Édition Musée de Valence Isbn 978-2-9539322-0
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Édition Musée de Valence Isbn 978-2-9539322-0
9782953932201 Édition Musée de Valence Isbn 978-2-9539322-0-1 Prix public 18€ mmersion anz Ackermann sabeth Ballet / mes Turrell] Immersion [Franz Ackermann Elisabeth Ballet James Turrell] Exposition du 1er avril au 25 septembre 2011 Musée de Valence hors les murs Imprimerie Céas Sous la direction de Directed by Dorothée Deyries-Henry commissaire de l’exposition curator Immersion Dorothée Deyries‑Henry Dorothée Deyries-Henry est conservateur au Musée de Valence, chargée du développement de la collection d’art contemporain et de la programmation du musée hors les murs. En tant que commissaire, elle a notamment réalisé les expositions Permutations 40 artistes / 01 musée vide (2008), Voyage sentimental, en collaboration avec les FRAC (2009), Scénographies, de Dan Graham à Hubert Robert avec l’Institut d’art contemporain Villeurbanne (2009) et 3 Variations, œuvres des collections et deux pièces dansées (2010). Auteur d’une thèse sur Vija Celmins et les avant-gardes américaines, elle est intervenue avec Philippe-Alain Michaud sur la programmation cinéma de l’exposition Los Angeles 1955-1985, naissance d’une capitale artistique présentée au Centre Georges Pompi‑ dou en 2006. Immersion Dorothée Deyries‑Henry Dorothée Deyries-Henry is a curator at the Valence Museum, in charge of the Contemporary Art collection and off-site programming. The exhibitions she has curated include Permutations 40 Artists / 01 Empty Museum (2008), Sentimental Journey, in association with France’s Regional Contemporary Art Collections (2009), Scenographies: from Dan Graham to Hubert Rober t, with the Institute of Contemporary Art in Villeurbanne (2009) and 3 Variations: Works from the Collection and Two Danced Pieces (2010). Her PhD thesis was titled Vija Celmins and the American Avant-gardes and she worked with Philippe-Alain Michaud on the film programming for the exhibition Los Angeles 1955-1985: Birth of an Art Capital, at the Centre Pompidou in 2006. Lorsque l’architecte de la rénovation du musée 1 parle de « dialogue avec l’existant », il imagine les rapports possibles des collections d’art et d’archéologie avec l’environnement extérieur. Tout son projet réside dans cette mise en relation entre l’extérieur et l’intérieur, dans laquelle l’architecture joue tantôt de l’effacement tantôt du recadrage pour orchestrer la relation physique du visiteur avec le site urbain et paysager et avec les œuvres. De l’obsession de cette transparence résulte l’utopie d’une relation simul‑ tanée : baies et autres échappées sur l’extérieur ménagées dans les cimaises entre deux tableaux, entre deux vitrines, jeu de superposition des collections et du site d’où elles proviennent, reproduction d’un objet à l’échelle de l’architecture, etc. Ces cadrages et imbrications laissent bientôt la place à une nou‑ velle mise en scène où un spectaculaire belvédère invite à l’immersion dans le paysage, puis disparaît, laissant le visiteur à l’air libre d’une terrasse où il peut – enfin – admirer le spectacle de la nature et de la ville sans autre artifice que celui du paysage même. C’est à partir de cet instant que commence le parcours art contemporain des collections, après, si l’on peut dire, l’immersion dans le réel. Les œuvres que l’on rencontrera alors vont interroger cette dimension. Car de quelle immersion parle‑t‑on exactement ? De manière transhistorique, l’art When the architect 1 in charge of renovating the museum talks about “dialogue with the nous raconte son impossible fusion avec le réel, pre-existing”, he’s thinking about the art and artout en repoussant sans cesse les limites de cette chaeology collections’ possible relationships with fiction. Sur les cimaises du futur musée, les re‑ the external environment. His project is wholly présentations d’Hubert Robert et des peintres devoted to making the connection between oute d’architecture et de ruines du 18 siècle sont des side and inside, in which the architecture mingles 2 scénographies dans lesquelles l’immersion est self‑effacement and shift of focus in its orchestra- Jean-Paul Philippon. Cf. Scénographies, de Dan Graham à Hubert Robert, exposition du musée hors les murs en 2009. 1 2 tion of the visitor’s physical association with this urban site, the landscape and the works. Out of this obsession with transparency springs the utopia of a simultaneous relationship: pictures and vitrines interspaced with big windows and other openings onto the outside, overlaying of exhibits on their site, reproductions of items on the scale of the building, etc. These framings and overlappings are followed by a fresh mise en scène, a spectacular lookout calling for immersion in the landscape, after which the visitor finds himself outdoors on a terrace where he can – at last – enjoy the view of nature and the city via no other artifice than the landscape itself. This is when the tour of the Contemporary Art collection begins: after, you might say, immersion in reality. The works that are waiting call the notion into question: what immersion are we talking about, actually? In transhistorical terms ar t recounts its impossible fusion with reality while endlessly pushing back the boundaries of this fiction. Scheduled for the walls of the future museum, the works of Huber t Rober t and the eighteenth-century painters of architecture and ruins are scenographies 2 in which immersion is an 1 Jean-Paul Philippon. Cf. Scénographies, de Dan Graham à Huber t Rober t, off‑site exhibition presented in 2009. 