein de la Ligue arabe.
La concrétisation des aspirations unitaires
arabes est le fruit de la multitude d’événements positifs qui se sont déroulés depuis
un an, tant en Afrique du Nord qu’au MoyenOrient. L’Algérie, quelques mois après les
émeutes d’octobre 1988, est entrée dans
une ère nouvelle placée sous le signe de la
démocratisation. La Constitution adoptée
par référendum a mis fin au pouvoir hégémonique du FLN et de l’armée (23 février)
et garanti les libertés fondamentales ; les
lois sur le multipartisme et le nouveau code
électoral ont été votés (2 et 19 juillet). Un
nouveau pas vers le règlement du conflit au
Sahara occidental a été franchi avec les premiers contacts directs entre le roi Hassan II
du Maroc et les dirigeants du Front Polisario (3 janvier). Enfin, le colonel Kadhafi, qui
a célébré ses vingt ans de pouvoir (1er septembre), a adopté une attitude plus modérée : amorce de règlement du contentieux
avec les États-Unis malgré les deux Mig abattus par l’aviation américaine en Méditerranée (4 janvier), signature à Alger d’un accord
pour régler le différend territorial avec le
Tchad sur Aouzou (30 août) et réconciliation
avec l’Égypte (16 octobre).
Au Machrek, des foyers de tensions demeurent. La Jordanie a connu de graves
émeutes provoquées par les mesures d’austérité imposées par le FMI pour redresser
l’économie (18-22 avril). L’explosion de deux
bombes près de la Grande Mosquée de La
Mecque a une nouvelle fois ensanglanté
le pèlerinage (10 juillet). Le conflit libanais
s’éternise ; l’accord de Taëf (22 octobre) et
l’élection d’un président de la République
éphémère (5 novembre) ont constitué une
tentative pour rétablir la souveraineté nationale du Liban.
En Iran, le 10e anniversaire de la Révolution
islamique a été célébré dans un contexte de
luttes intestines, de répression et de ruine
économique (1er février). Ce climat morose
a justifié la nouvelle guerre sainte lancée
contre Salman Rushdie et l’Occident (février). La mort de l’imam Khomeyni (3 juin)
a ouvert une nouvelle phase dans la vie polidownloadModeText.vue.download 237 sur 509
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tique. Ali Khamenei a accédé à la charge de
guide suprême (4 juin), tandis que Hachemi
Rafsandjani, élu président de la République
le 28 juillet, est devenu le nouvel homme
fort du régime en vertu de la réforme de la
Constitution (28 juillet). Afin de briser un isolement diplomatique incompatible avec sa
reconstruction économique, l’Iran a esquissé
des ouvertures en direction des pays occidentaux et du Golfe.
Yasser Arafat, nommé président de l’« État
palestinien » (29 mars), a lancé une vaste
offensive diplomatique pour établir des
pourparlers avec Israël, dont il a réaffirmé
le droit à l’existence lors de sa visite à Paris
(2 mai). Les appels à la négociation ont été
repoussés par le Likoud, parti majoritaire
israélien, qui a proposé un plan d’élections
dans les territoires occupés (6 avril), où les
Palestiniens poursuivent leur mouvement
d’intifada.
Cependant, un dialogue indirect s’est instauré. Ces initiatives ont reçu l’appui de la
diplomatie internationale, qui a multiplié les
contacts officiels avec l’OLP, et de tous les
États arabes qui, pour la première fois, ont
reconnu l’existence d’Israël au sommet de
Casablanca.
Marie-Odile Schaller
Confronté à cette grogne conservatrice, Gorbatchev use une fois encore de
l’arme de la purge. Le plénum, ouvert le
20 septembre, élimine cinq personnes du
sommet de l’appareil, c’est-à-dire du Politburo : Tchebrikov, chassé tout à la fois
du Politburo et du Secrétariat, Chtcherbitsky, qui, la semaine suivante, est également évincé du poste de Premier secrétaire de la république d’Ukraine, Viktor
Nikonov, éliminé aussi du Secrétariat où
il partageait la responsabilité de l’agriculture avec Ligatchev ; et deux suppléants
au Politburo : Youri Soloviev, battu aux
élections de Leningrad, et le vice-Premier
ministre Talysine. Si l’on ajoute que Gorbatchev élimine en décembre les chefs du
Parti de Moscou et de Leningrad, on ne
peut que constater sa puissance au sein
du Parti. Il est désormais le plus ancien
au Politburo et au Secrétariat, où presque
tous ses collègues ont été nommés par lui
après le 11 mars 1985. À le constater, on
ne peut qu’être impressionné par l’écart
existant entre sa capacité à manipuler le
Parti et à recomposer indéfiniment ses
organes dirigeants, et son incapacité à
imposer sa volonté à la société.
Dans ce déséquilibre entre pouvoir
politique et pouvoir réel, Gorbatchev
tente désespérément de s’appuyer sur des
forces alternatives qui lui permettraient
de retrouver le contact d’une société
figée dans ses déceptions. Le spectaculaire rapprochement avec l’Église orthodoxe, effectué lors de la célébration de
son millénaire en 1988, s’étend à d’autres
religions, notamment au catholicisme.
La visite de Gorbatchev à Jean-Paul II,
le 1er décembre, éclaire cette politique
religieuse et ses difficultés. En se rendant au Vatican, il espère tout à la fois
obtenir la reconnaissance pontificale de
son image réformatrice et, avec l’aide
d’un pape conscient des périls d’une
trop rapide montée des aspirations populaires, calmer les nationalismes, là où
ils s’entremêlent au religieux catholique,
en Lituanie, et surtout en Ukraine. Les
manifestations de masse de Lvov ont
montré qu’en Ukraine aussi les tensions nationales pouvaient déboucher
sur l’explosion. Pourtant, pour ouverte
qu’ait été la rencontre du 1er décembre,
Gorbatchev n’a pu donner au pape les
apaisements nécessaires sur le problème
uniate. Il est freiné par la pression de
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l’Église orthodoxe de Russie dont le
soutien moral et social au pouvoir et
la place qu’elle occupe dans le nationalisme russe montant imposent qu’on la
ménage. Gorbatchev est aussi gêné par
un Parti qui reste résolument attaché
à son monopole idéologique, et qui ne
peut accepter la reconnaissance des religions comme système de valeurs alter-
natif. Cela explique que les concessions
aux Églises – plus de 3 000 lieux de culte
rouverts – ne soient que partielles (la
loi sur la liberté de conscience, décisive
pour les nouveaux rapports État-Église,
n’est toujours pas votée), et aussi que le
responsable des affaires religieuses au
Conseil des ministres – C. Khartchev –,
très libéral en la matière, ait été démis au
printemps.
La loi sur la liberté de conscience n’est
pas la seule victime des oscillations du
pouvoir entre réforme politique et prudence. Il en va de même de la loi sur la
presse, toujours annoncée et toujours
repoussée. Ces délais exaspèrent les intellectuels favorables à Gorbatchev, et lui
aliènent progressivement leur soutien.
Symbole de cette évolution de l’intelligentsia s’éloignant d’un Gorbatchev déjà
privé de la confiance populaire, la critique croissante de Sakharov qui, jusqu’à
l’heure de sa disparition le 15 décembre,
a multiplié les mises en garde. L’attitude
de l’intelligentsia peut être résumée par
un propos de Youri Afanassiev : « Gorbatchev doit choisir entre la perestroïka
et la nomenklatura. » Choix d’autant plus
malaisé que la base de légitimité du système ne cesse de se réduire. Deux points
d’ancrage ont subsisté jusqu’au début de
l’hiver 1989 : la référence à Lénine et le
succès international du communisme
que traduisait l’existence de l’alliance
dans l’Est de l’Europe.
De Varsovie à Bucarest
Lénine, pourtant, est de plus en plus
souvent mis en cause par une presse que
la glasnost a libérée de tous les tabous. La
publication du récit officiel de l’assassinat de la famille impériale a révélé à une
société horrifiée la cruauté jusqu’alors
dissimulée des débuts de la révolution.
La parution dans la revue Novy Mir de
l’Archipel du Goulag de Soljenitsyne a
précipité la prise de conscience du lien
existant entre le stalinisme et la politique
répressive de Lénine. Depuis lors, l’image
encore préservée de Lénine a cessé d’être
innocente de tous les maux du système et
la révision s’est engagée sur deux points
fondamentaux : la révolution d’octobre
n’aurait-elle pas brisé les chances démocratiques ouvertes par celle de février ?
Le stalinisme ne serait-il pas une pure et
simple continuation du système mis en
place par Lénine ? Faut-il alors s’étonner
qu’en novembre, les manifestants aient
commencé à s’attaquer aux statues ou
aux effigies du Père de la révolution ? Autour du mausolée qui a fermé ses portes
au même moment pour une opération
de contrôle, plane déjà le doute : et si,
comme ce fut le cas jadis pour Staline,
cette fermeture momentanée préludait
à une fermeture définitive ? La dernière
référence stable du régime soviétique s’effrite ainsi peu à peu.
Mais l’ébranlement s’est surtout accéléré depuis le 9 novembre avec la disparition du système léniniste dans la majeure
partie de l’Est européen. Certes, tout annonçait une telle évolution dès lors que la
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Hongrie, depuis la loi électorale de 1983,
s’orientait vers des élections libres et qu’en
Pologne, événement majeur de l’année,
au terme d’élections qui virent la défaite
du POUP, était formé le premier gouvernement de coalition à direction non
communiste depuis 45 ans. Depuis la
constitution du bloc des Satellites au lendemain de la guerre, le monde avait accepté l’idée de l’irréversibilité des régimes
communistes et considérait que toute
tentative pour en sortir provoquerait instantanément une intervention militaire
de l’URSS ou du Pacte de Varsovie. La
formation du gouvernement de Tadeusz
Mazowiecki est donc révolutionnaire à
plus d’un titre. Elle découle du constat
que le Parti communiste n’a pas d’emprise
sur la société, qui l’a clairement indiqué
au cours des élections. Au rejet du Parti,
s’ajoute le choix même de Mazowiecki, a
priori peu acceptable pour les communistes. Opposant de vieille date, il avait
été persécuté par le PC et avait contribué
à miner son autorité. Proche de Solidarité,
Mazowiecki est de surcroît un catholique
et un pro-occidental convaincu, c’est-àdire qu’il incarne un renversement total
de la politique imposée à la Pologne depuis 1945. Cela n’a pas empêché les dirigeants soviétiques de l’accueillir en URSS
le 23 novembre comme un véritable allié,
en dépit du rappel par Mazowiecki du
désaccord persistant entre les deux pays
sur la tragédie de Katyn et de la demande
qu’il a présentée à l’URSS de reconnaître
officiellement sa responsabilité.
Le communiqué commun du 27 novembre qui concluait la visite du Premier
ministre polonais en URSS posa clairement le droit de chaque pays à suivre sa
voie. Au tournant radical de la politique
polonaise accepté explicitement par
Moscou, correspond un tournant non
moins spectaculaire en Hongrie. Si de
longue date ce pays annonçait un processus de démocratisation, deux orientations se seront dessinées de manière
décisive cette année : la rupture avec le
système politique interne par la reconnaissance du multipartisme et la préparation d’élections présidentielles totalement libres. Le PC hongrois, débaptisé,
n’est plus qu’une composante minoritaire
du paysage politique. En même temps,
la Hongrie sort du camp socialiste ou de
ce qu’il en reste. Elle a entamé cette sortie en démantelant le rideau de fer qui la
séparait de l’Autriche, et en participant
de manière croissante à la mise en place
d’un groupe économique du Centre-Sud
de l’Europe avec l’Italie, l’Autriche, la
Yougoslavie et peut-être la Suisse. Enfin,
elle a annoncé son intention de demander le retrait des troupes soviétiques de
son territoire.
Une vague de fond
Ainsi, en quelques semaines, à Varsovie, Budapest et Bucarest, deux tabous
remontant à 1945 ont été brisés, et la
possibilité de sortir à la fois du système
léniniste et du système d’alliance est-européen constatée. Jusqu’au 9 novembre, le
bloc des États socialistes d’Europe semblait divisé en deux groupes étanches.
D’une part, les réformateurs, conduits par
l’URSS ; de l’autre, les conservateurs rassemblant la RDA, la Tchécoslovaquie, la
Bulgarie et la Roumanie. Les manifestations de Leipzig, puis de Berlin, qu’après
une première tentative de répression le
pouvoir de Honecker a laissées se dévedownloadModeText.vue.download 240 sur 509
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lopper, ont conduit le 9 novembre à la
destruction symbolique du mur de Ber-
lin, à l’instauration de la liberté de passage entre les deux parties de la ville et,
par-delà, entre les deux Allemagnes, et
surtout à l’effondrement en quelques
jours de toutes les structures du Parti et
de l’État est-allemand.
Aux évolutions progressives et contrôlées de la Pologne, a succédé une vague
de fond d’indignation populaire qui en
moins d’un mois a emporté le communisme en RDA et en Tchécoslovaquie, où
Husak a dû céder la place à une équipe
contestée dont la position repose sur
la volonté du Forum civique de ne rien
précipiter jusqu’aux élections. Les figures
marquantes de ce nouveau printemps
de Prague sont l’éternel opposant Vaclav
Havel, et Alexandre Dubcek. La Bulgarie,
elle-même, a été poussée dans la voie du
changement par la double pression des
événements allemands et tchèques et de
Gorbatchev. L’indéracinable chef du Parti, Todor Jivkov, a dû lui aussi s’effacer. En
Roumanie enfin, la dictature de Ceausescu, bastion du stalinisme intégral, a fini
par s’effondrer dans le sang.
Partout, après l’arrivée de nouvelles
équipes, deux décisions sont prises qui
annoncent que l’on est encore dans une
phase intermédiaire. Le rôle dirigeant du
Parti, clé de voûte du système vaincu, est
abandonné, et la promesse est faite de
prochaines élections libres qui doivent
permettre de renouveler les dirigeants.
Exception faite de la Bulgarie, où l’éviction de Jivkov a été menée par le Parti,
ce qui caractérise ces changements successifs est tout à la fois le rôle décisif des
masses et de l’opposition et le caractère
contrôlé de ce qui est partout une vraie
révolution. Cependant, conscientes de
leur pouvoir, les masses découvrent peu
à peu la corruption de ceux qu’elles ont
évincés, et une véritable « chasse aux
communistes » commence à se mettre
en place qui pourrait même menacer à
terme les équilibres réalisés. Ces révolutions mettent aussi en cause la présence
des troupes soviétiques installées en
RDA depuis 1945, et en Tchécoslovaquie
depuis 1968. Partout, la revendication de
leur départ est exprimée.
De ces changements découlent deux
conséquences auxquelles s’ajoute l’inconnu qui plane sur l’avenir allemand. Tout
d’abord l’URSS. Moteur du changement
politique il y a encore peu de temps, elle
se trouve soudain en retrait par rapport
aux États qui ont abandonné le rôle dirigeant du Parti et s’engagent dans la voie
de la liberté électorale. En n’acceptant pas
encore de priver le Parti de son rôle dirigeant, en insistant sur le principe du Parti
unique, Gorbatchev renonce par là même
à la totale liberté du jeu électoral. Incarnation du changement politique, peutil s’accommoder d’être soudain rejeté à
l’arrière du processus ? De plus, la vague
destructrice du système qui a submergé
l’Est européen est bien près de revenir
vers l’URSS.
Deuxième conséquence : le système
d’alliance de ce monde qui fut communiste doit être repensé. Fondée sur des
traités bilatéraux entre pays appartenant
à un même système – le Pacte de Varsovie et le Comecon –, cette coalition a
perdu tous ses fondements. Les traités
sont remis en cause : le Pacte de Varsovie
peut-il subsister dans sa forme ancienne
dès lors que les pays de l’Est européen
revendiquent une indépendance totale,
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240
notamment militaire, et que les progrès
du désarmement conduisent à réviser le
poids et la fonction des ententes en général ? Enfin, le Comecon, structure de
coopération économique, a peu de sens
dès lors que c’est de l’Occident capitaliste
et d’abord de la CEE que chaque pays du
Comecon attend une aide et des projets
de coopération. Certes, la stabilité internationale impose – Gorbatchev et Bush
en ont convenu à Malte – que les alliances
ne soient pas supprimées d’un coup, et
que les modes de relation existant en
Europe soient pour un temps maintenus.
Mais les volontés populaires qui ont balayé l’ordre existant depuis 1945 dans l’Est
européen sont-elles soumises au discours
raisonnable des chefs d’État ? Elles ont en
tout cas clairement posé que l’ère ouverte
en 1917, et qui caractérisait le siècle, a
pris fin. Avec une décennie d’avance, c’est
le XXIe siècle qui commence à Varsovie, à
Budapest, à Berlin, à Prague et à Bucarest.
HÉLÈNE CARRÈRE D’ENCAUSSE
Docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à
l’Institut d’études politiques de Paris, historienne et
politologue, Hélène Carrère d’Encausse figure parmi
les meilleurs experts occidentaux de l’Union soviétique. Souvent consultée à chaud par la télévision
et par la presse, elle publie aussi régulièrement des
ouvrages de réflexion et d’information sur l’URSS,
entre autres, à la Librairie Flammarion : l’Empire
éclaté (1979) ; le Pouvoir confisqué (1980) ; le Grand
Procès (1983) ; le Grand Défi (1986) ; Ni paix ni
guerre (1986) ; le Malheur russe (1988).
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POLITIQUE
241
Chine :
le printemps différé
D’un côté, des élites urbaines qui ressentent un profond malaise social. De
l’autre, un pouvoir divisé. Au centre, la place Tiananmen où l’on goûte
à la
liberté. Et puis l’armée, les violences, les exécutions. À quand le
prochain
printemps ?
Quand s’est ouverte cette année 1989,
au cours de laquelle devait être célébré
le quarantième anniversaire de la République populaire de Chine, qui aurait pu
penser que, quelques mois plus tard, Pékin serait à feu et à sang et que le régime
communiste serait contraint de faire
intervenir l’armée contre la population
après avoir traversé l’une des crises les
plus graves de son histoire ? La Chine, en
dépit de ces remous cycliques dont elle
est coutumière, poursuivait son expérience originale de réforme économique
et d’ouverture vers le monde extérieur
amorcée dix ans auparavant par Deng
Xiaoping. Dans ces domaines, elle demeurait à l’avant-garde des pays communistes, même si certains de ces derniers
accéléraient le train des réformes.
Toutefois, au contraire de l’URSS et
de plusieurs autres pays d’Europe de l’Est,
la Chine demeurait rétive à toute libéralisation politique. Libéral en économie,
Deng Xiaoping ne l’avait jamais été en
politique ; il était prêt, avait-il dit, « à faire
couler le sang si nécessaire » pour maintenir « la stabilité et l’unité », c’est-à-dire
l’ordre et la pérennité du régime communiste. Mais il aura fallu qu’il réprime violemment les manifestations nationalistes
au Tibet, où la loi martiale fut proclamée
le 7 mars, et qu’il lance les chars sur la
place Tiananmen – devant les caméras
de télévision du monde entier – pour que
l’opinion internationale s’en rende vraiment compte.
Le poids des conservateurs
L’année 1988 s’était plutôt mal terminée pour les réformistes. Zhao Żiyang,
secrétaire général du PCC, leur porteparole depuis le limogeage de Hu Yaobang au début de 1987, avait perdu successivement l’oreille du « numéro un »
et toute responsabilité dans le domaine
économique. Jusque-là considéré comme
l’architecte des réformes et comme le
meilleur économiste du pays, il se voyait
supplanté par le tandem conservateur
composé du Premier ministre Li Peng
et de son adjoint Yao Yilin, soutenus par
la vieille garde des vétérans du parti qui
avaient toujours freiné les réformes.
Certes celles-ci demeuraient à l’ordre
du jour ; mais, sous couvert de les « approfondir » et de lutter contre la surchauffe,
indéniable, de l’économie, un plan d’austérité de deux ans avait été mis en place.
Le rythme de modernisation s’était ralenti ; en resserrant fortement le crédit et en
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renforçant les contrôles, le gouvernement
avait mis en danger des millions de petites entreprises. Des dizaines de millions
de nouveaux chômeurs à la recherche
d’un emploi s’étaient précipités dans les
grandes villes au début de l’année. En
même temps, l’équilibre politique, qui,
depuis le début de la décennie, penchait
en faveur des réformistes, avait basculé
du côté des conservateurs.
Un profond malaise social
En ce début de 1989, les succès considérables d’une décennie de changements
économiques profonds sont donc occultés par les dérapages d’une crise de croissance et l’échec de la politique de contrôle
des naissances : les Chinois sont un milliard et cent millions. Aux rivalités poli-
tiques se superpose un profond malaise
social. La population, les intellectuels et
les étudiants supportent de plus en plus
mal la reprise d’une forte inflation et son
corollaire, la hausse des prix. S’y ajoute la
corruption des cadres du régime, qui pratiquent ouvertement le népotisme.
Même les hauts dirigeants, pourtant
prolixes en discours enflammés contre
ces fléaux, sont soupçonnés de pratiquer
ou de tolérer la corruption. L’astrophysicien dissident Fang Lizhi parle ouvertement de comptes en banque à l’étranger
et l’on cite même des noms ; le propre
fils de Deng Xiaoping, Deng Pufang,
a été contraint en janvier de se justifier au cours d’une conférence de presse
après que la société qu’il a fondée eut été
suspendue.
Les manifestations à caractère raciste contre les étudiants africains de la
fin décembre 1988 et du début janvier
1989, commencées à Nankin avant de
s’étendre à d’autres campus, traduisent
l’extension du malaise aux universités, où
les conditions de vie et d’études sont de
plus en plus déplorables. Quelques jours
plus tard, la contestation apparaît chez
les intellectuels avec le manifeste rédigé
par Fang Lizhi : dans une lettre ouverte à
Deng Xiaoping, il réclame la liberté pour
tous les dissidents. Le 23 février, une centaine d’intellectuels apposent leur signature au bas d’une pétition demandant la
libération des prisonniers politiques, catégorie qui – officiellement – n’existe plus
en Chine depuis la révolution culturelle.
Le mois suivant, l’organisation indépendante « Amnistie 89 » est fondée à Pékin.
La réaction de Deng Xiaoping est très
ferme : il n’y a aucun détenu politique en
Chine et il ne saurait être question d’une
quelconque mesure de grâce envers les
dissidents.
Deux décès intempestifs
Confronté à cette fronde inattendue, le régime vient en même temps de
perdre son principal allié au Tibet avec
la mort, le 30 janvier, du panchen-lama,
second personnage religieux du « Toit du
monde », traditionnellement prochinois.
Poussé par ses partisans qui manifestent
dans les rues de Lhassa, le dalaï-lama, exilé, reprend alors l’initiative diplomatique.
La persistance du drame tibétain
trente ans après la fuite en Inde de son
chef spirituel ne joue pas en faveur du
gouvernement de Pékin, accusé – déjà
– de violations des droits de l’homme.
Mais le pouvoir est surtout préoccupé
par les luttes de sérail toujours plus vives,
de même que par la préparation de la
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POLITIQUE
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visite de Mikhaïl Gorbatchev. Le premier
voyage depuis trente ans d’un haut responsable soviétique doit marquer la normalisation des relations sino-soviétiques.
Deng Xiaoping considère même cette
visite, prévue à la mi-mai, comme le couronnement de sa carrière de successeur
de Mao Zedong.
C’est dans ce contexte que l’on apprend, le 15 avril, la mort de Hu Yaobang. L’ancien secrétaire général du PCC,
limogé deux ans auparavant au lendemain des premières manifestations étudiantes, est décédé d’une crise cardiaque.
Sa disparition sert de détonateur à la
crise. Pendant que les autorités préparent
ses funérailles, les étudiants descendent
sur la place Tiananmen pour célébrer
ce petit homme qui personnifie désormais à leurs yeux la modernisation de la
Chine. Malgré l’interdiction de manifester, gerbes et banderoles s’accumulent en
son honneur autour de la Stèle aux héros.
Pour la première fois, le pouvoir perd
le contrôle de la rue, où le mécontentement s’étend à une fraction de la population, qui n’hésite pas à bousculer une police désarmée et parfois sympathisante.
Préoccupés par ce désordre à quelques
jours de l’anniversaire du mouvement
nationaliste et étudiant du 4 mai 1919 et
alors que l’on met la dernière main aux
préparatifs de la visite « historique » de
Mikhaïl Gorbatchev, Deng Xiaoping et
les conservateurs mettent à profit l’absence de Zhao Ziyang, en visite en Corée du Nord, pour publier le 26 dans le
Quotidien du peuple un violent éditorial
dénonçant les désordres. Les étudiants le
considèrent comme une provocation.
Le détonateur
Lorsque Mikhaïl et Raïssa Gorbatchev arrivent à Pékin le 15 mai pour une visite
« historique », la capitale chinoise est en
plein chaos. Malgré les efforts des autorités,
la foule occupe la rue, forçant à des modifications de protocole de dernière minute,
et empêchant le rituel – revue des troupes
place Tiananmen, visite de la Cité interdite
– de se dérouler comme à l’ordinaire. En ne
pouvant accueillir son hôte comme il l’aurait
souhaité, avec le faste nécessaire à cette réconciliation, Deng Xiaoping perd la face et
montre sa faiblesse.
La visite, les conversations et les résultats
de ces trois jours sont occultés par les événements qui se poursuivent dans la rue et qui
traduisent l’embarras, au moins provisoire,
de Deng Xiaoping. Longuement préparé,
destiné à l’origine à tirer un trait sur un conflit
engagé par Mao et Krouchtchev, ce voyage
permet toutefois d’officialiser la normalisation entre les deux « Grands » du communisme. Mais il montre surtout le décalage qui
existe entre une Union soviétique qui est en
train de s’ouvrir et une Chine qui, après avoir
été à l’origine des réformes économiques
les plus profondes du monde communiste,
se trouve maintenant dans l’incapacité de
répondre aux aspirations de sa population
urbaine.
Il sert enfin de détonateur au dénouement
violent de la crise : au lendemain du départ
de Mikhaïl Gorbatchev, Deng Xiaoping décide de proclamer la loi martiale à Pékin et
de « retrouver la face ».
Le pouvoir reste silencieux
Tandis que les manifestations
s’étendent chaque jour dans les rues de la
capitale dont le coeur – Tiananmen – est
en permanence occupé par la foule, mais
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aussi dans certaines villes de province et
en premier lieu à Shanghaï, la division du
pouvoir apparaît au grand jour. Le 4 mai,
à Pékin, lors de la réunion annuelle de
la Banque asiatique de développement,
Zhao Ziyang prononce un discours
d’ouverture à l’égard des manifestants, en
complète contradiction avec l’éditorial du
Quotidien du 26 avril ; en même temps,
il conseille aux médias de faire preuve de
plus d’audace. La foule commémore donc
à sa manière l’anniversaire du 4 mai,
avec un succès plus grand que celui de la
manifestation officielle. Dans les déclarations spontanées et le slogan mille fois
répété de « Deng descend de ton trône ! »
apparaît clairement le mécontentement
de la population.
Asie
méridionale
Aux Philippines, après l’annonce de la
mort de l’ancien président Marcos le
28 septembre, l’état d’alerte a été décrété :
opposée au rapatriement du corps de l’ancien dictateur, Mme Corazon Aquino craignait les manifestations de ses partisans.
En Thaïlande, où l’économie est florissante,
les fruits de la croissance (11 % en 1988) sont
très inégalement répartis. Le royaume thaï
vient de renforcer ses liens avec les États voisins. Il a poussé la junte militaire au pouvoir
en Birmanie à libéraliser son régime, mais,
un an après la sanglante répression de Rangoon, le pays subit toujours la loi martiale.
Au sein du groupe des « quatre dragons »,
Taïwan a maintenant dépassé la Corée du
Sud : en 1988, le revenu par habitant y était
déjà supérieur de 2 000 dollars à celui de son
voisin.
En 1989, en raison des grèves, le taux de
croissance de la Corée du Sud a diminué :
pour la première fois depuis 1986, il devrait
être inférieur à 10 %. À Hongkong, le produit intérieur brut a augmenté de 33 % en
termes réels sur trois ans, mais la répression
politique qui sévit en Chine a provoqué les
premières fuites de cadres supérieurs, hors
de la colonie britannique.
Commencé le 29 juillet, le retrait des soldats indiens du Sri Lanka devrait s’achever
avant le 31 décembre ; mais ce départ n’empêche pas la guérilla opposant le gouvernement du président Premadasa aux « Tigres »
tamouls du nord de l’île de se poursuivre.
Le 26 septembre, les dernières unités régulières vietnamiennes ont quitté le territoire
khmer, mais cela n’a pas permis de régler
pour autant le problème cambodgien. Depuis, la guerre continue, et les 300 000 réfugiés khmers, qui croupissent dans des camps
proches de la frontière thaïlandaise, sont
menacés d’un rapatriement forcé.
Laurent Leblond
Ce gigantesque happening reste sans
véritable direction, même si quelques
meneurs étudiants font leur apparition,
comme le jeune ouïgour Wu’er Kaixi,
Chai Ling, la passionaria, et surtout
Wang Dan, et si quelques personnalités intellectuelles de renom y jouent un
rôle non négligeable. Il s’y mêle aussi des
badauds et des ouvriers, des journalistes,
des fonctionnaires et des cadres du parti,
des policiers et des ménagères, ainsi que
des étudiants arrivés par trains entiers
des quatre coins du pays.
Certains d’entre eux entament une
spectaculaire grève de la faim, mais le
pouvoir reste silencieux derrière les
murs de sa résidence de Zhongnanhai,
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POLITIQUE
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ce qui est finalement le phénomène le
plus surprenant. La foule se tient calme,
mais n’obéit pas aux objurgations des
autorités.
Le 18 mai, après le départ de Mikhaïl
Gorbatchev, auquel le gouvernement
chinois est affligé d’avoir donné un tel
spectacle, Li Peng rencontre les étudiants
grévistes de la faim et leur demande de
mettre un terme à leur mouvement ; la
télévision diffuse en direct les propos
très vifs qu’il échange avec eux à cette
occasion. En fait, le dialogue, qui avait
été, à l’origine, la principale revendication des jeunes, ne parvient pas à s’établir. Le même jour, par trois voix contre
deux abstentions et une contre, celle de
Zhao Ziyang, le comité permanent du
bureau politique du PCC, auquel s’est
joint Deng Xiaoping, décide d’imposer
la loi martiale. Après une dernière visite
poignante aux étudiants de Tiananmen
à l’aube du 19, Zhao disparaît de la scène
politique. Le soir même, à la télévision,
Li Peng proclame la loi martiale.
La semaine de la déesse
Une période étrange de deux se-
maines commence alors à Pékin. Le pouvoir tente de convaincre les gens de rendownloadModeText.vue.download 247 sur 509
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trer chez eux et envoie en même temps
la troupe – non armée – dégager la place
Tiananmen, occupée jour et nuit par les
étudiants et les grévistes de la faim. À
chaque fois, les soldats sont noyés par la
foule et doivent rentrer à la caserne. Les
médias continuent de relater les événements. Les réformistes tentent d’ultimes
manoeuvres tandis que, dans le silence,
Deng Xiaoping et la vieille garde s’organisent. Des troupes sûres arrivent de tout
le pays ; au début du mois de juin, elles
réunissent 300 000 hommes environ. La
tension monte ; chaque jour qui passe voit
se répandre les rumeurs les plus folles,
notamment sur la santé de Deng. Le pouvoir semble à la portée des manifestants
qui, à plusieurs reprises, dépassent le
million. Le 30 mai, sur la place Tiananmen, les étudiants érigent une statue de
la « déesse de la démocratie » à l’image de
la statue de la Liberté.
La journée du 4 juin
Dans la nuit du 2 au 3 juin, des milliers de soldats tentent une entrée en
force dans Pékin avant d’être rapidement repoussés. À cette occasion, certains manifestants se saisissent même
d’armes dans des véhicules militaires.
L’affrontement paraît alors imminent.
Pour réaffirmer leur autorité contestée et pour éviter que la désobéissance
civile ne continue de s’étendre, les dirigeants conservateurs décident de lancer
la troupe dans la capitale au petit matin
du 4 juin.
Bousculant sur leur passage les barricades érigées par la population, laissant derrière eux de nombreux morts et
de nombreux blessés, les soldats, épaulés
par les blindés, convergent vers la place
Tiananmen. Les images diffusées par les
télévisions étrangères montrent des cadavres à l’abandon, une colonne de chars
incendiés par les manifestants et aussi
un jeune homme se dressant seul, mains
nues, devant les chars qu’il arrête. Arri-
vés sur la place, que les étudiants sont
en train d’évacuer, les soldats les poursuivent avec la plus grande brutalité.
Combien y a-t-il de morts, de blessés, puis d’arrestations et d’exécutions ?
Des milliers sans doute, bien qu’il soit
impossible de dresser un bilan précis de
la répression. Bientôt, les premières exécutions sont annoncées à Shanghai.
Les contestataires se cachent ou tentent de passer à l’étranger : certains réussissent leur évasion, comme les intellectuels Yan Jiaqi et Chen Yizi ou l’étudiant
Wu’er Kaixi. Fang Lizhi se réfugie à l’ambassade américaine. Les médias, épurés,
changent de ton et diffusent à longueur
de journée des images d’arrestations, de
condamnations, des appels à la délation et des discours menaçants. L’image
d’une Chine ouverte et réformiste a
vécu et le régime se retrouve isolé par
une condamnation internationale quasi
unanime.
Japon
La maladie de la démocratie japonaise a
été étalée au grand jour. Après la mort de
l’empereur Hirohito (7 janvier) et l’accession
au trône de son fils Akihito, le pays a changé
trois fois de Premier ministre en moins de
trois mois. Comme toujours, la personnalité
choisie appartenait au parti libéral-démodownloadModeText.vue.download 248 sur 509
POLITIQUE
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crate, formation au pouvoir depuis 1945
et émanation des zaibatsu, conglomérats
industriels qui contrôlent en fait l’archipel.
Le 25 avril, M. Noboru Takeshita, au pouvoir depuis novembre 1987, a présenté sa
démission. Comme de nombreux hauts
fonctionnaires, grands patrons, représentants de partis politiques, il était impliqué
dans le scandale financier Recruit-Cosmos
et sa popularité était au plus bas. Le 2 juin,
M. Sosuke Uno, ancien ministre des Affaires
étrangères de M. Takeshita, l’a remplacé à la
tête du gouvernement ; mais pas pour longtemps. Dès le 4 juin, le nouveau Premier ministre était mis en cause pour son infidélité
conjugale.
Le 23 juillet, le parti libéral-démocrate
a subi une cuisante défaite aux élections
sénatoriales : pour la première fois depuis
1955, il ne dispose plus de la majorité absolue à la Chambre haute, où les socialistes ont
gagné 15 sièges. Devenu Premier ministre
le 9 août, M. Toshiki Kaifu devrait au moins
le rester jusqu’aux élections du printemps
1990.
L’activité économique a encore été remarquable. Si l’inflation (2,9 %) a progressé, la
croissance a atteint 5,1 % et le chômage
(2,2 % des actifs en juillet) a diminué. En
juillet, les excédents de la balance des paiements et du commerce extérieur ont atteint
respectivement 5,3 et 7 milliards de dollars,
ce qui représente une baisse de 18 et 19,8 %
en un an. Mais la fermeture du pays aux produits étrangers et l’offensive économique
japonaise aux États-Unis, dans la CEE et dans
le Pacifique suscitent de plus en plus l’hostilité des gouvernements et des populations
concernés.
Laurent Leblond
« Rien n’a changé »
Le 9 juin, Deng Xiaoping, que la
rumeur avait dit mort, fait sa réapparition en prononçant un violent réquisitoire contre les manifestants, qualifiés
de « contre-révolutionnaires ». Mais, en
même temps, le vieux dirigeant met en
garde contre toute remise en cause des
réformes économiques par les conservateurs qui voudraient profiter des événements pour revenir à une économie
centralisée, planifiée et refermée sur
elle-même.
Pacifique
En 1989, sur le pourtour du bassin du
Pacifique, seule la Chine a été le théâtre
d’événements spectaculaires, dont la conséquence devrait être un effacement diplomatique au moins relatif et momentané de
cette grande puissance. Ailleurs, on a surtout assisté à des évolutions qui confirment
les tendances déjà amorcées les années
précédentes.
Le Japon semble s’accommoder d’une vie
politique cahotante qui ne remet nullement
en cause son étonnant dynamisme. La diplomatie soviétique, pour sa part, entretient la
percée consécutive au discours de Vladivos-
tok de 1986, principalement, mais pas exclusivement, à l’égard du Japon. Le Viêt-nam
fera peut-être les frais de cette volonté gorbatchévienne qui consiste à alléger, dans la
zone du Pacifique comme ailleurs, le dispositif militaire de l’URSS. Ainsi, l’évacuation du
Cambodge par les troupes vietnamiennes a
certainement été approuvée, sinon imposée par Moscou. Le Cambodge lui-même
devrait, par voie de conséquence, s’enfoncer
un peu plus dans la guerre civile ; mais cet
enjeu, mineur aux yeux des grandes puissances, ne constituerait-t-il pas l’abcès de
fixation idéal ?
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Plus au sud, l’Australie assume de plus en
plus activement ses responsabilités régionales. Grâce au voyage effectué par M. Michel Rocard au cours de l’été, la France a
fait une rentrée diplomatique remarquée ;
son action est considérée comme positive
depuis que le référendum du 6 novembre
1988 en Nouvelle-Calédonie a laissé espérer
une évolution lente vers une solution non
violente, malgré des événements parfois
tragiques.
Les pays du Pacifique s’organisent entre
eux et les Européens peuvent s’inquiéter
pour leur présence dans la région s’ils sont
exclus de cette organisation de coopération
économique régionale, préconisée par le
Premier ministre australien, que l’on nomme
déjà l’OCDE du Pacifique.
Jean-Pierre Gomane
En effet, sont bientôt critiqués tour à
tour le secteur privé, l’autonomie économique des entreprises et des régions – à
l’encontre desquelles de strictes mesures
de contrôle sont prises –, et la coopération avec les pays occidentaux ; sont en
revanche encouragés la planification, les
communes populaires et le développement de relations plus étroites avec les
pays de l’Est. L’Ouest et Hongkong sont
accusés d’avoir soutenu la « contre-révolution » et de donner asile aux dissidents, qui, en septembre, s’organisent à
Paris en un « Front pour la démocratie
en Chine ». La France et les États-Unis
sont tout particulièrement visés et sont
accusés de s’ingérer dans une « affaire
intérieure chinoise ».
« La Chine ne s’inclinera jamais
devant les pressions extérieures », affirme Li Peng ; d’ailleurs, les dirigeants
assurent que rien n’a changé après cette
« simple opération de police », que
tout continue comme avant et que les
hommes d’affaires et les capitaux étrangers sont toujours les bienvenus. Toutefois, les régions rurales, restées calmes
pendant les troubles, commencent à être
touchées par la récession économique,
et se plaignent que leurs récoltes soient
payées en bons sans valeur.
À reculons
Réunie secrètement à Pékin le
24 juin, la direction du PCC, à laquelle se
sont joints les vétérans, qui, en dépit de
leur retraite officielle, continuent d’avoir
voix prépondérante, démet Zhao Ziyang
de toutes ses fonctions – chose inouïe en
Chine, il avait refusé de faire son autocritique ! – et nomme à sa place un personnage falot, Jiang Zemin, secrétaire du
parti pour Shanghai. Candidat de Deng
Xiaoping contre les ultras, il devient
ainsi le troisième successeur désigné du
« numéro un » en moins de trois ans. Les
conservateurs n’en renforcent pas moins
leur emprise sur l’appareil. Le 9 novembre, lors de la réunion du plénum
du Comité central, Deng démissionne
au profit de Jiang Zemin et abandonne sa
dernière position officielle, celle de président de la Commission militaire du parti,
qui lui avait permis de contrôler l’armée
pendant plus de dix ans. Le président
Yang Shangkun, qui briguait ce poste, se
contente de la première vice-présidence,
tandis que son frère, le général Yang Baibing, l’un des principaux responsables du
massacre de Pékin, en devient le secrétaire général. Alors que l’Europe de l’Est
et l’Union soviétique poursuivent leur
ouverture politique à un rythme accéléré, la Chine, qui avait pourtant donné
l’exemple pendant presque toute la dédownloadModeText.vue.download 250 sur 509
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cennie, semble marcher à reculons. Pour
avoir négligé la libéralisation politique
alors qu’elle avait entrepris les changements économiques les plus profonds et
les mieux réussis des pays socialistes, la
Chine se trouve dans une position de déséquilibre d’autant plus périlleuse qu’une
population jeune, ouverte et dynamique
s’est maintenant séparée de la vieille garde
toujours pétrie de stalinisme.
Un compromis
La nouvelle équipe au pouvoir à Pékin
représente un compromis entre les réformistes qui ont survécu au limogeage de
Zhao Ziyang, technocrates dont le régime
a besoin pour continuer de fonctionner et
pour montrer qu’il n’a pas changé, et les
tenants de la ligne dure favorables à un
communisme à l’ancienne manière. Entre les
deux groupes se dresse l’énigmatique figure
de Qiao Shi, responsable de la sécurité, qui
joue un jeu d’équilibre subtil.
Le nouveau secrétaire général du PCC,
Jiang Zemin, représente, comme le maire de
Tianjin, Li Ruihuan, la nouvelle génération
de technocrates plus modérés sur lesquels
s’appuie Deng Xiaoping pour poursuivre ses
réformes économiques et contrebalancer la
puissance des conservateurs. Wan Li, président de l’Assemblée nationale populaire, est
une autre figure « modérée » et réformiste.
Face à ces personnalités se dressent les
derniers camarades de combat de Deng,
qui lui reprochent son audace réformiste.
On a beaucoup parlé du Premier ministre Li
Peng, fils adoptif de Zhou Enlai ; mais celuici, très impopulaire, est un personnage sans
envergure manipulé par les anciens, dont il
semble être l’héritier présomptif, et en particulier par l’économiste octogénaire Chen
Yun ou par le vice-Premier ministre Yao Yilin.
Parmi les autres membres du « parti des
vieillards », on peut citer l’ancien président
Li Xiannian, son successeur Yang Shangkun
– devenu l’homme fort de l’armée, où il a
placé plusieurs membres de sa famille – et le
vice-président Wang Zhen, tous favorables à
l’emploi de la manière forte.
Enfin, l’armée est divisée entre ses vieux
chefs, qui l’ont lancée contre la population,
et une nouvelle génération d’officiers, sortis
des universités, attirés par la modernisation
économique. Mais, même si elle l’a fait parfois sous la contrainte – des officiers auraient
été fusillés pour avoir refusé de faire tirer sur
la foule –, la troupe n’en a pas moins obéi aux
ordres.
PATRICE DE BEER
Patrice De Beer est journaliste au Monde. Il vient de
publier : La Chine, le réveil du dragon (Centurion,
1989).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
250
Armes
et désarmement
L’année 1989 a été marquée par un
retour en force des questions de défense sur la scène internationale. Armes
chimiques, armements nucléaires et
forces conventionnelles se sont partagé
– plus que de coutume – la « une » des
journaux. Une page de la course aux armements avait été tournée en décembre
1987 lors de la signature des accords
de Washington : pour la première fois,
la suppression d’armes nucléaires était
envisagée (traité INF sur les missiles à
portée intermédiaire). Depuis, sous la
pression continue – et savamment médiatisée – de l’activisme soviétique, les
propositions de désarmement se sont
enchaînées à un rythme sans précédent, obligeant le nouveau président des
États-Unis à sortir de sa réserve.
Les armes chimiques
L’« année stratégique 1989 » s’est ouverte sur une initiative des États-Unis reprise par la France. En janvier, François
Mitterrand inaugurait la Conférence
sur l’interdiction des armes chimiques.
Réunissant 149 pays, elle se donnait
pour objectif de renforcer le protocole
de Genève de 1925, qui interdit l’emploi
d’agents chimiques, mais ne prohibe ni
leur production ni leur stockage.
Si, à l’aune des résultats, la Conférence ne peut constituer un événement
majeur, elle a pesé cependant d’un poids
symbolique. Tout d’abord, elle a associé
dans un même forum nombre de pays
du tiers-monde, lesquels sont plus habitués à voir les problèmes de sécurité et
de défense traités en leur absence par
les grandes puissances. Ensuite, le sujet
même de la Conférence constituait une
innovation de taille. Il y a peu, la loi du
silence semblait prévaloir en matière
d’armes chimiques. Silence qui a surtout
favorisé la prolifération de la « bombe du
pauvre ». Il aura fallu attendre 1988 pour
que les grandes puissances manifestent
un quelconque désir de se priver d’un tel
arsenal. Après s’être longtemps opposés
à des inspections in situ à préavis très
court, les Soviétiques avaient convié
en octobre 1988 des experts de 45 pays
à assister à la destruction d’un projectile chimique sur le site de Chikhany, à
700 km au sud-est de Moscou. En novembre de la même année, des spécialistes soviétiques étaient invités à visiter
des installations de destruction d’armes
chimiques à Tooele, dans l’Utah. Ce n’est
qu’un mois après la Conférence de Paris
que les Soviétiques reconnaissaient officiellement détenir des stocks d’armes
chimiques. Cet intérêt soudain pour ces
dernières s’inscrit de toute évidence dans
le cadre du « réchauffement » des relations Est-Ouest. Il ne saurait cependant
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POINT DE L’ACTUALITÉ
251
s’y réduire totalement, tant est grande
l’inquiétude de voir les pays du tiersmonde utiliser ce type d’armes dans les
régions traditionnellement, instables.
Aujourd’hui, tout indique que Washington et Moscou sont prêts à jouer a priori
la carte de la transparence pour pouvoir
continuer à influer sur leurs alliés respectifs du tiers-monde. De fait, au cours
de la Conférence de Paris, ces derniers
sont apparus particulièrement unis –
parfois alliés contre nature – dans la
défense d’une arme qu’ils jugent propre
à contenir les pressions du Nord.
L’activisme soviétique
La part faite aux armes chimiques n’a
pas éclipsé pour autant les deux grands
objectifs du désarmement : le nucléaire
et le conventionnel. Face aux initiatives désormais habituelles de Mikhaïl
Gorbatchev, l’opinion internationale a
pu croire que toutes les innovations en
matière de désarmement susceptibles
de peser dans le jeu diplomatique des
relations Est-Ouest venaient de Moscou.
