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Synthèse de 5 conférences sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo Aujourd'hui les pratiques multimédia des jeunes se développent largement en direction d'internet et des jeux vidéo. A un point que leurs pratiques soulèvent des inquiétudes sur l'intérêt et sur les dangers de ces usages. Le but de cette note est de synthétiser des travaux menés depuis 2 ans par plusieurs chercheurs, enseignants, psychologues et sociologues en France afin de livrer une vision actuelle et terre à terre de ces usages, loin des clichés qui circulent. Ultra résumée, cette note est destinée aux professionnels de la Ville d'Échirolles et des professionnels d'EPN travaillant en direction de la jeunesse et des réseaux sociaux. A bientôt sur le réseau... Jeux vidéo : Le ressenti des parents Le jeu vidéo bouleverse les critères de sociabilité des parents. Il ne résulte pas d'une transmission entre générations. Rejet des parents, effet de "bouc émissaire" (c'est « la faute aux jeux vidéo ! »), relayé par les médias. Cf documentaire "Génération Gamers" sur France TV. Alors qu'il est en plein développement, l'ado se heurte souvent aux contraintes et aux refus de ses parents. Le fait de mettre en échec son entourage peut lui faire éprouver un sentiment de toute puissance. "Addiction" à quelque chose : constat de l'échec répété dans le contrôle de ce comportement. (2) Le besoin des enfants L'écran : un tranquillisant par rapport à la vie réelle. En plus, l'ado vit des aventures, la liberté, l'indépendance. C'est une "échappatoire" corporelle. Cela permet de ne pas être impuissant mais d'être actif, maître, aux commandes. Nourrit l'estime de soi. L'écran permet plusieurs choses : - d'amener à des rencontres IRL (In Real Life), ou V2R (Virtual To Real). - la socialisation ; l'effet " frères d'armes ", par exemple après une bataille en réseau. - la gestion des angoisses : œdipiennes, accomplissement de soi, mort, morcellement, folie... - la gestion des excitations (selon le temps passé dessus, le type de jeu...). C'est un exutoire, avec une fonction cathartique. Jouer pour grandir : le jeu permet de simuler le monde adulte, d'expérimenter, construire, détruire. Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011 Permet d'adapter la juste distance relationnelle avec d'autres joueurs : les Guildes dans les jeux sont similaires aux Groupes thérapeutiques. Apprendre autrement : développement de compétences, d'imagination. L'avatar : représentation symbolique. Que vais-je montrer de moi, ou cacher ? Cela engage un début de réflexion sur soi, et permet une approche des autres, émotionnellement, intellectuellement. Avantage de la cuirasse. Mais cela peut mener à des débordements pulsionnels. (1,2) Angoisses de société Violence : 2 hypothèses : - le jeu vidéo violent entraîne le passage à l'acte (1, 2) - le jeu vidéo violent a un effet cathartique, libérateur (2) De ces 2 hypothèses il faut retenir le plus important : quel sens donne le jeu à cette violence ? Sauver le monde ou tuer gratuitement ? Le jeu vidéo n'est pas créateur d'addiction, il est révélateur d'autres pathologies. Profil du véritable cyber accro : anxieux, solitaire, immature, émotionnellement vide, replié sur lui, triste, agressif. Prévention des risques : - cadrer dès le plus jeune âge le temps de jeu, établir un contrat - pas de critique gratuite, mais plutôt constructive - prendre en compte le classement PEGI à l’achat (2) Internet & réseaux sociaux : Retour sur l'enquête de Fréquence Ecoles (1000 jeunes sondés en 2010) : Stéréotypes Internet est nouveau. Peur des adultes, monde opaque pour eux. Enfants connectés, donc déconnectés de la réalité ? Dématérialisation des contacts, relations, amitiés. Les jeunes perdraient de l’intelligence avec le net (copier-coller). Constats Moyenne européenne jeune : 1h30 sur le net par jour. Sur internet se reproduit exactement le schéma relationnel que le jeune a dans la vie. Donc pas ou peu de rencontres avec des inconnus. Dématérialisation de la sphère familiale des jeunes pour s’affirmer dans leur sphère amicale. L’échange sur internet n’a pas toujours la fonction d’échange d’info. Il a aussi et surtout une fonction phatique : fonction de lien avec l’autre, de continuum. La relation n’est pas virtuelle (l’autre existe), elle est médiatée (passe par un médium). Internet est une "graisse sociale" : elle colle les individus, mais elle peut glisser (sites pervertis, violence…) L’outil a beaucoup de potentialité (communication instantanée au bout du monde) mais cet usage est peu exploité (on ne parle qu’à ses connaissances). L’idée que "l’internet disqualifie l’adulte" (le parent, le médiateur) est le principal frein à la compréhension/l’utilisation de ce média par l’adulte. Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011 Dangers & risques : la réalité Seuls 8% des jeunes ont eu de véritables problèmes sur internet. La plupart du temps les problèmes vécus sur internet sont des "bugs, virus, plantages". On peut voir des choses et ne pas être choqué. Le risque existe mais il est faible, et la plupart du temps on ne le vit pas mal. Mais plus le jeune grandit, plus il est conscient des risques. Quand les jeunes ont un souci (ex. : harcèlement), ils en parlent d’abord (77%) à un interlocuteur réel. Certes il y a des dangers sur le net. Le net est une mer d’infos. Or les jeunes ne sont pas des explorateurs du net (surf, découverte…). Ils sont surtout des voyageurs organisés (ils savent sur quels sites ils vont, ils ont des habitudes de consultation de l’outil). Ce sont les plus jeunes, souvent les garçons, qui s’aventurent le plus sur des sites inconnus. Le fait de rencontrer des inconnus libère la parole, des questions qu’on ne peut pas poser à son entourage proche. Cela permet d’expérimenter dans un espace protégé avant d’agir dans le réel. => L’adulte disparaît dans la construction du jeune ? Les jeunes perdraient de l’intelligence avec le net (copier-coller, Wikipedia…) ? C’est faux, l’intelligence, comme la curiosité se construit "à la mamelle", c'est-à-dire dès la plus tendre enfance. L’addiction est une idée formidable car ça permet de vendre des heures de thérapie. C’est une métaphore commode pour ne pas évoquer d’autres problèmes sous-jacents. Or en psychiatrie aucun professionnel mondial reconnu et aucun ouvrage récent n’en parlent. Cela cache donc souvent des problèmes bien plus graves de personnalité, familiaux, scolaires… c’est donc une invention pour agglomérer des maux bien plus graves. De plus jusqu’à 25 ans le cerveau n’a pas fini de se développer donc on ne peut pas parler d’addiction avant ce seuil. D’ailleurs il ne faut plus parler d’addiction à l’écran. Internet cristallise la panique morale d’une société. La vraie question du risque est : est-ce que le jeune est en capacité de faire face aux risques de la vie, lui-même, de façon autonome ? Internet est à la fois le lieu d’assujettissement au groupe de pairs (sinon on est rejeté du groupe) et le lieu de libération, de prise de distance sociale. Et la neutralité ? Question du comportement : ce n’est pas l’internet qui faute, c’est d’abord l’humain. Lancement/propagation des rumeurs plus rapide. L’outil n’est pas neutre (enjeux commerciaux). Il faut donc une démarche d’éducation et non une démarche de danger. Et la question de la neutralité concerne tous les médias. Ne sont-ce pas les autres médias qui dramatisent l’usage d’internet ? Facebook : dura lex, sed lex Les médias (son, image, texte) qu’on met sur Facebook appartiennent juridiquement à Facebook, sauf si ce sont les propriétés déjà déclarées d’auteurs. Parade : il est possible de protéger sa propriété par un lien externe vers une image avec dépôt de licence Creative Commons, éventuellement avec horodatage de la validité des photos. Quant au profil Facebook, même supprimé aux yeux des utilisateurs il est conservé sans limite de date par les administrateurs du site. (3) Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011 Identité & numérique Notre environnement socio-technique a changé : les jeunes ont grandi dans un monde déjà numérisé. Le développement est exponentiel : ordinateurs, téléphones portables, internet, APN, TV, DVD... Conséquences : - le multiéquipement médiatique des foyers mène à l'individualisation des pratiques - autonomisation culturelle : il est plus dur pour les parents de modeler l'éducation de leur enfant. - développement