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SIXTIES LE MONDE À DOS
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LES PRÉAMBULES
Toute ressemblance avec un gentil fou, qui aurait pu
exister, est vraiment improbable, à moins que ?
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La photo de couverture du fascicule, n’a aucun rapport
avec l’anecdote.
Elle n’est que l’image du temps de mes SIXTIES
Richard
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LES PRÉAMBULES
Emerainville le 4 novembre 2008
LES PRÉAMBULES
LES SIXTIES
Un monde se réveillait, c’était le début des
années 60, une jeunesse découvrait qu’elle
existait.
Elle s’émancipa en se mettant
LE MONDE À DOS .
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LES PRÉAMBULES
JUSTE UN PETIT MOT
Comment conter une histoire et à qui ? Quand celle-ci parle
d’un temps jadis, qui laisse pantois mes enfants et mes
petits-enfants. Une nostalgie de solitude s’est installée en moi
et dans un songe, je me suis laissé aller vers ces autrefois.
Me voilà dans le miroir de mes souvenirs, comme fouillant
dans mes archives sans aucune chronologie de temps, une
succession de flashs, visions d’instants, mélanges de paroles,
de visages, de lieux flous qui cherchent à s’éclaircir, mais qui
s’embrument d’un autre temps, brassage de sentiments,
mélancolie joyeuse, mélancolie lassante, mélancolie de
regret. Je vais, de mon présent, errer dans mon passé, la tête
sur l’oreiller, je voyage dans le monde de ma vie où je crée
une légende, un fragment d’un temps que l’on a appelé les
sixties, mes sixties, mon monde des Gentils Fous, enfin tout
ceci n’est qu’une histoire sans réalité que je raconte bien
souvent à mon Miroir.
Une vérité s’efface pour devenir un conte.
Mais avant cela un peu d’histoire celle d’une époque, enfin
l’histoire vue des yeux d’un ado.
Le Piaf
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LES PRÉAMBULES
MANHATTAN
« Ok ! On y va ! »
Imaginez Paris, sa banlieue qui sort de ces années cinquante,
Paris ne change pas comme on dit : Paris sera toujours Paris,
mais sa banlieue prolétaire, faîtes de masures, de fumée
d’usine, pigmentées d’immeubles boiteux de petits pavillons
bâtis bien souvent de meulière, possédant de ridicule petit
jardin juste de quoi y voir fleurir un lilas qui déborde chez le
voisin ou s’écrase contre un mur. Banlieue où les familles
s’entassent dans les vieux quartiers aux logis insalubres,
exiguës. Dans les rues traînent les gosses qui ne connaissent
de la nature qu’une parcelle de bois à l’autre bout de leur
monde et des parcs aux pelouses interdites. Pire encore des
bidonvilles fleurissaient sur la zone un peu partout autour de
Paris, cela faisait bien des années, que l’abbé Pierre avait crié
« au secours » sur les ondes de Radio Luxembourg pour les
sans logis. Alors les grands maîtres de l’architecture, poussés
pars les politiques ont imaginé des cités de béton, du vite-fait
bien- ait, pas cher et si possible loin des beaux quartiers
parisiens et de sa banlieue bourgeoise. Une conception
rudimentaire. Des barres verticales ou horizontales, (Bâtiment
d’habitation
(type Habitation à Loyer Modéré)
parallélépipèdes allongés, bétonnés, ni moches, ni
implantés dans un vide d’espace
sans âme. Dans le début des années 60, ils ont poussé de
partout comme des champignons, qui des décennies plus tard
deviendraient des champignons venimeux, mais cela est, une
autre histoire.
beaux, mais d’une froideur colossale)
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Dans les pages qui suivent, je vais vous conter l’histoire de
l’une d’elle, celle qui est située sur ma commune dans la zone
appelée le haut Montreuil, pourtant elle était implantée sur le
bas du versant côté de Rosny, érigée dans une rase de
champs où le rien entourait le rien, comme rejetée du centre
de la ville. Cette cité, ma cité se nommait et se nomme
toujours :
« La cité du Morillon ».
