Les synthétiques gagnent du terrain

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Les synthétiques gagnent du terrain
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© Siplast-Icopal / Studio Schuller Graphic / P. Noyelle
DOSSIER
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Les synthétiques gagnent du terrain
Le secteur des membranes synthétiques est resté très dynamique
ces cinq dernières années avec des parts de marché en
augmentation et l’arrivée de nouveaux acteurs. Si les revêtements
en PVC dominent encore largement les ventes, la filière se distingue
par la diversité des solutions proposées.
BaStIEn Cany
i
l y a vingt ans elles faisaient
figure d’outsiders sur le marché français de l’étanchéité.
Arrivées dans l’Hexagone à la fin
des années soixante, les membranes synthétiques ne se sont
réellement développées qu’à partir des années quatre-vingt. Une
progression plutôt lente dans un
pays où les produits bitumineux
restent encore fortement ancrés
dans la culture et les pratiques
constructives. Aujourd’hui toutefois la greffe a pris. Et avec environ
20 % de parts de marché, elles se
sont désormais imposées comme
le deuxième matériau d’étanchéité le plus utilisé, loin devant
l’asphalte et les résines. Selon le
Syndicat français des enducteurs
calandreurs (Sfec), la barre des
5 millions de mètres carrés installés aurait ainsi été franchie en
2008, année record pour la filière
avec une progression de 13 % du
chiffre d‘affaires. Des disparités
régionales subsistent toutefois :
« Nos produits sont particulièrement bien implantés en RhôneAlpes,en Île-de-France et dans l’Est,
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note Philippe Bonnet, directeur
des ventes région Est de Sika- 0 1
Sarnafil. Dans certaines régions Surfaces commerciales, locaux
du Sud en revanche, les étancheurs industriels, bases logistiques… : les
sont plus enclins à mettre en œuvre grandes toitures en acier restent
des complexes bitumineux. » Des le marché de prédilection des
différences qui s’expliquent en membranes synthétiques grâce
grande partie par l’historique des notamment à leur légèreté et à
produits synthétiques en France, la rapidité de leur mise en œuvre.
importés à l’origine par les fabricants allemands et suisses. Mais 0 40 2
sur ce front aussi, les lignes ont Les caractéristiques
considérablement bougé ces cinq thermosoudables des membranes
dernières années. Aux côtés des PVC et TPO permettent d’effectuer
acteurs traditionnels – Sika- le soudage des recouvrements à l’air
Sarnafil, Renolit, 3T France – chaud sans flamme. un avantage
sont venus se positionner Meple qui les distingue des revêtements
et plus récemment Soprema, qui élastomères classiques.
a racheté en 2007 l’italien Flag,
ainsi que Siplast-Icopal, dont la
gamme synthétique a été lancée
en 2009. L’entrée en scène des
deux géants de la membrane
bitumineuse est évidemment
emblématique de la dynamique
de ce marché. Et, d’une certaine
manière, tend également à dissiper la frontière culturelle qui subsistait entre les deux technologies.
Sans compter que l’arrivée de
nouveaux industriels – a fortiori
reconnus – devrait logiquement
contribuer à développer la part
de marché du synthétique.
LE PVC, tOujOuRS ROI
En théorie, on dénombre une quinzaine de typologies de membranes
à base de polymères différents, tant
plastomères qu’élastomères. Dans
la pratique toutefois, les feuilles
d’étanchéité en PVC dominent toujours le marché français. Apparues
il y a un peu moins de cinquante
ans, ces feuilles thermoplastiques
ont construit leur notoriété autour
de leur polyvalence, de leur légèreté, de leur facilité de mise en
œuvre et bien sûr de leur prix. Des
avantages qui les ont rapidement
positionnées sur le créneau des
grandes toitures en acier. Et bien
qu’elles ne soient pas intégrées
dans les Documents techniques
unifiés (DTU), ces membranes ont
aujourd’hui largement fait leur
preuve. Mises en œuvre sous la
forme de systèmes monocouches,
elles sont fixées mécaniquement
ou collées à froid, les joints de
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recouvrement entre feuilles étant
généralement soudés à l’air chaud.