2 une illusion dévoilée et affirmée, mais aussi une tentation permanente de la peinture : recherche de monumentalité, déploiement, géographies, topologies. C’est précisément cette combinaison des arti‑ fices de la peinture (de l’art), inspirés du réel mais sans pouvoir l’imiter, qui provoque l’immersion et c’est cette question que pose l’exposition éponyme du musée hors les murs : Immersion [Franz Ackermann / Elisabeth Ballet / James Turrell]. Aujourd’hui, pour certains artistes, il ne s’agit plus de confondre l’art avec le réel (utopie de l’art total, des avant-gardes) mais d’explorer la rencontre « inframince » entre les constructions humaines, celles de l’art comme celles du dehors. Dans les années 1960 notamment, les installations d’Arte povera, les environnements du Land art ont explosé les frontières qui séparaient encore l’espace artistique du monde extérieur. Aux États-Unis, les artistes du Light and Space et notamment James Turrell ont inter‑ rogé les limites de l’espace dans lequel le visiteur overt, frankly stated illusion – but also an endurévoluait. Mais, ce faisant, ils ont affirmé la tension, ing temptation for painters in its quest for monuvoire la différence, entre espace réel et espace fic‑ mentality, reach, geographies and topologies. It is tif, indifférents à la représentation et lui préférant precisely this combination of painterly artifices « une pensée sans mot ». (art, we call it), inspired by reality but unable to Lorsqu’en 1967, à Los Angeles, James imitate it, that triggers immersion; and this is the Turrell, Doug Wheeler et Robert Irwin, lancent le question raised by the new off-site exhibition here: Immersion [Franz Ackerman / Elisabeth Ballet / programme de recherche Art-and-Technology James Turrell]. au Pasadena Art Museum, une nouvelle expé‑ rience de la perception est à l’œuvre. Nourris des For some of today’s ar tists the goal is lectures de Maurice Merleau-Ponty, de James no longer this merging of art with the real – the Jerome Gibson et des travaux scientifiques du avant-garde utopia of Total Art – but the exploradocteur Edward Wortz, leur objectif est de donner tion of the “infra-thin” encounter between humanity’s constructions, in art as well as outdoors. In à l’œuvre d’art une dimension plus enveloppante, the 1960s in particular Arte Povera installations plus environnementale, certes plus immersive. and Land Art environments destroyed the borders Or, tout comme Marcel Duchamp, Paul Cézanne separating ar t space from the outside. In the ou Jackson Pollock ont permis à nombre d’artistes United States the Light and Space artists, notably James Turrell, challenged the spatial boundaries the viewer was contained by, but in so doing they brought to light the tension, not to say the difference, between real and fictive space. Indifferent to representation, they preferred “wordless thought ”. When James Turrell, Doug Wheeler and Robert Ir win launched the Art and Technology programme at the Pasadena Art Museum in Los Angeles in 1967, a new experience of perception was taking place. Fuelled by their reading of Maurice Merleau-Ponty and James Jerome Gibson, and by the work of Dr Edouard Wortz, they were out to give the work of art a more enveloping, more environmental and certainly more immersive dimension. And just as Marcel Duchamp, Paul Cézanne and Jackson Pollock enabled many américains de reconsidérer leur propre travail, quel que fût le medium adopté (peinture, sculpture, ins‑ tallation…), les expériences sensorielles du Light and Space, la phénoménologie de Merleau-Ponty, la dislocation radicale de l’art mise en place avec le Land art, ont incité de nombreux artistes, des années 1960/70 jusqu’à aujourd’hui, à penser leur travail autrement (Vija Celmins, Toba Kheedori, Tim Hawkinson, etc.). L’œuvre n’est pas un extrait de la réalité (dont elle s’inspire forcément) ni une illusion de réalité, c’est-à-dire un lieu qui rejouerait l’immersion dans l’environnement extérieur. La peinture, la sculpture sont immersives lorsqu’elles empruntent les principes de l’installation ; l’installation est im‑ mersive sans être banalement interactive lorsqu’elle se nourrit des apports de la peinture, de l’architecture, voire de la sculpture. L’exemple de Franz Ackermann, Elisabeth Ballet et James Turrell est intéressant du point de vue de ce déplacement. Ces trois artistes ont dépassé les limites du cadre, de leur cadre, et pensé l’œuvre comme un phénomène en expansion, d’une formidable densité et ce, quelles que soient ses dimensions – monumentales ou plus intimistes. On observe en effet que la peinture de Franz Ackermann s’est nourrie de l’installation, que la monumentalité des espaces est entrée dans les petits formats puis les grands, que le ta‑ bleau a ainsi pu favoriser l’immersion. On observe que l’installation selon James Turrell – environne‑ ments ou Skyspaces – a pu s’imprégner des quali‑ American artists to reassess their own work in whatever medium – painting, sculpture, installation, etc. – the Light and Space sensory experiments, Merleau-Ponty’s phenomenology, and the radical dislocation brought about by Land Ar t led 60s and 70s artists like Vija Celmins, Toba Kheedori and Tim Hawkinson to do the same. The work of art was neither something extracted from reality (even if necessarily inspired by it), nor an illusion of reality, a locus for replaying immersion in the external environment. Painting and sculpture are immersive when they borrow the principles of the installation; and the installation is immersive, without being tritely interactive, when nourished by input from painting, architecture and even sculpture. Of interest in regard to this shift are the works of Franz Ackermann, Elisabeth Ballet and James Turrell. These three artists have transcended the boundaries of the setting, and of their setting, and considered the work of art as a phenomenon of expansion and remarkable density, whether its scale be monumental or more intimist. We note, for example, that Franz Ackermann’s painting draws on the installation, that spatial monumentality found its way into his small formats, then into the big ones, and that painting has thus worked in favour of immersion. We note, too, that the James Turrell form of installation – environments or “skyspaces” – has taken on tés de la peinture, que les sculptures récentes d’Elisabeth Ballet, qui, préalablement, avaient assimilé les effets propres aux installations et aux œuvres environnementales (celles de Dan Graham par exemple), acquièrent la liberté du dessin, de par leur fluidité et leur occupation de l’espace. On observe, enfin, qu’être dedans, est avant tout l’expérience d’« un sujet qui s’ouvre au lieu », comme le rappelle Georges Didi-Huberman, sans nécessairement et littéralement le traverser physiquement. Franz Ackermann, dont les tableaux s’inspirent du monde extérieur, de ses voyages, des villes parcourues, n’est pourtant pas entré véritablement dans la politique de la représentation. Ses œuvres – mises en scène, fictions, à l’instar des tableaux de paysage et de ruines d’Hubert Robert qu’admire l’artiste – sont des lieux