PEINTURES MURALES

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PEINTURES MURALES
Peintures Murales
par M. Maufras
Selon l’éminent archéologue, M. George, les peintures murales devaient, au Moyen Age, être nombreuses
dons nos églises. Nous devons déplorer les destructions causées par l’humidité et par les années. D’autre
part, beaucoup de peintures, qui pourraient peut-être être retrouvées, ont disparu sous des couches
successives de badigeon.
Pour nous rendre compte de ce qui fut, il nous a fallu faire appel à des témoins du passé, qui nous ont
laissé des notes sur les personnages et les scènes qu’ils ont vu peints sur les murs de nos sanctuaires.
Par eux, nous savons qu’il y eut naguère des peintures murales dans les églises de Blanzac, du Bouchage,
de Brie, de Chazelles, de Fléac, de Grand-Madieu, de Juillac, de Mouthiers, de Pillac, de Pougné, de
Reignac, de Villiers-le-Roux, dans l’église abbatiale de La Couronne, dans la chapelle du château de
Villebois, et dans celle du château de La Roche-Chandry.
Vers 1870, en compagnie de M. Tremeau de Rochebrune, M. Biais a vu, dans l’église souterraine
d’Aubeterre, des traces au milieu desquelles on distinguait encore quelques figures de Séraphins.
En 1844, l’abbé Michon écrivait:
"La voûte de l’église de Boutiers a été peinte de fresques. On voit encore un saint nimbé et audessus une roue."
En 1933, M. George a signalé des peintures du XIVe ou du XVe siècle, alors visibles encore, quoique
dégradées, dons le croisillon nord de l’église de Pérignac. Les personnages qui avaient été représentés ont
aujourd’hui complètement disparu sous une plâtrerie simulant des pierres en rectangles.
Au cours de travaux pour dépouiller d’un enduit les pierres bien appareillées du chœur de l’église de
Verdille, on a retrouvé les traces de peintures anciennes qui s’étendaient sur les trois côtés. A gauche de la
fenêtre nord un petit personnage, dont les lignes et la couleur, bien atténuées par les siècles, autorisent
cependant à supposer une femme agenouillée. Au-dessus de la fenêtre orientale, les traces bien visibles
d’un large fond noir sur lequel ressortent quelques couleurs, sont probablement les restes d’un écusson
seigneurial.
Des travaux récents à Exideuil pour restituer à l’église sa pureté originelle, ont révélé l’existence de
peintures superposées à diverses époques. Il ne reste que de faibles traces. Une bande décorative montre,
au sommet de la voûte, une suite de cœurs diversement décorés de dessins en couleurs variées.
Aucun personnage non plus ne figure au milieu des peintures de la petite église de Boiseaugais, commune
de Saint-Gervais. On y trouve seulement, avec une décoration végétale. une ornementation en diverses
formes et en diverses couleurs.
La peinture à gauche de la porte d’entrée, à hauteur de la fenêtre occidentale, dans l’église de Magnacsur-Touvre, n’est qu’un reste de la litre funèbre d’un seigneur de La Rochefoucauld-Maumont.
Le cul-de-four de l’abside de l’église de Charmant a été décoré, en 1820, d’une peinture représentant
l’Assomption. C’était une bonne peinture, malheureusement bien dégradée aujourd’hui.
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Il a visiblement existé à Lanville des peintures dont l’ensemble important couvrait sur trois mètres de
hauteur les murs de l’abside et des deux absidioles. Entre l’absidiole méridionale et l’abside, on distingue
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une petite partie du visage d’une sainte dont les cheveux partagés descendent sur les épaules. En face
d’elle, le buste d’un personnage dont le col penché fait supposer une tête s’inclinant. On pense à une
Annonciation.
La plus grande partie des murs de l’abside sont cachés par des stalles. Sur les espaces réduits, entre cellesci, on distingue des motifs d’une peinture décorative. Des peintures figuratives, qui seraient aujourd’hui
dissimulées par les stalles, étaient peut-être disposées entre ces motifs ornementaux.
