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Les Chroniques de WatermaelBoitsfort sont éditées par
Chroniques de
watermael-Boitsfort
Nouvelle série n° 22 - mars 2013
Éditeur responsable
Jean-Jacques VAn moL
avenue marie-Clotilde n°6
Sommaire
Éditorial
Éditorial ................................................................ p 1
Les élections communales dans l’Entre-Deux-Guerres p 2
à propos des élections communales ...................... p 5
à propos d’un pionnier oublié Jean, Philippe,
Alexis DEwoLfs ..................................................... p 6
Un «Château de watermael» ? oui ! à Auderghem ! p10
Entretien avec Jean-Pierre BErLAimont ................. p15
Dénomination d’artères à watermael-Boitsfort hier
et aujourd’hui ....................................................... p23
nous poursuivons ici l’histoire de l’évolution des modalités
électorales : la période interbellique. Cette évocation est suivie d’une note apportant des précisions complémentaires au
premier article relatif aux élections au XiXe siècle.
L’État indépendant du Congo, propriété privée de LÉoPoLD ii,
était soucieux de rentabilité pour amortir les frais considérables
de l’administration de cet immense territoire. Des «pionniers»
étaient recrutés dans ce but. Un Boitsfortois fut un de ces
agents. il ne survécut pas longtemps aux conditions difficiles
du climat et des maladies contre lesquelles on était démuni.
Un plaque commémorative à sa mémoire a été placée contre
la façade de la maison communale. Une brève notice biographique lui est consacrée dans ce numéro.
où donc se situait cette avenue de watermael ? La réponse dans ce numéro où vous trouverez la
nomenclature ancienne des rues de notre commune. même les immeubles qui y figurent ont disparu.
Boitsfort. – Avenue de Watermael.
Carte postale ; D. V. D. 8997 Papeterie Dero, Boitsfort -
Espace mémoire, fonds francis miChEL
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L’existence dans le passé d’un château aux confins de
watermael et d’Auderghem a laissé son empreinte dans
la cartographie des rues du quartier où il se trouvait. Des
extraits de plans de diverses époques en fournissent la
preuve !
Jean-Pierre BErLAimont, natif de watermael, nous livre
ici ses souvenirs. son père et son grand-père ont été des
architectes auteurs des plans de nombreux immeubles de
notre commune. il a, lui même, exercé le métier d’en-
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trepreneur.
Les amateurs de cartes postales sont souvent confrontés
à la difficulté de localiser les documents antérieurs à
1910 qui mentionnent des noms de rues qui n’existent
plus. Un bref lexique permettra de les resituer dans leurs
nomenclature actuelle.
Un rappel enfin pour susciter votre collaboration au projet de commémoration de la guerre 1914-1918.
Les élections communales
dans l’Entre-Deux-Guerres
1
918 ! La priorité était de panser les plaies de la
guerre dès l’Armistice du 11 novembre. Aussi,
une fois le suffrage universel accordé aux hommes
dès 21 ans pour les Législatives du 16 novembre 1919
(avant même d’avoir modifié le texte de la Constitution
!), est-ce avec l’accord des partis que les élections communales furent reportées à 1921. Les problèmes économiques, de chômage et de logement prévalaient. Et,
pour watermael-Boitsfort donc, le Collège poursuivit
ses tâches, formé de J-h DELLEUr comme bourgmestre,
et comme échevins : Eugène KEym (jusqu’à son déménagement à Bruxelles en juin 1920 ?) et Georges BEnoiDt déjà à l’instruction publique.
Dès le 31 octobre 1918 d’ailleurs, un hommage fut
consacré à J-h DELLEUr, retour des prisons d’Allemagne, et il fut proposé que « l’avenue de la Vènerie »
de l’époque soit rebaptisée « avenue Delleur ».
Les premières Communales eurent donc lieu le 24
avril 1921, les femmes dès 21 ans pouvant voter comme
les hommes, à l’exception toutefois des prostituées.
Quatre listes se présentaient: libéraux, catholiques,
socialistes et un « parti des combattants ». Et si la campagne électorale fut calme et même peu suivie, le jour
de l’élection fut plus animé car c’est « en famille » que
l’on venait voter cette fois, avec les enfants courant un
peu partout !
sur les plus de 11.000 habitants de w-B, il n’y eut
que 4.698 votes, soit 43% des habitants, le nombre
d’électrices dépassant le nombre d’électeurs.
Et furent élus : 5 libéraux, 3 catholiques, 2 "combattants" et 1 socialiste. La majorité libérale, traditionnelle
à Boitsfort, était à peine maintenue. Elle obtint un appui
extra-Collégial des conseillers catholiques. Le nouveau
bourgmestre fut Georges Benoidt, déjà échevin dans
le Collège sortant, « grand libéral » et philanthrope, notaire de formation habitant le plateau de Boitsfort, exécuteur testamentaire de son voisin Ernest soLVAy en
1922. Elu en avril comme ses échevins françois rUytinX et Charles toUrnAy, il n’entra cependant en fonction que le 30 août suite à des polémiques.
C’est sous cette majorité, et les suivantes quasi-identiques, que w-B va devenir une commune essentiellement résidentielle, les terres agricoles étant
progressivement loties. heureusement, dès 1925, les
4.082ha restant de la forêt de soignes furent déclarés
intangibles !
La population de la commune va donc croître :
- par l’extension des villages d’origine grâce au tourisme des « Années folles » (luxe et aristocratie à la
maison haute, détente populaire aux étangs de Boitsfort ou aux pêcheries de watermael), et divers métiers
liés à l’hippodrome tout proche ;
- par les résidences secondaires devenant résidences
principales suite aux progrès des communications ;
- et, évidemment, par la progressive construction des
cités-jardins de Logis-floréal (1921-1929), réalisées en
dépit des réticences de la droite, il faut le dire. C’est que,
les premiers occupants du Logis étant des employés de
la Caisse d’épargne Cger, et ceux du floréal, des ouvriers-typographes du journal « Le peuple », cette arrivée
Georges BEnoiDt
(1865 - 1950)
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importante de citoyens de la ville risque d’incliner vers
la gauche le profil électoral traditionnel de nos deux villages et « campagnes » attenantes.
Les Communales suivantes ont lieu le 10 octobre
1926, pour élire 13 conseillers cette fois, w-B ayant
maintenant plus de 12.500 habitants. L’enthousiasme
est nul malgré tracts, meetings et même harangues en
auto ; mais, les amendes aux abstentionnistes étant décuplées, ce seront 7.447 votes qui s’exprimeront (3.456
hommes et 3.991 femmes), soit 57% des habitants. Le
vote attribuera :
6 sièges aux libéraux (G. BEnoiDt, le Dr Z. GoBErt,
théophile LEUrQUin, fr. rUytinX, tous 4 réélus, et
aussi Arthur rECht et E. roBErt),
5 sièges aux catholiques (J-B. CroLLEn et f. wynEn
réélus, et G. CorDEmAns, G. D’UrsEL, et J. VAn
EsPEn),
et 2 sièges aux socialistes (L. rAnsChAErt réélu, et
J. hUsDEns).
il n’y a pas d’élu sur la liste communiste, ni sur la
liste nationaliste flamande (170 voix).
installé en ses fonctions le 15 janvier 1927, le
Conseil élit un Collège d’alliance libérale-catholique. G.
BEnoiDt reste bourgmestre avec 2 échevins libéraux :
LEUrQUin et rUytinX, et un 1er échevin catholique :
fernand wynEn. Les deux élus socialistes constituent
donc l’opposition, et ils l’exprimeront régulièrement.
En mai 1929, f. wynEn est remplacé comme échevin par le comte Georges D'UrsE et, un peu plus tard,
c’est le conseiller fernand wynEn qui est remplacé par
melle Adrienne moUrLon (catholique), première
femme à siéger au Conseil communal.
Aux élections suivantes du 9 octobre 1932 qui se
passent paisiblement malgré une agitation certaine au
niveau national (revendications linguistiques et grève
des charbonnages), w-B a droit à 15 conseillers, ayant
atteint les 17.500 habitants, surtout par l’occupation
complète du Logis-floréal (5.000 habitants en plus en
6 ans !). En absence d’une liste communiste ou nationaliste flamande ou autre, on assiste à une nette poussée socialiste, un maintien libéral et un recul
catholique. sont élus:
7 libéraux (avec 3.969 voix): réélus : G. BEnoiDt,
th. LEUrQUin, E. roBErt et fr. rUytinX, et 3 nouveaux élus : BroUyèrE, J. VAn ELEwyCK et Jacques
wiEnEr, le plus jeune, à 25 ans;
5 catholiques (avec 3.038 voix) : réélus : G. CorDEmAns et G. D’UrsEL, et
3 nouveaux élus : hALLEt, melle Adrienne moUrLon
et A. Pirson;
et 3 socialistes (avec 2.456 voix) : J. hUsDEns réélu,
et G. LECoUr et Jules mEssinnE.
Adrienne moUrLon (1880-1951) est donc cette fois
pleinement élue. nièce de l’épouse de l’ancien 1er ministre catholique Auguste BEErnAErt (1829-1912), etpluri-médaillée pour son activité durant la guerre
Placard publicitaire paru dans la revue La Cité,
7-8/1930
14-18, elle sera la première femme politique élue directement à w-B. Elle ne devra pas circuler beaucoup
pour participer aux réunions à la maison communale !
Car elle habite au 2, drève du Duc , l’actuel commissariat de police !
Et le Collège reste identiquement libéral-catholique:
bourgmestre G. BEnoiDt, avec 3 échevins: LEUrQUin,
rUytinX, et D’UrsEL.
A son décès en octobre 1933, fr rUytinX sera remplacé par J. VAn ELEwyCK.
Détails de l’histoire locale :
- c’est le 28 juin 1932 que le Conseil communal
adopte officiellement le français comme langue administrative usuelle ;
- et, de 1932 à 1934, le 2ème agrandissement de la
maison communale (par l’arrière cette fois) traduisant
aussi l’augmentation de la population.
1938 : w-B atteint maintenant les 18.225 habitants
(12.213 électeurs inscrits). Les élections communales
prévues au 9 octobre sont déplacées au 16 octobre pour
cause de tension internationale, l’armée étant sur "pied
de paix renforcé". Les différends communaux apparaissent comme dérisoires, et ce n’est pas au niveau
de w-B que les extrêmes (rexistes ou communistes)
trouvent matière à débat.
Dans ce contexte, les élections locales sont vécues comme d’un intérêt relativement secondaire.
mais elles traduisent néanmoins une évolution des
votes, un siège passant des libéraux aux socialistes.
sont élus :
6 libéraux : G. BEnoiDt, Pierre CrAPs, th. LEUrQUin, E. roBErt, J. VAn ELEwyCK, et J. wiEnEr ;
5 catholiques: G. D'UrsEL, hALLEt, melle A.
moUrLon, sChrEiBEr et VAnDEn rEyDt;
et 4 socialistes : J. hUsDEns, G. LECoUr, J. mEssinnE
et J. VErhULst.
si la liste rexiste obtient quelques voix sur watermael considérée comme « plus wallonne », il n’y
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a ni élu rexiste ni élu communiste.