« La soudure chimique avec solvants
demeure très minoritaire, elle est
plus complexe et nécessite de tenir
compte des conditions climatiques »,
indique Éric Ohlmann, directeur
commercial de 3T France. En partie
courante et en relevé, les membranes sont systématiquement
armées (voile de verre ou grille de
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polyester) et/ou sous-facées d’un
feutre polyester, les feuilles sans
armature (et/ou sans sous-face)
restant réservées à l’habillage de
points particuliers par thermoformage. Près d’une vingtaine d’ingrédients entrent dans la composition
de ces membranes : produits de
charge, adjuvants, diluant, stabilisant thermique... Mais c’est bien
le polychlorure de vinyle (PVC)
qui leur confère leurs propriétés
de résistance au feu et à de nombreux agents chimiques et oxydants
comme l’ozone. Autre élément-clé :
les plastifiants. Véritables liants du
complexe, ils donnent leurs caractéristiques définitives aux feuilles
PVC en augmentant leur souplesse
et en assurant en partie leur protection contre les rayonnements
ultraviolets. Mais ces composants
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© Atelier Michel Jolyot / Siplast-Icopal
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indispensables ont aussi longtemps
été considérés comme leur talon
d’Achille. En cause : une perte
naturelle de plastifiants qui posait
des problèmes de fragilisation
des feuilles d’étanchéité tout en
empêchant leur réparation. « Les
fabricants maîtrisent aujourd’hui ce
phénomène grâce à la généralisation
de substances à poids moléculaire
élevé qui ont moins tendance à
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De nombreux fabricants intègrent
dans leur gamme d’accessoires des
profilés façon « joints debout ». un
rendu esthétique traditionnel qui leur
ouvre entre autres le marché des
toitures apparentes, y compris sur
des bâtiments de logements.
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Les fabricants de revêtements
synthétiques se sont rapidement
positionnés sur le créneau
des énergies renouvelables
en proposant par exemple des
membranes intégrant des capteurs
photovoltaïques souples.
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se volatiliser ou à migrer hors
des résines vinyliques », explique
Tharcis Diebold, directeur R&D
de Siplast-Icopal.
Autre point faible : une image environnementale souvent contestée,
prise entre la pression des lobbies
écologistes anti-PVC et la communication du secteur qui met
en avant ses efforts importants
en matière de recyclage, ainsi
que le retrait de certains métaux
lourds comme le cadmium, définitivement supprimé en 2007, ou
le plomb.
En Suisse et en Allemagne, ces
débats ont favorisé dès les années
quatre-vingt un certain nombre
de matériaux alternatifs. L’un des
plus anciens est l’EPDM dont les
Florilège de polymères
Voici une liste non exhaustive des polymères entrant dans la composition des
membranes d’étanchéité synthétiques. Tous ne sont pas représentés dans
les produits commercialisés en France et certains sont plutôt destinés aux
géomembranes.
PIb : polyisobutylène
PVC/P : polychlorure de vinyle plastifié
ePDm : éthylène propylène diène monomère
eVa : copolymère éthylène vinyle acétate
LDPe : polyéthylène basse densité
HDPe : polyéthylène haute densité
Csm : polyéthylène chloro-sulfoné (Hypalon)
PP : polypropylène
Cr : polychloroprène (néoprène)
CPe : polyéthylène chloré
IIr : caoutchouc butyle
FPP : polyéthylène flexible
FPO : polyoléfine souple
TPO : polyoléfine thermoplastique
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membranes sont toujours reconnues pour leurs bonnes propriétés
mécaniques ainsi que leur excellente résistance au rayonnement
UV, à l’ozone, à de nombreuses
huiles et aux solvants. Largement
implantées outre-Atlantique, ces
feuilles élastomériques sont principalement commercialisées en
France par l’américain Firestone.
En Europe leur développement a
toutefois été freiné par des difficultés de soudage des lés au droit
des recouvrements. Des solutions
ont depuis été apportées avec
des soudures directement réalisées en usine et l’introduction de
bandes autoadhésives associées à
un primaire pour les opérations
in situ. Autre élastomère dont la
résistance a été éprouvée depuis
longtemps : le caoutchouc butyle
ou PIB (polyisobutylène) utilisé
sous forme de feuilles d’étanchéité
en Europe depuis les années cinquante. En France, le premier avis
technique a été déposé en 1974.
Il est aujourd’hui encore exploité
dans l’Hexagone par 3T France,
qui commercialise le produit en
mettant notamment en avant sa
durabilité.
L E S aVa n ta g E S D u
thERmOPLaStIquE SanS
LES InCOnVénIEntS
Face au PVC, l’autre grand challenger est incarné par la famille
des membranes TPO pour thermoplastique polyoléfine. Ces
produits généralement à base de
polypropylène ont été lancés sur
le marché au début des années
© Sika-Sarnafil
© Soprema-Flag
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quatre-vingt-dix autour d’un
argument phare : l’absence de
plastifiants. Ces feuilles allient en
effet certaines caractéristiques des
élastomères comme la résistance
à la chaleur, tout en étant thermosoudables. Ne contenant ni chlore,
ni matières plastifiantes telles que
les phtalates, ces produits ont été
rapidement présentés comme une
alternative environnementale
aux membranes à base de PVC,
même si l’obtention de certaines
caractéristiques de réaction au
feu suppose l’intégration de retardateurs halogènes. De nombreux
fournisseurs les ont désormais
inclus dans leur catalogue. C’est
le cas de Sika-Sarnafil, de Renolit,
de Flag (désormais une marque
du groupe Soprema) mais aussi
de Firestone qui propose une
membrane associant l’EPDM à
une structure de polypropylène.
