profil et point de vue des centres français – une enquête du
Transcription
profil et point de vue des centres français – une enquête du
Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786 Article original La simulation en anesthésie réanimation : profil et point de vue des centres français – une enquête du Collège français des anesthésistes réanimateurs High fidelity simulation in Anesthesia and Intensive Care: Context and opinion of performing centres – A survey by the French College of Anesthesiologists and Intensivists L. Beydon a,*, B. Dureuil b, N. Nathan c, V. Piriou d, A. Steib e le Collège français des anesthésistes réanimateurs (Cfar) a Commission formation initiale du Cfar, pôle d’anesthésie réanimation, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France Commission accréditation du Cfar, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Charles-Nicolle, 76031 Rouen cedex, France Commission pédagogique du Cfar, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, CHU Dupuytren, 87042 Limoges cedex, France d Conseil scientifique du Cfar, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France e Présidente du Cfar, service d’anesthésie réanimations chirurgicales, Nouvel hôpital Civil, 67091 Strasbourg cedex, France b c I N F O A R T I C L E R É S U M É Historique de l’article : Reçu le 24 avril 2010 Accepté le 21 août 2010 Disponible sur Internet le 8 octobre 2010 Introduction. – La simulation sur mannequins haute fidélité se développe en France. La question de savoir quel est son potentiel de formation et sur quels critères accréditer cette nouvelle activité de formation est explorée. Objectifs. – Les objectifs de cette enquête étaient de recueillir auprès des centres pratiquant la simulation haute fidélité, les modalités de fonctionnement, les données opérationnelles les concernant et les critères d’accréditation leurs semblant pertinents. Type d’étude. – Enquête nationale. Méthodes. – Questionnaire envoyé aux centres réalisant de la simulation haute-fidélité en France (décembre 2009). Résultats. – Dix-huit sur 21 centres ont répondu (86 % ; tous des CHU). Les centres sont majoritairement équipés de mannequins adultes et de têtes d’intubation. Les sources de financement sont multiples, et plus d’un tiers recourent à des prêts de matériels des fabricants. Les locaux essentiellement sont ceux de la faculté (70 %). Un (ou des) responsable(s) stable médical existe dans 78 % avec la majorité constituée de plus de trois médecins formateurs. Plus de la moitié ne font pas participer les infirmiers anesthésistes. Les modalités opératoires sont concordantes. Les bénéficiaires sont majoritairement les internes en formation. La capacité de formation pour des médecins extérieurs est restreinte. Les formations sont d’une journée (72 %). Une majorité de centres est favorable à partager les scénarios (75 %) et les objectifs pédagogiques (93 %). Les scénarios de base (arrêt cardiaque, hyperthermie maligne notamment) sont jugés obligatoires pour 85 % des centres. Conclusion. – La simulation haute-fidélité se développe rapidement mais sa capacité de formation continue reste limitée au niveau national. ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Simulation Formation continue Anesthésie Formation A B S T R A C T Keywords: Education Anaesthesia Simulation Objectives. – High fidelity simulation is rapidly expanding in France. The question of knowing how to accredit this new mode of continuous education and how far it is available for this purpose is pending. The purpose of this survey was to collect how active centres operate and which criteria they would prefer to accredit this form of continuing medical education. Study design. – National survey. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Beydon). 