Logement : la ville bouge

Transcription

Logement : la ville bouge
163 tesrtFaits -p4et5ok
2/04/04
9:41
Page 1
Faits & effets
Simple ville de région dans les années 70, Lille est devenue, en trente ans, le centre d’une métropole et le carrefour incontournable de l’Europe du Nord, à seulement une
heure de TGV de la capitale.
Résultat : les prix de l’immobilier ont flambé.
Mais la ville elle-même s’est transformée et l’ensemble
des quartiers essaie aujourd’hui d’attirer une population
nouvelle et dynamique.
ans les années 60 et 70,
la ville de Lille a connu Luc DEBEUNNE,
une forte baisse de sa Président de la Chambre départementale
de la FNAIM
population.
La remontée, amorcée dans les
années 90 s’est confirmée lors
du recensement de 1999. Si de
nombreuses familles s’éloi gnent de la ville pour bâtir ou
trouver plus grand, la demande
n’en est pas moins importante
sur Lille même et sa proche
banlieue. Réduire ses temps de
transport et profiter des services
urbains constituent deux
"Les secteurs prisés
bonnes raisons pour vouloir se
sont toujours les
loger intra-muros.
Mais ce n’est pas chose facile mêmes"
car l’offre reste limitée et le
n tant que président de la
rythme des constructions insuf Chambre départementale de
fisant : 3500 nouveaux loge - la Fédération nationale des agents
ments par an à Lille, contre les immobiliers, Luc Debeunne porte
5000 qui seraient nécessaires. un regard assez large sur le marDu coup, les prix ont flambé et ché lillois : “C’est un marché
si la hausse semble enfin se cal - d’acquéreurs, pas de vendeurs.
Nous manquons de produits. En
mer un peu, la tendance n’est
ce qui concerne la location, c’est
certainement pas à la baisse. un peu la même chose avec une
Certains quartiers sont tou - très grosse demande sur l’habitat
jours très recherchés : le centre, de petite et moyenne taille (du
le Vieux-Lille et la banlieue studio au type III). En revanche,
nord-ouest, notamment Lam - les grands logements se louent
bersart, Marcq-en-Barœul et La beaucoup moins. Pour ce type de
produits, effectivement, les loyers
Madeleine.
Mais d’autres quartiers, jus - sont élevés et comme les taux
qu’ici négligés, sont aujour - d’intérêts sont faibles, cela incite
d’hui en pleine mutation. Il davantage à acheter qu’à louer.
Le nombre de primo-accédants est
s’agit d’anciens quartiers ouvriers,
de plus en plus important. Si les
comme Fives, Wazemmes et prix sont toujours en augmenta Moulins, auxquels les pouvoirs tion, la hausse, ces derniers temps,
publics et les promoteurs se sont est moins forte” et la faiblesse des
intéressés.
taux compense cette hausse. “Les
Les friches industrielles, jadis secteurs prisés", poursuit Luc
considérées comme des plaies, Debeunne, “sont toujours les
sont devenues des atouts pour mêmes, à commencer par le Vieux
ces quartiers, l’espace qu’elles Lille. Dans le centre, il n’y a plus
libèrent permettant de construire rien. Les quartiers de Fives et de
des logements neufs ou de créer l’arrière d’Euralille sont en plein
devenir. Wazemmes, bon an mal
des espaces verts.
an, se porte bien, mais ne décolle
D
Logement : la ville bouge
pas comme on aurait pu s’y
attendre. Quant à Moulins, c’est
encore difficile.” Si le directeur de
Debeunne-Immobilier compte sur
la construction d’immobilier de
bureaux pour faire bouger certains
secteurs, il ne s’attend pas à de
grandes mutations. “Le problème
de Lille est qu’on manque de fon cier. Notre région est atypique.
Ici, plus qu’ailleurs, chacun a
envie d’avoir sa maison indivi duelle. Comme il n’y a pas de fon cier sur place, on construit de plus
en plus loin, ce qui pose les pro blèmes de circulation et de pollu tion que l’on connaît.”