Les premiers mois de la présidence de
George Bush ont en effet été marqués
par une politique étrangère bien terne.
Ce qui, outre-Atlantique, ne laissait pas
d’inquiéter une opinion publique plus
habituée aux avances spectaculaires de
Ronald Reagan qu’au surplace de son
nouveau président. Les surnoms de
« pauvre George » ou de « concombre
mou » hérités de cette période se passent
de commentaires. La simple annonce
d’un prochain discours du numéro un
soviétique plongeait l’entourage du président américain dans la crainte de se
trouver confronté à une nouvelle initiative en matière de désarmement, de politique étrangère, voire à la question des
droits de l’homme... et dans l’incapacité
d’y répondre.
Bush reprend la balle au bond
Le lundi 29 mai, jour du quarantième anniversaire de l’OTAN, George
Bush faisait taire les sceptiques. La
prise de position américaine, que le
président a présentée comme la « plus
audacieuse proposition occidentale de
l’après-guerre en matière de contrôle des
armements conventionnels » a fait l’effet
d’un pavé dans la mare. L’offre de la Maison-Blanche tient en quatre points que
« l’OTAN devrait négocier avec le pacte
de Varsovie » dans le cadre des échanges
sur la réduction des forces conventionnelles à Vienne (négociations CAFE) :
1. les plafonds pour les forces terrestres seraient fixés à 20 000 chars de
chaque côté, 28 000 véhicules blindés de transports de troupes et entre
16 500 et 24 000 pièces d’artillerie
(« l’équipement enlevé sera détruit ») ;
2. l’OTAN accepterait d’étendre le
contrôle des armements conventionnels aux avions de combat non
embarqués et aux hélicoptères basés
dans la zone de l’Atlantique à l’Oural ; c’est-à-dire que 15 % de ces matériels seraient destinés à la casse ;
3. les États-Unis s’engageraient à réduire
de 20 % leurs forces en Europe « permettant ainsi l’établissement d’un plafond
pour les effectifs terrestres et aériens américains et soviétiques, stationnés hors de
leur territoire national, de 275 000 chacun », ce qui équivaut à amputer de
325 000 hommes les effectifs soviétiques
cantonnés en Europe de l’Est et signifie le retour de 30 000 GI’s à la maison ;
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4. enfin, George Bush proposait que
l’OTAN et le pacte de Varsovie accélèrent leur calendrier en vue d’un accord sur les armements conventionnels
(CAFE). L’URSS avait jusqu’alors proposé 1997 comme date butoir, le président
américain souhaitait un accord dans les
six mois à un an pour que les réductions
soient réalisées en 1992 ou 1993.
Lors de la troisième session des
pourparlers sur la réduction des forces
conventionnelles (Vienne, 7 septembre),
l’Union soviétique faisait savoir qu’elle
acceptait les délais très serrés formulés
par l’OTAN. Cependant, les questions
de définition des matériels posaient de
réels problèmes. Le pacte de Varsovie
et l’Alliance réussissaient à s’accorder
sur les chars de combat et les véhicules
blindés de transport de troupes. En
revanche, les deux parties défendaient
une approche toute personnelle quant
à la définition des moyens aériens. Les
troupes stationnées hors de leurs territoires nationaux posaient également
quelques problèmes : alors que George
Bush n’avait envisagé que la présence des
troupes américaines sur le sol de la RFA,
le représentant de l’URSS insistait sur la
nécessité d’y inclure les forces françaises,
belges, britanniques ou canadiennes
déployées en Allemagne de l’Ouest. La
logique de l’argument était telle que
plusieurs diplomates occidentaux prévoyaient que l’OTAN serait amenée à
céder sur ce terrain.
Guerre des étoiles et armements
stratégiques
En signant le traité de Washington
de décembre 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, l’URSS
avait écarté un des nombreux obstacles à
un accord sur les missiles à longue portée. Les négociations START (Strategic
Arms Reduction Talks) portant sur une
réduction de 50 % des armes offensives
stratégiques se trouvaient cependant
dans l’impasse dans la mesure où les Soviétiques subordonnaient toute avance
en ce domaine au retrait de l’initiative
de défense stratégique (IDS). Symbole
reaganien par excellence, cette « guerre
des étoiles » ne semblait pas devoir être
abandonnée par les Américains. En
septembre, Moscou levait l’obstacle. Et,
pour se dégager de toute responsabilité
en cas de blocage américain, la diplomatie soviétique acceptait de reconsidérer
positivement plusieurs autres exigences
formulées jusqu’alors par la MaisonBlanche : notamment le démantèlement
du radar de Krasnoïarsk considéré par
Washington comme contrevenant à
l’accord sur les défenses antimissiles
(traité ABM de 1972), la notification
préalable de manoeuvres impliquant les
bombardiers stratégiques et des mesures
de vérification concernant les missiles
stratégiques mobiles. Indiscutablement
spectaculaires, ces propositions soviétiques s’expliquent par la nécessité de
débloquer les START pour compenser
les concessions liées aux accords CAFE.
En effet, les mesures de vérification
in situ prévues par les négociations
CAFE ne sont applicables qu’à la seule
partie européenne de l’URSS, mais non
au territoire américain. En revanche, un
accord START, et son cortège de vérifications induit, permettrait de rééquilibrer la situation. De plus, les Soviétiques
savent pertinemment que l’IDS, dont le
budget a été amputé par l’administradownloadModeText.vue.download 254 sur 509
POINT DE L’ACTUALITÉ
253
tion Bush, ne constitue plus une réelle
menace. M. Gorbatchev a donc relancé
la balle dans le camp américain. L’accélération sans précédent du processus de
désarmement devrait déboucher sur une
rencontre à Washington en 1990 entre
les deux chefs d’État.
PHILIPPE FAVERJON
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254
Le Liban entre
Aoun et Hraoui
D’un côté, le général chrétien Aoun, qui anime la résistance contre l’occupant syrien ; de l’autre, le président chrétien Hraoui, protégé par
Damas ; au
centre, un pays déchiré, des populations martyrisées et des otages
exécutés.
Au Liban, un homme aura dominé
l’année 1989 : le général Michel
Aoun. Par son courage et sa ferveur, par
son intransigeance et son jusqu’au-boutisme aussi, qualités et défauts poussés à
l’excès, le chef du cabinet militaire chrétien – l’un des deux gouvernements du
pays depuis septembre 1988 – a été le
personnage principal d’un nouvel acte de
la tragédie libanaise, aux multiples épisodes : révolte contre l’occupant syrien,
intervention humanitaire de la France,
pendaison d’un otage américain, médiation de la Ligue arabe, réunion des députés en Arabie Saoudite, élection enfin de
l’un des leurs, le chrétien René Moawad,
comme nouveau président de la République libanaise.
Le général Aoun lance un défi à Damas le 14 mars. Ce jour-là, il prononce
un véritable réquisitoire contre « l’hégémonie et l’occupation syriennes ». Il appelle ses compatriotes à une « guerre de
libération », exhortant les musulmans à
déclencher une « révolte des pierres » de
style palestinien pour se débarrasser des
35 000 soldats de Damas. On n’avait pas
entendu pareille virulence antisyrienne
depuis la mort, sept ans plus tôt, de Béchir Gemayel. Son audace de ton est un
véritable affront au président Assad. La
Syrie, qu’on ne défie pas impunément au
Liban, réagit sans tarder. Elle dénonce le
« pouvoir illégal » du général chrétien et,
surtout, fait immédiatement donner ses
canons.
Le coup de force du général Aoun met
fin à six mois d’accalmie relative pendant
lesquels de féroces et sporadiques combats éclataient encore, mais à l’intérieur
de chaque « camp » – comme à la mi-février – entre chiites ou entre maronites
et sans trop frapper la population civile.
Cette fois, le pays du Cèdre retourne
à ses vieux démons. De violents duels
d’artillerie embrasent Beyrouth, de part
et d’autre de la « ligne verte » qui la divise. Ils marquent le début d’une nouvelle
guerre qui fera en cinq mois et demi plus
de 600 morts dans une capitale peu à peu
vidée de ses habitants. Le Liban retrouve
– et garde tout l’été – son visage des plus
mauvais jours.
Un affrontement inévitable
Un visage qui, vu de l’étranger, est
d’abord celui de Michel Aoun. Aussi carré de tempérament que de silhouette, le
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POLITIQUE
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général est, à 54 ans, le prototype du baroudeur prédestiné à la carrière militaire.
Issu d’une modeste famille maronite de
la banlieue sud de Beyrouth, il manifeste très vite son goût pour le métier des
armes et son nationalisme ardent. Gravissant tous les échelons avec méthode et
sérieux, perfectionnant sa formation par
des stages en France et aux États-Unis,
diplômé de l’École supérieure de guerre
de Paris, il s’illustre, en 1983, contre
une coalition syro-palestino-druze, à la
première bataille de Souk-el-Gharb. Le
21 juin 1984, il prend la tête de l’armée
libanaise, avec l’accord des musulmans.
Pendant quatre ans, Michel Aoun
maintient la fidélité de l’armée aux pouvoirs constitués. À l’approche de l’élection
présidentielle manquée de septembre
1988, il « entre en politique » et, par une
sorte de putsch légaliste, impose au président Aminé Gemayel sur le départ de
le nommer « Premier ministre » chrétien face à son homologue musulman
Sélim Hoss. Rétif au partage de l’autorité,
il donne l’assaut, le 15 février 1989, à la
puissante milice chrétienne des Forces
libanaises, que commande Samir Geagea.
Il la brise, sans la liquider, et lui arrache
certains privilèges. Il croit alors pouvoir
transposer sa victoire hors du réduit
chrétien et cherche à fermer les ports illégaux de la zone musulmane. C’en est trop
pour Damas et ses alliés. L’affrontement
devient inévitable.
Le feu syrien
Face à la toute-puissance syrienne,
Michel Aoun jouit de plusieurs atouts.
Sa bonhomie et sa gouaille le rendent
sympathique. Sa sincérité désarme, son
patriotisme touche et convainc, son honnêteté est inhabituelle. C’est enfin un dirigeant qui dit tout haut ce que la majorité
des Libanais pensent, y compris du côté
musulman ! Les vérités toutes simples
qu’il martèle à longueur de discours sur
la nécessité de sauver l’indépendance
et l’unité du Liban face à l’hégémonie
syrienne expriment le bien-fondé de sa
cause et entraînent l’adhésion silencieuse
de beaucoup. Les Forces libanaises, oubliant que Michel Aoun les a humiliées,
le soutiennent puisqu’il mène la politique
qu’elles prônent de longue date. L’establishment chrétien, Mgr Nasrallah Sfeir
– patriarche maronite – en tête, le suit,
fût-ce parfois à contrecoeur.
Pendant de longues semaines, les
chrétiens libanais essuieront le feu syrien.
Chaque jour, chaque nuit, le million de
civils vivant en « pays chrétien » – un
réduit de 800 km 2 – subit l’infernal pilonnage de l’artillerie de Damas, épaulée par
des miliciens musulmans, notamment les
combattants druzes qui obéissent à Walid
Joumblatt. Dans Beyrouth, où il n’y a plus
que deux heures d’électricité par jour,
seule l’efficace protection des abris souterrains épargne aux habitants un bilan
plus désastreux.
La volonté syrienne de mettre à genoux les chrétiens de Beyrouth ne fait
pas de doute ; mais, en quatorze ans de
guerre, le Liban a connu tant de drames
et suscité, hors de ses frontières, tant de
commentaires, scandalisés ou apitoyés, et
pas toujours sincères, qu’il semble avoir
épuisé le capital de sympathie auquel son
sort tragique lui donnait droit. Traditionnelle protectrice des chrétiens d’Orient,
la France sera la première à s’indigner
du sanglant face-à-face entre l’artillerie
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syrienne et l’armée du général Aoun.
Afrique
Ouvert le 24 juillet, le 25e sommet de
l’OUA, depuis lors présidée par Hosni
Moubarak, a élu Salim Ahmed Salim secrétaire général, grâce à un compromis sur-
montant les divisions entre anglophones et
francophones. L’OUA a rappelé que l’Afrique
réclamait toujours, mais en vain, une conférence sur sa dette, estimée à 237 milliards
de dollars. L’annulation, par la France, de
celle de 35 pays pauvres (soit 16 milliards de
F), annoncée lors du 3e sommet de la francophonie (Dakar, 24-26 mai), a été bien accueillie, mais les pays africains dits « à revenu
intermédiaire » attendent un nouvel effort.
Les politiques d’ajustement structurel
ont été mises en cause. Pour la Banque
mondiale, l’effort est probant : entre 1985
et 1987, les pays « ajustés » ont augmenté
leur production agricole de 2,6 % l’an, leurs
exportations de 4,6 % l’an, et, globalement,
l’Afrique subsaharienne se porte mieux, avec
3 % de croissance en 1988 (Afrique du Sud
exceptée). Pour les dirigeants africains, la
pilule est plus amère : les investissements
ont régressé, le service de la dette a été
alourdi et la consommation des ménages
a chuté. Les coûts sociaux de l’ajustement
deviennent insupportables et des réformes
économiques à visage humain sont préconisées. Le déblocage des négociations pour le
renouvellement de la Convention de Lomé
est survenu le 27 juillet. Mais les perspectives communautaires africaines demeurent
incertaines, et le 12e sommet de la CEDEAO
(Ouagadougou, 29-30 juin) n’a pu que
constater l’enlisement.
En Afrique australe, le climat est plutôt à
l’ouverture. L’arrivée au pouvoir de Frederik
De Klerk à Pretoria, après la démission de Pieter Botha, le 15 août, est plus qu’un changement d’homme. Le dialogue engagé avec la
communauté noire, la suppression partielle
de la ségrégation à Johannesbourg (26 septembre) et surtout la libération de sept dirigeants de l’ANC le 17 octobre, dont Walter
Sisulu, bras droit de Nelson Mandela, constituent une brèche dans l’apartheid. Entre le 7
et le 11 novembre, la Namibie a élu son Assemblée constituante, qui doit lui permettre
d’accéder à l’indépendance.
Les négociations sur l’Angola s’intensifient
grâce à de nombreuses médiations africaines, après l’accord de cessez-le-feu signé
le 22 juin à Gbadolite (Zaïre). Des pourparlers de paix ont été engagés, le 7 août, au
Kenya, entre le gouvernement mozambicain
et la Renamo. La conciliation l’emporte aussi
entre le Tchad et la Libye. Hissène Habré et le
colonel Kadhafi sont parvenus à un accord,
le 31 août, visant à régler pacifiquement la
question de la bande d’Aouzou.
En contrepoint tragique, les pillages et
les tueries réciproques entre Sénégalais et
Mauritaniens, fin avril-début mai, à Dakar
comme à Nouakchott, ont abouti à la rupture des relations diplomatiques, le 21 août,
entre les deux pays, dans un contexte de
haine et d’exode de populations de part et
d’autre de la vallée du fleuve Sénégal, dont
l’aménagement avive les tensions. De violentes émeutes ont ensanglanté Mogadiscio, le 14 juillet, et la guerre civile, déjà étendue au nord de la Somalie, a gagné le sud
du pays. Alors que les dirigeants éthiopiens
lancent des appels à la mobilisation contre
la rébellion du Tigré, les négociations avec
les maquisards d’Érythrée échouent, et le séparatisme gagne le Sud-Est. L’Éthiopie s’enfonce dans la guerre, et le Soudan, gouverné
depuis le 30 juin par une junte islamique, est
toujours en proie aux divisions.
Les polémiques sur les réseaux terroristes
en Afrique ont été relancées après l’explosion en plein vol d’un DC 10 d’UTA au-dessus du Niger (19 septembre). Des chiffres
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POLITIQUE
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catastrophiques de progression du SIDA ont
été évoqués (Marseille, 20 octobre), mais les
écologistes retrouvent l’espoir après l’embargo sur l’ivoire des éléphants, décrété le
2 août par la CEE.
Alain Dubresson
Le 31 mars, dans une « libre opinion »
publiée en première page du journal le
Monde, François Léotard, à l’époque président du Parti républicain, qualifie d’« indigne » l’attitude de la France et exhorte
le gouvernement à se montrer solidaire
des chrétiens de Beyrouth. « Qu’as-tu
fait de ton frère ? » lance-t-il en conclusion. L’article soulève des vagues dans la
classe politique. Le 4 avril, le président
Mitterrand en appelle à la « conscience
universelle » en faveur du Liban où « une
population tout entière risque d’être détruite dans la violence ». Le lendemain,
le gouvernement « propose aux autorités
libanaises une assistance humanitaire
pour les populations victimes des affrontements ». Bernard Kouchner, secrétaire
d’État à l’action humanitaire, est chargé
d’« organiser une mission technique exploratoire ». Le 11 avril, il arrive à Beyrouth, où tout le monde ne l’accueille pas
avec enthousiasme.
La France envoie « la Rance »
Les deux principaux alliés de Damas,
le Druze Joumblatt et le chiite Nabih
Berri ont d’ores et déjà rejeté l’aide de
Paris et mis en garde contre toute entrée
de navires français dans les ports libanais. La France s’efforce de calmer le jeu.
M. Kouchner évoque la possibilité de
renoncer à sa mission si « celle-ci devait
être mal interprétée ». Pour la France,
rappelle M. Mitterrand le 12 avril, « il n’y
a pas lieu de choisir entre les victimes des
affrontements » car « elle est l’amie des Libanais de toutes les confessions, de toutes
les communautés ». Des cérémonies de
prières oecuméniques ont lieu à Paris, où
la communauté libanaise se mobilise.
Sur place, la poursuite des combats et
les désaccords entre prosyriens retardent
l’action humanitaire, baptisée « opération
Acanthe ». Elle ne commence que dans la
nuit du 14 au 15 avril, et sous la menace
des canons syriens. Douze grands blessés chrétiens sont évacués à bord du navire-hôpital la Rance, et, après d’ultimes
tractations, une soixantaine de victimes
musulmanes. Mission accomplie, la
France déclare vouloir « poursuivre son
action diplomatique, d’explication et de
sensibilisation » pour mettre un terme
à l’« engrenage » de la destruction au
Liban. Le 18 avril, M. Mitterrand téléphone à plusieurs dirigeants étrangers,
dont MM. Bush, Moubarak, Chadli et
Mme Thatcher, ainsi qu’à M. Gorbatchev,
auquel il demande d’intervenir auprès de
la Syrie.
Peine perdue, car les combats redoublent. Le 27 avril, la Ligue arabe,
qui s’est saisie du dossier, proclame un
cessez-le-feu « définitif » au Liban. Elle
prévoit l’envoi sur le terrain de quelque
300 officiers arabes chargés de veiller à la
trêve, mais dépourvus des moyens de la
faire respecter. Pris au piège depuis six semaines, le réduit chrétien peut reprendre
son souffle. Car le général Aoun a accepté
le cessez-le-feu, qu’il salue comme « un
pas timide dans la bonne direction ». La
Syrie, elle, est satisfaite puisque le texte de
la Ligue arabe passe pudiquement sous
silence la présence de ses soldats au pays
du Cèdre.
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Le 16 mai, l’explosion d’une voiture
piégée à Beyrouth-Ouest fait 7 morts,
dont le cheikh Hassan Khaled, mufti
sunnite du Liban, et 75 blessés. Pour la
première fois depuis 1975, le chef d’une
communauté religieuse est assassiné. Les
funérailles de cette personnalité respectée de tous donne lieu à une rare manifestation d’unanimité nationale. La Syrie
met aussitôt en cause le général Aoun.
Et le secteur chrétien, qui s’est associé
au deuil, réplique en rappelant les nombreuses prises de position du mufti peu
complaisantes pour Damas.
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Tout le monde s’intéresse au Liban...
Deux événements dominent l’été
libanais : une nouvelle crise des otages
et la résistance du général Aoun à une
offensive militaire des forces druzes et
syriennes. Dans la nuit du 27 au 28 juillet, un commando israélien héliporté
enlève un dignitaire religieux du Hezbollah pro-iranien, cheikh Abdel Karim
Obeid, et deux de ses adjoints, à Jibchit,
un village du sud du Liban. Le nom
du cheikh est lié à des affaires de rapt,
notamment celui du lieutenant-colonel
William Richard Higgins, un officier
américain de l’ONUST (Organisation
des Nations unies pour la surveillance
de la trêve), kidnappé le 17 février
1988. Sans doute l’État juif escompte-til utiliser le responsable chiite comme
monnaie d’échange avec le Hezbollah
dans un processus permettant la libération de tous les otages au Liban. Ce pari
dangereux ne tient pas compte du fanatisme des extrémistes chiites et de leur
mépris de la vie humaine.
La riposte des intégristes islamiques
est aussi soudaine que sinistre. Le 31 juillet, le groupe nommé « les Opprimés de
la Terre » annonce l’« exécution », par
pendaison, du colonel Higgins. Cet assassinat de sang-froid, qui est authentifié par une vidéocassette déposée dans
les bureaux d’un journal de Beyrouth, ne
met pas fin au chantage contre Washington et Jérusalem. « L’Organisation de la
justice révolutionnaire » (OJR) menace
à son tour d’« exécuter » l’otage américain Joseph James Ciccipio, qu’elle détient depuis le 12 septembre 1986, si le
dignitaire chiite n’est pas libéré dans les
quelques heures.
Entraîné malgré lui dans cette dramatique affaire, le président Bush affronte sa
première crise grave depuis son arrivée au
pouvoir. Il est placé devant un dilemme :
d’un côté, il souhaite agir avec prudence
pour ne pas compromettre davantage
le sort des autres otages du Liban, dont
huit Américains ; de l’autre, il sait que, si
de nouveaux ressortissants américains
devaient subir le même sort que le colonel Higgins, il pourrait être soumis à la
pression d’une opinion publique révoltée
par l’insoutenable spectacle de cadavres
se balançant au bout d’une corde.
C’est l’Iran qui permettra aux ÉtatsUnis de se sortir d’affaire. Après avoir
obtenu un sursis des ravisseurs, Téhéran offre, le 4 août, son aide à Washington. L’épreuve de force se transforme, au
soulagement de tous, en un grand marchandage diplomatique qui s’inscrit dans
la longue négociation irano-américaine
toujours en cours. Le pragmatique président iranien, M. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, qui a fait pression sur les preneurs d’otages, sort renforcé de la crise.
Cela n’empêche pas, sur le terrain, les
chiites pro-iraniens de lancer une opération de représailles : elle a lieu le 9 août
sous la forme d’un attentat au camionsuicide qui blesse gravement 5 soldats
israéliens.
Quelques jours plus tard, le feu se
rallume entre l’armée syrienne et celle du
général Aoun. Aux duels d’artillerie succède, le 13 août, la première offensive sur
le terrain. La milice druze de M. Walid
Joumblatt, aidée par les Palestiniens prosyriens et épaulée par les forces syriennes
tente, à moins de 10 kilomètres de Beyrouth, de s’emparer du village en ruine
de Souk-el-Gharb, verrou stratégique qui
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commande l’accès sud au coeur du « pays
chrétien ». Mais le général tient bon et le
verrou ne saute pas. Le 15 août, ce secteur
retrouve un calme relatif.
Amérique du
Nord
Canada
La courte victoire qu’avait remportée le
Parti conservateur de Brian Mulroney aux
élections de novembre 1988 a mis celui-ci
au pied du mur. Pour son second mandat,
le Premier ministre était attendu sur deux
fronts : l’accord de libre-échange économique avec les États-Unis et la réduction de
la dette publique. L’accord a bien été ratifié,
mais l’opinion canadienne, traditionnellement très protectionniste, est restée méfiante. Le second chantier porte sur l’énorme
dette publique (51 % du PIB). Dès le mois
d’avril, l’équipe de M. Mulroney a présenté
un projet de budget plutôt sévère : abandon d’une politique de défense ambitieuse,
« profil bas » quant à l’aide au tiers-monde et
augmentation sensible de la pression fiscale.
M. Mulroney doit aussi compter avec l’éternelle question québécoise. La « Belle Province », forte de ses succès économiques,
s’arc-boute sur son identité linguistique et
interdit à sa minorité anglophone tout usage
de l’anglais dans ses relations commerciales.
L’accord du Lac Meech, qui reconnaissait
au Québec le droit d’être une « société distincte », est remis en cause par certaines provinces. C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu,
le 25 septembre, les élections législatives au
Québec. Les libéraux de M. Bourassa ont de
nouveau gagné mais on a assisté à la renaissance du Parti québécois, qui, avec ses 40 %
de suffrages, n’hésite plus à reparler de la
« nécessaire indépendance ».
États-Unis
Au cours de sa première année de pouvoir,
George Bush a enterré avec discrétion le
fameux projet de « guerre des étoiles » et
adopté, face à Mikhaïl Gorbatchev, une atti-
tude dont le principe est celui du « donnantdonnant ». Au mois de décembre, l’entrevue
de Malte a permis aux dirigeants des deux
superpuissances de pouvoir enfin s’entretenir des bouleversements survenus en Europe centrale et ailleurs. Mais les problèmes
les plus cruciaux semblent être nationaux :
ce sont la violence, la drogue et la perte de
compétitivité.
La violence, c’est la drogue, dont les ÉtatsUnis sont les premiers consommateurs au
monde, et dont le problème est international. Les autorités américaines ont donc
donné leur plein appui au gouvernement
colombien dans sa lutte contre les « narcos »
du cartel de Medellin. En septembre, M. Bush
a présenté un plan de lutte doté de plus de
8 milliards de dollars et, le 20 décembre, il a
décidé de lancer l’opération « Juste Cause »
au Panama pour s’emparer du général Noriega, homme fort du pays, soupçonné d’être le
principal trafiquant de cette région du continent américain.
La montée en puissance de l’économie
japonaise inquiète chaque jour davantage
les Américains. Le rachat de la Columbia par
Sony, puis de l’immeuble Rockefeller à Manhattan par une société nippone a permis à
Newsweek d’écrire que les Japonais avaient
« acheté une partie de l’âme de l’Amérique ».
Face à ce supposé « déclin de l’empire américain », le président Bush semble s’orienter
vers un certain retour aux vieilles valeurs,
comme l’amour du drapeau, la loi et l’ordre. Il
a d’abord tenté de faire adopter un amendement constitutionnel interdisant la profanation du drapeau national. Le Congrès ne l’a
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POLITIQUE
261
pas suivi. Par ailleurs, en présentant son plan
de lutte contre le crime, le président avait
préconisé le renforcement des condamnations et, notamment, de la peine de mort.
Sur ce plan, il a été entendu, puisque la Cour
suprême a estimé que rien ne s’opposait à
l’exécution des mineurs de plus de 16 ans
ou des retardés mentaux. Mais la grande affaire est la remise en cause de l’avortement.
Pendant l’été, la Cour suprême a confirmé
la constitutionnalité d’une loi du Missouri
refusant l’accès des hôpitaux publics aux
femmes désirant avorter. L’opinion libérale
s’est mobilisé, mais le président Bush a maintenu une position ferme.
Jules Chancel
Le retrait américain
La poursuite des bombardements
mutuels, à Beyrouth même, conduit la
France à revenir sur scène. Le 13 août,
elle envoie cinq émissaires dans la plupart
des capitales concernées par le conflit.
Ses démarches ont pour objet d’obtenir
un cessez-le-feu et d’inciter le comité tripartite de la Ligue arabe à reprendre ses
efforts. Le 17 août, Paris appuie son action diplomatique par l’envoi au large du
Liban de la frégate Duquesne et surtout
du porte-avions Foch pour « apporter
l’assistance qui pourrait se révéler nécessaire » au cas où s’imposerait le rapatriement d’une partie des 7 000 Français du
Liban (dont 84 % ont la double nationalité). M. Rocard n’exclut pas d’« imposer le
silence localisé et temporaire des canons,
le temps des opérations humanitaires ».
Cette seconde intervention française,
qui mobilise au total huit bâtiments de
la flotte, est violemment critiquée sur
place, notamment côté musulman. L’OJR
en profite pour proférer de nouvelles
menaces contre les otages occidentaux.
M. Mitterrand, dénonçant ses contempteurs, réaffirme le 23 août que la flotte accomplit une « mission de sauvegarde » et
qu’« il n’appartient à aucun pays ni à aucun groupe de dicter à la France ce qu’elle
doit faire ». Mais, en même temps, pour
désamorcer les critiques, Paris décide
à la fois d’alléger son dispositif naval en
Méditerranée orientale et de relancer son
action diplomatique. Le secrétaire général du Quai d’Orsay, M. François Scheer,
se rend à Damas et à Beyrouth.
L’URSS, elle aussi, rentre en scène au
Liban. Déjà, lors de sa visite à Paris début
juillet, Mikhaïl Gorbatchev avait réaffirmé avec M. Mitterrand les principes
de souveraineté et d’indépendance du
Liban. Fin août, un vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Guennadi Tarassov, se rend à Beyrouth, où il
déclare qu’« il n’y a pas de solution militaire » au conflit libanais. Au moment où
l’URSS arrive, les États-Unis se replient.
Le 6 septembre, les diplomates américains
encore en poste à Beyrouth-Est évacuent
leur ambassade. Washington met ainsi à
exécution sa menace de se désintéresser
totalement du Liban en cas d’attaque trop
violente contre sa politique.
Entre les États-Unis, soucieux de
ménager Damas, pièce maîtresse à leurs
yeux de tout règlement israélo-arabe, et
le général Aoun, les relations n’ont jamais
été bonnes. En avril, le chef chrétien avait
qualifié l’Amérique de « Ponce Pilate des
temps modernes ». Des manifestants
avaient participé à un premier sit-in devant l’ambassade. Cette fois, le général accuse Washington d’avoir « vendu le Liban
à la Syrie » et ses partisans encerclent à
nouveau la chancellerie. Saisissant ce prédownloadModeText.vue.download 263 sur 509
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texte, les États-Unis décident de mettre la
clef sous la porte et d’abandonner à son
sort un pays qui ne leur a guère porté
chance.
Amérique latine
Entre la guerre de la drogue en Colombie
et la révolte des pauvres au Venezuela,
l’actualité politique, pourtant abondante,
se trouve reléguée au second plan, derrière
deux conflits qui semblent resurgir d’un
autre âge.
Depuis l’assassinat par la mafia de la
drogue du sénateur Galan, candidat à l’élection présidentielle, la Colombie connaît un
véritable état de guerre. Le président Virgilio Barco tente une difficile reconquête du
pouvoir légal face aux trafiquants du « cartel de Medellin », qui règne en maître, par la
corruption et la terreur, sur un empire de la
cocaïne tissé, via la Floride, entre les centres
de production du nord du pays et le marché
de consommation des États-Unis.
À la mobilisation de l’armée, au couvre-feu,
aux milliers d’arrestations, aux extraditions,
dont celle du présumé trésorier du cartel, les
narcos répliquent par des bombes et par des
meurtres qui visent tout particulièrement
la presse et la justice. À court terme, l’aide
des États-Unis et de la France, après la visite
de soutien du président Mitterrand, évitera
peut-être la défaite et l’octroi d’une amnistie.
Mais il restera à régler le problème de fond
d’un paysannat andin (cela concerne également la Bolivie et le Pérou) pour lequel la
culture de la coca constitue le seul espoir de
survie.
La question de la drogue est donc en fait
indissociable de la crise économique, entretenue par la spirale de la dette et de l’inflation (1 500 % au Brésil) : les émeutes de la
misère à Caracas ont témoigné de l’exaspération des tensions urbaines, consécutives
aux mesures d’austérité. Elles ont incité les
États-Unis, à travers le plan Brady, à soulager
l’Amérique latine d’une partie de son passif.
Le Mexique a été le premier à bénéficier ainsi d’une réduction de 35 % sur les
54 milliards de dollars de sa dette privée. Il
en résulte un allégement du service annuel
de cette dernière supérieur à 2 milliards, qui
vient conforter l’évolution favorable du pays
à la fois sur le plan économique (recul du
protectionnisme et de l’inflation) et politique
(mise au pas de la mafia syndicale du pétrole,
première reconnaissance d’une victoire de
l’opposition dans sa lutte pour obtenir un
poste de gouverneur).
Il ne s’agit pas d’une exception. À l’inverse
du marasme économique persistant, l’amélioration du climat politique tend à dominer
le continent : les élections libres remplacent
les coups d’État, la négociation l’emporte sur
la guerre.
Au Nicaragua, les accords de Tela entérinent la paix et promettent des élections
démocratiques pour 1990. En Argentine, le
vote en faveur du péroniste Carlos Menem
suscite bien des questions, mais les mesures
d’amnistie en faveur des militaires et le rétablissement de relations consulaires avec
la Grande-Bretagne témoignent au moins
d’une volonté d’action. Au Chili, malgré le
maintien assuré du général Pinochet comme
responsable militaire, les élections de décembre annoncent la fin du régime. Une
évolution que le Paraguay vient de parachever, après 35 années d’attente, avec la chute
de Stroessner et les premières élections
libres depuis 61 ans... Au Panama, enfin, les
États-Unis ont lancé en décembre une vaste
opération militaire pour arrêter le général
Noriega, permettant ainsi à M. Guillermo Endara, vainqueur de l’élection présidentielle
du 7 mai, d’entrer en fonctions.
Mais trois graves inconnues subsistent :
au Pérou, laminé entre la déliquescence du
pouvoir officiel et la violence de la guérilla
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POLITIQUE
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du « Sentier lumineux » ; au Brésil, où le successeur de Sarney devra faire face à l’échec
de tous les plans économiques et à la montée de la violence ; et au Salvador, où le Front
Farabundo Marti, lié aux sandinistes du Nicaragua et au régime cubain, a lancé, entre le
11 et le 22 novembre, une « Offensive nationale » meurtrière contre la capitale.
Et un point noir demeure : Cuba, où le
régime castriste fête le trentième anniversaire de la Révolution dans la grisaille économique et la sclérose politique, étranger à
toute perestroïka.
Alain Vanneph
L’accord de Taëf
Le monde arabe, lui, se réintéresse au
Liban. Le triumvirat Maroc-Algérie-Arabie Saoudite, qui avait fait, début août, un
premier tour de piste pour rien, reprend
ses activités le 13 septembre. Quatre jours
plus tard, il annonce un plan de règlement qui, sans contester la présence syrienne au Liban, prévoit la mise en place
d’un « comité de sécurité » pour veiller
au cessez-le-feu, la levée du blocus imposé au « pays chrétien » par Damas et
la réouverture de l’aéroport de Beyrouth.
Échéance plus ambitieuse : les députés
libanais sont invités à débattre, à partir
du 30 septembre, des réformes politiques
exigées par les dirigeants musulmans alliés de Damas. Le général Aoun, qui n’a
guère d’autre choix, accepte les propositions du triumvirat.
À la date convenue, 62 députés libanais commencent à négocier à Taëf, en
Arabie Saoudite. Leurs laborieuses tractations durent trois semaines. Le 22 octobre, l’accord de Taëf est scellé. Approuvé par les élus, le document d’« entente
nationale » modifie dans un sens plus
favorable aux musulmans – devenus
majoritaires dans le pays – l’équilibre des
pouvoirs entre les diverses communautés. Cependant, malgré l’insistance des
députés chrétiens, le texte parrainé par
les Arabes ne souffle mot d’un éventuel
retrait de l’armée syrienne. Il se contente
d’évoquer un « regroupement » des forces
de Damas dans certaines régions du pays
et cela deux ans seulement après la mise
en oeuvre des réformes politiques. La
réaction du général Aoun est immédiate.
S’il ne conteste pas la nécessité d’un remodelage institutionnel, il rejette les chapitres du pacte relatifs à la souveraineté
nationale – en clair, au stationnement des
troupes syriennes. Il accuse les députés
d’avoir « outrepassé leurs pouvoirs ».
Dès lors, une nouvelle épreuve de
force s’annonce. Mobilisant la population
contre l’accord de Taëf, le général Aoun
organise plusieurs manifestations de rue
en sa faveur à Beyrouth-Est. Politiquement, le chef chrétien est pourtant isolé
dans son propre camp. Pour tenter d’empêcher l’élection présidentielle, il dissout
le Parlement le 4 novembre.
Le lendemain, les députés, qui se sont
réunis dans le mess des officiers de la base
aérienne de Qlaiaat, dans le nord du pays
et à proximité de la frontière syrienne,
décident pourtant d’élire un nouveau
président en la personne de M. René
Moawad.
Une semaine après son élection,
M. René Moawad charge M. Sélim Hoss,
chef du « gouvernement musulman » depuis septembre 1988, de former un cabinet d’union nationale. Ce projet se heurte
toutefois à la volonté du général Aoun qui
réaffirme « préférer la mort à la soumission ». Le 22 novembre, alors qu’il venait
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de célébrer le 46e anniversaire de l’indépendance du pays, M. René Moawad est
victime d’un attentat commis à Beyrouth
dans le secteur contrôlé par l’armée syrienne. Comme tant d’autres dans le pays,
ce meurtre ne sera sans doute jamais
éclairci.
Soucieux d’éviter une trop longue
vacance du pouvoir, les députés élisent,
dès le 24, un nouveau président, M. Élias
Hraoui. Considéré comme un fonceur,
cet homme de 63 ans est un proche de
la Syrie. Il annonce sa volonté de mater
ce qu’il appelle la « rébellion » du général
Aoun et, le 28 novembre, annonce qu’il
lui a retiré le commandement de l’armée
et qu’il a nommé à sa place un officier de
53 ans, le général Émile Lahoud.
Des milliers de partisans du général
Aoun se massent alors autour du palais
présidentiel de Baabda. L’ampleur de ces
manifestations de soutien embarrasse
les dirigeants politiques. Le 6 décembre,
M. Hraoui décide d’attendre encore avant
d’engager l’épreuve de force fratricide.
JEAN-PIERRE LANGELLIER
Chef adjoint du service de politique étrangère
du Monde, Jean-Pierre Langellier est
chargé du Moyen-Orient.
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SOCIÉTÉ
Dans la société, comme en amour, la
seule victoire possible serait-elle
la fuite ? C’est ce que suggère la double
échappée, dans le temps et dans l’espace,
à laquelle on assiste aujourd’hui. La commémoration du Bicentenaire de la Révolution a mis la République sur un piédestal. Mai les valeurs de liberté, d’égalité,
de fraternité n’ont pas, pour les citoyens
français, le même poids.
La double fuite sociale
La fuite sociale dans le temps se fait
d’abord vers l’arrière. Elle se manifeste
par exemple par les modes « rétro », qui
ont successivement fait grimper les prix
des objets Art déco des années 20 dans
les ventes aux enchères, remis au goût
du jour les vêtements et accessoires des
années 50, fait redécouvrir les chansons
des années 60 et ressortir les images d’archives de la télévision.
Elle se manifeste aussi par les « retours » périodiquement mis en évidence
par les observateurs de la « société civile »
et solennellement annoncés par les médias : retour de la famille, du mariage,
de la fidélité, des valeurs traditionnelles,
des rentiers, des intellectuels, de l’esprit
d’entreprise, de l’esprit d’aventure, du
beau, du culturel, du romantique, du
spirituel, de l’écologie, de la philosophie,
etc. On peut d’ailleurs remarquer que les
attitudes et les comportements contemporains tendent à suivre des cycles de
plus en plus courts : la libération sexuelle
amena quelques années après un renforcement de la chasteté ; la « femme
libérée » des années 70 se demandait au
début des années 80 si elle n’était pas en
train de perdre sa féminité ; « la France
qui gagne » de 1985-86 devint en 1987 la
« France du déclin »... Entre libéralisme,
laxisme et conservatisme, le balancier
social oscille de plus en plus vite.
La fuite dans le temps passé a trouvé
plus récemment son institutionnalisation avec la mode des commémorations
officielles. Chaque année, chaque jour
même fournit son lot de souvenirs et
d’émotions ; les Français n’en finissent
pas de souffler les bougies des gâteaux
d’anniversaire de l’histoire, avec ou sans
majuscule. Ils ont au gré du calendrier
une pensée pour le général de Gaulle,
Georges Pompidou, les Capétiens, Jeanne
d’Arc, Victor Hugo, Jean Monnet, Danton
ou Robespierre... Les émissions-nostalgie
à la radio (c’est sur ce concept, précisément, qu’a été bâtie Radio-Nostalgie et
quelques autres radios de la bande FM)
ou à la télévision (Avis de recherche sur
TF1, Vive la télé sur la Cinq, Océaniques
sur FR3...), les succès de librairie des
historiens, amateurs ou professionnels,
témoignent de ce besoin des Français de
regarder en arrière pour y retrouver leurs
ancêtres et la chaleur des certitudes passées. L’aboutissement et le point d’orgue
de la « commémorite aiguë » qui frappe
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la France depuis quelque temps est bien
sûr cet « alibicentenaire » de la Révolution de 1789, qui a occupé l’essentiel de la
vie politique et culturelle de 1989.
Mais cette fuite sociale dans le temps
se fait aussi vers l’avant. Les Français ont
noté sur leur agenda deux grands rendezvous avec l’histoire : celui, européen, de
1993 ; celui, plus psychologique et mythique, de l’an 2000 et du IIIe millénaire.
Le « planning » de ces deux opérations
à grand spectacle est d’ailleurs parfait
puisque la première devrait cesser d’occuper le devant de l’actualité au moment
où le compte à rebours de la seconde
commencera. On imagine qu’elle sera
elle-même suivie d’une commémoration
du siècle et du millénaire passés...
La fuite dans l’espace
Non contents de fuir dans le temps,
les Français fuient aussi dans l’espace.
Comme si l’Hexagone était devenu subitement trop restreint, insuffisant en tout
cas pour assurer la protection et la prospérité de ses habitants. Ils sont ainsi de
plus en plus nombreux à voyager, et à rechercher l’exotisme, vers des destinations
au dépaysement garanti sur catalogue :
Égypte, Thaïlande, Antilles, Chine (avant
les événements de 1989) et bien sûr :
URSS, « must » de tous ceux qui veulent
se donner l’impression de voir l’histoire
en train de se faire.
Mais les vendeurs de vacances organisées savent bien que cette demande
d’exotisme est à prendre au second degré.
L’offre doit en effet être aseptisée ; les
individus ou groupes veulent être bien
encadrés et vivre dans des conditions de
grand confort (voir Les loisirs ou la vie
rêvée). On ne part pas en vacances au Kenya pour se trouver face aux éléphants et
aux fauves, mais pour les voir (ou plutôt
les filmer) depuis une voiture, en compagnie d’un guide officiel.
Dans le monde contemporain, l’évasion, en effet, n’est pas synonyme d’aventure. L’aventure, les Français la vivent le
plus souvent par procuration, à la télévision ou dans les magazines, en suivant
depuis leur fauteuil les exploits des « professionnels ». Ils avalent les kilomètres et
la poussière du désert africain au rythme
du Paris-Dakar. Ils se donnent chaque
semaine le grand frisson en compagnie
des héros de Ushuaïa. Ils admirent les
paysages visités pour eux par le commandant Cousteau. Ils envient, le temps d’un
reportage, ces peuplades reculées (dans
l’espace mais aussi dans le temps) qui
vivent comme des « bons sauvages » et ne
connaissent ni le chômage ni le stress...
Indépendamment de ces rêves exotiques vécus devant un « TV-dinner » et
une bonne bière, les Français ont ressenti
récemment le besoin de se projeter dans
un espace plus accessible. C’est pourquoi
ils ont sauté si facilement sur l’idée de
l’Europe communautaire, telle qu’elle leur
est proposée aujourd’hui. Coup de génie
de Jacques Delors, qui apporte ainsi à ses
compatriotes le « grand projet » qui leur
faisait tant défaut et jette peut-être, sans
qu’ils en soient conscients, les bases d’un
nouveau monde.
La difficulté de vivre
« ici et maintenant »
Cette fuite sociale dans le temps et
dans l’espace traduit la difficulté, ressentie par beaucoup de Français, de vivre
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SOCIÉTÉ
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« ici et maintenant ». Tout se passe dans
la société actuelle comme si hier, demain
et ailleurs étaient ou devaient être meilleurs qu’aujourd’hui, à l’endroit où l’on
est. Les sondages montrent que les Français s’estiment en majorité moins heureux qu’hier, mais qu’ils pensent l’être
davantage demain (pas dans un avenir
immédiat, car il faut laisser au temps le
temps de faire son oeuvre rédemptrice).
Le plus dur à vivre, c’est donc bien l’instant présent et, symbole d’une insatisfaction sociale chronique, celui qui le suit
immédiatement.
Lorsqu’elle concerne un individu, la
perte ou la modification de la perception
du temps est l’indication d’un trouble
profond. La perte ou la modification du
sens de l’espace constitue également un
symptôme de déséquilibre, au propre
comme au figuré. S’il existait une médecine sociale (au sens de médecine de la
société), elle conclurait sans aucun doute
à une maladie nationale. On peut alors
imaginer le traitement qui serait prescrit
à l’ensemble des Français : des euphorisants pour leur permettre de se sentir
mieux dans le présent ; des vitamines
destinées à accroître leur énergie collective ; une cure de confiance dans les
hommes et dans les institutions ; une piqûre de rappel du passé (le plus glorieux,
bien sûr). Ce traitement a d’ailleurs déjà
commencé, avec l’Europe-vitamine et
l’injection, en 1989, d’une forte dose de
rappel révolutionnaire.
La République à la mode
Les cérémonies et les débats du Bicentenaire ont confirmé si besoin était
que la République est une valeur sûre.
Elle se décline dans les magazines, se
déclame dans les discours, s’étale dans les
librairies. Certains célèbrent son esprit
(Mitterrand), d’autres se recommandent
de son idéal (Chevènement). Celle du
centre (Furet, Julliard, Rosanvallon) y côtoie celle de gauche (Régis Debray). On
est plus réservé à droite, où l’on dénonce
plutôt sa dérive bananière. Le moment est
opportun, en tout cas, pour faire le bilan
de santé de la République. Et observer ce
que sont devenues ses vertus, gravées sur
les édifices publics en une fière devise :
Liberté, Égalité, Fraternité.
Il faut d’abord remarquer qu’elles
n’ont jamais connu ensemble les faveurs
des Français. L’égalité fut la revendication (et la réussite) principale des années
de prospérité économique, entre 1945
et 1973. Puis la recherche de la liberté
domina les rapports sociaux, jusqu’à ces
dernières années. Après avoir conquis
la liberté sexuelle et obtenu, au moins
dans les textes, la libération de la femme,
les Français ont décrété la liberté du
couple face à la procréation (contraception, avortement) et à la vie commune
(divorce, concubinage). Ils sont ensuite
descendus dans la rue pour défendre
les radios libres en 1982, l’école libre en
1984, l’université libre en 1986. Ils se
sont même laissé séduire, le temps d’une
cohabitation, par le libéralisme, doctrine
économique et politique.