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Mais mon histoire n’est pas celle des murs de cette cité, mais
des âmes qui sont venues y donner une vie et surtout celles
des ados que bientôt on surnommera :
« Les Gentils Fous »
Et parmi eux, cinq se nommaient, les :
«THE KING »
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C’était le nom d’un groupe anglais, des idoles pour eux et
être les rois ce n’était qu’un fantasme et comme disait
Sylvain :
« Nous sommes les rois !
Mais les rois de quoi ?
Je vous laisse deviner ! »
Pour pénétrer cette cité dans ces premiers jours, laissons
conter le sentiment d’un jeune qui y débarque.
SYLVAIN
« Putain ça vous fout le cafard, j’ai comme l’impression
d’être un lézard qui serpente entre les barres de cette cité
nouvelle. Il n’y a pas un rat, pas un rad, pas de PMU. Tout ça
renifle la peinture fraîche, le plâtre, l’humidité, ça pue le neuf,
pas la sueur. Il y a un courant d’air pas possible, le vent fait
joujou entre les barres, mais merde ! Qu’il aille jouer ailleurs,
ce con, j’ai froid. C’est d’un calme à foutre les boules, pas un
morveux qui chiale ou qui pisse contre le mur, pas de bécane
qui pète et qui schlingue l’essence.
Mais putain où sont passés les prolos de ma rue, l’homme au
mégot et son balai aux poils d’arbre, la mère jacasse sur son
bout de trottoir, Ginette la gosse aux gros lolos, Jean le
mécano accroché au zinc du bistro, Mémé la soupe qui traîne
son cabas sur le pavé et la gueule de la proprio qui trouvait
toujours que les escaliers n’étaient pas assez cirés.
Mais putain qu’est-ce que je fous ici ? »
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C’est ainsi qu’il découvrit sa cité un jour d’avril, émigré des
bas quartiers vétustes, dans les hauteurs d’un monde
nouveau parmi les premiers arrivants dans ce lieu où les
barres et les tours changeaient le paysage de sa vie. Quand il
avait levé le nez vers les trois tours inhabitées, en lui il avait
murmuré :
« C’est Manhattan ! »
De l’Amérique il n’en connaissait rien ou si peu, « les ricains »
comme disait son père « ils pètent plus haut que leur gratteciel ». Mais pour lui c’était le bout du monde celui des pin-up,
du chewing-gum, des grosses bagnoles, du rock Elvis Presley,
Little Richard, Ritchie Valence, celui du ciné de James Dean,
de Steve Mcqueen. L’Amérique allez savoir pourquoi, pour lui
c’était un bout de la statue de la liberté, un sucre d’orge à
sucer.
Mais de qui je parle ; Ha oui j’oubliais :
De ce jeune garçon Sylvain Desrue, déraciné de son quartier,
moitié rêveur, moitié rebelle juste de quoi exister.
C’était un de ces adolescents, qui arrivait dans la cité du
Morillon. Qui d’un froid de solitude ne voyait que du béton qui
poussait dans un ciel maussade, cachant l’horizon où il aurait
pu y poser ses espérances.
Tout cela était juste avant que se crée le monde des Gentils
Fous !
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LES LIEUX
Bon !
Je vais vous situer les lieux, pour ne pas vous égarer dans la
lecture, car nos Gentils Fous avaient des potes partout.
Les Castors
La cité des Morillons se situait parmi d’autres cités comme
celle éloignée des Castors, la première implantée dans le
début des années cinquante, gardait encore un côté
campagne.
Castor :
« petit animal qui construit sa maison avec sa queue »
C’était pour faire drôle que nous disions cela, enfin eux il ne
riait pas, nous si ! Mais pourquoi cette allusion à ce petit
animal, un peu d’histoire : Ces bâtiments avait été érigé avec
l’huile de coude de ces futurs habitants, des pionniers arrivés
de je ne sais où, ouvriers, lampistes de bureau, il paraît qu’ils
étaient un peu Catho. Ignare aux problèmes de la
construction, mais sous la conduite d’un architecte avec
courage et la foi, ils ont bâtit leur bien.
Chapeau Messieurs !
Ma révérences mes Dames.