0750-7658/$ – see front matter ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.annfar.2010.08.013 L. Beydon et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786 783 Methods. – A questionnaire was sent to all centres using high fidelity simulation in France (December 2009). Results. – Eighteen of 21 centres answered (86%; all university hospitals). These centres are equipped with adult high fidelity simulation and procedural heads for intubation. Funding is achieved via multiple sources and one third of centres benefit from manufacturers’ lending. Centres are mostly located within the university premises (70%). One or more staff practitioners are involved in 78% and the majority of centres are operated by more than three. Nurse anaesthetists are not involved in most centres. Operating procedures are similar and high fidelity simulation is mostly used for in-site resident training. At present, centres are only marginally able to train non-resident senior anaesthesiologists. Sessions extend over one day (72%). The majority of centres is prone to share scenarios (75%) and pedagogic aids (93%). Basic scenarios (e.g., cardiopulmonary resuscitation) are mainstream objectives for 85% of centres. Conclusion. – high fidelity simulation is rapidly expending in France but its ability to contribute to continuous medical education is still limited to date. ß 2010 Published by Elsevier Masson SAS. 1. Introduction La simulation sur mannequin de haute fidélité est une pratique émergente en France alors qu’elle est apparue il y a déjà 15 ans Outre-Atlantique [1]. Cette méthode d’apprentissage initial de la gestion des situations à risque ou d’entretien des acquis a pour but de maı̂triser les éléments critiques périopératoires [2] dont certains sont trop rares pour être rencontrés en routine [3,4]. Conscient de l’apparition de ces moyens émergents, le Collège français des anesthésistes réanimateurs (Cfar) s’est interrogé sur l’offre de simulation actuelle en France. Il a suggéré cette enquête afin de tenter de préciser quels étaient les moyens existants disponibles, quelle était l’offre réelle offerte tant à des internes en anesthésie réanimation (formation initiale) que pour la formation continue des anesthésistes réanimateurs (AR). En effet, le Cfar a soutenu l’émergence de la simulation en sollicitant un groupe de travail pour proposer un kit de scénarios utilisables immédiatement pour faciliter la mise en route d’équipes débutant la simulation. Le Cfar se pose la question de savoir s’il faut accréditer ces formations, sur quelles bases et comment. Les questions envisagées dans cette enquête ont exploré un large champ, afin de tenter de mieux cerner l’offre actuelle et comprendre si cette méthode était toujours débutante, en cours de maturation ou totalement opérationnelle. 2. Méthodes Entre décembre 2009 et janvier 2010, les centres détenteurs d’au moins un simulateur (Laerdal1 ou Meti1) ont été contactés en utilisant les données des fabricants, la liste des participants au groupe de travail sur la simulation du Cfar et en interrogeant les responsables des centres universitaires. Un questionnaire en ligne de 52 questions fermées multi-choix et deux ouvertes a été proposé à ces centres afin d’obtenir la réponse d’une personne participant à l’activité de ce centre. Parmi ces questions, 29 demandaient une opinion selon une échelle de Lickert en cinq points (« d’opposé » à « très favorable », avec la mention « indifférent » pour la valeur centrale). Par souci de clarté, le questionnaire n’est pas exposé. Les questions apparaissent dans l’énoncé des résultats. Les résultats sont exprimés sous forme du pourcentage pour chaque catégorie (réponses à choix multiple) ou du pourcentage de réponses favorables et très favorables, avec éventuellement mention du pourcentage d’indifférents (réponses à choix unique pour exprimer une opinion). Ferrand, Grenoble, Lille, Limoges, Lyon (n = 2), Nantes (n = 2), Nice, Nı̂mes, Paris (n = 3), Reims, Rouen, Strasbourg (n = 2). Certains centres ont dissocié les activités de simulation sur mannequin de celles pour des gestes techniques procéduraux (intubation difficile, réanimation cardiorespiratoire). L’analyse a été conduite globalement. En termes de parc de matériel, la Fig. 1 montre que les centres sont majoritairement équipés de mannequins adulte et de têtes d’intubation, tandis que les simulateurs enfant, les mannequins pour la pose des voies centrales et encore plus ceux pour l’échographie en anesthésie locorégionale sont peu présents. Des prêts viennent enrichir le parc de façon notable (Fig. 2) : le nombre de centres bénéficiant de ces prêts est de sept pour les simulateurs adulte (39 %), quatre pour les simulateurs enfant (22 %), huit pour les têtes d’intubation (44 %), trois pour les mannequins voies centrales (16 %), un pour les simulateurs écho-ALR (5 %). En substance, huit centres (44 %) se déclarent totalement autonomes