Mais les dernières années ont marqué
un net recul de l’égalité. Dans les esprits
comme dans les faits, la société s’est coupée en deux parties inégales, selon une
ligne de démarcation essentiellement
professionnelle (voir Le nouvel emploi).
Le monde du public (celui des fonctionnaires, de la garantie de l’emploi et de la
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sécurité) s’est éloigné du monde privé (celui de la compétition et du risque). Dans
le même temps, les écarts de salaires, et
surtout de patrimoines, ont recommencé
à s’accroître. La machine égalitaire s’est
enrayée ; elle s’est mise à fabriquer de
l’exclusion. L’Éducation nationale, principal outil de l’égalité des chances, cherche
encore les solutions de l’avenir (voir Les
enjeux de l’Éducation nationale).
De plus en plus, l’impression se fait
jour dans l’opinion que l’inégalité est un
avatar de la modernité et que la liberté
peut entraîner le laxisme. Elle est à l’origine de la vague conservatrice qui s’est
abattue sur la France après avoir recouvert les États-Unis. C’est donc aujourd’hui
le besoin de fraternité qui apparaît prioritaire. Il ne se mesure pas seulement à
l’aune des fonds recueillis par les Téléthon
d’Antenne 2, les Restos du coeur ou l’appel
de Charles Aznavour pour l’Arménie. Le
souci de bonne conscience, le poids des
images de télévision... et les déductions
fiscales sont sans doute largement responsables de ces élans de générosité. Les
signes les plus révélateurs de la recherche
d’un supplément d’âme se trouvent ailleurs. Par exemple dans les sondages de
popularité. Ce n’est pas par hasard que
le commandant Cousteau, l’abbé Pierre,
Haroun Tazieff et le professeur Schwarzenberg occupent les quatre premières
places du sondage Ifop-Journal du Dimanche (19 février 1989) sur les personnalités les plus appréciées du public.
Tous quatre ont
des humanistes.
le vulcanologue
cupent en effet
privilégiés des
en commun d’être
L’écologiste, le religieux,
et le cancérologue ocdes postes d’observation
souffrances actuelles de
l’espèce vivante (humaine et animale) et
des menaces qui pèsent sur son avenir.
Leur discours est pris très au sérieux
par les Français, qui, à défaut de pouvoir les élire comme représentants de
la « société civile » au sein du monde
politique (le séjour de Léon Schwarzenberg au gouvernement a été bref...),
votent pour eux dans les sondages. C’est
le même réflexe qui pousse les jeunes à
choisir Renaud, Jean-Jacques Goldman
ou Alain Souchon, chanteurs engagés ou
« concernés » par les grandes questions
du moment : l’apartheid pour le premier
(« Jonathan »), la « vie par procuration »
pour le second ; « l’ultramoderne soli-
tude » pour le troisième.
Après avoir permis depuis sa création,
en 1792, quelques avancées spectaculaires, la République est donc en panne.
Les progrès passés ne sauraient faire oublier les injustices actuelles. Après avoir
été longtemps « centripète », ce qui est
sa fonction première, la société française
est aujourd’hui « centrifuge » : elle tend à
éloigner de son centre tous ceux qui n’ont
pas les moyens (intellectuels, culturels,
matériels, relationnels) de s’y maintenir.
L’égalité est un mythe aujourd’hui balayé
par le culte de l’individu, être suprême de
cette fin de siècle. La liberté est un leurre
pour tous ceux qui ne peuvent en faire
usage.
Il reste l’espoir de la fraternité, vertu assurément nécessaire à l’aube du
IIIe millénaire et des menaces qui pèsent
déjà sur lui.
GÉRARD MERMET
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Le nouvel emploi
Les entreprises veulent maintenant embaucher mais se heurtent à une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée. Pris au piège, les chômeurs tendent à le
rester
et le marché du travail, déstructuré, vit dans la précarité des
nouvelles formes
d’emploi.
En France, depuis le milieu de l’année 1987, la situation du marché du
travail collectionne les paradoxes. Après
les gains, relativement modestes, enregistrés par l’emploi total – où se confondent
les emplois salariés et non salariés –, les
effectifs des entreprises ont commencé à
augmenter. De 200 000 salariés en 1988, et
peut-être de 250 000 selon l’UNEDIC ; de
250 000 en 1989, et peut-être de 400 000
selon l’UNEDIC, dont l’optimisme a été
jusqu’à présent toujours confirmé par les
faits.
Or, pendant la même période, le chômage n’a pratiquement pas diminué, avec
un nombre de demandeurs d’emploi qui
oscille continuellement aux alentours de
2,5 millions. La baisse a été de 30 000 en
1988. Elle devrait être de l’ordre de 40 000
en 1989. Une misère, en comparaison
du mouvement des créations d’emploi,
pourtant plus faible en France que dans
la plupart des pays industriels d’Occident à croissance comparable. Ainsi que
le répète depuis plusieurs mois M. JeanPierre Soisson, ministre du Travail, « la
reprise ne mord pas sur le chômage ». Pis,
celle-ci est « sélective ».
Une situation paradoxale
Pris au piège de l’ANPE, les chômeurs
le restent. La durée moyenne d’inscription augmente, et dépasse maintenant
370 jours. Plus de 800 000 personnes
figurent sur les listes depuis plus d’un an
et la proportion de celles qui recherchent
en vain un emploi depuis deux ou trois
ans, voire plus, ne cesse de croître. Près
de 400 000 d’entre elles ont pratiquement
perdu tout espoir de redevenir actives : ce
sont les chômeurs âgés de plus de 50 ans,
les jeunes sans diplôme, passés de stages
de réinsertion à des travaux d’utilité collective, et surtout les femmes, si elles sont
jeunes et sans formation ; si elles ont entre
25 et 49 ans ; ou si elles ont suffisamment
travaillé pour avoir droit aux indemnités
de chômage, et qu’elles maintiennent leur
demande d’un emploi lorsqu’elles ont
plus de 50 ans. Car on ignore ce qu’il en
est pour les autres.
La relance économique aidant, on
assiste pourtant au retour des premiers
signes d’une pénurie de main-d’oeuvre
qualifiée dont se plaignent de plus en plus
les employeurs. Particulièrement ceux du
bâtiment et des travaux publics qui, après
avoir perdu 600 000 emplois jusqu’en
1984, ont brusquement découvert qu’ils
ne disposeraient plus des ressources nécessaires en personnel formé pour faire
face à l’accroissement des commandes.
Mais d’autres secteurs s’inquiètent également, comme la métallurgie, notamment
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en région parisienne, et les entreprises
industrielles en général.
Encore s’agit-il là des besoins expri-
més pour des tâches d’exécution ou de
production. Quand il faut recruter des
cadres et des spécialistes, les manques se
font davantage sentir. Il n’est que de voir
la rubrique des « petites annonces » des
journaux et des magazines pour prendre
conscience de l’ampleur du phénomène.
En douze mois, le volume des offres a
progressé de 30 % et quasiment toutes
les compétences sont fébrilement recherchées. Les informaticiens, bien sûr, mais
aussi les gestionnaires, les financiers et
même, depuis peu, les ingénieurs de
production. Florissants, les cabinets de
recrutement pullulent. Les chasseurs
de têtes, pour le très haut de gamme
confirmé ou l’oiseau rare, éprouvent des
difficultés grandissantes à satisfaire leurs
clients.
En un an, les « rendements », c’està-dire le nombre de réponses positives
données aux annonces, ont chuté de
50 %. Tous les intermédiaires s’accusent
alors, les signes de la surchauffe étant
là pour prouver que le marché s’affole.
Réduit au carré prestigieux des grandes
écoles, le système scolaire ne produit que
14 000 ingénieurs par an, et 70 000 jeunes
diplômés, si l’on accepte d’élargir le cercle.
Or, l’ensemble des entreprises performantes parmi les plus connues, mais
aussi celles qui aspirent à rentrer dans ce
club restreint, sans compter la multitude
des PME ou des PMI, veulent embaucher
ce qui se fait de mieux pour assurer leur
avenir et rester dans le peloton de tête de
la course à la compétitivité.
Il n’y a donc pas assez de têtes bien
faites pour répondre à l’appel. Les salaires
d’un premier emploi flambent jusqu’à
250 000 F par an pour un polytechnicien
et même 400 000 F pour un INSEAD. On
en vient à exiger des « moutons à cinq
pattes » qui devraient avoir des diplômes
complémentaires, connaître plusieurs
langues, posséder une expérience puis,
parce que les métiers de managers se
médiatisent, « avoir du charisme et une
bonne gueule », comme le disent les recruteurs, embarqués presque malgré eux
dans « la surenchère aux fantasmes ».
Mais il y a une contrepartie, qui
s’apparente parfois à un immense gâchis
en ces temps de disette. Parce que ces
petits génies se monnaient cher, on exige
aussi beaucoup d’eux. Ils doivent être
immédiatement opérationnels, toujours
gagner, travailler sans relâche et savoir
tenir la corde, les 45 ans passés. Sinon,
gare. Les anges déchus seront broyés et il
ne faut donc pas s’étonner lorsque, dans
ces conditions, certains affichent le comportement du mercenaire, bien décidés à
utiliser le système à leur avantage avec le
cynisme nécessaire.
Contrairement aux apparences, l’évocation de ces cas extrêmes a un rapport
direct avec la configuration actuelle du
marché du travail et avec son double, le
chômage. C’est bien parce qu’il y a eu une
douzaine d’années de crise, et que, sur
leurs cendres, deux ou trois années de reprise leur ont succédé, que le marché du
travail est à ce point contrasté, paradoxal.
Objectivement, le partage du travail
existe entre ceux qui n’ont pas d’emploi, et
risquent fort de n’en jamais retrouver, et
ceux qui, employés en fonction de leurs
compétences, sont complètement surmenés. Au milieu, et parce que les temps
ont changé, flotte une partie de la popudownloadModeText.vue.download 272 sur 509
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lation active dans une zone tampon qui
oscille du chômage au travail d’appoint,
et connaît une situation que le Commissariat général au plan qualifie d’« hybride ». En 1988-89, au moment même
où l’économie redémarre vraiment, on
voit bien les conséquences durables d’une
longue récession, les cassures qui se sont
produites à cette occasion, et les évolutions, déjà inscrites dans les faits, qui en
découlent.
Population
Il y a comme un frémissement dans les
courbes de la démographie en France.
Certes le nombre de naissances reste étalé
autour de 780 000 et l’indice de fécondité
demeure autour de 1,8 enfant par femme.
Les progrès de l’espérance de vie à la naissance (80,6 ans pour les femmes et 72,3 ans
pour les hommes, en 1987) continuent : en
cinq ans, le gain, pour la moyenne des deux
sexes, a été de 1,6 an, contre 0,9 pour la
période précédente. Surtout, le nombre de
mariages augmente légèrement : 265 000
en 1987, 271 000 en 1988. Il pourrait y en
avoir 280 000 en 1989. La variation est faible ;
mais, succédant à une baisse ininterrompue
depuis 1972, le retournement est significatif.
Une période de transition s’achève. Le mariage n’est plus l’acte fondateur d’un couple
mais en confirme la validité, souvent pour
des besoins administratifs. Les remariages
représentent une proportion croissante des
mariages : 17 % des mariés et 16 % des mariées de 1988, contre 12 et 11 % de ceux de
1980.
Tandis que la fécondité de l’Europe du Sud,
qui avait « plongé » tardivement, atteint des
niveaux bien inférieurs aux plus bas niveaux
français, celle de l’Europe du Nord se stabilise ou se redresse un peu. En Suède, elle est
même remontée de 1,6 enfant par femme
en 1983 à 2,0 en 1988. Là aussi, il y a stabilisation du « calendrier » : arrêt de la baisse de
la fécondité des jeunes, renforcement de la
hausse chez les femmes plus âgées.
Simultanément, la situation du tiersmonde se décante : la surpopulation accable le Bangladesh, le Nigeria, et une vingtaine d’agglomérations, en tête desquelles
Mexico, São Paulo, Le Caire, Calcutta, Manille.
L’Asie concilie baisse de la fécondité et développement économique et offre au monde
développé de nouveaux concurrents et de
nouveaux marchés ; et l’Afrique noire se
débat dans de graves problèmes de santé
publique.
Michel Louis Lévy
Le piège du chômage
Donc, l’emploi revient et le chômage
ne se résorbe pas. Mais il faut savoir que,
à la différence de ce qui se passe dans de
nombreux pays semblables, dont la RFA
avant l’arrivée des émigrés de l’Est, la
pression démographique ne diminue pas
en France. 180 000 personnes environ
viennent s’ajouter chaque année à la population active déjà présente sur le marché du travail. Des jeunes, bien entendu,
mais aussi et surtout des femmes qui, en
raison d’un puissant mouvement sociologique, rapprochent progressivement leur
taux d’activité de celui des hommes et
interrompent plus rarement celle-ci que
par le passé à la suite des maternités.
Pour être efficace, l’essor des effectifs
salariés devrait continûment absorber
ce surplus annuel et, tout à la fois, éponger massivement le stock de chômeurs.
Exceptionnelle, dans les conditions actuelles, la croissance retrouvée ne peut y
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parvenir et il est donc plausible que, pour
des années encore, la France ait à souffrir
d’un fort taux de chômage.
À cela s’ajoutent plusieurs phénomènes dont le plus criant est le retard
en formation par rapport aux besoins
exprimés dans une phase de révolution
technologique, d’abord concomitante
avec la crise économique, mais qui est
appelée à lui survivre. Sur une population
active de près de 24 millions d’individus,
on compte quelque 9 millions de titulaires d’un CAP ou d’un brevet d’études
professionnelles...
Dès lors que les embauches reprennent, elles s’adressent en priorité aux
plus jeunes, quand ils sont formés, de
préférence aux chômeurs moins qualifiés
ou, ce qui revient au même dans l’esprit
des employeurs, aux compétences techniquement vieillies. À un moindre degré
qu’en Grande-Bretagne, où le chômage se
perpétue chez les hommes dans le secteur
industriel, et où la création d’emploi dans
les services, souvent précaire, profite aux
femmes, il apparaît aussi en France que le
déplacement rapide vers les activités du
tertiaire favorise, proportionnellement,
les moins de 25 ans ou les femmes, sans
toutefois que ce mouvement corresponde
à la demande reconnue.
Dans ces conditions, il est logique que
ceux qui se trouvent au chômage aient
encore moins de chance d’en sortir. Le
temps joue contre eux et, l’euphorie économique aidant, on a parfois l’impression qu’ils font partie des victimes oubliées. Peu à peu, la France s’est habituée
à vivre avec un nombre impressionnant
de demandeurs d’emploi. L’explosion
sociale ne s’est pas produite alors même
que Georges Pompidou prédisait « la révolution » si l’on dépassait le million de
chômeurs. Pis, ces derniers sont sortis de
l’actualité. Après des années de morosité
et de déprime, on préfère se tourner vers
les exemples de réussite éclatante...
Les grandes tendances
Tout cela n’aurait pas été possible si,
dans le même temps, la pénible traversée
de la crise ne s’était accompagnée, et pour
cause, d’un lent processus qui, de renoncement pragmatique en choix imposé par
la contrainte, a abouti au bouleversement
de la structure du marché du travail. En
à peine plus d’une décennie, une décomposition s’est produite qui a fait naître ce
que les spécialistes, faute de mieux, ont
appelé « les nouvelles formes d’emploi »
avec le développement, en gros, de la précarité. Mais ce changement a été d’autant
plus profond qu’il s’est greffé sur un phénomène venu de plus loin et justifié par
la modernisation de l’économie, qui s’est
traduit par l’apparition de « nouveaux
emplois ».
Dans ses grandes tendances, l’orientation est claire : dans l’agriculture, l’emploi
total (salarié et non salarié) a reculé, passant de 5 millions en 1954 à 1,5 million
en 1986 ; dans l’industrie, la France est
revenue du sommet de 1973 – 6,3 millions de personnes employées – à tout
juste 5 millions en 1986, chiffre inférieur
aux 5,3 millions de 1954. Le bâtiment
et les travaux publics, qui flirtaient avec
les 2 millions au début des années 70, se
retrouvent à 1,4 million. Seul le tertiaire,
qu’il soit marchand ou non marchand, n’a
pratiquement jamais cessé d’augmenter
ses effectifs en trente ans, exception faite
d’un léger passage à vide au plus profond
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de la crise en 1984-85. Tous confondus,
les services employaient 7,3 millions de
personnes en 1954. Ils en occupaient
13,2 millions en 1986. Dans la dernière
période, leur vitalité a même empêché la
catastrophe.
Si la poursuite des courbes signifie
quelque chose, il faut croire que, même
restructurée, l’industrie de demain ne
fournira plus les grandes quantités d’emplois que réclamaient la sidérurgie, la
construction navale ou l’automobile. Ces
temps-là sont bien révolus, même si les
nouvelles technologies viennent relayer
les vieux secteurs par leur dynamisme et
même si, depuis la fin de 1988, l’industrie
est capable de dégager un solde global
de postes positif. En vingt ans, le pourcentage d’ouvriers non qualifiés dans les
emplois salariés a tout de même chuté de
10 points (27 % en 1969) et celui des ouvriers qualifiés en a perdu 3 autres (38 %
en 1969).
En revanche, l’ensemble du tertiaire
paraît appelé à un développement continu. Que ce soit dans sa version relativement sophistiquée, avec, par exemple,
la floraison des nouveautés en « tique »
ou les finances, ou que ce soit dans sa
version consumériste avec les services
rendus aux entreprises et aux particuliers, dont le commerce et la restauration
rapide, pour ne citer que les cas les plus
évidents. Toujours est-il que les deux tendances se retrouvent dans les chiffres. La
proportion de cadres dans l’emploi salarié
a gagné 4,6 points en vingt ans (10,2 % en
1969) et celle des employés, même non
qualifiés, progresse de 5,4 points (17,7 %
en 1969).
Une autre lame de fond a coïncidé
avec ce basculement et s’est accélérée avec
la restructuration industrielle de ces dernières années. La part des grosses entreprises de plus de 200 salariés est passée
du tiers des emplois en 1975 à moins du
quart aujourd’hui. Les petites entreprises
de moins de cinquante salariés se sont
multipliées ; elles ont augmenté leur poids
en nombre d’emplois proposés et, en raison de leur taille, se sont mieux adaptées
à la crise que les mastodontes. Ce sont
elles qui ont embauché et il faut en voir la
confirmation dans le fait que les régions
de mono-industrie ou de vieille tradition
ouvrière ont plus souffert économiquement de la restructuration que les régions
moins lourdement impliquées.
La précarité
Sur ce vaste chamboulement engagé
de longue date vient donc se greffer tout
ce qui résulte de la récession, dont les
effets ont réellement commencé à se faire
sentir à partir de 1977, et sans qu’il soit
toujours possible de distinguer la cause
de la conséquence. C’est ici que l’on pénètre dans une zone de flou, de « halo »,
selon Claude Thélot (INSEE), qui consacra un numéro spécial de la revue ÉconodownloadModeText.vue.download 275 sur 509
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mie et statistiques (no 193-194) à ce sujet.
Cela serait-il survenu autrement ?
Au cours des années 80, on a assisté à la
remise en cause partielle, sous la pression des faits, du statut du salarié à plein
temps, bénéficiaire d’un contrat à durée
indéterminée offrant une large protection sociale. Son modèle s’était forgé peu
à peu avec les conquêtes ouvrières de la
révolution industrielle puis était venu
compenser la sujétion au mode de production taylorien. Pendant les « trente
glorieuses », de 1945 à 1975, il était même
parvenu à sa plénitude avec la confirmation de l’objectif du plein emploi. S’il est
toujours majoritaire, et de loin, il n’est
plus le seul système de référence. Insidieusement, il a perdu de son éclat, pour
ne plus être aujourd’hui que la règle
exorbitante accordée au « noyau dur » du
salariat.
Religions
Au printemps, le souverain pontife se
rend pour la seconde fois dans des pays
de l’océan Indien et pour la cinquième fois
sur le continent africain. Du 1er au 6 mai, il
visite Madagascar, la Réunion, la Zambie et le
Malawi. Le 3 mai, depuis Lusaka, capitale de
la Zambie, Jean-Paul II condamne une nouvelle fois le racisme et l’apartheid.
Déplacement plus délicat : le premier
voyage du pape, du 1er au 10 juin, dans les
cinq pays nordiques : Norvège, Islande, Finlande, Suède, Danemark. Là, les catholiques
ne constituent que d’infimes minorités, le
luthéranisme étant la religion officielle. À défaut de susciter sur son passage la cordialité
populaire habituelle, Jean-Paul II en profite
pour appeler les Européens, installés selon
lui dans un confort anesthésiant, à rechercher leurs racines chrétiennes communes.
Appel semblable à Compostelle, où, les
19 et 20 août, le pape rejoint une foule de
500 000 jeunes Européens venus refaire le
pèlerinage de leurs ancêtres au sanctuaire
espagnol de Saint-Jacques : « Un itinéraire
privilégié, leur déclare le souverain pontife,
l’itinéraire du Christ lui-même, qui est la voie
de la vérité et de la vie. »
Du 7 au 15 octobre, Jean-Paul II rend visite
à l’Indonésie avec une étape en Corée du
Sud – où il est déjà venu en 1984 – et un
arrêt, sur le chemin du retour, à l’île Maurice.
De Corée, le pape lance un appel aux catholiques chinois pour qu’ils luttent ensemble
pour leur foi ; aux deux Corées, il souhaite
la réunification, à condition qu’elle se fonde
sur « la justice, la liberté et les droits humains
inaliénables ».
L’oecuménisme chrétien
L’année est marquée par deux événements
significatifs. Le premier est le rassemblement
oecuménique (catholiques, orthodoxes, protestants) qui a lieu à Baie, du 15 au 21 mai,
sur le thème « Paix et justice » et qui réunit
plus de 700 délégués de toute l’Europe, y
compris de l’Europe de l’Est. C’est la première
fois que le Conseil des Églises chrétiennes
et le Conseil des conférences épiscopales
d’Europe appellent à une manifestation
commune. Malgré des impasses théologiques persistantes, cette rencontre relance
un mouvement oecuménique qui s’enlisait
dans le labyrinthe des discussions sur la
reconnaissance mutuelle des ministères ou
des sacrements.
Le second événement est la visite au
Vatican, du 29 septembre au 2 octobre, de
l’archevêque anglican de Cantorbéry, Robert
Runcie. Car non seulement – geste sans précédent – celui-ci assiste à la messe du pape
à la basilique Saint-Pierre de Rome, mais, le
30 septembre, il reconnaît publiquement
« la primauté universelle » du souverain pondownloadModeText.vue.download 276 sur 509
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tife. Ce dernier ne manque cependant pas
de rappeler, à cette occasion, que l’un des
obstacles au rapprochement définitif entre
catholiques et anglicans est l’ordination des
femmes, pratiquée dans l’anglicanisme.
L’affaire du carmel d’Auschwitz
Alors que, depuis le concile Vatican II, le
dialogue judéo-chrétien n’avait cessé de
s’affermir, il subit un grave dommage lié à
ce qu’on appelle l’« affaire du carmel d’Auschwitz ». On peut même parler, à ce propos,
du plus grave contentieux judéo-chrétien de
l’après-guerre.
En 1984, un couvent de carmélites polonaises s’installe dans l’ancien théâtre adossé
au mur extérieur du camp de concentration d’Auschwitz I. Cette présence des religieuses chrétiennes émeut les milieux juifs,
qui considèrent que, haut lieu de l’holocauste du peuple juif, l’ensemble des camps
d’Auschwitz doit rester, selon les exigences
bibliques, un lieu de silence.
À deux reprises, le 22 juillet 1986 et le 22 février 1987, des personnalités chrétiennes
et israélites réunies à Genève se mettent
d’accord sur un protocole de transfert du
couvent en dehors du site occupé. La date
ultime est fixée au 22 février 1989 ; or, le jour
venu, rien ni personne ne bouge. Le temps
passant, la fièvre monte : en juillet, un commando de juifs américains vient à Auschwitz
manifester son mécontentement ; il est reçu
« fraîchement ». Théo Klein, ancien président
du Conseil représentatif de la communauté
juive de France (CRIF), préconise alors le gel
des relations judéo-catholiques, ce qui suscite une déclaration apaisante du cardinal
Macharski, archevêque de Cracovie.
Mais l’atmosphère reste lourde et le pape
garde le silence. Le 26 août, à Czestochowa,
le cardinal Glemp, primat de Pologne, appuyé par les masses catholiques polonaises,
qui se souviennent qu’à Auschwitz nombre
des leurs ont également péri, prononce un
très ferme discours qui remet en cause l’accord de Genève, déclaré « caduc ». L’épiscopat se divise aussitôt ; le cardinal Decourtray,
archevêque de Lyon, l’un des principaux
signataires de l’accord de Genève, va jusqu’à
contester publiquement l’archevêque de
Varsovie. Il faut, le 19 septembre, l’intervention du Vatican pour que les passions
s’apaisent. Provisoirement, du moins, car, à
la fin de l’année, on en est toujours au statu
quo.
Difficultés avec l’islam
Le 4 mars, quelques semaines après l’appel au meurtre lancé par l’imam Khomeyni
contre Salman Rushdie, l’auteur des Versets sataniques, le Vatican critique officiellement « la part d’irrévérence et de blas-
phème » contenue dans le livre de l’écrivain
britannique.
Cette intervention illustre les difficultés
grandissantes qu’éprouvent les pays de civilisation chrétienne à maîtriser un phénomène
récent : l’installation massive en Europe (plus
de 3 millions de personnes en France) de
communautés musulmanes. La construction
de mosquées provoque, au sein des municipalités, des débats souvent contradictoires
et orageux. En France, au début d’octobre,
les médias, s’emparant d’un événement
d’apparence mineure – l’interdiction du
port du voile dans les classes signifiée à trois
élèves musulmanes du collège de Creil –,
lancent dans l’opinion un débat sur les rapports entre la laïcité républicaine et la tolérance démocratique.
Pierre Pierrard
Tandis que la France perdait 1 million d’emplois stables, le nombre des
emplois instables ou précaires passait de
2 à 3 millions. Encore tout cela est-il imprécis. Dans son « halo », l’INSEE place
de 1,5 à 4 millions de personnes, selon
les définitions, et en tenant compte du
caractère volatil des statistiques lorsqu’il
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faut repérer des catégories naissantes,
forcément fugaces. Plus récemment, et
dans un nouvel exercice pour appréhender cette sphère mouvante, l’Institut
national de la statistique a fourni, audelà des chiffres toujours contestables,
l’indication formelle d’un déplacement.
Ce qu’on appelle les « formes particulières d’emploi », selon une terminologie curieuse reprise pour un colloque
international de spécialistes et de statisticiens qui s’est tenu à Paris en novembre
1988, s’est particulièrement développé
en cinq ans et sans doute autant depuis.
En 1982, il y avait 3,4 millions de personnes qui étaient apprentis, stagiaires,
sous contrat à durée déterminée, intérimaires, travailleurs à temps partiel, etc.
Ils étaient 4,2 millions en 1987.
À l’évidence, la partie à peu près visible de la déstructuration du marché du
travail est là. L’émergence de ce phéno-
mène caractérise la dernière période et
pèse sur les évolutions d’aujourd’hui.
Ce mouvement est déjà difficile à
repérer dans son ampleur. Il est encore
plus délicat de lui attribuer telle ou telle
origine, tant les mécanismes à l’oeuvre
se sont peu à peu confondus, y compris
dans leurs effets pervers.
Parmi les responsables, il y a bien le
traitement social, cette énorme tuyauterie inventée par Raymond Barre avec les
« stages parkings » pour les jeunes sans
emploi, et régulièrement perfectionnée
ensuite par Pierre Mauroy ou Michel
Delebarre sous Laurent Fabius, Philippe
Séguin sous Jacques Chirac, et peut-être
abandonnée, dans les discours au moins,
par Jean-Pierre Soisson et Michel Rocard,
qui ont inventé des produits de substitution moins voyants.
Avec les stages en tout genre, les différents dispositifs d’insertion, mais aussi
les TUC, les SIVP (stages d’initiation à la
vie professionnelle), les PIL (programmes
d’insertion locale) et autres SRA (stages
de réinsertion en alternance) ou associations intermédiaires, sans oublier « les
petits boulots », les gouvernements successifs ont en fait mis le doigt dans un
engrenage qui, ailleurs, sur le marché dit
normal, était en train de fabriquer des
travailleurs précaires ou marginalisés. Au
total, et au plus fort de la tentation interventionniste, en 1987-88, on a compté
jusqu’à 1,5 million de places disponibles
dans l’une ou l’autre des formules d’appoint. Quand Michel Rocard présente
deux années de suite un plan-emploi qui
vise à abaisser le coût du travail, notamment en exonérant de charges sociales
les employeurs qui embaucheraient certaines catégories de chômeurs (dont les
plus de 50 ans, jusqu’à leur retraite), il
ne fait que poursuivre la même logique.
Pour juguler la montée du chômage, les
pouvoirs publics ont adopté une politique
de dérogations largement justifiée par
l’urgence, là où d’autres pays, plus libéraux, ont parié sur la déréglementation.
Sur le fond, le résultat n’est pas différent, si les motifs divergent. Année après
année, se sont constituées des poches
d’emplois spécifiques, à mi-chemin entre
l’assistance et le travail mais qui sont vite
sortis du cadre prévu. Il y a eu jusqu’à
350 000 TUC, contre 120 000 actuelle-
ment. On a compté jusqu’à 300 000 SIVP,
contre 180 000 aujourd’hui. Les stages rémunérés sont passés de 136 000 en 1982
à 433 000 en 1987. Conséquence : la part
des jeunes dans l’emploi réel ou salarié de
droit commun a diminué de moitié en
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dix ans. Pour expliquer ce changement
d’attitude, les spécialistes évoquent « l’effet d’aubaine », l’occasion faisant le larron, ou encore « l’effet de substitution »,
le mauvais emploi chassant le bon.
Mais l’important est encore ailleurs.
Par le truchement de mesures sociales
sans aucun doute nécessaires, l’action
de l’État a rendu possible le contournement de la législation. De fait, s’est mis en
place un sous-SMIC, ont été officialisés
des statuts précaires, voire l’utilisation de
salariés sous couvert de stages de formation professionnelle. Même la protection
sociale a été mise à mal (il suffit de voir
ce qui se passe du côté de l’UNEDIC).
Le régime d’assurance-chômage constate
une augmentation des causes de rejet des
demandes d’indemnisation parce qu’un
nombre croissant de chômeurs ne peut
plus exciper d’une durée suffisante de
cotisation. Cela vise bien sûr les intérimaires, les anciens titulaires d’un contrat
à durée déterminée, mais aussi bien des
bénéficiaires du traitement social, de retour dans la normalité du chômage.
Parallèlement, et c’est l’autre versant
du même problème, le marché du travail a développé ses propres statuts atypiques, sous prétexte de flexibilité. Ainsi
en est-il du travail à temps partiel, dont
la variante, le travail à temps très partiel – de moins de 15 heures par semaine
– en plein développement, représentait
5,8 % de l’emploi en 1971 et atteignait
11,8 % en 1987, soit 2,5 millions de
personnes.
On pourrait considérer qu’il s’agit
d’un progrès, la France faisant partie des
retardataires en ce domaine, en comparaison de la Grande-Bretagne, de la
RFA et des pays scandinaves. Mais ce
n’est pas aussi simple. Il faudrait distin-
guer, souligne l’INSEE, le temps partiel
« choisi », qui correspond à une aspiration librement consentie, du temps
partiel « contraint », imposé par le fonctionnement de telle ou telle activité. Par
exemple, il n’est pas rare que, dans certains secteurs, il n’y ait que des contrats à
temps partiel pour des postes bien définis. Notamment dans le commerce, les
hôtels-cafés-restaurants et les services,
où il arrive que ce statut soit appliqué
dès la création de l’entreprise. Tel grand
groupe hôtelier s’est aperçu qu’il lui
revenait moins cher de pratiquer le mitemps pour son personnel de service,
compte tenu de la réglementation, que
de réduire la durée du travail pour pouvoir moduler les horaires...
Mais c’est avec le travail temporaire, regroupant à la fois l’intérim et
les contrats à durée déterminée, que l’on
prend la vraie mesure de la vague de
précarité qui a déferlé sur le marché du
travail. De juin 1985 à fin mars 1989, la
proportion des intérimaires a plus que
doublé, celle des contrats à durée déterminée a augmenté de 50 %. Au total,
les deux formules représentent 7 % de
l’emploi et, plus significatif encore, 90 %
de l’ensemble des recrutements effectués en 1988. Manifestement, au fil de la
crise, le travail temporaire est devenu le
moyen privilégié de gestion des effectifs
et, plus précisément, la méthode pratique
pour ajuster immédiatement le volume
de la main-d’oeuvre aux fluctuations de
l’activité. Conçus pour répondre à des
besoins exceptionnels, limités dans leur
durée, intérim et contrats à durée déterminée ont changé de nature. Ils servent
maintenant à ce qu’on appelle la « gesdownloadModeText.vue.download 279 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
278
tion en flux tendus », l’entreprise utilisatrice s’efforçant de maintenir son niveau
d’emploi stable légèrement en dessous de
ses capacités de production et complétant son personnel avec des travailleurs
temporaires. L’industrie automobile a
largement exploité cette technique, ainsi
que l’ont révélé plusieurs affaires. À Citroën-Aulnay, 600 intérimaires étaient
employés en permanence, car leurs missions avaient été renouvelées pour cause
de sortie de l’AX quatre-portes, puis de
l’AX diesel, etc. À Peugeot-Sochaux, la
grève a mis en évidence la présence de
25 % d’intérimaires dont bon nombre
travaillaient au lancement de la 605. Il arrive que des entreprises emploient jusqu’à
50 % d’intérimaires.
Ce développement empreint d’abus
ou d’irrégularités ne pouvait qu’inquiéter.
Il a conduit M. Jean-Pierre Soisson à annoncer qu’il prendrait des mesures pour
en limiter l’essor et les députés socialistes
à imaginer des restrictions traduites par
une proposition de loi en octobre. Fort
d’un rapport réalisé par ses services, le
ministre du Travail s’apprête à déposer
un projet de loi et consulte les partenaires
sociaux sur ce thème.
Il faut dire que la situation est préoccupante. Avec l’équivalent de 600 000 personnes à temps plein en contrat à durée
déterminée, 2,5 millions de contrats
d’embauché ont été signés en 1988. Ce
qui donne une idée de la rotation et de
l’importance de la population réellement
concernée. Avec l’intérim, on atteint des
sommets. 280 000 emplois à temps plein
correspondent à 5,5 millions de missions effectuées pour une durée moyenne
de trois semaines. Entre deux périodes
d’activité, les travailleurs temporaires
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SOCIÉTÉ
279
s’inscrivent à l’ANPE où ils représentaient plus de 50 % des entrées nouvelles
en septembre 1989, alors que le licenciement économique intervient maintenant
pour moins de 10 %.
Au travers de ces « formes particulières d’emploi », d’origine étatique ou
non, voici donc que s’est constitué, à
l’occasion de la crise, un vaste secteur qui
entretient des rapports distendus avec
le travail et dont la collectivité nationale
finance la privation d’emploi. Une masse
importante de la population active est
maintenue à la périphérie de l’emploi traditionnel et stable et vit dans une situation précaire qui la prédestine, presque
mécaniquement, aux allers et retours
entre le chômage et le travail provisoires,
puis qui l’entraîne vers le chômage de
longue durée.
L’externalisation
Peu à peu, se constitue un noyau central de salariés protégés, à plein temps,
à qui l’on propose de partager la culture
d’entreprise, d’adhérer au projet d’entreprise. Ceux-là sont dans une sphère de
compétence et méritent des égards. À
côté, en autant de cercles concentriques,
s’agglutinent les travailleurs à statut atypique qui jouent un rôle d’appoint et
peuvent à tout moment être renvoyés vers
le chômage. On ne leur demande pas de
s’identifier à l’entreprise et à son produit...
En fait, cet autre partage de l’emploi est
sous-tendu par plusieurs modifications
du comportement des entreprises qui se
sont effectuées à la faveur de la crise et à
cause d’elle. Il correspond bien à la montée en puissance des activités de service et
se relie parfaitement à la volonté des dirigeants de « se recentrer sur le métier » de
leur groupe ou de leur société selon une
logique dite « d’externalisation ».
Désormais, tout bon gestionnaire
limite l’emploi qualifié au strict nécessaire et s’efforce d’extraire ceux qui apparaissent comme des poids morts, étrangers au savoir-faire de sa société. Exit les
fonctions de nettoyage, de gardiennage,
de restauration collective, voire, dans certains cas, celles des bureaux d’études, de
l’informatique ou même de la comptabilité. On fera appel aux « nouvelles formes
d’emploi » ou à des sous-traitants, à des
artisans et même à des travailleurs indépendants. Le raisonnement vaut d’ailleurs autant pour la main-d’oeuvre peu
qualifiée, dans le cas du nettoyage, que
pour les compétences les plus pointues,
dans le cas du consultant, de l’audit ou du
conseil.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
280
Mais ce qui peut être jugé favorablement, puisqu’il s’agirait d’un dégraissage
justifié par l’obésité de certaines structures, peut aussi dissimuler de graves
entorses à la législation. Tous les inspecteurs du travail constatent aujourd’hui
une croissance anormale des exemples de
fausse sous-traitance, de faux artisanat ou
de faux travail indépendant. C’est-à-dire
de cas où le travailleur donne l’impression d’être son propre patron, mais où il se
trouve en fait maintenu dans un rapport
de subordination avec un employeurclient exclusif, naturellement sans protection sociale puisque l’on a substitué un
contrat de droit commercial, facilement
rompu, à un contrat de travail.
Malheureusement, cette zone-là des
nouveaux emplois se révèle encore plus
floue que la précédente. On manque de
moyens techniques pour la circonscrire.
On souffre de l’absence d’outils juridiques
performants pour la combattre. Et, par
surcroît, il est impossible d’en connaître
les contours exacts du simple point de
vue statistique.
Des spécialistes aux responsables
dans les ministères en passant par les
syndicalistes, tout le monde s’accorde à
reconnaître que cet autre sous-ensemble
de l’emploi prolifère de façon inquiétante.
De récentes affaires (notamment lors de
la construction du TGV Atlantique ou
dans le bâtiment en Rhône-Alpes, au
cours de l’été 1989) en ont montré la réalité. Tout cela constitue la partie émergée
de l’iceberg, aux contours imprécis. Il resterait encore à découvrir le travail au noir
ou le travail clandestin, en progression.
ALAIN LEBAUBE
Alain Lebaube appartient au service économique du
Monde où il est chargé des problèmes de l’emploi. Il
est l’auteur de : l’Emploi en miettes (Hachette, 1988).
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POINT DE L’ACTUALITÉ
281
La télévision
Afin de remplacer la CNCL (éd.
1989), la loi du 17 janvier 1989 a institué un Conseil supérieur de l’audiovisuel
(CSA) dont les missions ont été ainsi
définies par son article premier : le CSA,
« autorité indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication... Il
assure l’égalité de traitement ; il garantit
l’indépendance du secteur public de la
radiodiffusion sonore et de la télévision ;
il veille à favoriser la libre concurrence ; il
veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles
nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions
sur l’amélioration de la qualité des programmes ». Le Conseil est composé de
neuf membres désignés pour une durée
normale de six ans : trois par le président
de la République, trois par le Sénat et les
trois derniers par l’Assemblée nationale.
Il est renouvelable par tiers tous les deux
ans. Son président est choisi par le président de la République, qui a désigné
Jacques Boutet.
La crise du secteur public de l’audiovisuel a perduré. Son audience a été
affaiblie par la concurrence des chaînes
privées plus dynamiques. C’est pourquoi
le gouvernement a décidé, par la loi du
2 août 1989, de créer une présidence
unique pour les deux sociétés nationales
A2 et FR3 dans le but d’harmoniser les
programmes, d’établir une complémentarité réelle et de redynamiser l’ensemble.
Philippe Guilhaume a été choisi par le
CSA pour en assumer la charge.
En terme de parts de marché, les
positions acquises par les six chaînes
hertziennes généralistes nationales pourraient être remises en question en 1990
par la mise en service des chaînes-satellite
(TDF 1) et par l’adoption par le Conseil
des Communautés européennes d’une
directive sur la télévision transfrontière,
première étape vers la constitution d’un
marché commun de l’audiovisuel.
La télévision française par satellite
devrait donc voir le jour en 1990, sauf
difficultés techniques persistantes. Le
CSA a retenu six chaînes thématiques :
Canal Enfants, Sports 2/3, Euromusique,
la Sept, Canal + et Canal + Allemagne,
ainsi que Radio France sur le canal son.
Mais les opérateurs n’ont pas encore résolu de manière satisfaisante le problème de
la réception de ces chaînes : l’équipement
individuel (antenne parabolique et désembrouilleur) restera onéreux, surtout
si l’on doit remplacer son récepteur pour
pouvoir bénéficier de la qualité d’image
liée à la norme D2 MAC.
Un million de prises seulement ont
été installées sur moins de 50 sites avec
moins de 10 % d’abonnés. À titre comparatif, les réseaux câblés allemands
comptent trois millions d’abonnés. Les
programmes fournis par les chaînes hertziennes nationales, les huit chaînes thématiques françaises et six chaînes étrandownloadModeText.vue.download 283 sur 509
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282
gères, à dominante anglo-saxonne, sont
attractifs. Mais, là encore, le coût peut
paraître dissuasif (150 F par mois).
70 % des Français estiment que les six
chaînes généralistes présentent un éventail suffisant. L’offre de programmes va
aller en s’accroissant mais, pour l’instant,
les habitudes de consommation télévisuelle des Français évoluent peu.
CHRISTINE LETEINTURIER
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SOCIÉTÉ
283
Les enjeux
de l’Éducation nationale
La France va devoir consentir un effort considérable si elle veut rendre
son
système éducatif capable de relever les défis qui lui sont lancés.
Soucieux des enseignants comme de renseignement, le gouvernement a choisi
un programme ambitieux.
La revalorisation des carrières des
enseignants (des instituteurs aux
universitaires) et la loi d’orientation sur
l’éducation sont les deux gros dossiers qui
ont dominé une année particulièrement
riche en péripéties dans le domaine de
l’Éducation nationale.
En faisant de l’éducation la priorité de
son second septennat et en reprenant à
son compte le projet d’augmenter considérablement le nombre des bacheliers,
M. François Mitterrand avait pris un engagement solennel pendant sa campagne
électorale. Celui-ci avait été aussitôt
confirmé, de façon spectaculaire, par la
nomination au ministère de l’Éducation,
au rang de ministre d’État, d’une personnalité politique de premier plan, M. Lionel Jospin, ancien premier secrétaire du
parti socialiste.
Mais, paradoxalement, ces éléments
positifs ont été à l’origine des principales
difficultés qu’a rencontrées le gouvernement pour mettre en oeuvre cet ambitieux
programme. D’une part, les promesses
présidentielles avaient fait naître chez les
enseignants des espoirs qu’il était bien
difficile de ne pas décevoir ; d’autre part,
la présence, rue de Grenelle, d’un responsable politique présenté comme un possible rival du Premier ministre pour la
succession du président de la République
allait compliquer sensiblement la tâche
du gouvernement pendant les premiers
mois de l’année.
Un effort considérable
Cette contradiction est apparue aussitôt sur une question de tactique. Fallait-il
lier les deux dossiers de la revalorisation
des carrières et de la rénovation de l’école,
pour faire pression sur les enseignants
et montrer à l’opinion les véritables enjeux, comme le préconisait le Premier
ministre ? Ou donner d’abord satisfaction aux enseignants, pour les remobiliser avant d’aborder la réforme de l’école,
comme le souhaitait le ministre de l’Éducation ? Tandis que Michel Rocard était
surtout soucieux des réactions des parents d’élèves, Lionel Jospin se montrait
attentif à l’état d’esprit des enseignants,
dont il se sentait très proche.
Ce débat se trouvait avivé par les
contraintes budgétaires qui pesaient sur
le gouvernement. Il est en effet apparu
rapidement que les hypothèses de croissance du budget de l’Éducation nationale
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qui avaient été primitivement retenues
seraient insuffisantes pour permettre à
la fois d’accueillir un nombre beaucoup
plus grand d’élèves et d’étudiants et de
réévaluer sensiblement le niveau de vie
des enseignants. D’où l’idée, émise par le
Premier ministre, de lier les augmentations de salaires à la création de nouveaux
corps d’enseignants, dont les obligations
de service seraient renforcées, et à un
système de primes, permettant de rémunérer en complément des tâches spécifiques ou des situations professionnelles
particulièrement difficiles. La logique de
ces propositions était claire : puisqu’on ne
peut augmenter tout le monde de façon
significative, remédions, dans l’immédiat, aux situations les plus injustes et faisons porter l’effort sur l’avenir.
Au cours des prochaines années, en
effet, la France aura à assumer un effort
considérable de recrutement de professeurs (400 000 postes à pourvoir en
10 ans) pour assurer la prolongation de
la scolarité et pour compenser les départs
à la retraite des générations massivement
recrutées dans les années 60 et 70. La première urgence est donc de rendre plus attrayante la profession d’enseignant pour
ceux qui vont entrer dans la carrière.
Ceux qui sont déjà en fonction devront
se contenter d’ajustements ponctuels. La
création de nouveaux corps avait en outre
l’avantage d’éviter que des augmentations
indiciaires n’aient des répercussions sur
l’ensemble de la fonction publique.
Une opposition résolue
Dès qu’elles sont connues, notamment par une interview du Premier ministre dans le Monde de l’éducation de janvier 1989, ces propositions soulèvent une
tempête de protestations de la part des
enseignants. Ceux-ci ne comprennent
pas qu’après avoir publiquement reconnu
que leur profession était dévaluée, le gouvernement ne procède pas d’abord à une
revalorisation générale de leurs rémunérations. L’idée qui les choque surtout est
que les augmentations dont ils doivent
bénéficier puissent prendre la forme d’indemnités liées à des prestations ou à des
situations particulières.