non identifiables, troués d’ouvertures, de perspectives impossibles, d’extraits d’architectures. Elles expérimentent la relation phénoménologique entre le spectateur, le paysage urbain, le voyage, à travers un vocabulaire de formes presque abstraites. La réflexion qu’il porte sur le tourisme, l’urbanisation, le rapport à l’autre vient enrichir son art, basé sur l’expérience sensorielle plus que la conceptualisation. Treibholz (en français, bois flottant), mural conçu pour l’exposition et Terminal Tropical, peinture monumentale évoquant par ses dimensions les panneaux d’affichage d’un terminal d’aéroport, some of the characteristics of painting; and that the recent sculptures of Elisabeth Ballet, whose campent un dispositif frontal autant qu’enve‑ work had already been marked by effects specific loppant. De même, les couleurs explosives, les to installations and environments (those of Dan formes vertigineuses de Terminal Tropical contri‑ Graham, for example) are taking on the freedom buent à une immersion visuelle et physique du of drawing in terms of their fluidity and occupavisiteur, invité aussi à contourner la peinture, à lui tion of space. And lastly we note that being inside faire face ou à chercher au revers une ligne d’ho‑ is above all, as Georges Didi-Huberman puts it, the experience of “a subject opening up to place” rizon composée de petites photographies, tirages without necessarily traversing it. numériques dignes des magazines de tourisme Even so, Ackermann, whose pictures are et des sites internet ; ligne à laquelle l’on se rac‑ inspired by the outside world, his travels and the croche, tout comme ces rondins de bois peints cities he has seen, has not really got involved with the politics of representation. His works – mises en scène and fictions, like the landscapes and images of ruins of Hubert Robert, whom he admires – are unidentifiable places spattered with holes, impossible views and bits of buildings. They test out a phenomenological relationship – between the viewer, the urban landscape and travel – using a vocabulary of near-abstract forms. Based more on sensory experience than conceptualisation, his art is enriched by his consideration of tourism, urbanisation and interpersonal relationships. Treibholz (“Driftwood”), a mural created especially for the exhibition, and Terminal Tropical, a painting whose monumental size suggests the flight information boards in airpor ts, combine frontalit y with envelopment. In the same way Terminal Tropical’s explosive colours and giddying shapes contribute to visual and physical immersion of a viewer also urged to address both sides of the picture, either facing it directly or scrutinising on the back a horizon line made up of little photographs: digital prints worthy of tourist magazines and Internet sites. A line we cling to, as we qui donnent une dimension structurée, moins organique qu’architecturale à l’ensemble. Nos repères vacillent, entre mise à distance et immersion, et les œuvres, aussi monumentales soient-elles, semblent entrainées par Road movie, vers une nouvelle géographie, circulaire, dont la prolifération possible mais maîtrisée éclate soudain avec Smoking & Brillantine, déployée dans l’espace, fragmentée, accidentée. Ces deux sculptures d’Elisabeth Ballet jouent en effet avec l’espace pour mieux se répandre, dans une tension incessante entre le centre et la périphérie, procédé propre à l’abstraction et qui ici constitue aussi, en écho aux itinéraires géographiques et aux lignes ondulantes d’Ackermann, une évocation de la route ou de la marche, voire de la danse. Le rythme répétitif, syncopé, en boucle de Road do to the painted pieces of wood which give the work as a whole a structured aspect that is less movie devient saccadé avec Smoking & Brillantine organic than architectural. As our bearings waver dont les lignes parfois s’affaissent, dessinant des between distancing and immersion the works, creux, des glissements, comme sous l’effet d’une however monumental, seem drawn by Road Movie petite dépression, d’un mouvement du sol qui se towards some new, circular geography whose condérobe. Au contact de la sculpture, l’espace nous trolled potential for proliferation suddenly breaks échappe ou échappe à l’œuvre, il se met comme free in the jagged, fragmented spread of Smoking & Brillantine. à distance malgré l’enchevêtrement des lignes These two sculptures by Elisabeth Balet des vides, de la sculpture et de l’architecture, let make play with space in an endless tension de nos corps embarqués dans ce mouvement. between centre and periphery, a procedure charL’échappée est aussi un terme pictural et de fait, acteristic of abstraction which here – echoing les fenêtres ponctuent l’exposition : Petite dépresAckermann’s geographical itineraries and unsion, un rideau en pongé de soie blanc opalescent dulating lines – of fers an evocation of roads, placé derrière les fenêtres de la façade de l’impri‑ walking and even dance. Road Movie’s repetitive, syncopated rhythm loop goes staccato in Smoking merie, filtre la lumière extérieure, et ondule dou‑ & Brillantine, whose lines sometimes sag, forming cement sous l’effet d’un souffle d’air invisible ; Eye hollows and shifts that give the impression of a shadow (ombre à paupière) projette les ombres small subsidence, of the ground slipping away. de feuillages animés par le vent. Imprégnées de Contact with sculpture sets space fleeing from références au réel (paysage, lumière, atmosphère, us, or fleeing the work, as if taking its distance vent), ces deux œuvres d’Elisabeth Ballet ont aussi despite the tangle of lines and voids, of sculpture and architecture, of our bodies caught up in the une dimension atmosphérique propre à la pein‑ movement. Then there are the windows to be ture, renforcée par le dispositif des fenêtres et found here and there through the exhibition: Petite portes vitrées derrière lesquelles on observe ces dépression, a white, opalescent pongee silk curtain mouvements. Plus qu’un simple cadrage, ces der‑ on the windows of the printery’s facade, filters the nières règlent notre rapport aux œuvres en nous light coming from outside as it undulates gently in tenant à distance, tandis que le rideau et la vidéo some undetectable draught; Eye Shadow projects images of foliage moving in the wind. Imbued plongent la salle dans une ambiance diffuse. with