■
Hugues WOUSSEN,
Agent immobilier à Lambersart
E
4
FACE - AVRIL 2004 - N ° 163
“Les quartiers les plus recher chés sont toujours les mêmes : le
centre-ville, le Vieux-Lille et
Vauban, mais le phénomène
s’étend aujourd’hui à Saint-Mau rice-Pellevoisin. Les organismes
HLM, et particulièrement LMH,
essaient de se renforcer dans ces
quartiers avec, par exemple, trois
résidences construites à Vauban
Marie-Line Truffaut, “et qui ainsi qu’un immeuble (résidence
apprécient la mixité sociale. Il y a de la Poterne) intégré à l’opéra des jeunes cadres et beaucoup de tion des Quais du Vieux Lille (sur
professeurs, souvent des gens qui le site des anciens abattoirs).”
ont des dons artistiques et qui Premier quartier en restructuratrouvent à Fives des logements tion urbaine, Wazemmes “qui
atypiques avec un atelier. Le s’intègre de plus en plus au
quartier leur plaît dans toute sa centre, notamment parce qu’il est
diversité. C’est un quartier atta - desservi par les deux lignes de
chant, populaire au sens noble du métro”, sans oublier le côté
terme.” De grands projets sont en attractif des Maisons Folie
cours à Fives avec la création construites dans le cadre de Lille
d’une place au centre du quartier. 2004.
De ce fait, les prix augmentent, À Moulins, malgré plusieurs
qu’il s’agisse des maisons de cou- opérations publiques et privées,
rées rachetées et rénovées par des l’ouverture de la Faculté de
investisseurs pour la location, des droit et celle d’un supermarché
grandes maisons (trop peu nom- Match rue d’Arras, le démarrage
breuses) et des immeubles des est plus long. “Fives”, poursuit
années 90. “En trois ou quatre Alain Cacheux, “connaît cer ans, les prix ont bien augmenté. taines difficultés mais son marché
Aujourd’hui, Lille n'est pas moins est désormais très actif.”
chère qu’ailleurs.”
■ L’élu classe aussi dans cette catégorie le quartier des Bois-Blancs même si la dernière opération
d’envergure (la construction de
Alain CACHEUX,
petites résidences avenue MarxPrésident de Lille Métropole Habitat
Dormoy) remonte à une dizaine
"Des quartiers en
d’années : le quartier est actuellepleine restructuration ment en stand-by mais devrait
démarrer dès le lancement de
urbaine"
l’opération des rives de la Haute
Deûle (création d’une zone d’entreprises axées sur les nouvelles
technologies).
“Les deux autres quartiers lillois,
Lille-Sud et le faubourg de
Béthune sont encore à dominante
sociale très forte. Dans le cadre de
la loi Borloo, la démolition de plu sieurs ensembles à Lille-Sud
(notamment les barres Asie,
Afrique et Pacifique par LMH) et
le relogement de leurs habitants
djoint au logement à la mai- vont être suivis de la réalisation
rie de Lille, Alain Cacheux d’un parc de 4 à 5 hectares qui
est aussi président de Lille Métro- devrait améliorer l’image de ce
pole Habitat (LMH), l’office quartier. De nouvelles résidences
HLM de la ville. Il classe les HLM et un programme d’acces quartiers en trois catégories : les sion à la propriété devraient faire
plus recherchés, ceux qui sont en venir dans le quartier de nou pleine restructuration et enfin les veaux habitants.”
■
quartiers à dominante sociale.
Conquérants à Lambersart et de Bel
Air à Saint-André. Curieusement”,
constate l’agent immobilier, “c’est
aussi dans les lotissements les plus
récents que l’on observe le plus de
mouvements : Pour trois raisons :
il s’agit de jeunes couples qui ont
des difficultés de paiement, qui se
séparent ou qui sont mutés dans
une autre région. Le malheur des
uns fait le bonheur des autres
puisque l’augmentation des
divorces entraîne une multiplica tion des transactions.”
Les couples séparés d’ailleurs ne
recherchent pas forcément des
logements plus petits : “Les
familles recomposées ont besoin de
grandes maisons pour accueillir
par moments les enfants de cha cun des deux conjoints.” Quant
aux prix, ils sont toujours en
hausse mais variables d’un quartier et même d’une rue sur
l’autre, notamment selon la
proximité des transports en commun. “On peut maintenant
parler de micro-marchés".
