LE DOSSIER DU JOUR| EN ISÈRE

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LE DOSSIER DU JOUR| EN ISÈRE
LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ | DIMANCHE 27 SEPTEMBRE 2015 | 3
LE DOSSIER DU JOUR| EN ISÈRE
se poursuivent avec des derbys, aujourd’hui, dans le Voironnais et la Bièvre
du monde : le derby !
Ce dimanche, derbys à Izeaux
et St-Étienne-de-St-Geoirs
Le regard d’un jeune de Lancey
devenu maire de Villard-Bonnot
T
I
out est parti d’une idée
toute simple à l’annonce
de la composition de la poule
de Fédérale 3 de rugby, le cinquième niveau de cham­
pionnat français (derrière le Top 14, la Pro D2, la Fédérale
1 et la Fédérale 2).
Pour la première fois de­
puis… très longtemps, cinq équipes iséroises vont évo­
luer dans la même poule : le Bièvre ­ Saint­Geoirs rugby club, le SO Voiron, l’US 2 Ponts, l’US Izeaux et l’US Vi­
nay. Et donc s’affronter le di­
manche.
Un challenge entre les cinq équipes iséroises
où le fair­play est important
Alors, pourquoi ne pas, en plus du vrai championnat de
rugby qui permettra au pre­
mier d’accéder au niveau su­
périeur (la Fédérale 2), orga­
niser un petit challenge en interne entre ces cinq équi­
pes ? Avec à la clé, en fin d’année, un déplacement à Barcelone pour assister à la finale du Top 14 (oui, oui, vous avez bien lu, la finale du Top 14 se jouera à Barce­
lone, au stade du Camp Nou).
Cette idée a été validée par
les cinq présidents de club, par le Comité des Alpes, et un règlement a vu le jour avec un système de points. Ainsi, la victoire vaut deux points (plus un point par tranche de deux essais), le match nul : un point (plus un
point par tranche de deux essais), et la défaite : zéro point (avec un point par tran­
che de deux essais).
Tout carton rouge direct, ou
un deuxième jaune dans la même rencontre, entraînera automatiquement un dé­
compte de deux points sur la
totalisation des points bonus.
Voilà pour le règlement.
Place aux matchs !
Si le championnat de Fédé­
rale 3 a commencé la semai­
ne dernière (vous pouvez lire
chaque semaine les annon­
ces et les compte rendus dans nos pages Sports ­ Isè­
re), ce dimanche, on va assis­
ter à deux derbys particuliè­
rement attendus : à 15 heu­
res, l’US Izeaux accueillera l’US Vinay et, à la même heure, à Saint­Étienne­de­
Saint­Geoirs, le Biè­
vre ­ Saint­Geoirs rugby club recevra le SO Voiron.
Deux affiches, deux derbys
qui vont une nouvelle fois démontrer l’importance du sport, et en l’occurrence du rugby, dans nos territoires. On attend donc du monde
au bord des stades. Beau­
coup de monde et un parfum
particulier. Il n’y a pas que la Coupe du monde dans la vie…
F.A.
l fut joueur jusqu’en ju­
nior, au club de Lancey
qui était loin de l’actuel CSGB de Villard­Bonnot (qui évolue aujourd’hui en Honneur). Et à Lancey, les dimanches de derby, no­
tamment avec le Boc (Bri­
gnoud olympic club), on jouait pour défendre ses terres. Rien que ça.
Rangé des crampons de­
puis bien longtemps, Da­
niel Chavand, maire de Vil­
lard­Bonnot, garde en mé­
moire la saveur de ces
moments où mouiller le maillot n’était pas une figu­
re de style mais bien un comportement. Un état d’esprit, qui se perd, un peu…
« Le rugby s’est singulièrement policé »
« J’ai connu des derbys chauds. Je me rappelle des Lancey ­ La Mure où on sa­
vait systématiquement que ça allait être chaud. Et que dire des Grenoble ­ Toulon naguère quand le rugby n’était pas professionnel ! Plus anciennement encore, les rencontres Greno­
ble ­ Chambéry, c’était
quelque chose ! Aujour­
d’hui, on n’échappe pas à Les rugbymen voironnais se déplacent à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs cet après-midi.
