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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Biens immeubles
Immeubles par destination n° 6
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour d’Appel de Gand, Arrêt du 9 décembre 1937
Il suffit, pour que des objets mobiliers deviennent immeubles par destination, qu'ils présentent une utilité
réelle et incontestable pour le service du fonds.
La fiction de l'immobilisation par destination étant une exception à la règle de l'article 528 du Code civil, il
incombe à celui qui s'en prévaut de prouver que toutes les conditions de l'immobilisation par destination sont
réunies. S'agissant d'un hôtel de classe supérieure, on peut considérer comme immeubles par destination : les
meubles du bureau du propriétaire, même s'ils présentent un certain luxe, ceux des salles de distraction, de la
salle de billard, la réserve de mobilier et de lingerie, le mobilier de la boulangerie et du magasin à farine.
Des automobiles, même si elles sont mises à la disposition de la clientèle, ne sont pas indispensables à
l'exploitation de l' hôtel !et ne peuvent être considérées comme immeubles par destination.
Lorsqu'une exploitation hôtelière comprend un immeuble qui est la propriété de l'exploitant et un autre
immeuble tenu en location, sont seuls immeubles par destination les meubles affectés exclusivement au
service de la partie d' hôtel appartenant à l'exploitant.
Arrêt du 9 décembre 1937
La Cour,
(…)
Attendu que la Société anonyme «L'Avenir familial»,
bien que dûment assignée, n'a pas constitué avoué;
Attendu qu'il n'est pas requis, pour que des objets
mobiliers deviennent immeubles par destination, qu'ils
soient absolument indispensables à l'exploitation du
fonds sur lequel ils ont été placés; qu'il y a lieu, au
contraire, d'admettre qu'il suffit à cette fin que les
meubles présentent, pour le service du fonds,
une utilité réelle et incontestable;
Attendu que la fiction de l'immobilisation par
destination constitue une exception à la règle générale
déposée en l'article 528 du Code civil, aux termes de
laquelle «sont meubles par leur nature les corps qui
peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se
meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit
qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une
force étrangère, comme les choses inanimées D;
Qu’il n'est pas douteux qu'il incombe à celui qui
invoque la disposition exceptionnelle de l'article 524 du
Code civil de prouver que toutes les conditions requises
pour son application se trouvent réunies;
Que, partant, l'immobilisation ne peut être admise que
dans. la mesure où les intimés établissent que les objets
mobiliers placés dans le « Grand Hôtel» et l' «Hôtel
Excelsior» ont été réellement utiles à l'exploitation de
ces immeubles;
Attendu que dans un hôtel du rang de l'« Hôtel
Excelsior », il fallait un bureau plus ou moins luxueux
où le propriétaire pouvait recevoir, avec un certain
décorum, les clients riches qui venaient séjourner dans
son établissement; que c'est, par conséquent, à tort que
l'expert De Gheldere prétend que les meubles de ce
bureau n'ont pas été immobilisés par destination
industrielle;
Qu’il n'est pas prouvé· que les deux autos « Minerva »
trouvées dans le dit hôtel étaient mises régulièrement à
la disposition des clients; qu'à. supposer même cette
preuve faite, elles n'auraient présenté, au point de vue
de l'exploitation hôtelière, un intérêt suffisant pour leur
enlever leur caractère originaire de meubles;
Attendu que les meubles remisés au grenier étaient des
objets d'usage courant dans l'industrie hôtelière et
pouvaient, pour la plupart, être réclamés, d'un moment
à l'autre, par les clients en vue de compléter
l'ameublement de leurs chambres; qu'ils étaient restés
affectés à l'exploitation de l' « Excelsior », malgré leur
remisage, et participaient, dès lors, de la.nature de
l'immeuble;
qu'on ne comprend pas pourquoi l'expert De Gheldere
entend soustraire à l'immobilisation le petit mobilier de
fumoir placé dans la chambre n° 76, alors qu'il déclare,
comme de juste, immobilisés les meubles des salons
attenants à d'autres chambres de l'hôtel;
Attendu que, si le souci de procurer à une clientèle de
choix des distractions variées pouvait justifier
l'aménagement, à l'intérieur de l'hôtel, d'une salle
anglaise, d'un bar japonais et d'un bar bateau, l'on se
demande en vain quel intérêt il y avait à créer, en outre,
le bodega Carlton et le bar Carlton, qui, séparés de
l'hôtel, faisaient d'ailleurs l'objet d'une entreprise tout à
fait distincte;
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Immeubles par destination n° 6
Que la salle de billard, le salon de coiffure, la
boulangerie et le magasin de farine dépendant de l'
« Excelsior » ne pouvaient qu'en favoriser l'exploitation
et leur mobilier doit par conséquent être considéré
comme immeuble par destination;
Attendu que la présence dans la lingerie d'une grande
glace était évidemment du luxe surabondant;
Que la pièce d'étoffe neuve de 44 mètres, que le failli se
proposait, peut-être, d'affecter à la transformation ou à
la restauration de certains meubles, n'y avait, de fait, été
employée;
Que 5 pièces de toile doivent être appelées une réserve
normale dans un hôtel de l'importance de l' « Excelsior»; que les quantités trouvées de draps de lit,
serviettes, cuillers et fourchettes n'avaient rien
d'excessif eu égard aux besoins réels de l'exploitation;
Attendu que l'expert De Gheldere se trompe lorsqu'il
exprime l'avis que le piano et le tapis moquette de la