vis-à-vis des prêts. Ces prêts ne génèrent pas de conflit d’intérêt pour 11 (61 %) des centres, mais une pression commerciale tangible est perçue par quatre centres (22 %). Les questions posée étaient « y a-t-il des conflits d’intérêt avec les fabricants ? » et « y at-il une pression commerciale tangible avec les fabricants ? ». Par ailleurs, une majorité de centres (n =11 ; 61 %) sont favorables à obtenir une indépendance complète vis-à-vis des industriels. Les achats ont été réalisés par le centre seul dans 12 centres (67 %). Les crédits sont issus de plusieurs sources parmi lesquelles prédominent les facultés de médecine, puis les associations de service. En termes de maintenance, 28 % (n = 5) des centres ont prévu un budget de maintenance complet et 28 % (n = 5) un budget partiel. Les locaux sont majoritairement souhaités comme dédiés à la simulation (n = 14 ; 78 %), sous forme d’un bloc opératoire fonctionnel (n = 12 ; 67 %), avec une salle de débriefing indépendante (n = 10 ; 55 %) et une vidéotransmission vers la [()TD$FIG] 3. Résultats Vingt et un centres impliqués en simulation ont été interrogés et 18 (86 %) ont répondu. Ce sont les centres d’Angers, Clermont- Fig. 1. Distribution du nombre de simulateurs achetés. [()TD$FIG] 784 [()TD$FIG] L. Beydon et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786 Fig. 2. Distribution des sources de financement : répartition du total des réponses (plusieurs réponses possibles par centre). CESU : Centre d’enseignement et de soins d’urgence. salle de débriefing (n = 11 ; 61 %). En pratique, seulement 11 centres ont des locaux dédiés (61 %). Ces locaux dédiés se trouvent majoritairement à la faculté (70 %). Le matériel dédié disponible pour les sessions (quand le scénario le requiert) de simulation est un respirateur d’anesthésie (85 %), de transport (70 %), un chariot de médicaments d’anesthésie (93 %), un kit d’intubation difficile (92 %), un défibrillateur (77 %), un pousse-seringue (85 %), des fluides muraux (85 %), des tenues de bloc (85 %), des tenues stériles (70 %), des solutés de perfusion (100 %), une station AIVOC (anesthésie à objectif de concentration, 25 %), enregistrement vidéo des sessions (85 %), télétransmission dans la salle de débriefing (55 %). La simulation est aussi réalisée sur cadavre (n = 4 ; 22 %), sur gros animal (n = 1 ; 5 %), sur simulateur numérique (n = 7 ; 39 %), sur des mannequins modulaires pour gestes techniques spécifiques (intubation, réanimation cardiopulmonaire. . . n = 12 ; 67 %). L’organisation interne des centres conduit aux réponses suivantes : une majorité est favorable à l’existence d’un responsable médical stable par centre (n = 16 ; 89 %), et qu’un infirmier anesthésiste diplômé d’état (IADE) doit participer à chaque session (n = 12 ; 67 %). Un ou plusieurs responsables stables sont effectivement déclarés dans 14 centres (78 %). Sept centres (39 %) ont eu un de leurs médecins ayant fait un stage dans un centre de simulation à l’étranger, et trois (17 %) ont suivi le diplôme interuniversitaire de simulation (université Paris-Descartes). Le nombre de médecins par centre, opérationnels pour organiser des sessions de simulation est de un à deux (n = 3, 17 %), trois à quatre (n = 39 %), plus de quatre (n = 5, 28 %). Pour les IADE, dix centres n’en incluent pas (55 %). Ceux qui en incluent en associent de un à quatre par session. En majorité, deux à trois médecins (55 %) par centre maı̂trisent la console de pilotage des simulateurs. La distribution des compétences de ces médecins est représentée Fig. 3. Pour les centres considérés, une majorité envisage de débuter une session de simulation par un briefing formel (93 %), et un débriefing à chaque scenario (100 %) et à la fin de chaque session (93 %) avec si possible l’ajout de vidéos enregistrées lors des sessions (100 %). Les participants doivent passer au moins une fois sur simulateur (100 %). Ils ne peuvent pas jouer un autre rôle que le leur (75 %). Il faut tout faire pour avoir des participants réels de chaque catégorie professionnelle impliquée dans le scénario (100 %). La majorité pense que les participants doivent arriver « vierges » aux sessions de simulation (pas de révision avant, ni documents préparatoires) (82 %). Mais ils doivent avoir un document après (93 %). Il faut remplir une grille d’évaluation (92 %) ; passer des QCM d’évaluation