Photo Le DL/Daniel PARAZ
La parole aux présidents des équipes engagées dans la même poule de Fédérale 3
Michel Naud
Jean-Claude Marchand
Patrice Maclet
Thierry Peyraud
Armand Caluori
« Je suis un peu nostalgique
des derbys d’antan. Avec le retour
des poules régionales, les clubs
voisins vont à nouveau se
rencontrer dans des derbys qui ne
manqueront pas de sel. Même si
ces rencontres ont une saveur
spéciale, car elles ont pour but
la suprématie locale et touche
à l’orgueil d’un club, elles sont
à gagner comme les autres.
Un derby perdu et on peut se
mettre dans un trou de rat. »
« Le derby de ce dimanche
[aujourd’hui, NDLR] n’est qu’un
match comme les autres, car
cette saison, il y en a huit dans la
poule. Mais on ne peut pas nier
qu’il y aura une certaine charge
émotionnelle. Il est question de
suprématie régionale et on ne
lâchera rien. C’était plus dur dans
les années 70, la touche était très
animée, en particulier lors des
Vinay/Saint-Marcellin. Ceci dit,
on en garde de bons souvenirs. »
« Un derby contre Voiron
[aujourd’hui, NDLR] est toujours
alléchant. Pour caricaturer, c’est
la ville contre la campagne, les
bottes en caoutchouc contre les
chaussures vernies. Les deux
clubs se connaissent bien et se
respectent. Rappelons que deux
joueurs de chez nous ont fait les
beaux jours de Voiron dans les
années 1980. Les Voironnais
jouent la montée. Notre équipe
espère jouer les trouble-fête. »
« C’est le nec plus ultra de la
compétition. On n’a pas besoin de
se motiver pour un match comme
ça, c’est le summum et une
question de suprématie
territoriale. Le gagnant est
champion de France de son
quartier. Et la troisième mi-temps
est encore plus festive. J’ai une
pensée pour Jean Némoz, formé
à la Bièvre et qui a joué à Voiron.
Cet après-midi, il va faire la fête
avec les deux équipes. »
« Un derby, c’est ce qu’il y a de
mieux. Pas forcément dans le jeu,
car ce sont des matchs tendus,
fermés, mais ça reste toujours
une fête. La rivalité entre clochers
demeure. Quand je jouais, on se
branchait toute la semaine et le
dimanche, c’était un combat,
pas violent mais engagé.
La préparation d’un derby est
d’ailleurs différente des autres
matchs, j’ai été entraîneur,
je peux vous le dire. »
Coprésident de l’Union
sportive d’Izeaux
Président de l’Union
sportive de Vinay
Président du Bièvre Saint-Geoirs rugby club
Président du Stade
olympique voironnais
Coprésident de l’Union
sportive des 2 Ponts rugby
Vingt-cinq ans après le dernier derby,
les clubs de Vizille et de Jarrie vont se retrouver
C
ette année, l’US Vizille et
l’US Jarrie ­ Champ vont
se rencontrer après vingt­
cinq années sans confronta­
tion. Le derby aura­t­il la
même intensité qu’alors ?
Réponse avec deux anciens
rugbymen, l’un jouant sous
les couleurs vizilloises, et
l’autre jarroises.
« Un Vizillois n’allait pas boire un café à Jarrie et vice­versa »
Les années 1985­1993,
c’était hier pour Gérald
Billot. Armé de sa carrure et
de ses 20 ans, le deuxième
ligne vizillois en a joué des
derbys : « Contre Vaulna­
veys, La Mure et Jar­
rie. C’était une institu­
tion. Maintenant, cette riva­
lité de clocher existe
toujours », explique celui qui est devenu président de
l’US Vizille rugby.
La rivalité se cultivait aus­
si en dehors du terrain : « Un
Vizillois n’allait pas boire un
café à Jarrie et vice­versa. »
Et pourtant, « beaucoup de
joueurs travaillaient à l’usi­
ne de Jarrie et se côtoyaient
toute la semaine ». Quand
ils se croisaient, « c’était
toujours un peu chaud ».
Quinze jours avant le der­
by, « on avait la pression. Le
discours du coach, en clair,
c’était de ne pas faire dans
la dentelle. C’était un défi
physique, il ne fallait rien
lâcher pour la supréma­
tie. Et ça finissait souvent en
mastic ». Dans le stade, quelque
1 500 à 2 000 personnes por­
taient son équipe jusqu’à la
victoire.