references to reality – landscape, light, atmosphere, wind – these two works by Ballet also have an atmospheric dimension characteristic of painting, one enhanced by the arrangement of windows and glass doors behind which these movements are observed. Functioning as more than just frames, these doors and windows govern our relationship with the works by keeping us at a distance, while the curtain and the video fill the room with a diffuse ambience. Plutôt qu’elles ne provoquent une immersion totale pour le visiteur, les œuvres exposées semblent absorber, contenir et modifier l’espace par leur présence. Pink Mist de James Turrell repose sur la tension entre la sensation d’enveloppement créée par ce brouillard rose et le rapport à la frontalité provoqué Rather than generating total immersion par la présence de l’aperture . Le principe de cette for the visitor, these works seem, by their presfenêtre renforce l’illusion. L’espace se fond dans ence, to absorb, contain and modify the space. la lumière qui, par sa densité, devient matière. James Turrell’s Pink Mist hinges on the Commentant les premiers travaux de James Turrell, tension between the sensation of envelopment le critique d’Artforum, Philip Leider, observait déjà engendered by the mist and the relationship with cette dissolution, propre d’ailleurs selon lui au frontality generated by the aperture. The underlying principle of the window enhances the illusion. minimalisme californien. Mais si « le cube s’est dis‑ The space blends into a light transformed into sout dans le phénomène », l’expérience de ce phé‑ matter by its density. Discussing Turrell’s early nomène repose sur une architecture bien tangible work at the time, Artforum critic Philip Leider noted (ici, 100 m2), aux réglages invisibles et précis. C’est this dissolving, which he saw as characteristic of cette géométrie imparable qui permet l’oscillation Californian Minimalism. But if “the cube dissolves entre la sensation d’un espace infini, d’être dedans, into the phenomenon”, our experience of the phenomenon depends on a very tangible physimais aussi d’être face à un obstacle quasi minéral, cal structure – 100 square metres in this case une épaisseur, celle de l’art, promesse d’une expé‑ – defined by precise, invisible settings. It is this rience inimitable. flawless geometry that enables an oscillation between the sensation of infinite space, of being enveloped, but at the same time of being confronted with a near-mineral obstacle, a solidity – that of art – which promises an inimitable experience. L’absent le plus en vue Le spectre de la peinture chez James Turrell Matthieu Poirier Matthieu Poirier est historien de l’art contemporain et a enseigné à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), à l’École régionale des Beaux-arts de Rouen ainsi qu’à l’École européenne supérieure de l’image d’Angoulême. Critique d’art et commissaire, il est notamment consultant pour Der Spiegel et a organisé les expositions Landscope. Le paysage et le dessin contemporain (2007) pour la galerie Thaddaeus Ropac à Paris et Salzbourg, Le monochrome sous tension (2011) à la galerie Torna‑ buoni Art à Paris. Avec Arnauld Pierre, il dirige actuellement le recueil Perspectives perceptives. L’art optique et cinétique sous observation aux Presses universitaires de Paris-Sorbonne et a ré‑ cemment contribué au catalogue de l’exposi‑ tion François Morellet. Réinstallations (2011) au Centre Georges Pompidou. The Most Notable Absentee James Turrell and the Spectre of Painting Matthieu Poirier Contemporary art historian Matthieu Poirier has taught at Paris IV University (Paris-Sorbonne), the School of Fine Arts in Rouen and the European School of the Image in Angoulême. Also an art critic and curator, he is a consultant for Der Spiegel, and organised the exhibitions Landscope: Landscape and Contemporary Drawing at the Galerie Thaddaeus Ropac in Paris and Salzburg (2007), and Le Monochrome sous Tension at Tornabuoni Art in Paris (2011). With Arnauld Pierre he is currently editing the collection Perspectives perceptives. L’art optique et cinétique sous observation, and recently contributed to the catalogue for the exhibition François Morellet: Reinstallations at the Pompidou Centre (2011). Un individu peut se trouver qualifié d’« absent le plus en vue » quand sa présence est assurée non plus physiquement mais par le biais de signes, échos ou autres évocations, a fortiori élogieuses, de son existence. Cette figure, rhétorique, de l’oxymore – qui consiste à associer deux notions incompatibles afin d’en amplifier l’effet –, s’applique à de nombreux égards aux apparitions géométriques qui peuplent les Space Division Pieces amorcées par James Turrell en 1976 1. Sur un plan strictement matériel, la plupart des œuvres de cette série se présentent comme des enclaves dans l’espace d’exposition, des environnements autonomes. En règle générale, après avoir emprunté un sas ou un couloir qui le plonge dans la pénombre, le spectateur découvre un rectangle lumineux qui semble flotter sur le mur opposé de la salle. Cette forme colorée, de taille variable, est en fait une ouverture ménagée dans une cloison verticale qui divise l’espace en deux sections. Si la première de ces sections, celle de l’observateur, de‑ meure dans l’obscurité, la seconde, inaccessible physiquement, est baignée d’une lumière uniforme dont la source (des tubes fluorescents colorés) nous est dissimulée par la cloison. Sur cette jonction qu’est l’aperture repose en fait un dialogue spécifique entre ces deux espaces ; d’une part celui dans lequel évolue le corps percevant du spectateur et, d’autre part, celui propre au champ coloré – ou champ de vision. En effet, appelée en renfort perceptif, la main, que l’on pense un instant pouvoir poser sur un écran, passe à travers l’ouverture : l’apparition, si Someone can be described as “the most elle persiste visuellement, se dérobe au toucher. notable absentee” when his presence is estabDénuée de matière tangible, elle se constitue en lished no longer in physical terms, but via signs, pure présence. Je relie le présent article à la formule de « néant à la présence insistante » énoncée par l’historienne de l’art Rosalind Krauss à propos de l’artiste et du mouvement Light and Space (Voir « Overcoming the Limits of Matter : On Revising Minima‑ lism », dans James Leggio et Susan Weily (dir.), Studies of Modern Art, n° 1, New York, Museum of Modern Art, 1991, p. 123-141.) 