Lors de la démolition, vers 1885, de la vieille église Saint-Martial, à Angoulême, on découvrit un caveau
orné de peintures du XIIIe siècle, qui représentaient la Vierge tenant l’Enfant et entourée d’anges, le Père
Eternel à la main bénissante, le Bon Pasteur, le Christ en croix entre le soleil et la lune, deux femmes
dans l’attitude de la douleur.
En 1933, on notait que les murailles de la crypte de l’église de Jarnac avaient été couvertes de peintures
murales à peu près effacées. En 1875, d’ailleurs, on avait déjà exprimé l’opinion que tout fait supposer
que la voûte et les nervures étaient couvertes de peintures et de décorations, et on apercevait encore assez
distinctement quelques restes d’ornements et de figures de saints. Parmi celles-ci, portant le caractère du
XIIIe s., un sujet, bien que fort dégradé de la hanche aux pieds, permettait de reconnaître saint Nicolas en
costume épiscopal, mitre en tête et crosse en main, bénissant, de la main gauche, les trois enfants
auxquels il venait de rendre la vie.1
En 1875, encore, le même observateur rapporte que le curé d’Angeac-Charente, ayant aperçu, sous une
écaillure d’un épais badigeon, quelques traces de couleurs, eut la patience d’enlever, avec beaucoup de
soin, l’enduit qui cachait aux regards une scène des curieuses fresques qui, on le suppose, décoraient les
murs entièrement. Cette scène représentait le martyre de saint Sébastien.
Une analyse du sujet a été établie. Nous en donnons seulement l’essentiel.
Le saint, nimbé, est attaché à un arbre, le corps percé de neuf flèches. L’arc tendu à la main, l’épée au
côté et le carquois à la ceinture, deux archers portent le costume du XVe s.
- Eglise de Bourg (Charente) – Adoration des Mages (XIIIe siècle).
A la même époque, dans l’église de Bourg-Charente, des grattages exécutés sur le mur de la nef mirent à
découvert une peinture murale.
C’était une fresque de la fin du XIIIe siècle qui, sur le mur nord de la deuxième travée, à 2.50m du sol,
occupait environ 6 m sur 1.80m. Œuvre d’un style large, d’un dessin ferme, elle représentai4 l’Adoration
des Mages.
La description qui en a été donnée peut se résumer ainsi:
A droite, la Vierge assise tient son Enfant debout sur son genou droit. Jésus bénit de la main droite les
Rois mages qui lui apportent des présents. Balthazar à genoux offre l’or sous la forme d’une boule, tandis
1
Cette figure est encore visible. On voit aussi la partie inférieure d’un autre personnage qui paraît terrasser un
dragon.
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que Melchior et Gaspard, debout, s’apprêtent à présenter la myrrhe et l’encens. L’un d’eux, par un geste
noble, indique à son compagnon l’Enfant-Dieu. Derrière eux, leurs chevaux attachés à un arbre, sont
surveillés par un valet.
Les couleurs, bien pâlies, de cette œuvre distinguée, laissent encore, un peu visibles, les personnages.
Il fut un temps où, pensons-nous, la restauration de cette jolie peinture aurait pu être opérée utilement.
Sur 3 de largeur et 2m de hauteur, une peinture murale représentent l’Annonciation, a été établie, au XIVe
siècle, sur le mur du faux carré de l’église de Graves.
Par une large baie, se voient quelques arbustes à feuilles légères. A l’intérieur, la Vierge agenouillée
reçoit le message de l’Ange.
Cette œuvre avait mérité d’être classée en 1911.
L’humidité l’a beaucoup endommagée; les couleurs sont très altérées; les visages sont disparus.
Dans le chœur, sur un semé de fleurs rouges à six pétales, fort dégradé aussi, subsistent les traces de deux
têtes nimbées, et d’une troisième, coiffée d’un bonnet à deux pointes.
Une intéressante peinture du XVe siècle a été signalée comme recouvrant les murs d’une ancienne
chapelle du château du Breuil, à Dignac. Nous résumons ainsi la description qui en a été donnée par M.