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Malgré cette construction en barre dans un espace
descendant avec un pré arboré et chamarré de couleurs
suivant les saisons. Ces bâtiments en toits de tuiles, en murs
de meulière, gardaient en cela ce quelque chose de rustique
qui ne déplaisait pas aux yeux mais qui laissait présager la
rudesse des cités à venir. De plus ce domaine longeait le
grand parc à moitié sauvage ce qui donnait, au printemps
une impression de petit village au milieu d’une verdeur qui
n’existait pas ailleurs.
Le parc Montreau
Le Parc Montreau s’étalait sur quelques hectares, allant dans
sa plus grande longueur du haut du mont de Montreuil
jusqu’à la descente vers les champs de Rosny là où les
Morillons virent le jour, dans son autre longueur il s’étirait des
Ruffins jusqu’au plateau de Babeuf. Ce parc était bordé d’un
mur de pierres dégoulinant de pariétaire ou de grilles aux
barreaux de fer aux sommets pointus. No Man’s Land
agrémenté de boqueteaux, ensemble préservé à moitié
sauvage, une sorte de poumon vert, bouffée d’oxygène dans
ces lieux grisailles. Ce parc possédait deux étangs où se
miraient les grands chênes. Des grandes allées
soigneusement entretenues, et des layons serpentaient dans
un maquis épineux, en son centre un grand espace concave
comme un champ de luzernes ou de sain foin que nous
nommions la cuvette, là où les gens du bas Montreuil
venaient en été, étendre des couvertures et prendre le soleil
en pique-niquant.
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Les Ruffins
Les Ruffins possédaient aussi leur cité, situé à l’angle du parc
sur son haut, vers le lieudit des Grands Pêchers, bien plus
petite que le Morillon et plus ancienne, elle gardait encore un
aspect familial. Ces barres de béton avaient ceci d’original :
les façades de cages d’escalier se parait de deux gros hublots
par niveau ce qui donnaient à chaque barre l’allure de gros
paquebot.
Les Claires Maisons
Collée aux Morillons se trouvait, déjà ancienne de trois ans
avant la finition des Morillons, la cité des Claires Maisons,
l’enclos et son architecture semblaient lui donner un rien de
plus riche, de plus précieux, de plus hautin. Ceci était peutêtre dû aussi à ses habitants qui possédaient une petite
fierté, parfois dédaigneuse, de ne pas être des Morillons.
La cité des Morillons était la dernière des lieux, le béton
encore frais, attendait ses locataires.
Les habitants
Les camions de déménagement succédaient de jour en jour
aux camions de déménagement. La cité fantôme des
courants d’air voyait arriver son lot de migrants, comme des
âmes égarées dans un milieu sans passé, sans histoire, sans
mémoire. Mais ces êtres s’ébahissaient devant ce grandiose
architectural bétonné, tout respirait le neuf, la propreté,
l’espace les étourdissait peut-être, loin de leur taudis et de
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leurs rues sombres, tout cela leur donnait un semblant d’une
nouvelle existence, un semblant de respectabilité, il possédait
ce sentiment, comme l’on dit vulgairement : de devenir
quelqu’un.
C’est ainsi qu’arriva après la famille de Sylvain Desrues, la
famille Lautier, puis échoua la famille Bombard, s’installa la
famille Tadier, débarqua la famille Roubillon, s’implanta la
famille Beaugars, se fixa la famille Lestoubette, émigra la
famille Vristiani et bien sûr bien d’autres, mais si je cite ces
familles-là, cela n’est pas un hasard, c’est que, tout
bonnement parmi les enfants qui les composait, se trouvait
un où plusieurs ados que le temps venu, transformeraient en
Gentils Fous.
Des familles venues du bas Montreuil, du quartier
Robespierre, de la Croix de Chavaux, des alentours de la
mairie, des terres du plateau des maraîchers, limitrophes de
Romainville. Puis ceux des fibros, préfabriqués situés près de
la décharge, prêts à être rasés pour y construire un hôpital.
Enfin pauvres et modestes familles regroupées dans la
modernité de ces HLM, appelé peu de temps après : Les cités
dortoir.