1 echoes and other evocations – a fortiori eulogistic – of his existence. This use of the oxymoron – a rhetorical device consisting in intensifying an effect through the association of two contradictory concepts – is pertinent in many respects to the geometrical apparitions which inhabit the Space Division Pieces James Turrell began in 1976.1 In strictly material terms most of the works in this series are presented as enclaves – autonomous environments – in the exhibition space. Most often the viewer enters an airlock or a corridor that plunges him into a half-light, then comes upon a luminous rectangle apparently floating on the opposite wall. Of variable dimensions, this coloured shape is in actuality an opening cut into a vertical partition that divides the space into two sections. While the first of these – the one the viewer is in – remains in darkness, the second, which is physically inaccessible, is bathed in a uniform light coming from coloured fluorescent tubes hidden behind the partition. At the junction point – the aperture – a specific dialogue is going on between the two spaces: between the one containing the viewer’s perceiving body and the other one, belonging to the coloured field – or field of vision. And when called upon for perceptual backup, the hand the viewer momentarily thinks he can place on a screen passes through the opening: the apparition persists visually, but eludes the sense of touch. Devoid of material tangibility, it exists as pure presence. 1 This article ties in with Rosalind Krauss’s allusion to “the nothing that is insistently there” in her discussion of Turrell and the Light and Space movement. Cf. Rosalind Kraus, “Overcoming the Limits of Matter: On Revising Minimalism”, in James Leggio and Susan Weily (eds.), Studies in Modern Art: American Art of the 1960s, New York, Museum of Modern Art, 1991, pp. 123–41. Ces figures fantomatiques, dont l’existence dépend de cette précise scénographie pensée par Turrell, font glisser l’oxymore évoqué précédemment du plan rhétorique au plan phénoménologique. La présence spectrale, immatérielle et désincarnée, que la psychanalyse envisage comme fantasme du corps d’un défunt par un esprit endeuillé, s’avère ici minimale en terme d’image et de forme, mais maximale en terme d’effet – selon la logique perceptuelle du plus by minus ou encore celle d’une tension, souvent évoquée par Josef Albers, entre le fait physique et l’effet psychique. Dès lors, l’observateur n’a plus conscience du dispositif matériel – architectural – pourtant conséquent sur lequel repose la mise en scène de cet élément impalpable, spectral, qu’est la lumière. Dans l’Œil et l’esprit, Maurice Merleau-Ponty a souligné la nature fantomatique d’un tel médium : « La lumière, l’illumination, l’ombre, les réflexions et la couleur […] ne sont pas des entités réelles dans le véritable sens du terme : comme les fantômes, elles existent seulement visuellement. Oui, elles se situent au seuil de la vision quotidienne, et ne sont en général pas vues. » 2 Cependant, nul ne saurait aborder plus avant les modalités perceptuelles et les intentions d’un tel fantôme sans rechercher l’identité du défunt dont il est la manifestation. Les nombreux commentateurs de l’œuvre de Turrell ont souvent souligné l’importance de sa Californie natale, mis l’accent sur son climat, ses These spectral forms, whose existence horizons ouverts et la texture de sa lumière. Ils hinges on the precision of Turrell’s scenography, ont aussi noté la passion très ancienne de l’artiste displace our oxymoron from the rhetorical to the phenomenological plane. Considered by psychoanalysis as a fantasising of the body of a dead person by a grieving mind, this spectral, immaterial, disembodied presence stands revealed here as minimal in terms of image and form, but maximal in terms of effect – in line with the perceptual logic of “plus by minus” or the tension often mentioned by Josef Albers between physical fact and psychic effect. From here on in the viewer is no longer conscious of the – nonetheless substantial – material and architectural structure which the presentation of the impalpable, spectral element that is light depends on. In Eye and Mind Maurice Merleau-Ponty stresses the ghostly nature of this kind of medium: “Light, lighting, shadows, reflections, colour…are not altogether real objects; like ghosts, they have only visual existence. In fact they exist only at the threshold of profane vision; they are not seen by everyone.” 2 Nonetheless, one cannot go deeper into the perceptual modalities and the intentions of a ghost like this one without seeking the identity of the dead person of which it is a manifestation. Turrell’s many commentators often stress the importance of his native California, with its climate, its vast horizons and the texture of its light. They have also noted the artist’s longstanding passion for flying and his relationship with Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit, Paris, Gallimard/ Folio, 1985. 2 2 Maurice Merleau-Ponty, Eye and Mind, trans. Carleton Dallery, in James M. Edie, The Primacy of Perception, Chicago, Northwestern University Press, 1964, p. 166. Yves Klein, Monochrome IKB 3, 1960 Pigment pur sur résine synthétique et toile marouflée sur bois Pure pigment on synthetic resin, with canvas mounted on wood H. 199 x L. 153 cm © Collection Centre Pompidou, Dist. RMN / Adam Rzepka © ADAGP, Paris 2011 Fig.1 pour l’aviation, son rapport à la religion 3 et aux sciences cognitives 4, mais peut-être trop souvent éludé le lien direct qu’entretiennent certaines œuvres de l’artiste à l’histoire de la peinture, comme par exemple le tableau monochrome ou le tableau de paysage, aussi bien en tant que notions historiques qu’en tant qu’objets. En effet, à quelques rares exceptions près, les apertures envisagées ici correspondent, par leur contour orthogonal et horizontal et par leurs proportions, au format pictural classique dit de « paysage ». De même, leur champ visuel n’offre au regard qu’une nuée de couleur pure – un « monochrome » – dont la qualité atmosphérique inscrit Turrell dans la continuité de paysagistes comme William Turner, Claude Monet ou encore Georges Seurat qui ont, chacun à leur manière, contribué à rendre compte de la