Cette forme de rémunération « au
mérite » se heurte à une incompréhension profonde et soulève une hostilité générale. Si la Fédération de l’Éducation nationale n’est pas, au départ, opposée à une
formule de ce type, qui va dans le sens de
sa réflexion sur la nécessité de « travailler
autrement », elle est rapidement débordée par les réactions de sa base et par le
refus radical de son syndicat du secondaire, le SNES. Cette différence d’analyse
à l’intérieur de la FEN se superpose à des
rivalités politiques entre la direction socialisante de la FEN et celle, plus proche
du parti communiste, du SNES. L’opposition syndicale aux propositions gouvernementales prend alors une forme de
plus en plus résolue.
De longues
et laborieuses négociations
Une grève nationale organisée par
le SNES le 27 janvier est assez largement suivie, notamment dans la région
parisienne. Le 1er février, 15 000 instituteurs manifestent à Paris, à l’appel du
SNI-PEGC et conspuent le ministre de
l’Éducation nationale. Celui-ci, qui se
trouve dans la position délicate d’avoir
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285
à défendre une politique avec laquelle
il n’est pas entièrement d’accord, lâche
rapidement du lest. Il renonce à la création d’un corps de professeurs de collèges, que refusait le SNES, et annonce
l’alignement du recrutement des instituteurs sur celui des professeurs, au niveau
de la licence, répondant ainsi à une revendication du SNI-PEGC.
Cette concession conduit le SNES
à renoncer à une deuxième journée de
grève, le 17 février, mais ne suffit pas à
désamorcer la colère des enseignants.
De nouvelles grèves et manifestations
ont lieu à la rentrée des vacances de
février. Plusieurs dizaines de milliers de
professeurs descendent à nouveau dans
la rue le 4 mars.
Toutefois, conscients que les propositions gouvernementales constituent un
effort financier appréciable, les syndicats
se montrent soucieux d’éviter une radicalisation excessive du mouvement et
ne reprennent pas à leur compte le mot
d’ordre de « retrait du plan Rocard-Jospin » avancé par les manifestants. Tout
en maintenant la pression sur le gouvernement, ils continuent de négocier avec
le ministère pour obtenir que la mise en
oeuvre de la revalorisation se rapproche
de leurs conceptions. Estimant avoir
en grande partie obtenu satisfaction,
ils s’efforcent alors de convaincre leur
base d’accepter le compromis. Le 3 mai,
les principaux syndicats de la FEN – le
SNES, le SNI-PEGC et le SNET (enseignement technique) – signent avec le
ministère un « relevé de conclusions »
qui met un terme à de longues et laborieuses négociations.
Justice
La politisation gagne le corps judiciaire.
Après la très conservatrice Association
professionnelle des magistrats (APM), la modérée Union syndicale des magistrats fustige dans son livre blanc Des nominations
et des hommes les manipulations politiques
au sein de l’institution judiciaire et la faveur
récente mais marquée du gauchiste Syndicat de la magistrature. Ce dernier argue de
sa nette progression aux élections professionnelles tenues du 16 au 25 mai, qui traduisent aussi la prépondérance constante
de l’USM et le recul de l’APM. Magistrats
et fonctionnaires de justice, tous syndicats
confondus, se retrouvent pour désapprouver publiquement, le 13 juin, la politique
menée par M. Arpaillange. Unanimement
réclamée, mais aussi toujours différée, la
réforme du statut des magistrats semble
enfin devoir être prise en considération.
Lors des troisièmes Rencontres internationales des avocats réunies les 13 et 14 octobre, le directeur du cabinet du garde des
Sceaux annonce la prochaine soumission
en Conseil des ministres d’un projet de
loi organique. La réforme contribuera-telle à enrayer l’actuelle crise du recrutement des magistrats, reconnue même par
M. Arpaillange ?
Alors que l’examen parlementaire des
nouvelles dispositions du Code pénal
débute, la commission « Justice pénale et
droits de l’homme » rend public, le 6 novembre, son rapport préliminaire sur la
réforme de l’instruction. À l’occasion du Bicentenaire, la grâce présidentielle « se veut
plus généreuse mais pas plus spectaculaire », selon la Chancellerie, qui évalue ses
bénéficiaires à un peu plus de 3 000 détenus. Alors que magistrats et surveillants de
prison avancent le chiffre de 5 000 libérations, l’agitation carcérale traduit la déception des intéressés. Puis, c’est au tour des
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gardiens de signifier cette année encore
leur mécontentement au gouvernement, à
l’avantage duquel le bras de fer engagé finit
par tourner.
Hervé Robert
La revalorisation
Dès le début du mois d’avril et sans
attendre cet accord formel, le ministère
avait annoncé qu’il appliquerait le plan
de revalorisation. Celui-ci, au terme de
l’épreuve de force engagée entre le gouvernement et ses fonctionnaires, est
assez différent de ce qui avait été primitivement annoncé. La mise en place des
indemnités pour les enseignants exerçant « des responsabilités particulières »
est repoussée à 1992. La création de
« grades », introduisant des hiérarchies
dans les catégories d’enseignants est
abandonnée. Des augmentations indiciaires pour tous – dont bénéficieront
aussi les retraités – sont prévues.
Mais l’effort principal consiste en
une accélération des débuts de carrière
et une amélioration de leurs dernières
années. Ainsi, à partir de 1992, un instituteur débutera à 7 300 F (au lieu de
6 100 F actuellement) et pourra terminer à 13 000 F (9 800 F aujourd’hui) s’il
intègre le nouveau corps des écoles créé
en 1990. Une « hors classe » permettra
aux futurs instituteurs et professeurs
certifiés qui y auront accès de terminer
à 14 500 F (au lieu de 13 000 F pour les
certifiés actuellement). À terme, instituteurs et professeurs du secondaire (agrégés mis à part) seront ainsi recrutés au
même niveau (la licence) et rémunérés
sur un pied d’égalité.
La revalorisation touche également
les universitaires. Sur ce terrain, le ministère a rencontré moins de difficultés,
les syndicats du supérieur ayant été, le
16 mars, les premiers à signer un accord.
Celui-ci prévoit une accélération globale
des carrières – notamment pour le passage du corps des maîtres de conférences
à celui des professeurs – mais aussi un
système de primes d’enseignement, de
recherche ou d’administration, au choix
des intéressés.
Acceptée par les syndicats, cette formule des primes s’est toutefois heurtée à
une assez vive opposition, lorsqu’il s’est
agi de l’appliquer lors de la rentrée universitaire. Certains sont hostiles à son
principe même ; d’autres craignent que
le nombre de ses bénéficiaires ne soit
en réalité très limité. Mais le ministère
a donné l’assurance que, dans les quatre
ans à venir, tous les universitaires qui
en ont fait la demande (soit 18 000 sur
35 000 environ) obtiendront satisfaction.
Le fond du débat qui oppose le corps
enseignant et le gouvernement sur cette
question de la revalorisation porte évidemment sur l’ampleur de l’enveloppe financière consacrée à ce dossier. Fixée au
départ à 10 milliards de francs sur cinq
ans, elle atteint finalement 11,6 milliards, le Premier ministre estimant
qu’aller au-delà reviendrait à remettre
en cause les grands équilibres budgétaires. Toutefois, le gouvernement a pris
des engagements au cours des négociations, annonçant qu’un effort supplémentaire de 6,2 milliards serait consenti
pour la période 1994-1998, ce qui porte
à 18 milliards la somme qui sera consacrée à la revalorisation dans les dix prochaines années.
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Un programme ambitieux
La vivacité des affrontements entre le
gouvernement et les enseignants sur la
question de la revalorisation a des répercussions sur l’autre débat souhaité par
Lionel Jospin sur la rénovation de l’école.
Alors que les deux questions avaient été
abordées simultanément au cours des
deux tables rondes qui avaient réuni les
17 et 18 janvier l’ensemble des partenaires
du monde éducatif, le ministre avait été
contraint de mettre la seconde entre
parenthèses, tant que les passions provoquées par la première ne se seraient pas
apaisées.
Mais, dès le mois de mars, il se remet
à l’ouvrage. Le 10 avril, il présente à la
presse le projet de loi qui est soumis au
Parlement à la session de printemps et
qui est adopté début juillet. Par son ampleur même et sa complexité, ce second
sujet provoque beaucoup moins de réactions que le précédent. Il est vrai que
Lionel Jospin s’est efforcé de le vider de
tout ce qui était susceptible de révéler les
clivages politiques ou corporatistes. C’est
ainsi, par exemple, qu’il s’est abstenu de
faire figurer dans la loi un sujet particulièrement sensible – celui de la réforme
et de l’allégement des programmes – qu’il
désirait pourtant aborder, et qui sera traité selon une autre procédure.
En fait, la portée même du débat législatif a paru d’emblée limitée à partir du
moment où le président de la République
a fait connaître son opposition à la formule d’une « loi-programme ». Souhaitée notamment par la FEN et par Lionel
Jospin, celle-ci a été jugée trop contraignante par le chef de l’État. Le gouvernement ayant opté pour une « loi d’orientation », il devenait clair que la discussion
se limiterait à l’affirmation de principes
généraux, sans modification profonde
des structures de l’Éducation nationale.
Chronique
judiciaire
Pour solde de tout compte... C’est ainsi
que la justice pourrait qualifier ellemême les procès de l’année 1989 qui s’apparentent plus à des bilans qu’à des affaires criminelles. Ainsi, les deux passages devant les
assises des dirigeants d’Action directe à Paris
et à Lyon n’ont signifié aucunement la résurgence d’un terrorisme à la française, mais
plutôt sa liquidation judiciaire. Jean-Marc
Rouillan, Nathalie Ménigon, Georges Cipriani, Joëlle Aubron n’obtiennent qu’une indifférence marquée, bien pire pour eux que
les condamnations à perpétuité que la cour
d’assises spéciale de Paris leur inflige pour
l’assassinat du P-DG de Renault, Georges
Besse. Quant aux 20 membres de la branche
lyonnaise du terrorisme, dont André Olivier,
l’idéologue, et Max Frérot, le dynamiteur, ils
tiennent des propos usés et confus devant
les bancs vides de la gigantesque salle d’assises de Lyon.
Bilans, également, ces procès qu’il faut instruire ne serait-ce que pour les évacuer : le
beau Serge, assassin d’un commissaire dans
les années 60, qui a été condamné à 12 ans
de réclusion, lui qui avait risqué la peine de
mort ; Serge Livrozet, qui est lavé de l’accusation d’avoir fabriqué de la fausse monnaie ;
et Roger Knobelspiess, pris la main dans le
sac au cours d’un hold-up à Perpignan, qui
restera emprisonné pendant neuf ans.
Bilan, toujours et encore, mais cette fois
pour tirer un trait définitif sur l’histoire. Le
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commissaire Jobic passe devant le tribunal
de Nanterre sur la dénonciation de trois
prostituées qui prétendaient lui avoir remis
de l’argent. Ce sont leurs déclarations qui
ont déterminé le juge Hayat. Très vite, le
procès tourne à l’affrontement police-justice
et, naturellement, aboutit à un match nul.
L’acquittement du policier, outre le mérite
de rendre son honneur à un commissaire, a
eu celui de vider définitivement la querelle.
Pierre Bois
Le texte législatif voté par le Parlement se présente donc à la fois comme un
document de référence tendant à donner
une portée solennelle aux grandes orientations gouvernementales, et une série de
mesures ponctuelles représentant, pour
le ministre, les conditions nécessaires à
leur application. Donner à tous les jeunes
Français une formation sanctionnée par
un diplôme et conduire, d’ici dix ans, 80 %
d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, tel est l’objectif fixé par la loi d’orientation. Un programme ambitieux, si l’on
songe qu’actuellement 40 % des jeunes
Français seulement parviennent au bac
et que 100 000 d’entre eux sortent chaque
année de l’école sans aucun diplôme. C’est
pourquoi les mesures prévues par la loi
visent à la fois à faciliter l’intégration des
jeunes dans le système de formation et à
lutter contre l’échec scolaire.
Un aménagement nécessaire
Parmi les premières, on retiendra
des dispositions ayant pour but de tenir
davantage compte des motivations et
des intérêts des élèves, notamment dans
l’orientation scolaire, dans la gestion des
établissements (avec la création d’un
conseil des délégués des élèves), dans la
reconnaissance d’un droit aux études et
dans l’organisation des rythmes scolaires.
Quant à la lutte contre l’échec, elle
doit se concrétiser par la généralisation
de l’accès en maternelle à trois ans, par la
limitation des redoublements, par l’évadownloadModeText.vue.download 290 sur 509
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luation régulière des connaissances des
élèves, par une aide particulière à l’apprentissage de la lecture et par le développement des centres de documentation. La
loi insiste également sur l’autonomie des
établissements et la nécessité pour eux
de se doter de projets pédagogiques précisant leurs objectifs et leurs moyens. Ils
seront aidés dans cette tâche par l’inspection générale qui, à la suite d’une réforme
décidée par le ministre, devra désormais
se consacrer moins à la notation individuelle des enseignants et à l’élaboration
des programmes scolaires et davantage à
l’évaluation des établissements et au suivi
des grandes réformes pédagogiques du
ministère.
La loi annonce également une réflexion générale sur la réforme et l’allégement des programmes et des examens.
Un « conseil national des programmes »
sera chargé de revoir et de réviser périodiquement les contenus de l’enseignement, cette tâche n’étant plus désormais
de la compétence exclusive de l’inspection générale.
Pour préparer le travail de ce conseil,
une procédure d’étude et de consultation
a été mise en place, en marge de la loi.
Une commission présidée par deux professeurs au Collège de France, le sociologue Pierre Bourdieu et le biologiste
François Gros, a publié en mars un premier texte d’orientation. Neuf commissions spécialisées ont ensuite été constituées, présidées par des universitaires ; à
la fin juillet, elles ont remis leurs rapports
détaillés. Une vaste consultation était ensuite engagée par le biais d’un questionnaire diffusé massivement et d’une série
de colloques régionaux.
Ce travail de réflexion doit permettre
au ministre de prendre des décisions au
printemps 1990 pour qu’une réforme
d’ensemble de l’organisation et des contenus de l’enseignement puisse être mise en
place à la rentrée de 1991. L’objectif prévu
est de limiter la quantité des connaissances à transmettre, pour mettre davantage l’accent sur les méthodes et sur l’effort personnel des élèves ; mais aussi de
rééquilibrer l’enseignement secondaire,
où le poids des mathématiques est jugé
excessif.
Estimé nécessaire par le ministre de
l’Éducation nationale, cet aménagement
de l’enseignement est considéré avec méfiance par les enseignants, qui craignent
qu’il se fasse au détriment de leurs disciplines respectives. Les informations
– plus ou moins fondées – qui avaient
percé des premières réflexions de la commission Bourdieu-Gros ont largement
contribué à aviver le mouvement de protestation qui a secoué le corps enseignant
en février-mars, à propos de la revalorisation. D’où le souci du ministre d’éviter
que les deux sujets ne se télescopent ;
mais aussi son désir d’aller vite, pour que
le débat n’ait pas le temps de dégénérer en
un affrontement idéologique impossible
à maîtriser.
Faits divers
En France, la criminalité reste stable. Bon
an mal an, le pays aligne son cortège
d’homicides volontaires, de vols qualifiés, de
criminalité moyenne dans une atmosphère
banalisée. La drogue est dénoncée périodiquement et le principal fait divers mystédownloadModeText.vue.download 291 sur 509
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290
rieux, l’affaire Cons-Boutboul, s’enlise dans la
procédure.
Des drames pourtant surgissent du quotidien pour rappeler que le crime et la fureur
ne sont pas anesthésiés. Ainsi, à Luxiol, dans
le Doubs, cette tragédie de la folie, trente
minutes de terreur dans un village : le 12 juillet, entre 14 h et 15 h, un homme de 31 ans,
agriculteur, va tuer 14 personnes, membres
de sa famille et voisins ; il va tirer sur tout ce
qui bouge. Sa route sanglante s’achèvera
lorsque les gendarmes le blesseront et le
maîtriseront.
Sombre histoire paysanne, Christian Dornier, tout le monde le savait, avait, comme
les médecins disent pudiquement, des problèmes. Ses frères et soeurs s’étaient mariés
et avaient quitté la ferme, et son père, peu
à peu, s’était détourné de cet enfant sans
regard qui semblait trop absent. On le supportait, voilà tout, comme on supporte, à la
campagne plus facilement qu’ailleurs, ceux
qui paraissent différents.
Christian Dornier avait très mal pris que
son père, au moment où il allait prendre
sa retraite, ait mis l’exploitation au nom de
sa femme, prolongeant ainsi son règne sur
la ferme que le fils convoitait. L’élément
déclenchant fut le mariage de la deuxième
fille des Dornier et cette joie provocante au
cours des noces.
Mais comment réellement apprécier la
raison de cette déraison ? À 14 h, Christian
prend son fusil de chasse. Il tire sur son père,
le blesse gravement et s’enfuit. De sa voiture,
il crible de balles tout ce qui se présente sur
son passage dont un enfant de dix ans qui
en mourra. Au niveau du fait divers, c’est la
demi-heure la plus sanglante de la décennie.
Pierre Bois
Des initiatives retentissantes
Une autre disposition importante
prévue par la loi d’orientation – la seule
peut-être qui ait rendu nécessaire le recours à la loi – est la création d’Instituts
universitaires de formation des maîtres
(IUFM), dans lesquels seront formés les
futurs instituteurs et les futurs professeurs du secondaire préparant le CAPES.
Ces établissements ayant le statut universitaire, ils se substitueront aux écoles
normales d’instituteurs et aux différents
centres de formation des professeurs de
l’enseignement général et technique du
secondaire. Les élèves y entreront après
la licence et y suivront une formation
professionnelle de deux ans. Ces centres
seront mis en place en 1992, quelquesuns commençant à fonctionner à titre
expérimental dès la rentrée 1990.
Si la loi d’orientation sur l’éducation
traite peu de l’enseignement supérieur –
à l’exception de la création des IUFM –,
ce secteur n’a pas été laissé de côté par le
ministre de l’Éducation nationale. Après
avoir mis un terme à la confusion qui régnait sur le plan institutionnel, en généralisant l’application de la « loi Savary »
sur les statuts des universités, celui-ci a
lancé, sous l’impulsion de son « conseiller
spécial », le géophysicien Claude Allègre,
plusieurs initiatives appelées à avoir un
profond retentissement.
La plus importante est la mise en
oeuvre d’une politique contractuelle
entre l’État, les régions et les universités,
qui doit permettre de définir des politiques régionales de développement de
l’enseignement supérieur, destinées en
particulier à harmoniser les formations
du premier cycle (universités – classes
préparatoires – IUT – BTS – filières professionnelles à caractère régional). Cette
planification décentralisée quadriennale
est censée faciliter l’insertion dans l’enseidownloadModeText.vue.download 292 sur 509
SOCIÉTÉ
291
gnement supérieur des masses de bacheliers qui doivent y parvenir dans les années à venir. Elle répond d’autre part aux
demandes des régions qui souhaitent voir
leurs compétences s’étendre à l’enseignement supérieur qui, aujourd’hui, dépend
exclusivement de l’État.
Cette politique passe notamment par
un renforcement de l’autonomie des universités, rendue possible par l’élargissement des compétences financières et des
capacités de gestion des établissements
et par l’allègement de la réglementation.
Une série de mesures concrètes allant
dans ce sens a été annoncée par le ministre de l’Éducation nationale, au cours
d’un colloque sur le financement de l’enseignement supérieur, organisé les 26 et
27 avril à l’université de Paris-Dauphine
par le Monde et par la Revue française de
finances publiques.
L’effort du ministre porte aussi sur
l’organisation de la recherche. Après avoir
rétabli la « thèse Savary », qui avait été
abandonnée par le gouvernement Chirac,
il a lancé un programme visant à « mus-
cler » la recherche universitaire, par la
constitution de « pôles d’excellence » dans
les régions les mieux équipées (pour faire
face à la concurrence internationale), par
l’ouverture sur le monde industriel (en
facilitant la mobilité des chercheurs), par
la création d’un « monitorat d’initiation
à l’enseignement supérieur » (pour aider
financièrement les étudiants préparant
une thèse et reconstituer le vivier de
jeunes chercheurs), par la création d’un
conseil scientifique de haut niveau, composé pour moitié d’experts européens et
chargé d’évaluer les projets de recherche
des établissements.
Presse
Deux événements expriment l’évolution
accélérée de la presse dans le monde en
1989.
En juin, un « joint venture » unit une société française et le journal soviétique les Nouvelles de Moscou en vue de la publication en
France (à 40 000 exemplaires) d’une version
française de l’hebdomadaire phare de la
perestroïka. En juillet, on assiste à la naissance d’un géant américain de la communication : Warner est racheté par le groupe
Time. L’ensemble pèsera près de 58 milliards
de francs. Deux événements, deux motsclefs : internationalisation, concentration. Et
en France ? Selon le CESP, un peu plus d’un
Français adulte sur deux (55,3 %) continue
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292
de lire au moins un quotidien, national ou
régional. Parmi ces lecteurs, 15 % lisent des
titres nationaux, au premier rang desquels,
le Monde (1,6 million de lecteurs), le Parisien
(1,5) et le Figaro (1,4). Au sein de la presse
quotidienne régionale (PQR), Ouest-France
(765 000 exemplaires diffusés, 2,3 millions de
lecteurs) maintient sa première place, loin
devant le Dauphiné libéré et la Voix du Nord
(1,3 million de lecteurs chacun).
La PQR a entendu de nombreuses rumeurs
de rachat de titres : le Républicain lorrain par
le groupe Cora, la Voix du Nord, l’Est républicain, le Midi libre par le groupe Hersant
et la Dépêche du Midi par le groupe Hersant
ou par Robert Maxwell. Pourtant, à l’exception de Ouest-France et de la Voix du Nord,
tous les grands titres régionaux ont connu,
au cours des six dernières années, un effritement de leur diffusion. Cela n’empêche pas
de nombreux industriels et groupes de médias de s’y intéresser, car la presse régionale
française est loin d’avoir absorbé toutes les
possibilités de la publicité locale.
La fermeture de l’Agence centrale de
presse, annoncée par son actionnaire majoritaire Robert Maxwell, ne devrait pas contribuer à garantir la pluralité de l’information.
Jules Chancel
Un autre volet de l’action gouvernementale en ce domaine concerne la
vie étudiante, avec la création par la loi
d’orientation d’un « observatoire de la vie
étudiante » dont la mise en place a été
assez laborieuse. Cet observatoire doit à
la fois étudier les évolutions et les besoins
de cette population et faire des propositions d’actions au ministre. Une mission
de rénovation des campus universitaires
a été confiée à une équipe d’architectes et
d’urbanistes et, pour 1990, le ministre a
annoncé des initiatives dans le domaine
des bourses, du logement et de l’animation culturelle.
La nécessité de telles actions a été ressentie de façon aiguë à la rentrée universitaire, car les mauvaises conditions matérielles qui existent dans les universités
ont entraîné de nombreux mouvements
de protestation.
L’incident
Marquée par les deux grands débats
sur la revalorisation de la condition
enseignante et sur la loi d’orientation, l’année 1989 s’est terminée, de façon inattendue, par la remise en cause de la laïcité, à
l’occasion d’un incident survenu dans le collège de Creil, dans la région parisienne, où
trois jeunes musulmanes ont refusé d’enlever leur foulard islamique dans la classe.
Cet épisode, apparemment mineur, a lancé
un débat national sur l’intégration des immigrés et sur l’attitude de l’Éducation nationale
face au comportement de certaines minorités religieuses. L’école laïque peut-elle accepter le port en classe de signes de reconnaissance à caractère confessionnel ? Tandis
que certains – dans les milieux politiques et
enseignants – mettent en avant la nécessité
d’une stricte neutralité, d’autres – et notam-
ment l’épouse du président de la République
– prônent la tolérance, estimant que l’école
doit être ouverte à toutes les sensibilités, si
elle veut accueillir tous les enfants, notamment ceux de minorités d’origines culturelles différentes.
Ce débat, qui a pris des allures très vives et
divise la plupart des familles spirituelles ou
des formations politiques, suit une réflexion
plus générale amorcée depuis plusieurs
mois par des responsables de l’Église et de
la Ligue de l’enseignement, en faveur d’une
conception plus ouverte de la laïcité, perdownloadModeText.vue.download 294 sur 509
SOCIÉTÉ
293
mettant notamment d’introduire l’enseignement religieux à l’intérieur des écoles.
Dans ce qui est devenu « l’affaire du foulard », le ministre de l’Éducation nationale a
pris une position modérée qui a surpris ses
amis politiques. S’il se déclare résolument
hostile au port du foulard en classe, Lionel
Jospin insiste aussi sur le refus de l’exclusion
et sur le risque qu’une position intransigeante ne fasse le jeu des intégristes et renforce ceux qui demandent la création d’un
enseignement confessionnel musulman.
Consulté par le ministre de l’Éducation nationale, le Conseil d’État a indiqué que c’était
aux établissements eux-mêmes de décider
d’interdire ou non le foulard, en fonction
d’un certain nombre de critères, précisés le
20 décembre.
Malgré son caractère un peu irréel, en raison de la disproportion entre l’incident et
l’ampleur des réactions, « l’affaire du foulard » a le mérite de poser le problème des
trop grandes concentrations d’immigrés et
d’obliger de nombreux responsables à réfléchir sur la question de leur intégration.
FRÉDÉRIC GAUSSEN
Fondateur du Monde de l’Éducation, Frédéric Gaussen est responsable de la rubrique de l’éducation et
du supplément Campus du Monde.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
294
La réforme
du Code pénal
La France se prépare à abolir son Code
pénal. Des cinq codes que Napoléon
avait décidé de donner au pays, l’un – le
Code d’instruction criminelle – a disparu
en 1959, remplacé par un Code de procédure pénale ; deux autres sont en piteux
état : le Code de commerce perd ses articles, abrogés et remplacés peu à peu par
des lois non codifiées, et le Code de procédure civile est progressivement dévoré
par un Nouveau Code de procédure civile.
Restent intacts, mais plus ou moins profondément modifiés depuis leur promulgation, le Code civil et le Code pénal, qui
datent respectivement de 1804 et de 1810.
Un Code « médiocre »
Considéré comme l’un des fruits de la
Révolution, admiré par Stendhal, célébré
dans les écoles primaires, le Code civil est
devenu un monument vénérable auquel
on n’apporte plus que des retouches sans
oser songer à l’abattre. Le Code pénal, en
revanche, n’inspire pas un tel respect. Par
l’effet d’une comparaison machinale avec
le Code civil, on a pris l’habitude de dire
qu’il est « médiocre ». Sous la IIIe République, il avait été menacé par deux projets de réforme. Le premier (de 1894)
s’était empêtré dans les lenteurs de la
procédure parlementaire, et le second (de
1934) avait été oublié dans les tourments
de la guerre.
Le Code pénal atteignit donc son
cent-cinquantenaire. En 1960, on lui fit
une grande fête, alors qu’il ne ressemblait
plus guère à ce qu’il avait été en 1810 car
de très nombreux textes (lois, décretslois, décrets ou ordonnances) l’avaient
profondément remanié. À ce moment,
on le croyait sauvé ; mais le bouillonnement rénovateur qui inspira M. Giscard
d’Estaing dans les premiers mois de son
septennat ne l’épargna pas. Une commission de révision fut instituée dès le
8 novembre 1974, et le garde des Sceaux
annonça qu’elle aurait achevé ses travaux
dans l’année. En juillet 1976, elle ne livra
pourtant que ceux qui affectaient la partie
dite « générale » du Code, celle qui dresse
la liste des peines, pose les règles communes à toutes les infractions (tentative,
complicité...), définit les causes d’exonération (démence, légitime défense...), et
que l’on oppose à la partie « spéciale »,
qui décrit une à une les centaines d’infractions (meurtre, viol, escroquerie...).
Le texte de 1976, modifié en 1978
pour tenir compte de divers avis, était
assez étonnant : il évitait les termes
« peine » et « responsable », car ses auteurs pensaient que la réaction d’un État
laïc à la délinquance ne devait pas reposer sur le présupposé de la responsabilité
individuelle ou sur celui du libre arbitre
et qu’elle devrait consister en des « sanctions » adaptées à des projets pragmatiques, comme la réadaptation.
L’accueil des spécialistes, comme
celui du garde des Sceaux, M. Peyrefitte,
fut très hostile. Ce dernier fit même vodownloadModeText.vue.download 296 sur 509
POINT DE L’ACTUALITÉ
295
ter des textes d’inspiration très contraire
à celle du projet : la loi du 22 novembre
1978, qui institua la période de sûreté,
minimum incompressible des peines
d’enfermement, et la célèbre loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981, dont la
préparation et le vote donnèrent lieu à
d’intenses polémiques entre la droite et
la gauche.
Après le changement de majorité en
1981, M. Badinter donna à la Commission de révision un signe d’encouragement très appuyé, puisqu’il en devint le
président. Cette nomination, décidée au
moment de la suppression de la Cour de
sûreté de l’État et de l’abolition de la peine
de mort, alors que les passions politiques
étaient vives, eut un inconvénient : la
Commission passa d’autant plus facilement pour un instrument de la nouvelle
majorité que ses productions de 1976 et
de 1978 avaient déplu aux conservateurs.
Cette donnée, depuis lors, n’a pas cessé de
marquer l’évolution de l’affaire.
Après 1981, la partie générale du
nouveau projet fut remaniée de façon à
réintroduire les termes « peine » et « res-
ponsabilité », trop légèrement répudiés,
mais l’idée fut conservée que la meilleure
des politiques criminelles était celle qui
confiait au juge de larges pouvoirs d’individualisation de la peine. La Commission publia son texte en juin 1983 puis le
retoucha encore une fois, de telle façon
que le Premier ministre put, le 20 février
1986, déposer devant le Sénat un « projet
de loi portant réforme du Code pénal ».
On y trouve non seulement la partie générale du Code mais aussi deux « livres »
de sa partie spéciale : ceux qui traitent des
« crimes et délits contre les personnes » et
des « crimes et délits contre les biens ».
À l’époque de la cohabitation, le projet
ne fut pas discuté. Le Sénat ne s’en saisit
qu’après les élections de 1988 et délibéra
du livre premier, qui contient la partie
générale, lors de plusieurs séances tenues
entre le 9 et le 18 mai 1989. L’Assemblée
nationale fit de même les 10, 11 et 12 octobre 1989 ; mais il faudra attendre encore
quelques années pour que les textes ainsi
examinés en première lecture deviennent
le Nouveau Code pénal français. En effet,
certaines règles constitutionnelles imposent que la partie générale du Code ne
soit pas promulguée avant sa partie spéciale, laquelle comprendra, outre les deux
« livres » déjà prêts, un « livre IV » relatif
aux infractions contre « la paix publique
et les institutions républicaines ». Le vote
de cet ensemble ne pourra pas intervenir
avant 1992.
La réforme du président
Les débats parlementaires ont révélé
au grand jour les difficultés de l’entreprise. Les plus graves concernent l’utilité de la réforme : d’autres intéressent
quelques nouveautés qu’on y trouve. En
effet, le gouvernement et les rapporteurs
ont eu quelque peine à fournir de fortes
raisons propres à justifier le changement
de Code. Ils se sont efforcés de montrer
les défauts du Code de 1810. Son grand
âge est un argument assez simpliste qui,
de surcroît, condamnerait de nombreuses
lois. Son plan est sans doute maladroit,
mais moins que celui du Code civil et cela
n’a jamais gêné personne. Il contient bien
quelques incriminations critiquables,
mais un petit nombre de retouches auraient pu j mettre bon ordre.
À l’opposé, un nouveau Code aurait
l’avantage de faire une place plus grande
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
296
aux Droits de l’homme ; mais, si la chose
est nécessaire, elle suppose plutôt une
réforme du Code de procédure pénale
qui contient les règles présidant à la détention, à la garde à vue, à l’arrestation.
On prête encore au projet le mérite de
mettre en forme de loi des règles qui
ne résultent encore que de la jurisprudence, c’est-à-dire des manières de juger
habituellement suivies par les tribunaux.
Toutefois, lorsqu’ils en furent à ce stade,
à propos, par exemple, de la contrainte et
de la légitime défense, les parlementaires
découvrirent qu’on ne peut condenser en
quelques lignes les solutions juris-prudentielles et même que, en modifiant des
textes, on risque de détruire les règles
qu’il s’agit précisément de conserver.
Enfin, le nouveau Code devrait éviter
au juge d’avoir recours à l’emprisonnement. Les institutions inventées depuis
1975 suffisaient pourtant à satisfaire cette
ambition.
Soulignant toutes ces faiblesses,
de nombreux professionnels du droit
avaient clairement dit qu’ils n’avaient nul
besoin d’un nouveau Code. Dès 1986, la
Cour de cassation elle-même l’avait fait
savoir par l’intermédiaire d’une commission restreinte dont M. Arpaillange, son
procureur général, était alors membre.
Bref, lorsque, au printemps de 1989,
s’ouvrit la discussion parlementaire, chacun se souvint que la réforme émanait de
la seule volonté du président de la République. Il l’avait exprimée de façon assez
inopinée à l’occasion des voeux pour le
nouvel an de 1989 le Monde, 10 mai
1989), et les sénateurs et députés se déterminèrent en considération du désir présidentiel plus qu’en contemplant le texte
offert à leur attention. Cette circonstance
aggrava encore la politisation du débat.
Le RPR opposa à la discussion parlementaire une « question préalable », tendant
à empêcher tout débat, mais il n’y réussit pas. Les travaux du Parlement furent
constamment marqués par l’opposition
droite-gauche, et, fortement limités dans
le temps, n’eurent guère de profondeur.
Quelques nouveautés
Les nouveautés finalement votées sont
peu nombreuses, mais il en est une qui
est très saillante : la responsabilité pénale
des personnes morales. Il y a longtemps
que celles-ci, c’est-à-dire les sociétés, associations, établissements publics, etc.,
peuvent conclure des contrats, plaider,
être condamnées à des dommages et intérêts, mais, jusqu’à présent, sauf quelques
exceptions comme celle de la réglementation de la concurrence, elles n’étaient
pas susceptibles d’être inculpées, accusées
et condamnées pour des infractions. C’est
cette responsabilité nouvelle que le projet
tend à introduire dans le droit français.
La discussion de ce point fut longue
et âpre, car les opinions étaient très divergentes. Le RPR pensait que le principe de
la responsabilité des personnes morales
rendait flous les fondements mêmes
de la responsabilité pénale, y compris
celle des personnes physiques. Le PCF
trouvait le principe nouveau excellent,
mais voulait qu’il fût réservé aux sociétés commerciales et épargnât les partis
politiques, associations, syndicats, institutions représentatives du personnel. Le
PS, unanime derrière la Commission de
révision, voulait que la règle nouvelle fût
aussi large que possible. Les associations
patronales n’y voyaient pas d’inconvénients, à condition que la condamnation
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POINT DE L’ACTUALITÉ
297
pénale de la personne morale interdise
que l’on recherche cumulativement la responsabilité de ses dirigeants, personnes
physiques. Le Sénat admit le principe en
l’enfermant dans les limites que proposaient à la fois le PCF et les employeurs,
mais l’assemblée suivit la thèse du PS en
ajoutant que les dirigeants de la personne
morale pourraient être condamnés en
même temps qu’elle, à condition d’avoir
commis « une faute personnelle ».
Le principe ayant été énoncé, il fallait
encore inventer des peines adéquates.
Ce furent la dissolution, pour les cas très
graves, diverses interdictions, qui réduisent la capacité de la personne morale
ou l’empêchent d’exercer l’activité pour laquelle elle a été fondée, et enfin l’amende,
dont l’Assemblée nationale a voulu qu’elle
fût du décuple de celle encourue par un
particulier.
Les règles ainsi énoncées ne s’appliqueront pas de plein droit chaque fois
qu’une personne morale pourra être impliquée dans une infraction quelconque :
il faudra encore que, dans les parties
spéciales du Code, qui restent à voter,
on trouve une disposition expresse en ce
sens, qui impute aux personnes morales
telle ou telle infraction.
En dehors de cette importante affaire
des personnes morales, les dispositions
examinées cette année contiennent peu
de nouveautés. Il convient de retenir
que la période de sûreté n’a pas été supprimée, mais qu’elle est toujours facultative pour les cours et tribunaux, alors
qu’aujourd’hui elle s’applique encore de
plein droit à certains criminels odieux.
L’Assemblée a rejeté une proposition qui
instituait une peine « inexorable » en
remplacement de la peine de mort abolie
depuis 1981.
Des débats assez confus ont eu lieu
autour des « peines de substitution »,
mesures que le juge peut prononcer à la
place de l’emprisonnement, et qui existent
déjà dans notre Code actuel. Ce sont, par
exemple, l’annulation ou la suspension
du permis de conduire, la confiscation ou
l’immobilisation d’un véhicule... Certains
députés ont fait valoir que l’immense
faculté d’individualisation ainsi laissée
au juge contenait un risque d’arbitraire,
et proposèrent en conséquence que ces
diverses sanctions soient insérées dans la
liste des peines normalement encourues
au même titre que l’emprisonnement.
On pourrait, par exemple, punir la diffamation par la suspension du permis de
conduire et l’escroquerie par un travail
d’intérêt général. Le rapporteur du projet de Code admit la pertinence de la critique et de l’observation, mais fit repousser les amendements de l’opposition pour
se donner le temps de réfléchir jusqu’au
prochain examen du texte, en deuxième
lecture.
En un mot, le nouveau Code est loin
d’être prêt.
JACQUES-HENRI ROBERT
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La société des loisirs
ou la vie rêvée
Quantitativement et qualitativement, la société actuelle est celle des
loisirs.
Les Français, comme la plupart des habitants des pays développés, adoptent
de nouveaux comportements. Ils tentent par tous les moyens de substituer le
rêve à la réalité.
L’engouement croissant pour le jeu montre qu’ils veulent redonner au hasard
une place que la société industrielle lui a fait perdre.
Le loisir est une conquête récente des
Français. 1936 en fut la première
étape, avec l’octroi de « congés payés »
à des salariés dont beaucoup se demandèrent avec anxiété comment ils allaient
les occuper. Mai 68 apportait de nouvelles
revendications, plus philosophiques,
concernant le droit à l’épanouissement
individuel dans les différentes phases de
la vie : professionnelle, familiale, sociale,
personnelle. La crise économique de
1973, loin de retarder le processus engagé, l’a au contraire accéléré. La société
« postindustrielle », imaginée par le futurologue Hermann Kahn et l’Hudson
Institute dans les années 60, profitait de
la faiblesse de la société industrielle pour
y faire son lit et manifester son insatisfaction par rapport au présent ainsi que
son angoisse face à l’avenir, notamment
par son goût pour les arts, les voyages ou
même les parcs de loisirs...
La révolution culturelle
En un demi-siècle, c’est donc une
véritable révolution culturelle, sans
drame ni manifestation brutale, qui s’est
produite sous nos yeux. La question
n’est plus aujourd’hui de savoir quand
la France entrera dans la civilisation des
loisirs promise par Joffre Dumazedier il
y a trente ans. Celle-ci est déjà inscrite, et
sans doute définitivement, dans notre vie
quotidienne : rappelons qu’un homme
consacre au cours de sa vie (72 ans en
moyenne) plus de 20 ans au loisir et seulement 8 ans au travail ; rappelons aussi
qu’il passe plus de temps devant un écran
de télévision qu’à son lieu de travail...
Disposant de plus de temps, les Français consacrent aussi plus d’argent à ces
activités choisies : équipements électroniques, voyages, alimentation de fête,
sports, achats de services, etc. On peut
estimer au total qu’environ un tiers du
budget des ménages va directement ou
indirectement à des dépenses destinées à
acheter du temps libre ou à l’utiliser.
Mais le changement n’est pas seulement quantitatif. Comme la plupart de
leurs homologues des pays développés,
les Français ont adopté au cours de ces
dernières années une nouvelle mentalité vis-à-vis du loisir. Celui-ci s’affirme,
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SOCIÉTÉ
299
de plus en plus, comme une véritable
activité, au même titre que le travail. Le
« loisir-récompense », héritage judéochrétien deux fois millénaire, n’est donc
plus d’actualité, en particulier pour les
jeunes générations, qui se sentent nullement contraintes de « gagner leur vie (et
leur coin de paradis) à la sueur de leur
front ». Au cours des années 80, les Français (et les Françaises, phénomène inédit)
ont ainsi redécouvert l’existence de leur
corps et cédé à leurs pulsions naturelles
pour le jeu, la fête, la liberté. Le principe
de jouissance est aujourd’hui prioritaire
par rapport à celui de réalité.
Le loisir est donc le grand sujet de
l’époque, sujet de conversation, de satisfaction, d’étude, de revendication, parfois d’inquiétude ou de frustration. Il
constitue aussi un énorme marché sur
lequel opèrent la plupart des entreprises,
qu’elles vendent des automobiles, des programmes de télévision, des équipements
de sport ou des pizzas à domicile. Il est
intéressant, dans ce contexte, d’examiner
l’évolution récente de la demande et de
l’offre qui l’a suivie, ou parfois précédée.
Le rêve plus important que la réalité
L’un des phénomènes sociologiques
les plus forts de ces dernières années est
la propension des Français à préférer le
rêve à la réalité. On trouve les manifestations de cette tendance dans la plupart
des activités de loisirs. Les films qui font
le plus d’entrées racontent des histoires
en forme de contes de fées (Bagdad Café,
Romuald et Juliette, Crocodile Dundee),
donnent la vedette à des animaux (le
Grand Bleu, l’Ours, Roger Rabbit) ; les
films fantastiques ou de science-fiction
(Batman) battent des records de nombre
d’entrées. Les héros du quotidien, comme
dans les films de Sautet, attirent moins de
spectateurs que les grosses machines oniriques américaines ; on ne les voit même
plus à la télévision, où Dallas a depuis
longtemps remplacé le Temps des copains.
Les médias portent d’ailleurs une
lourde responsabilité dans cette attitude
nouvelle. La réalité qu’ils montrent est en
effet souvent partielle, sinon partiale. Elle
fait l’objet d’une mise en scène destinée à
la rendre plus spectaculaire ; elle est en
fait recréée.
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300
Dans d’autres formes d’art, le réalisme n’est guère à la mode non plus. Les
romanciers contemporains, tels Philippe
Djian, Modiano ou Le Clézio, s’essaient
à d’autres personnages, d’autres décors,
avec d’autres styles que leurs aînés. La
peinture moderne est de plus en plus
intérieure et de moins en moins descriptive. Les sculpteurs ne reproduisent
pas des formes : ils donnent du volume
et du poids à des images abstraites. La
photographie, la bande dessinée, les clips
musicaux mettent en scène des héros
symboliques qui évoluent dans des univers oniriques. La musique, de Jean-Michel Jarre à Michaël Jackson, utilise des
instruments et des sonorités propres à
déclencher le rêve. La publicité, qui participe de toutes ces disciplines artistiques,
cherche aussi de plus en plus souvent à
transcender la réalité du produit qu’elle
vante : décors, acteurs, éclairages, angles
de prise de vue, montage contribuent à
inscrire les images publicitaires dans un
« autre monde ».
Gastronomie
Écartons l’espoir déraisonnable : nos
vins ont connu plusieurs années du
siècle. Mais, déjà, 1989 s’annonce comme
un somptueux millésime. Constamment
chaud, l’été a été favorable à la vigne, qui
a bien supporté la sécheresse avec l’aide
de pluies modérées. Les vendanges ont été
souvent avancées de quinze jours à trois
semaines ; la chaptalisation a été partout
évitée. Les vins de Loire ont atteint 12 à 14°,
le beaujolais 12,5°. Riches, pleins et structurés, les bourgognes blancs ont suscité
des enchères passionnées à la 129e vente
des Hospices de Beaune. Les bourgognes
rouges, charnus, développent déjà des
arômes puissants et sont « marqués par un
moelleux révélateur des grandes années ».
Néanmoins, la faible acidité de ces vins du
soleil posera parfois des problèmes.
La réduction de la production et la croissance des exportations ont provoqué une
hausse de 30 % en Beaujolais et un doublement du prix des bourgognes blancs.
Aussi, d’excellentes appellations contrôlées
de moindre lustre attirent l’attention des
restaurateurs. Dans le même esprit, l’intérêt d’une cuisine simple et authentique a
conduit Maximin, à Nice, Verger, à Cannes,
à ouvrir leur bistrot, et Terrail à inaugurer un
mâchon parisien à côté de la Tour d’Argent.
Un retour aux sources s’est aussi manifesté
par la réouverture de la Pyramide, à Vienne,
du Chapon fin, à Bordeaux, et par la sauvegarde de la Boule d’Or, à Versailles, classée
provisoirement par les Beaux-Arts. Accompagné de l’édition 1900, mais rajeuni de
bleu et de vert impressionnistes, le guide
Michelin fête ses 80 ans ; Gault et Millau,
pour leur vingtième anniversaire, ont couronné Bocuse, Girardet et Robuchon cuisiniers du siècle, conciliant ainsi innovation
et tradition, comme Bakus, le premier système expert de la gastronomie, né en octobre, sous la forme de thèse, à l’université
de Paris-IX.
Georges Grelou
Tous les créateurs semblent s’être
donné le mot pour accorder à l’imagination une place plus grande qu’à l’observation. Comme leurs concitoyens, ils
tendent à fuir une réalité qui les inquiète
plus qu’elle ne les rassure. Ne trouvant
plus leur inspiration dans la réalité quotidienne, ils en inventent une autre, qui
se plie plus facilement à leurs désirs ou à
leurs fantasmes.
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SOCIÉTÉ
301
Le grand retour du jeu
L’engouement croissant pour les jeux
de toutes sortes s’inscrit aussi dans ce
désir, souvent inconscient, de rêver sa
vie. Le Loto est devenu pour 20 millions
de Français un acteur potentiel de leur
destin personnel ; le seul capable de
leur permettre de changer d’existence,
de la dévier ou seulement d’en enjoliver le cours. Les paris sur les courses,
qui représentent chaque année plus de
30 milliards de francs, concernent (au
moins occasionnellement) 8 millions
de personnes. Au classique tiercé s’était
ajouté le quarté, aux gains plus spectaculaires. À la fin de 1989 arrive le quinte,
dont les parieurs peuvent espérer devenir millionnaires.
Les chaînes de télévision ont bien
compris l’importance de la part du rêve
et multiplient les occasions de « gagner ».
Autour de la Roue de la fortune, des émissions de jeux (souvent importées des
États-Unis) se sont installées sur toutes
les chaînes et servent de locomotives aux
journaux de 20 heures tout en accroissant
les revenus publicitaires. Les films et les
séries sont maintenant des prétextes à
concours. Du voyage exotique au four à
micro-ondes, la panoplie des « cadeaux »
n’a de limite que celle de l’imagination.