plus précoce des ados Les jeunes & ados d'aujourd'hui sont des "natifs numériques", ils sont nés avec (Prensky, 2001). Internet bouleverse : - les formes de com. adolescente : on communique "par-dessus la tête" des parents - la manière de construire son identité : on se "met en scène" sur les réseaux sociaux Construction identitaire : - l'identité n'est pas figée, elle s'établit progressivement - L'ado cherche à s'affirmer comme individu face aux parents - Internet donne de nouvelles façons de se mettre en scène - Il devient en revanche de plus en plus compliqué de se raconter en tant qu’individu Remarque : L’individu ado revendique une liberté et paradoxalement est obligé de se conformer à un groupe (codes, valeurs) pour s’affirmer. Pour s’affirmer, il ne fait pas ce qu’on attend de lui. 5 fonctions principales pour la construction identitaire : - incorporation des codes de la culture juvénile : les ados veulent la découvrir et la partager. Or les réseaux sociaux permettent cela. - communiquer avec le clan : c’est la communication "phatique", qui affirme le lien social - quantifier son capital social : les commentaires et la liste d’amis : deux moyens d’attester sa popularité - évaluer les relations sociales : il est important de savoir ce que les gens pensent de soi - marquer son identité jeune : je ne suis plus un enfant : j’ai un Facebook/blog… 5 tensions principales : - l’injonction à être présent : on est obligé d’être sur les réseaux sociaux sinon l’on est "out" - gérer les identités multiples complexifie la narration de soi - brouillage des frontières de l’intime, du privé : où commence l’intimité ? (Cf livre de JeanMarc Manach : "la vie privée, un problème de vieux con ?") - la coopération faible sur internet - objectiver une identité mouvante : situation semblable au dilemme du tatouage : afficher des goûts éphémères sur un support durable (5) Question de l’identité numérique très complexe : dans le réel on a un prénom, un âge. Sur le net on aborde sa présentation comme on veut. (Cf travaux de Dominique Cardon sur la visibilité) (4) Tous égaux dans le numérique ? Les inégalités face au numérique (sources CREDOC) : - inégalités à l’accès à l’équipement selon les revenus familiaux, les diplômes, l’âge : la fameuse "fracture numérique". Les ados sont la 1 ère raison de s’équiper d’internet pour un foyer. Des inégalités qui se réduisent mais qui demeurent fortes. - inégalités de type d’usage : c’est le "Second Level Digital Divide" : les enfants défavorisés accèdent plus au web pour les loisirs, alors que les enfants plus favorisés l’utilisent davantage pour des recherches et pour leurs études. Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011 L’hypothèse de Pierre Bourdieu était : « Goûts et préférences culturelles reflètent les positions sociales » Or la sociologie actuelle des pratiques culturelles remet en cause ce modèle : on observe une montée de l’éclectisme culturel : ex. : on peut aimer le karaoké et l’opéra, lire le journal l’Équipe et Proust… et ce n’est plus vraiment en fonction de sa position sociale. Dans les familles à fort capital culturel : - accès plus précoce à l’informatique - diversité des usages familiaux - usages proches de la culture scolaire Problématique Gros problème aujourd’hui : manque de coordination et d’engagement des politiques sur le numérique. Comment faire bouger les barrières institutionnelles ? (4) Pourtant un site institutionnel peut créer un profil Facebook : - avantages : maîtrise de son identité numérique, création rapide du profil (gain de temps), économie de moyens, partage instantané et efficace de la com, croissance rapide des abonnés, public jeune mieux touché. - inconvénients : nécessite le contrôle de l’information publiée, des répercussions de cette information, le filtrage des commentaires. (3) Un faible niveau de compétences des adultes : compétences techniques ; socioéconomiques (capacité à analyser : qui produit ? pour qui ? suis-je une cible marketing ?) ; socio-psychologiques (capacité à prendre de la distance vis-à-vis de la norme médiatique) Des instances de transmission en difficulté : - des enjeux mal maîtrisés : on parle encore trop de peurs et de risques - des représentations