« On pouvait perdre beau­
coup de matchs mais pas
celui­là », raconte Jérôme
Satin. Le numéro 9 jarrois a
affronté plus d’une fois Vi­
zille. Et la pression montait
à mesure que la date de la
rencontre se rapprochait :
« Non, on n’avait pas de
stress mais l’envie de jouer
ce match­là. On était re­
montés comme des pendu­
les ! Quinze jours avant,
tout le monde était à l’en­
traînement, même ceux qui
avaient la jambe cassée. » « On avait crucifié Vizille ! »
Les petites phrases lancées
à l’adversaire donnaient le
ton : « Va falloir être fort
dimanche ! » Et sur le ter­
rain, l’intimidation se pour­
suivait : « C’était un rugby
plus physique, plus vi­
ril. C’est ce qui mettait du
piquant. Le stade était
plein… C’étaient de supers
moments ! »
Une victoire de Jarrie a
encore une saveur particu­
lière pour Jérôme : « Vizille
avait mené tout le match. À
3 minutes de la fin, on mar­
que un essai en coin, mais
même en transformant, on
ne pouvait faire que le nul.
Là, un Vizillois balance : “Même si vous transformez,
vous ne gagnerez
pas !” L’arbitre a entendu et
a sifflé une pénalité pour
Jarrie pour paroles dépla­
cées… »
Sur la dernière relance,
Jérôme revoit Gérald Billot
« qui prend le ballon et tra­
verse tout le terrain », en
une ultime tentative. « Mais
il a fait un en­avant… On les
avait crucifiés ! »
Les deux rugbymen qui
ont fini par jouer ensemble
sous les couleurs de Vizille
en reparlent encore. C’était
hier…
E.Z.
la notion de derby, mais le rugby a beaucoup évolué au regard de ce qu’est le rugby professionnel. Mê­
me s’il s’agit du rugby “des
champs”, il y a quand mê­
me un mimétisme qui se fait au travers des matchs de haut niveau : le rugby s’est singulièrement policé par rapport aux trois­qua­
tre décennies en arrière, les
règles ont évolué, il y a la vidéo. C’était différent. Le rugby moderne reste du combat, mais on n’en parle que sur le plan sportif. »
À l’époque du tout ama­
teur, de ce côté­ci du Grési­
vaudan, le scénario d’un match reflétait peu ou prou
la vie des communes. Avec ces histoires de familles qui
se transmettent bien sou­
vent de générations en gé­
nérations. Parce que c’est ainsi : « Le rugby, c’est l’école de la vie, aime répé­
ter Daniel Chavand. Ça peut paraître commun de dire ça, mais c’est vrai. Pen­
dant le match, on est au combat. Avant et après, c’est la convivialité qui prend le dessus. Une fois
que l’armistice est signé, c’est fini. »
Céline FERRERO
« Avec le temps, les
souvenirs se déforment »
P
our Jean­Paul Filippi, an­
cien pilier et troisième li­
gne à Grenoble et Lancey, « le derby est d’abord l’ap­
partenance à un territoi­
re. L’entraîneur pointait du doigt la date en début d’an­
née et préparait l’équipe en conséquence. Tu y pensais un mois avant et, à la fin du match, tu pensais déjà au re­
tour. C’était une affaire d’honneur, de suprématie, pour les joueurs, les entraî­
neurs, les dirigeants et aussi les supporters qui se dépla­
çaient en nombre. Dans un derby, tu es en mission. Et si ton club sort vainqueur, tu as sauvé ton honneur.
La notion de derby s’est es­
tompée aujourd’hui. On rap­
pellera pourtant qu’à l’issue de la finale des Alpes de Pro­
motion d’Honneur entre Vil­
lard­Bonnot et le RC Grési­
vaudan (18 à 17), on avait connu des débordements entre supporters. Les deux clubs avaient d’ailleurs été sanctionnés. Ce n’est pas le beau côté du derby. Un der­
by, c’est dur, c’est engagé, mais c’est chevaleresque. Tu combats avec des armes loyales. Sur la même commune de
Villard­Bonnot, il y avait deux clubs : Brignoud et Lancey. Les mecs allaient à l’école ensemble, au boulot ensemble, ils se piquaient leurs copines mais quand un joueur passait d’un club à un autre, c’était une affaire d’État. Il y avait aussi une op­
position de jeu, d’économie et même de politiques entre Lancey, soutenu par les pa­
peteries, en maillot noirs et plutôt à droite, et Brignoud, plus ouvrier, en rouge et de gauche. Leur rugby ressem­
blait à leur vie de travail avec
des avants très durs. Avec le temps, les souvenirs se dé­
forment, mais on en parle en­
core 15 ans après, le nez cas­
sé et la gueule tordue. »
Recueilli par F.A.

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