Car les producteurs savent que la carte
du rêve coïncide avec celle de l’audience
et de la rentabilité.
La quête de la fortune s’accompagne donc aujourd’hui de l’attente de
la « bonne fortune », c’est-à-dire de la
chance. Dans une société très structurée,
où l’aventure est devenue un métier, on
se donne le frisson en suivant celle des
autres dans les médias ou en espérant
être choisi par le hasard. Ces pratiques ne
sont certes pas condamnables ; l’instinct
du jeu et le besoin de rêve sont tous deux
inhérents à la nature humaine. Mais on
pourrait sans doute s’inquiéter de l’avenir
d’une société où l’acte d’achat d’un bulletin du Loto tiendrait lieu d’effort individuel pour améliorer son sort.
Le développement des jeux vidéo n’est
pas moins significatif de cette tendance
à éloigner le réel. Ceux que l’on trouve
dans les lieux publics (jeux d’arcade)
ont atteint une sophistication extrême :
simulateurs de pilotage, jeux d’aventure
intergalactique ou de guerre à la Rambo. On les retrouve dans des versions à
peine moins spectaculaires sur les ordinateurs individuels et les consoles que les
enfants branchent sur le téléviseur familial. Leur caractéristique commune est
de présenter une vision « fantastique »
de la vie. Contrairement à ce que l’on
pourrait croire, les simulateurs de pilotage ne ressemblent pas à la réalité ; ils
la transcendent. Les avions, hélicoptères,
voitures ou motos sont des engins de
science-fiction ; ils explosent, produisent
de terribles accidents... et repartent aussitôt, profitant de leur immatérialité.
C’est là d’ailleurs que se situe le paradoxe : les images de synthèse électroniques qui donnent naissance aux jeux vidéo, comme aux dessins animés japonais
ou aux génériques d’émissions, semblent
à première vue d’un réalisme prodigieux.
Mais elles n’ont pas d’existence réelle, ce
qui autorise toutes les manipulations
de la réalité. La frontière entre la réalité
et l’image faussement réaliste qui en est
donnée n’est guère facile à distinguer, en
particulier pour les jeunes qui font une
grande consommation d’audiovisuel.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
302
Le voyage, au propre et au figuré
Voyager, c’est simplement « se déplacer hors de sa région ou de son pays »
(Petit Larousse). Mais la charge symbolique du mot est très forte ; on peut, en
voyageant, changer de lieu, d’identité,
d’activité, d’habitudes, bref de vie. Au
sens figuré, on peut aussi se déplacer hors
de soi-même. C’est sans doute pourquoi
l’idée de voyage occupe une place croissante dans la vie des Français. Ils sont de
plus en plus nombreux à s’accorder des
périodes de rupture et de liberté, réparties tout au long de l’année.
La façon dont les Français passent
leurs vacances est d’ailleurs significative
des grands mouvements sociologiques
de l’époque. Le souci d’individualisme
et de personnalisation est croissant. Le
temps des vacances standardisées, avec
les mêmes activités imposées à tous, est
révolu. Les « produits » proposés doivent
désormais permettre un choix de plus en
plus large ; l’épaisseur des catalogues en
témoigne. De même, la passivité, qui fut
longtemps l’apanage des congés payés, n’a
plus cours aujourd’hui. Les vacanciers de
la fin des années 80 veulent profiter de
ces moments privilégiés pour s’enrichir
culturellement : découvrir de nouveaux
paysages ; apprendre de nouvelles activités, sportives ou manuelles.
Une autre revendication essentielle,
commune à la plupart des vacanciers,
est celle du confort et de la sécurité. Pas
question de subir les menaces ou les
agressions d’un environnement hostile.
La qualité de la literie, l’assurance de
trouver un médecin ou de pouvoir rapatrier sa voiture sont des composantes des
vacances réussies. Les tour-opérateurs et
les responsables de clubs devront donc
faire preuve de beaucoup d’imagination
pour inventer des formules propres à satisfaire ces nouvelles exigences.
Il faut dire enfin un mot des autres
formes de voyage ; on peut partir de
soi-même comme on part en vacances à
l’étranger. Le rêve en est le véhicule essentiel ; l’imagination, le support. Ce type de
voyage est largement favorisé par l’environnement médiatique décrit précédemment : images de synthèse, créations artistiques, publicité, jeux de toutes sortes.
Ce n’est évidemment pas un hasard si la
drogue prend une place croissante dans
les sociétés développées. Le « voyage »
auquel elle conduit n’a rien à voir avec
ceux proposés dans les catalogues. Mais
beaucoup de jeunes ou d’artistes en mal
de création voient en elle une réponse
aux difficultés du quotidien et à des perspectives d’avenir maussades. Si le tabac
et l’alcool tendent à diminuer ou à stagner, c’est sans doute qu’ils constituent
des « drogues » trop douces, et surtout
socialement acceptées, donc non contestataires. Or, le voyage permis par les drogues est avant tout individuel, en marge
d’une société : dans laquelle on ne parvient pas à s’intégrer.
Vie pratique
Les appareils ménagers vont toujours
plus loin pour rendre davantage de services. En cuisine, les appareils sophistiqués
font la triple alliance des modes de cuisson. Ils offrent en même temps grill, chaleur tournante et micro-ondes. Les fours
à multifonctions, dans lesquels le tournedownloadModeText.vue.download 304 sur 509
SOCIÉTÉ
303
broche s’impose, permettent de doser la
puissance selon les besoins. Les tables de
cuisson, à l’entretien simplifié, révèlent une
esthétique de pointe et annoncent l’ère de
la vitrocéramique.
Froid statique et froid ventilé permettent
des combinaisons variées. Sur les réfrigérateurs, les trois portes se remarquent. Côté lavage, l’électronique impose sa loi. Désormais
les machines pèsent le linge, reconnaissent
la nature des textiles et adaptent ensuite le
programme de lavage. La carte minceur est
l’atout des sèche-linge. Ils mesurent 45 centimètres de large. Équipés de sonde, ils permettent de quantifier le degré de séchage.
Le linge sort prêt à repasser ou à ranger, selon les cas. Même option pour les lave-vaisselle taille fine, discrets et silencieux.
Les préparateurs culinaires prônent la
cuisine minceur. Dotés de variateurs électroniques de puissance, ils préparent jus de
fruits et coulis très rapidement. Les cafetières
travaillent « en profondeur » pour une meilleure répartition de l’eau sur la mouture de
café. Les fers à repasser, contrôlés électroniquement, offrent une température à efficacité optimale et jouent de plus en plus « la
carte du sans fil à l’emploi ».
Miniaturisation, décidément un mot à la
mode en 1989. Les plats, les légumes et les
petites gourmandises tout préparés se présentent désormais en portions individuelles,
pour satisfaire un nombre croissant de célibataires. Les poudres à laver jouent aussi la
carte du mini. Les barils ont vu leur taille divisée par deux et même un peu plus. Dans le
même temps, leur efficacité a été multipliée
d’autant. Tout se concentre.
Laurence Beurdeley
Les parcs, loisirs de substitution
Ces attentes nouvelles en matière de
loisirs ne pouvaient qu’être favorables
aux parcs de loisirs. C’est pourquoi ils se
sont multipliés en France, en particulier
autour de Paris. Mirapolis, parc Astérix, le
Futuroscope, Zygofolies, Aquaboulevard,
Center Parcs, le parc des Schtroumpfs et
le futur Euro Dysneyland sont les plus
connus. Le phénomène n’est cependant
pas totalement neuf. Les bases nautiques,
les parcs d’attraction (fêtes foraines), les
parcs animaliers les ont précédés. Les stations de sports d’hiver, dont la France est
particulièrement riche, peuvent aussi être
considérées comme les premiers parcs de
loisirs.
Le développement de ces parcs constitue une illustration particulièrement
intéressante de l’évolution des modes
de vie. Ils constituent en fait un substitut à un certain nombre de pratiques
en régression, bien qu’encore largement
répandues. La première est la disposition d’une résidence secondaire, spécialité nationale puisqu’elle concerne un peu
plus d’un ménage sur dix. Beaucoup ont
découvert que la maison de campagne
présentait à l’usage trois inconvénients
majeurs : coût d’entretien élevé ou obligation de passer une partie importante de
son temps à réparer la toiture ou à refaire
les canalisations ; difficulté croissante
d’accès, due à l’augmentation notable des
encombrements pendant les week-ends ;
lassitude (souvent ressentie d’abord par
les enfants) liée au fait d’aller toujours au
même endroit. Contraintes financières,
embouteillages et volonté de changement expliquent la désaffection actuelle
vis-à-vis des résidences secondaires et
renforcent l’intérêt des parcs de loisirs de
proximité.
Ceux-ci constituent aussi une alternative aux vacances de neige, très coûteuses
pour les familles, très risquées quant aux
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
304
conditions météorologiques et d’un accès
particulièrement malaisé pendant les
périodes de vacances scolaires. Certains,
tel Center Parcs en Normandie, offrent à
la fois des activités et un hébergement ;
ce sont donc des lieux de vacances susceptibles de concurrencer les stations
des Alpes ou des Pyrénées. Il faut ajouter
que le risque météorologique y est nul,
puisque la plupart des activités sont situées sous une gigantesque bulle de verre
chauffée à température constante.
Ces parcs de loisirs résidentiels sont
en réalité des centres de vacances capables de concurrencer de nombreuses
autres formules. Les clients de Center
Parcs bénéficient, à une heure de Paris,
d’un environnement exotique (palmiers,
plantes tropicales, perroquets) et d’un
grand nombre d’activités, en particulier
aquatiques. Le tout pour un prix très
inférieur à celui d’un voyage au Brésil ou
même aux Baléares, et sans les risques
inhérents à ce type de vacances : coups de
soleil ; piqûres d’insectes ; retards d’avion,
etc.
Échecs
Le traditionnel tournoi d’Hastings – sa première édition date de 1895 – a ouvert les
festivités en janvier. Short l’a emporté devant
Kortchnoï. Speelman, Smyslov et Gulko ont
fini à la troisième place. Une jeune Hongroise de douze ans, Judit Polgar, a réussi à
voler la vedette aux stars échiquéennes. Elle
a gagné, détachée, les challengers d’Hastings devant quatre grands maîtres et onze
maîtres internationaux.
En février se sont joués les trois derniers
quarts de finales qui devaient servir à désigner le futur adversaire de Kasparov. Speelman, qualifié en 1988 au détriment de Short,
était déjà en demi-finale. À Seattle, Karpov
a exécuté Hjartarson 3,5 à 1,5. À Anvers,
Timman a battu Portisch 3,5 à 2,5. Au Québec, Youssoupov a eu toutes les peines du
monde à éliminer l’étonnant Spragett. Il y est
parvenu finalement par 5 à 4.
En mars, à Linarès, Ivantchouk (20 ans) a
réalisé sa meilleure performance en gagnant
détaché devant Karpov. Ljubojevic a terminé
troisième, tandis que Short et Timman se
sont partagé la quatrième place de l’un des
tournois de l’année au niveau le plus élevé.
Le même mois, Lugano a vu la victoire de
Kortchnoï et de Petursson. La troisième place
du jeune Français Joël Lautier (champion du
monde juniors en 1988) lui a permis d’obtenir sa première norme de grand maître.
En avril, à Barcelone, Kasparov, avec beaucoup de difficultés, et Ljubojevic ont gagné
la quatrième épreuve de la coupe du monde,
qui en compte six. Salov a terminé troisième
et Kortchnoï quatrième.
En mai, à Moscou, Dolmatov a remporté
l’open de l’Association des grands maîtres.
Akopian, Gavrikov, Vladimirov, Khalifman, De
Firmian (un Américain perdu parmi les Soviétiques) et Geo Timosenko se sont partagé la
deuxième place. Lautier a fini au milieu du
tableau.
La cinquième épreuve de la coupe du
monde a eu lieu à Rotterdam. À la surprise
générale, Timman a devancé Karpov. En tête
à trois parties de la fin, l’ancien champion du
monde s’est écroulé et les a perdues toutes
les trois. Vaganian a obtenu une bonne troisième place.
Au classement ELO du 1er juillet : 1er Kasparov (2 775), 2e Karpov (2 755), 3e Short et
Ivantchouk (2 660). Chez les femmes, Judit
Polgar reste en tête avec 2 555 ; sa soeur
Zsuzsa Polgar est 2e (2 520) et la championne
du monde Maia Tchibourdanidze, 3e (2 495).
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SOCIÉTÉ
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La France est de plus en plus souvent présente sur le devant de la scène échiquéenne.
À Clermont-Ferrand, Dolmatov, Ehlvest,
Korïchnot, Sax et le jeune Français Olivier Renet ont remporté la victoire. Renet a obtenu
sa seconde norme de grand maître. Lautier a
terminé dernier.
En août, l’attention a été retenue par la
sixième et dernière épreuve de la coupe du
monde. À Skelleftea, en Suède, Karpov et
Kasparov ont gagné détachés. Portisch, Seirawan et Short ont fini troisièmes. À l’issue
du tournoi, Kasparov a remporté la première
coupe du monde en devançant Karpov
(3e Salov, 4e Ehlvest – deux Soviétiques – et
5e Ljubojevic).
Pour la seconde fois, Gilles Mirallès a remporté le titre de champion de France. J.L. Seret, E. Prié et L. Roos ont été deuxièmes.
Un incident a pourtant faussé le tournoi. À
quatre rondes de la fin, Jean-Luc Seret a boxé
le tenant du titre Gilles Andruet, et celui-ci, à
la deuxième place au moment de l’empoignade, a été emporté sans connaissance.
En septembre, à Tilburg aux Pays-Bas, un
Kasparov survolté a triomphé avec 12 points
sur 14 possibles. Kortchnoï, deuxième, n’a
fait que 8, 5 ; Ljubojevic et Sax, 7.
En octobre, à Londres, lors de la demi-finale du tournoi des candidats, Karpov et
Timman ont surmonté l’obstacle Youssoupov et Speelman. Ils ont éprouvé les pires
difficultés, mais ils ont réussi tous les deux à
se qualifier sur le score de 4,5 à 3,5.
Alain Fayard
La « bulle » de verre joue ici un rôle
tout à fait symbolique : cocon protecteur
contre les intempéries, la pollution, les
maladies, le froid, etc. On retrouve donc,
transposé dans les loisirs, le phénomène
du « cocooning » caractéristique de la vie
de famille. Le parallèle est d’autant plus
apparent que le foyer tend à devenir luimême une sorte de bulle stérile à l’abri
des menaces extérieures : délinquance,
incommunication, etc.
Concurrents des résidences secondaires, des stations de ski, des vacances
traditionnelles, les parcs de loisirs constituent donc un moyen nouveau d’occuper son temps de loisir. Ils sont aussi,
pour beaucoup de familles, une alternative à la « journée télé » du dimanche,
un moyen de se procurer des émotions
fortes (manèges), de se retrouver dans un
environnement différent (parcs à thème),
bref de se donner le sentiment de vivre
intensément.
Ils semblent si bien, dans leur principe, correspondre aux attentes actuelles
des Français que l’on peut se demander
pourquoi certains connaissent des difficultés : Zygofolies a dû fermer, Mirapolis
a été repris en gestion par le Club Méditerranée et relancé avec l’aide du chanteur
Carlos... Les raisons en sont sans doute
d’abord financières ; les investissements
en équipements et en personnel sont
très lourds et ne peuvent, dans la plupart
des cas, être amortis que sur une partie
de l’année, à cause des conditions climatiques. La recherche d’une rentabilité
conduit donc à des tarifs d’entrée élevés,
qui peuvent être dissuasifs. La seconde
raison est que beaucoup de parcs re-
posent sur un concept destiné aux enfants
(Mirapolis, Astérix, Schtroumpfs...) et ne
prévoient pas assez d’activités intéressant
les parents. Ceux-ci hésitent donc à payer
une entrée à plein tarif, si c’est seulement
pour accompagner passivement leurs
enfants. Il faut dire que les Français, en
matière de loisir comme dans les autres
domaines, sont de plus en plus attentifs
au rapport qualité-prix de ce qui leur est
proposé.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
306
Bridge
En 1989, une nouvelle étape a été franchie
par le bridge français.
La Fédération française de bridge (FFB),
présidée depuis le 14 octobre par JeanClaude Beineix, compte 72 340 membres
(en augmentation de 6,70 % par rapport à
1988). Le premier joueur français reste Paul
Chemla, devant Hervé Mouiel et Michel Perron ; mais la progression la plus spectaculaire
a été effectuée par Jean-Christophe Quantin
(23 ans), qui est passé de la 134e place à la
5e. Du côté féminin, Véronique Bessis s’est
classée première devant Ginette Chevalley
et Danielle Allouche-Gaviard.
En juillet, vingt-cinq pays se sont opposés
lors du championnat d’Europe par équipes
qui a eu lieu à Turku, en Finlande. La Pologne
l’a emporté devant la France (représentée
par C. Mari, J.-C. Quantin, D. Poubeau, M. Salama, E. Eisenberg et P. Sussel). Dans la catégorie Dames, le vainqueur a été l’Allemagne
fédérale devant les Pays-Bas. La médaille de
bronze obtenue par les Françaises a déçu.
En septembre, le championnat du monde
Open « Bermuda Bowl », qui se déroulait à
Perth, en Australie, a vu le succès de l’équipe
brésilienne, devant celles des États-Unis et
de la Pologne. Lors de l’épreuve féminine, les
États-Unis l’ont emporté sur les Pays-Bas, et
le Canada s’est classé à la troisième place.
À l’issue du simultané mondial Epson,
épreuve de masse disputée le même jour
(cette année le 9 juin) par 85 000 participants
(12 500 en France) dans 84 pays, l’équipe polonaise Biegajo-Zembruski a battu les Australiens et les Canadiens.
Quelques best-sellers sont à signaler : de
M. Lebel, la Super majeure 5e (Éd. du Rocher),
de M. Bessis et N. Lebely, Bien enchérir en
défense (Grasset), et de J. Le Dentu, Donnes
extraordinaires (Le Bridgeur).
Enfin, il existe maintenant un service télématique de bridge 3615 Bridgtel, qui a reçu
700 000 appels en douze mois.
Jean-Paul Meyer
Les loisirs, et après ?
S’il ne fait aucun doute que la société
française est entrée depuis quelques années dans ce qu’il est convenu d’appeler la
civilisation des loisirs, l’examen des tendances qui structurent les pratiques actuelles appelle au moins deux réflexions.
La première est que les Français semblent
s’être précipités dans le loisir plutôt pour
fuir une réalité qui les inquiète que pour
vivre mieux ou « être » davantage. La démarche n’est donc pas a priori très positive. Elle conduit à la seconde réflexion :
cette attitude de refus du réel sera-t-elle
durable ou évoluera-t-elle en fonction du
contexte économique, social, politique,
environnemental ?
On est tenté de penser que la situation est conjoncturelle et que le réalisme
retrouvera ses droits dès lors que l’horizon apparaîtra moins lourd de menaces.
Cette société du rêve n’est donc peut-être
qu’une société de transition, entre deux
civilisations, entre deux siècles, entre
deux millénaires. Pourtant, il est probable qu’il faudra du temps pour que les
menaces actuelles (environnement, sida,
chômage, risques technologiques, etc.)
s’éloignent ou disparaissent. Les hommes
devront donc s’accommoder de l’incertitude tout en réparant les erreurs commises par la civilisation qu’ils ont fondée.
La réalité ne devrait plus alors les effrayer,
de sorte qu’ils pourront vivre leurs loisirs
sans en faire un moyen privilégié d’échapper au quotidien.
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SOCIÉTÉ
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Philatélie
Ébauchée en 1988, la célébration philatélique du bicentenaire de la Révolution
française frappe par son ampleur, sinon par
sa qualité.
La Poste honore quelques grandes figures :
en février, ce sont Sieyès, Mirabeau, Noailles,
Barnave et Drouet ; puis, en juin, Mme Roland, Desmoulins, Kellermann, Condorcet.
La série artistique accueille le Serment du jeu
de paume, esquisse de David. La Déclaration
des droits de l’homme est l’objet de toutes
les attentions de Philexfrance dans un blocfeuillet vendu 50 F, ses dix-sept articles sont
repris en août dans un polyptyque horizontal de quatre timbres à 2,50 F. Trois timbres,
Liberté, Égalité et Fraternité, reproduisant
des gravures allégoriques de Duchemin,
sont émis successivement en mars, avril et
mai avant d’être repris en triptyque, accompagnés d’une vignette illustrée du logo de
Philexfrance 89.
Organisée à la Porte de Versailles du 7 au
17 juillet, dans un cadre inspiré de l’architecte C.-N. Ledoux, cette exposition rassemble sur 50 000 m2 quelque 1 080 collections avec leurs trésors, 130 administrations
postales et 270 stands de négociants. Près
de 300 000 visiteurs consacrent le succès
populaire de la « grand-messe mondiale du
timbre-poste ».
La Poste fête le centenaire de la tour Eiffel
en l’associant, en une série de cinq timbres, à
Notre-Dame et aux dernières réalisations architecturales parisiennes : l’Opéra Bastille, la
Pyramide du Louvre et l’Arche de la Défense.
Une émission marque la tenue en ce lieu du
sommet des pays industrialisés. Les ÉtatsUnis célèbrent le vingtième anniversaire de
la conquête lunaire quand la France s’arrête
sur la seconde mission spatiale franco-soviétique. La splendeur de Vaux-le-Vicomte,
magnifiée par un beau timbre panoramique,
et la réussite technique du TGV ont mérité
un juste hommage philatélique.
Hervé Robert
GÉRARD MERMET
Gérard Mermet, ingénieur A.M. et M.B.A. de
l’Université Columbia (New York), est un spécialiste
de l’analyse des modes de vie des Européens et du
changement social. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la société française et collabore avec des
sociétés d’études. Il anime chaque semaine l’émission
Francoscopie sur Radio-France internationale. Il
vient de publier : Francoscopie (Larousse, 1988).
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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Mode
Une mode cousue d’or, baroque
et orientaliste
Brocart et broché, lamé, satin et tweed
cousus d’or, pluies de paillettes et de pépites,
broderies « 18 carats », en cette fin de décennie, la mode faisait une entrée théâtrale dans
l’univers baroque.
Avec la renaissance de l’esprit couture
réapparaissait l’envie de faste. Étincelante,
éblouissante, somptueuse, flamboyante, la
mode se prêtait à une luxuriance de vocabulaire. L’or tissait les fils de la séduction dans
les matières de l’année et illuminait de ses
feux les effets de style d’Yves Saint-Laurent
le Magnifique, les créations d’Angelo Tarlazzi, qui avait succédé en haute couture à Guy
Laroche, les tailleurs de Christian Lacroix,
qui avait imaginé de la guipure dorée, les
tournures en or et velours de Roméo Gigli,
la révélation des collections.
Broderies « cabochons », écussons de
pierreries, boutons-bijoux, ganses de passementerie parsemées de strass de couleurs
avaient lancé leurs éclats sous les projecteurs de l’actualité. En ces ultimes mois des
années 80, les perles s’enfilaient en de jolies
étoffes, s’alanguissaient sur de grands décolletés. Elles nacraient encore les visages de leurs
doux reflets ; elles se pavanaient insolemment
autour des tailles.
Signes extérieurs de richesse, le noir valsait, le rouge créait le choc, prenant de subtils
coups de soleil, le mordoré et le bronze sortaient de l’ombre. La mode retrouvait sa gaieté.
Chaque robe devenait une fête.
Les accessoires fantaisie pesaient de leur
poids de sequins, dorures et pampilles. Volutes
et arabesques imprimaient leurs courbes aux
mouvements de cols et décolletés, venant en
contrepoint d’une ligne qui dessinait le corps,
pinçait la taille, galbait les hanches et découvrait les jambes.
Qui disait baroque disait aussi orienta-
lisme, valeur montante de l’art du XIXe siècle,
à la hausse dans les ventes aux enchères.
La manière orientaliste inspirait les créateurs en leur offrant des rêves aux multiples
splendeurs. Byzance ou Delhi, les sortilèges
de l’Orient influençaient les mélanges de tissus, les métissages d’allures, les panachages
de genres.
Les effets drapés, les étoffes nouées, les
jeux d’écharpes, c’est d’ailleurs que venaient
les nouveaux points d’ancrage des vêtements.
Un vent de mousson soufflait aussi sur la
mode. Tous les yeux se tournaient vers les ors
et les pourpres de l’Inde. En s’imprégnant de
coutumes et de cultures, la mode perdait de
son uniformité et devenait plus universelle.
On pouvait y voir la fraternité des peuples.
Les pantalons évoquaient les tenues de
Gandhi, les vestes, celles de Nehru. Les tons
avaient les couleurs des épices des comptoirs de l’Inde, les châles étaient appelés
« Indiennes ». Les jupes imitaient les saris
avec leurs asymétries ; les turbans de JeanPaul Gaultier s’empruntaient aux sultans
et les mousselines ressemblaient aux robes
d’odalisques. On avait déjà vu cela au temps
de Poiret vers 1910, puis dans les années 70.
En accrochant ainsi les regards, la mode se
montrait douée pour le spectacle et se révélait
témoin d’une époque.
Venu après une forte tendance « minimaliste » qui marqua le début de la décennie 80,
ce goût de l’exagération, symbole du baroque,
se déclinait de la tête aux pieds. Chapeaux enturbannés, chaussures chamarrées, collants,
sacs et gants brodés enrichissaient à leur
tour la note orientale. Les bijoux vrais et faux
avaient été les premiers objets, il est vrai, de
la démesure, avec des pierres d’importance et
des volumes de taille. Mais pour combien de
temps encore une telle opulence, un tel faste
de l’apparence ?
LAURENCE BEURDELEY
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309
ÉCONOMIE
L’euphorie continue. Pour la huitième
année consécutive, les pays industrialisés connaissent l’expansion à un rythme
encore supérieur à 3 %, même s’il se
ralentit par rapport à 1988, particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Le scénario de « l’atterrissage en
douceur » espéré par les dirigeants, qui
naviguent tout au long de l’année entre
le risque de surchauffe et la crainte de la
récession, semble se confirmer. En effet,
face aux pressions inflationnistes menaçantes, et tout en restant prudentes pour
ne pas casser la croissance, les autorités
adoptent des politiques monétaires restrictives qui conduisent à un relèvement
général des taux d’intérêt, si bien que les
hausses de prix restent dans la limite –
jugée raisonnable – de 5,2 % en moyenne.
La vigueur de la croissance s’explique
surtout par le « boom » des investissements et la forte reprise des échanges internationaux. Les entreprises se portent
bien, fonctionnent à plein régime et
embauchent à nouveau – voire sont
confrontées à une pénurie de maind’oeuvre qualifiée –, contribuant à abaisser un peu partout le taux de chômage
qui, avec une moyenne de 7,3 %, retrouve
son niveau de 1981. Toutefois, ce dernier
reste encore trop élevé, notamment en
Europe où il frôle toujours 10 %, tandis
que s’étendent les emplois précaires et les
phénomènes d’exclusion et de pauvreté.
Le triomphe du libéralisme
économique
Alors que la plupart des pays industrialisés ont adopté le libéralisme économique, la bonne conjoncture tend à
renforcer la thèse en faveur de l’économie
de marché et celle de la nécessité pour
les pays dont la situation économique est
beaucoup moins satisfaisante, voire dramatique, de s’y rallier.
Depuis le début de la décennie, les
pays sous-développés ont suivi des politiques libérales, le plus souvent sous la
contrainte du Fonds monétaire international (FMI). Pourtant, hormis quelques
pays d’Asie, l’économie de nombreux pays
endettés du tiers monde s’est détériorée.
Les pays de l’Est semblent à leur tour
convaincus des bienfaits de l’économie de
marché et, avec l’effondrement en série de
leurs régimes politiques, les changements
s’accélèrent dans cette direction puisque,
après la Pologne et la Hongrie, l’onde de
choc a gagné l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie et la Roumanie.
Cette évolution modifie les rapports
de l’Occident avec ces deux zones et
conduit à une intensification des relations Est-Ouest au détriment du dialogue
Nord-Sud. Lors du sommet de l’Arche de
la Défense en juillet, les sept pays les plus
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
310
industrialisés ont en effet décidé d’encourager les réformes économiques dans
les pays d’Europe de l’Est, par une aide
(alimentaire, financière et économique)
occidentale accrue, que la Commission
européenne est chargée de coordonner et
qui s’adresse d’abord à la Pologne et à la
Hongrie. De même, M. Gorbatchev, par
une lettre adressée à M. Mitterrand en sa
qualité de président du sommet, a affirmé
sa volonté de s’intégrer pleinement à la
communauté internationale et s’est déclaré favorable à une coopération Est-Ouest.
En revanche, alors qu’à ce même sommet, quatre pays représentatifs du tiers
monde – l’Égypte, l’Inde, le Venezuela et
le Sénégal –, soutenus par la France, ont
réclamé un nouveau dialogue Nord-Sud
comme à Cancun en 1981, les pays riches
n’ont pas retenu cette idée et ont manifesté à nouveau leur préférence pour le traitement au cas par cas. Ainsi, le déséquilibre Nord-Sud continue de se creuser. Le
tiers monde se considère comme oublié
et relégué au rôle de simple spectateur
des décisions prises au sein des organisations internationales. Seule la CNUCED
défend véritablement leurs intérêts et
montre comment l’ajustement structurel
censé faciliter leur insertion dans le système économique dominant a finalement
eu pour effets d’aggraver les « désordres »
et les inégalités et de conduire à la marginalisation croissante les pays les plus
pauvres du Sud.
Pourtant, sur le problème primordial
de la dette, le pragmatisme semble l’emporter et, à l’initiative de la France, du Japon et des États-Unis, une nouvelle stratégie de réduction de celle du tiers monde
se met en place, même si la hausse des
taux d’intérêt et celle du dollar effacent
en partie les effets positifs des nouvelles
mesures. À cela s’ajoute la détérioration
continue des termes de l’échange au détriment de ces pays, d’autant que les accords
internationaux sur les matières premières
s’écroulent les uns après les autres. Seul
le marché pétrolier a véritablement profité de la reprise de l’économie mondiale.
La hausse des cours a commencé à l’automne 1988 pour finalement se stabiliser
à un niveau proche du prix de référence
de 18 dollars le baril.
Une compétition internationale
exacerbée
Le néolibéralisme triomphant repose
sur la défense des grands équilibres économiques, le recul de l’État, la revalorisation du secteur privé, où l’entreprise est
particulièrement privilégiée, et l’ouverture internationale. Dans ce contexte, la
concurrence devient impitoyable. Pour
l’affronter, les entreprises sont contraintes
de réduire leurs charges afin de pouvoir
investir et se moderniser. L’objectif essentiel – présenté comme un impératif économique – est d’être compétitif afin de gagner des parts de marché à l’exportation.
Mais les relations commerciales internationales sont beaucoup plus conflictuelles, notamment en raison de la persistance des déséquilibres extérieurs dont la
correction s’est ralentie voire interrompue
en 1989. Réflexe immédiat, le protectionnisme resurgit et déclenche périodiquement des tensions commerciales susceptibles de dégénérer à terme en une guerre
commerciale internationale. Au-delà de
cette réaction défensive à court terme,
les entreprises se livrent aussi une bataille
sans merci pour conquérir des marchés
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ÉCONOMIE
311
et tenir tête aux concurrents, à travers
une démarche offensive qui consiste à
s’adapter en permanence et à se restructurer, par exemple par rachat, fusion ou
prise de participation (la vague des OPA
en témoigne) pour obtenir la taille critique qui seule permet de se maintenir
dans la course économique. Au centre
de cette guerre se trouve l’industrie, et
surtout celle à haute valeur ajoutée, qui
reste la plus porteuse et qui tente de relever les défis des technologies avancées,
car la course économique est avant tout
technologique. À travers les entreprises,
ce sont les pays qui s’affrontent et notamment le trio formé par les États-Unis, le
Japon et l’Europe. La perspective du marché unique européen en 1993 dynamise
particulièrement le Vieux Continent et
contraint les firmes européennes à une
reconversion accélérée pour affronter à
terme la dure loi de la compétition internationale. L’économie mondiale se caractérise par la domination des grands pays
industrialisés et l’internationalisation
croissante d’entreprises beaucoup plus
concentrées que naguère. Le libéralisme,
qui conduit à une société de plus en plus
inégalitaire et hiérarchisée, constitue ainsi un environnement favorable pour les
entreprises, qui profitent en priorité des
fruits de la croissance.
Un monde fragile
L’embellie actuelle semble toutefois
reposer sur des bases fragiles puisque
l’économie est dopée artificiellement par
un endettement qui s’est généralisé. L’empilement gigantesque des dettes des États
(les déficits budgétaires), des entreprises
et des ménages – le surendettement – traduit une épargne nationale insuffisante,
en dépit de la multiplication des mesures
visant à l’encourager. Il s’ensuit un important déséquilibre de la balance des opérations courantes, les déficits d’épargne des
uns (notamment des États-Unis) étant
comblés à partir des énormes excédents
des autres (essentiellement du Japon et de
l’Allemagne fédérale).
À l’endettement interne s’ajoute donc
un endettement extérieur croissant qui
concerne toutes les zones économiques.
Les marchés financiers financent ces
considérables besoins en capitaux – d’où
leur développement vertigineux –, mais,
comme il existe un déséquilibre épargneinvestissement global, chaque pays – et
principalement le premier débiteur mondial que sont les États-Unis – tente d’attirer les capitaux étrangers sur son territoire grâce à des taux d’intérêt attrayants ;
d’où l’élévation générale de ces derniers
d’autant qu’ils facilitent la lutte anti-inflationniste et la défense des monnaies dans
les pays concernés.
La hausse des taux d’intérêt américains explique en grande partie l’envolée
du dollar au détriment du mark et du yen
pendant le premier semestre, alors que
les économies allemande et japonaise
sont pourtant beaucoup plus saines. Le
billet vert a atteint son plus haut niveau
en juin (respectivement 2,04 deutsche
Mark, 151 yens et 6,94 francs), après avoir
enfoncé en mai les marges de fluctuation
fixées par les accords du Louvre de février 1987 (1,70/1,90 DM et 120/140 Y),
laissant entrevoir la fin de la coopération
monétaire.
Les sept pays les plus industrialisés ont
attendu le 23 septembre pour confirmer à
Washington la validité de ces accords et
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
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s’engager à faire baisser la devise américaine ; mais ni les interventions accrues
des banques centrales, ni les hausses des
taux d’intérêt en Europe, puis au Japon,
n’y sont parvenues dans les limites souhaitées. Finalement, ce sont les événements d’Allemagne de l’Est en novembre
qui ont provoqué l’ascension de la devise
ouest-allemande et un certain rééquilibrage des taux d’intérêt internationaux
(ascension des taux longs allemands et
baisse des taux courts américains) qui
permettront au dollar de retomber au niveau qui était à peu près le sien au début
de l’année (1,75 DM, 6,02 FF mais encore
143 Y au lieu de 122), puis bien en-deçà
en fin de période (1,68 DM et 5,73 FF).
L’instabilité des marchés des changes
provoque aussi quelques tensions au sein
du Système monétaire européen, particulièrement entre la RFA, qui souhaite une
réévaluation de sa monnaie, et la France,
qui s’y refuse et a momentanément obtenu satisfaction, tandis que Margaret
Thatcher, qui repousse toujours l’entrée
de la livre dans le SME, n’arrive plus à
empêcher la dégringolade de sa monnaie
en dépit du doublement de ses taux d’intérêt, qui ont maintenant atteint 15 %.
Les remous monétaires s’expliquent
encore par l’importance de la spéculation
qui gonfle artificiellement les transactions sans aucun rapport avec l’économie
réelle (les flux spéculatifs seraient 34 fois
plus élevés que les transactions commer-
ciales). Ces opérations purement spéculatives, largement favorisées par le crédit,
sont tout aussi impressionnantes sur les
marchés financiers et permettent aux
indices de grimper et de franchir de nouveaux records historiques sur un grand
nombre de places financières. Ainsi, par
exemple, les « junk bonds » ou obligations
pourries (obligations à fort rendement
mais très risquées), permettent le lancement d’OPA « sauvages » qui consistent
à emprunter pour acheter une entreprise
puis à la revendre par petits morceaux
pour faire des profits, et rembourser.
Ce système se révèle bien sûr d’une
grande fragilité et, après le mini-krach du
13 octobre, rappelle qu’une crise financière est toujours possible. L’agitation
autour de la sphère financière ravive les
menaces qui pèsent sur l’économie mondiale et montre les dangers d’un certain
libéralisme qui s’accompagne de spéculations (monétaires et boursières, mais
aussi immobilières et sur les oeuvres
d’art), de corruption, de profits « illégaux » (par exemple, le blanchiment de
l’argent de la drogue) et de scandales
politico-financiers.
Le problème des limites du système
se pose alors et les milieux économiques
et politiques prennent conscience de la
nécessité de s’attaquer aux abus. Ainsi,
la France, après une série de scandales
de délits d’initiés, a décidé la « moralisation » de la vie financière en renforçant les pouvoirs de la COB. De même,
l’éthique des affaires est un thème de plus
en plus souvent abordé. Enfin, l’irruption
de l’écologie, qui dénonce les menaces
pesant sur l’environnement, n’est pas sans
rapport avec les excès des sociétés industrielles (nuisances, déchets toxiques...) et
assigne en quelque sorte une limite matérielle au productivisme à outrance. La
décennie 1980 a vu la victoire du libéralisme économique. Que réserve la décennie 1990 ?
DOMINIQUE COLSON
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ÉCONOMIE
313
La guerre commerciale
internationale
La crise et ses effets, les déséquilibres extérieurs records et
l’évolution des
économies dans la hiérarchie mondiale engendrent une recrudescence du
protectionnisme qui multiplie et avive les tensions.
En 1989, les risques présentés par la
guerre commerciale internationale
ont surgi au premier plan de l’actualité. Plusieurs dossiers (viande aux hormones, agriculture, automobile, électronique, aéronautique, sidérurgie et
audiovisuel) ont témoigné du retour du
protectionnisme et de ses tentations perverses, notamment entre les trois pôles
constitués par les États-Unis, le Japon et
la Communauté européenne.
La prolifération des mesures
protectionnistes
En 1988, la croissance en volume du
commerce mondial des marchandises a
atteint 8,5 % et cette performance sera
sans doute réitérée en 1989. À l’exception de l’année 1984, c’est le niveau le
plus élevé de la décennie et ce rythme est
presque deux fois plus rapide que celui
de l’accroissement de la production mondiale. Jamais les économies n’ont été aussi
ouvertes ; pourtant, et paradoxalement,
le système commercial international traverse une crise car, en même temps qu’ils
se développaient, les échanges commerciaux se sont durcis et les pressions protectionnistes se sont accentuées.
Les mesures adoptées pour limiter
les importations comme pour favoriser
les exportations prennent des formes de
plus en plus élaborées mais de moins en
moins décelables. Les dispositions unilatérales prises par les gouvernements se
diversifient. Elles englobent la mise en
application de clauses de sauvegarde en
faveur des secteurs sensibles, l’utilisation
des droits de douane et surtout, récemment, le recours à des mécanismes non
tarifaires : contingentements, mesures
administratives diverses, protection
des marchés publics, renforcement des
normes nationales, paratarification et
fiscalité.
Phénomène plus inquiétant, le bilatéralisme s’est considérablement développé. Il s’agit d’accords — formels ou informels — en vertu desquels un pays accepte
« volontairement » et temporairement
de limiter les exportations d’un ou de
certains de ses produits vers le pays importateur (en fait, c’est l’importateur qui
impose ses conditions à l’exportateur).
Beaucoup plus ancien, le régionalisme,
c’est-à-dire les groupements de pays ayant
des relations privilégiées (comme ceux de
la CEE), ne cesse de s’étendre. Ainsi un
accord de libre-échange entre les ÉtatsdownloadModeText.vue.download 315 sur 509
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Unis et le Canada est-il entré en vigueur
le 1er janvier 1989, et un traité entre les
États-Unis et le Mexique est-il en cours
de négociation. De même, de nombreux
liens de solidarité finissent par se créer
entre le Japon et les NPI (nouveaux pays
industrialisés) d’Asie.
Nous assistons non seulement à la
multiplication des formes de protectionnisme, mais également à celle des
secteurs touchés par le phénomène et
qui vont maintenant de l’agriculture aux
services en passant par l’industrie aussi
bien traditionnelle que moderne. Et tous
les pays sont concernés, à un degré ou à
un autre.
Ces trois tendances — unilatéralisme, bilatéralisme et régionalisme —
contrastent avec l’approche multilatérale et libre-échangiste prônée depuis
la Seconde Guerre mondiale et dont le
GATT est le gardien. C’est ce qui explique
alors la multiplication des plaintes et des
recours déposés auprès de cette instance
qui estime à 50 % la part du commerce
international faisant aujourd’hui l’objet
de restrictions plus ou moins explicites.
La multiplication des conflits
commerciaux
Il est bien certain que ces politiques
commerciales agressives favorisent les
querelles. A des accusations régulièrement répétées s’ajoutent des accrochages
ponctuels. Dans le premier cas, le Japon
est plus particulièrement visé. Ses partenaires lui reprochent son offensive
commerciale dans certains secteurs stratégiques (électronique grand public, automobile) et surtout son protectionnisme
« culturel », c’est-à-dire sa tendance natu-
relle, par un mélange de règles administratives et de coutumes, à la fermeture de
ses frontières. C’est ce que les États-Unis
appellent les « obstacles structurels ».
Dans une moindre mesure, la CEE
inquiète également, surtout depuis que le
marché unique de 1993 est en préparation
intense. Les Japonais et plus encore les
Américains dénoncent les risques d’une
Europe « forteresse », mieux protégée de
l’extérieur, tandis que certains Européens
craignent au contraire de voir s’installer une Europe « passoire ». C’est ce qui
fait dire à Jacques Delors, président de la
Commission européenne, que « l’Europe
sera ouverte, mais pas offerte », c’est-àdire qu’elle sera une Europe partenaire
exigeant la réciprocité. Enfin, les clients
des États-Unis sont unanimes à dénoncer
leur protectionnisme croissant.
Quant aux accrochages ponctuels
— c’est le second cas —, ils touchent
quelques secteurs sensibles (agriculture,
textile, sidérurgie, automobile, aéronautique et électronique). Comme pour le
conflit de la viande aux hormones qui a
opposé les États-Unis à la CEE au début
de l’année, la méthode reste presque toujours la même. Elle consiste à mélanger
harcèlements (accusations et menaces
diverses), marchandages (sanctions,
ripostes, voire contre-représailles éventuelles) et compromis (négociations faites
de conciliation et de concessions), toutes
ces manoeuvres constituant la « guerre
commerciale ».
Les stratégies adoptées sont faites
tantôt d’attitudes défensives, tantôt, au
contraire, d’attitudes offensives, variables
selon le rapport des forces en présence.
Plus la dimension d’un pays est grande
et plus son pouvoir de déclencher les
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ÉCONOMIE
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hostilités ou de riposter est fort. Lors
d’une confrontation entre deux pays d’un
même poids économique, il y a de fortes
chances qu’ils aboutissent à une coopération équitable après une période plus
ou moins longue de négociations. Entre
deux pays de taille différente, il est plus
probable que le « grand » parviendra à
imposer sa solution au détriment de son
partenaire (c’est ce qui se passe généralement entre pays développés et pays
sous-développés).
Dans cette guerre, il est également
nécessaire de savoir jouer sur les divisions. Ainsi, dans le secteur automobile,
les Américains (normes antipollution) et
les Japonais (mésententes sur le contenu
local) ont-ils pu tirer avantage des législations disparates en vigueur dans les différents États membres de la CEE. Le danger
de tels comportements est l’engrenage et
la contagion des mesures protectionnistes qui débouchent alors sur la guerre
commerciale « ouverte ».
Le
protectionnisme
américain
Non seulement les États-Unis subissent
une baisse relative de leurs exportations,
qui leur a fait perdre leur place de premier
exportateur mondial au profit de la RFA en
1986, mais ils sont également confrontés à
l’accélération croissante de leurs importations. Dans ce dernier domaine, ils distancent
largement l’ensemble de leurs concurrents
en réalisant près de 18 % des achats effectués dans le monde.
Le pays connaît donc un déficit commercial d’une ampleur sans précédent (de 25 à
114 milliards de dollars entre 1980 et 1989),
d’autant plus grave qu’il est contracté pour
les deux tiers à l’égard des pays asiatiques (et
du Japon pour la moitié) et qu’il concerne
essentiellement les produits manufacturés
avec un solde industriel déficitaire depuis
1982.
Négligeant les causes internes de ce déficit, les Américains se sont lancés dans une
offensive protectionniste sans précédent,
tout en continuant à se déclarer les ardents
défenseurs du libre-échange et en accusant les autres de pratiques commerciales
déloyales. Après avoir tenté de mener une
guerre monétaire en orchestrant une baisse
du dollar de 30 à 40 % entre février 1985 et
décembre 1987, ils ont accentué la guerre
commerciale en utilisant toute la panoplie
classique des mesures protectionnistes.
Ainsi, les États-Unis auraient augmenté de
23 % leurs protections non tarifaires depuis
le début de la décennie.
Pour obtenir des ouvertures significatives
dans les secteurs où leurs intérêts sont primordiaux, ils sont parvenus à faire fléchir
leurs partenaires sous la menace de sanctions diverses. Plus que quiconque, ils préfèrent négocier de façon bilatérale. Enfin,
dernière étape, sous la pression du Congrès,
l’Administration Reagan a signé, le 23 août
1988, le « Trade Bill », ou loi générale sur le
commerce et la compétitivité (un texte de
plus de 1 000 pages), qui marque incontestablement un durcissement puisqu’il représente un vaste programme protectionniste
couvrant pratiquement tous les aspects de
la politique commerciale américaine.
La communauté internationale s’est
inquiétée et a dénoncé à l’unanimité le
caractère unilatéral de cette loi ; elle a surtout vivement protesté lorsqu’une première
application en a été faite le 25 mai 1989 lors
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de la publication d’une liste de trois pays – le
Japon, le Brésil et l’Inde – mis en demeure de
modifier leur politique, considérée comme
restrictive à l’égard des États-Unis. Ces États
étaient menacés de graves sanctions commerciales qui auraient pu prendre la forme
d’une élévation des tarifs douaniers jusqu’au
taux de 100 %.
Avec cette « liste noire », les États-Unis ont
brutalement ravivé les craintes de la communauté internationale de voir se déclencher une guerre commerciale « ouverte ».