tenaces qu’il faut dépasser : le faux rapport virtuel/réel, le faux rapport à l’outil (or l’outil n’est pas une fin mais un moyen de comuniquer), le rapport à la connaissance (problème de la mise en concurrence des espaces de connaissance en ligne et des espaces professionnels/institutionnels) - une non-prise en compte du rôle de médiation des instances, or ces instances sont capables de médiation, y compris sur le numérique. Petit objectif Développer les compétences des jeunes au multimédia : - accompagner les usages privés (de la maison) - favoriser une cohérence éducative entre usages privés et éducatifs - suggérer de nouvelles pratiques Grands enjeux éducatifs Maîtriser un monde numérisé : maîtrise technique de l’outil, maîtrise du contexte économique Comprendre les débats de société sur le sujet (débats sur le logiciel libre, le téléchargement, la neutralité du net…) pour suivre son évolution future Éduquer aux risques : - risques d’internet : un sujet médiatique - aider à maîtriser la diffusion d’info perso sur le web - réagir à des contenus choquants - réagir au harcèlement en ligne (Facebook, blogs) - le risque de la rencontre V2R (Virtual To Real) Gérer l’abondance d’information : on économise de plus en plus notre attention, avec Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011 les avantages et les inconvénients que cela présente. (5) Vers une solution ? Aujourd’hui il faut mettre en place un accompagnement des enfants sur le net. Sans connaissance il n’y a pas de sécurité. Il est faux de dire que les enfants savent tout. Aux adultes d’apprendre pour pouvoir leur transmettre les réflexes de sécurité. Particularité de la France : un des seuls pays où les parents surfent plus que leurs enfants. C’est un avantage pour pouvoir reprendre la transmission parent-enfant alors qu’elle s’est aujourd’hui inversée. (4) Pour atteindre cet objectif, il faut développer les compétences des adultes : d’abord les compétences numériques, puis les compétences d’éducation aux médias. Aujourd’hui le numérique concerne tout le monde, pas seulement les spécialistes. Remarque : la prise en compte et l’implication des politiques de la ville influent directement sur la réussite de cette transition numérique. (5) Sources : - 1) Conférence « Sanglants, ludiques, éducatifs... Les jeux vidéo influencent-ils le comportement humain ? » avec Laurent Bègue, Professeur de psychologie sociale au Laboratoire interuniversitaire de psychologie-LIP, Université Pierre Mendès-France à St Martin d'Hères ; jeudi 12 novembre 2009 au Village des sciences établi à l'ancien Musée de peinture, Place de Verdun à Grenoble. - 2) Conférence sur les jeunes et les jeux vidéo « Jeunes, comportements à risques... addictions ? » avec Claire Potié, psychologue clinicienne au CHU de Grenoble et psychologue au GISME, centre d'addictologie à St Martin d'Hères, Yann Calendras, psychologue à l'Association Nationale de Prévention Alcoologie et Addictologie à Lyon ; mardi 2 février 2010 au Lycée Marie Curie à Échirolles. - 3) Conférence « Les réseaux sociaux et Facebook, quels enjeux et perspectives ? » avec Pascal Clouaire, Directeur des systèmes d'information et enseignant à Sciences politiques de Grenoble ; samedi 19 février 2011 à la médiathèque Stravinski à Voreppe. - 4) Conférence « Les jeunes et internet : de quoi avons-nous peur ? » avec Élodie Kredens, Maître de conférence en Sciences de l'information-communication, Université de Savoie, Pauline Reboul de l'association Fréquence Écoles (éducation aux médias), avec des extraits de travaux de Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste et Directeur de recherches à l'Université Paris X, et de Yann Leroux, psychanalyste et membre de l'Observatoire des mondes numériques en Sciences humaines ; vendredi 8 avril 2011 à la Maison du temps libre à Fontaine. - 5) Conférence « Se construire avec les TIC » avec Cédric Fluckiger, MCF Sciences de l’éducation à Lille 3, Bernard Bier, sociologue, Frédérique Bourgeois, présidente du CR-DSU, Pauline Reboul de l'association Fréquence Écoles (éducation aux médias), Christian Combier de la M@ison de Grigny ; jeudi 12 mai 2011 au CISL à Lyon. Guillaume Ginoux – Point Cyb d’Echirolles – juin 2011