"Ami des fleurs et des arbres" reconnu, G. BEnoiDt
verra son nom rebaptiser la rue des oiseaux en avenue
Et le Collège de G. BEnoiDt, th. LEUrQUin,
Georges Benoidt, axe central dans Le Logis dont il
J. VAn ELEwyCK et G. D'UrsEL est reconduit.
avait sans enthousiasme suivi la réalisation, et dans
sa Commune qu’il aura gérée ou co-gérée pendant
mais la guerre et l’occupation changent tout. En 38 ans.
mai 1941, les Conseils communaux sont supprimés,
Henri Ceuppens
et est instauré le « Collège des secrétaires commu- Sources documentaires:
naux du gross Brüssel » sous l’autorité directe des - Jean-Pierre CArPEntiEr, « Elections communales à watermaelBoitsfort », document non-publié
Allemands . Quelques élus seront résistants, d’autres - Jean-Pierre hUts, dans « Chroniques de Watermael-Boitsfort » n°24assureront des tâches de nécessité locale et de soli- janvier 2002
- travail d’étudiant ULB, myriam rEiChErt, 1991-92
darité, certains seront … plus discrets !
L’avenue des oiseaux rebaptisée avenue Georges Benoidt en hommage à son bourgmestre.
Photographie, Archives Caisse d’épargne - collection ArPiGny
à propos des élections communales pour la période
du XIXe siècle, note rectificative
*
s
i la Constitution de 1831 définit le cens électoral (article 42) pour les élections législatives. Celui des élections communales est différent selon la taille de la
commune, et inférieur au cens législatif. Le cens, à savoir
le montant d’impôts à atteindre pour être électeur, est
moins élevé dans une commune rurale (w-B) que dans
une commune urbaine (Bruxelles). il n’existe donc aucune condition de capacité (avant 1883) pour être électeur. Les électeurs analphabètes ne sont pas rares (gros
fermiers par exemple).
En 1842, la loi nothomB (révision de la loi communale de 1836), permet la nomination du bourgmestre par
arrêté royal en dehors du conseil communal. C’est contre
cette mesure, défendue par les catholiques, que proteste
VErhAEGEn en démissionnant. Le roi qui « règne mais
ne gouverne pas » n’y est pour rien. C’est le ministre de
l’intérieur qui exerce cette prérogative et donc le gouvernement.
Le scrutin (l’organisation des élections), progressivement de liste, est majoritaire à deux tours. La liste qui obtient
la moitié des voix plus une gagne la totalité des sièges à
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pourvoir. seul le renouvellement par moitié du conseil
communal, permet à d’éventuels adversaires de s’affronter
au conseil. La nouvelle loi, d'avril 1895, introduit la représentation proportionnelle si aucune liste n’a obtenu la majorité absolue. Chaque liste obtient alors des sièges au
prorata des suffrages obtenus selon une clé de répartition
dite de la plus forte moyenne(système D'honDt, puis imPEriALi après la première guerre). il n’y a donc plus de
deuxième tour. Cette législation favorisait le parti catholique dans les zones rurales, flamandes surtout, qui renforçait sa main mise (l’État CVP comme on l’a appelé après
la seconde guerre), tout en lui garantissant une représentation dans les grandes villes dont il était exclu étant donné
la prééminence libérale (mons, Bruxelles ...watermaelBoitsfort!…). C’est contre ce type de mesure que l’opposition libérale et socialiste s’est violemment opposée en
1899 pour empêcher que ce système ne soit appliqué aux
élections législatives. Ce qui aurait entraîné la domination
définitive du catholicisme flamand sur le pays. Ce n’est
donc pas la loi de 1899, mais celle de 1894 qui permet
l’élection de conseillers communaux présents sur diverses
listes.
Pour plus d’information :
Pierre-théodore VErhAEGEn. L’homme, sa vie, sa légende, ULB,
Bruxelles, 1996(varii auctores, introduction de Jean stEnGErs)
E. witte tUssEn experiment en correctief. de Belgische gemeentelijke kieswetgeving in relatie tot het nationale kiesstelsel. Les élections communales et leur impact sur la politique belge (1890-1970).
Actes du 16e colloque international du Crédit Communal. Bruxelles
1994. spa 2-4 septembre 1992, pp. 13-72
Élections communales 1890-1970, banque de données par C. KEstELoot, A. mArEs, C. mArissAL, Crédit Communal, Bruxelles 1996
* Voir Chroniques de Watermael-Boitsfort n°21
Jean puissant
à propos d’un pionner oublié :
Jean, Philippe, Alexis DEwoLfs
L
a commune de watermael-Boitsfort a perdu
dans l’œuvre africaine de LÉoPoLD ii deux de
ses enfants. Leur nom n’a cependant pas,
comme celui de nombreux autres artisans obscurs au
service de l’Etat indépendant, atteint la renommée de
tant de nos compatriotes qui ont désormais pris rang
au sein des « Pionniers ». En effet, martin AssELBErGh
(1869-1896), poseur de voies dans la geste que
constitua la « Bataille du rail » ne survécut pas deux
ans à son arrivée à Boma. Quant à Jean, Philippe,
Alexis DEwoLfs (1879-1903), il ne figure pas
jusqu’à présent dans la Biographie Belge d’OutreMer (et pour cause puisqu’il est arrivé en Afrique
après 1890 et mort après 1900) ; la lecture accidentelle d’une plaque apposée sur la façade de la maison
communale de watermael-Boitsfort, plaque qui réunit pour toujours le poseur de voie et l’ingénieur
agricole, m’a cependant conduit à essayer de retracer
la brève aventure africaine de ce fils d’une famille
dont les traces de son existence dans notre commune
remontent aux premières décennies du XViie siècle.
Jean Philippe, Alexis DEwoLfs est né à watermaelBoitsfort le 5 décembre 1879. il était le premier enfant de Jean-Philippe (plus souvent connu sous le
seul prénom de Philippe) DEwoLfs (1850-1913) et
marie malvina hUyGh (1853-1917) ; il eut deux
Plaque commémorative sur la façade de la maison communale.
Photographie février 2013, Jean-Jacques VAn moL
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frères, Alex, henri, Égide (1880-1957) et Edouard
Léon (1833-1917). Le premier des deux eut une fille,
encore en vie à l’heure actuelle et le second, demeuré
célibataire, mourut à Dixmude sur le front de l’yser
en 1917. Cette branche de la famille peut donc être
considérée comme éteinte aujourd’hui. Par contre, le
père de Jean DEwoLfs avait deux frères, dont il est
question dans la correspondance de ce dernier,
Édouard (décédé sans enfants) et henri, lequel eut
notamment deux fils, dont l’un hippolyte est encore
en vie et a lui-même un fils, Jean. Philippe DEwoLfs,
père de notre pionnier, a joué, tout au long de sa vie,
un rôle actif dans la politique locale sous la bannière
libérale. Entré au conseil communal à l’âge de trentetrois ans, il devait être réélu régulièrement jusqu’à sa
mort, assumer de manière quasi ininterrompue des
fonctions échevinales diverses depuis 1888 et représenter le canton d’ixelles au Conseil provincial du
Brabant pendant près de vingt ans. Personnalité politique et philanthropique de sa commune, Philippe
DEwoLfs était aussi connu (notamment de LÉoPoLD
ii) pour ses talents d’horticulteur, et plus particulièrement, comme un spécialiste averti du chrysanthème. sans doute pourrait-on voir dans cet intérêt
de son père pour l’horticulture et, peut-être aussi dans
le fait que celui-ci était connu du roi-souverain (et
partageait avec lui son intérêt pour les fleurs) , des
sources possibles de la vocation professionnelle et
africaine de Jean.
Diplômé ingénieur agricole de l’institut agricole
de Gembloux le 18 août 1901, Jean DEwoLfs est engagé par l’État indépendant du Congo moins de huit
mois plus tard alors qu’il, comme il l’écrira lui-même,
« vient de terminer ses études » et décide de se lancer
dans l’entreprise coloniale. à ce moment les réalisations de l’État indépendant sont bien connues en Belgique que ce soit par les nombreux récits de
voyageurs, par les articles des journaux publiés à l’occasion de l’inauguration du chemin de fer matadiLéopoldville ou par les expositions coloniales comme
celle d’Anvers. Comme il était de tradition, l’engagement de DEwoLfs prend cours à la date de son embarquement à Anvers sur le stanleyville, le 6 mars
1902 ; il relève du Département de l’intérieur en qualité de chef de cultures de 3ème classe et son salaire
annuel est fixé à 3 500 francs (soit environ 210 000
de nos francs). Jean DEwoLfs commence donc sa carrière à un niveau intermédiaire mais déjà élevé de la
hiérarchie. Ceci est vraisemblablement dû à son titre
universitaire, celui-ci le plaçant d’emblée au-dessus
des surveillants et sous-chef de culture dans la hiérarchie de l’époque. Avant son départ il a eu l’occasion de suivre les conseils que prodiguaient à
l’époque des ouvrages comme celui de A. ChAPAUX
ou le Manuel du voyageur résidant au Congo et de
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s’équiper pour sa brève aventure outre-mer. Photographié dans son nouvel équipement, le jeune diplômé de Gembloux en col raide, veston boutonné
haut et cravate à large nœud a fait place à l’ « explorateur » à la chemise souple que ferme un cordonnet,
à la large ceinture de flanelle nouée autour de la taille
et au casque colonial, sans oublier le coutelas, le revolver et la carabine de chasse. Ainsi équipé, il arrive
à Boma trois semaines plus tard, soit le 25 mars
1902. il y passe un peu plus d’une semaine avant de
se mettre en route le 3 avril vers son poste d’affectation, Coquilhatville, où il arrive le 16 avril 1902,
vraisemblablement par chemin de fer avant d’emprunter le bateau de Léopoldville à son point de destination. A Léopoldville, DEwoLfs a retrouvé un
cousin Joseph, Adolphe, nestor rowiEs (18741903), directeur de la Brasserie du stanLey-pOOL,
avec lequel il échangea de la correspondance.
à l’époque Coquilhatville jouissait d’une presse
favorable et les quelques descriptions que nous en
avons conservées la décrivent comme :
- un centre de commerce considérable où l’industrie du caoutchouc se pratique sur une grande échelle
et où les plantations de toutes espèces ont acquis un
très grand développement ;
- une localité dont toutes les maisons sont en
brique, qui est le centre d’un district prospère et qui
possède une fanfare autochtone saluant les visiteurs
au son de « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa
famille » ;
- le centre d’une région à la fertilité merveilleuse
où abondent copal et caoutchouc ;
- le type de la station tracée avec gout et méthode
dans la plus belle des situations et appelée au plus
brillant avenir ;
- une grande escale sise au sein de vastes cultures
et possédant un des climats les plus sains du Congo ;
- « eine der
grossten
und
schonsten stationen. »
Comme on le
voit le caractère
durable
des
constructions et la
vocation agricole
de la région sont
au centre de ces
descriptions. on
peut y ajouter
que, lorsque Jean
DEwoLfs y arrive
en 1902, Coquilhatville a tout
J. Dewolfs Photographie collection
juste dix ans
Philippe DEwoLfs
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ha
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En rapport
En pleine terre
En pépinière
Café
Cacao
Café
Cacao
Café
Cacao
22,000 3,000
338,300 7,880
285,316
Pourcentage approximatif par rapport à l’ensemble du pays
35%
40%
25´%
7%
11%
-
d’âge, l’établissement de la station au départ d’Équateurville ayant été décidé, semble-t-il, dans les premiers mois de l’année 1892. Quant au tracé de la
future capitale provinciale, les descriptions ne nous disent pas si le « goût » et la « méthode » qui y ont présidé étaient ceux du lieutenant LEmAirE qui nous a
laissé des traces de ses conceptions urbanistiques en
matière coloniale et au sujet de Coq en particulier.
