profil et point de vue des centres français – une enquête du

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profil et point de vue des centres français – une enquête du
Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 782–786
Article original
La simulation en anesthésie réanimation : profil et point de vue des centres
français – une enquête du Collège français des anesthésistes réanimateurs
High fidelity simulation in Anesthesia and Intensive Care: Context and opinion of performing
centres – A survey by the French College of Anesthesiologists and Intensivists
L. Beydon a,*, B. Dureuil b, N. Nathan c, V. Piriou d, A. Steib e
le Collège français des anesthésistes réanimateurs (Cfar)
a
Commission formation initiale du Cfar, pôle d’anesthésie réanimation, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France
Commission accréditation du Cfar, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Charles-Nicolle, 76031 Rouen cedex, France
Commission pédagogique du Cfar, département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, CHU Dupuytren, 87042 Limoges cedex, France
d
Conseil scientifique du Cfar, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France
e
Présidente du Cfar, service d’anesthésie réanimations chirurgicales, Nouvel hôpital Civil, 67091 Strasbourg cedex, France
b
c
I N F O A R T I C L E
R É S U M É
Historique de l’article :
Reçu le 24 avril 2010
Accepté le 21 août 2010
Disponible sur Internet le 8 octobre 2010
Introduction. – La simulation sur mannequins haute fidélité se développe en France. La question de
savoir quel est son potentiel de formation et sur quels critères accréditer cette nouvelle activité de
formation est explorée.
Objectifs. – Les objectifs de cette enquête étaient de recueillir auprès des centres pratiquant la
simulation haute fidélité, les modalités de fonctionnement, les données opérationnelles les concernant
et les critères d’accréditation leurs semblant pertinents.
Type d’étude. – Enquête nationale.
Méthodes. – Questionnaire envoyé aux centres réalisant de la simulation haute-fidélité en France
(décembre 2009).
Résultats. – Dix-huit sur 21 centres ont répondu (86 % ; tous des CHU). Les centres sont majoritairement
équipés de mannequins adultes et de têtes d’intubation. Les sources de financement sont multiples, et
plus d’un tiers recourent à des prêts de matériels des fabricants. Les locaux essentiellement sont ceux de
la faculté (70 %). Un (ou des) responsable(s) stable médical existe dans 78 % avec la majorité constituée de
plus de trois médecins formateurs. Plus de la moitié ne font pas participer les infirmiers anesthésistes.
Les modalités opératoires sont concordantes. Les bénéficiaires sont majoritairement les internes en
formation. La capacité de formation pour des médecins extérieurs est restreinte. Les formations sont
d’une journée (72 %). Une majorité de centres est favorable à partager les scénarios (75 %) et les objectifs
pédagogiques (93 %). Les scénarios de base (arrêt cardiaque, hyperthermie maligne notamment) sont
jugés obligatoires pour 85 % des centres.
Conclusion. – La simulation haute-fidélité se développe rapidement mais sa capacité de formation
continue reste limitée au niveau national.
ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
Mots clés :
Simulation
Formation continue
Anesthésie
Formation
A B S T R A C T
Keywords:
Education
Anaesthesia
Simulation
Objectives. – High fidelity simulation is rapidly expanding in France. The question of knowing how to
accredit this new mode of continuous education and how far it is available for this purpose is pending.
The purpose of this survey was to collect how active centres operate and which criteria they would prefer
to accredit this form of continuing medical education.
Study design. – National survey.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Beydon).
0750-7658/$ – see front matter ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.annfar.2010.08.013
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Methods. – A questionnaire was sent to all centres using high fidelity simulation in France (December
2009).