George en 1933:
"Sur le mur de droite, près de l’entrée, un chevalier nu-tête, son casque posé devant lui, porte
l’épée. Il est à genoux devant un diacre qui le bénit; derrière lui, son saint patron le soutient. Sur le
mur du fond, à droite, un roi, couronne en tête et sceptre à la main. A gauche, une femme à cheval.
Dans deux personnages à peu près invisibles, on croit reconnaître sainte Barbe et saint Michel."
Les peintures qui existaient dans la chapelle du château de Montmoreau ont été décrites par l’abbé
Michon en 1844
"Les fresques de cette chapelle, écrit-il, sont remarquables; elles sont du XIIIe siècle. Celle de
l’absidiole orientale est une Adoration des Mages. A gauche, saint Blaise, évêque, la tête mitrée.
Plus loin, saint Michel terrasse un dragon. Dans le tympan d’une arcade, saint Gilles représenté en
abbé, avec la crosse; deux pèlerins, un homme et une femme, sont à genoux, dans le costume du
temps. Au-dessus, le martyre de saint Eutrope."
✢
Au nombre des œuvres dont il faut déplorer la disparition, les peintures murales de l’église du prieuré de
Bouteville sont de celles qui doivent être particulièrement regrettées.
Le Conservateur des antiquités et objets d’art du département de la Charente a établi, en 1911, une notice
pour le ministère des Beaux-Arts.
Il écrivait
"L’église du prieuré de Bouteville a été construite dans le premier quart du XIe siècle.
Elle renferme une œuvre picturale intéressante et originale. Remarquable par les types qu’elle
représente et par l’aspect de certaines figures, elle ne saurait être l'œuvre d’un imagier vulgaire.
C’est un travail du Moyen Age, peut-être du XIIIe siècle. Les personnages en sont d’assez grandes
proportions.
Les images féminines représentées sont probablement Ildegarde, épouse du seigneur d’Archiac,
auquel elle avait apporté le château de Bouteville, Pétronille sa fille, épouse de Geoffroy Taillefer,
associées l’une et l’autre dans la construction de l’église, Isabelle Taillefer qui fit plusieurs séjours
à Bouteville, notamment en 1202, avec Jean Sans-Terre, son époux. Quant aux figures d’évêques, on
peut penser au prélat consécrateur, Rohon, évêque d’Angoulême; pour les saints, saint Benoît,
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fondateur de l’ordre, Saint-Paul et Saint-Eutrope auxquels étaient dédiées chacune des nefs.2
Ces peintures sont de la main d’un véritable artiste. Les figures de femmes, et quelques autres aussi,
démontrent bien le savoir d’un maître peintre. De lignes très sûres, avec une souplesse qui n’entre
pas souvent dans le tracé des physionomies hiératiques de cette époque, les peintures murales de
Bouteville constituent une page digne de nos meilleurs primitifs."
✢
Dans quelques églises, des éléments de plus ou moins d’importance subsistent encore, tout en ayant subi,
par le temps, des altérations d’une variable gravité.
A Coulgens, de nombreuses traces, tout le long du mur nord de la nef, démontrent qu’il a existé des
peintures disposées entre les colonnes. Elles se développaient sur une longueur de vingt à vingt-cinq pas.
Dans la première travée, on peut distinguer un ange. Dans la seconde travée, une sainte martyre3 vêtue
d’une robe verte, sous un manteau bordé de blanc et doublé de rouge, porte une palme dans la main
droite, un livre dans la main gauche. Elle est coiffée d’une toque blanche, ornée de cœurs rouges, bien
enfoncée sur les cheveux qui, en cachant son oreille, lui descendent sur l’épaule. Devant elle, deux petits
personnages à genoux.
Nous croyons pouvoir attribuer cette peinture au XIVe siècle.4
- Eglise de Torsac – (D'après une aquarelle de la Société Archéologique et Historique de la Charente)
La coupole de
l’abside de l’église de
Torsac est décorée
d’une peinture
polychrome. Celle-ci
a subi quelques
dommages. Nous
aidant d’une
aquarelle antérieure à
ceux-ci, nous
pouvons en donner la
description.