La population européenne de son coté, ne devait pas
dépasser la dizaine d’unités puisque la station comptait en 1900 « 8 blancs », parmi lesquels 5 allaient
mourir en 1901 ; en 1902 et 1903, le district comptait au total 205 et 207 « Blancs ». il s’agissait pour
l’essentiel de personnel administratif et agricole
parmi lequel on relève les noms du commandant r.
DUBrEUCQ (qui quitte Coquilhatville un an avant
l’arrivée de Jean DEwoLfs et des chefs de culture L.
GEntiL et VAnDEnhEUVEL. Ceci nous amène à l’activité principale du district de l’Équateur, l’agriculture. En 1898, le district comptait les plantations
mentionnées sur le tableau ci-dessus.
Celles-ci avaient été commencées en 1893, c’està-dire dès la fondation de la station et consacrées
d’emblée au cacao, au café et au caoutchouc. En
outre, le 3 février 1900, la création de la station expérimentale d’Eala avait été décidée. Point de départ
d’un remarquable jardin botanique, la station se trouvait à quelques kilomètres de Coquilhatville et attirait
déjà l’attention des voyageurs du Mouvement géographique et de L’expansion Belge ; Jean DEwoLfs espérait d’ailleurs y être rattaché. sa mort prématurée
semble avoir empêché la réalisation de ce projet
(comme d’ailleurs d’autres hypothèses qu’il envisageait et notamment celle de devenir chef des cultures
du district). En fait nous savons peu de choses de ses
activités à Coquilhatville. il semble y être resté jusque
dans les derniers jours d’octobre 1902 comme en témoigne sa correspondance. à ce moment, il en serait
parti pour inspecter pendant trois mois les plantations
de Bikoro situées à trois jours de bateau de Coquilhatville et cette première tournée devait être suivie
d’une deuxième aussi longue, mais l’emmenant à une
moins grande distance, soit à ikenge. De ces deux
tournées, il devait être revenu au début avril 1903,
lorsqu’A . roosEnBoom passe par Coquilhatville en
route pour Bumba et l’y retrouve « en très bonne santé
». La carte de roosEnBoom adressée à l’échevin Philippe DEwoLfs est datée du 13 avril 1902, est estam-
pillée à Bumba le 16 et à Léopoldville le 1er mai ; elle
arrive à Boitsfort le 3 juin. à ce moment, Jean DEwoLfs est mort depuis 10 jours à Coquilhatville « inopinément » selon sa pierre tombale, « des suites de
fièvre » selon son dosser matricule, l’un n’étant pas
nécessairement exclusif de l’autre. sur sa tombe, ses
parents (auxquels il écrivait à la veille de partir pour
ses tournées d’inspection en leur demandant un thermomètre « pour prendre les températures du corps »
ou « pour fièvres ») firent ériger sur sa tombe une colonne tronquée portant, indépendamment des inscriptions d’usage, la citation « loyauté, courage,
dévouement et abnégation furent les vertus de ce
noble et généreux cœur ». taillé et gravé à Boitsfort,
le monument dominera sans doute longtemps le petit
cimetière de Coquilhatville où 18 Européens avaient
précédé Jean DEwoLfs entre 1894 et 1902. Quelques
années plus tard lorsqu’un oncle de Jean visite le cimetière et s’y fait photographier, on peut se rendre
compte que le nombre des tombes à virtuellement
doublé remplissant le petit enclos où reposent les
pionniers de la future capitale provinciale. mentionné en 1931 dans à nos héros coloniaux, Jean
Philippe Alexis DEwoLfs verra également son nom
gravé au tableau d’honneur du musée de tervuren
et être associé à celui de martin AssELBErGh sur la
façade de la maison communale de son lieu de naissance en 1930.
De la correspondance de (ou au sujet de) Jean
DEwoLfs avec sa famille ou des amis, il nous reste
une lettre et deux cartes postales adressées à ses
proches parents (les deux cartes ne présentent guère
d’intérêt, l’une se bornant à souhaiter une bonne fête
à son père et l’autre dont il a déjà été question demandant le thermomètre), deux cartes d’ami (dont
la signature de l’une ne peut être identifiée), et enfin
la carte d’Albert roosEnBoom, déjà citée et adressée
à Philippe DEwoLfs . Les seules indications intéressantes que comportent ces cartes postales sont relatives au fait que :
- Jean DEwoLfs aurait déjà été souffrant avant le mois
de juillet 1902 ; ceci contredit sa lettre où il est question
de huit mois ininterrompus d’excellente santé ;
- diverses personnes étaient en poste dans l’Équateur et notamment le capitaine DUViViEr et le docteur AnGELA.
Quant à la lettre adressée le 19 octobre 1902 à ses
oncles et tantes (à la Brasserie DEwoLfs à Boitsfort),
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elle nous apprend en huit pages bien des choses sur
son auteur et l’image qu’il se faisait du Congo et des
Congolais de l’époque.
L’homme d’abord. il semble n’avoir aucun problème sur le plan physique et être en bonne santé (bien
qu’il estime son cas relativement exceptionnel et ne
conseillerait à personne de le rejoindre, ce qui semble
témoigner d’un certain sens critique et contredire certaines allégations relatives au climat local). moralement aussi il tranche selon lui sur ses compagnons,
lesquels « souffrent de la nostalgie du pays, découragement, etc. » et sont « malheureux » en Afrique. Cela
est sans doute dû au fait qu’ils ne savent pas « se priver
de quantité de choses ». Jean DEwoLfs, quant à lui, regrette surtout la bière de la brasserie familiale dont il
arrive qu’on la paye 6 francs (soit 360 de nos francs
environ) la bouteille à Éala et que la fabrication locale
(c’est-à-dire celle de la brasserie de Léopoldville) ne
saurait en aucun cas remplacer, puisqu’il la compare
à du purin. Enfin ses perspectives d’avenir lui paressent prometteuses (j’en ai dit un mot) et il y voit un
avantage tout autre : « gagner beaucoup de sous (c’est
le principal) ». mais il ne refuse pas le surcroît de
travail (et notamment les déplacements à pied à travers les forêts équatoriales) que d’éventuelles promotions lui vaudraient. sa confiance dans les
habitants du pays est immense ; il circule, même la
nuit, sans armes et n’a pas jugé bon de mettre une
serrure sur la porte de sa maison. Dans l’ensemble
donc une vie qui paraît heureuse et satisfait pleinement celui qui la vit. La photo où Jean DEwoLfs, déjà
moins strictement vêtu que sur celle prise en tenue
africaine avant son départ, pose aux cotés de deux
jeunes Africains, me parait assez bien refléter cette
aisance dans le milieu tropical que reflète sa correspondance.
Quant aux Africains, DEwoLfs les enferme en deux
adjectifs dont l’un était fréquemment appliqué aux habitants de l’Equateur à l’époque, et dont l’autre devait,
pour de nombreuses années, rester associé à l’Africain
dans la bouche de ceux que n’atteignaient guére les
valeurs propres aux civilisations de l’Afrique. Dans le
contexte de l’époque, les mots « cannibale » et « fainéant » sont presque naturels. Du cannibalisme dans
l’Équateur, nombre d’auteurs ont parlé. DEwoLfs
précise dans sa lettre que l’État indépendant du
Congo réprime cette pratique par des condamnations
pénales tandis que lui-même la rattache au besoin de
viande des Africains de la région en donnant l’exemple de la bataille autour du cadavre de son chien ; on
peut cependant s’étonner que la viande soit à ce
point rare à ce moment et à cet endroit. Quant à la
fainéantise, il se contente de la mettre en rapport avec
l’obligation qu’il a d’être « extrêmement sévère »
(bien qu’il ne « crie jamais ») avec les 800 travail-
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leurs dont il a la responsabilité.
Le dernier point qu’il faille soulever avant de
conclure cette brève présentation d’un « pionner oublié », est celui des traditions familiales relatives à la
mort de Jean DEwoLfs. Pour ses parents encore en vie
aujourd’hui, sa mort ne fut pas inopinée, ni causée par
la malaria. selon les uns, Jean serait mort de faim et
de maladie au cours d’une mission d’inspection,
abandonné de tous (les papiers de famille auraient autrefois compris un carnet de notes tenues par lui et où
la longue agonie est décrite au jour le jour) ; selon les
autres, il aurait été tué à coups de flèches par des
Africains après avoir été attaché à un arbre. Dans les
deux hypothèses, le crime aurait été inspiré par des
Européens du secteur privé (ou public) que DEwoLfs
gênait dans l’exercice de pratiques illicites. Aucun
document ne permet malheureusement de faire la lumière sur ces traditions familiales dont le parallélisme est éloquent. Quoi qu’il en soit, la carrière
africaine de Jean Philippe Alexis DEwoLfs avait duré
exactement un an, deux mois et dix-neuf jours, tandis
que seule la colonne tronquée attirait encore l’attention sur celui qu’elle abritait dans le premier cimetière de Coquilhatville.
Jacques VanderLinden
Annexe
Lettre expédiée le 19 octobre 1902 par J. Ph.
DEwoLfs à monsieur J. Ph. DEwoLfs, Échevin,
Conseiller provincial, Boitsfort les Bruxelles.
Coquilhatville 18 octobre 02
Chers oncles et Chères tantes,
J’ai pensé très souvent à vous écrire et si je suis
resté si longtemps muet, il ne faudra pas trop m’en
vouloir. La cause en (ce mot est biffé) est due à ce
que j’ai beaucoup de travail et que les courriers que
reçois sont nombreux et me demandent beaucoup de
temps pour satisfaire un peu tous les amis et
connaissances. Ensuite je suis certain que régulièrement vous avez dû recevoir des nouvelles de mes
Parents. Je suis toujours en très bonne santé et voilà
bientôt 8 mois que cela dure, aussi j’espère bien que
cela continuera jusqu’à la fin de mon terme. Cela ne
veut pas dire qu’ici on se porte aussi bien qu’en Europe. C’est le cas pour moi, mais pas pour beaucoup, voilà pourquoi je ne conseillerai jamais à
personne de venir ici. De même beaucoup souffrent
de la nostalgie du pays, découragement etc..., enfin
il faut voir ce qui les a poussés à venir au Congo ; ce
n’est pas comme moi qui vient de terminer mes
études et me suis lancé directement dans les colonies.
Vous n’avez pas d’idée comme il y a des malheu-
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reux ici. inutile de vous en dire plus à ce sujet.
nestor m’écrit très souvent, il est toujours à Léopoldville c.à.d. à 10 jours d’ici lorsqu’on s’avance
vers Boma. il est en très bonne santé et continue à
se plaire. Depuis que l’ingénieur de Louvain, est
venu prendre sa place, la bière ne vaut plus rien, il
me dit que c’est du véritable purin, aussi me suis-je
recommandé pour en avoir quelques tonneaux pour
engraisser mes plantations. tout cela est regrettable
car on donnerait beaucoup pour avoir un petit verre
de bière Un de mes amis qui est à Eala c.à.d. à 2
heures d’ici, m’a dit qu’un jour il a payé le lambic
6 frs la bouteille. si votre brasserie se trouvait ici il
ne faudrait pas longtemps pour faire fortune je
pense. Quand j’ai soif je me dis bien souvent : « si
j’avais seulement un verre de la bière que l’on
donne aux ouvriers de la brasserie » Je donnerais
bien 2 frs pour en avoir une bouteille ». Enfin celui
qui ne sait pas se priver d’une quantité de choses ne
doit pas venir ici, car nourriture, boisson, plaisir tout
cela est très minime. Aussi vais-je me rattraper en
rentrant. Je vous assure qu’en grand amateur de
gueuze je vais m’en donner.