Les Gentils Fous
Ainsi Damien Lautier, Sébastien Bombard, Yves Tadier, Paul
Roubillon, Jean Bernard Lestoubette, Ricardo Vristiani, Eric
Beaugars sans oublier Sylvain Desrues ces jeunes éphèbes
allaient devenir la racine des Gentils Fous.
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D’autres ados, des cités voisines, se joignirent aux Gentils
Fous comme Frédérique Louviers et Jean Michel Tarta des
Claires Maisons, Dominique Lescien, Jean Jaques Machallant,
Clément Mathéos, Alain Legouarec des Castors.
Autour de ce noyau dur gravitaient des satellites, électrons
libres, attirés comme des aiguilles d’une boussole vers le
nord, sauf qu’eux, les Gentils Fous, le nord, ils le perdaient
facilement.
Mais les vrais mousquetaires de ce petit clan ; les meneurs
les agitateurs, les créateurs, les rêveurs ceux connus et
reconnus pour leurs délires et leurs frasques n’étaient
qu’autres que ceux du cercle fermé qui se nommait les
« KING » Yves dit Laplume, Frédérique dit Frédo, Sylvain dit
Latartine, Alain dit Alain, Jean Bernard dit Jean B tous les
autres n’étaient que des Gentils Fous.
Comment ils se sont connus ! Ho la, la, cela serait trop long à
vous expliquer mais essayons d’être rapide :
Frédo des Claires Maisons et Jean Bernard Legouarec dit Jean
B, avaient émigré des Fibros, ils étaient potes depuis bien
longtemps. Jean B créchait au troisième du 16 place le
Morillon, allez savoir pourquoi sa famille n’avait pas
emménagé aux Claires Maisons comme celle de Frédo, cela
était un mystère. Au quatrième du même bâtiment demeurait
Sylvain. Un jour dans l’escalier ils se sont croisés Jean B
demanda à Sylvain :
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« C’est toi qui joue de la gratte tous les soirs ! »
Sur ses gardes Sylvain lui répondit :
« Pourquoi ça t’gène ! »
« Non c’est plutôt « bate » !
Mon père parle de crincrin, ma mère dit que c’est de la
musique de dégénéré,
Mais moi je trouve ça top du top !
Si tu peux jouer plus fort, ça emmerderait mes parents, ce
serait pas pour me déplaire »
« T’occupes mec s’il y a que ça pour te faire plaisir !
J’vais laisser tomber la sèche, pour l’électrique !
Méga décibel oblige !
Ils en auront plein les oreilles tes vieux ! »
Ainsi se noua le premier contact, puis Jean B présenta Frédo
à Sylvain, qui lui avait déjà sympathisé aux Claires Maisons
avec Jean Michel Tarta, qui lui avait rencontré Clément des
Castors aux cours de judo, Clément connaissait depuis l’école
tous les ados des Castors, Dominique des mêmes Castors
avait rencontré à la messe, Ricardo des Morillons, le même
Ricardo qui draguant la voisine de Yves l’avait croisé dans le
hall lui demandant si s’était sa sœur, Yves lui répondant qu’il
n’avait que deux frères à lui proposer, le rire les a unis.
Yves pour son travail prenait chaque matin le bus jusqu’a la
Mairie de Montreuil et dans ce bus il se lia d’amitié avec
Sylvain qui le présenta, un peu plus tard Jean B ainsi la
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boucle fut bouclée les amis des uns devenaient les amis des
autres.
L’ÉPOQUE
Tout cela se passait au tout début des années soixante.
Comment commence l’époque des Yéyés, cela est aussi un
long récit, que je vais m’efforcer également d’écourter du
mieux que je peux et en l’évoquant à ma façon.
Depuis les évènements de novembre de l’année 1954, la
France envoyait sa jeunesse en Algérie pour un maintien de
l’ordre qui cachait une guerre pour une bonne cause et qui
allait devenir une mauvaise. C’était comme si nos hauts
dignitaires avaient craqué volontairement une allumette pour
brûler l’âme d’une jeunesse en lui faisant perdre sa flamme.