Placé dans un large
rayon de lumière, le
Christ, coiffé d’une
tiare bordée d’une
couronne, est revêtu
d’un ample manteau
pourpre, qui laisse
apparaître une
tunique blanche,
retenue par des galons tissés d’or et croisés sur la poitrine. Assis sur un trône, la main droite levée, il
bénit; sa main gauche est posée sur un globe surmonté d’une croix et appuyé sur son genou. Il est entouré
des quatre symboles des Evangélistes, eux-mêmes encadrés par des anges dans un ciel bleu.
Cette composition majestueuse et colorée, devait produire un grand effet.
2
Le Catalogue de l’Exposition de 1959 à Cognac (relevés de fresques) signale à Bouteville une apparition du Christ
à la Madeleine.
3
Cette sainte martyre serait sainte Barbe (M. Daras, Bulletin avril 1956)
4
Il a existé, sur les murs de l’église de Coulgens, une émouvante Crucifixion. (Exposition de relevés de fresques.
Musée de Cognac, 1959).
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Dans la crypte de l’église de Nonac, sur le mur du fond, une Crucifixion du XIVe siècle est assez bien
conservée.
Le soleil et la lune dominent les bras de la croix. A la droite du Christ, la Vierge, à sa gauche saint Jean.
Le mauvais larron a les cheveux hérissés. Ses yeux, agrandis par l’épouvante. regardent un démon qui
avance vers lui des doigts griffus.
- Nonac (Charente). – Relevé M. H. Exp. Cognac 1959.
Cette peinture a été
classée en 1920. Plus
tard, en 1933, les
Monuments
Historiques la firent
relever par un artiste,
et la copie, nous diton, est toujours
exposée au Palais de
Chaillot.
Dans une localité
voisine, à Poullignac,
une Crucifixion a été
retrouvée sous un
crépi. Deux soldats
romains y figurent
outre le Christ, la
Vierge et saint Jean.
Le bon et le mauvais larrons restent à dégager.5
Proche de Nonac et de Poullignac, dans une église modeste, à Bessac, une peinture, dans un état
médiocre, représente la Décollation de saint Jean-Baptiste.
On est fondé à supposer que des peintures importantes occupaient la voûte de la sacristie de l’église de
Gardes. Il en reste bien plus que des traces.
Le Christ, les bras étendus, est vêtu de rouge et de bleu. Au-dessous de ses bras, volettent quatre
séraphins. Le Saint-Esprit, sous sa forme traditionnelle de la colombe, descend sur sa tête.
Dieu le Père était-il représenté au sommet avec sa longue barbe blanche et sa main bénissante?
On ne saurait dire avec certitude si, en même temps qu’au Christ placé en évidence, il a existé une
composition rendant hommage à la Trinité.
Sur le mur latéral, l’artiste nous semble avoir voulu représenter l’Annonciation.
Sous un manteau blanc, doublé de bleu, qui recouvre une robe rouge, une femme esquisse, de sa main
droite, un geste d’étonnement. D’en haut, à gauche, une colombe dirige vers elle son vol. Derrière elle des
objets familiers, notamment un rouet; un peu plus éloigné, un lit surmonté d’un baldaquin duquel
descendent des rideaux.
Sur le mur opposé, en face, une figure, vêtue d’une robe bleuâtre largement ouverte sur une tunique
blanche, tient, dans sa main droite, une branchette fleurie. Elle élève son bras gauche vers le ciel et avance
une jambe nue du même côté.
5
On relira avec intérêt et avec profit l’excellente analyse critique de M. le Chanoine Gaudin dans le Bulletin de
décembre 1956.
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Ces figures sont en bon état. Leur dimension nous a paru approcher de la grandeur naturelle.
Entre elles subsiste un faible reste d’une décoration composée de fleurs et de feuillages.