Results. – Eighteen of 21 centres answered (86%; all university hospitals). These centres are equipped with
adult high fidelity simulation and procedural heads for intubation. Funding is achieved via multiple sources
and one third of centres benefit from manufacturers’ lending. Centres are mostly located within the
university premises (70%). One or more staff practitioners are involved in 78% and the majority of centres
are operated by more than three. Nurse anaesthetists are not involved in most centres. Operating
procedures are similar and high fidelity simulation is mostly used for in-site resident training. At present,
centres are only marginally able to train non-resident senior anaesthesiologists. Sessions extend over one
day (72%). The majority of centres is prone to share scenarios (75%) and pedagogic aids (93%). Basic
scenarios (e.g., cardiopulmonary resuscitation) are mainstream objectives for 85% of centres.
Conclusion. – high fidelity simulation is rapidly expending in France but its ability to contribute to
continuous medical education is still limited to date.
ß 2010 Published by Elsevier Masson SAS.
1. Introduction
La simulation sur mannequin de haute fidélité est une pratique
émergente en France alors qu’elle est apparue il y a déjà 15 ans
Outre-Atlantique [1]. Cette méthode d’apprentissage initial de la
gestion des situations à risque ou d’entretien des acquis a pour but
de maı̂triser les éléments critiques périopératoires [2] dont
certains sont trop rares pour être rencontrés en routine [3,4].
Conscient de l’apparition de ces moyens émergents, le Collège
français des anesthésistes réanimateurs (Cfar) s’est interrogé sur
l’offre de simulation actuelle en France. Il a suggéré cette enquête
afin de tenter de préciser quels étaient les moyens existants
disponibles, quelle était l’offre réelle offerte tant à des internes en
anesthésie réanimation (formation initiale) que pour la formation
continue des anesthésistes réanimateurs (AR). En effet, le Cfar a
soutenu l’émergence de la simulation en sollicitant un groupe de
travail pour proposer un kit de scénarios utilisables immédiatement pour faciliter la mise en route d’équipes débutant la
simulation. Le Cfar se pose la question de savoir s’il faut accréditer
ces formations, sur quelles bases et comment. Les questions
envisagées dans cette enquête ont exploré un large champ, afin de
tenter de mieux cerner l’offre actuelle et comprendre si cette
méthode était toujours débutante, en cours de maturation ou
totalement opérationnelle.
2. Méthodes
Entre décembre 2009 et janvier 2010, les centres détenteurs
d’au moins un simulateur (Laerdal1 ou Meti1) ont été contactés en
utilisant les données des fabricants, la liste des participants au
groupe de travail sur la simulation du Cfar et en interrogeant les
responsables des centres universitaires. Un questionnaire en ligne
de 52 questions fermées multi-choix et deux ouvertes a été
proposé à ces centres afin d’obtenir la réponse d’une personne
participant à l’activité de ce centre. Parmi ces questions,
29 demandaient une opinion selon une échelle de Lickert en cinq
points (« d’opposé » à « très favorable », avec la mention
« indifférent » pour la valeur centrale). Par souci de clarté, le
questionnaire n’est pas exposé. Les questions apparaissent dans
l’énoncé des résultats.
Les résultats sont exprimés sous forme du pourcentage pour
chaque catégorie (réponses à choix multiple) ou du pourcentage de
réponses favorables et très favorables, avec éventuellement
mention du pourcentage d’indifférents (réponses à choix unique
pour exprimer une opinion).
Ferrand, Grenoble, Lille, Limoges, Lyon (n = 2), Nantes (n = 2), Nice,
Nı̂mes, Paris (n = 3), Reims, Rouen, Strasbourg (n = 2). Certains
centres ont dissocié les activités de simulation sur mannequin de
celles pour des gestes techniques procéduraux (intubation difficile,
réanimation cardiorespiratoire). L’analyse a été conduite globalement.