après les scénarios (82 %). Il a été également demandé s’il fallait que chaque participant s’inscrive à au moins deux sessions distinctes, pour consolider systématiquement les acquis. La majorité n’y était pas favorable (85 %). Fig. 3. Distribution des profils de compétences médicales dans les centres de simulation. L’expérience acquise à ce jour est supérieure à trois ans pour huit centres (44 %) et comprise entre un et deux ans pour quatre centres (22 %). Les centres répondeurs font état de l’organisation de moins de dix sessions par an (médiane) à usage interne et de même pour les sessions dédiées à des participants extérieurs. Les bénéficiaires se distribuent selon diverses catégories, parmi lesquelles les internes d’anesthésie réanimation et les étudiants en médecine sont majoritaires (Fig. 4). Une amélioration de la disponibilité pourrait être obtenue par le recours à des médecins salariés, dédiés à cette activité de simulation (mi-temps ou plus), d’après la réponse de neuf centres (50 %), voire des salariés non médecins pour 12 centres (67 %). À ce jour l’offre de formation des centres permet d’organiser chaque année la formation de cinq à dix médecins extérieurs (17 %), dix à 20 : (33 %), 20–50 % : (33 %), 50–100 : (17 %). On voit qu’à ce jour l’offre de formation est essentiellement tournée vers l’usage interne des centres, avec peu d’offres au niveau national. Les sessions organisées à l’extérieur ne sont pas fréquentes : huit centres (44 %) ont participé aux sessions du congrès de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), huit à d’autres congrès (44 %), cinq dans des hôpitaux ou cliniques extérieurs (28 %), six à des manifestations organisées par l’industrie (33 %). Les centres ont été sollicités pour utiliser la simulation et l’ont fait pour : les urgentistes (n = 7), les étudiants de la faculté de médecine (n = 6), puis pour trois centres ou moins, par les AR de centres extérieurs, les infirmiers anesthésistes, les réanimateurs médicaux, les pédiatres et néonatologistes, les obstétriciens, les chirurgiens, le Samu-Smur, les pompiers, les instituts de formation en soins infirmiers, des infirmiers anesthésistes et des sages-femmes. Les centres estiment qu’ils peuvent ouvrir leurs sessions à des participants de l’extérieur quand ils s’en sentent capables (60 %) ; après une année au moins d’expérience (85 %). Une expérience acquise auprès d’étudiants en médecine ne [()TD$FIG] Fig. 4. Distribution des bénéficiaires des centres de simulation : répartition du total des réponses (plusieurs réponses possibles). IADE : infirmier anesthésiste diplômé d’état ; IDE : infirmière diplômée d’état ; AR : anesthésiste réanimateur ; DESAR : DES en anesthésie réanimation (interne en anesthésie). L. Beydon et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786 compte pas (50 %). L’idée de dépendre d’un audit extérieur pour s’ouvrir à l’extérieur est marginale (38 %), tout comme la nécessité qu’un des organisateurs au moins du centre ait validé le diplôme interuniversitaire de simulation (24 %). Pour 72 % des centres, cependant, le bon module pour une session de simulation est la journée. La majorité des centres (70 %) souhaite que la validation de ces séances se fasse par tranches de demi-journées, pour offrir plus de souplesse aux organisateurs. Une majorité de centres (66 %) est favorable à ne compter des points de formation médicale continue que si le mannequin est manipulé. Dans une logique de formation continue, une majorité des centres (88 %) est favorable à ce que la simulation compte des points non spécifiques, s’inscrivant à la rubrique « formation à la sécurité », et qui peut s’ajouter à d’autres formations orientées vers ce même thème. Seulement 50 % sont favorables à ce que la simulation compte des points pour la seule rubrique « simulation ». Le nombre de participants pour une session d’une demi-journée estimé comme optimum est évalué à part presque égale entre moins ou égal à six (45 %) et entre sept et dix (55 %). Inversement, pour une session d’une journée, le nombre optimum est centré entre sept à 15 (80 %), avec un pic pour huit à dix (31 %). Ce nombre n’est pas différent pour les sessions destinées aux AR seniors et aux internes d’anesthésie réanimation. Une majorité de centres est favorable à mettre en commun les scénarios utilisés (75 %), ainsi que les objectifs