Article en PDF - Culture (ULg)

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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège
33 Tours et puis revient...
Il y a de ça près de 33 ans, les ventes de disques microsillons amorçaient une terrible courbe descendante,
au profit de celles du disque compact, digital, facilement manipulable et présenté comme « indestructible ».
Quelque trois décennies plus tard, alors que le secteur musical semble empêtré dans les difficultés liées
au piratage et la dématérialisation croissante, on assiste à l'étonnant retour du sympathique support noir.
Tentative d'explication.
Enterré au début des années 80 au profit de son cousin le CD, le vinyle semblait depuis destiné à faire pâle
figure dans les amoncellements de bibelots épars des marchés aux puces. Le disque « microsillon » était
devenu archaïque, désuet, prêt à intégrer les collections des musées des innovations technologiques d'un
autre temps, aux côtés de la VHS ou du laser disque.
Retour du vinyle
Cependant, alors que l'ensemble de l'industrie du « disque » affirme subir la concurrence de la toile et son lot
de musique gratuite, le vinyle semble, lui, retrouver une seconde jeunesse. Récemment, le célèbre « Rolling
Stones magazine » annonçait même une croissance annuelle de 89 % des ventes de 33 tours. Des artistes
comme Marianne Faithfull ou les Whites Stripes ont insisté pour que leur dernier album paraisse sous ce
format. Le « guitar Hero » Jimi Hendrix et certains de ses concerts en plein air « summer of love » viennent
eux aussi d'être réédités sur vinyle. Et que dire de « Back to Black », filière d'Universal, qui, depuis quelques
années, ressort en vinyles les grands classiques des sixties et seventies.
« Selon moi, explique Olivier, vendeur de disques d'occasion à Liège, une édition vinyle du Sergent Pepper
des Beatles à la main, le CD a perdu de sa valeur à cause du téléchargement illégal, car peu de choses le
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différencient de la copie pirate. Le MP3 n'a lui aucune valeur. A contrario, le 33 tours séduit car il est perçu
comme un objet rare, différent et authentique. Il y a ce plaisir de posséder cette musique, avec sa grande
pochette, ses images... Et puis, il y a aussi un son plus chaleureux, plus humain sur les vinyles, qu'on ne
retrouve pas sur les compact-discs. »
Phénomène marginal
Pour Christophe Pirenne, musicologue à l'Université de Liège, le retour en grâce de ce support, mis au point
aux États-Unis par Columbia en 1948 et importé en Europe par Eddie Barclay, tient à une multitude de raisons :
« La première qui me traverse l'esprit concerne les possibilités graphiques qui découlent d'un tel objet. Les
pochettes plus larges permettent un travail graphique plus étendu qu'avec les boitiers de compact-discs. En
outre, je vois en ce retour une stratégie des firmes de disques. C'est l'un des moyens, avec les plateformes de
téléchargement légal, des grands producteurs de musique pour combler le vide engendré par le piratage. Je
compare les vinyles au phénomène des coffrets luxueux contenant plusieurs éléments bonus, tels des DVD
ou livres. Mais ce mouvement reste dérisoire. On parle ici de 2 à 3 % des ventes, très peu en somme. » Un
exemple : Viva la Vida de Coldplay, album le plus vendu durant l'année 2008, s'est écoulé, selon les chiffres
de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), à 6,8 millions d'exemplaires en compactdisc. Pour cette même année 2008, la meilleure vente sur support vinyle revient, elle, à Radiohead, pour
l'album In Rainbow, avec 25 800 disques.
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En même temps, les rayons « 33 tours » ne cessent de s'étendre dans les magasins de disques. À l'image
de la firme Polaroid, symbole des seventies qui refait actuellement surface sur le marché, les vinyles sont
englobés dans ce que les médias appellent communément le « new retro » ou le « vintage », cette mystification
parfois idéalisée de l'ancien, du poussiéreux. Rien d'étonnant donc à ce que les artistes les plus recherchés
en 33 tours soient ceux qui jouissent tous d'une aura certaine : les jeunes lassés de la musique sur ordinateur
qui s'intéressent aux vinyles demandent souvent les mêmes groupes : Led Zep, les Stones, Bob Dylan, Joy
Division ou Pink Floyd.
Effet de mode ?
Cette prédominance des artistes cultes est, selon Christophe Pirenne, un argument supplémentaire qui laisse
penser que le retour du 33 tours n'est qu'un feu de paille : « Je suis dubitatif quant à la question de la pérennité.
Les DJs s'en servent déjà beaucoup moins puisqu'ils basculent peu à peu vers des systèmes électroniques.
En outre, diverses études ont montré que la popularité des musiques dites populaires ne se maintient pas audelà de deux générations. En ce sens, vous écoutez couramment la musique de vos parents mais très peu
celle de vos grands-parents. Les jeunes adultes qui achètent aujourd'hui des disques de Tino Rossi son peu
nombreux. Par conséquent, je pense que ce support va être « muséalisé ». »
Alors que le compact-disc décline inéluctablement, une nouvelle technologie japonaise baptisée SHM-CD
devrait prochainement, selon le Figaro, faire une entrée fracassante en Europe. Ce CD nouvelle génération
aurait la particularité de gagner une certaine profondeur de son, le rapprochant ainsi des sonorités du... vinyle.
Sébastien Close
Mars 2010
Sébastien Close est journaliste indépendant.
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