Déséquilibres extérieurs et crise
De nombreuses raisons permettent de
comprendre ce regain de protectionnisme
et les tensions qu’il engendre. La décennie
écoulée se caractérise par les déséquilibres
extérieurs records qui persistent entre les
excédents commerciaux de quelques pays
– en particulier de la RFA, du Japon et
des quatre « dragons » asiatiques (Corée
du Sud, Taiwan, Hongkong et Singapour)
– et les déficits des autres, qu’il s’agisse
des États-Unis, de membres de la CEE
(comme la France, la Grande-Bretagne,
l’Italie ou l’Espagne) ou de pays en voie
de développement. Ces déséquilibres sont
d’autant plus difficilement admis qu’ils se
cantonnent dans quelques secteurs et ne
jouent qu’au détriment de quelques pays.
Dès lors, la contrainte extérieure, très
variable, devient un facteur capital dans
la politique des gouvernements (d’autant
qu’elle ne concerne pas seulement les
problèmes commerciaux, mais aussi les
questions financières et monétaires) ; ces
derniers sont alors contraints d’en amortir
les effets pernicieux, de s’y adapter ou de
la maîtriser.
À la contrainte extérieure s’ajoutent
les effets de la crise. D’un côté, les pays
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développés, touchés par le chômage,
cherchent à favoriser les productions
nationales créatrices d’emplois. De
l’autre, les pays sous-développés, étouffés par leur endettement extérieur, n’ont
pas d’autre possibilité pour rembourser
que d’importer moins et d’exporter plus.
Comme, dans le même temps, les débouchés se contractent (ralentissement de
la croissance économique mondiale et
des échanges internationaux, existence
de capacités de surproduction mondiale
dans un nombre croissant de secteurs), la
concurrence entre les partenaires s’exacerbe, chacun se préoccupant davantage
de ses ventes que de ses achats. D’où la
guerre pour le partage des marchés.
Concurrence et guerre économique
En fait, la guerre commerciale est le
reflet d’une guerre économique plus profonde ; elle traduit les mutations en cours
de l’économie mondiale. Le commerce
international se concentre géographiquement (prédominance du monde occidental, avec 70 % des exportations mondiales, marginalisation du tiers-monde,
avec seulement 20 %) et sectoriellement
(les produits manufacturés représentent
les deux tiers des ventes de marchandises). Par conséquent, la concurrence
se polarise aujourd’hui sur les échanges
industriels (et d’ailleurs, les déséquilibres
sont avant tout industriels).
CEE
La progression vers la mise en place du
grand marché unique a été difficile : dans
un contexte économique moins favorable,
les Douze ont tardé à prendre les décisions
touchant directement leur souveraineté économique. Si la croissance a atteint 3,25 % et
si le chômage a diminué (en août, il touchait
9,2 % des actifs, contre 10,1 % un an plus tôt),
l’inflation (5 %) redevenait préoccupante.
Les divergences entre les performances
des uns et des autres ont été importantes :
le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal et la
Grèce ont connu une hausse des prix supérieure à la moyenne et un large déficit de
leurs comptes extérieurs courants.
Le 17 avril, le comité présidé par Jacques
Delors a remis son rapport sur les moyens de
parvenir à l’union économique et monétaire.
Sans fixer de date finale, le texte propose
trois étapes à partir de juillet 1990 : après le
renforcement des mécanismes de coopération entre les Douze, une fédération des
banques centrales européennes prendrait la
plupart des décisions monétaires, puis le respect d’un taux de change fixé définitivement
entre les devises faciliterait l’émergence
d’une monnaie commune. Pour effectuer les
inévitables transferts de compétences impliqués dans l’entreprise, « le Comité Delors »
a préconisé la signature d’un nouveau traité
liant les pays de la CEE. Le Royaume-Uni
s’est opposé à ce nouvel abandon consenti
de souveraineté. Le 19 juin, en revanche,
l’Espagne a décidé d’introduire la peseta
dans le système monétaire européen (SME) ;
la livre britannique, la drachme grecque et
l’escudo portugais restent maintenant les
seuls en dehors de ce cadre. Auparavant, le
9 juin, les ministres de l’Environnement des
Douze avaient adopté des normes antipollution plus sévères pour les petites voitures.
Cette nouvelle réglementation doit entrer
en vigueur en 1992.
L’harmonisation de la fiscalité constitue l’une des tâches les plus délicates. Le
8 février, la Commission avait proposé une
retenue à la source de 15 % sur les revenus
de l’épargne. Déjà critiqué par le LuxemdownloadModeText.vue.download 319 sur 509
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bourg et par le Royaume-Uni, ce projet
a été complètement remis en cause le
27 avril. Ce jour-là, afin de donner satisfaction à son nouveau ministre des Finances,
le chrétien-social Theo Waigel, Helmut Kohl
a suspendu, à partir du 1er juillet, la retenue
à la source de 10 % sur les revenus des obligations, qui avait été instituée le 1er janvier.
Depuis, les ministres des Finances de la
Communauté ont renoncé à établir un taux
commun d’imposition sur l’épargne et ont
laborieusement progressé vers un compromis sur la TVA. L’indiscipline des États, dont
les mesures nationales ignorent souvent la
loi européenne, menace même la constitution communautaire.
Dans leurs relations avec les États-Unis, les
Douze ont marqué un point : le 7 avril, lors
de la réunion du GATT, le gouvernement
américain a renoncé à leur imposer une suppression totale des subventions aux exportations agricoles.
Au-delà de ces durs marchandages, les
événements survenus en Europe de l’Est
ont incité les pays de la CEE à soutenir « le
processus de réforme en cours » en Pologne
et en Hongrie. Le 16 juillet, les sept pays les
plus industrialisés ont donc confié à la Commission la mission de coordonner l’aide occidentale à ces deux pays ; l’un des buts de
cette aide étant « de transformer et d’ouvrir
durablement leurs économies ».
Adopté en juillet par les Douze, un programme de secours alimentaire à la Pologne
de l’ordre de 130 millions d’écus a été appliqué à partir de la fin août. Le 19 septembre,
la CEE a signé avec Varsovie un accord commercial qui prévoit l’élimination avant 1994
de presque toutes les restrictions quantitatives aux exportations polonaises vers la
Communauté. Le 5 octobre, les Douze ont
décidé d’affecter en 1990 une somme de
200 millions d’écus à l’aide en faveur de la
Pologne et de la Hongrie. Ces deux États
recevront en outre 100 millions d’écus, prélevés sur les budgets nationaux des pays de
la CEE.
Laurent Leblond
Le Nord reste prépondérant dans ce
commerce, mais se trouve confronté à
la percée des NPI du Sud, qui, toujours
plus nombreux, exportent une part croissante de produits manufacturés (14 %
des ventes mondiales pour ces produits),
qui sont en outre de plus en plus élaborés. Comme ces pays produisent à bas
prix et souvent dans des secteurs où les
vieilles nations industrielles connaissent
d’importants problèmes d’ajustement,
ces dernières se sentent menacées et les
accusent de « concurrence déloyale » ou
de « dumping » et réagissent avec des
mesures protectionnistes qui leur permettent en même temps de restructurer
les secteurs concernés.
À la concurrence Nord-Sud s’ajoute
enfin celle, plus intense, entre les pays
développés. Pour être capables d’affronter la compétition, les États adoptent les
stratégies offensives qui leur permettront
de gagner des parts de marché à force de
spécialisation et de compétitivité.
Spécialisation et compétitivité
Si la théorie dominante du commerce
international affirme que, en se spécialisant dans la production de biens pour
lesquels il conserve un « avantage comparatif », un pays tire profit du commerce
international, elle passe sous silence le
partage généralement inégal de cet enrichissement car il ne s’agit pas seulement
de se spécialiser, mais également de bien
le faire. Tous les pays sont en permanence à la recherche d’une spécialisation
optimale : il est impératif pour eux de
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ÉCONOMIE
319
renouveler constamment leurs avantages
comparatifs (spécialisation dynamique)
à force d’innovation, en s’adaptant perpétuellement à la demande mondiale, en
produisant dans des secteurs industriels
de haute technologie et à fort contenu
en travail qualifié et en investissements
(rôle des biens d’équipement). De même,
l’objectif de la compétitivité s’impose plus
que jamais, avec ce mélange d’éléments
prix (coûts de production, marges bénéficiaires et taux de change) et d’éléments
hors prix (bonne structure industrielle,
spécialisation, qualité des prestations,
agressivité commerciale, compétence du
management et capacité d’anticipation
et d’information) qui permet à un pays
d’affronter la concurrence internationale
et de conquérir des parts de marché tout
en évitant que le sien ne subisse une pénétration trop forte.
Finances
internationales
Après le mini krach du vendredi 13 octobre (guère comparable à celui du
19 octobre 1987), le système financier international ne semble pas avoir perdu de sa
fragilité, héritée des années passées. Plusieurs facteurs liés au contexte général de
l’économie mondiale et surtout à la situation de l’économie américaine ont mis à
rude épreuve la stabilité des grandes places
boursières.
En premier lieu, depuis le krach du 19 octobre 1987, rien n’a vraiment changé en ce
qui concerne la gravité des déficits jumeaux
(twin déficits) américains ; ils se sont réduits,
mais restent préoccupants. D’un côté, malgré le couperet aveugle de la loi Gramm
Rudman (qui réduit arbitrairement la progression des dépenses publiques), le déficit
budgétaire se maintient encore à un niveau
élevé (221 milliards de dollars en 1986, 149,
155 et 161 milliards les trois années suivantes) ; on pense même qu’il atteindra encore ou dépassera 116 milliards de dollars au
début de 1990. Son financement (émission
de bons du Trésor) contribue à maintenir les
taux d’intérêt à un niveau élevé.
D’un autre côté, si le déficit commercial
tend à diminuer, il n’en subsiste pas moins, et
continue d’accroître l’endettement extérieur
qui atteint plus d’un demi-milliard de dollars. En effet, malgré la baisse du dollar, les
exportations plafonnent (en raison du déclin
du secteur industriel) alors que les importations progressent (à cause de l’expansion de
l’économie américaine et du relèvement de
la consommation intérieure sous l’action des
crédits de trésorerie).
Dans ces conditions, il est peu vraisemblable que le déficit puisse baisser davantage. Pour le financer, les États-Unis devront
donc continuer à émettre des obligations
auprès des pays étrangers, ce qui devrait
impliquer la montée du dollar et le maintien
des taux d’intérêt à un niveau suffisamment
élevé pour qu’il soit possible d’attirer les capitaux extérieurs (surtout européens et plus
récemment japonais).
En second lieu, précisément pour lutter
contre l’inflation toujours menaçante, la
Federal Reserve System n’a pas cherché à
baisser son taux d’intérêt, ce qui a amené
la Bundesbank, suivie par les autorités des
autres pays européens et aussi du Japon, à
relever ses taux d’escompte. La structure de
ces taux se trouve alors inversée : en tentant
de maîtriser le dollar, les banques centrales
ont fait monter les taux à court terme audessus des taux à long terme, ce qui rend les
prêts à long terme peu avantageux.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
320
Cette inversion comporte deux risques :
d’un côté, celui d’une fragilisation du marché
des titres et d’une chute brutale des cours
(cas du krach du 13 octobre) ; de l’autre, celui
d’une récession économique avec baisse ultérieure du coût du crédit et incertitude sur
les profits des entreprises.
Enfin, toujours aux États-Unis, la fragilité
du marché financier a été aggravée par le
lancement de nombreuses OPA géantes
(Méga OPA), faisant appel, pour leur financement, à l’endettement, à travers les techniques de l’émission de « junk bonds » (obligations pourries) et du LBO (Leverage Buy
Out, ou « rachat avec effet de levier »), qui
permettent à des investisseurs de lancer des
OPA à des prix bien supérieurs à ceux des
cours de la Bourse et sur la totalité du capital,
tout en n’apportant que très peu d’argent
frais (10 à 15 %).
En effet, le financement de l’opération est
assuré pour l’essentiel par le recours au LBO,
pour 50 à 60 % environ des fonds, et aux junk
bonds pour le reste. Dans un cas comme
dans l’autre, il s’agit d’emprunts gagés sur
les actifs de la société convoitée, souscrits
auprès des banques à des taux d’intérêt élevés ou émis en obligations à des taux également très élevés. Ces emprunts couvrent des
opérations à hauts risques, favorisant ainsi la
spéculation sur les valeurs cotées en Bourse.
Gilbert Rullière
Dans la recherche du leadership industriel et technologique, les inégalités
de capacité et les inégalités d’adaptation
expliquent les changements de position
des nations industrielles au sein de la hié-
rarchie économique, comme le montre
une étude du CEPII (Centre d’études
prospectives et d’informations internationales). La suprématie du Japon (et,
dans sa foulée, celle des NPI) qui cumule
une bonne spécialisation – en dominant
des filières comme l’électronique, l’automobile et le matériel électrique – et une
forte compétitivité, est indéniable. De
même, les États-Unis sont-ils assez bien
spécialisés puisqu’ils restent puissants
dans les produits à haute technologie et
à forte demande, et bien qu’ils aient perdu leur prééminence à cause d’un déficit industriel qui reflète leur manque de
compétitivité.
La CEE, en revanche, subit un déclin
relatif dans la mesure où sa spécialisation
est moins bien assurée que celle de ses
partenaires et que la RFA reste attachée à
ses avantages « acquis » en se cantonnant
dans des secteurs traditionnels (mécanique, matériel de transport, chimie)
qu’elle maîtrise parfaitement en raison
de son excellente compétitivité. Preuve
du moindre dynamisme de l’Europe,
le commerce transpacifique (dans le
triangle Japon – États-Unis – pays d’Asie
en développement) dépasse le commerce
transatlantique (Amériques – Europe –
Afrique) depuis 1984.
L’inégalité des situations rend la
compétition plus agressive. La nécessité
d’améliorer ou, au moins, de préserver sa
position pour rester dans la course économique mondiale passe par des phases
successives de conciliation (par exemple,
par la coopération interentreprises) et
de confrontation. La bataille pour le
contrôle des marchés conduit à une restructuration accélérée des entreprises
qui, à terme, sonne le glas de la concurrence puisqu’elle renforce la concentration des multinationales.
Par l’intermédiaire de leurs entreprises, les nations s’affrontent et participent à cette guerre de positions. Certes,
la meilleure des protections est encore
d’être le meilleur, mais, inversement,
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ÉCONOMIE
321
pour éviter d’être éliminés, les États se
trouvent parfois dans la nécessité d’intervenir pour permettre aux entreprises de
combler leur retard ou pour conforter
leur avance. La politique commerciale
apparaît ici comme « stratégique » et à
la limite de la politique industrielle où le
protectionnisme – un protectionnisme
délibérément offensif – est un moyen
(mais non une fin) parmi d’autres de
« gagner ».
Les efforts de coopération
internationale
Face aux dangers d’escalade, des
efforts permanents sont produits pour
tenter d’améliorer la concertation internationale, surtout depuis le début des années 1980. Leur objectif est d’éviter que la
confrontation des égoïsmes nationaux ne
mette en péril un monde devenu étroitement interdépendant, pour au contraire
privilégier l’intérêt collectif. Ses résultats
sont inégaux. La coopération est mise
en oeuvre dans le cadre d’organisations
internationales comme le FMI (Fonds
monétaire international) ou l’OCDE et
surtout – preuve de leur position dominante – à l’occasion des Sommets annuels
où se retrouvent depuis 1974 les pays les
plus industrialisés, membres du Groupe
des Sept.
Toutes ces réunions soulignent la
nécessité primordiale de savoir résister
au protectionnisme et de corriger, si possible en douceur, les déséquilibres extérieurs. Le Japon et l’Allemagne fédérale se
sont engagés à suivre des politiques destinées à renforcer leur demande interne
et à réduire leurs excédents extérieurs.
De même, depuis 1988, les quatre Dragons sont-ils également invités à participer à l’effort mondial de rééquilibrage.
À l’exemple du Japon, ils sont incités à
ouvrir davantage leurs marchés, à réévaluer leurs monnaies et aussi à investir
plus largement à l’étranger. Inversement,
les pays déficitaires, et en premier lieu les
États-Unis, sont encouragés à dépenser
moins et à réduire leur déficit budgétaire.
De même, en raison de l’impact négatif sur les échanges commerciaux d’une
volatilité excessive des taux de change,
une coopération monétaire a-t-elle été
mise en place. L’objectif commun, depuis
les accords du Plaza, à New York, et du
Louvre, à Paris (septembre 1985 et février
1987), réaffirmé depuis, lors de chaque
réunion, notamment à Washington le
23 septembre 1989, est d’essayer de stabiliser les monnaies (et surtout le dollar)
grâce à l’intervention des Banques centrales sur les marchés des changes.
Investissements
La reprise de l’investissement productif,
amorcé en 1985, se poursuit cette année,
avec une croissance en volume de 7,1 %
après 9,1 % en 1988. Tous les secteurs sont
concernés (agriculture, commerce, services,
bâtiment et travaux publics) mais l’industrie
concurrentielle, avec une hausse de 8,9 %,
connaît la progression la plus rapide. Ce sont
surtout les grandes entreprises qui investissent. En revanche, les dépenses d’équipement des entreprises nationales stagnent.
La bonne conjoncture internationale (la
reprise de l’investissement est générale),
favorisée par une demande soutenue, et les
profits accumulés ces dernières années par
les entreprises expliquent ce dynamisme.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
322
Depuis 1988, les investissements de capacité
ont repris, mais ils restent encore insuffisants
comme en témoigne l’apparition de goulets
d’étranglement dans certains secteurs en
raison de taux d’utilisation très élevés (en
moyenne 87 %, soit le niveau le plus élevé
depuis le début des années 1980). Les investissements de modernisation et de renouvellement restent majoritaires. De même,
les investissements immatériels indispensables à l’accroissement de la productivité
se poursuivent. Enfin, les entreprises dopées
par les profits et par la préparation du marché unique de 1993 multiplient les investissements financiers (placements spéculatifs,
acquisitions, rachats, fusions, OPA) et développent les investissements français à l’étranger (+ 45 % en 1988 et probablement autant
cette année) en vue d’atteindre la taille critique et la dimension mondiale nécessaires
pour affronter la concurrence.
En France, le retard de l’investissement
se maintient cependant ; l’État cherche
donc toujours à l’encourager en allégeant
les charges des entreprises et en favorisant
l’épargne indispensable à son financement.
Dominique Colson
Enfin, la coordination des politiques
se précise. Libéralisme oblige, la plupart
des pays s’emploient à rendre leur économie plus flexible et plus efficace par un
renforcement des mécanismes du marché
et à promouvoir une croissance soutenue
mais équilibrée dans des conditions de
faible inflation grâce à des politiques
monétaires et budgétaires judicieuses.
De même, les pays sous-développés sont
priés – ou plutôt contraints – de suivre
des politiques d’ajustement structurel
tandis que la communauté internationale
s’engage à examiner régulièrement les
moyens d’alléger le fardeau de leur dette.
Entreprises
En 1989, les entreprises ont adopté une
stratégie de recherche de la « taille critique », consistant à créer des unités productives parfois géantes, pouvant soutenir
la concurrence tant nationale qu’internationale, et, en conséquence, à prendre des
parts de marchés significatives. Pour parvenir à réaliser ces objectifs, elles ont continué
à jouer le jeu des fusions et des acquisitions
internationales.
C’est surtout en Europe que cette stratégie
a été utilisée, en prévision du marché unique
de 1993. En effet, rien que pour le premier
semestre, près de 600 opérations de fusion
et d’acquisitions transfrontalières diverses
ont été recensées dans la CEE. Toutes ne
présentent pas la même importance et
beaucoup concernent des entreprises de
taille moyenne, mais elles totalisent tout de
même la somme de 108,2 milliards de francs.
À l’image du rachat de l’Italien Galbani par
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ÉCONOMIE
323
la famille Agnelli (Fiat) alliée à BSN, l’agroalimentaire vient en premier avec plus de
25,3 milliards de francs. Les banque, les assurances, la construction suivent loin derrière
(7 milliards).
Dans
tête
28,8
Unis
ce mouvement, la France arrive en
des fusions-acquisitions en valeur avec
milliards de francs, devançant les États(25,4 milliards) et la Grande-Bretagne
(23,1 milliards). Le Japon occupe la sixième
place derrière l’Italie et la Suède avec un
volume d’affaires de 5,3 milliards de francs.
Beaucoup de ces opérations réalisées par
des entreprises françaises ont été menées
en terrain étranger. Ainsi, Valeo (équipement
automobile) a racheté Delanair en GrandeBretagne et s’est alliée à Nippon Denso en
Espagne ; Lafarge (ciments) s’est implanté en
Suisse, en Italie et même en Turquie.
La course au gigantisme lancée par les
grandes entreprises s’est poursuivie en RFA
avec la fusion spectaculaire Daimler-BenzMBB (alliance automobile-aéronautique) et
le contrôle par GEC-Siemens du fabricant
électronique Plessey (britannique).
Gilbert Rullière
La défense du multilatéralisme
L’amélioration du système commercial est tout aussi importante. L’accord
général sur les tarifs douaniers et sur
le commerce, communément désigné
par son sigle anglo-saxon GATT, est un
traité multilatéral conclu le 30 octobre
1947 (mais jamais ratifié), chargé de
définir un code assurant à tous les pays
membres des possibilités de commerce
équitables.
Signé à l’origine par 23 pays, il
concerne aujourd’hui 97 « parties
contractantes », qui représentent près de
90 % des échanges mondiaux, et 28 autres
pays qui appliquent de facto les règles de
l’accord. Son objectif fondamental est la
défense du libre-échange. À cette fin, le
GATT est constitué par un ensemble de
principes (réciprocité, non-discrimination, transparence...) qu’il est chargé de
faire respecter tout en admettant une
certaine souplesse (clause de sauvegarde,
traitement différencié et plus favorable
pour les pays sous-développés), en même
temps qu’il représente une tribune où les
pays peuvent discuter et résoudre leurs
différends commerciaux et négocier
entre eux en vue d’un éventuel renforcement du libre-échange.
La libéralisation s’est étendue par le
lancement périodique de grandes négociations commerciales multilatérales
(NCM) qui visent à affiner les règles et à
supprimer progressivement les barrières
aux échanges. Déjà sept cycles de négo-
ciations ont été menés : les six premiers
(le Kennedy Round de 1964-1967 restant
le plus important) avaient pour objectif l’abaissement des obstacles tarifaires ;
le septième, ou Tokyo Round, de 19731979, s’attaquait en plus aux contraintes
non tarifaires.
Matières
premières
Comme 1987, l’année 1988 avait été
marquée par un redressement net et
continu des cours des matières premières,
qui provenait d’une croissance industrielle
soutenue, de la réduction des stocks et
d’aléas climatiques. Il s’inscrivait ainsi à
contre-courant d’une tendance orientée à
la baisse depuis 1980. Ce mouvement était
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
324
qualifié de structurel en raison de la marginalisation des produits bruts et du passage
à une économie postindustrielle dominée
par les services. Au rôle croissant joué
par ce secteur s’ajoutait la mise en place
de processus d’expansion industrielle qui
reposaient sur l’utilisation de technologies
avancées et qui permettaient d’économiser des produits bruts ; d’un autre côté, les
nouveaux matériaux se substituaient aux
produits bruts. (À ce sujet, une étude du
FMI indique que la quantité de matières
premières requise en moyenne pour une
unité produite décroît de 1,25 % par an
depuis 1900.)
En 1989, les cours auraient dû baisser
légèrement. Or, en dépit d’évolutions divergentes ou contradictoires pour certains
produits bruts, les cours des matières premières industrielles n’ont pratiquement pas
varié. D’une part, la demande s’est maintenue à un niveau élevé, en raison d’une production industrielle mondiale en hausse.
D’autre part, l’offre, bien qu’excédentaire,
n’a pas pesé sur les cours.
Depuis 1982, les variations des stocks
avaient permis de régulariser les cours
mondiaux des matières premières. Plus récemment, devant la stabilité des cours, les
producteurs ont tenté de développer leur
capacité de production (remise en exploitation d’anciennes mines, prospection de
nouveaux gisements). Ces initiatives n’ont
pratiquement pas influencé les cours, car le
boom de certains secteurs de pointe (aéronautique) a accru la demande de produits
bruts.
Gilbert Rullière
C’est dans l’environnement conflictuel actuel qu’un huitième cycle – l’Uruguay Round – est en cours de négociation. Ce nouveau « Round », qui s’est
engagé en septembre 1986 à l’initiative
des Américains et qui devrait s’achever à
la fin de l’année 1990, va beaucoup plus
loin, conformément aux souhaits de ces
derniers.
La négociation porte non seulement sur les sujets traditionnels, à savoir la libéralisation plus poussée des
échanges de marchandises (obstacles
tarifaires et non tarifaires) et le renforcement, voire la révision des disciplines
du GATT, mais s’ouvre également sur
des domaines jusqu’alors protégés par
l’accord même, comme le textile ou
surtout l’agriculture. Elle introduit aussi de nouveaux thèmes qui n’étaient pas
encore prévus par le GATT : adoption
d’un code de conduite facilitant le développement des échanges de services,
défense de la propriété intellectuelle
(lutte contre la contrefaçon) et mesures
relatives aux investissements.
Après une phase préparatoire qui a fait
apparaître des contradictions flagrantes
entre les partenaires, mais qui a permis la
clarification et le rapprochement des positions, une réunion de mi-parcours a eu
lieu à Montréal en décembre 1988. Onze
chapitres ont été approuvés, mais, sur
quatre autres (agriculture, textile, clause
de sauvegarde et propriété intellectuelle),
l’accord n’a pu être réalisé. En particulier,
la mésentente sur la question agricole a
bloqué l’ensemble du « Round ». Ce n’est
qu’en avril 1989, lors d’un rendez-vous de
rattrapage, qu’un compromis a été finalement trouvé, permettant ainsi de relancer
la NCM jusqu’à son échéance.
Le succès de la négociation constitue maintenant l’ultime chance d’écarter le spectre de la guerre commerciale
« ouverte ».
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ÉCONOMIE
325
Le différend
agricole
Le secteur agricole est considéré depuis
toujours comme un secteur à part qui
échappe pour l’essentiel à la discipline du
GATT ; mais il est également vrai que les politiques nationales ou régionales de soutien à
l’agriculture ont pris peu à peu une importance croissante. Elles visent tout autant à
défendre les revenus des agriculteurs qu’à
protéger les pays de la concurrence extérieure, à la fois par des obstacles à l’importation et par des subventions à l’exportation.
Ces politiques, qui créent des distorsions
sur les marchés mondiaux, alors que la
concurrence entre producteurs est déjà exacerbée par la généralisation des excédents
et le moindre poids des échanges agricoles
dans le commerce international, ne font
qu’aggraver les conflits dans ce secteur.
Consciente de leur coût et de leurs effets
pervers, la Communauté internationale,
dans le cadre de l’« Uruguay Round » mené
depuis 1986 au sein du GATT, est convenue
de la nécessité de procéder à la libéralisation
des échanges agricoles. En revanche, les
partenaires s’opposent toujours sur la nature
des réformes à réaliser.
Une véritable épreuve de force s’est ainsi
engagée entre les États-Unis et la CEE à
propos des subventions. Les Américains
estiment que la CEE et sa politique de subventions à l’exportation sont responsables
du désordre agricole mondial et souhaitent
l’élimination totale des aides à l’agriculture
avant dix ans. La Commission de Bruxelles
reconnaît que son agriculture est subventionnée – comme toutes les autres d’ailleurs –, mais soutient qu’il faut prendre en
compte l’ensemble des aides à l’agriculture,
comme (par exemple) les compensations
pour pertes de revenu que les États-Unis
accordent à leurs producteurs.
La Commission estime en outre avoir fait
une grande partie du chemin depuis 1984
en procédant à la réforme de la Politique
agricole commune (PAC). De son côté, le
Groupe de Cairns, qui comprend depuis
1986 les quatorze autres principaux exportateurs, dont l’Australie, le Canada, la NouvelleZélande et l’Argentine, qualifie ses membres
de « commerçants loyaux », car ils ne subventionnent pas leur agriculture. Il réclame
donc une négociation accélérée et une
réduction des aides. Enfin, le tiers-monde,
plutôt spectateur, réclame toujours un traitement spécial et différencié.
Les intérêts en jeu et le caractère inconciliable des positions sont tels que le dossier agricole n’a pu trouver de solution lors
de la réunion de mi-parcours de l’Uruguay
Round tenue en décembre 1988. À force de
discussions, un compromis a été finalement
conclu le 7 avril 1989. L’accord traduit un
succès européen et résulte en grande partie des concessions faites par les États-Unis.
Les deux parties n’ont pris aucun engagement précis à court terme (en particulier les
Américains ont renonce à imposer à la CEE
la suppression immédiate de toutes les subventions agricoles). En revanche, elles s’engagent à poursuivre les négociations jusqu’à
la fin de 1990 pour arrêter un programme
de réformes à long terme visant à réduire
les soutiens afin que les échanges agricoles
puissent se développer conformément aux
lois du marché.
DOMINIQUE COLSON
Diplômée d’études supérieures en sciences économiques, Dominique Colson a enseigné l’économie
internationale dans plusieurs universités
parisiennes. Elle collabore depuis 1977
aux dictionnaires et encyclopédies Larousse.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
326
La COB
La Commission des Opérations de
Bourse (COB) est plus que majeure.
Instituée par décret le 3 janvier 1968, elle
s’est vu confier une double mission : la
protection de l’épargne et la transparence
d’un marché intègre.
Son premier effort a été d’affirmer son
autorité dans le domaine de l’information
des actionnaires et la modernisation des
règles de fonctionnement de la Bourse.
Mais, en ces vingt années, la place financière de Paris a connu des transforma-
tions considérables : par l’ouverture de
marchés nouveaux (MATIF, MONEP,
options sur indice), par le développement
des transactions, par la sophistication et
la variété des produits financiers, par l’informatisation des techniques de cotation,
bref l’explosion d’un marché universel
fonctionnant en temps continu réel.
La COB avait l’autorité morale. Il
n’empêche que les plaintes déposées auprès des tribunaux disciplinaires du marché restaient souvent sans conséquence.
Les affaires dites « d’initiés », ou la diffusion d’informations fausses ou trompeuses, ou encore les manipulations de
cours ont fait éclater au grand jour cette
relative impuissance.
La réforme du 22 janvier 1988 avait
déjà donné à la COB un champ de compétence élargi aux marchés à terme, en
même temps qu’un renforcement de ses
effectifs. Mais c’est par la loi du 2 août
1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, suivant le
rapport d’Yves Le Portz, que ses pouvoirs
ont été renforcés de manière significative.
D’abord ses pouvoirs d’enquête : droit
de communication étendu à toute personne susceptible de fournir des informations ; droit de saisie des documents ;
droit de visite (avec l’autorisation du président du tribunal de grande instance)
au domicile et pas seulement aux locaux
professionnels ; droit de mise sous séquestre des fonds avec interdiction temporaire d’activité afin de prémunir contre
une insolvabilité organisée.
Ensuite, ses pouvoirs de sanction pécuniaire : avec un plafond de 10 millions
de francs ou le décuple des profits réalisés indûment et la création d’un conseil
de discipline des OPCVM.
De plus, la loi procure à la COB une
triple autonomie. Institutionnelle, en
premier lieu : le collège est porté de cinq
à neuf membres dont l’origine assure
l’indépendance de jugement. Financière,
en second lieu : dispensée du contrôle financier, la Commission fixe son budget
en fonction des redevances perçues ; elle
s’adapte librement à ses propres moyens.
Juridique enfin : lorsqu’elle est convaincue que les droits des épargnants sont
lésés, elle peut demander en justice qu’il
soit ordonné aux contrevenants de se
plier à la réglementation. Cependant, le
Conseil Constitutionnel a déclaré non
conforme la disposition l’autorisant à
ester en justice, c’est-à-dire à se porter
partie civile et à déclencher des poursuites pénales.
La loi du 2 août 1989 a fixé aussi le
règlement en matière d’OPA. S’y trouvent
définis pour l’essentiel :
– l’obligation de déclaration de franchissement de seuils (successivement
5 %, 10 %, 20 %, 33,3 %, 50 % et 66,6 %),
calculés en droits de vote ;
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POINT DE L’ACTUALITÉ
327
– son extension à toutes les personnes
agissant de concert ;
– l’augmentation de capital autorisée
pour toute société faisant l’objet d’une
OPA-OPE ;
– le dépôt obligatoire d’un projet
d’offre publique dès le seuil atteint d’un
tiers du capital ;
– l’offre concurrente à présenter dans
les 10 jours ;
– le niveau de surenchère réduit à 2 %
(contre 5 %) ;
– la révision à la hausse de l’offre si
l’initiateur achète un titre à un cours supérieur de 2 % à son prix d’offre ;
– la garantie de cours substituée à la
notion antérieure de maintien de cours ;
– la mise en place d’une OPR (Offre
Publique de Retrait).
L’action de la COB s’achève cette
année par un accord avec la Securities
Exchange Commission (SEC) dans le but
d’accroître les consultations mutuelles,
d’échanger les données utiles et de coopérer en vue de la sécurité du marché et
donc de celle des épargnants.
Le nouveau président, Saint-Geours,
ne se veut ni cow-boy, ni administrateur.
Il souhaite être un régulateur et un médiateur. S’il le faut, il saura être gendarme.
ÉDOUARD MATTEI
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
328
La vie à crédit
La forte augmentation de l’endettement des ménages traduit un nouveau
comportement : le crédit-mode de vie. Mais le piège se referme sur
beaucoup,
et il n’est pas certain que les mesures envisagées suffisent pour
protéger tous
les « crédivores ».
Selon les statistiques de la Banque de
France, l’encours des crédits distribués
aux ménages (crédit à l’habitat et crédits
de trésorerie ou à la consommation) avait
atteint 1 941,1 milliards de francs à la fin
de l’année 1988, alors qu’il ne représentait
« que » 1 749,1 milliards un an plus tôt.
L’endettement global
Dans cette augmentation de 10,9 %,
qui s’ajoute à celles des années précédentes (14,3 % en 1987, 11,7 % en 1986
et 10,9 % en 1985), les crédits immobiliers comptent pour les deux tiers environ. Le taux d’endettement global des
ménages (encours en fin d’année/revenu
disponible brut) a été porté de 29 % en
1970 à 38,8 % en 1981, à 41,2 % fin 1985,
à 43,7 % fin 1986 pour atteindre 48,1 %
fin 1987 et 50,1 % fin 1988. Les ménages
français ont contracté des dettes qui représentent aujourd’hui plus de la moitié
de leur revenu annuel disponible. À titre
de comparaison, à la fin des années 1950,
leur taux d’endettement correspondait à
moins de deux semaines de revenu.
Par rapport aux pays étrangers, cette
croissance apparaît toutefois modérée.
Pour un encours des crédits de trésorerie aux particuliers de 6,7 % en 1987, en
France (en pourcentage du revenu disponible brut), ce chiffre a atteint 13,3 %
au Royaume-Uni, 15,5 % en Allemagne
fédérale et 23,7 % aux États-Unis (d’où
la vague est partie). De même, si l’encours des crédits est rapporté au nombre
d’habitants, il est 2,5 fois moins élevé en
France qu’en Grande-Bretagne et 4 fois
moins qu’aux États-Unis. Enfin, le niveau
de l’endettement global de ses ménages
classe la France au rang des pays intermédiaires qui, comme la République
fédérale d’Allemagne ou les Pays-Bas, se
caractérisent par un taux global de l’ordre
de 30 % du produit intérieur brut. Avec
un taux supérieur à 60 %, les États-Unis
et la Grande-Bretagne occupent le rang
le plus élevé et, au contraire, l’Italie et
le Japon, avec un endettement global de
l’ordre de 10 %, tiennent le rang le plus
bas.
Le recul du crédit à la consommation
Pendant longtemps, l’endettement
des ménages a résulté essentiellement
du recours à deux sortes de crédits :
le crédit immobilier et le crédit à la
consommation.
Dès la fin de la guerre, les ménages
ont été habitués, voire encouragés à
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ÉCONOMIE
329
souscrire un crédit pour l’acquisition
d’un logement. En demandant qu’on leur
accorde un crédit à l’habitat, les particuliers sollicitaient fréquemment en même
temps des crédits à la consommation
pour financer l’achat de biens durables.
Avant d’habiter leur pavillon de banlieue (par exemple), les ménages, souvent
modestes, ne manquaient pas d’acquérir
des meubles et des appareils électroménagers, c’est-à-dire de procéder à ce qui
était appelé des achats à tempérament.
Progressivement, cette demande de
crédits à la consommation a baissé, et ce
mouvement s’est répercuté sur le chiffre
d’affaires des établissements spécialisés
dans la vente à tempérament. Ainsi, des
banques spécialisées (comme Cetelem,
ou Sofinco) ou des sociétés financières
(comme Creg et Diac) ont vu leur part
diminuer de 32 % à 27 % en dix ans, en
raison de l’effondrement des ventes à
tempérament.
Cette baisse s’explique surtout par
l’envol des crédits de trésorerie. Dans un
premier temps, c’est l’autorisation des
prêts personnels en 1972 (grâce auxquels
les particuliers purent disposer d’un crédit non affecté à l’achat d’un bien précis)
qui entraîna une hausse rapide du rapport
entre crédits distribués et revenu disponible. Le ratio baissa en 1973 et en 1974,
lorsqu’un encadrement sévère du crédit
fut mis en place avec un plafond spécifique de l’encours des prêts personnels
dont la croissance rapide avait été jugée
inflationniste par la Banque de France.
De 1975 à 1985, ce ratio ne varia
guère. Puis, soudain, après 1985, il s’envola avec la diffusion des crédits de trésorerie aux particuliers qui permettaient
de financer en permanence et presque
sans limite les achats de biens de toutes
sortes : le rapport des crédits de trésorerie
au revenu disponible brut s’éleva de 2,9 %
en 1981 à 7,7 % environ en 1988, avec un
taux de croissance qui passa de 6 % en
1980 à 21,3 % en 1985, puis à 39 % en
1986, à 33 % en 1987 et à 22 % en 1988.
Ce brutal gonflement des crédits
de trésorerie suivi de la croissance de
l’endettement des ménages est apparu
comme un phénomène à la fois « tiré »
par la demande et « poussé » par l’offre.
Banque
Après une phase de désintermédiation
(accès direct aux marchés de l’argent),
le crédit bancaire aux entreprises a repris du
fait du regain des investissements. D’abord à
moyen et à long terme, avec le développement des interventions en fonds propres (directes, crédit-bail, accès aux marchés financiers, etc.), puis à court terme, avec la vive
progression des découverts et des crédits
globaux. Les taux d’intérêt s’alignent de plus
en plus sur ceux du marché, entraînant une
érosion des marges. Les crédits à la consommation se sont ralentis, ce qui n’a pas empêché les pouvoirs publics de s’inquiéter des
difficultés de remboursement de certains
emprunteurs (voir dossier La vie à crédit).
Sur le plan européen, les frontières ont été
ouvertes le 1er octobre à la libre commercialisation des prêts immobiliers et de l’épargne
collective (SICAV, fonds communs), ce qui a
obligé l’État à autoriser les SICAV de capitalisation (hors impôt).
La cour d’appel de Paris a remis en question une décision du Conseil français de la
concurrence sur la rémunération par les
commerçants de la carte bancaire française,
la seule qui soit interbancaire et pourtant
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la moins chère. D’autre part, l’image des
banques, affectée par l’échec du projet de
facturation de l’usage de tous les moyens
de paiement et la non-rémunération apparente des dépôts à vue (l’encours des SICAV
de trésorerie est énorme) a nécessité une
campagne de communication d’un genre
inhabituel, onéreuse pour la collectivité,
mais efficace...
Mais l’événement le plus important de
l’année aura été la mise en place des possibilités de « titrisation », c’est-à-dire de
cession, sous forme de titres négociables,
d’encours de créances bancaires, comme
cela existe aux États-Unis. On assiste
donc cette fois réellement à l’irruption
du marché au sein même de l’activité
bancaire.
François de Juvigny
Les « as du crédit »
À partir de 1980-1981, la désinflation, le ralentissement du rythme de
progression du revenu disponible brut,
accentué par l’élévation du taux des prélèvements obligatoires, et le passage de
taux d’intérêt réels négatifs à des taux
réels positifs en raison de la rigidité à
la baisse des taux nominaux d’intérêts
ont donné aux ménages l’impression
que leurs possibilités de consommation
baissaient. Estimant, à tort ou à raison,
que le ralentissement de l’augmentation
des revenus devait cesser dans un avenir
plus ou moins proche, beaucoup de ménages n’ont plus cherché à réduire leur
consommation ; ils ont réagi comme
s’ils reportaient à plus tard la réduction
nécessaire de leur niveau de vie. À partir du moment où ils ont décidé que leur
consommation devait être maintenue sinon augmentée, les solutions qu’ils pouvaient adopter à cet égard permettent de
distinguer deux situations.
Dans la première, certains ménages
– en minorité d’ailleurs – ont cherché tout à la fois à ne pas restreindre
leur consommation et à préserver leur
épargne existante ou leur patrimoine
(voire à l’accroître, ce qui est paradoxal).
Ces ménages ont mis en oeuvre une stratégie financière globale consistant aussi
bien à acheter des biens mobiliers et
immobiliers, en profitant au maximum
des nouvelles formules de crédit proposées par les établissements bancaires et
financiers, qu’à opérer des placements
dans les nouveaux produits qu’offrait le
marché financier.
Ces ménages ont souvent fait preuve
d’une compétence, d’une habileté et
d’un esprit de calcul incomparables. Par
exemple, ils ont su négocier à la fois une
baisse du prix du produit et un aménagement favorable des conditions de crédit ;
en outre, ils connaissaient presque parfaitement les caractéristiques des différentes
formules de crédits ou des nouveaux
produits financiers et savaient très bien
en jouer. En règle générale, ces ménages
– appelés « as du crédit » – se différenciaient par des niveaux de revenus plus
élevés que ceux de la moyenne, par une
meilleure formation financière et surtout
parce qu’ils parvenaient à collecter plus
efficacement que d’autres l’information
nécessaire.
La seconde situation regroupe trois
catégories de ménages. Les premiers ont
tenté de compenser le freinage éventuel
de la consommation en commençant par
puiser dans leurs réserves, c’est-à-dire
dans leur épargne existante. À tort ou
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à raison, ils ont estimé que, un jour ou
l’autre, leur revenu disponible progresserait à nouveau. Lorsqu’ils ont constaté
qu’ils ne pouvaient plus prélever sur leurs
économies (soit parce qu’ils avaient épuisé leurs réserves antérieures, soit parce
qu’ils n’entendaient pas descendre audessous du chiffre qu’ils s’étaient fixé), ils
ont sollicité des crédits de trésorerie pour
ne pas avoir à subir une baisse de leur
consommation.
La deuxième catégorie se rapproche
de la précédente par le fait que, faute
d’une épargne suffisante, certains ménages n’ont eu d’autre ressource que celle
d’emprunter s’ils voulaient conserver sinon améliorer leur niveau de vie. La troisième catégorie concerne des ménages
à hauts revenus qui se sont laissé aller à
consommer plus que de raison mais qui
estimaient toujours pouvoir se rattraper.
Dans ces deux derniers cas, on observe
que ces ménages se sont comportés
comme si les crédits pouvaient être indéfiniment reconduits et n’ont d’ailleurs pas
cherché à en connaître le coût.
Le « crédit-mode de vie »
De toute façon, quelle que soit leur
catégorie, les ménages ont maintenant
changé de comportement financier parce
qu’ils n’hésitent plus à recourir à l’emprunt pour financer leurs dépenses les
plus courantes. Selon le rapport déposé
en juillet 1989 par le groupe de travail sur
l’endettement et sur le surendettement
des ménages (du Secrétariat d’État à la
consommation), les enquêtes révèlent
l’apparition d’un « crédit-mode de vie »
auquel ont recours de plus en plus de ménages, quels que soient leurs revenus. Celui-ci est destiné à financer sur une base
renouvelable certaines dépenses liées au
superflu.
Plus précisément, la recherche d’un
crédit a amené les ménages à contracter de nouvelles habitudes en matière
d’achats. D’une façon générale, ils veulent
consommer immédiatement et payer
plus tard (sans trop se soucier de savoir
s’ils disposeront alors de revenus suffisants pour rembourser la charge d’emprunt). Afin de satisfaire leur appétit,
sans cesse renouvelé, de consommation,
les ménages n’hésitent pas à mordre aux
nouveaux appâts des banques et des commerçants (petits ou grands) ; ils se laissent
tenter par de petits crédits simples,
souples et séduisants, dont le remboursement peut intervenir dans le mois,
l’an ou même être effectué sur cinq ans.
Ils peuvent alors acheter le produit qui
vient d’être lancé (et qui est souvent issu
d’une technologie avancée) ou prendre
des vacances de rêve. Pour payer, il existe
toujours une formule douce. Il suffit par
exemple d’une ligne, juste une ligne supplémentaire sur un compte bancaire, un
découvert généreux, une réserve de tré-
sorerie ou surtout l’une de ces cartes magiques appelées cartes « de magasin ». Au
moment de l’achat, il semble que celui-ci
ne coûte pas très cher ; le crédit permet
donc de vivre au-dessus de ses moyens,
en attendant de les avoir.
Pour rechercher sa satisfaction immédiate sans s’interroger sur ses possibilités
futures de remboursement, l’emprunteur
a pu être qualifié de « myope » (D. Kessler). En outre, s’il se laisse facilement
tenter, c’est qu’il ressent l’impression
agréable d’appartenir à une autre société,
plus active et plus dynamique ; de la sorte,
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comme le note M. Christine de l’INSEE,
« les comportements d’endettement
mettent en évidence une opposition entre
les ménages qui symbolisent la société
traditionnelle (inactifs, personnes âgées,
agriculteurs...) et ceux qui représentent le
« dynamisme » (actifs, jeunes ménages,
cadres supérieurs, Parisiens...) ».
Les crédivores
À la demande du Comité des usagers et
du Conseil national de la consommation, le Centre de recherche économique
sur l’épargne (Paris) a réalisé une étude qualitative comprenant trente entretiens semidirectifs avec des personnes ayant connu
récemment des incidents de paiement, entretiens destinés à mieux comprendre l’éclosion des situations d’impayés et la manière
dont elles étaient vécues par les intéressés.