En termes de parc de matériel, la Fig. 1 montre que les centres
sont majoritairement équipés de mannequins adulte et de têtes
d’intubation, tandis que les simulateurs enfant, les mannequins
pour la pose des voies centrales et encore plus ceux pour
l’échographie en anesthésie locorégionale sont peu présents. Des
prêts viennent enrichir le parc de façon notable (Fig. 2) : le nombre
de centres bénéficiant de ces prêts est de sept pour les simulateurs
adulte (39 %), quatre pour les simulateurs enfant (22 %), huit pour
les têtes d’intubation (44 %), trois pour les mannequins voies
centrales (16 %), un pour les simulateurs écho-ALR (5 %). En
substance, huit centres (44 %) se déclarent totalement autonomes
vis-à-vis des prêts. Ces prêts ne génèrent pas de conflit d’intérêt
pour 11 (61 %) des centres, mais une pression commerciale
tangible est perçue par quatre centres (22 %). Les questions posée
étaient « y a-t-il des conflits d’intérêt avec les fabricants ? » et « y at-il une pression commerciale tangible avec les fabricants ? ». Par
ailleurs, une majorité de centres (n =11 ; 61 %) sont favorables à
obtenir une indépendance complète vis-à-vis des industriels.
Les achats ont été réalisés par le centre seul dans 12 centres
(67 %). Les crédits sont issus de plusieurs sources parmi lesquelles
prédominent les facultés de médecine, puis les associations de
service. En termes de maintenance, 28 % (n = 5) des centres ont
prévu un budget de maintenance complet et 28 % (n = 5) un budget
partiel.
Les locaux sont majoritairement souhaités comme dédiés à la
simulation (n = 14 ; 78 %), sous forme d’un bloc opératoire
fonctionnel (n = 12 ; 67 %), avec une salle de débriefing
indépendante (n = 10 ; 55 %) et une vidéotransmission vers la
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3. Résultats
Vingt et un centres impliqués en simulation ont été interrogés
et 18 (86 %) ont répondu. Ce sont les centres d’Angers, Clermont-
Fig. 1. Distribution du nombre de simulateurs achetés.
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Fig. 2. Distribution des sources de financement : répartition du total des réponses
(plusieurs réponses possibles par centre). CESU : Centre d’enseignement et de soins
d’urgence.
salle de débriefing (n = 11 ; 61 %). En pratique, seulement 11 centres
ont des locaux dédiés (61 %). Ces locaux dédiés se trouvent
majoritairement à la faculté (70 %). Le matériel dédié disponible
pour les sessions (quand le scénario le requiert) de simulation est
un respirateur d’anesthésie (85 %), de transport (70 %), un chariot
de médicaments d’anesthésie (93 %), un kit d’intubation difficile
(92 %), un défibrillateur (77 %), un pousse-seringue (85 %), des
fluides muraux (85 %), des tenues de bloc (85 %), des tenues stériles
(70 %), des solutés de perfusion (100 %), une station AIVOC
(anesthésie à objectif de concentration, 25 %), enregistrement
vidéo des sessions (85 %), télétransmission dans la salle de
débriefing (55 %).
La simulation est aussi réalisée sur cadavre (n = 4 ; 22 %), sur
gros animal (n = 1 ; 5 %), sur simulateur numérique (n = 7 ; 39 %),
sur des mannequins modulaires pour gestes techniques spécifiques (intubation, réanimation cardiopulmonaire. . . n = 12 ; 67 %).
L’organisation interne des centres conduit aux réponses
suivantes : une majorité est favorable à l’existence d’un responsable
médical stable par centre (n = 16 ; 89 %), et qu’un infirmier
anesthésiste diplômé d’état (IADE) doit participer à chaque session
(n = 12 ; 67 %). Un ou plusieurs responsables stables sont
effectivement déclarés dans 14 centres (78 %). Sept centres (39 %)
ont eu un de leurs médecins ayant fait un stage dans un centre de
simulation à l’étranger, et trois (17 %) ont suivi le diplôme
interuniversitaire de simulation (université Paris-Descartes). Le
nombre de médecins par centre, opérationnels pour organiser des
sessions de simulation est de un à deux (n = 3, 17 %), trois à quatre
(n = 39 %), plus de quatre (n = 5, 28 %). Pour les IADE, dix centres n’en
incluent pas (55 %). Ceux qui en incluent en associent de un à quatre
par session. En majorité, deux à trois médecins (55 %) par centre
maı̂trisent la console de pilotage des simulateurs. La distribution des
compétences de ces médecins est représentée Fig. 3.