■
Jean-Charles LEFÈVRE,
Président de la Chambre régionale de la
FNPC
"Des micro-marchés"
’agence que dirige Hugues
Woussen est située à Lambersart et travaille essentiellement
sur cette ville et ses voisines :
Lomme, Saint-André, Marquette,
Wambrechies… Une zone qui
attire toujours, notamment les
nouveaux arrivants dans la
Métropole lilloise. Dans le nordouest de Lille, “Ça bouge par tout”. Selon Hugues Woussen, la
tendance est surtout nette dans
certains quartiers “vieillissants” :
“Des lotissements construits
dans les années 60 dont les pro priétaires, aujourd’hui âgés, ven dent leurs maisons. C’est le cas
de la Cessoie ou du quartier des
"Il n’y a pas de
mauvais quartiers"
L
ean-Charles Lefèvre est le président de la Chambre régionale
de la Fédération nationale des
promoteurs constructeurs qui rassemble vingt promoteurs. “2003
a été pour nous une année excep -
J
tionnelle, avec la construction de
30 % de logements en plus qu’en
2002. Pour les premiers mois de
2004, la tendance est la même.”
Les prix, quant à eux, ont augmenté de 12 à 13 % durant l’année
2003 : “Cette année, les prix
devraient être plus sages car les
communes ayant changé leur plan
d’occupation des sols, l’offre fon cière est beaucoup plus impor tante qu’au cours de ces dix
dernières années. Les prix vont
donc stagner, voire chuter.” Le
prix des appartements a monté de
30 % en trois ans pour atteindre
une moyenne sur la métropole de
2100 € le mètre carré avec des
pointes à 3000 € / m2 dans des secteurs comme Marcq-en-Barœul
ou Mouvaux. Conséquence de la
loi Robien, la vente d’appartements est essentiellement spéculative : “65 à 70 % des appartements
sont achetés pour être loués, contre
seulement 30 % pour y vivre.”
Le promoteur souligne l’apparition d’une nouvelle offre sur la
métropole : la maison de ville.
“On sent que le produit recon quiert ses lettres de noblesse.” Il
cite notamment un programme à
Moulins, sur l’ancien site Méo
où, en quelques mois, 26 des 40
maisons prévues ont été vendues.
D’autres programmes du même
type sont en projet à Euralille et
Fives. Ce nouvel intérêt pour la
maison de ville est dû à son prix,
moins élevé qu’une maison individuelle en proche banlieue.
Évoquant les quartiers “qui marchent”, Jean-Charles Lefèvre
cite avant tout Euralille (notamment la 2e tranche, à côté du
futur siège de la Région), SaintMaurice, le grand boulevard, et
toujours Marcq, Bondues, Mouvaux, Wasquehal mais aussi
Roubaix et Tourcoing où les prix
ont augmenté. “Il n’y a pas de
mauvais quartier, mais des
quartiers en mutation où la col -
lectivité fait de gros efforts",
conclut-il. “D’ailleurs, j’ai moimême lancé un programme sur
l’Epi de Soil, juste à côté de LilleSud.”
■
Marie-Line TRUFFAUT,
Agent immobilier à Fives
“Fives, un quartier
attachant, populaire
au sens noble du
terme.”
“
ors de la création de notr
agence au début des années
90, on nous a pris pour des farfe lus”. Une dizaine d’années plus
tard, Marie-Line Truffaut ne
regrette rien : “On a démarré à
deux, aujourd’hui, nous sommes
sept salariés.” En effet, le quartier est devenu aussi recherché
que le reste de Lille : “Comme
partout, on a cinquante per sonnes qui cherchent pour cinq
qui trouvent.” Les raisons de cet
engouement ? La présence du
métro et la proximité des deux
gares. “Aujourd’hui, quatre à
cinq personnes sur dix qui cher chent dans le quartier prennent le
TGV tous les jours pour Paris ou
Bruxelles.” Autre intérêt de
Fives, la possibilité désormais
d’aller dans le centre à pied.
Tout le monde ne choisit pas
d’habiter Fives : “Ce sont des
gens à l’esprit ouvert”, précise
L
A
FACE - AVRIL 2004 - N° 163
5

Documents pareils