À cette occasion, les personnes interrogées
ont pu être classées en quatre types bien différenciés, ce qui représente autant de portraits des ménages endettés : les victimes, les
cigales, les fourvoyés et les as du crédit.
Les victimes se distinguent par des budgets très serrés et une hantise d’incidents
éventuels (plus que par la survenance effective d’impayés). Elles tiennent une comptabilité serrée de leurs sorties et s’efforcent de
constituer des provisions de précaution. Elles
occupent souvent un emploi stable (type
fonction publique), qui leur donne un accès
relativement facile au crédit, mais qui est
faiblement rémunéré et sans perspectives
d’augmentation (d’où une solvabilité fragile).
Méfiantes vis-à-vis du crédit revolving, elles
recourent plus volontiers au crédit affecté.
Les cigales vivent dans une situation plus
précaire et plus grave mais résultant le plus
souvent de « choix de vie » (abandon d’un
emploi jugé peu épanouissant par exemple).
Jeunes, célibataires et sans charges de
famille, elles n’établissent aucun budget.
Souvent interdites de cartes bancaires, elles
cumulent crédits revolving et prêts affectés.
Les fourvoyés sont victimes d’un engrenage lié à une décision d’emprunt impulsive
et sans rapport avec leur capacité de remboursement (achat d’un logement et d’une
voiture neuve par un jeune ménage). En situation de contentieux ou de renégociation
difficile, ils éprouvent le sentiment d’avoir
été abusés.
Les as ou les virtuoses du crédit aux ressources souvent abondantes pratiquent le
« crédit-mode de vie » et se sentent bien
armés pour utiliser le système de la fuite en
avant tout en restant dans les limites d’une
situation négociable avec leur banque. Ils
cumulent les différents types de prêts.
Ces difficultés sont vécues selon trois
modalités : un fatalisme teinté d’optimisme
(les cigales), un défaitisme assorti d’un syndrome de victimes (victimes et fourvoyés)
ou l’indifférence (les as du crédit, certaines
cigales), qui, pas plus l’une que l’autre, ne
permettent d’envisager un changement de
comportement (sauf dans le cas des fourvoyés) ou l’adoption d’une attitude plus
lucide face aux difficultés.
Le déclin de l’épargne
Malgré la croissance, relativement élevée, des taux d’endettement à des fins de
consommation – c’est-à-dire l’élévation
du rapport entre les crédits de trésorerie
contractés et le revenu disponible brut
–, les ménages français restent encore en
retrait par rapport à ceux des États-Unis,
pays où ils sont globalement les plus endettés. En 1987, l’ensemble de leurs engagements financiers (prêts à court terme et
crédit immobilier) représentait près d’un
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an (91,4 %) de leurs revenus. En France,
le taux n’atteint « que » 64,2 %. En 1985,
les chiffres étaient respectivement de
84,9 % et 57,6 %. Les encours de prêts à
court terme (automobile, trésorerie) ne
couvrent aujourd’hui que 7 % des revenus disponibles des ménages français.
Bourse
Les grandes places financières terminent
l’année à des niveaux proches de leurs records historiques (quelque 25 % de hausse).
Et ce, malgré le 13 octobre que certains, hâtivement, ont amalgamé au krach de 1987. Or
les cours actuels sont d’un tiers inférieurs et
ne sont pas considérés comme excessifs.
Pour l’essentiel, 1989 a été caractérisé :
– par la confirmation d’une croissance élevée
de 3,6 % dans les pays de l’OCDE. Sans elle, pas
de progression des bénéfices des sociétés (ce
que le marché achète par anticipation). En
France, cette dernière approchera les 20 % ;
– par la persistance des pressions inflationnistes (4,4 % pour l’OCDE) avec des distorsions fortes (4,5 % aux États-Unis ; 1,7 % au
Japon). Il en a résulté, depuis la fin du premier semestre, une élévation des taux dans
une structure inversée où le court terme est
mieux rémunéré que le long (10 % contre
9,10 % en France). Les changes en ont été
perturbés.
En fin d’année, les marchés hésitent entre
la satisfaction passée et l’inquiétude future.
Ils doivent anticiper, c’est-à-dire choisir
d’abord et vérifier ensuite, selon trois hypothèses majeures. La première est le niveau de
l’activité économique en 1990. Les experts,
qui se trompent moins que leurs détracteurs,
tablent sur un affaiblissement de 2,9 %, sans
récession. La deuxième est l’accélération ou
non de l’inflation mondiale et donc la possibilité d’un retour, pas trop éloigné, à la normale, par des baisses conjointes du loyer de
l’argent. Les prévisions font espérer un tassement dans la Communauté européenne
(4,3 %) et, phénomène rarissime, une hausse
des prix presque égale en France et en RFA.
La troisième est la conséquence économique des événements de l’Europe de l’Est.
Le problème, vu cyniquement par la Bourse,
se résume ainsi : la liberté acquise deviendrat-elle solvable ?
Édouard Mattei
Autrement plus grave apparaît l’effet des crédits de trésorerie sur le taux
d’épargne des ménages dont le déclin, observé dans les pays industrialisés, est jugé
inquiétant tant par ses répercussions sur
le financement des entreprises que sur
l’équilibre du commerce extérieur (aggravation du déficit industriel).
D’une façon générale, si l’on admet
au départ que l’endettement est dû fondamentalement à une insuffisance du revenu présent ou à venir, il faut s’attendre
en conséquence à ce que les ménages
cherchent, en empruntant, à s’affranchir
de la contrainte des liquidités actuelles.
De même, lorsqu’ils épargnent, c’est
parce qu’ils cherchent à se libérer de la
contrainte des liquidités futures.
En effet, l’épargne peut être regardée
comme l’excès du revenu sur la consommation présente, constitué en réserve
en vue des dépenses futures. Dans ces
conditions, pour que le taux d’épargne ne
baisse pas, il faut que les ménages anticipent une hausse suffisamment forte de
leurs revenus ultérieurs.
Dans la réalité, l’éventualité d’une
hausse du revenu a peu de chances de se
produire, d’autant plus que c’est le niveau
de l’épargne qui motive le recours au crédownloadModeText.vue.download 335 sur 509
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dit. En d’autres termes, à partir du moment où l’insuffisance du revenu courant
suscite l’endettement, il est évident que le
taux d’épargne des ménages sera nécessairement affecté à la baisse à plus ou moins
longue échéance. Pour qu’il en soit autrement, les ménages devraient connaître
une hausse très élevée de leurs revenus et,
en même temps, ils devraient renoncer à
leurs habitudes d’achats à crédit de biens
de consommation. S’ils ne procèdent pas
à un autre choix (mais le peuvent-ils ?), la
montée de leur endettement ne peut être
que concomitante au déclin de leur taux
d’épargne.
Cette simultanéité joue aussi bien en
France que dans les autres pays industrialisés. En France, le taux d’épargne brut
(c’est-à-dire l’excédent du revenu sur la
consommation, exprimé en pourcentage
du revenu disponible brut) des ménages
a subi un déclin presque continu : il est
passé de 20,2 % en 1975 à 12,5 % en
1988 ; on estime toutefois qu’il devrait se
stabiliser autour de 12 %.
Mais la baisse est encore plus nette si,
à la suite du Centre de recherche économique sur l’épargne (Paris), on retient le
taux d’épargne net de la consommation
de capital fixe (c’est-à-dire l’usure du
capital-logement et l’amortissement du
capital productif des petites entreprises)
qui s’établit à 7,4 % en 1987 (15,7 % en
1975).
Le même déclin est observé dans les
autres pays. Depuis 1975, année où le
taux de l’épargne a atteint un sommet
chez les membres de la CEE, on note une
tendance persistante à la baisse, plus ou
moins accentuée selon les pays : la part
du revenu disponible que les ménages
consacrent à l’épargne diminue d’année
en année. En Grande-Bretagne et aux
Pays-Bas, ce taux est tombé à un niveau
très faible, passant de 12 % et 3,9 % respectivement en 1975 à 5 % et 3 % en
1987 ; en l’espace de trois ans, il a été pratiquement divisé par deux.
En France, cette diminution a été plus
marquée qu’ailleurs (moins 40 % depuis
1975 contre moins d’un tiers en Espagne,
en Italie et en Grèce). L’Allemagne fédérale, surtout, se caractérise par le déclin
moins accentué du taux d’épargne de
ses ménages : depuis la fin des années
60, il ne s’est jamais écarté de plus de 2 à
3 points de son niveau moyen (12 à 13 %
environ).
Agriculture
En 1989, l’amélioration de la santé des
grands marchés mondiaux s’est poursuivie pour les principaux produits. Les causes
en ont été diverses : sécheresse en Amérique
du Nord pour les céréales et les oléagineux,
quotas dans la CEE pour les produits laitiers.
En ce qui concerne les céréales, la chute
de la production, presque générale en 1988,
avait entraîné une baisse des stocks mais, en
1989, ceux qui avaient été constitués lors des
campagnes précédentes ont été suffisants
pour garantir la sécurité alimentaire et pour
amortir les fluctuations des cours. Les prix
céréaliers ont tiré profit du déficit de l’offre,
dû en grande partie à la vigueur de la demande de l’URSS et de la Chine. Par ailleurs,
les résultats américains ont été décevants, à
cause de la sécheresse. Pour les oléagineux,
la diminution des surfaces ensemencées en
Amérique du Nord et en Europe a provoqué
la fermeté des cours. En dépit de bonnes
productions brésilienne et argentine, les
cours du soja accusent une forte hausse
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en raison de la sécheresse persistante qui a
affecté le Middle West et les régions céréalières canadiennes.
Si ce panorama semble rassurant pour les
producteurs de céréales et d’oléagineux, il
n’en a pas été de même pour les produits tropicaux. En particulier, les perspectives pour
les boissons (café, cacao, thé) demeurent
sombres en raison des excédents d’offre difficiles à résorber.
En ce qui concerne les relations entre les
États-Unis et l’Europe, elles apparaissent
toujours aussi conflictuelles et tendues que
par le passé. L’affrontement concerne l’écoulement des produits sur le marché mondial.
Fin octobre, les États-Unis ont présenté dans
le cadre du GATT un plan de libéralisation
des échanges et de suppression des subventions aux exportateurs ainsi que des aides
intérieures à l’agriculture. Pour l’Europe, ce
plan remet en cause, à long terme, sa position exportatrice sur les marchés mondiaux.
Gilbert Rullière
Une politique agressive
Libérés du carcan de l’encadrement
du crédit et en même temps délaissés en
partie par les entreprises en meilleure
situation financière (parce qu’elles sont
autorisées à se procurer l’argent directement sur les marchés, au moyen, par
exemple, de billets de trésorerie), les
grands réseaux collecteurs de dépôts
ont compensé les pertes de recettes en
lançant leur offensive en direction des
particuliers. Par ailleurs, la concurrence
accrue des compétiteurs étrangers mieux
implantés a fait craindre aux établisse-
ments français de crédit que le marché
ne leur échappe en grande partie dans un
avenir proche.
L’essor de la télématique, la maîtrise
de la technologie des cartes bancaires,
la sophistication de plus en plus poussée
des techniques de sélection des emprunteurs « à risque » (le crédit scoring) ont
donné les moyens aux banques d’inventer des formules nouvelles de prêts aux
particuliers. De plus, l’accroissement de
la concurrence et la banalisation des circuits de financement ont rogné les marges
de profits. Les fournisseurs de crédits ont
donc mis en oeuvre une politique comdownloadModeText.vue.download 337 sur 509
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merciale agressive tant en matière de crédits à l’habitat qu’en matière de crédits de
trésorerie.
Dans un premier temps, les sociétés
de financement (comme Sofinco, Cetelem ou Diac) et les banques (commerciales, mutualistes et populaires), seules
habilitées à vendre du crédit, ont multiplié les formules les plus sûres, les plus
souples et les plus attractives. À côté des
moyens traditionnels (facilités de paiement, découverts bancaires, prêts personnels ou ventes à tempérament), le
dernier en date proposé par les banques
(puis par les grandes surfaces de vente)
sous le nom de crédit permanent ou revolving présente un caractère vraiment
novateur ; il autorise en quelque sorte un
crédit « indolore ».
En effet, le crédit revolving consiste en
une autorisation permanente de découvert à durée indéterminée. Pratiquement,
cette autorisation revient à mettre à la
disposition du particulier une somme
qui, après utilisation d’une partie de
celle-ci, se reconstitue au fur et à mesure
des remboursements. Le bénéficiaire de
la formule peut alors dépenser jusqu’à
épuisement de sa réserve. Le montant des
remboursements dépend de la somme
empruntée. Bien entendu, un tel service
(matérialisé par l’attribution d’une carte
de crédit) donne lieu à rémunération :
les taux peuvent varier de 12 % pour
certaines banques à 17,96 % (le taux de
l’usure) pour d’autres.
Avec une telle formule de crédit, fondée sur l’idée que la satisfaction ne saurait être différée (ou que l’on ne saurait attendre alors qu’on a toute la vie devant soi
pour rembourser), « l’acheteur moyen,
dans son subconscient, répond à l’image
d’une société en croissance perpétuelle,
en progrès continu » (J. Ellul). Avec l’emprunt, le consommateur finit par appartenir à un monde où l’art de vivre à crédit
est érigé en dogme et où le remboursement correspond à une formalité que
l’on peut éventuellement reporter à plus
ou moins long terme. Dans certains ménages à revenu élevé, il fait partie du standing : il n’est pas donné à tout le monde
de passer pour un « crédivore ».
À leur tour, les grands distributeurs
ont voulu ne pas laisser échapper un
marché aussi prometteur. Ils ont profité
de l’engouement des Français pour les
cartes de paiement – 15 millions de cartes
bancaires portant le logo Carte bleue sont
en circulation – qui sont utilisées pour
obtenir un crédit gratuit de quelques
jours en jouant sur la date à laquelle les
sommes sont débitées. De la sorte, ils ont
lancé les cartes privatives (au nombre de
20 millions) : émises par un hypermarché (comme Pass chez Carrefour), un
grand magasin (Printemps, Conforama),
une société de vente par correspondance
(Kangourou), un organisme de crédit
(Aurore), un organisme de cartes (American Express), elles proposent non seulement un crédit permanent (du type crédit revolving), mais aussi divers avantages
(prix préférentiels, paiement aux caisses
de sorties spécialement prévues pour les
porteurs de cartes, etc.). Toutes ces facilités accordées aux consommateurs ont
également pour but de les fidéliser.
Le piège
Avec tous les moyens de séduction
mis en oeuvre par les uns et par les autres,
il devient de plus en plus difficile de résisdownloadModeText.vue.download 338 sur 509
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ter. La tentation d’acheter tout à crédit
est de plus en plus forte, d’autant plus
que l’absence de connexion des fichiers
(techniquement impossible) permet de
multiplier les emprunts. Les fournisseurs
savent se montrer très convaincants pour
inciter à dépenser plus que ce qu’autorise
un budget en équilibre. Par exemple, plutôt que de prendre le risque de voir un
client retarder son achat ou s’adresser
à un autre vendeur, on lui propose des
remboursements modulés ou des paiements différés. Le piège se referme alors
sur le consommateur.
Distribution
L’internationalisation de la distribution
amorcée les années précédentes s’est
poursuivie et même accélérée en 1989. Sur
le marché européen, la grande distribution
s’est montrée plus agressive. En outre, des
chaînes comme Benetton, Laura Ashley, Ikea,
Vendex International, Casino, Promodes, Auchan, Carrefour, Continent, Docks de France,
Le Printemps ont essayé de prendre pied de
l’autre côté de l’Atlantique. En revanche, des
firmes américaines comme Sears, Safoway,
Woolworth, J.C. Penney n’ont pas bien réussi
leur implantation européenne.
Cette internationalisation s’explique
d’abord par la saturation des marchés nationaux (même si, en France, les grandes
enseignes continuent d’ouvrir des hypermarchés), ensuite par la meilleure connaissance des comportements et des attentes
des clientèles étrangères (avec comme
conséquence l’homogénéisation de la
consommation d’un pays à l’autre), par le
développement du commerce international
et l’ouverture des marchés sur l’extérieur (ce
qui encourage l’exportation des capitaux et
du savoir-faire commercial), et enfin par les
progrès technologiques dans les systèmes
de transport et de communication.
Par ailleurs, les grandes surfaces de vente
distribuent de plus en plus de produits en
dehors de l’épicerie : textile, outillage, électroménager, informatique, produits parapharmaceutiques. Carrefour France s’essaie
à la vente d’automobiles, à l’assurance et
même aux placements financiers. De leur
côté, les grandes surfaces spécialisées n’hésitent pas à se lancer à l’assaut de l’audiovisuel, de l’électronique, du meuble et du
textile. Souvent intégrées dans la nébuleuse
d’un grand groupe (alliance Carrefour-Castorama ou Auchan-Boulanger), elles renforcent
ainsi le pouvoir de négociation des grandes
centrales d’achat afin d’obtenir des fournisseurs des prix avantageux.
Gilbert Rullière
En multipliant les dettes indolores ou
en contractant des emprunts trop élevés,
en les additionnant ou en s’abstenant de
les gérer avec rigueur, le consommateur commence à ressentir les affres des
échéances douloureuses. La situation
semble se dénouer avec la possibilité –
ou l’obligation – de prendre de nouveaux
crédits pour rembourser les anciens ;
mais le mouvement risque de devenir
perpétuel. Il arrive d’ailleurs souvent que
le total des dettes contractées dépasse les
possibilités de remboursement calculées
sur la totalité des revenus encaissés par
l’emprunteur.
Certaines enquêtes ont permis de
fixer à 60 % le taux à partir duquel un ménage peut être qualifié de surendetté. En
France, 250 000 familles environ se trouveraient ainsi dans l’incapacité de rembourser leurs dettes, souvent à la suite
d’une baisse de leurs revenus, consécutive
au chômage, à la maladie ou à une rupdownloadModeText.vue.download 339 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
338
ture comme le divorce. D’une façon générale, ces ménages surendettés sont caractérisés par un niveau d’éducation plus
faible que celui de la population endettée
de référence. Les exploitants agricoles, les
salariés aux revenus modestes (qualifiés
ou non) en font également partie.
Plus précisément, un ménage est déclaré insolvable dès que sa situation nette
est négative (un stock de dettes supérieur
à l’actif), ou en raison d’une capacité
d’épargne insuffisante en permanence ;
si l’insuffisance n’est que momentanée, il
s’agit d’un simple problème d’illiquidité.
Deux cas peuvent alors se présenter :
l’insolvabilité peut provenir soit d’un accroissement excessif des charges de remboursement par rapport au revenu permanent, soit d’une diminution du revenu
permanent par rapport à des charges
inchangées.
Épargne
Les Français ne consacrent plus que 12 %
de leur revenu disponible à l’épargne
(contre 20,5 % en 1978). Ils les répartissent
entre le logement (9,6 % contre 12,5 % en
1978) et l’épargne financière (2,4 % contre
8 % en 1978). La politique de rigueur salariale
et la montée des prélèvements obligatoires
(épargne forcée), comme l’endettement
croissant (épargne négative) des ménages
expliquent cette régression. Celle des placements liquides (en particulier, du livret
A, dont les retraits dépassent les dépôts),
comme le développement de l’assurance
vie et des valeurs mobilières se confirment,
même si la tendance au rééquilibrage, amorcée en 1988, se poursuit avec l’investissement en logement qui repart, le goût plus
prononcé pour l’épargne liquide (épargne
logement) et le comportement plus prudent
à la Bourse (obligations).
Les OPCVM (Organismes de placements
collectifs en valeurs mobilières), qui rassemblent les SICAV et les FCP, sont particulièrement dynamiques : d’abord, parce que
l’État assouplit leur réglementation ; ensuite,
parce que les petits porteurs sont encouragés ou contraints par la libération des
courtages le 1er juillet à passer par de tels
organismes ; enfin, parce que la commercialisation des SICAV et des FCP est entièrement
libre dans la CEE depuis le 1er octobre.
Les revenus de l’épargne sont particulièrement favorisés tant pour redonner le
goût du « bas de laine » que pour éviter les
fuites de capitaux lors de la libéralisation des
marchés prévue en Europe pour le 1er juillet
1990. Les deux mesures les plus importantes
concernent la baisse de l’impôt sur les revenus d’obligation jusqu’à 15 % (au lieu de
25 % à 32 %) et la présentation, le 19 juillet,
du Plan d’épargne populaire (PEP) – défiscalisé –, qui remplacera le PER à partir de janvier 1990 et dont l’objectif est de favoriser
l’épargne longue nécessaire à l’investissement et disponible lors de la retraite.
Dominique Colson
En tout état de cause, compte tenu des
caractéristiques des familles surendettées, les enquêtes montrent que la perte
de solvabilité est souvent imputable au
ménage qui s’endette au-delà de ce que
ses ressources stables lui permettent. Ce
surendettement qualifié d’actif tient lar-
gement à l’ignorance, à une lecture hâtive
des contrats de prêts, à l’imprévoyance
et à la myopie du ménage qui surestime
ses ressources ou néglige la charge des
remboursements. En outre, la facilité
avec laquelle les cartes et les crédits sont
octroyés expose, plus que tous les autres
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ÉCONOMIE
339
ménages, ceux qui sont « infériorisés »
par la précarité ou la pauvreté de leur
situation, par leur sous-éducation et leur
manque d’information, à un risque de
surendettement.
Mesures de protection
En 1988 et 1989, la multiplication
des incidents de paiements en matière de
crédits a souligné qu’une réglementation
était nécessaire si l’on voulait éviter le surendettement croissant des ménages. Un
projet de loi sur le surendettement des
ménages, présenté par Mme Véronique
Neiertz, a donc été adopté le 6 septembre
par le Conseil des ministres. Entre autres
dispositions, ce texte prévoit un accord
avec les professionnels (banques, établissements de crédit) et la Banque de France
– qui en serait gestionnaire –, la mise en
place d’un observatoire de l’endettement
créé pour mesurer l’évolution de l’endettement des Français sur un échantillon
de 10 000 à 15 000 ménages. Par ailleurs,
un fichier national des incidents de paiement doit être mis en place auprès de la
Banque de France afin de responsabiliser
les organismes prêteurs. Enfin, dans le
souci de ne pas surcharger les tribunaux,
une procédure de conciliation entre débiteurs impécunieux et prêteurs pourra
être mise en oeuvre par une commission
départementale composée de représentants des associations de consommateurs,
des organismes de crédit et de l’administration. Mais, à la différence de ce qui
se pratique dans certains autres pays
(comme le Canada ou les États-Unis), la
possibilité pour les ménages de déposer
leur bilan après faillite a été exclue pour
son laxisme.
Face à l’insistance des fournisseurs
professionnels de crédit, il reste à se de-
mander si ces mesures parviendront à
protéger réellement les ménages et à les
décourager de céder à la tentation permanente des achats d’impulsion. La pression est si forte qu’on peut en douter.
RENÉ SEGAUT
Universitaire, René Segaut est spécialisé dans les
questions de crédit et de finances.
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
340
La dette du
tiers-monde
Pour la première fois depuis l’éclatement de la crise de la dette en 1982, le
montant total de l’endettement des pays
en développement s’est stabilisé en 1989 à
près de 1 300 milliards de dollars.
Le plan Brady
En première analyse, la gestion de
la crise de la dette internationale a fait
d’indéniables progrès depuis quelques
années : les rééchelonnements successifs
ont mieux pris en compte la situation des
pays débiteurs en autorisant des périodes
de grâce plus longues, des renégociations
pluriannuelles des obligations de paiement, des marges moins élevées par rapport aux taux directeurs (LIBOR notamment). 1989 apparaît même comme une
année charnière, au cours de laquelle les
pouvoirs publics se sont officiellement
saisis du dossier : le passage du « plan
Baker » de 1985 au « plan Brady » (Ce
« plan » fut ainsi nommé car il fut présenté lors d’un discours du secrétaire du Trésor américain Nicholas Brady, le 10 mars
1989. Le plan Brady lui-même apparaît
comme l’aval officiel des États-Unis à une
approche prônée dès septembre 1988 par
la France devant l’Assemblée générale
des Nations unies et par le Japon devant
l’Assemblée annuelle du Fonds monétaire international, illustrant bien qu’à
l’échelle d’un problème comme celui-là
le poids des États-Unis restait indispensable pour valider toute initiative diplomatique sérieuse.) de 1989 se caractérise
par une approche plus volontariste, et
par une officialisation trop longtemps
attendue du principe de l’effacement au
moins partiel des créances. Les premières
« applications » de ce plan ont concerné
le Mexique et les Philippines. À la fin de
1989, des négociations étaient en cours
avec d’autres pays, dont le Venezuela et le
Maroc.
Jusqu’en 1989, et en dépit des discours,
la logique de gestion des problèmes de
l’endettement est restée dominée par les
aspects financiers : comment les pays endettés et leurs créanciers doivent-ils gérer
les difficultés de paiement des charges du
service de la dette ? Rééchelonnements
après rééchelonnements, on continue
à favoriser l’hypothèse d’« illiquidité »,
c’est-à-dire de difficultés temporaires
qui peuvent se résoudre par injection de
nouveaux fonds et donc accroissement
de la dette, alors qu’il devient patent qu’il
s’agit d’une situation d’« insolvabilité »
dans laquelle il est vain d’escompter que
les pays en question puissent faire face
dans un avenir prévisible à leurs obligations de paiement. En outre, le poids de
la dette intervient de façon indirecte mais
souvent déterminante dans leur capacité
à mettre en oeuvre les réformes économiques nécessaires : celles-ci perdent
leur crédibilité interne dès lors qu’elles
sont perçues comme étant dictées par
les créanciers. Force est à cet égard de
constater que la conditionnalité du FMI,
élément clé de la stratégie de gestion de
la dette, aussi bien du point de vue des
créanciers, qu’elle rassurait sur la bonne
gestion économique du pays, que de celui
des débiteurs, dont elle était censée permettre le redressement économique et le
retour sur les marchés des capitaux, n’a
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POINT DE L’ACTUALITÉ
341
pas conduit à une amélioration sensible
de la situation économique des pays endettés. On peut donc légitimement se demander à quoi ont servi les programmes
d’ajustement. Ils ont, en fait, été mal
appliqués, et n’ont concerné que l’ajustement externe, effectué au détriment de
la demande intérieure, et notamment de
l’investissement, pourtant clé de la croissance future.
Le nécessaire changement
Car l’élément le plus préoccupant de
la situation des pays les plus endettés
est le recul, puis la stagnation du niveau
d’investissement depuis 1982. Dès lors, il
apparaît clairement que le problème n’est
pas tant celui de la dette et de son service
que celui du développement économique
des pays appauvris, alors même qu’y est
souvent à l’oeuvre en même temps un
difficile processus de transition démocratique. La dette, cependant, ajoute aux
obstacles du développement, et sa charge
obère les capacités de financement de
l’économie. D’où la situation extrêmement pernicieuse qui s’est développée
sous couvert de l’orthodoxie financière,
et qui conduit depuis quelques années les
pays les plus endettés à financer l’économie internationale, puisque les transferts
financiers nets reçus par ces pays sont
fortement négatifs.
La fiction devait donc cesser. Du côté
des pays débiteurs latino-américains, les
émeutes au Venezuela en février 1989
et les signaux de radicalisation du discours (Mexique), ou même du pouvoir
(Argentine), annonçaient le nécessaire
changement. Du côté des créanciers, la
consolidation des bilans bancaires et la
constitution d’un volant plus important
de provisions ont diminué la vulnérabilité résultant d’une exposition inconsidérée dans le financement des pays en
développement.
Le plan Brady sanctionne donc la
prise de conscience d’une évolution devenue inéluctable. Il établit en fait des
principes d’action visant à développer les
mesures de réduction de la dette et du
service de la dette. Il fait appel aux ressources du FMI et de la Banque mondiale
– qui se sont clairement engagés dans ce
sens – pour soutenir de telles mesures
mises en oeuvre, sur une base de volontariat, par les banques commerciales :
mises en place de garanties facilitant le
rachat ou l’échange de créances à prix
réduits, reconstitution des réserves des
pays endettés qui rachètent leurs propres
dettes. L’application de ces principes
requiert dans chaque cas une nouvelle
négociation entre les différentes parties
prenantes.
Des effets limités
Le tournant représenté par le plan
Brady dépasse-t-il le seul discours et permettra-t-il une réduction significative,
sinon un renversement des flux de transferts nets négatifs qui en ont favorisé la
conception ? Plusieurs contraintes en limiteront les effets, comme la finalisation,
laborieuse, de l’accord mexicain semble
l’illustrer en décembre 1989.
Premièrement, les ressources des institutions multilatérales ne permettent pas
de soutenir à elles seules une réduction
importante de la dette et du service de la
dette. Deuxièmement, l’approche ne fait
pas assez de cas des intérêts des acteurs
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
342
privés, c’est-à-dire des banques commerciales. À supposer qu’une réduction partielle de la dette améliore la situation d’un
débiteur au point qu’il sera mieux à même
de servir les créances qui demeurent, on
voit bien que toutes les banques profiteront de cette réduction et que celles qui
en bénéficieront le plus sont justement
celles qui la pratiqueront le moins : les
banques qui consentent une réduction
sensible de leurs créances rendent ainsi
indirectement service aux autres. La
mise en oeuvre du plan Brady requiert
donc la coopération des créanciers, qui
ne peut être obtenue que dans une cohésion forte et une perception claire et unanimement partagée des enjeux et de la
nécessité d’une telle action. Les intérêts
des banques, qui varient avec leur taille,
la répartition et la nature de leurs risques,
le montant de leurs provisions semblent
beaucoup trop divergents pour que l’on
puisse s’attendre à leur participation enthousiaste derrière les principes du plan.
Enfin, les banques commerciales ont
tout intérêt à faire état de leurs réticences,
afin d’amener les pouvoirs publics – et en
dernière analyse les contribuables – à
supporter davantage le poids des réductions de dette, que ce soit sous forme de
concours de soutien ou de réaménagements de la fiscalité des provisions pour
perte et de la réglementation bancaire.
Dette et développement
On peut donc s’attendre à ce que l’approche du plan Brady n’ait que des effets
limités et qu’elle doive être complétée,
que ce soit par des mesures unilatérales
de la part des pays débiteurs, ou par une
coopération qui reste à inventer de la
part des créanciers publics et privés. En
tout état de cause, trois conclusions s’imposent, fin 1989, concernant le problème
de la dette. Premièrement, la crise de la
dette a contribué à faire éclater la notion
de tiers-monde, entre les pays d’Asie (à
l’exception des Philippines), qui s’en sont
remarquablement sortis, ceux d’Afrique,
qui en ressortent profondément marginalisés, et ceux d’Amérique latine, qui se
sont considérablement appauvris. DeudownloadModeText.vue.download 344 sur 509
POINT DE L’ACTUALITÉ
343
xièmement, les banques semblent ne plus
devoir participer de façon significative
au financement du développement dans
ces derniers pays. Échaudées, elles ont
constitué des provisions qui leur permettent d’absorber plus sereinement les
pertes encourues, et préféreront vraisemblablement investir leurs ressources dans
les régions à fort potentiel, notamment en
Asie et dans les pays industrialisés. Enfin,
aucun schéma alternatif de financement
du développement n’est aujourd’hui clairement envisagé.
L’espoir des pays endettés tient au
retour des capitaux expatriés, à l’augmentation des flux officiels d’aide au
développement, à la progression des flux
d’investissement direct étranger. Au-delà
de la crise de la dette, la décennie 1990
sera marquée par une nouvelle crise du
développement.
PIERRE JACQUET
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
344
Le défi mondial
des technologies avancées
Par leurs effets sur la production et sur la consommation, les nouvelles
technologies lancent aujourd’hui un défi mondial aux entreprises comme aux
nations.
Celles qui veulent survivre devront le relever.
L’invasion, ces dernières années, de
la vie quotidienne des individus, des
ménages et des entreprises par les nouvelles technologies a créé une situation
très particulière que l’économiste britannique Christopher Freeman a qualifiée
de changement de paradigme technoéconomique. La question essentielle est
alors de savoir si l’innovation résultant
de l’introduction d’une technologie différente de celles qui existent engendre
une modification profonde des relations
entre le système technique, l’économie et
la société.
Les grandes technologies...
Dans le passé, seul un petit nombre
de technologies a provoqué un tel changement. Christopher Freeman cite les cas
exceptionnels de la machine à vapeur et
de l’électricité, des sources d’énergie qui
ont conduit non seulement à la création de nouvelles gammes de produits
et de services, mais aussi au bouleversement des processus de production, des
méthodes de gestion et des modes de
consommation.
Les changements entraînés par ces
technologies peuvent être alors analysés comme les éléments d’un jeu d’interactions complexes dans lequel le système économique et le système social
sont impliqués dans leur ensemble. Plus
concrètement, les consommateurs sont
contraints d’adopter de nouvelles habitudes et les industriels d’organiser leur
production sur d’autres bases.
Mais il s’agit bien d’exceptions : en
effet, la plupart des autres technologies
n’ont entraîné que l’augmentation du
coefficient de productivité des facteurs
de production – le capital et le travail – et
celle des quantités mises à la disposition
des consommateurs sans pour autant que
les relations entre le système technique, le
système économique et le système social
s’en soient trouvées modifiées.
Ces technologies ont été qualifiées
de « grandes », parce qu’elles ont donné
naissance à des innovations qui ont suscité l’intensification de la production,
tant agricole qu’industrielle, et contribué
à l’avènement de la production à grande
échelle de biens standardisés nécessaire
pour répondre à l’accroissement de la
demande et pour affronter l’ère de la
consommation de masse qui s’annonçait.
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ÉCONOMIE
345
Et les nouvelles technologies...
En revanche, les technologies de la
seconde catégorie exercent des effets non
seulement sur l’utilisation des facteurs de
production et sur l’organisation de cette
dernière, mais aussi sur l’économie et la
société tout entières. Ce sont les technologies « nouvelles » ou « avancées » (ou
high-tech).
Celles-ci provoquent une vague d’innovations qui affectent les activités tant
privées que publiques. En conséquence,
elles suscitent les initiatives des uns (par
exemple, celles des producteurs) et les
réactions des autres (par exemple, celles
des consommateurs, amateurs de modernisme), réactions qui peuvent modifier
en retour le comportement des producteurs. À un processus jusqu’alors linéaire
vient se substituer un processus interactif
où l’introduction d’une nouvelle technologie engendre des formes très différentes
de progrès technique, de telle façon que
les producteurs et les consommateurs
trouvent dans leur diffusion les avantages
qu’ils recherchent.
Au cours de la période « moderne »,
que l’on peut faire commencer en 1945,
les « grandes » technologies n’ont guère
engendré de mouvements comparables.
Par exemple, malgré le caractère très innovateur de l’énergie nucléaire, qui a pu
transformer fondamentalement le processus de production, celle-ci n’a pas eu
de profondes répercussions sur l’économie ou sur la société.
Les « grandes » technologies qui ont
été adoptées à cette époque, soit dans
l’agriculture (motorisation, mécanisation, produits chimiques, génétique), soit
dans l’industrie (télécommunications,
chimie lourde, informatique), ont entraîné comme effets apparents une augmentation régulière et continue de la productivité des facteurs de production et de la
dimension des entreprises.
Ce qui était recherché, c’était, à partir de la mise en oeuvre des « grandes »
technologies dans l’industrie, de parvenir
à une amélioration immédiate et conséquente du niveau de vie des consommateurs. Dans ces conditions, il était exclu
que, au-delà de la réalisation de gains de
productivité, le processus consommation-production puisse évoluer et surtout
le système économico-social se transformer sous l’influence de ces technologies.
Énergie
Au lendemain de l’accord « historique » de
Vienne (fin novembre 1988) réintégrant
l’Irak au sein du système des quotas pétroliers, l’OPEP a cherché à appliquer en 1989
une logique de cartel à travers la rentabilisation optimale et le contrôle de la production d’une denrée stratégique aux réserves
limitées. Le prix a été ainsi stabilisé, oscillant
autour de 18 dollars par baril à compter de
janvier (contre moins de 15 dollars en 1988).
Malgré l’indiscipline chronique de
quelques membres de l’OPEP (Koweït et
Émirats arabes unis) qui ne respectent pas le
plafond théorique de production, passé en
septembre de 19,5 à 20,5 millions de barilsjour, la remontée du cours s’est maintenue
tout au long de l’année.
Par ailleurs, plusieurs autres facteurs ont
contribué à la stabilité du prix du pétrole.
D’un côté, prenant acte de la modération des
pays de l’OPEP, les producteurs nationaux
non membres de l’OPEP (URSS, Mexique, Angola) n’ont pas cherché à accroître leur prodownloadModeText.vue.download 347 sur 509
JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
346
duction. Ils ont même réduit globalement
leurs exportations de 5 %, évitant ainsi un
gonflement de l’offre mondiale et une baisse
des prix du brut. D’autre part, la demande
pétrolière mondiale est restée très soutenue.
Selon l’Agence internationale de l’énergie,
dans les pays industrialisés, et surtout aux
États-Unis, en Europe et au Japon, la reprise
de la croissance économique a entraîné une
hausse des importations de pétrole de 7,1 %.
Dans les pays en voie de développement, les
mutations structurelles des économies (modernisation de l’agriculture, industrialisation,
développement des marchés intérieurs) ont
suscité un recours accru à l’énergie pétrolière. Par ailleurs, certains pays producteurs,
comme le Mexique, le Venezuela, le Nigeria,
l’Angola, l’URSS..., ont été amenés à affecter
une part croissante de leur production à
la satisfaction des besoins de leur marché
intérieur.
Gilbert Rullière
Même les innovations les plus radicales, si elles aboutissaient à la mise en
place de processus de production différents, ne modifiaient pas les relations
entre le système de production et celui de
la consommation (il importe peu en effet
au consommateur d’électricité que celleci lui soit fournie par une centrale nucléaire, hydroélectrique ou thermique).
Sur le plan économique et social, le pouvoir de transformation de ce type d’innovations était et reste donc pratiquement
nul.
D’autre part, avec les « révolutions
techniques » sont apparus des produits
et des secteurs industriels nouveaux :
ainsi, le développement de l’industrie
des plastiques dans les années 1960 a
abouti à l’invasion du marché par des
objets inconnus auparavant qui, en raison de leur utilité sociale, se sont diffusés
très rapidement et très largement. Mais,
si ces techniques « révolutionnaires »
réussissent aussi facilement grâce à leur
intérêt quotidien, elles ne peuvent pas
entraîner pour autant le bouleversement
des structures économiques et sociales.
Par exemple, malgré leurs nombreux
usages, les plastiques ne peuvent jouer
d’autre rôle dans la vie courante que celui de substituts à des produits existants
(papier, bois, métaux...).
L’irruption des nouvelles
technologies
À partir du début des années 1970,
le développement de l’informatique et
de l’automation, l’introduction de nou-
velles espèces de plantes en agriculture,
l’apparition de nouveaux matériaux et
la diffusion de toutes sortes de nouveaux produits dans le public ont donné
l’impression qu’une nouvelle génération
d’innovations et de technologies était
née, qui prenait la place des « grandes »
technologies et qui orientait le développement économique dans des directions
très différentes. En même temps, une
idée tendait à prévaloir, selon laquelle
la recherche scientifique (sous toutes
ses formes) devait se mettre au service tant des consommateurs que des
producteurs.
Depuis cette époque, en effet, une évolution originale se dessine sous l’action
de quelques facteurs d’ordre économique
et social. Elle tend à réduire la place des
« grandes » technologies pour en accorder
une plus importante aux nouvelles.
D’une part, les industriels observent
qu’ils ne peuvent plus attendre des predownloadModeText.vue.download 348 sur 509
ÉCONOMIE
347
mières les gains de productivité élevés
qu’ils obtenaient dans le passé, car il
devient de plus en plus difficile à l’industrie d’échapper aux effets de la loi
des rendements décroissants et parce
que les technologies semblent perdre de
leur efficacité. Ces industriels sont donc
conduits à se demander s’il ne faudrait
pas changer de système de production
ou, tout au moins, recourir à d’autres
technologies.
D’autre part, les consommateurs ont
cessé d’être boulimiques. Ils montrent
moins d’empressement à acquérir et à
accumuler des produits qui, bien que
moins coûteux, ne sont pas assez différenciés. Au contraire, ils semblent
éprouver plus de satisfaction à se procurer, quand ils le peuvent, des produits
de qualité et surtout personnalisés, c’està-dire plus conformes à leurs goûts personnels et à ceux de leur milieu social.
Dès lors, le secteur industriel (et,
dans une moindre mesure, le secteur
agricole), pressentant les difficultés
d’écoulement de ses produits, est amené
à donner la préférence à des processus
de production plus souples. Entre les
contraintes impliquées par un tel objectif et la pression exercée par les consommateurs, qui, réunies, définissent les
technologies auxquelles les industries doivent recourir, ces dernières se
trouvent placées devant une situation
tout à fait nouvelle.
Plus précisément, il apparaît que les
tâches fondamentales des entreprises
industrielles consistent maintenant à
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JOURNAL DE L’ANNÉE ! ÉDITION 1990
348
obtenir de l’information (de la part des
consommateurs notamment), puis à
organiser et à contrôler la production
en fonction des informations collectées, et finalement à communiquer avec
l’extérieur.
Au regard de ces exigences, un foisonnement d’innovations et de technologies à la fois nouvelles et fondamentales
– en tout cas très différentes de celles du
passé – est apparu dans les domaines de
l’informatique, de la microélectronique,
des biotechnologies et des nouveaux
matériaux.
En même temps, on peut constater
que ces nouvelles technologies non seulement participent à la transformation et
à la réorganisation du système industriel,
mais aussi qu’elles rendent toutes sortes
de services à des utilisateurs de plus en
plus nombreux. Le grand public fait ainsi
connaissance avec la domotique, la productique, la robotique, le télé-enseignement, la télé-médecine, etc.
Processus linéaire
et processus interactif
Si les technologies en question sont
qualifiées de nouvelles, c’est non seulement parce que l’on peut observer de profonds changements dans la production et
dans la consommation, mais aussi parce
que l’on constate des interactions multiples et variées avec l’économie et avec
la société. De telles technologies se diffé-
rencient par le fait que les changements
sont pris en compte ou même anticipés
par les consommateurs et par les producdownloadModeText.vue.download 350 sur 509
ÉCONOMIE
349
teurs ; les uns et les autres sont alors amenés à adopter d’autres habitudes de vie
ou d’autres méthodes de production en
fonction des nouvelles technologies qui
affectent d’abord leur vie quotidienne.
Autrement dit, le processus de diffusion
des innovations n’est plus linéaire comme
dans le passé, mais interactif : il faut tenir
compte des actions et des réactions de
tous les facteurs en cause.
Industrie
En 1989, les secteurs industriels ont été
confrontés à des transformations qui
ont modifié profondément la physionomie
des modes de production et des marchés.
Face à deux défis, l’un technologique, l’autre
commercial (mondialisation des échanges),
les systèmes industriels des économies occidentales sont entrés dans une phase de
réorganisation et de redéploiement avec
restructuration des tissus industriels européens, américains et japonais.
Dans un premier temps, les entreprises
industrielles se sont orientées plus que jamais vers la spécialisation et la diversification
de la production. Le marché des produits
standardisés et de masse a été abandonné
aux entreprises étrangères, au coût de production plus bas, et l’on s’est tourné vers les
fabrications unitaires ou les petites séries
personnalisées aux marges plutôt élevées,
qui répondent davantage à l’attente de la
clientèle. Ce changement a entraîné un redécoupage des portefeuilles d’activités, qui
s’est traduit par un désengagement des secteurs périphériques ou insuffisamment rentables, par un « recentrage » sur une seule
activité de base, par un recours accru à la
sous-traitance (automobile et aéronautique)
et par la recherche de synergies obtenues
par le rapprochement de grandes branches
(accord-cadre conclu entre Peugeot et Dassault pour la maîtrise de l’automatisation et
de l’électronique de base).
Dans un second temps, les entreprises
industrielles n’ont plus hésité à s’internationaliser en cherchant à vendre à l’extérieur, à
s’implanter à l’étranger (rachat d’entreprises
déjà existantes comme l’acquisition d’American Can par Pechiney) et à délocaliser la production (cas des industries de main-d’oeuvre
comme le textile ou l’habillement), ou en
concluant des accords nationaux et multinationaux, qui donnent alors naissance à des
entreprises transnationales (Thomson-SGS,
Carnaud-Metal Box, etc.).
Gilbert Rullière
Les changements dans les relations
entre technologie, système économique
et système social s’opèrent en effet en
fonction d’un jeu permanent et continuel
d’interactions avec les acteurs, le processus de consommation et les systèmes de
production. Dans la réalité concrète, ce
jeu se traduit par l’émergence de comportements différents : par exemple, les
consommateurs découvrent, en adoptant des produits nouveaux offerts par les
technologies de l’information (comme le
Minitel), des façons de vivre jugées par
eux plus satisfaisantes. Il y a là une sorte
de défi à relever pour l’industrie, qui s’efforcera de fabriquer des produits encore
plus performants ou plus fiables dont les
consommateurs doivent pouvoir retirer
encore plus d’agréments.
En définitive, si les technologies
avancées permettent de parler d’un
changement de paradigme techno-économique, c’est parce qu’elles induisent
des changements qui s’étendent bien
au-delà des actions atteignant le secteur
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350
d’activité auquel elles ont été appliquées.
C’est en fonction de ce jeu d’interactions
qu’il convient alors d’examiner les conséquences, sur les formes de consommation et sur les systèmes industriels, de
l’introduction et de la diffusion de technologies avancées comme l’informatique,
l’électronique, les biotechnologies, les
nouveaux matériaux, pour ne citer que
les plus connues.
Les effets des
nouvelles
technologies
sur les systèmes
productifs
En premier lieu, les changements introduits par l’électronique et par les télécommunications n’ont pas seulement affecté les fabrications et les produits de ces
deux secteurs mais ils ont également suscité
un intense développement de l’automation
industrielle dans les industries à processus
continu (sidérurgie et pétrochimie), dans
les industries d’assemblage (automobile et
produits durables) et dans le secteur tertiaire (banque, assurances) grâce à l’informatisation du traitement des données et des
communications.
En second lieu, avec des consommateurs
toujours plus épris de nouveautés, les technologies nouvelles tendent à se périmer de
plus en plus vite et leur durée de vie utile à se
raccourcir énormément. En conséquence, les
entreprises cherchent à vendre le plus rapidement possible chaque produit nouveau avant
qu’il ne soit dépassé et sont ainsi condamnées,
pour garder leur part de marché, à innover
continuellement en adoptant une nouvelle
technologie présumée plus performante.