Cessons un peu de blaguer et causons de choses
plus sérieuses. Pour le moment je suis toujours chef
de culture dans les immenses plantations (400 hectares) de Coquilhatville on m’a promis plusieurs
places : 1°) celle de chef des cultures du district, 2°)
d’ingénieur agricole attaché au jardin botanique
d’Éala et dernièrement c.à.d. avant-hier j’ai été désigné pour aller inspecter des plantations : pendant
3 mois à Bikoro à 3 jours de steamer d’ici et après
pendant 3 mois à ikenge à 1 jour d’ici. Dans
quelques jours tout va être décidé et je vais avoir
une brillante place et gagner beaucoup de sous
(c’est le principal). Je devrai voyager partout, en
steamer, en pirogue, à pieds ( le s est biffé). Voilà ce
qui m’ira. Beaucoup ont peur de traverser et parcourir continuellement les immenses forêts mais à moi
cela ne fait rien du tout. Je n’ai pas peur du tout ici
et si on voulait me tuer, on l’aurait déjà fait depuis
longtemps, je ne prends jamais d’armes le soir et sur
la porte de ma maison il n’y a pas de serrure. il est
vrai que les nègres ont très peur de moi parce que
je suis grand et que je suis extrêmement sévère avec
eux. notez-bien que je ne crie jamais et qu’ils marchent à la baguette ; cela est nécessaire quand on a
800 de ces fainéants sous ses ordres. si on n’agissait
pas de la sorte on serait vite rôti.
à propos d’anthropophages c.à.d. de mangeurs
d’hommes, on en a condamné 2 il y a 15 jours. Et
hier 5 indigènes nous ont apporté une main
d’homme, toute rôtie et prête à être mangée ils venaient dénoncer ceux qui avaient commis ce crime
et disaient que c’était le 7ième homme qui était
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mangé. Je vous assure qu’on en mange beaucoup
sans que nous l’apprenions, car le noir est fou
lorsqu’il a de la viande ils se sont battus la semaine
dernière pour manger mon chien que j’avais tué d’un
coup de fusil, parce qu’il n’obéissait pas. il aurait
fallu voir comme il a été vite préparé et mangé.
simplement mis au-dessus d’un feu (le x est biffé)
de bois et c’était fini.
Je n’oublierai pas les perroquets de tante thérèse, j’espère bien en avoir au moins deux pour elle.
Aussi alors il faudra faire disparaître ce fainéant vert
qu’elle a en cage depuis une éternité. ici il n’y a que
des perroquets gris à queue rouge ; il y en a par
bande de 100, on n’entend que leurs cris. ils vont dormir sur les hauts arbres des marais et sont difficiles
à dénicher. Pendant le jour ils viennent dans les
plantations pour manger les fruits des palmiers. En
voilà assez sur mon compte je suppose. Je m’aperçois que j’ai été impoli et que j’aurais dû demander
plus tôt de vos chères nouvelles. réparons vite cette
faute. Comment cela va-t-il dans la famille ? tout
le monde continue à se porter bien je suppose ? Et
la brasserie ? fait-on de bonnes affaires ?
il m’est impossible pour le moment d’envoyer
des cartes-vues à tante Eveline je n’en ai plus. Je remercie beaucoup tante thérèse et tante marie pour
les graines de légumes qu’elles ont bien voulu m’envoyer, cela me fait grand plaisir. oncle Edouard et
oncle henri s’occupent-ils toujours tant de chevaux
? ici il n’y en a qu’un et c’est celui du Commissaire
de District. moi je suis forcé d’aller à âne, c’est un
peu plus dur. Je termine car le temps me manque et
en attendant de vos bonnes nouvelles je vous embrasse ainsi que toute la famille et au revoir.
J.
Je dois dire toute ma gratitude à l’égard de Madame L. LerOux et Messieurs H. et J. deWOLfs , respectivement nièce, cousin et fils de cousin de Jean
deWOLfs pour l’amabilité avec laquelle ils ont bien
voulu m’entretenir de celui-ci et m’autoriser à utiliser les documents et photographies en leur possession. Ceux-ci ont été déposés, avec leur accord, au
Musée royal de l’afrique centrale à tervuren.
Ce texte constitue une version allégée d'un texte
intitulé " a propos d'un pionnier oublié : Jean-philippe-alexis dewolfs", publié au Bulletin des séances
de l'académie royale des sciences d'Outre-Mer,
Bruxelles 1973, pp. 430-442. L'auteur remercie l'académie d'avoir bien voulu en autoriser l'utilisation.
Jacques VanderLinden
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Un « Château de watermael » ?
oui ! à Auderghem !
L
es cheminements de l’histoire ont fait que l’ancienne paroisse de watermael qui, pendant des
siècles, comprenait les hameaux de Boitsfort et
Auderghem, fut scindée en deux entités communales
distinctes, Auderghem devenant autonome au 1er janvier 1863.
Et le site du « château de watermael », proche du
centre de watermael pourtant, se retrouva du côté auderghemois de la rue des Pêcheries qui forme la limite
actuelle entre les 2 communes. Cela n’empêche pas que
l’on puisse en parler à hisciwab !
sander PiErron, en 1905, dans son « Histoire de la
forêt de soignes » décrit la gravure de hArrEwyn :
« Le château se dresse au bord d’un étang carré qui
se prolonge le long de sa façade principale, en un canal
étroit sur lequel est jeté un pont à deux arches. Ce pont
s’arrête devant une porte percée au milieu du bâtiment
qui compte un étage éclairé par sept fenêtres. deux
rangées de trois fenêtres se voient sur la façade latérale, dont les assises plongent dans le lac. Les croisées
centrales reposent sur des balustres. C’est d’ailleurs,
avec les deux petits campaniles couronnant les angles
du toit oblique, le seul ornement de cette charmante
villa, sobrement conçue, et qui participe au caractère
pittoresque et un peu mélancolique du site où elle est
édifiée.
Les environs du castel sont ravissants. du chemin
courant entre une sextuple rangée d’arbres, on arrive
dans un parc étendu qui comprend quatre parties
égales limitées par des haies vives. L’une est plantée
d’arbres fruitiers, l’autre montre les volutes méticuleusement tracées d’un parterre floral ; les deux dernières
se subdivisent en parcelles géométriques diversement
plantées. On va de l’un à l’autre de ces petits jardins
en suivant des chemins courant entre les haies et en
passant sous des triomphaux arcs de verdure savamment émondés.
derrière la gentilhommière, quatre parterres carrés
sont dessinés avec une véritable recherche décorative.
Le chemin central conduit, au-dessus d’un pont, dans
un grand labyrinthe touchant au lac et coupé, longitudinalement, par deux bras de l’étang. autour de ce parc
la forêt s’arrête : ses premiers massifs prolongent magistralement le domaine du chevalier dont il est l’enviable apanage. »
mais où se trouvait ce « château » aujourd’hui disparu, en un temps où les bois proches, du solbosch et
du mesdaelbosch (« Chant d’oiseau ») séparaient en-
Villa de Watermael, par hArrEwyn, gravure éditée en 1694
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core watermael d’ixelles et de la ville de Bruxelles ?
En 1825, le « château » et ses dépendances est encore
figuré sur la carte de wiLLiAUmE, ainsi que la ferme le long
du chemin. Le chemin des meuniers de l’époque qui menait de Auderghem à ixelles par ter Coigne, sera englouti
dans l’A411 actuelle.
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La carte de ferraris (1777) nous l’indique : on y distingue clairement, entre ter Coigne à l’ouest et le «
chau de ter Linden » plus à l’Est, l’étang et les jardins,
le bâtiment principal perpendiculaire au chemin, et la
ferme du château le long du chemin.
Comme sur la gravure, l’étang sépare le bâtiment
du chemin par la gauche de celui-ci (en allant vers Auderghem), « chemin » qui est en fait la
chaussée de watermael, actuelle rue
des Pêcheries. L’ensemble du domaine
occupait l’angle des rues néfliers/Pêcheries actuelles.
Ce château fut construit en 1674
pour Corneille DE mAn, chevalier de
watermael et Auderghem, et conseiller
des finances du duché de Brabant. il
était l’équivalent d’un actuel haut
fonctionnaire des finances, pour le
comte DE montErEy, gouverneur général des Pays-Bas sous Charles ii d’Espagne.
Les terres avoisinantes seront dénommées « Kasteelveld » dorénavant.
C. DE mAn y aurait vécu jusqu’à son
décès en 1700, année où sa fille mariethérèse-Agnès, épouse d’un certain DE
KEssEL, en hérite.
Le château resta dans la famille DE
KEssEL puisque, en novembre 1788, on
décrit Joseph Casimir hyacinthe, baron
DE KEssEL, comme seigneur de watermael, Auderghem et schonenberg.
(schonenberg était une ferme-manoir située à l’angle actuel des rues tritomas
et houlette).
En 1836, la carte VAnDErmAELEn ne figure plus le «
château », mais prend erronément sa ferme pour « l’ancien
château du baron Kessel ».
Carte de fErrAris 1777
Carte de wiLLinAUtE 1825
Carte de VAnDErmAELEn 1836
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Cadastre 1847
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trouva dans la part d’héritage de sa fille marieAnne, épouse de LE hArDy DE BEAULiEU, car ces
terres, bordées plus tard par le chemin de fer de tervueren (devenu promenade pédestre), appartinrent
aux DE BEAULiEU par la suite.
Le Veeweidebeek noté sur ce dernier plan, est le
ruisseau qui, venant de la forêt de soignes en amont
de Boondael, recevait le watermaelbeek au niveau de
terCoigne pour aller se jeter dans la woluwe près de
l’actuel supermarché « Carrefour » d’Auderghem.
il irriguait ces prés à bétail (« veeweide ») dans une
succession d’étangs et de prairies inondables difficilement franchissables entre Boitsfort et Auderghem
(parc de la héronnière actuel). Et le Kasteelveld
resta longtemps une terre agricole cultivée par les
fermiers du hof ter Linden (qui existait encore en
1972).
Plan fALK 1907
(En orangé foncé, le territoire d’Auderghem)
ruines du hof ter Linden v1972 devant les premiers
immeubles des Pêcheries (vue d’ouest en Est).
Photo h. soUmiLLon
Quant à la ferme du « château de watermael »,
elle subsista, elle, le long de la chaussée de watermael jusque 1910 environ, les derniers vestiges
étant démolis en 1936.
r. stEVEns V 1911
(En pointillé, la limite des deux communes)
L’étang du château existait encore en 1935 et
sera comblé lorsque, à partir de 1937 seulement,
ces « terres de Beaulieu » furent loties, donnant leur
nom à une avenue et une station de métro actuelles.
Et sur le relevé cadastral de 1847, si le « château » n’est plus
figuré, ni ultérieurement, la « ferme du château », elle, borde
toujours la chaussée de watermael.
il aura donc été détruit entre 1825 et 1836, sans doute pour
vétusté.