Sous le crépi, dont ces peintures demeurent entourées, il existe peut-être une possibilité de retrouver
d’autres sujets.
Devant la fresque de Saint-Amant-de-Boixe on n’est pas surpris que les Beaux-Arts se soient préoccupés,
tout à la fois, de la sauver et de l’exposer à notre vue. C’est incontestablement une œuvre d’art, non pas
d’un art éclatant, mais d’un art charmant par sa simplicité, sa sincérité et son réalisme. Dépouillé des
couleurs qui l’enveloppaient, le dessin nous permet ainsi de mieux juger du naturel des attitudes, de
l’expression de l’étonnement, de la grâce, de la sérénité, de la gravité qui, selon les circonstances, se
manifeste par des poses variées et se peint sur les visages.
Sous une douzaine d’arceaux trilobés se développent des scènes de la vie de la Vierge et des premiers
jours de l’Enfant Jésus.
A l’Annonciation, la Vierge est debout; ses cheveux séparés tombent sur ses épaules. Ses yeux, largement
ouverts, sa main levée, la paume en avant, tous les doigts écartés, expriment son saisissement à
l’apparition de l’Ange.
A la Visitation, la Vierge est coiffée d’une toque basse, légèrement bombée, assujettie par une large bride
passant sous le menton. Ses cheveux sont relevés derrière en chignon. Dans ses atours, elle est une jeune
femme élégante et gracieuse.
La disposition de la Nativité présente une grande analogie avec celle du portail royal de Chartres, qui est
du XIIe siècle.
Au premier plan, la Vierge couchée. Sur un plan supérieur, l’Enfant. Au-dessus, les têtes de l’âne et du
Boeuf.
Avant que d’être complètement étendue, la Vierge a saisi, de ses deux mains, le bord de la couverture
pour la ramener sur ses épaules; elle replie sa jambe droite et son pied sort de la couverture qui retombe
en quelques plis. Devant elle, saint Joseph a la tête couverte d’une sorte de barrette qui, par devant, laisse
voir les cheveux sur le front.
Dans un pâturage voisin, deux bergers, l’un jeune, l’autre vieux, reçoivent l’Annonce de l’Ange. Ils sont,
l’un et l’autre, court-vêtus. La tête levée, le vieillard regarde le messager céleste qui déploie un
phylactère. Le jeune garçon, coiffé d’un capuchon fort pointu, est assis, les jambes croisées. Il paraît
s’associer à l’allégresse de ce grand jour, car ses doigts semblent toucher les cordes de l’instrument qu’il
tient contre lui. Sa posture est originale. Auprès de lui son chien, et autour de lui des moutons paissant. Ce
petit tableau introduit une note pittoresque au milieu de cet ensemble.
Enfin, dernier acte, la Vierge, revêtue de son voile traditionnel, a placé debout, sur un petit meuble, son
Enfant, qu’elle présente au vieillard Siméon, qui est nimbé. Derrière elle, la prophétesse Anne, dont la
taille élevée est augmentée encore par une volumineuse coiffure à deux pointes et à bride, se tient en
avant de saint Joseph. Ce dernier suit le déroulement de la cérémonie et attend le moment de déposer son
offrande des deux tourterelles dont il s’est chargé, pour l’accomplissement de la Loi.
Le style général et le naturel des attitudes font penser au XVe siècle. M. Biais avait adopté cette époque.
M. George dit seconde moitié du XIIIe s. Les costumes nous paraissent plutôt de cette dernière période.6
Les fresques de la chapelle des Templiers, à Cressac, sont les plus anciennes de l’Angoumois. Elles sont
inspirées par les Croisades.7
6
Les peintures de Saint-Amant-de-Boixe étaient autrefois présentées en deux registres, et comprenaient, en outre
Hérode et ses conseillers, Hérode et les Mages, et enfin la Cène. De cette dernière, quelques bustes ont pu être
conservés.