Pour amortir le coût de l’opération liée à
l’introduction perpétuelle de nouvelles technologies, les entreprises ne peuvent plus se
contenter d’écouler les produits nouveaux
sur le marché intérieur, mais doivent le faire
aussi de plus en plus sur les marchés extérieurs. La concurrence devient mondiale,
c’est ce qui peut être observé pour les biens
d’équipement à haute technologie (informatique, aéronautique, télécommunications,
etc.), pour certains biens de consommation
à usage universel, durables ou non (hi-fi,
vidéo, blue-jeans, hamburgers, Coca-cola,
etc.), ainsi que pour un grand nombre de
services (banque, assurances, tourisme, activités de conseil, banques de données, recrutement de main-d’oeuvre, etc.).
Enfin, le développement de l’automation
et la place prise par la conception, la mise
au point et la commercialisation de produits
signifient qu’un pays produisant à un faible
coût avec une main-d’oeuvre bon marché
n’est plus assuré d’être compétitif. Dans de
nombreux secteurs, l’avantage concurrentiel dépend moins d’un abaissement des
coûts de production que de la capacité de
livrer au consommateur, de façon rapide et
fiable, des produits de bonne qualité (cor-
respondant à ses préférences) et à élargir sa
gamme de produits et de services en fonction de ses besoins. Il est évident que de
telles tendances pénalisent les pays dont les
ressources les plus abondantes consistent
en une main-d’oeuvre non qualifiée et à bas
prix. L’insuffisance de ressources humaines
adaptées peut donc aussi freiner l’application des technologies.
Science et technologies
L’emploi du terme de technologie de
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ÉCONOMIE
351
préférence à celui de technique se justifie par le fait qu’il indique que le poids de
la science, de la recherche fondamentale
et de la recherche-développement n’a
pas cessé de croître depuis la révolution
industrielle. Des origines de l’histoire au
siècle dernier, il n’existait pratiquement
pas de lien entre la science et la technique.
Cette interconnexion s’est réalisée progressivement tout au long du
XXe siècle, à tel point que la science et
la technologie sont maintenant indissociables. L’influence de la recherche
fondamentale et de la recherche-développement est devenue décisive : seule
la découverte du transistor a rendu possibles les ordinateurs ; le génie génétique
n’a été concevable qu’après décryptage, il
y a 40 ans, du code génétique. De même,
l’essor des biotechnologies est lié directement aux remarquables avancées scientifiques obtenues en biologie moléculaire,
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, renouvelant ainsi l’approche du
vivant.
Dans cette association, il est apparu
que la technologie était très dépendante
de la science. Elle ne peut opérer sa percée
que si les découvertes scientifiques sont
déjà intervenues et si les conditions de
leur exploitation sont réunies. En réalité,
les percées se sont multipliées à partir des
années 1970 parce que deux circonstances
favorables ont joué : d’un côté, les délais
entre l’acquisition des connaissances et les
innovations se sont raccourcis (ils sont de
l’ordre de deux ans à l’heure actuelle) ; d’un
autre côté, les marchés de consommation
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352
se créent beaucoup plus rapidement en
raison de l’influence de consommateurs
épris de nouveautés, de structures industrielles et économiques aptes à fabriquer
les produits nouveaux et enfin de la déréglementation de certains secteurs protégés
(comme les télécommunications) qui se
trouvent ainsi en mesure de consacrer davantage de moyens au financement de la
mise en oeuvre des technologies nouvelles.
Dans la mesure où les conditions précédentes sont réunies, plus rien ne peut
s’opposer à ce que des percées technologiques se produisent dans les domaines
majeurs déjà cités. En outre, ces percées
ont suscité ou favorisé les rapprochements interdisciplinaires, comme entre
la mécanique, l’informatique et l’électronique (mécatronique) ou entre les télécommunications et l’informatique.
Les percées technologiques dépendent à la fois des efforts fournis et des
résultats obtenus en matière de recherche
fondamentale et de recherche-développement, mais aussi et conjointement de
l’existence des marchés de consommation
et des relais d’application (c’est-à-dire des
structures industrielles d’appui qui permettent de passer de la recherche à la
fabrication du produit).
Industrie
automobile
Après les années noires (1979-1985),
l’industrie automobile mondiale avait
enregistré des résultats remarquables. En
1989, des signes d’essoufflement se sont
manifestés, notamment aux États-Unis, où
les trois « grands » (Chrysler, Ford et General Motors) ont été obligés de réduire leur
production, consécutivement à la mévente
due à une baisse insuffisante des coûts et à
la concurrence des filiales japonaises installées sur place. Par ailleurs, avec une productivité du travail plus élevée et des prix plus
bas, l’industrie japonaise a supplanté des
constructeurs européens non seulement
sur leur propre terrain, mais aussi aux États-
Unis, dans le Sud-Est asiatique et même en
Afrique, longtemps chasse gardée du vieux
continent européen.
Avec cette exacerbation des rivalités, l’année a été marquée par la mondialisation :
à travers l’action de plusieurs facteurs, il se
crée progressivement un marché unique à
l’échelle de la planète tout entière. En premier lieu, afin d’abaisser les coûts, la standardisation et l’automatisation de la production
sont de plus en plus poussées. En second
lieu, pour répondre à la demande des
consommateurs, les marchés ont été segmentés avec une multiplication et un renouvellement très fréquent des modèles. Enfin,
pour se conformer aux réglementations normatives (lutte contre la pollution ou le bruit),
mais aussi pour prendre une plus grande
part du marché, les constructeurs mettent
de plus en plus fréquemment en oeuvre des
innovations technologiques (comme l’informatique) qui fragilisent les constructeurs au
potentiel technologique plus faible.
Pour résister à la concurrence américanojaponaise, les constructeurs européens se
sont engagés dans la voie d’accords de coopération, surtout en matière de technologie.
Gilbert Rullière
En définitive, compte tenu de l’interconnexion de plus en plus étroite entre la
science et la technologie et de toutes les
contraintes décrites précédemment, les
technologies avancées lancent un défi à
tous les pays industrialisés, seuls en medownloadModeText.vue.download 354 sur 509
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353
sure de livrer une bataille qui se déroule à
l’échelle du monde entier. C’est d’ailleurs
ce qui ressort lorsqu’on tente d’examiner l’action des technologies nouvelles
sur la consommation et sur le système
productif.
L’impact sur la consommation
L’engouement à l’égard des hautes
technologies tient aux améliorations
qu’elles apportent dans le domaine de la
vie quotidienne et qui sont facilement
perçues par les consommateurs et par les
utilisateurs. Ce sont les technologies de
l’information qui ont été les premières à
provoquer de façon spectaculaire l’amélioration des conditions de vie par la
création de nouveaux processus de communication comme la télématique (née
de la convergence de l’informatique –
ou traitement de l’information – et des
télécommunications).
Industrie
aéronautique
Pour les grands constructeurs aéronautiques, 1988 avait été l’année de tous
les records. Pour les seuls « gros avions »
(c’est-à-dire en écartant les « commuters »,
ou avions de transport régional), le total
des commandes adressées aux trois principales sociétés (Boeing, Airbus et McDonnellDouglas, par ordre d’importance) atteignait
934 appareils. Dès les premiers mois de 1989,
ce record a été très rapidement battu. Ainsi,
pour le seul mois d’avril, Boeing a dû promettre quelque 412 avions et Airbus 126. Par
la suite, les carnets de commandes n’ont pas
cessé de se gonfler. Par exemple, alors que le
consortium européen Airbus fêtait la sortie
de son 500e avion au moment du Salon aéronautique du Bourget, il en avait à peu près
autant à livrer et Boeing a connu le même
succès.
Plusieurs facteurs se sont conjugués pour
expliquer ce retournement de tendance. Au
premier rang figure la croissance du trafic
(10 % en 1987, entre 7 % et 9 % en 1988) qui
s’accélère malgré le ralentissement américain, largement compensé, il est vrai, par la
progression européenne et surtout asiatique
(15 % à 20 %). En second lieu, la nécessité
de renouveler une flotte vieillissante (15 ans
d’âge moyen pour TWA contre 4 ans pour
Singapore Airlines), coûteuse en kérosène,
en maintenance et en entretien, exposée
aux avaries et aux accidents, a fait naître une
vague d’achats sans précédent. En troisième
lieu, les bénéfices impressionnants réalisés par les transporteurs ont convaincu les
banques d’avancer une partie des fonds nécessaires. Enfin, dans l’impossibilité de couvrir toutes les dépenses d’achats, les grandes
compagnies aériennes ont été amenées à
recourir au leasing, si bien que, à leur tour, les
loueurs d’avions (comme GPA ou ILFC) n’ont
pas hésité à commander des avions neufs.
Gilbert Rullière
D’autre part, les nouvelles technologies permettent de mieux tenir compte
des besoins des consommateurs. D’un
côté, les méthodes d’investigation, enrichies par l’informatique, améliorent
la connaissance que l’on peut avoir du
client, de ses caractéristiques statistiques
(c’est très classique) et surtout de ses désirs profonds et de ses préférences, même
inavouées (cela, c’est nouveau).
Il en résulte que le produit standard,
indifférencié, universel, recule chaque
jour un peu plus au profit du micromarché, celui du produit adapté à une famille
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de consommateurs précisément ciblée,
localisée, typée.
D’un autre côté, grâce à la conception
assistée par ordinateur, il devient possible
de concilier la production de masse avec
l’adaptation constante et quasi instantanée du produit au désir du client. Les
volumes, les formes, les couleurs peuvent
être modifiés à son gré : le consommateur
pourra bientôt commander à la carte à un
prix proche de celui du menu standard
d’aujourd’hui. L’automobile a donné le
signal du départ : le mouvement devrait
bientôt s’étendre aux flacons de parfums
ou aux caisses-carton, voire aux maisons.
Dans le domaine financier, l’électronisation des flux monétaires a bouleversé
les méthodes de paiement, permettant à
la fois le fonctionnement en temps réel
du système financier et la réduction des
coûts des transactions. Grâce à ces innovations (de processus), de nombreux
épargnants ont pu accéder au marché
financier et placer leurs capitaux dans de
meilleures conditions. Pour les firmes,
grâce à la formule connue sous le label
du cash management, l’informatique a
pu contribuer à l’amélioration de leur
gestion.
Bien que les applications industrielles et commerciales apparaissent
très limitées, les biotechnologies ont surtout ouvert de nouvelles perspectives en
direction de maladies dont le traitement
s’avère coûteux ou peu efficace. Ainsi, des
médicaments rares et chers, prélevés hier
sur l’homme, et aujourd’hui sur l’animal,
peuvent être fabriqués à un prix beaucoup moins élevé.
Dernières venues, les technologies
liées aux nouveaux matériaux (vitrages à
basse émissivité, céramiques techniques,
fibres de renforcement, emballages composites) sont considérées comme les prémices d’une nouvelle révolution industrielle. Jusqu’à présent, elles ont permis
de rendre plus efficace la transmission de
l’information d’un ordinateur à un autre ;
l’aérospatiale a également profité de nouveaux matériaux (alliages très résistants).
Enfin, dans le domaine des sports, la fibre
de verre (avant le carbone) a pu améliorer
considérablement les conditions du ski et
rendre possible la pratique intensive et
généralisée de la planche à voile.
GILBERT RULLIÈRE
Directeur de recherche au CNRS, spécialisé dans
l’économie agricole, Gilbert Rullière enseigne la
gestion et l’économie du financement des entreprises
à l’université de Lyon-I.
Transports
Alors que la marine marchande vient de
sortir d’un marasme de 10 ans (19791988), les transports aériens souffrent paradoxalement d’une crise de croissance due à
l’essor extraordinaire du trafic.
La reprise du trafic maritime mondial, avec
une hausse de 6 % en 1988, s’est poursuivie en 1989. Pour une large part, cette progression a été imputable à une expansion
vigoureuse des échanges mondiaux. Les
produits énergétiques et en vrac ont également bénéficié de cette reprise. Aussi la
croissance sensible de la demande de tonnage a-t-elle entraîné une forte hausse du
prix du transport : pour le vrac et les liquides,
ils ont presque triplé depuis deux ans. Enfin,
les taux de location et surtout les prix des
bateaux ont grimpé de plus de 25 % pour
les bateaux neufs, de 200 à 300 % pour ceux
d’occasion disponibles.
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ÉCONOMIE
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C’est la croissance même du trafic aérien
mondial qui est source de difficultés. Depuis
1982, sa progression annuelle moyenne
atteint 6,1 % (mesurée en passagers-kilomètres transportés). Ce chiffre est supérieur
à la croissance du produit naturel (2,9 % pour
les pays de l’OCDE de 1982 à 1988). Pour la
même période, aux États-Unis (près de 50 %
du trafic mondial), la croissance annuelle
moyenne a été de 7,2 % (contre 2,9 % pour
la croissance économique). Cette évolution tient surtout à l’amélioration du taux
de remplissage des avions due à la chute
des tarifs, elle-même rendue possible par la
déréglementation (mise en application aux
États-Unis), par les gains de productivité et
l’action de la concurrence, par la multiplication des voyages touristiques, effectués
principalement par des personnes retraitées
qui partent en dehors des hautes saisons et
bénéficient ainsi de tarifs préférentiels. Cet
essor du trafic aérien a entraîné une saturation des aéroports et un vieillissement accéléré des appareils, sans oublier, à terme, le
risque de pénurie de pilotes.
Gilbert Rullière
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356
SCIENCES
ET TECHNIQUES
La recherche fondamentale requiert des
instruments toujours plus puissants,
plus performants... et plus coûteux. Ces
investissements lourds ne peuvent être
engagés, bien souvent, que dans le cadre
d’une coopération internationale. Dans
trois domaines, en 1989, l’actualité a fourni l’occasion d’exalter la réussite exemplaire de la coopération européenne.
L’astronomie, tout d’abord. Pour développer les recherches astronomiques
dans l’hémisphère Sud, huit pays européens ont créé en 1962 PESO (European
Southern Observatory). Cette organisation a installé au Chili, à 600 km au
nord de Santiago, sur le mont La Silla,
à 2 400 m d’altitude, un observatoire où
fonctionnent aujourd’hui 14 télescopes,
atteignant jusqu’à 3,60 m de diamètre. Le
dernier-né a fourni ses premières images
du ciel (d’une exceptionnelle finesse)
dans la nuit du 22 au 23 mars. Baptisé
NTT (New Technology Telescope), cet
instrument présente de nombreuses
innovations. En particulier, il est le premier au monde à être doté d’un système
d’optique « active » : son miroir principal
n’a que 24 cm d’épaisseur pour un diamètre de 3,58 m. Il est, de ce fait, relativement flexible, mais le profil de sa surface optique est optimisé en permanence
par un ensemble de supports pilotés par
ordinateur. Par ailleurs, ce télescope peut
être commandé à distance : il peut fonctionner tout en étant contrôlé par liaison
satellite depuis le siège de l’ESO, situé en
Allemagne, près de Munich.
L’exploration spatiale, ensuite. Le
19 avril, l’Europe spatiale fête son 25e anniversaire. C’est, en effet, en 1964 que
furent créés l’ELDO et l’ESRO, deux
organismes chargés de la réalisation respectivement de fusées et de satellites, qui
ont été réunis en 1973 pour former l’ESA,
l’Agence spatiale européenne, regroupant
aujourd’hui treize États membres. L’Europe a pu ainsi lancer 25 satellites, dont
14 à vocation scientifique et 11 à caractère commercial ou opérationnel. En
développant la fusée Ariane, fleuron de la
technologie européenne, elle s’est imposée comme l’un des principaux acteurs
sur le marché des lanceurs de satellites.
Elle constitue désormais un partenaire
majeur pour les États-Unis et l’URSS
dans le domaine de l’exploration spatiale.
La physique des particules, enfin.
En 1953, douze pays européens ont créé
le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) dans le but d’établir
une coopération entre États pour les
recherches nucléaires de caractère purement scientifique et fondamental. Comptant désormais 14 États membres, le
CERN, établi à la frontière franco-suisse,
près de Genève, est devenu un immense
laboratoire de physique des particules
qui emploie en permanence quelque
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SCIENCES ET TECHNIQUES
357
3 500 personnes, auxquelles s’ajoutent
environ 3 200 chercheurs provenant
de 200 centres de recherche du monde
entier. Mis en service le 13 août, et inauguré officiellement trois mois plus tard, le
grand collisionneur électrons-positrons
(LEP) répond aux nouveaux besoins de
la physique des particules. Il se compose
d’un tube à vide de 27 km de circonférence autour duquel sont installés des
aimants. Le tube, refroidi par eau, est
entouré d’un blindage en plomb. À l’intérieur, des électrons et leurs antiparticules,
des positrons, circulent en sens contraire
à une vitesse proche de celle de la lumière
et entrent en collision les uns contre
les autres avec une très grande énergie.
De nombreuses particules sont alors
créées. L’une de celles qui intéressent le
plus les physiciens est le boson Z°. L’un
des objectifs expérimentaux du LEP est
d’observer la désintégration de dizaines
de milliers de bosons Z° par jour, afin de
tester la validité de la théorie unifiée des
interactions faible et électromagnétique
de Glashow, Salam et Weinberg. Enfoui
sous le sol à une profondeur variant de
45 à 175 m, le LEP a nécessité six ans de
travaux et a coûté quelque 5 milliards de
francs. Avec lui, l’Europe dispose à présent du plus grand accélérateur de particules du monde.
Quand la science jette le trouble...
Si l’homme a désormais la capacité
d’explorer d’une part les constituants
ultimes de la matière, d’autre part les
plus grandes structures de l’Univers (des
chercheurs américains annoncent, le
20 novembre, la découverte, à l’aide du
grand télescope du mont Palomar, d’un
nouveau quasar, dans la direction de la
Grande Ourse, qui serait l’objet céleste le
plus lointain jamais observé, à quelque
14 milliards d’années de lumière), ce sont
toutefois ses pouvoirs d’intervention dans
le domaine du vivant qui suscitent le plus
d’inquiétude (dossier Biologie humaine :
les nouvelles manipulations) : les progrès
récents du génie génétique posent de
graves problèmes d’éthique. Ils ouvrent,
certes, la voie à de nouvelles pratiques
médicales ou thérapeutiques qui permettront d’échapper à certaines fatalités héréditaires ; mais ils peuvent aussi déboucher sur des pratiques condamnables de
sélection d’individus « à la carte »...
La science, au quotidien, n’est pas toujours cette belle aventure désintéressée
au service du progrès de l’humanité que
le public imagine volontiers. Certaines
recherches (comme celles sur la supraconductivité) ont un enjeu économique
considérable. Les chercheurs sont des
hommes, avec leur ambition, leurs faiblesses, leurs travers ; aussi se livrent-ils
parfois, en coulisses, aux plus vives querelles. Celles-ci peuvent même s’étaler au
grand jour. Car, si l’on exalte aujourd’hui
le rôle des équipes, il n’en demeure pas
moins que les grandes distinctions (prix
Nobel, par exemple) sont décernées aux
seuls individus. D’où une lutte parfois
« au couteau » pour assurer la priorité
d’une découverte susceptible de fournir
la notoriété ou de couronner une carrière. Mais le chercheur est-il encore libre
aujourd’hui de s’aventurer hors des sentiers battus ? La question prend un relief
particulier en 1989 avec l’exceptionnelle
médiatisation de deux affaires : celle de la
« mémoire de l’eau » et celle de la « fusion
froide ».
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Parmi les découvertes ayant suscité beaucoup de commentaires figure
aussi celle du fameux « trou d’ozone ».
Peut-être ses causes sont-elles purement
naturelles, comme l’affirment certains
scientifiques ? Peut-être a-t-on surestimé
la part de responsabilité des chlorofluorocarbones (CFC) dans le phénomène ?
Toujours est-il que cette destruction de la
couche d’ozone, ajoutée à l’effet de serre
imputable aux rejets massifs de gaz carbonique dans l’atmosphère, ainsi qu’à la
prolifération des déchets de toutes sortes,
suscite des craintes nouvelles. On note en
1989 une prise de conscience particulièrement aiguë de ce que la Terre et son environnement représentent un patrimoine
commun de l’humanité, qu’il convient
de préserver à tout prix. Pour dresser le
bilan de la situation et définir des lignes
d’action, 180 scientifiques de 40 nations
se réunissent à Paris les 12 et 13 juin dans
le cadre d’un colloque « Planète Terre »
organisé à l’initiative du ministère de la
Recherche et de la Technologie, sous
le haut patronage du président de la
République.
Électronique, informatique
et transports
S’il redoute parfois ses progrès, le
monde ne saurait plus cependant se
passer de la technique. Dans des secteurs tels que l’électronique et l’informatique, celle-ci nous offre chaque année
des innovations spectaculaires. 1989
n’échappe pas à la règle. La firme américaine Intel présente le microprocesseur
le plus miniaturisé et le plus puissant :
le i 80860. Utilisant l’architecture RISC,
c’est le premier microprocesseur comportant plus d’un million de composants
élémentaires. Sa puissance de calcul
en fait l’équivalent d’un superordinateur Cray I. Il comporte d’une part une
unité de calcul sur les nombres entiers,
capable d’effectuer 50 millions d’opérations par seconde, d’autre part une
unité de calcul sur les nombres écrits
en virgule flottante, capable de traiter
100 millions d’opérations par seconde.
Cette puce à haute densité est appelée à
bouleverser l’informatique individuelle
puisqu’elle permet d’envisager l’arrivée
prochaine d’ordinateurs personnels dont
la puissance de calcul sera de l’ordre de
celle des super-ordinateurs actuels.
L’un des domaines où le grand public peut le mieux percevoir l’avancée
des techniques est celui des transports.
Avec le TGV-Atlantique, mis en service
le 24 septembre entre Paris et Le Mans,
la SNCF dispose désormais d’une vitrine
technologique exceptionnelle. Conçu
pour circuler à 300 km/h, ce nouveau
TGV permet de relier Paris au Mans
en une heure, à Nantes ou à Rennes
en deux heures et à Bordeaux en trois
heures. Pour la première fois, un train
entre dans l’ère des micro-ordinateurs.
Les circuits de commande, de contrôle
et de régulation de tous les équipements
moteurs de la rame ont été conçus en
tirant profit des microprocesseurs de
la nouvelle génération. Le conducteur dispose d’un ordinateur central de
bord. Le contrôleur possède les renseignements utiles à l’information et au
confort des voyageurs. Les responsables
des postes d’exploitation et de maintenance peuvent dialoguer avec le train et
transmettre des informations par radio.
Autre perfectionnement notable : la
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SCIENCES ET TECHNIQUES
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possibilité offerte aux passagers de téléphoner, avec l’installation de trois publiphones à bord de chaque rame. Tandis
que le TGV-Sud-Est, inauguré en 1981,
a déjà transporté plus de 100 millions
de passagers à bord de ses 109 rames,
l’entrée en service du TGV-Atlantique
marque une nouvelle étape dans le
développement de ce moyen de transport, très compétitif avec l’avion sur les
petites distances. En attendant la réalisation du TGV-Nord, puis du TGV-Est et
le prolongement du réseau vers Londres,
Bruxelles, Amsterdam et Cologne. Ou
l’inauguration du TGV espagnol, entre
Séville et Madrid. L’importante avance
technologique française acquise grâce
au TGV se trouve d’ailleurs confortée le
5 décembre : entre 12 h 15 et 12 h 30, la
rame 325 du TGV-Atlantique, équipée
de roues plus grandes que la normale
et réduite à quatre voitures (au lieu de
dix en service régulier) atteint près de
Vendôme (Loir-et-Cher) la vitesse de
482,4 km/h et pulvérise ainsi le record
du monde de vitesse sur rail qui avait
été ravi à la France le 1er mai 1988 par
l’ICE (Inter City Express) ouest-allemand, avec 406,9 km/h entre Hanovre
et Wurzbourg.
Autre belle vitrine technologique,
mais européenne et aéronautique cette
fois, la famille des Airbus, produite par
un groupement d’intérêt économique
associant quatre industriels : Aérospatiale (France) et MBB (Allemagne
fédérale) pour 37,9 % chacun, Bristish
Aerospace (Grande-Bretagne) pour
20 %, et Casa (Espagne) pour 4,2 %.
Dernier-né de ce consortium industriel,
l’A 320, un biréacteur moyen-courrier
pouvant transporter 150 passagers, en
est le plus gros succès : mis en service en
1988, il bénéficiait déjà à la fin de 1989
de 527 commandes fermes et 200 options, les constructeurs espérant pouvoir
en vendre au total 800 exemplaires. Le
26 novembre, Airbus Industrie annonce
le lancement officiel du programme
A 321, pour lequel 107 commandes
fermes et 74 options sont enregistrées.
Dérivé de l’A 320, le nouvel appareil
s’en distinguera surtout par un fuselage
allongé de 7 m et par une puissance
légèrement accrue des moteurs. Son
rayon d’action sera un peu plus faible :
4 450 km contre 5 300. Conçu pour accueillir 186 passagers, il entrera en service en 1994 et sera le concurrent direct
du Boeing 757. Dans l’intervalle, Airbus
Industrie aura inauguré deux autres appareils : au printemps 1991, le moyencourrier bi-moteur A 330, au rayon d’action de 9 000 km ; et, un an plus tard,
le long-courrier quadrimoteur A 340,
au rayon d’action de 14 000 km. Après
la signature, annoncée le 16 novembre,
d’une commande de la compagnie aérienne américaine Continental Airlines,
portant sur 40 appareils, dont 20 en option, pour un montant record de plus de
28 milliards de francs, ce sont au total
27 clients qui se sont engagés à acquérir
426 A 330 et A 340, dont 85 commandes
fermes pour l’A 330 et 77 pour l’A 340.
Pour la famille Airbus, la réussite n’est
pas seulement technologique, elle est
aussi commerciale.
PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE
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Le mal de terre
La planète encore bleue et un peu moins verte évolue dans une drôle d’atmosphère. Et l’homme dans tout ça ?
L’eau, qui altère les roches, transporte
et accumule les produits de l’érosion,
participe à l’évolution des paysages en
modelant des reliefs très variés : chaque
année, 12 milliards de m3 de débris minéraux sont arrachés aux continents. Mais
l’eau, à laquelle la biosphère doit son existence, est, avant tout, la ressource indispensable à l’homme.
La réserve en eau de la planète, estimée à 1,4 milliard de km 3, est constante,
le cycle de l’eau perpétuel : l’eau des océans
et des continents, l’eau de constitution des
plantes s’évapore dans l’atmosphère avant
de revenir vers les océans et les terres
émergées sous forme de pluie, de grêle ou
de neige. Les eaux océaniques, les eaux
retenues par les calottes glaciaires et les
glaciers, les eaux continentales représen-
tent respectivement 97,2 %, 2 % et 0,6 %
du volume total. L’atmosphère contient
en permanence 13 000 km 3 de vapeur
d’eau. Sur les 110 000 km 3 qui tombent
chaque année sur les continents, 15 000
s’infiltrent dans les sols ou sont absorbés
par la végétation, 60 000 s’évaporent et
35 000 alimentent lacs et rivières.
Douces, les eaux terrestres ?
L’homme n’utilise que la moitié environ de ces eaux de surface, soit 15 000
à 20 000 km 3. Ces ressources sont très
supérieures aux besoins de la population
mondiale actuelle et il n’y a aucun risque
de pénurie à court terme. Précisons
néanmoins que la répartition spatiale
des réserves d’eau douce est aussi inégale
que celle des précipitations et que la qualité minérale et bactériologique de l’eau,
comme le coût d’exhaure et de traitement
des eaux libres et des nappes, varie considérablement d’un pays à l’autre.
Dans les régions où les besoins dépassent les réserves, là où le taux de
croissance de la population est élevé, le
développement de l’agriculture et de l’industrie rapide, le tarissement des nappes
phréatiques est fréquent (Inde, Chine,
Amérique latine...). Les aménagements
hydrauliques sont alors préférables à l’exploitation des nappes profondes, généralement fossiles, qui ne sont plus réalimentées dans les conditions climatiques
actuelles.
La pollution des eaux douces continentales, parce que plurielle, est, en cette
fin de XXe siècle, très préoccupante. Bénigne lorsqu’elle est d’origine naturelle,
elle peut avoir de graves conséquences
pour la flore, la faune et l’homme
lorsqu’elle est d’origine industrielle et/ou
agricole. Dans les pays en voie de développement, la déforestation, qui exacerbe le
ruissellement et l’érosion des sols, a pour
effet d’accroître considérablement la turbidité des eaux fluviales et lacustres ainsi
que l’alluvionnement. Les eaux de surface
comme les nappes superficielles peuvent
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être souillées par des déchets organiques
d’origine végétale, animale ou humaine ;
elles véhiculent alors des germes pathogènes, vecteurs de la typhoïde, du choléra
ou de la dysenterie.
Dans les pays développés, la pollution des eaux est le fait des activités
industrielles et agricoles comme de la
production-accumulation d’un volume
considérable de déchets ménagers très
variés et, pour certains, toxiques. La
concentration de substances dangereuses
dans les rivières et les nappes phréatiques
atteint parfois des valeurs critiques. Les
métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, cuivre...), les produits chimiques
de synthèse comme les pesticides, les
engrais (phosphates et nitrates), les solvants..., les pluies même, lorsqu’elles sont
acides, sont devenus des polluants très
ordinaires dans les pays industrialisés et
dans certains pays d’Amérique latine ou
d’Asie du Sud-Est.
Il est à noter que la pollution s’est
globalement stabilisée dans les pays
d’Europe occidentale depuis 1980. Les
déchets traditionnels sont traités avec
quelque succès par sédimentation ou par
dégradation microbiologique. Les méthodes de dégradation des polluants industriels (métaux et produits chimiques),
plus onéreuses, progressent régulièrement. Il reste cependant beaucoup à faire
pour améliorer la qualité des eaux continentales – de l’eau de consommation –,
pour restaurer les écosystèmes fluviaux
et lacustres, pour éviter ou limiter les
risques de pollution des rivières, des lacs,
des nappes superficielles ou profondes, et
pour exploiter et gérer rationnellement
les ressources dont nous disposons.
Les exemples suivants montrent qu’il
est temps de prendre conscience des dangers auxquels nous expose la pollution
des eaux. En Bretagne, dans les Côtesdu-Nord et dans le Morbihan, la concentration en nitrates atteint localement
100 mg par litre (la société d’eau minérale
Katell-Roc a dû renoncer à l’exploitation
de sa source du Lizio !), et en Hollande,
480 mg/l, alors que la directive de la CEE
réglementant la qualité des eaux, qui date
de 1982, avait fixé comme teneur maximale 50 mg/l. Or ces nitrates, que l’on
retrouve aussi dans les légumes, seraient
cancérigènes chez l’homme comme chez
l’animal et menaceraient les bébés de méthémoglobinémie (la maladie bleue), qui
se traduit par des difficultés respiratoires
et des vertiges.
Astronomie
Ultime épisode d’une mission spatiale
exceptionnelle, le survol de la lointaine
planète Neptune et de son satellite Triton
par la sonde américaine Voyager 2 marque
une nouvelle étape dans l’exploration du
système solaire.
Les spécialistes découvrent une planète bien plus différente d’Uranus qu’ils ne
l’imaginaient. Son atmosphère, en particulier, apparaît beaucoup plus dynamique.
Comme des observations effectuées depuis
la Terre le laissaient soupçonner, la planète
est entourée de plusieurs anneaux de poussières et de roches, dont le rayon est compris entre 42 000 et 63 000 km ; le plus extérieur est curieusement segmenté en arcs
qui lui donnent l’aspect d’un chapelet de
saucisses...
Cependant, les plus grosses surprises proviennent de Triton, le principal satellite de
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Neptune (2 705 km de diamètre). C’est l’astre
le plus froid jamais exploré (– 236 °C au sol),
mais il est pourtant géologiquement très
actif : sa surface gelée est jeune et tourmentée ; elle montre peu d’impacts de météorites et on y découvre des terrains ridés et
fissurés sans équivalent sur les satellites de
Jupiter, de Saturne ou d’Uranus ; surtout, elle
abrite des geysers d’azote.
Le succès spectaculaire de Voyager 2 ne
saurait faire oublier que la recherche astronomique s’effectue principalement à partir
d’observatoires installés sur la Terre. Parmi les
nouveaux instruments inaugurés en 1989,
deux semblent très prometteurs : le NTT
(New Technology Telescope) de l’observatoire européen du Chili, premier télescope
« à optique active », dont la forme du miroir
primaire (3,58 m de diamètre) est en permanence contrôlée et ajustée par ordinateur,
et le radio-interféromètre à trois antennes
de 15 m de diamètre implanté sur le plateau de Bure, dans les Hautes-Alpes, pour
l’étude des sources célestes de rayonnement
millimétrique.
Philippe de La Cotardière
Le Rhin, fleuve international, siège
d’une intense activité économique et
industrielle et qui arrose les grandes
agglomérations que l’on sait, transporte
chaque année jusqu’en mer du Nord une
quantité considérable de substances polluantes dont 1 100 000 t de chlorures et
3 500 t de phosphates, issus de l’exploitation des potasses d’Alsace, 450 t de
cuivre et 10 t de cadmium. Fin octobre et
début novembre 1986, près de Bâle, plus
de 30 t d’insecticides et de fongicides à
base de mercure s’étaient déversés dans le
Rhin après l’incendie d’une des usines du
groupe Sandoz. Le fleuve avait été stérilisé sur des dizaines de kilomètres...
On pourrait également citer le Pô, le
Danube, le lac Baïkal ou le lac Michigan,
dont les eaux sont si polluées que faune et
flore, déjà très appauvries, sont condamnées à disparaître à plus ou moins long
terme.
...des golfes pas très clairs !
Les océans dans lesquels sont apparues les premières manifestations de
la vie, les océans qui participent à l’alimentation des hommes, les océans qui,
avec la Terre et l’atmosphère, jouent un
rôle déterminant dans l’équilibre climatique sont eux aussi menacés, directement ou indirectement, par les activités
humaines.
C’est la zone de contact entre les
océans et les continents, là où les eaux
marines sont les moins profondes – il
s’agit de la province néritique dont l’extension coïncide avec celle du plateau
continental – qui concentre l’essentiel
des ressources marines vivantes, renouvelables mais non illimitées. C’est dans
ces eaux côtières que les algues, fixées, en
suspension ou flottantes, jouent un rôle
considérable dans le cycle du carbone de
la biosphère : la quantité de CO2 qu’elles
transforment en matière organique par
photosynthèse est en effet supérieure à
celle que la végétation terrestre absorbe.
Mais ces eaux côtières, où sont pratiquées la pêche, l’ostréiculture, la mytiliculture, l’aquaculture, où la circulation
des bateaux est de plus en plus importante, ces littoraux où se développent les
activités portuaires et industrielles, balnéaires et touristiques, sont des milieux
menacés dans leur équilibre précaire par
des pollutions variées en progression
constante.
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Ainsi peut-on citer les apports fluviatiles en sédiments, en engrais, en métaux
lourds et en produits dissous de toutes
sortes ; les apports atmosphériques en
polluants métalliques ou chimiques (détergents, pesticides) ; les apports de matières organiques associées à des microorganismes pathogènes (près des villes
côtières) ; ou la pollution thermique
consécutive au rejet d’eau de mer utilisée
pour le refroidissement des installations
industrielles ou de centrales thermiques.
À cette liste, qu’il faudrait détailler,
s’ajoute la pollution par les hydrocarbures, rendue tristement célèbre par la
longue série de marées noires spectaculaires provoquées, depuis 1968, par
le naufrage ou l’échouage de pétroliers :
Amoco Cadiz (250 000 t de brut en 1978,
au large des côtes bretonnes), Bahia Paraiso (28 janvier 1989 – 1re marée noire
observée en Antarctique), Exxon Valdez (35 000 t de brut – détroit du Prince
William, Alaska, 24 mars 1989), World
Prodigy (Newport-Rhode Island, 23 juin
1989), Texas (chenal de Houston au golfe
du Mexique, 23 juin 1989), Presidente Rivera (baie de la Delaware, 24 juin 1989),
Kharg 5 (70 000 t de brut au large de la
côte atlantique du Maroc, 19 décembre
1989...).
Ces pollutions accidentelles sont,
précisons-le, moins importantes que
celles imputables au dégazage en haute
mer des citernes des pétroliers ou aux
pluies de résidus de combustion des
hydrocarbures. Les effets de la pollution
des milieux océaniques, qu’il s’agisse de
ceux qui concernent la santé publique ou
de ceux qui, en affectant les eaux superficielles des océans, menacent, par-delà
les échanges océan-atmosphère, la composition de l’atmosphère, sont multiples.
Les eaux de baignade, qui, en France,
sont contrôlées régulièrement, peuvent,
lorsqu’elles sont souillées, provoquer
l’irritation de la peau, des muqueuses,
des yeux ou même des affections microbiennes ou virales plus sérieuses.
Les pollutions les plus graves sont
évidemment celles qui, d’une façon ou
d’une autre, mettent en péril la vie dans
les océans. Certains polluants chimiques
peuvent avoir des conséquences catastrophiques, immédiates et locales sur la
faune et la flore ; d’autres ont assurément
des effets pervers dans la mesure où ils se
manifestent sur des espaces très vastes et
durablement. Tel est le cas des pesticides
organochlorés et organophosphorés, des
détergents, des complexes métalliques,
qui sont stables dans les eaux océaniques
et qui, en se concentrant dans les algues,
les poissons et les crustacés, peuvent affecter l’ensemble de la chaîne alimentaire
jusqu’à l’homme.
Les pollutions par les hydrocarbures
et par les détergents utilisés pour les réduire ont des conséquences graves mais
heureusement limitées dans le temps
et dans l’espace, tant au plan biologique
qu’au plan économique. Les nitrates et les
phosphates rejetés par les fleuves et les rivières sont à l’origine de « marées vertes »
dues à la prolifération très rapide d’algues
microscopiques comme la Chrysochromulina polylepsis. Ces marées vertes sont
de plus en plus fréquentes dans la mer
du Nord, le long des côtes scandinaves,
danoises et allemandes, ainsi que dans
la partie septentrionale de la mer Adriatique. Cela prouve bien que la pollution
des eaux marines est maximale à proximité même des littoraux ou dans les mers
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fermées comme la Baltique ou la Méditerranée, où la qualité des eaux, les ressources halieutiques sont en péril.
Les eaux du large, elles-mêmes, sont
empoisonnées au point que des chercheurs prédisent que le taux d’oxygène atmosphérique pourrait baisser de 5 à 10 %
si cette pollution venait à limiter la fonction chlorophyllienne de la prairie phyto-
planctonique qui colonise la surface des
océans. Ainsi, l’océan mondial recueille et
concentre l’ensemble des polluants d’origine naturelle ou anthropique. Or l’avenir
de l’humanité est indissociable de celui
des mers et des océans. Il est donc urgent
d’intensifier les recherches sur l’hydrosphère, d’élaborer des programmes de prévention des pollutions et d’améliorer la
gestion des ressources marines.
Atmosphère... atmosphère ?
L’air atmosphérique est, comme chacun le sait, un mélange de gaz contenant
en suspension des particules liquides et
solides d’origines diverses. On considère
que la composition de l’air sec est quasi
invariable dans l’homosphère formée de
la troposphère, de la stratosphère et de
la mésosphère, c’est-à-dire jusqu’à l’altitude de 80 km environ. Les proportions
(en %) de la plupart des gaz y sont, en
effet, constantes ; azote, 78,09 ; oxygène :
20,95 ; argon : 0,93 ; gaz carbonique :
0,03 ; hydrogène : 5.10– 5 ; ozone : 1.10– 6 ;
radon : 6.10–18... Les seuls gaz dont la teneur peut varier dans le temps et dans l’espace sont le gaz carbonique, l’ozone 03 et
le radon Rn dont les concentrations sont
extrêmement faibles. L’eau qui existe dans
l’atmosphère sous ses trois formes, solide,
liquide et gazeuse, représente, en volume,
peu de chose par rapport à la masse des
eaux océaniques et continentales, mais la
teneur en vapeur d’eau est éminemment
variable. Ainsi, à l’exception de quelques
gaz et de la vapeur d’eau qui lui a donné
son nom, l’atmosphère, indispensable à la
vie animale et végétale, manifesterait une
grande constance.
Géologie
L’année 1989 a été marquée par un événement et par un anniversaire. En juillet
1969, au cours de la mission Apollo 11, un
homme mettait pour la première fois le pied
sur la Lune et en rapportait les premiers
échantillons. C’était le véritable début de la
géologie extraterrestre, les blocs prélevés
n’ayant pas subi de pollution par l’atmosphère, comme c’était le cas pour les météorites, seules roches extraterrestres connues
jusqu’alors. Cette date a été célébrée par
un colloque au cours du 28e Congrès géologique international, qui s’est tenu en juillet
à Washington (États-Unis). À cette occasion,
le seul géologue à avoir parcouru une por-
tion de territoire lunaire, Harrison H. Schmitt,
a parlé de ses travaux sur le terrain effectués
au cours de la dernière mission Apollo, dans
la vallée de Taurus-Littrow, « sans mouche ni
moustique et sans buisson épineux »...
Le Congrès géologique international est
une manifestation qui a lieu tous les quatre
ans et qui regroupe toutes les disciplines des
sciences de la Terre. À Washington, près de
5 900 personnes ont été inscrites. Les trois
délégations les plus importantes ont été
formées par les États-Unis (près de 3 300),
le Canada (259) et la France (208). Plusieurs
sessions étaient proposées simultanément,
avec le souci de réunir des spécialistes de disciplines différentes. S’y ajoutaient les exposidownloadModeText.vue.download 366 sur 509
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tions de divers organismes (sociétés privées,
services géologiques, maisons d’édition)
provenant de plusieurs pays. En outre, les
congressistes pouvaient tirer profit des nombreuses rencontres formelles ou impromptues que favorisent de tels rassemblements.
Le « sponsor » du Congrès géologique
international, l’Union internationale des
sciences géologiques (IUGS), s’est donné un
nouveau président, M. Umberto Cordani, de
nationalité brésilienne, le premier qui soit
issu d’un pays en voie de développement.
Bernard Bonin
Ce n’est pourtant qu’une apparence :
CO2, O3, CH4 (méthane), effet de serre,
pollution... sont les vedettes médiatiques
de ces dernières années. L’homme, coupable, est, à juste raison, inquiet. Les changements intervenus dans la composition
de l’atmosphère terrestre sont dus aux
activités humaines et augmentent avec
la population qui, entre 1950 et 1987, est
passée de 2,5 à 5 milliards d’habitants. Les
trois dernières décennies ont été principalement marquées par l’accroissement
régulier de la concentration du gaz carbonique et du méthane et, de manière plus
générale, par l’aggravation qualitative et
quantitative de la pollution de l’air. Les
émissions de CO2 sont imputables, à plus
de 80 %, à la combustion des matières
énergétiques fossiles et non renouvelables
(houille, pétrole, gaz), aux feux de végé-
tation et à la décomposition des matières
organiques végétales. Elles sont très supérieures à celles d’origine naturelle (les
volcans en particulier) : 20 milliards de t
contre 100 millions. Le taux d’augmentation annuelle de la teneur de CO2 atmosphérique est de l’ordre de 0,5 %.
L’homme et la nature produisent aussi des gaz polluants : le chlore (2.106 t), le
fluor (3.105 t), le dioxyde de soufre (SO2),
des gaz de synthèse comme les tristement
célèbres CFC... ainsi que des acides chlorhydrique, sulfurique, fluorhydrique... À
lui seul, l’Etna émet chaque jour 30 000 t
de CO2, 4 000 t de SO2, 300 t de chlore et
50 t de fluor ainsi que des poussières minérales (lithométéores). Dans les régions
fortement industrialisées, la combustion
de charbon fossile libère des quantités
importantes de dioxyde de soufre. Tel
est le cas dans le nord et le nord-est des
États-Unis ou dans la vallée du Gange. Le
méthane a pour origine la combustion
des hydrocarbures, la décomposition
anaérobie de la biomasse végétale dans
les marais et les rizières ou les fermentations qui se développent dans l’appareil
digestif des ruminants.
Les industries chimiques produisent
massivement (1 million de t par an) des
chlorofluorocarbones, les CFC, utilisés
comme agents réfrigérants ou propulseurs d’aérosols (CFC 11 et 12) et qui
entrent dans la composition de solvants
de nettoyage CFC 113 et des mousses
CFC 114. Les fréons, CFC 11 et 12, stables
dans la troposphère, sont dissociés dans
la stratosphère par les UV solaires. Les
atomes de chlore ainsi libérés, réagissant avec les molécules d’ozone, forment
du monoxyde de chlore qui s’« attaque »
à d’autres molécules d’ozone, et ainsi de
suite.
La couche d’ozone, étudiée et surveillée par de nombreuses équipes scientifiques, est mal connue, mais une chose
est certaine : l’ozone absorbe les rayons
UV solaires ; sa disparition provoquerait
l’augmentation du rayonnement ultraviolet sur Terre et dans la biosphère ;
l’homme et tous les êtres vivants seraient
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terriblement menacés. Les gaz tels que
le CO2, le CH4, le N20, les CFC..., qui
absorbent le rayonnement infrarouge,
sont des gaz à effet de serre. Le CO2, les
CFC et le CH4 y participent respectivement dans les proportions de 55, 20 et
15 %. L’augmentation de leur teneur dans
l’atmosphère – le doublement de la quantité de CO2, par exemple – entraînerait
un réchauffement de l’air de 3 °C ± 1,5 °C,
puis la fonte des glaces polaires et celle
des glaciers des vallées, la montée du niveau moyen des océans, donc une transgression et la submersion de millions de
kilomètres carrés de plaines côtières.
L’étude du quaternaire révèle que
des transgressions autrement plus importantes se sont produites sans que
l’homme puisse être incriminé. Mais ce
dernier, qui est incapable de modifier
le climat à l’échelle locale ou régionale,
pourrait bien, à terme, perturber la circulation générale, les relations Terre-océanatmosphère, et, par conséquent, le climat
global. Aussi n’est-il pas inutile de revenir
sur quelques idées simples. L’effet de serre
est vital : s’il n’existait pas, la planète trop
froide ne pourrait être habitée. Le CO2,
l’un des principaux coupables de l’effet de
serre, est absorbé en partie par le milieu
naturel planétaire. L’océan joue le rôle de
modérateur vis-à-vis de l’augmentation
du gaz carbonique et les échanges entre
la bio