Vers 1836, ces terres du Kasteelveld avec le site du château et le hof ter Linden voisin, ont été achetés par Pierrethéodore VErhAEGEn, à l’époque bourgmestre de
watermael-Boitsfort-Auderghem.
Après son décès, en décembre 1862, le Kasteelveld se
institut cartographique militaire,
échelle 1/10.000, 1935
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institut cartographique militaire,
échelle 1/10.000, 1935
ferme du château de watermael.
Carte postale 1906 ; L. Lagaert, B. n. 17 - Collection r. GArtEnBErG
Étonnament, le dessin du domaine rectangulaire du
château et de ses anciennes allées se retrouve entre la
rue des Pêcheries, la rue du Barbeau et la rue des
Ablettes dans l’axe Est-ouest, la rue des néfliers, rue
des tanches et rue du Gardon dans l’axe nord-sud.
si les noms des poissons pris aux pêcheries de watermael inspirèrent la commune d’Auderghem, le souvenir du château et de son jardin, inspira-t-il le
promoteur-urbaniste du quartier ?
ferme du château de watermael.
Carte postale 1906 ; L. Lagaert, B. n. 17 - Collection r. GArtEnBErG
De tout cela, il reste… une mare au bas de l’avenue
de Beaulieu, au pied des immeubles des institutions
européennes…, qui fut l’étang du hof ter Linden, le
nom du beau-fils de P.-th. VErhAEGEn sur une station
de métro… et le quadrillage des rues actuelles occupant maintenant le site du « château de watermael »
dans l’angle que forme la commune d’Auderghem vers
la place Keym.
Carte 1/10.000 iGn 1981
sans doute ce quartier fiat-il partie d’Auderghem actuel, mais son histoire le relie à watermael-Boitsfort.
Henri Ceuppens
La ferme du château, la chaussée de watermael (rue des Pêcheries) et, au fond, le restaurant-laiterie de la Pêcherie royale.
Carte postale 1910 ; flion - Collection henri CEUPPEns
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ferme du château et son ancien étang.
Watermael. - Étang et Chausée de Watermael
Carte postale 1909 ; L. Lagaert - Collection Jean-marie VErCAUtErEn
La ferme du château, la chaussée de watermael (rue des Pêcheries) et, au fond,
le restaurant-laiterie de la Pêcherie royale.
Les environs de Bruxelles. - L’étang de Pêche royale à Watermael
Carte postale nels Bruxelles série 11 n°. 97
- Collection henri CEUPPEns
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Entretien avec Jean-Pierre BErLAImont
J
e m'appelle Jean-Pierre BErLAimont. Je suis né
à watermael le 11 avril 1938. Je suis né rue Vander Elst au n°7. A l'époque, les mamans n'allaient pas à la clinique, mais accouchaient à la
maison avec des sages-femmes. Je pense que c'était
un bon système. rue Vander Elst, au n°7, nous
avions une petite maison dont le jardin communiquait avec la Boucherie Van HaeLen, place Keym,
tenue par mes grand-parents maternels. ma tante habitait au 47, rue Vander Elst. Elle était l'épouse du
marchand de charbon firmin soEUr.
Mes grand-parents maternels
mon grand-père était boucher. A l'époque, il allait à
l'abattoir à Anderlecht choisir les bêtes. il achetait
avec le boucher Baets de la rue du Bien-faire (l’actuelle Boucherie andré). Les moyens de locomotion
étaient très réduits. Je vois encore mon grand-père
qui revenait avec une demi-bête sur son dos. La bête
qu'il avait achetée avait été livrée chez BAEts et il la
ramenait. Ce n'était ni une époque ni une vie facile
dans l'après-guerre. il n'y avait pas de frigos. il n'y
avait que des glacières. Comment faisait-on ? on téléphonait à strombeek-Bever et les livreurs, avec leurs sacs
de jute et leurs capuchons, apportaient les blocs de glace
qu'on mettait dans la chambre froide et ça tenait au frais .
Les gens avaient l'obligation d'aller souvent chez le boucher.
maintenant, on achète la viande, on la met dans le freezer
ou dans le frigo. A l'époque, il fallait faire ses courses presque
tous les jours. on dit que les grandes surfaces ont tué les petits commerces. il y a deux causes à la disparition des petits
commerçants, c'est les frigos et la voiture. supprimez les frigos et les gens doivent aller tous les jours chercher les produits frais. Et avec la voiture, ils peuvent faire leurs courses
quelques kilomètres plus loin. Cette époque-là était différente de l'actuelle. Les commerces étaient ouverts sept jours
sur sept. il y avait encore des gens qui venaient chercher un
morceau de viande, le dimanche à sept heure du soir ! Et
c'était ouvert très tôt le matin. mon grand-père adorait faire de la moto. il allait rouler dans les Ardennes
le dimanche et ma grand-mère allait en ville le lundi.
Chacun son tour. Je la vois encore le lundi matin, entrer dans la boucherie, ouvrir le tiroir-caisse et ça faisait « scratch-scratch-scratch » quand elle prenait
l'argent qu'elle mettait dans son sac. Elle ne comptait
pas ce qu'elle retirait. mes grand-parents gagnaient
bien leur vie mais ils vivaient sans ostentation.
nait de la région de Charleroi et s'était installé à Auderghem. il était géomètre et il dessinait des plans.
il est devenu architecte. il a aussi fait de la politique
dans sa commune; il est devenu échevin des travaux
publics. il y a une rue Louis Berlaimont à Auderghem. il a bâti le long de la rue des Pêcheries près
de la pêche royale. A l'époque, c'était une sorte de
chemin creux mais une fois que l'échevin eut
construit, on a pavé la rue jusque chez lui. Ensuite,
avec le développement des constructions, on a pavé
toute la rue. C'était une très ancienne voirie reliant
watermael à Auderghem, mais ce n'était qu'un chemin rural longeant un chapelet d'étangs. Quand
j'étais gamin, il n'y avait pas beaucoup de constructions. Les étangs étaient alimentés par des sources
comme celles qu'on voyait dans le fond du jardin du
curé de saint Clément. il y avait des pêcheries
comme la pêcherie KOBe là où se trouve actuellement le restaurant the Lodge. A l'époque, c'était un
tout petit bâtiment. mon grand-père y allait de temps
en temps boire un verre et je l'accompagnais. il y
avait aussi la pêcherie ter Linden (VAn LEUVEn),
100 à 150 mètres plus loin et puis la pêche royale,
le grand étang. on y dressait aussi les chiens, ce qui
m'intéressait évidemment. Dans toute cette zone
jusqu'au boulevard du souverain, il y avait de l'eau
partout. Je me souviens que sur l’actuel emplacement du « Carrefour » d'Auderghem, j'allais galoper
dans une sorte de tourbière.
Ma petite enfance pendant la guerre
Dans la maison de la rue Vander Elst, nous avions
le confort minimum. il n'y avait pas de salle de bains
mais un seul lavabo dans la chambre des parents. il
n'y avait pas de chauffage, nous avions un poêle à
charbon au sous-sol où les murs étaient recouverts
uniformément de carreaux blancs pour lutter contre
l'humidité. on y a vécu comme beaucoup de gens à
Bruxelles, c'est-à-dire de façon irrationnelle. on a
construit des maisons avec des sous-sols et les gens
habitaient dans les sous-sols. Quelques dizaines d'années plus tôt, les gens fortunés qui se faisaient
construire de belles maisons habitaient le bel-étage
et le personnel travaillait en bas dans les communs.
Avec l'évolution des choses, les gens se sont mis à
habiter en bas.
J'ai donc été élevé dans les sous-sols de cette maison. Chez mes grand-parents, on vivait aussi dans
Mon grand-père paternel
les sous-sols. Cela paraissait tout-à-fait normal.
maintenant, cela paraît illogique. Aucun confort !
mon grand-père s'appelait Louis BErLAimont, il haUne hantise de ma mère était le tram qui passait
bitait au 116 rue des Pêcheries à Auderghem. il ve- rue Vander Elst devant chez nous. Elle craignait que
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je monte les escaliers et que j'ouvre la porte de rue.
le canal Albert en barque et sur lesquels ils ont tiré !
mon père fut fait prisonnier et envoyé en AlleJ'ai peu de souvenirs de ma prime enfance. Je suis magne. il est revenu en 1945.
né en 1938. Je ne me rappelle évidemment pas les
événements de 1939, la Drôle de guerre pendant six
Des années de guerre, je garde le souvenir qu'on
mois, puis en mai 1940, la déclaration de guerre. Ces craignait les occupants. on disait aux gosses de se
événements me concernent car mon père était lieu- méfier des Allemands. Je retiens aussi les privations
tenant des Grenadiers. En 1939 déjà, il a été mobilisé de liberté. on m'interdisait de prononcer certains
et envoyé sur le canal Albert. très mauvais empla- mots. Je me souviens de la crainte de maman parce
cement puisque c'était très proche de l'Allemagne. qu'à la maison, on ne parlait pas des Allemands mais
De sorte que le 10 mai 1940, dès l'attaque des Alle- bien des Boches. maman me disait toujours que dans
mands, son unité a été directement au contact de l'en- le tram, je ne pouvais pas dire ce mot-là. Je me sounemi. mon père avait pensé trouver une excellente viens encore aujourd'hui de sa terrible crainte.
position en se plaçant avec ses hommes et sa mitrailJe me souviens aussi que mon grand-père écoutait
leuse dans une ancienne champignonnière. il s'était clandestinement «ici Londres» que les Allemands
dit que là, son groupe serait protégé. En fait, le 10 s'efforçaient de brouiller.
mai 1940, ils ont entendu du bruit derrière eux. Les
il y avait des restrictions alimentaires mais j'étais
Allemands étaient dans la champignonnière. ils fai- privilégié car j'ai eu la chance de naître petit-fils de
saient du parachutisme, ce qui était un sport à boucher. mon grand-père tenait la Boucherie Van
l'époque, et ils avaient entraîné des troupes au para- HaeLen, place Keym. VAn hAELEn étant le beau-père
chutisme. ils connaissaient le terrain ; ils savaient que de mon grand-père. Pendant la guerre, on vivait avec
dans le fond de la champignonnière, à trois kilomè- des timbres de rationnement. Pour acheter du pain,
tres de l'entrée, il y avait une porte qui y donnait pour la viande, etc, il fallait des timbres. on connaisaccès. tout cela avait été bien préparé. Le combat a sait aussi les ersatz, en allemand les produits de remtourné court. heureusement, il n'y a pas eu beaucoup placement. Le terme était passé dans le langage des
de blessés parmi les hommes de mon père. Les seuls Belges. il y avait les timbres, bien entendu, mais il
tués ont été des Allemands qui tentaient de traverser existait un certain nombre d'accords entre les com-
La Boucherie Van HaeLen qui appartenait à mon grand-père au coin de la rue du Bien-faire.
Watermael-Boitsfort. - Rue du Bien-Faire.
Carte postale ; Édit. m. Van Kerckhoven, 4, rue du roitelet, watermael-Boitsfort.
- Collection robert GArtEnBErG
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merçants. mon grand-père s'arrangeait avec le boulanger installé rue du Bien-faire, au coin de la rue
de la malle-Poste. La première chose que mon
grand-père lui ait dite, c'est qu'il ne manquerait jamais de viande si en contrepartie, il se débrouillait
pour lui fournir du pain. C'est pourquoi on n'a jamais vraiment manqué de rien. Bien sûr, ce n'était
pas Byzance ; on ne connaissait pas les oranges et
les bananes, par exemple. on a découvert ces fruitslà après la guerre.
que si jamais une bombe tombait et qu'elle doive
faire un choix, un de ses enfants, proche d'elle, serait plus sûrement sauvé. Voilà l'ambiance dans laquelle on baignait à ce moment-là.