Pour les centres considérés, une majorité envisage de débuter
une session de simulation par un briefing formel (93 %), et un
débriefing à chaque scenario (100 %) et à la fin de chaque session
(93 %) avec si possible l’ajout de vidéos enregistrées lors des
sessions (100 %). Les participants doivent passer au moins une fois
sur simulateur (100 %). Ils ne peuvent pas jouer un autre rôle que le
leur (75 %). Il faut tout faire pour avoir des participants réels de
chaque catégorie professionnelle impliquée dans le scénario
(100 %). La majorité pense que les participants doivent arriver
« vierges » aux sessions de simulation (pas de révision avant, ni
documents préparatoires) (82 %). Mais ils doivent avoir un
document après (93 %). Il faut remplir une grille d’évaluation
(92 %) ; passer des QCM d’évaluation après les scénarios (82 %). Il a
été également demandé s’il fallait que chaque participant s’inscrive
à au moins deux sessions distinctes, pour consolider systématiquement les acquis. La majorité n’y était pas favorable (85 %).
Fig. 3. Distribution des profils de compétences médicales dans les centres de
simulation.
L’expérience acquise à ce jour est supérieure à trois ans pour
huit centres (44 %) et comprise entre un et deux ans pour quatre
centres (22 %). Les centres répondeurs font état de l’organisation de
moins de dix sessions par an (médiane) à usage interne et de même
pour les sessions dédiées à des participants extérieurs. Les
bénéficiaires se distribuent selon diverses catégories, parmi
lesquelles les internes d’anesthésie réanimation et les étudiants
en médecine sont majoritaires (Fig. 4). Une amélioration de la
disponibilité pourrait être obtenue par le recours à des médecins
salariés, dédiés à cette activité de simulation (mi-temps ou plus),
d’après la réponse de neuf centres (50 %), voire des salariés non
médecins pour 12 centres (67 %).
À ce jour l’offre de formation des centres permet d’organiser
chaque année la formation de cinq à dix médecins extérieurs
(17 %), dix à 20 : (33 %), 20–50 % : (33 %), 50–100 : (17 %). On voit
qu’à ce jour l’offre de formation est essentiellement tournée vers
l’usage interne des centres, avec peu d’offres au niveau national.
Les sessions organisées à l’extérieur ne sont pas fréquentes :
huit centres (44 %) ont participé aux sessions du congrès de la
Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), huit à
d’autres congrès (44 %), cinq dans des hôpitaux ou cliniques
extérieurs (28 %), six à des manifestations organisées par
l’industrie (33 %). Les centres ont été sollicités pour utiliser la
simulation et l’ont fait pour : les urgentistes (n = 7), les étudiants de
la faculté de médecine (n = 6), puis pour trois centres ou moins, par
les AR de centres extérieurs, les infirmiers anesthésistes, les
réanimateurs médicaux, les pédiatres et néonatologistes, les
obstétriciens, les chirurgiens, le Samu-Smur, les pompiers, les
instituts de formation en soins infirmiers, des infirmiers anesthésistes et des sages-femmes. Les centres estiment qu’ils peuvent
ouvrir leurs sessions à des participants de l’extérieur quand ils s’en
sentent capables (60 %) ; après une année au moins d’expérience
(85 %). Une expérience acquise auprès d’étudiants en médecine ne
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Fig. 4. Distribution des bénéficiaires des centres de simulation : répartition du total
des réponses (plusieurs réponses possibles). IADE : infirmier anesthésiste diplômé
d’état ; IDE : infirmière diplômée d’état ; AR : anesthésiste réanimateur ; DESAR :
DES en anesthésie réanimation (interne en anesthésie).