Des cendres de cette jeunesse sacrifiée allait naître cette
jeunesse émancipée prenant compte de leur existence
En 1959 la guerre d’Algérie perdure, les troufions ont l’oreille
collée à leur transistor, seul lien qui les relit au continent à
une vie qui court son ordinaire, les ondes de la radio
deviennent le battement de leur cœur, une famille qui les
éloigne de la solitude et de l’incertitude du lendemain.
La station radio d’Europe N° 1 en fin d’année 59 décide de
créer une émission destinée pour les jeunes, rien que pour
les jeunes. A cette époque le rock était balbutiant en France,
les radios passaient les bonnes vielles chansons de papa et
maman, un rien d’excitant pour un monde d’adolescents, qui
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s’ouvrait d’un vent d’Amérique, un rêve quoi ! Donc le rock
s’arrêtait aux oreilles des initiés. Salut les Copains débuta
dans le bas de l’audience pour en atteindre les sommets cela
commença par du Brassens, Aznavour, Dalida, Brel des
chansons à textes puis, cette émission mené par Daniel
Filipacchi et Franck Ténot lancera la vagues des yéyés :
Hallyday, Eddy Mitchell, Richard Antony, Sheila, Sylvie Vartan.
C’était une heure à part, un petit goûter savoureux pour
oreilles de fin d’après-midi, un coin de vie à nous, entre-nous
et le transistor des ondes d’affranchissements, nos chansons,
nos chanteurs, nos chouchous, nos hits parades, plus qu’une
messe, c’était un hymne à la liberté. La station allait recevoir
plus 400 000 milles lettres par semaine, nous existions, cela
se traduisit en 1963 par cet immense rassemblement place de
la Nation, le Podium d’Europe N°1 nous offrait en plein air le
plus grand spectacle jamais réalisé gratuitement « Salut les
Copains en chair et en os » Nous avons scandé ce soir-là en
entendant les artistes :
« Yéyé ! Yéyé ! Yéyé ! »
(Ainsi sont nés les « yéyés »)
Si fort que l’écho en fit trembler l’Elysée et mit en branle les
rédactions des quotidiens. Un tsunami de plus de 100 000 à
200 000 jeunes déferlait d’une ivresse de liberté cela les
effrayait, la nouvelle vague des années cinquante était
submergée, la liesse était immense cela frôlait l’émeute.
Certains ont crié au scandale, à la débauche, leur morale
semblait s’écrouler, ils ne savaient plus comment dompter ces
fauves qui étaient leurs enfants.
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Ce jour là !
La jeunesse avait pris son pouvoir !
Et cela, pas n’importe où :
« Place de la Nation ! »
De là, à dire que nos ados, nos Gentils Fous étaient des sans
culottes, des révolutionnaires, non ! Leur révolution n’était
pas encore gagnée, les lendemains qui déchantent avaient
repris leur gris du labeur. Quoiqu’il en soit, il restait cet
embryon d’émancipation, voyaient-ils le bout de la ficelle de
la grande consommation, que les grands méchants loups de
la communication leur préparaient. Non !
Tout simplement ils voulaient sucer la moelle de cet espace
de liberté qu’ils croyaient s’être créé.
La plupart, de nos Gentils Fous, avaient presque tous plus
usés sur les bancs des écoles, leur fond de culotte, qu’ils
n’avaient usé l’instruction, mais ils leur restèrent cette
intelligence malicieuse qui, loin d’en faire des dieux, n’en
faisait pas moins des princes de la démerde :
Ils avaient gravé sur leur front qui n’était pas celui du
Panthéon de l’acropole
Aide-toi !
Toi-même !
Et fait pas chier les autres !
Il y avait du bleu dans leurs yeux et de la fumée d’usine
aussi.
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Comment vous raconter ces temps-là, ce n’est pas comme
une histoire qui se déroule d’une date à une autre, ce sont
des moments qui s’entrecoupent et qui s’isolent d’une petite
histoire, elles se content indépendamment des autres
pourtant elles font partie d’un tout, et le tout est l’histoire des
Gentils Fous, heu….. et plus précisément des King.
Ha oui, vous vous demandez qui je suis :
L’un d’eux, mais lequel ?

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