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Une longue file de chevaliers armés et équipés en guerre, sortent d’une ville fortifiée. L’un d’eux,
qu’emporte son cheval au galop, tient baissée sa lance d’où se déploie un gonfalon à trois banderoles,
fleurdelisé et marqué de la croix. En tête du défilé, précédé d’un porte-pennon, un personnage couronné
d’une couronne royale, l’épée au poing. Deux chevaliers l’escortent. Un joueur de violon chevauche à
côté des nobles paladins.
- Cressac (Charente) – Le Temple. Relevé M. H. Exp. Cognac 1959.
Au-dessous d’une
bande décorative qui
sépare les deux
tableaux, les combats
sont engagés. Des
cavaliers s’affrontent
à gauche et à droite
des tentes, gardées au
centre par des gens
de pied. La première
de ces tentes est aux
couleurs des Taillefer
losangé d’or et de
gueules. A raison de
ce signe, on pense
que ces fresques ne
sont pas seulement
représentatives du
grand événement des Croisades, mais aussi qu’elles rappellent le rôle, glorieux, selon les chroniqueurs de
l’Angoumois, que joua, dans la deuxième croisade, Guillaume Taillefer, quatrième du nom.
Malgré des fautes de dessin, il faut reconnaître, à ces peintures, du mouvement, de l’expression, en un
mot, de la vie.
Outre ces fresques guerrières, deux groupes ont été peints auprès de la fenêtre qui surmonte la porte
principale du Temple de Cressac.
D’une part, un chevalier à pied s’apprête à combattre un monstre; auprès de lui, en arrière, debout, une
femme.
D’autre part, un cavalier couronné foule, sous les sabots de son cheval, un être humain minuscule, de
couleur sombre; en face de lui, debout, une dame, couronnée aussi.
Les écus très pointus, les heaumes des cavaliers, les longues manches et les tresses des femmes
permettent de dater ces peintures du deuxième tiers du XIIe siècle.
✢
Dans notre recherche des peintures murales, trop sauvent à notre gré, nous n’avons pu relever que des
traces de peintures ornementales. Il est permis de supposer que les peintures de ce genre ne formaient que
le cadre ou le fond de peintures qui représentaient des scènes de l’Evangile, de la vie de saints ou tout
autre sujet de l’Ancien ou du Nouveau Testament. A témoins, les peintures de l’église de Lanville où nous
avons pu déceler une Annonciation, et celles de Gardes, où des peintures décoratives côtoient le Christ et
la Vierge. Témoin aussi Coulgens où une sainte martyre, assez bien conservée, se dresse encore au milieu
de faibles restes d’ornements varies.
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Ces fresques ont été détachées par les soins des Beaux-Arts, et transportées à Paris. Elles reprendront leur place, en
Charente, après avoir reçu un nettoyage.
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Quoi qu’il en soit, cette recherche nous a confirmé dans l’opinion exprimée par M. George et confirmée
par M. Biais que, au Moyen Age, les peintures murales ne devaient pas être rares dans nos églises.
Beaucoup peut-être étaient l'œuvre d’artistes de village, pourvus de plus ou moins de talent.
D’autres étaient d’une valeur reconnue: à Angeac, à Bourg-Charente, à Graves, à Jarnac, ainsi que celles
de la chapelle du château de Montmoreau.
A nous aujourd’hui, il est accordé de reconnaître, dans les peintures de Nonac et dans celles de Torsac,
des œuvres de bons artistes, capables de réaliser d’une manière, nous dirons classique, des compositions à
sujets traditionnels.
Les œuvres les plus remarquables, créations de véritables artistes réunissant l’originalité de l’inspiration à
l’habileté de l’exécution, ce sont les murs de l’église du prieuré bénédictin de Bouteville, et ceux de
l’abbatiale de Saint-Amant-de-Boixe, qui les ont reçues.
Enfin, nous devons à l’Ordre des Templiers de nous avoir doté de fresques hors série, d’une haute tenue
et d’une belle ordonnance, où l’artiste, célébrant des actions éclatantes, a composé une sorte de poème
héroïque, où passe un sentiment de vaillance et de foi.
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