pédagogiques de chaque scénario (93 %). Il n’existe pas de différence de priorité dans les catégories professionnelles qui peuvent bénéficier de la simulation : AR séniors, internes d’anesthésie réanimation et infirmiers anesthésistes sont envisagés aussi prioritaires les uns que les autres. Pour les scénarios, 85 % sont pour traiter obligatoirement des scénarios de base (arrêt cardiaque, hyperthermie maligne. . .). Il est admis par 62 % des centres que la Sfar peut donner des priorités en termes de scénarios. Les scénarios qui sont utilisés par moins de 50 % des centres sont ceux concernant les thèmes suivants : obstétrique, pédiatrie, infirmiers, personnel de bloc opératoire. Enfin, la majorité des centres est disposée à enrichir une base de scénarios communs (77 %), à faire que chaque scénario respecte un objectif pédagogique précis (93 %), que chaque participant dispose de références bibliographiques sur le thème de chaque scénario envisagé (93 %). Quatre-vingt-deux pour cent sont favorables à participer aux activités d’un « club de simulation » français, qui est en cours de création et 84 % sont favorables à participer à un travail commun au niveau national autour de la simulation. 4. Discussion Cette enquête montre que le nombre de centres équipés pour la simulation haute-fidélité en anesthésie réanimation augmente rapidement et présente des profils assez comparables. Nous présentons ainsi, une vue en coupe de la simulation en anesthésie réanimation, telle qu’elle est réellement pratiquée à ce jour. Les données acquises permettent de penser que la simulation commence à présenter des éléments de maturité et que l’accréditation des centres peut s’envisager. Parmi les critères à retenir figurent : un nombre restreint de participants et une participation active de chaque participant. La simulation est ressentie comme devant participer à valider une formation continue du type « culture de sécurité » qui serait une valence pouvant contribuer à valider d’autres actions de formation. La simulation peut répondre à deux objectifs : de formation et/ ou de certification. Le second volet fait considérablement débat. Le Cfar a suggéré cette enquête en considérant la simulation comme un outil de formation initiale et continue. Quand la question de critères de labellisation est abordée, une labellisation de type « formation continue » que le Cfar attribue pour les congrès, 785 notamment, serait proposée. Le volet certification n’était pas envisagé ici. Cette étude étant essentiellement descriptive, les données ne peuvent être comparées qu’avec un nombre limité de publications. La littérature portant sur la simulation se focalise essentiellement autour des apports pédagogiques [5] et d’évaluation de cette technique [6]. En regard, l’évaluation des pratiques des centres est peu étudiée. Une analyse de la simulation en Europe a été réalisée, il y a dix ans [7]. Elle décrivait trois centres pionniers (Bruxelles, Leyde et Bâle). Depuis, la simulation en anesthésie réanimation s’est considérablement développée sans analyse plus récente du parc installé, hormis en pédiatrie. En effet, une étude récente a recensé les moyens disponibles dans 20 des 38 centres européens réalisant de la simulation haute-fidélité en anesthésie réanimation pédiatrique [8]. Les auteurs retrouvent que 94 % des centres effectuent aussi de la simulation sur des mannequins adultes. Les centres décrits dans la présente étude ont un équipement mixte, associant des mannequins haute fidélité et des mannequins procéduraux pour l’acquisition de gestes techniques comme l’intubation. À ce titre, cet équipement correspond aux standards des simulateurs physiques. Les logiciels de simulation, dont l’usage est destiné à des applications plus simples sont souvent focalisées à un type de problématique [9]. On peut penser que les centres sont ainsi à même de fournir des moyens riches et opérationnels. Deux facteurs limitants sont identifiés : les ressources humaines nécessaires et les moyens financiers. Les centres utilisent leurs ressources humaines internes, majoritairement constituées d’AR et, plus marginalement, des infirmiers anesthésistes. Il n’est donc pas étonnant que ces centres soient des établissements universitaires. Les coûts en personnel ne sont pas individualisés. Ce n’est pas le cas à l’étranger et en particulier au Canada. Le