Marie, Mère de Miséricorde

Transcription

Marie, Mère de Miséricorde
Marie, Mère de Miséricorde
Marie-Hélène Mathieu
Le 20 mars 1988, Marie-Hélène Mathieu donnait une conférence de carême à Notre-Dame
de Paris, première femme à assurer ce « service de la parole » en un tel lieu.
L’OCH saisit avec bonheur la grâce de cette année de la miséricorde, proclamée par le pape
François, pour publier sur plusieurs semaines cette méditation sur Marie, Mère de
Miséricorde. Si certains exemples marquent leur époque, la vérité et l’espérance
contenues dans ce texte éveillent toujours les cœurs.
D
epuis près de trente ans *,
presque
chaque
jour,
j’ai
rencontré des hommes, des
femmes dont la souffrance était souvent
intolérable et sans solutions : parents
d’enfants handicapés physiques ou
mentaux, personnes atteintes de maladie
mentale, marginaux … Beaucoup ont
frappé déjà à bien des portes. En vain. A
cet « Office chrétien des handicapés »
auquel j’appartiens depuis sa fondation,
bon nombre viennent parce qu’ils sont
attirés, clairement ou confusément, par le
mot « chrétien » ! Vous êtes chrétiens,
alors que pouvez-vous faire pour moi ?
A cet appel, mon cœur est serré. Oui !
Nous avons la foi ! Mais l’avons-nous
assez ? Oui ! Nous avons l’espérance !
Mais va-t-elle être exaucée ?
Va-t-elle être exaucée pour cette maman
dont le fils de quarante-cinq ans est
handicapé mental ? Il vit avec elle parce
qu’il n’y a aucun foyer pour l’accueillir.
Que deviendra-t-il quand elle ne sera plus
là ? La seule issue, c’est l’hôpital
psychiatrique.
Dans ce cas-là, dans des centaines
d’autres cas, notre prière sera-t-elle
entendue ? Chaque jour, notre équipe
porte à la tendresse du Seigneur tous ceux
qui se confient à elle. Une prière qui se
traduit, faut-il le dire, par des activités
concrètes : rechercher des lieux d’accueil,
constituer des réseau d’amitié, susciter et
soutenir des initiatives-pilotes, apporter
quelque aide financière … Mais nos
moyens sont limités. Et les souffrances,
elles, semblent un fleuve qui ne cesse de
s’écouler. Parfois les solutions se
présentent. Parfois, on ne peut offrir que
l’écoute de notre cœur : c’est bien peu
pour aider à porter l’insupportable avec
toutes les tentations de révolte ou de
désespoir qui l’accompagnent.
Cette expérience si dure, mais éclairée par
des rebondissements d’espérance et
d’amour m’a fait oser accepter l’appel de
notre Archevêque de donner un message
ici-même. Et puis, cette demande ne
m’était pas d’abord adressée ! Il s’agissait,
moins
d’apporter
un
témoignage
personnel que de me référer au
témoignage d’une autre.
Car elle existe, celle qui, par excellence,
s’est trouvée face à des situations sans
issue, et qui y a répondu par la foi et
l’espérance. Elle existe, celle qui, à un
degré unique, a été la Mère qui croit
contre toute vraisemblance, qui espère
contre toute espérance, qui aime le plus
défiguré, qui aime le plus misérable dans
l’échec humain. Depuis le onzième siècle,
le Salve Regina la nomme Mère de
Miséricorde. Mater Misericordiae.
Et c’est d’elle, de Marie, Mère de
Miséricorde, qu’il m’est demandé de
parler. Non avec science, comme le ferait
un théologien, mais comme un simple
témoin. Témoin de sa présence auprès de
nous, pécheurs, qui faisons si peu ou si
mal ce que Dieu nous dit, auprès de ceux
qui souffrent, « des pauvres, des
prisonniers, des aveugles, des opprimés,
des pécheurs, », de ceux qui sont écrasés
par l’épreuve ou égarés par le mal moral.
On pensera peut-être que là où nous
voyons l’intervention de cette Mère, ce
qui arrive peut s’expliquer tout
simplement par l’enchaînement naturel
des événements et par des facteurs très
humains. On craint, à notre époque, de
voir trop vite l’action de la Providence.
Comme si Dieu n’agissait pas par les
événements de notre vie et par les causes
naturelles, mais aussi par l’intermédiaire
de Marie. Elle qui, a assuré dans le
Magnificat que « la miséricorde de Dieu
s’étend d’âge en âge » (Luc 1, 50). Elle
éveille ainsi notre intelligence de la foi en
cette miséricorde dans notre propre vie.
Ce soir, par le témoignage de ceux que je
rencontre
quotidiennement,
nous
essaierons de découvrir la compassion de
Marie, de nous mettre à l’école de son
cœur. Nous prendrons les étapes de sa vie
terrestre, que le Saint Père a jalonnée
dans son encyclique « Redemptoris
Mater » où il nous dit que « Marie est
celle des créatures qui connaît le plus à
fond le mystère de la miséricorde divine ».
Nous la suivrons dan son « oui » de
l’Annonciation, dans son Magnificat de la
Visitation, dans sa vie cachée, dans son
angoisse lorsque Jésus est perdu. Nous la
verrons attentive à nous nos besoins au x
Noces de cana. Enfin à la Croix, s’offrant
avec Jésus afin que comme elle, nous
soyons sauvés.
C’est elle que nous prions, ce soir, sous le
nom qui nous enveloppe, Notre-Dame de
Paris. C’est elle qu’il nous est bon
maintenant de regarder et d’écouter.
*L’OCH a été fondé en 1963.