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compte pas (50 %). L’idée de dépendre d’un audit extérieur pour
s’ouvrir à l’extérieur est marginale (38 %), tout comme la nécessité
qu’un des organisateurs au moins du centre ait validé le diplôme
interuniversitaire de simulation (24 %).
Pour 72 % des centres, cependant, le bon module pour une
session de simulation est la journée. La majorité des centres (70 %)
souhaite que la validation de ces séances se fasse par tranches de
demi-journées, pour offrir plus de souplesse aux organisateurs.
Une majorité de centres (66 %) est favorable à ne compter des
points de formation médicale continue que si le mannequin est
manipulé. Dans une logique de formation continue, une majorité
des centres (88 %) est favorable à ce que la simulation compte des
points non spécifiques, s’inscrivant à la rubrique « formation à la
sécurité », et qui peut s’ajouter à d’autres formations orientées vers
ce même thème. Seulement 50 % sont favorables à ce que la
simulation compte des points pour la seule rubrique « simulation ».
Le nombre de participants pour une session d’une demi-journée
estimé comme optimum est évalué à part presque égale entre
moins ou égal à six (45 %) et entre sept et dix (55 %). Inversement,
pour une session d’une journée, le nombre optimum est centré
entre sept à 15 (80 %), avec un pic pour huit à dix (31 %). Ce nombre
n’est pas différent pour les sessions destinées aux AR seniors et aux
internes d’anesthésie réanimation.
Une majorité de centres est favorable à mettre en commun les
scénarios utilisés (75 %), ainsi que les objectifs pédagogiques de
chaque scénario (93 %). Il n’existe pas de différence de priorité dans
les catégories professionnelles qui peuvent bénéficier de la
simulation : AR séniors, internes d’anesthésie réanimation et
infirmiers anesthésistes sont envisagés aussi prioritaires les uns
que les autres. Pour les scénarios, 85 % sont pour traiter
obligatoirement des scénarios de base (arrêt cardiaque, hyperthermie maligne. . .). Il est admis par 62 % des centres que la Sfar peut
donner des priorités en termes de scénarios. Les scénarios qui sont
utilisés par moins de 50 % des centres sont ceux concernant les
thèmes suivants : obstétrique, pédiatrie, infirmiers, personnel de
bloc opératoire.
Enfin, la majorité des centres est disposée à enrichir une base de
scénarios communs (77 %), à faire que chaque scénario respecte un
objectif pédagogique précis (93 %), que chaque participant dispose
de références bibliographiques sur le thème de chaque scénario
envisagé (93 %). Quatre-vingt-deux pour cent sont favorables à
participer aux activités d’un « club de simulation » français, qui est
en cours de création et 84 % sont favorables à participer à un travail
commun au niveau national autour de la simulation.
4. Discussion
Cette enquête montre que le nombre de centres équipés pour la
simulation haute-fidélité en anesthésie réanimation augmente
rapidement et présente des profils assez comparables. Nous
présentons ainsi, une vue en coupe de la simulation en anesthésie
réanimation, telle qu’elle est réellement pratiquée à ce jour. Les
données acquises permettent de penser que la simulation
commence à présenter des éléments de maturité et que l’accréditation des centres peut s’envisager. Parmi les critères à retenir
figurent : un nombre restreint de participants et une participation
active de chaque participant. La simulation est ressentie comme
devant participer à valider une formation continue du type
« culture de sécurité » qui serait une valence pouvant contribuer
à valider d’autres actions de formation.
La simulation peut répondre à deux objectifs : de formation et/
ou de certification. Le second volet fait considérablement débat. Le
Cfar a suggéré cette enquête en considérant la simulation comme
un outil de formation initiale et continue. Quand la question de
critères de labellisation est abordée, une labellisation de type
« formation continue » que le Cfar attribue pour les congrès,
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notamment, serait proposée. Le volet certification n’était pas
envisagé ici.