J'ai d'abord fréquenté la petite école de l'avenue
wiener, l'école des soeurs. Quand je suis devenu
plus âgé, je suis allé au saint Enfant Jésus chaussée
de Boitsfort à ixelles. La crainte de ma mère, c'était
Je me souviens également des camions de charbon. on se chauffait au charbon à l'époque. Les
trains de charbon arrivaient à la gare de watermael.
on ouvrait les portes des wagons et on le déversait
par terre. Les marchands de charbon, parmi lesquels mon oncle firmin soeur, allaient chercher le
charbon, le ramassaient à la pelle et en remplissaient leurs camions. mon oncle le ramenait ensuite
rue Vander Elst, où il avait une machine-bascule
pour la mise en sacs. Les gens commandaient leur
charbon et on leur portait les sacs voulus.
Je me souviens que les camions descendaient de
la gare, passaient sous le pont et perdaient quelques
morceaux de charbon dans le virage. Des dames attendaient leur passage et ramassaient ce qui était
tombé. Quand on dit cela aux enfants maintenant,
ils demandent si c'est possible.
il y avait aussi les alertes. Quand les sirènes retentissaient, il fallait prendre des précautions. il y
avait un abri en béton rue du roitelet, mais on n'y
a pas été souvent parce que mon grand-père préférait qu'on vienne chez lui place Keym. il avait une
cave assez profonde et on s'y tenait jusqu'à la fin
de l'alerte. on a parfois entendu des bombardements.
Quand on était dans la cave, on portait un cordon
avec un sifflet. si le bâtiment s'écroulait suite au
bombardement, il aurait fallu chercher pour nous retrouver sous les décombres. Le sifflet, c'était ce
qu'on avait trouvé de plus pratique pour se faire repérer. on m'avait dit que si, un jour, j'étais coincé
quelque part, je ne pourras pas crier longtemps.
Alors, je devais siffler.
Bien souvent aussi, rue Vander Elst, ma mère,
par précaution, me faisait m'abriter sous la table de
cuisine quand il y avait un danger. Ce n'était pas un
fameux abri évidemment.
nous dormions au sous-sol. il y avait une petite
fenêtre haute. mon grand-père l'avait barricadée et
y avait empilé des sacs de sable. Ainsi, si une
bombe tombait à l'extérieur, on ne serait pas blessés.
on ne dormait pas à l'étage. J'étais né en 38 et
ma soeur, en 36. maman venait dormir avec moi
une nuit, une autre nuit avec ma soeur. Elle disait
à l’école du st Enfant Jésus à ixelles.
Photographie, collection Jean-Pierre BErLAimont
le passage à niveau. il n'y avait pas de contrôle. on
disait aux gosses qu'ils ne pouvaient pas traverser
quand la barrière était abaissée. Je n'ai jamais entendu parler d'un quelconque accident ; les gosses
étaient suffisamment responsables.
J'étais dans cette école quand le V1 est tombé à
proximité. nous étions en classe. il n'y a pas eu
d'alerte. Ces bombes volantes, on les entendait arriver, on guettait l'arrêt du moteur. si le bruit continuait, ce n'était pas pour nous. si le moteur
s'arrêtait, on craignait que ce soit pour nous. Le V1
est tombé près de l'école. Déflagration terrible ! Les
gens de watermael se sont dit qu'il n'avait pas dû
tomber très loin. mais de là à penser que c'était près
de l' école, ils n'en savaient rien. Une maman un
peu plus rapide que les autres est allée voir et est
revenue au village prévenir que l'engin était tombé
près de l'école. toutes les mamans se sont précipitées. ma maman est arrivée en tablier, elle n'avait
pas pris le temps de se changer.
il y avait des blessés légers suite au bris des vitres. heureusement, il n'y a eu ni morts ni blessés
graves.
Un autre souvenir. mes grand-parents paternels
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habitaient rue des Pêcheries. maman nous y envoie
chercher des oeufs, du miel ou je ne sais quoi. Elle
nous disait qu'on devait prendre la rue des Bégonias
et puis tourner dans la rue des Pêcheries. Ainsi, s'il
se passait quelque chose, elle pourrait courir pour
aller nous rechercher. moi, j'aimais le changement.
on est revenus par un petit chemin, près de la maison
du Docteur moUthUy, rue du Loutrier. A l'époque,
le ruisseau était apparent. Au moment où on y passe,
un chasseur arrive et commence à mitrailler le château d'eau d'ixelles, je crois. Je trouvais cela merveilleux et je suis resté debout pour regarder passer
l'avion. ma soeur s'était calée au fond du ruisseau
pour se protéger, ce qui était une attitude logique. on
a vu arriver maman en tablier et j'ai reçu la fessée de
ma vie. Parce que je n'avais pas fait ce qu'il fallait,
parce que je n'avais pas pris le bon chemin et que je
n'avais pas écouté ma grande soeur.
J'ai encore le souvenir des avions qui passaient régulièrement pour bombarder l'Allemagne et des 100
à 150 bombardiers qui revenaient de mission en vol
groupé.
En 1944, ce fut d'abord l'arrivée des Anglais, des
Canadiens et des Américains. on connaissait bien
leurs uniformes et on pouvait dire quelle était leur
nationalité. Les Américains étaient logés place Keym
dans ce qui est actuellement le Delhaize. il y avait là
une salle des fêtes, la salle du Bien-faire. on aimait
bien aller leur dire bonjour parce qu'on recevait du
chocolat. C'était l'abondance! Je pense à la tournure
d'esprit qui a dû changer avec leur arrivée. Quand ma
grand-mère voyait un militaire avec un petit trou
dans son pull, elle lui proposait de le ravauder. il lui
expliquait que ce n'était pas comme ça qu'ils faisaient. Quand il y avait un trou, ils échangeaient le
vêtement abîmé contre un autre en bon état. Un tel
comportement était impensable pour nous, vu les restrictions qu'on avait connues.
Comme tous les gosses, je faisais la collection de
schrapnels et d'obus que je ramenais à la maison. Ce
jeu-là était excessivement dangereux et était devenu
la crainte de tous les parents .
Un autre souvenir. mon grand-père m'a emmené
en promenade rue middelbourg. C'était après la Libération. Je devais avoir sept ans. Comme dans
chaque commune, on pourchassait les dames qui
avaient «fricoté» avec l'ennemi. J'ai vu tondre une de
ces malheureuses en pleine rue. Ce n'était pas un
spectacle pour un enfant de mon âge. Cela m'a marqué et je me demande encore pourquoi mon grandpère m'y a amené. Volontairement ou par hasard ?
Un souvenir plus agréable. nous étions allés nous
promener, ma soeur, ma cousine Clairette et moi.
nous étions dans les pâquerettes quand un journaliste
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est passé et nous a photographiés. La photo a été publiée dans le journal. nous en étions très fiers.
Après la guerre
mon père est revenu au printemps 1945. Je ne le
connaissais pas. J'avais deux ans à son départ. ma
sœur ne le connaissait pas très fort non plus. mon
père est arrivé de nuit, après le couvre-feu. il revenait
après cinq ans de captivité. il voulait rentrer le plus
vite possible. Donc il se fichait du couvre-feu. sortant d'un camp de prisonniers, il n'avait ni uniforme
ni d'autres vêtements. il avait rencontré au cours de
ses pérégrinations, un lieutenant anglais qui lui avait
donné un de ses deux uniformes. il est apparu dans
un uniforme anglais. ma soeur a demandé à maman
si elle était sûre que ce militaire anglais était bien son
mari et notre père.
De mon enfance d'après la guerre, je garde le souvenir qu'à la place Keym, il n'y avait qu'un restaurant,
le roi Albert. Je me demandais pourquoi les gens allaient au restaurant alors qu'ils pouvaient manger
chez eux.
A l'époque, les mamans préparaient les tartines
pour le papa qui allait travailler et pour les enfants
qui allaient à l'école. maintenant, les enfants ne veulent plus de tartines. ils demandent des sous pour
aller acheter leur sandwich.
A l'époque, un peu de liberté, c'était le scoutisme
avec raoul wiArD, freddy fErrAro, Pierre DUChEsnE etc… au cercle saint Clément. on faisait des
camps chaque année. C'était une façon de sortir un
peu de watermael-Boitsfort.
J'ai encore le souvenir des processions qu'on faisait à l'époque, avec des cierges et des saints qu'on
baladait. maintenant, c'est impensable.
La place Keym n'était pas comme elle est maintenant. il n'y avait pratiquement pas de constructions.
Au-delà, il y avait une sablière, un versage, des terrains vagues. Dès qu'on allait là-dedans, c'était la
pampa. mon grand-père me surveillait depuis la
boucherie. interdiction d'aller jouer là où il ne pouvait pas me voir. si je dépassais la limite, il me menaçait de venir me tirer les oreilles.
Le pharmacien Van Espen avait construit une
maison de l'autre côté de la place, à l'angle de la rue
des Bégonias. Une maison mitoyenne avait été
construite au même moment. Et puis est arrivé un
projet d'aménagement de la place. Un an après, on a
démoli ces maisons. mon père en avait dressé les
plans. Le pharmacien s'est installé de l'autre côté de
la place. La deuxième maison a été reconstruite rue
du roitelet, approximativement là où se trouvait
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l'abri pendant la guerre. Le même plan a donc servi
deux fois.
Au moment de la construction du stade du racing, je me souviens des prisonniers allemands qui
y ont travaillé. on les amenait en camions. on les
voyait passer. Je ne sais plus combien de temps cela
a duré.
à cette époque, vu la faible circulation automobile, les enfants étaient plus libres dans leurs déplacements. on pouvait rouler à vélo, on pouvait courir
à gauche ou à droite. il n'y avait rien de construit
entre la place et les arcades. Le tram venant de la
ville passait sous les deux arcades puis tournait à
droite et remontait directement vers la rue du roitelet. il y avait moins de danger et on était relativement
libres. Un jour, mes copains me disent qu'ils ont été
à vélo à tervueren et me demandent si je les accompagne dans une nouvelle expédition cycliste à tervueren. J'étais beaucoup plus petit qu'eux et j'avais
un tout petit vélo. nous voilà partis à tervueren. Je
devais avoir sept ou huit ans. on est allés jusqu'au
château de tervueren puis on est rentrés. mais il
n'était pas très tôt. J'ai de nouveau eu la fessée de ma
vie et mon vélo a été confisqué pendant un mois. Ce
qui était logique vu la crainte des parents de ne pas
voir revenir leur fils.
à partir de 1947, on est allés quelques jours à la
mer. Avant la guerre, mon grand-père avait une maison à la côte. il l'avait vendue quand il avait senti
que ça allait mal tourner. ils allaient à la mer chaque
année avant la guerre et à partir de 1947, on a recommencé. on allait en train bien sûr. La première fois
qu'on y est retournés, on est allés loger avenue Lippens dans un petit appartement. on m'avait abondamment parlé de la mer et de ce que je découvrirais.
on arrive le soir. La première chose que maman veut
faire en arrivant, c'est d'ouvrir sa valise pour que les
vêtements ne soient pas chiffonnés. Vous connaissez
les femmes ! Ce jour-là, je n'ai pas vu la mer qui était
là tout près. Quelle frustration. Je ne pouvais pas voir
la mer. C'est peut-être un détail, mais ça m'a vraiment choqué.