disso‑ lution vibrante des espaces aériens ou encore maritimes. Mais pour Turrell, marqué par l’exemple d’Yves Klein 5/Fig.1, le pigment n’est plus fixé sur un objet. La couleur n’est plus pigmentaire, elle est pleinement Nombre d’artistes minimalistes californiens du courant Light and Space comme Turrell tournent le dos au matérialisme athée que l’on associe volontiers au minimalisme de la côte Est ou encore aux courants perceptuels européens (ar t optique et cinét ique). Trè s proche s géographiquement de l’Orient , c’est le bouddhisme zen ou d’autres philosophies méditatives orientales qui emportent alors leur adhésion. À contre-pied de l’entertainment hollywoodien, Turrell dit ainsi vouloir inscrire ses œuvres dans la lignée des vitraux des cathédrales médiévales. De confession Quaker, il est par ailleurs l’artiste du Light and Space qui associe le plus nettement la lumière, le vide et l’abs‑ traction en art à une plénitude spirituelle, mystique et religieuse, rejoignant ainsi les semblables préoccupations théosophiques de Piet Mondrian, rosicruciennes d’Yves Klein ou encore boudd‑ histes de Tania Mouraud ou Wolfgang Laib. 4 Craig Adcock, James Turrell. The Art of Light and Space, University of California Press, Berkeley ; Oxford, 1990. Avec son aîné l’artiste Robert Irwin, grâce au programme « Art and Tech‑ nology » (1967-71) du Los Angeles County Museum of Art, Turrell a collaboré avec le psychophysiologue Edward Wortz, pionnier du biofeedback, afin d’étudier les interactions entre l’activité mentale et les fonctions physiologiques. 5 L’exposition de nombreuses toiles monochromes YKB de Klein, à l’influente Dwann Gallery de Los Angeles en 1961, n’a pu que marquer le milieu artistique dans lequel évolue le jeune Turrell les cinq années qui précèdent ses premières expérimen‑ tations sur la dématérialisation monochrome au Mendota Hotel à Ocean Park. Notons que si Klein développait essentiellement des formats verticaux, le basculement opéré par Turrell, précisé‑ ment, fait sens en ce qu’il substitue, à la verticalité de la figure, l’horizontalité paysagère du champ. 3 religion 3 and the cognitive sciences, 4 but have perhaps too often skipped the direct link between some of his works and the history of painting: the monochrome and the landscape, for example, both as historical concepts and as objects. A very few exceptions aside, Turrell’s apertures match, in their right-angle horizontality and their proportions, the classical landscape format. Similarly their visual field offers the eye no more than a mist of pure colour – a “monochrome” – whose atmospheric quality situates Turrell in the tradition of landscape painters like Turner, Monet and Seurat, each of whom made his personal contribution to the description of the vibrant dissolving of aerial and marine spaces. But for Turrell, influenced as he was by Yves Klein, 5/Fig.1 the pigment is no 3 Like Turrell, a number of Californian Minimalists of the Light and Space persuasion have turned their backs on the atheistic materialism readily associated with East Coast Minimalism and such European perceptual currents as Optical and Kinetic art. Very close geographically to the Orient, they subscribe to Zen Buddhism and other meditative Eastern philosophies. Hostile to Hollywood-style entertainment, Turrell has said he sees his work as part of the medieval cathedral stained-glass tradition. Himself a Quaker, he is the Light and Space artist who most overtly associates light, emptiness and abstraction in art with a spiritual, mystical and religious plenitude; in this he echoes the theosophical concerns of Piet Mondrian, the Rosicrucianism of Yves Klein and the Buddhist leanings of Tania Mouraud and Wolfgang Laib. 4 Cf. Craig Adcock, James Turrell: The Ar t of Light and Space, Berkeley/Oxford, University of California Press, 1990. With older artist Robert Irwin, Turrell joined the “Art and Technology” programme at the Los Angeles County Museum of Art in 1967–71, and collaborated with biofeedback pioneer Edward Wortz on a study of the interaction between mental activity and physiological functions. 5 Klein’s extensive YKB monochromes exhibition at the influential Dwan Gallery in Los Angeles in 1961 could not have failed to leave its mark on the art circles the young Turrell moved in for five years prior to his early experiments with monochrome dematerialisation at the Mendota Hotel in Ocean Park. It should be noted that where Klein worked mostly with vertical formats, the shift effected by Turrell is highly meaningful in that it replaces the verticality of the figure with the landscape-inflected horizontality of the ground. impalpable et flotte dans l’espace indistinctement, c’est à dire sans relation définie aux objets : « L’air dans l’espace semble physiquement chargé de lumière colorée et semble venir tout contre vos yeux» 6 , précise l’artiste. Ce phénomène, même s’il s’y rapporte en de nombreux points, outrepasse la notion d’afterimage ou persistance rétinienne. « Image survivante », mais dans un sens davantage phénoménologique que celui, mnésique, pensé par l’historien de l’art Georges Didi-Huberman 7. En effet, le tableau persiste chez Turrell, mais sous la forme en creux d’une silhouette, tout autant expurgée de sa composition interne qu’elle est intensifiée sur un plan sensoriel. Dans le contexte de l’art des années 1960, cette entité survit aussi grâce au périmètre qu’elle définit. Cette donnée, tout aussi essentielle que paradoxale, est éga‑ lement assimilée par l’artiste Fred Sandback Fig.2 . longer attached to an object. No longer pigmenGrâce à quelques fils colorés, simplement tendus tary, colour has been rendered totally impalpable entre différentes parois (sol, mur ou plafond) d’un and floats nebulously – i.e. without any definite lieu d’exposition donné, cet autre minimaliste relationship to objects – in space: “The air in the contrarié avait défini les frontières d’un champ iné‑ space,” Turrell says, “seems physically charged dit de vision – une aperture, à nouveau. Chez lui, with coloured light and to come right up against ce champ s’avère non seulement libéré de la figure your eyes.” 6 Despite the many correlations, this pheou de tout objet fixant par trop l’attention, mais nomenon goes well beyond the notion of afteril se montre également dénué de plan, de contenu image or retinal persistence. This