Cette étude étant essentiellement descriptive, les données ne
peuvent être comparées qu’avec un nombre limité de publications.
La littérature portant sur la simulation se focalise essentiellement
autour des apports pédagogiques [5] et d’évaluation de cette
technique [6]. En regard, l’évaluation des pratiques des centres est
peu étudiée.
Une analyse de la simulation en Europe a été réalisée, il y a dix
ans [7]. Elle décrivait trois centres pionniers (Bruxelles, Leyde et
Bâle). Depuis, la simulation en anesthésie réanimation s’est
considérablement développée sans analyse plus récente du parc
installé, hormis en pédiatrie. En effet, une étude récente a recensé
les moyens disponibles dans 20 des 38 centres européens réalisant
de la simulation haute-fidélité en anesthésie réanimation pédiatrique [8]. Les auteurs retrouvent que 94 % des centres effectuent
aussi de la simulation sur des mannequins adultes. Les centres
décrits dans la présente étude ont un équipement mixte, associant
des mannequins haute fidélité et des mannequins procéduraux
pour l’acquisition de gestes techniques comme l’intubation. À ce
titre, cet équipement correspond aux standards des simulateurs
physiques. Les logiciels de simulation, dont l’usage est destiné à
des applications plus simples sont souvent focalisées à un type de
problématique [9]. On peut penser que les centres sont ainsi à
même de fournir des moyens riches et opérationnels.
Deux facteurs limitants sont identifiés : les ressources
humaines nécessaires et les moyens financiers. Les centres
utilisent leurs ressources humaines internes, majoritairement
constituées d’AR et, plus marginalement, des infirmiers anesthésistes. Il n’est donc pas étonnant que ces centres soient des
établissements universitaires. Les coûts en personnel ne sont pas
individualisés. Ce n’est pas le cas à l’étranger et en particulier au
Canada. Le descriptif des sommes requises pour ouvrir un centre
de simulation à Toronto est publié [10]. Ainsi, en 1996, pour la
création d’une salle de simulation, de deux salles de débriefing et
de deux pièces satellites au sein d’un bâtiment hospitalier, il est
fait mention d’un budget global de 650 000 $ canadiens (dont 250
000 $ pour le simulateur METI1). Les salaires annuels sont évalués
à 320 000 $ pour un anesthésiste, un interne et une secrétaire.
Dans les centres interrogés, les sommes liées à l’équipement ont
été trouvées auprès de divers partenaires institutionnels avec un
apport des associations de service pour un tiers. De façon
intéressante, les revenus d’exploitation liés à des stages payants
qui ne couvrent que 10 % des dépenses ( 500 $ par jour sur un
total de 4500 $ par jour) pour un centre qui est utilisé 3,5 jours par
semaine. En France, les moyens requis pour ouvrir un centre de
simulation semblent largement basés sur des ressources mixtes,
sans recours à des salariés. Cette nouvelle activité met à
contribution les effectifs médicaux en place ; ce qui peut
constituer une difficulté dans un contexte de contraintes
démographiques en anesthésie réanimation. Malgré cela, les
équipes qui ont répondu sont ouvertes à des demandes hors
anesthésie réanimation à hauteur de 30 %. Les étudiants en
médecine constituent la population privilégiée des bénéficiaires
hors anesthésie réanimation. Il semble que les limites financières
et de ressources humaines ne seront résolues que si les centres
parviennent à développer un modèle économique de type anglosaxon : des formations payantes permettant un autofinancement
des centres.
Le fait que les centres sont favorables à mettre en commun leurs
ressources intellectuelles (objectifs pédagogiques, scénarios) est
identifié. La transposabilité de ressources d’un pays à un autre a été
démontrée. Des scénarios élaborés aux États-Unis se sont avérés
performants lorsqu’ils étaient utilisés à des fins d’évaluation, en
Israël [11]. Cette démarche de mise en commun a été initiée par le
Cfar, avec la participation d’urgentistes pratiquant la simulation. Il
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en résulte la réalisation d’un kit de scénarios mis à disposition par
le Cfar pour les centres de simulation qui débutent.