Mon père, architecte à Watermael
mon père était né le 13 juin 1910. il avait fait des
études d'architecture tout comme son frère Émile.
Leur père était déjà architecte.
mon père a démarré sa carrière en 1935. il avait
étudié l'architecture à l'Académie et avait été diplômé en 1935 à une époque où il fallait faire des
études et avoir un diplôme pour faire des plans et
bâtir. il y a eu une sorte de révolte des architectes
parce qu'on imposait trop de règles et trop de
contraintes. Les étudiants avaient la possibilité de
déclarer à la commune qu'ils étaient architectes et
alors, ils ne devaient pas passer les derniers exa-
mens. C'est ce que mon père m'a raconté. mon père
a été à deux doigts de d'abandonner ses études mais
il est revenu sur cette intention et il a été diplômé en
1935.
on ne construisait pas énormément avant la
guerre. La première maison qu'il a bâtie, c'était le
n°9 de la rue Vander Elst. mon grand-père avait un
peu de sous et il lui a demandé de construire un immeuble avec quatre appartements, mais sans grand
confort, tout comme dans la maison voisine où nous
habitions, un immeuble sans salle de bains et sans
chauffage. Une salle de bains était encore un luxe.
nous allions prendre notre bain chez mon grandpère. Et dire qu'avec le confort actuel, les gens ne
sont pas encore contents !
mon père a commencé par faire un certain nombre de travaux. il faut dire que juste avant la guerre,
une maison, ça se construisait : maçonnerie, gitage,
plancher, une lampe électrique parce qu'avant c'était
l'éclairage au gaz. C'était très simplifié.
Après la guerre, bien qu'il y ait beaucoup de démolitions, les affaires n'ont pas démarré de suite car
les gens n'avaient pas d'argent.
mon père a donc débuté lentement sa carrière. Le
boulot est venu progressivement. Je me souviens de
sa première voiture, achetée en 1947, la première
voiture de la rue Vander Elst, on en était tout fiers ;
c’était une Juva - Quatre renauLt, avec trois vitesses. Elle faisait du 60-70 à l'heure. Elle était toute
petite avec un coffre minuscule.
mon père a dressé les plans de 630 maisons à
watermael, Boitsfort, Auderghem etc….
Après le démarrage, il y a eu les lotissements
comme celui de l'avenue des noisetiers, en deux
phases, avant la guerre pour le bas de la rue et fin
des années cinquante pour le haut. Je me souviens
du cul-de-sac dans l'avenue. mon père a commencé
par construire une grande maison jaune. Je crois que
c'est la première qu'il a réalisée dans le coin et il a
achevé ses constructions, je crois, par le n°42. on
reconnaît les maisons de mon père par un appareillage des briques de parement très particulier.
Mes études
Après le saint Enfant Jésus, j'ai dû changer d'école
parce qu'elle n'offrait plus qu'une section pour jeunes
filles. mes parents m'ont inscrit à Charles Janssens,
place de Londres. il fallait y aller en tram. Le premier jour, maman m'a accompagné. on a pris le
tram 96 qui passait devant l'école. L'arrêt était place
de Londres. Pour rentrer, c'était le trajet inverse. Elle
m'avait dit que le soir, je devrais me débrouiller seul,
m'avait expliqué où embarquer quand le tram arriverait, avait vérifié que j'avais bien ma carte de tram.
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Je pense à mes petits-enfants qui ont 12, 13 et 14 ans
et que leurs parents conduisent encore à l'école, surtout les filles. Quand je leur dis que les enfants doivent pouvoir se débrouiller seuls, ils me répondent :
l'insécurité. Quel changement. il est vrai que pour
nous, le danger, c'était de se faire écraser par le tram
ou par une voiture alors que maintenant, on craint les
rencontres que les jeunes peuvent faire.
A l'époque, les trams n'avaient pas de portes extérieures; il y avait des courants d'air terribles. Le
receveur était exposé au froid malgré les portes à
glissières intérieures. sur chaque tram, il y avait un
conducteur, un receveur et un autre receveur dans la
remorque. Ces gens portaient des mitaines. Leurs
conditions de travail étaient pénibles mais cela paraissait normal.
Je me souviens qu'un jour, la remorque du tram
qui montait de la place wiener vers les trois tilleuls,
qui était mal fixée a lâché et est redescendue. il n'y
avait pas de maison dans le tournant et elle a continué
tout droit. heureusement, il n'y avait personne dedans.
Je me rappelle aussi que parfois lorsqu'on était fâchés sur un conducteur de tram, on allait à l'arrière
tirer la flèche . « Jef de flèche is af ! »
En 1949, les affaires allaient bien. mon père a
construit une maison dans le haut de l'avenue de Visé
avec une salle de bains et tout le confort. moi, à ce
moment-là, j'étais élève à l'école de la place de Londres. Je ne travaillais pas et j'avais de mauvais résultats. Les réprimandes se succédaient. mes parents
m'ont annoncé qu'ils allaient me mettre au pensionnat
pendant un an pour me donner le goût des études.
L'idée d'aller dans un pensionnat n'était pas tellement
rigolote. ils ont été me présenter à malonne. Par
chance, il y avait une piscine de 50 mètres. J'ai accepté. Cette année-là, j'ai eu de bons résultats et je
me suis dit que j'allais encore rester un an. Comme
cela marchait bien, que je ne me faisais pas engueuler, j'y suis resté sept ans. Je suis sorti à 18 ans de
malonne puis j'ai été à l'université de Louvain. A
l'époque, je « kotais » à Louvain. Pas mal d'étudiants
faisaient la navette parce que ce n'était pas tellement
loin, mais moi, je voulais participer à la vie estudiantine.
J''ai terminé mes études d'ingénieur civil des
constructions en 1961.
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d'apprentissage de quatre mois à Paris parce que
c'était tout autre chose que le béton armé.
J'y ai travaillé quatre ans. J'étais le seul ingénieur.
on utilisait le béton précontraint dans les grandes
structures, les centrales nucléaires et d'autres. Entre
1964 et 1968, la Belgique a construit des centaines
d'ouvrages comme les ponts d'autoroutes. C'est pour
cela que la firme a pris une grande extension. on
construisait énormément. on a construit en béton
précontraint le tunnel sous l'Escaut à Anvers. on réalisait des ouvrages énormes avec des capitaux très
importants.
Après cette période, j'avais espéré reprendre la
firme mais le représentant de frEyssinEt n'avait pas
envie de cesser ses activités et sa firme avait pris une
extension terrible parce que le béton précontraint
marchait bien grâce aux travaux autoroutiers. il
m'était impossible de reprendre car il fallait des capitaux importants dont je ne disposais pas.
Je me suis mis à mon compte le 1er juin 1968. En
1968, j'ai repris les entreprises Jules DEmAnEt rue
des Archives à Boitsfort. J'avais trente ans. monsieur
DEmAnEt en avait 60. on a travaillé ensemble pendant deux ans et puis lentement, il a cessé ses activités. C'est ce qui avait été convenu entre nous.
à l'époque, il y avait du boulot, Demanet avait une
clientèle, il n'y avait pas 36 entrepreneurs à watermael. il y a eu une bonne période en 1971,1972 et
1973 ; je faisais de la promotion de villas à overyse,
waterloo et ailleurs. J'avais des plans-types, j'utilisais la publicité, je connaissais des terrains et les gens
me disaient qu'ils avaient vu qu'une de leurs connaissance avait fait construire et était satisfaite. ils se renseignaient et ils achetaient. Cela a bien marché. En
1974, l'inflation est montée en flèche. Comme heureusement, mes contrats étaient indexés, les gens
commençaient par payer 1000 et à la fin du chantier,
ils payaient 1140. J'ai fait des factures où on ajoutait
10 à 14% d’indexation et cela a tué la construction.
Après cela, il y a eu des hauts et des bas. on s'est toujours débrouillés en allant plus loin, en ratissant plus
large. maintenant, le problème à Bruxelles, c'est qu'il
ne faut plus beaucoup d'entrepreneurs parce qu'il n'y
a plus beaucoup de terrains disponibles. si on veut
construire, il faut démolir quelque chose. il faut
même démolir de belles maisons.
Ma vie professionnelle
Dans mon entreprise, j'étais le seul ingénieur.
J'ai d'abord travaillé chez traCtiOn et eLeCtriCité J'employais des ouvriers compétents et des chefs
qui est devenu traCteBeL. Ensuite, j'ai changé d'em- d'équipe. il ne fallait pas nécessairement avoir un diployeur et j'ai travaillé pour une firme qui lançait les plôme pour travailler chez moi. Je visais la compétechniques de béton précontraint frEyssinEt. mon tence, la connaissance du métier. il ne faut pas
patron était le représentant du procédé frEyssinEt oublier que les jeunes à l'époque, commençaient à
en Belgique. J'ai dû commencer par faire un stage travailler à 14 ans quand ils ne voulaient plus aller à
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l'école ou lorsque les parents leur disaient : « Menneke, tu perds ton temps, va travailler ». Le papa me
demandait si je voulais bien prendre son fils. Le fils
commençait comme manoeuvre pendant un an ou
deux. Quand on voyait qu'il en voulait, de temps en
temps, on lui disait que s'il travaillait bien, en fin de
journée, il pourrait prendre la truelle et placer
quelques blocs. Alors, il faisait des efforts et on
voyait ceux qui sortaient du lot. J'ai eu des chefs qui
avaient commencé comme manoeuvres et qui ont
fait de terribles ouvrages. ils étaient devenus maçons, puis chefs-maçons. Avec l'expérience acquise,
ils arrivaient à lire les plans et à faire les tracés !
mon entreprise travaillait surtout pour le privé
mais travaillait aussi pour des firmes comme
deLHaize, gB, eLeCtraBeL pour les postes à haute
tension.
mon atelier de la rue des Archives est devenu
beaucoup trop petit vu l'extension de la firme. En
1985, j'ai loué un grand atelier dans le zoning industriel de nivelles. Je n'ai pas bien négocié mon bail
et en 1990, suite à de terribles augmentations de
loyer, je suis parti. Je suis allé à Deux-Acren près de
Lessines.
Je travaillais assez bien pour eLeCtraBeL. à
Deux-Acren, à 100 mètres de mon atelier, il y avait
un grand poste d'eLeCtraBeL. J'y travaillais souvent
mais aussi au-delà, par exemple pour des gB et des
deLHaize, à Liège et ailleurs. Je dirigeais plus ou
moins 50 ouvriers et 6 ou 7 employés. on était devenus plus mobiles. A un certain moment, c'est devenu nettement plus difficile. nous avons été
travailler jusqu'à Lens et à Boulogne-sur-mer. Ce
n'était pas rentable de travailler aussi loin. mes
équipes travaillaient 4 jours par semaine, ce qui
n'était pas réglementaire, mais c'était indispensable.
Elles travaillaient dix heures par jour. Les hommes
partaient le lundi matin, travaillaient quatre jours
pleins et revenaient le jeudi soir. ils ne passaient que
trois nuits à l'hôtel. Ce système marchait très bien.