descriptif des sommes requises pour ouvrir un centre de simulation à Toronto est publié [10]. Ainsi, en 1996, pour la création d’une salle de simulation, de deux salles de débriefing et de deux pièces satellites au sein d’un bâtiment hospitalier, il est fait mention d’un budget global de 650 000 $ canadiens (dont 250 000 $ pour le simulateur METI1). Les salaires annuels sont évalués à 320 000 $ pour un anesthésiste, un interne et une secrétaire. Dans les centres interrogés, les sommes liées à l’équipement ont été trouvées auprès de divers partenaires institutionnels avec un apport des associations de service pour un tiers. De façon intéressante, les revenus d’exploitation liés à des stages payants qui ne couvrent que 10 % des dépenses ( 500 $ par jour sur un total de 4500 $ par jour) pour un centre qui est utilisé 3,5 jours par semaine. En France, les moyens requis pour ouvrir un centre de simulation semblent largement basés sur des ressources mixtes, sans recours à des salariés. Cette nouvelle activité met à contribution les effectifs médicaux en place ; ce qui peut constituer une difficulté dans un contexte de contraintes démographiques en anesthésie réanimation. Malgré cela, les équipes qui ont répondu sont ouvertes à des demandes hors anesthésie réanimation à hauteur de 30 %. Les étudiants en médecine constituent la population privilégiée des bénéficiaires hors anesthésie réanimation. Il semble que les limites financières et de ressources humaines ne seront résolues que si les centres parviennent à développer un modèle économique de type anglosaxon : des formations payantes permettant un autofinancement des centres. Le fait que les centres sont favorables à mettre en commun leurs ressources intellectuelles (objectifs pédagogiques, scénarios) est identifié. La transposabilité de ressources d’un pays à un autre a été démontrée. Des scénarios élaborés aux États-Unis se sont avérés performants lorsqu’ils étaient utilisés à des fins d’évaluation, en Israël [11]. Cette démarche de mise en commun a été initiée par le Cfar, avec la participation d’urgentistes pratiquant la simulation. Il 786 L. Beydon et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786 en résulte la réalisation d’un kit de scénarios mis à disposition par le Cfar pour les centres de simulation qui débutent. Le taux de participation d’infirmiers anesthésistes aux séances de simulation est faible. Pourtant, les infirmiers présentent dans une étude, pour des scénarios « typiques de l’anesthésie », des scores proches de ceux des AR (score moyen à 60 % vs. 67 %), avec de grandes variations individuelles de résultats dans les deux groupes professionnels. Les deux groupes professionnels étudiés avaient une expérience similaire (11 ans en moyenne). Inversement, il n’est pas étonnant de constater que ces auteurs rapportent une meilleure performance des anesthésistes dans les scénarios à prédominance médicale (ischémie peropératoire, tachycardie ventriculaire, hémorragie sévère) que pour des problèmes exclusivement techniques ou ciblés (bronchospasme, hyperthermie maligne, intubation sélective, notamment) [12]. Le recours à des équipes mixtes (infirmiers anesthésistes et AR) serait une opportunité de valoriser et d’affiner les complémentarités professionnelles. Les AR sont moins nombreux à participer que les internes en anesthésie réanimation. Ce fait a été retrouvé par Savoldelli et al. [13] qui l’expliquent par le manque de temps des seniors et les problèmes financiers pour assurer une telle formation. Si les internes sont les utilisateurs privilégiés de la simulation, dans tous les pays, ils constatent malgré tout que c’est pour eux une expérience anxiogène qui justifie la création d’un environnement pédagogique dédié et rassurant [14]. Cela requiert du professionnalisme ; ce qui milite pour labelliser des programmes/équipes ayant acquis une certaine expérience dans le domaine. Les centres interrogés n’ont pas retenu l’idée de demander la participation à deux sessions distinctes de simulation, de façon systématique. Si les disponibilités restreintes et les moyens limités peuvent l’expliquer, il semblerait que le perfectionnement des aptitudes non techniques bénéficie de plusieurs séances [15,16] qui prennent en compte cette dimension de la pratique. Reste la question de la labellisation des formations dispensées par ces centres. Au