is a “surviving qui lui appartiendrait en propre. Au delà de cette image”, but in a sense more phenomenological similarité, chez Turrell, il est toutefois question than the mnesic one proposed by Georges DidiHuberman.7 The picture lives on in Turrell’s work, but in the indirect form of a silhouette as compositionally void as it is sensorially saturated. In the context of the art of the 1960s this entity also survived thanks to the perimeter it defined – a given as crucial as it was paradoxical, and which was also grasped by artist Fred Sandback Fig.2: with just a few coloured threads stretched between different surfaces – floor, wall, ceiling – of an exhibition venue, this other thwarted Minimalist had defined the boundaries of a new field of vision: once again, an aperture. Here the field was not only liberated from the figure or any other over-assertive object, it also lacked any plane, any content that might be specifically its own. Looking beyond this similarity, in Turrell’s case we are also faced with optical im- d’une immersion optique au sein d’un champ de couleur vibrant et illimité, qui génère chez le sujet per‑ cevant une sensation physique et temporelle du sublime. Incidemment, une telle propriété correspond au souhait de Mark Rothko Fig.3 préconisant, par exemple, une distance réduite entre ses toiles et les spectateurs afin d’accroître le sentiment d’immersion, et prouvant par là même son souhait de dissocier ses travaux du monde des objets. Ainsi, chez Turrell, l’œuvre ne se contente pas de l’immatérialité ; elle se fait gouffre vertical, précisément en ce qu’elle abîme non seulement l’œil mais aussi tout le corps de l’observateur. En effet, le champ de couleur, dépourvu du moindre élément fixe qui permettrait au regard de s’ancrer dans l’es‑ pace, rayonne vers l’œil au moins autant qu’il l’aspire et le conduit à s’égarer en son sein. D’autres artistes contemporains ont fondé nombre de leurs œuvres sur ce principe de l’oxymore perceptuel, autrement dit d’une tension entre présence et absence. C’est par exemple le cas de l’Italien Francesco Lo Savio, avec la série des Spazio-Luce entamée en 1959. mersion in a vibrant, limitless field of colour which Toujours à la limite de la monochromie, ces toiles, generates a physical and temporal sensation of peintes à l’huile ou à la résine synthétique, si elles the sublime in the perceiving subject. In passdiffèrent bien sûr de Turrell en termes de tech‑ ing, this fits with Mark Rothko’s Fig.3 demand for a nique et de support, mettent elles aussi à mal les reduction in the distance between his canvases conditions habituelles de la discrimination visuelle and the viewer, so as to intensify the feeling of imentre fond et forme, laissant l’observateur en ape‑ mersion – proof of his urge to dissociate his works from the realm of objects. In the Turrell oeuvre, then, the work does not simply settle for immateriality: it turns into a vertical chasm, engulfing not just the observer’s eye but his entire body. Stripped of the least fixed element which might give the eye a point of anchorage, the radiant colour ground attracts the gaze at least as much as it sucks it in and causes it to lose itself. Numerous other Contemporary artists have based works on this principle of the perceptual oxymoron, of what could be called a tension between presence and absence. One example is the Italian Francesco Lo Savio and the Spazio-Luce series he began in 1959. Perpetually verging on the monochrome, these canvases painted in oils or synthetic resin obviously differ from Turrell’s work in terms of medium and suppor t, but at the same time they sabotage the usual conditions for a visual distinction between form and content, and leave the viewer weight- James Turrell, James Turrell : The Other Horizon, cat. expo., MAK, Vienne, p. 123. 7 Georges Didi-Huberman, L’image sur vivante : histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Les Éditions de Minuit, Paris, 2002. 6 6 Quoted in Peter Noever (ed.), James Turrell: The Other Horizon, exh. cat., MAK Vienna / Hatje Cantz, 2001, p. 123. 7 Georges Didi-Huberman, L’image survivante: histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Les Éditions de Minuit, Paris, 2002. Fred Sandback, Sans titre (Polygon), 1975 Fil acrylique rouge / Red acrylic thread H. 112 cm, dimensions variables / Variable dimensions Édition de 3. Courtesy Galerie Nelson-Freeman, Paris Photographie Florian Kleinefenn Fig.2 Fig.3 Mark Rothko, Untitled (Black, Red over Black on Red), 1964 Huile sur toile / Oil on canvas. H. 205 x L. 193 cm, © Collection Centre Pompidou, Dist. RMN / Philippe Migeat © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko - ADAGP, Paris 2011 santeur. Pour l’artiste belge Ann Veronica Janssens Fig.4, il est aussi question de générer une tension entre fini et non-fini, de produire un battement perceptuel entre les formes simples de la Gestalt, immédiate‑ ment accessibles à la perception, et leur paradoxal évanouissement. Son œuvre intitulée Espace infini propose une autre lecture du monochrome comme champ de vision ramené à sa pureté originelle, ceci sur le principe du cyclo, initié dans les studios photographiques 8 : le spectateur, placé au seuil de l’œuvre, sorte de boîte de grande dimension qui nous présente son ouverture, fait l’expérience de l’effet Ganzfeld (de l’allemand « champ plein »), que Turrell fut par ailleurs un des premiers artistes à explorer, ceci dès la fin des années 1960, pour être approfondi et adapté plus tard par d’autres personnalités telles qu’Anish Kapoor. Ainsi, dans tous les cas précédemment évoqués, et quelles que soient les modalités et finalités de chacun, l’essentiel du propos esthétique repose sur la radiation spatiale de la lumière, sa palpitation moléculaire et son instabilité d’état ; de telles qualités faisant de cette forme fantomatique un objet hautement phénoménologique et sensible. En définitive, pour ces artistes, il s’agit autant de faire dispa‑ raître l’objet que de le constituer, structurellement less. For Belgian artist Ann Veronica Janssens Fig.4 et conceptuellement, à partir de ses modalités the aim is also to generate a tension between the mêmes d’appréhension. finite and the non-finite, to produce a perceptual flutter between the simple, immediately perceptually available forms of the Gestalt and their paradoxical vanishing. Using