Les français voyaient une grande différence entre
les ouvriers belges et les ouvriers français. A midi,
mes hommes prenaient leurs tartines et ils mangeaient sur le chantier. A midi vingt, ils reprenaient
le boulot. Les français ne faisaient pas comme ça.
ils allaient manger au restaurant, buvaient du vin et
l'après-midi, leur rendement baissait.
J’avais mes bureaux et mon atelier au 144 rue des
Archives. J'ai habité avenue des Coccinelles et puis
en 1992, j'ai construit un immeuble à appartements
à Auderghem, rue Leclercq. J'y ai gardé un appartement pour moi.
Une anecdote
Je travaillais à woluwe-saint-Pierre à la rénovation
d'une église avenue Prékelinden. sur le chantier, deux
ouvriers se tenaient en haut et un manoeuvre en bas.
Leur travail consistait à retirer les vitraux, à descendre
les pierres descellées avec une « gaderole », c'est-àdire une corde et une roue. on mettait une pierre
dans un seau et on la descendait. Les deux ouvriers
en haut sans réfléchir mettent deux pierres qui tenaient ensemble dans le seau. Chacune pèse trente,
quarante kilos. ils oublient que le gamin en bas ne
pèse que 45 kilos, moins que les pierres. Au moment
où ils placent les deux pierres, le gamin ne sait pas
ce qui se passe. Le seau descend et lui qui ne peut
pas lâcher la corde se met à monter. Jusqu’à 18 mètres de haut ! Les deux hommes du haut n'ont pas la
présence d'esprit de freiner la descente et le gamin
continue à monter Au moment où il arrive à leur
hauteur, les maçons l'attendent et l'attrapent. Le
gamin était sonné. Les ouvriers m'ont dit qu'il était
resté une heure couché sur l'échafaudage ; il ne voulait plus voir personne. on ne m'a pas raconté cela
ce jour-là, mais c'est longtemps après que les autres
ouvriers on bavardé. on aurait pu avoir un mort.
Réflexions en guise de conclusion
L'architecte
Quand une personne veut construire, elle contacte
un architecte qui conseille un, deux ou trois entrepreneurs. Libre au client d'en prendre un quatrième.
En Belgique, pour construire une maison, il faut un
architecte. En france, si vous avez un cousin qui
dessine bien, il fait le plan, vous allez à la mairie et
il ne faut pas d'architecte. Peut-être pas pour tout,
mais pour pas mal de constructions, il ne faut pas
d'architecte.
En Belgique, on ne peut pas être à la fois entrepreneur et architecte. La loi l'interdit. C'est l'un ou l'autre. moi, en sortant de l'université, j'avais demandé
et obtenu mon agréation comme architecte Quand
je suis devenu entrepreneur, j'ai dû y renoncer.
A ce moment-là, les architectes avaient un barème.
on construisait une maison de tel type, l'architecte
demandait 7% du prix de la construction. tous les
architectes avaient à peu près le même barème, le
prix à payer variant en fonction des exigences du
client. si le client choisissait le luxe, il payait évidemment plus cher. L'architecte était le passage
obligé. il recommandait des entrepreneurs en qui il
avait confiance. Les entrepreneurs, c'est comme pour
les plombiers ou d'autres corps de métiers, il y en a
de bons et de moins bons.
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Chroniques de watermael-Boitsfort n°22
Conséquences d'un changement de politique
Dans les travaux publics, la situation s'est dégradée
à la fin des golden sixties et cela a entraîné la faillite
de grosses entreprises comme sOgetra dont le siège
se trouvait sur la route d'overyse.
Le ministre DE sAEGhEr qui avait un pouvoir
considérable, avait mené une politique de construction des autoroutes en masse. La conjoncture était favorable. En prévision de ces chantiers, les
entrepreneurs ont investi en matériel coûteux. Et
puis, le ministre a changé ses programmes. on a
cessé de construire des autoroutes au profit de la
construction d'hôpitaux. sOgetra et beaucoup d'autres se sont retrouvés avec un parc d'engins de chantier inutilisables, invendables et vandalisés.
Catastrophe !
Les démolitions
J'ai dû démolir des maisons. Quand c'étaient de
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mars 2013
grosses démolitions, on faisait appel à des spécialistes qui vous démolissent et font partir les débris
d'une grosse maison en une journée.
moi, je n'avais pas les grosses machines nécessaires
ni le charroi.
J'ai vu des démolitions de ponts en précontraint
impressionnantes. Le bac de la machine faisait clac
et passait au travers du pont. Le reste était découpé
avec une énorme cisaille. J'ai vu démolir un pont par
explosifs sur l'autoroute de Liège. A quatre heures du
matin. on ne pouvait pas bloquer l'autoroute plus de
24 heures. L'entrepreneur avait dit : pas de problème,
je fais sauter le pont, il tombe par terre, je le ramasse
et c'est fini en 24 heures. Cela a été terminé dans le
délai prévu mais avec d'énormes moyens techniques.
Enregistré à watermael le 9 janvier 2013 :
JJ VAn moL et JP CArPEntiEr
transcription : JP CArPEntiEr
inauguration du mémorial ALBErt 1er watermael 21 août 1938 ;
le monument a été dessiné par mon père robert BErLAimAont
Photographie, collection Jean-Pierre BErLAimont
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Chroniques de watermael-Boitsfort n°22
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mars 2013
Dénomination d’artères de wattermael-Boitsfort,
hier et aujourd’hui
Jean-Pierre hUts
en 1959
et ultérieurement
rue de l’Abreuvoir
Place des Arcades
rue des Archives
rue des Bégonias
Précédemment
rue d’or ou Guldenstraat
rue d’ixelles (partiellement)
Avenue du Chemin de fer
Chaussée de watermael
(partiellement)
rue des Béguinettes rue du four
rue du Bien-faire
Chaussée de watermael
(partiellement)
Avenue des Bouleaux rue Creuse
rue des Brebis
rue des meuniers
rue du Buis
rue des sables
Avenue des Campanules
Avenue du Beau-site
Drève du Caporal
Drève de la forêt
rue des Cèdres
rue du Presbytère
Avenue du Cor de Chasse
Avenue marie-Louise
Dries
Chaussée de watermael
(partiellement)
Avenue Émile
Van Becelaere Avenue de watermael
Place Eugène Keym Place de watermael
rue des Garennes
rue des Champs
rue du Grand-Veneur rue de la woluwe
rue des fougères
Koestraat
rue du Gruyer
rue des Écoles
Place Léopold wiener Place du marché
Drève des Libellules Avenue des Villas
rue Louis Ernotte
rue de la Charrette
(partiellement)
rue du Loutrier
rue de l’Eglise
rue major Brück
rue de la Villa
(partiellement)
rue de la malle-Poste rue de la Poste
rue des merisiers
rue du Viaduc
rue du ministre
rue de la Villa (en partie)
rue des néfliers
rue des Pierres
Avenue des ortolans Lindenstraat
rue des Pêcheries
Chaussée de watermael
(partiellement)
rue du relais
rue de la Charrette
(partiellement)
rue du roitelet
rue de la station
rue du rouge-Gorge rue de la Pompe
Drève des silex
rue de l’Étang
Avenue des taillis
rue théophile
Vander Elst
rue des touristes
Avenue de Visé
rue du Pont
rue de l’Avenir
rue de la montagne
rue d’ixelles
rue du tram
Drève des Volubilis Avenue des Chênes
Drève des weigélias rue struelens
et encore
Avenue Georges
Benoidt
Avenue des oiseaux
rue des Angéliques rue des romarins
Place Andrée Payfafosséprez
Place Bischoffsheim
rue du Cerf-Volant rue de l’Aurore
Avenue Charle-Albert Chaussée d’Auderghem
rue de la Citadelle rue des ifs
rue du Concours
Petite rue de la Vénerie
Avenue Delleur
Avenue de la Vénerie
Place Joseph wauters Place de l’Edelweiss
heiligenborre
rue de la fontaine
rue de la herse
Lindestraat
Krekelenberg
montagne de la Cigale
rue de la Cigale
rue Philippe Dewolfs rue des Polonais
(partiellement)
rue des tritomas
rue des hobereaux
Karrenberg
rue Verte
Lammerendries
rue des moutons
rue Pré des Agneaux
rue nisard
rue Coppens
rue des thuyas
Avenue des Bouleaux
rue du sacrifice Patriotique
Drève des tumuli
Drève du Caporal
rue de la Vénerie
rue woluwé
Avenue Léopold wiener
Avenue des ormes.
Sources : folklore Brabançon (1959).
Archives de l’Administration communale de
watermael-Boitsfort.
Archives Philippe smEULDErs et
Jean-Pierre hUts.
remarque : l’attribution du nom de rue ou d’avenue ne
repose sur aucun critère rationnel !
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Quelques cartes postales éditées au début du siècle dernier sont peu explicites sur la localisation
du lieu représenté. où pouvait bien se trouver ces serres ? L’imposante villa semble ne plus exister.
Qui pourrait fournir des précisons sur ce document ?
186 Watermael . Les Serres d’orchidées
Carte postale -
Collection robert GArtEnBErG
1914-1918. nous commémorons
La région de Bruxelles-Capitale commémorera le centième
anniversaire de la guerre 1914-1918, celle qu'on appelle communément « la grande guerre ». Le projet est piloté par le Cabinet du ministre-Président Charles PiCQUÉ. La région
souhaite associer étroitement les Communes et les cercles
d'histoire locale et leur demande de travailler en étroite collaboration. C'est pourquoi nous avons déjà tenu une première
réunion d'évaluation avec le service communal de la Culture
et l'Espace mémoire.
Le projet couvre une période allant du début de l'année 1914
au début de l'année 1919. Les thèmes retenus sont non seulement les aspects militaires du conflit, mais aussi les aspects
de la vie quotidienne durant cette période : alimentation, soins
de santé, habillement, logement, transports, sports et loisirs,...
Un volet sera consacré aux évènements familiaux : naissances, mariages, décès, scolarité des enfans, leurs jeux,...
nous avons besoin de votre aide.
Un siècle après, quels souvenirs reste-t-il alors que la mémoire
orale a cessé d'être la source principale, sinon des documents, lettres, photos et objets qu'on se transmet avec émotion de génération en génération ?
si vous possédez de tels souvenirs, signalez-le nous. Effectuer le
relevé de ce qui existe encore est en soi fort intéressant. Et si vous
acceptez de nous les prêter en vue d'une exposition ou d'une publication, nous les scannerons ou nous les photographierons.
Contact
faites nous signe si vous acceptez de participer à cette initiative citoyenne mobilisatrice via
le site web www.hisciwab.be
le téléphone au 02/6736906 (JP Carpentier)
le courrier postal au siège : 6, avenue Marie-Clotilde –
1170 Bruxelles.
Une publication de HISCIWAB
Président : Jean-Jacques VAN Mol
6 avenue Marie Clotilde - 1170 Bruxelles
[email protected]
Secrétaire : Jean-Pierre CArPeNtIer 42 avenue des Noisetiers - 1170 Bruxelles
[email protected]
Trésorier : Jules Knaepen
10 rue de la Malle Poste - 1170 Bruxelles
[email protected]
Cotisation annuelle : 10 Euros à verser au
compte n°Be47 6528 2172 5680
Dépôt légal : BD 48699
Publié avec le soutien
de la Commission communautaire française
du Ministère de la Fédération WallonieBruxelles
et de la Commune de Watermael-Boitsfort
En collaboration avec l’espace Mémoire
Prix de vente à l’exemplaire
3,5 euros