vu de ces résultats, il nous semble que, comme pour les congrès, un respect de règles simples (locaux, nombre de participants par session, scénarios codifiés, thèmes à traiter obligatoirement, débriefing obligatoire. . .) soit souhaitable et suffisant, au même titre que pour les congrès. En effet, les données de terrain qui transparaissent dans cette enquête nous semblent montrer que les centres, opèrent avec sérieux, selon des modalités en accord avec les bonnes pratiques en vigueur en matière de simulation. Ces pratiques sont de surcroı̂t assez homogènes. En conclusion, cette enquête montre que de nouveaux centres apparaissent en France. La formation est actuellement centrée sur celles des internes d’anesthésie réanimation, avec un potentiel encore restreint pour utiliser la simulation haute-fidélité dans un cadre de formation médicale continue. Les centres fonctionnent avec des moyens humains non spécifiques, limités, et des sources financières sont multiples. Malgré ces difficultés, les centres semblent avoir spontanément adopté des procédures opération- nelles comparables. Il est possible que l’initiative du Cfar de lancer un groupe de travail autour de la création de scénarios « pour démarrer » ait pu jouer un rôle dans cette dynamique. Conflit d’intérêt Les auteurs sont membres du Collège français des AR. Ils n’ont pas de conflit d’intérêt par rapport au thème traité dans cet article. Cette étude a été réalisée avec les moyens propres du Pôle d’anesthésie réanimation du CHU d’Angers. Remerciements Les auteurs remercient le docteur Jerôme Berton (pôle d’anesthésie réanimation, CHU d’Angers) pour sa participation à la rédaction de ce manuscrit. Références [1] Gaba DM, DeAnda A. A comprehensive anesthesia simulation environment: recreating the operating room for research and training. Anesthesiology 1988;69:387–94. [2] Murray DJ, Boulet JR, Kras JF, McAllister JD, Cox TE. A simulation-based acute skills performance assessment for anesthesia training. Anesth Analg 2005; 101:1127–34. [3] Webster CS. The nuclear power industry as an alternative analogy for safety in anaesthesia and a novel approach for the conceptualisation of safety goals. Anaesthesia 2005;60:1115–22. [4] March JG, Sproull LS, Tamuz M. Learning from samples of one or fewer, 1991. Qual Saf Health Care 2003;12:465–71. [5] Kinnear J. Simulation in anaesthesia training. Br J Anaesth 2010;104:113–4. [6] Boulet JR, Murray DJ. Simulation-based assessment in anesthesiology: requirements for practical implementation. Anesthesiology 2010;112:1041–52. [7] Gouvitsos F, Vallet B, Scherpereel P. Les simulateurs d’anesthésie : intérêts et limites à travers l’expérience de plusieurs centres universitaires européens. Ann Fr Anesth Reanim 1999;18:787–95. [8] Lassalle V, Berton J, Bouhours G, Peres M, Bossard G, Granry JC. Enquête européenne sur la pratique de la simulation médicale pédiatrique. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:628–33. [9] Cumin D, Merry AF. Simulators for use in anaesthesia. Anaesthesia 2007; 62:151–62. [10] Kurrek MM, Devitt JH. The cost for construction and operation of a simulation centre. Can J Anaesth 1997;44:1191–5. [11] Berkenstadt H, Ziv A, Gafni N, Sidi A. Incorporating simulation-based objective structured clinical examination into the Israeli National Board Examination in Anesthesiology. Anesth Analg 2006;102:853–8. [12] Henrichs BM, Avidan MS, Murray DJ, Boulet JR, Kras J, Krause B, et al. Performance of certified registered nurse anesthetists and anesthesiologists in a simulation-based skills assessment. Anesth Analg 2009;108:255–62. [13] Savoldelli GL, Naik VN, Hamstra SJ, Morgan PJ. Barriers to use of simulationbased education. Can J Anaesth 2005;52:944–50. [14] Price JW, Price JR, Pratt DD, Collins JB, McDonald J. High-fidelity simulation in anesthesiology training: a survey of Canadian anesthesiology residents’ simulator experience. Can J Anaesth 2010;57:134–42. [15] Zausig YA, Grube C, Boeker-Blum T, Busch CJ, Bayer Y, Sinner B, et al. Inefficacy of simulator-based training on anaesthesiologists’ non-technical skills. Acta Anaesthesiol Scand 2009;53:611–9. [16] Yee B, Naik VN, Joo HS, Savoldelli GL, Chung DY, Houston PL, Karatzoglou BJ, et al. Nontechnical skills in anesthesia crisis management with repeated exposure to simulation-based education. Anesthesiology 2005;103:241–328.