D’autres solutions ont également
vu le jour autour du même leitmotiv : conserver les avantages
des matériaux thermoplastiques
sans les inconvénients. Sur ce
registre, la société 3T France
propose un produit composé de
PVC et d’un plastomère dit EVA
(éthylène-acétate de vinyle) : un
alliage de polymères solides, non
extractibles et non volatils, qui
rend en outre ces membranes
compatibles avec le bitume. En
mars le groupe Icopal s’est également positionné sur ce créneau
en rachetant au groupe allemand
Henkel la marque Wolfin dont la
particularité est de fabriquer des
revêtements en polychlorure
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« Si les élastomères et les matériaux TPO progressent
régulièrement, leurs parts cumulées dans les mètres carrés installés
ne dépassent pas aujourd’hui 25 %. »
© Vlaanderen vanuit de Lucht/Renolit
de vinyle plastifiés avec du
polyester également résistants
aux produits bitumineux. Dans
l’Hexagone, le PVC reste incontestablement le produit phare
des gammes synthétiques. Si les
élastomères et les matériaux TPO
progressent régulièrement, leurs
parts cumulées dans les mètres
carrés installés ne dépassent pas
aujourd’hui 25 %. « Contrairement
à l’Allemagne où le marché est plus
équilibré, les revêtements TPO
n’ont jusqu’à présent pas réellement tiré parti de leur image
verte », confirme Hervé Perret du
Cray, directeur du département
étanchéité/toitures chez Renolit.
En croissance constante depuis
cinq ans, le marché des revêtements synthétiques semble toutefois connaître une inflexion ces
deux dernières années selon les
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données publiées par certains
cabinets d’étude. Largement
positionnée sur le créneau de la
construction acier, la filière a été
impactée par le recul de l’immobilier commercial et industriel. Sur
ces segments (locaux industriels,
surfaces commerciales, bases logistiques), le nombre de mètres carrés
construits a enregistré une chute
de 30 % entre 2009 et 2010 (voir
notre tableau de bord, p. 4). Pour se
développer au-delà de ces débouchés traditionnels, les fabricants
misent également sur d’autres
atouts. À commencer par le recyclage de leurs produits, notamment le PVC pour lequel il existe
une filière organisée à l’échelle
européenne dans le cadre du dispositif Roofcollect représenté en
France par le Comité des membranes d’étanchéité synthétique
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Les revêtements PVC peuvent mettre
en œuvre une gamme colorimétrique
très étendue. Quatre tons de bleu
différents ont été utilisés pour ceux
assurant l’étanchéité du Palais des
sports d’Anvers en Belgique.
(CMES). Un argument qui pourrait
demain s’avérer décisif alors que
la pression des pouvoirs publics
se fait de plus en plus forte sur
ce sujet. L’Europe s’est fixé pour
objectif d’atteindre d’ici à 2020 le
réemploi, le recyclage et la valorisation de 70 % des déchets de
construction et de démolition.
DE nOuVEaux maRChéS
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Le travail sur les gammes de couleurs complétées par des procédés
à joint debout leur ouvre aussi
aujourd’hui le marché des toitures
apparentes. En 2010, SopremaFlag lançait ainsi une membrane
PVC incorporant des particules
métalliques de cuivre reproduisant l’esthétique des toitures traditionnelles. Les industriels du
synthétique ont également très
rapidement joué la carte des économies d’énergie. Déjà présents
sur ce sujet avec des procédés
photovoltaïques intégrés, certains
industriels se lancent désormais
sur le créneau de la réflectivité
avec des revêtements blancs réfléchissants capables de maintenir
froide la surface d’une toiture.
Reste un enjeu commun sur lequel
tous les fabricants ont investi : la
formation des étancheurs. « Nos
produits sont des revêtements
monocouches généralement posés
en semi-indépendance, pour lesquels la qualité de mise en œuvre
est capitale, note Hervé Perret du
Cray, mais la formation représente
aussi et surtout le levier le plus
efficace de diffusion et de développement des solutions d’étanchéité
synthétique. » l
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