Le taux de participation d’infirmiers anesthésistes aux séances
de simulation est faible. Pourtant, les infirmiers présentent dans
une étude, pour des scénarios « typiques de l’anesthésie », des
scores proches de ceux des AR (score moyen à 60 % vs. 67 %), avec
de grandes variations individuelles de résultats dans les deux
groupes professionnels. Les deux groupes professionnels étudiés
avaient une expérience similaire (11 ans en moyenne). Inversement, il n’est pas étonnant de constater que ces auteurs rapportent
une meilleure performance des anesthésistes dans les scénarios à
prédominance médicale (ischémie peropératoire, tachycardie
ventriculaire, hémorragie sévère) que pour des problèmes
exclusivement techniques ou ciblés (bronchospasme, hyperthermie maligne, intubation sélective, notamment) [12]. Le recours à
des équipes mixtes (infirmiers anesthésistes et AR) serait une
opportunité de valoriser et d’affiner les complémentarités
professionnelles. Les AR sont moins nombreux à participer que
les internes en anesthésie réanimation. Ce fait a été retrouvé par
Savoldelli et al. [13] qui l’expliquent par le manque de temps des
seniors et les problèmes financiers pour assurer une telle
formation. Si les internes sont les utilisateurs privilégiés de la
simulation, dans tous les pays, ils constatent malgré tout que c’est
pour eux une expérience anxiogène qui justifie la création d’un
environnement pédagogique dédié et rassurant [14]. Cela requiert
du professionnalisme ; ce qui milite pour labelliser des programmes/équipes ayant acquis une certaine expérience dans le
domaine.
Les centres interrogés n’ont pas retenu l’idée de demander la
participation à deux sessions distinctes de simulation, de façon
systématique. Si les disponibilités restreintes et les moyens limités
peuvent l’expliquer, il semblerait que le perfectionnement des
aptitudes non techniques bénéficie de plusieurs séances [15,16]
qui prennent en compte cette dimension de la pratique.
Reste la question de la labellisation des formations dispensées
par ces centres. Au vu de ces résultats, il nous semble que, comme
pour les congrès, un respect de règles simples (locaux, nombre de
participants par session, scénarios codifiés, thèmes à traiter
obligatoirement, débriefing obligatoire. . .) soit souhaitable et
suffisant, au même titre que pour les congrès. En effet, les données
de terrain qui transparaissent dans cette enquête nous semblent
montrer que les centres, opèrent avec sérieux, selon des modalités
en accord avec les bonnes pratiques en vigueur en matière de
simulation. Ces pratiques sont de surcroı̂t assez homogènes.
En conclusion, cette enquête montre que de nouveaux centres
apparaissent en France. La formation est actuellement centrée sur
celles des internes d’anesthésie réanimation, avec un potentiel
encore restreint pour utiliser la simulation haute-fidélité dans un
cadre de formation médicale continue. Les centres fonctionnent
avec des moyens humains non spécifiques, limités, et des sources
financières sont multiples. Malgré ces difficultés, les centres
semblent avoir spontanément adopté des procédures opération-
nelles comparables. Il est possible que l’initiative du Cfar de lancer
un groupe de travail autour de la création de scénarios « pour
démarrer » ait pu jouer un rôle dans cette dynamique.
Conflit d’intérêt
Les auteurs sont membres du Collège français des AR. Ils n’ont
pas de conflit d’intérêt par rapport au thème traité dans cet article.
Cette étude a été réalisée avec les moyens propres du Pôle
d’anesthésie réanimation du CHU d’Angers.
Remerciements
Les auteurs remercient le docteur Jerôme Berton (pôle
d’anesthésie réanimation, CHU d’Angers) pour sa participation à
la rédaction de ce manuscrit.
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