salle de thé dansant sont restés meubles;
Que s'il est un objet· indispensable dans pareille salle,
c'est un piano, les orchestres, comme le fait très
justement remarquer une des intimées, n'ayant pas
l'habitude d'amener avec eux cet instrument;
Qu'il est évident que, pour couvrir le parquet de la salle
à l'endroit occupé par les fauteuils, canapés, chaises et
tables, les trois tapis déclarés immeubles par l'expert
étaient insuffisants et qu'il a fallu, en outre, le tapis
moquette d'une superficie de 128 mètres carres;
Que l'expert a été tout aussi mal inspiré lorsqu’il a
contesté l'utilité du piano-buffet Schiedmayer dans la
grande salle flamande; qu'il faut, par contre, suivre son
avis lorsqu'il estime surabondante la moitié des tapis de
la salle anglaise;
Attendu que l'appelant prétend à tort que tous les
meubles garnissant la partie du " Grand Hôtel », qui
était la propriété du failli D'hondt, avaient conservé
leur caractère mobilier sous prétexte que cet hôtel
comprenait aussi un immeuble simplement tenu en
location; qu'en réalité, il faut distinguer entre les
meubles affectés exclusivement au service de la partie
d'hôtel appartenant à D'hondt et ceux qui servaient à
l'exploitation commune des deux immeubles;
Que les premiers seuls doivent être tenus pour des
accessoires de la propriété D'hondt et, partant, ont été
immobilisés;
Que ces meubles sont les objets qui garnissaient les
divers étages de l'immeuble du failli composé presque
exclusivement de chambres à coucher; que les autres
meubles placés au rez-de-chaussée, d'une valeur totale,
d'après, l'expertise Wyffels, de 44,723 francs, n'ont pu
être atteints par la fiction de l'immobilisation et ont
échappé, en conséquence, à la garantie des créances
hypothécaires;
Que cette solution s'impose d'autant plus que
l'importance de l'immeuble loué dépassait, et de
beaucoup, celle de la propriété du failli et qu'ainsi les
meubles à usage commun servaient, en ordre principal,
les fins industrielles et commerciales du premier de ces
immeubles;
Attendu que la décision du premier juge quant aux
dépens ne peut être confirmée;
que les diverses parties qui sont encore au procès ont
été d'accord pour que les frais de l'expertise Judiciaire
fussent considérés comme frais de vente;
Que la "Caisse Urbaine et Rurale» et 1 "Union
Hypothécaire et Immobilière Anversoise» ont même
conclu, en première instance, à ce que les dépens du
procès fussent compris aussi dans les frais de vente;
qu'il faut, dès lors, conformément à l'accord des parties,
que les dépens de première instance antérieurs au
jugement du tribunal de Bruges, en date du 9 novembre
1931, et les frais de l'expertise De Gheldere soient
supportés par la masse hypothécaire; qu'en ce qui concerne le surplus des dépens, il y a lieu de tenir compte
de deux faits : les intimés ont renoncé à leur
contestation relative à la prétendue immobilisation des
meubles garnissant la villa "Bambino », la villa située
Rampe Carlier et le magasin dénommé l' « Armement
», ainsi que des vins et provisions du « Grand Hôtel )',
le présent arrêt donne gain de cause à l'appelant sur
plus d'un chef; qu'il échet, dans ces conditions, de faire
application de l'article 131 du Code de procédure civile
et de condamner l'appelante aux trois cinquièmes des
dits dépens et les intimées aux deux cinquièmes
restants;
Par ces motifs,
La cour, rejetant toutes conclusions autres, plus amples
ou contraires, vu l'article 68 de la loi du 15 juin 1935;
entendu en son avis M. l'avocat général de Smet,
décerne défaut, faute de comparaitre, contre l'intimée,
la Société anonyme « L'Avenir familial;
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Reçoit l'appel principal et l'appel incident dirigés contre
le jugement du tribunal de Bruges, en date du 17 mars
1937, et, statuant sur ces recours ainsi que sur l'appel
du jugement rendu par le même tribunal le 9 novembre
1931, dans les limites où la Cour de céans n'a pas
épuisé sa juridiction par l'arrêt du 14 décembre 1932,
met à néant la décision entreprise du 17 mars 1937;
Dit pour droit que la preuve de l'immobilisation par
destination incombe aux intimées;
Déclare immeubles par destination les objets mobiliers
qui se trouvaient placés dans l' « Hôtel Excelsior », à
l’exception des suivants:
1° les meubles du bodega Carlton et du bar Carlton, y
.compris le piano à queue « Günther );
2° la grande glace en chêne sculpté de la lingerie;
3° une pièce d'étoiffe neuve, granité jaune, de 44
mètres;
4° la moitié des tapis de la salle anglaise;
5° les deux autos « Minerva »; dit que la valeur de ces
objets restés meubles s'élevant, d'après l'expertise
Wyffels, à la somme totale de 91,761 francs, doit être
remise à l'appelant qualitate qua;
Décide que les meubles qui garnissaient le rez-dechaussée de la partie du « Grand Hôtel », propriété du
failli D'hondt, ont conservé leur caractère mobilier et
que leur valeur, fixée d'après l'expert Wyffels, à la
somme de 44,723 frs., revient à la. masse
chirographaire de la faillite;
dit que tous les frais des expertises Wyffels et De
Gheldere et ceux de l'expertise Garnier, à concurrence
de 5,000 francs, ainsi que les dépens de première
instance jusqu'au jugement du 9 novembre 1931 seront
considérés comme frais de vente; condamne l'appelant ,
qualitate qua aux trois cinquièmes des autres dépens,
tant de première instance que d'appel, et les intimées
aux deux cinquièmes restants de ces dépens.
.
Du 9 décembre 1937. - Cour de Gand. - 1'" ch. - Prés.
Chevalier de Haerne, premier président. - Min. publ.
M. de Smet, avocat général.'