Je ne t`aime plus.
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Je ne t`aime plus.
Marie-charlotte Leroy Je ne t'aime plus. Publié sur Scribay le 04/04/2015 Je ne t'aime plus. À propos du texte Et le truc c'est qu'on passe notre temps à dire que ça passera, mais c'est que des mensonges, des putains de gros mensonges. Licence Licence CC - Attribution - Pas de modification Licence Creative Commons BY-ND L'œuvre peut être distribuée ou exploitée librement sous deux conditions : - le nom de l'auteur doit être cité, - l'œuvre ne doit pas connaître de modification ou la création d'œuvres dérivées. La licence sur le site de la fondation Creative Commons Je ne t'aime plus. Je ne t'aime plus. - Je ne t'aime plus Je me suis toujours demandé s'il fallait compter le T apostrophe comme un mot, mais qu'il y en ait quatre ou cinq, il l'a dit. Les syllabes se sont envolées dans le salon au milieu du chat et de la télé encore éteinte. D'abord les voyelles, ensuite les consonnes et enfin mon moi tout entier. Dix-neuf heures, cinquante-trois minutes et douze secondes. Ça a duré le temps d'un battement d'ailes de colombe, le temps qu'il faut à un soldat pour mourir. Je dirais trois secondes et demie. C'est tout de même assez peu pour briser un cœur. Je n'avais jamais compris ce lien si complexe entre la voix qui jette les mots, l'oreille qui les écoute et le cœur qui se casse en deux. Pourtant c'est simple. Ça avait été si simple. Le clac de la porte avait retenti, faisant voler les feuilles sur mon bureau et il l'avait dit. Dans l'embrasure, comme ça, d'un coup. Le pire dans toute cette histoire c'est qu'avant qu'il le dise je voulais lui raconter une blague. Une blague sur les girafes et leur grand cou et aussi le fait qu'elles puent des pieds, ce qui était évidemment le truc marrant de la chose. Un « je ne t'aime plus » mélangé à des girafes ça faisait trop dans ma tête alors j'ai décidé d'arrêter de penser. Sauf que quand on essaie d'arrêter de penser on pense toujours au fait qu'on essaie d'arrêter de penser et ça fait un cercle vicieux à la con dans notre cerveau. Alors j'ai regardé ses yeux et ils étaient vides. J'avais pensé y trouver de la tristesse ou de l'humour quant à ma blague informulée mais non, il n'y avait rien. Rien comme dans un désert, pas un seul oasis d'émotion. Rien comme dans un livre rempli de pages blanches. La reliure était là mais il n'était rempli que de vide. C'était tout ce que c'était, un livre dans lequel mon prénom n'apparaissait plus. - Pourquoi tu ne dis rien Parce que je pense. Parce que mes yeux se sont posés sur le chat entrain de manger sans ce rendre compte de mon cœur émietté. Parce que dans mon ventre il y a comme un cratère. Parce que je ne comprends pas et que je n'ai pas envie de comprendre. Je préfère penser. Penser à comment est-ce que les girafes font pour toucher leurs pieds avec leur nez pour savoir si elles puent des pieds. Encore les girafes sont souples mais alors les manchots, les phoques ou les... attends, les phoques, ça a des pieds ? - Je t'en supplie, dis quelque chose Il s'est avancé vers moi, vers mon corps plein de pensées assis sur le canapé. Il me regarde de façon étrange, son livre des yeux sent la peur. Il doit croire que je fais une attaque ou quelque chose dans ce style, que ses mots ont brisé mon cœur au sens littéral plus qu'au figuré et moi ça me donne envie de rire parce que je suis seulement en train de me demander si les phoques ont des pieds. Je devrais être en train de penser à pourquoi il me dit qu'il ne m'aime plus, comment est-ce possible, 3 Je ne t'aime plus. comment vivre sans lui, qui va garder le chat et la télévision, qu'est-ce que je peux faire pour qu'il m'aime encore? Etc. En bref, tout ce qu'un être humain est supposé penser quand ces quatre (cinq?) mots sont prononcés. Pourtant dans la case « questions à se poser en cas de crise » c'est le vide intersidéral et intergalactique. Il parle à présent, si vite qu'il me donne la nausée, j'ai l'impression d'être dans un de ces manèges à sensations où il m'a traîné une fois et où j'avais du penser à des Chamalow griller pour ne pas vomir. Il parle pour ne rien dire, il me dit qu'il est désolée, qu'il aimerait que les choses soient autrement, qu'il ne ressent plus rien quand il me prends dans ses bras et bla et bla et bla encore et toujours, si vite. Il faut qu'il s'arrête sinon je vais exploser, mon cerveau va se consumer et faire de ma tête une cheminée. Je t'en prie mon amour, arrête. Il ne s'arrête pas et j'ai trop chaud, mes mains sont moites, mon crâne en surchauffe, il faut qu'il arrête ça tout de suite ou sinon... sinon... - Les phoques ça pue des pieds? Regard consterné, bouche ouverte, béate. Porte qui claque. 4