the principle of the photography studio cyclo wall, 8 her Espace infini (“Infinite Space”) offers a different reading of the monochrome as a field of vision brought back to its original purity: at the threshold of the work, a kind of large box with its opening facing outwards, the spectator experiences the Ganzfeld (German: “complete field”) effect which, as it happens, Turrell was one of the first to use in the late 1960s, and of which more sophisticated versions were later developed by artists including Anish Kapoor. So in all the cases mentioned above, whatever their modalities and purposes, the aesthetic crux is light: its spatial radiation, its molecular agitation and its instability, factors which render this ghostly shape highly phenomenological and sensitive. In the final analysis, these artists are out not so much to make the object disappear, as to shape it, structurally and conceptually, on the basis of its actual modes of apprehension. 8 Le « cyclo » est un dispositif dans lequel tous les angles sont arrondis afin de supprimer les ombres qui, en modelant l’espace définissent ses limites spatiales. Le fameux Projet de cénotaphe à Newton Fig.5 , pensé par l’architecte Étienne-Louis Boullée, pourrait enfin venir à l’esprit de l’observateur. Hormis son échelle gigantesque et son caractère cos‑ mogonique, qui l’apparentent d’emblée au Gesamtkunstwerk de Turrell qu’est le fameux Roden Crater Project, l’utopie de l’architecture néoclassique permet de penser chacune des Space Division Pieces comme l’émouvante sépulture non plus celle d’un être humain – voire d’une divinité – mais d’une certaine peinture. En effet, véritables memento mori, les Here French architect Étienne-Louis Bouldispositifs de l’artiste posent les conditions de la lée’s legendary Project for a Cenotaph for Newton survivance spectrale de cet objet, autant qu’ils Fig.5 might spring to mind for the viewer. Apart from permettent de penser l’aura de façon autonome, the gigantic scale and cosmogonic character that c’est-à-dire comme un halo libéré de son objet. immediately relate it to the Gesamtkunstwerk Pas plus tableau qu’environnement, une Space that is Turrell’s famed Roden Crater Project, this Division Piece dispose d’une dimension architec‑ Neoclassical utopia can evoke each of the Space Division Pieces as the poignant tomb not of a huturale, voire environnementale, et se fait dispositif man being – or even of a deity – but of a certain de vision, bien sûr en tant que sens physiologique, kind of painting. These veritable memento mori lay mais aussi dans le sens d’« avoir une vision », une down the conditions for the spectral survival of capacité mystique d’ouverture sur l’irréel. Chez their object, just as they enable us to see the aura Turrell, ce feuilletage de l’espace et du temps s’im‑ as something autonomous, which is to say as a pose, paradoxalement, comme la condition même halo freed of its object. No more a picture than an environment, a Space Division Piece nonetheless de la vitalité sensorielle et mémorielle de l’œuvre : possesses an architectural, even environmental jamais fantôme n’a paru plus vivace et plus évo‑ dimension and becomes a system for vision: in cateur. Charles Baudelaire n’envisageait d’ailleurs the physiological sense of “seeing”, of course, pas différemment le rôle du spectre quand il abor‑ but also in the sense of “having a vision” – of a dait « les phénomènes surnaturels, tels que les ap‑ mystical capacity for receptiveness to the unreal. paritions de fantômes, les revenants, etc., comme In the Turrell oeuvre this foliation of space and time paradoxically compels recognition as the des manifestations de la volonté divine, attentive necessary precondition for the work’s sensory and à réveiller dans l’esprit de l’homme le souvenir recollective vitality. Never has a ghost seemed des réalités invisibles » 9. Charles Baudelaire, « Poème du haschisch. Le goût de l’infini », Les Paradis artificiels, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1860, p. 6. 9 more alive and evocative. And this is exactly how Charles Baudelaire saw the role of the spectre when he wrote of “supernatural phenomena such as ghosts and spectres, etc., as the manifestation of a divine will vigilantly endeavouring to awaken in man’s mind the memory of invisible realities.” 9 9 Charles Baudelaire, “The Poem of Hashish, I”, in Artificial Paradises, trans. Stacy Diamond, New York, Citadel Press, 1996, p. 32. 8 The cyclo wall is a device that allows for elimination of all the shadows that shape space and thus define its boundaries. Ann Veronica Janssens, Espace infini, 1999 Plâtre et bois / Plaster and wood. H. 110 x L. 126 x P. 70 cm Courtesy Galerie Marie-Puck Broodthaers © ADAGP, Paris 2011 Fig.4 Fig.5 Étienne-Louis Boullée, Projet de cénotaphe à Newton, 1784 © Bibliothèque nationale de France Court-circuit Philippe-Alain Michaud Philippe-Alain Michaud est conservateur chargé de la collection des films au Centre Pompidou. Il est l’auteur de Aby Warburg et l’image en mouvement (1998), Le peuple des images (2002), Sketches. Histoire de l’ar t, cinéma (2006) et de nombre d’articles consacrés à la place et à la fonction du film dans le système des arts contemporains. Il a été commissaire des expositions Comme le rêve le dessin (2004), Le mouvement des images (2006), Images sans fin. Photographies et films de Constantin Brancusi (2011), au Centre Pompidou ; mais également de Nuits électriques à la maison de la photographie à Moscou (2010) et de Tapis Philippe-Alain Michaud is Chief Film Curator at the volants à la Villa Médicis à Rome (2011). Centre Pompidou. He is the author of Aby Warburg Short Circuit Philippe-Alain Michaud and the Image in Motion (2004), Le peuple des images (2002), Sketches. Histoire de l’art, cinéma (2006) and numerous articles on the place and func tion of f ilm in the contemporar y ar ts. He curated the exhibitions Dreaming and Drawing (2004), The Movement of Images (2006) and Images without End: Photographs and Films by Constantin Brancusi (2011) at the Centre Pompidou, as well as Electric Nights at the Moscow House of Photography (2010) and Flying Carpets at the Villa Medici in Rome (2011). Smoking & Brillantine, 2011 Dimensions variables Acier La sculpture se compose de lignes sinueuses réalisées d’après un dessin aléatoire reporté sur un fer plat de quarante millimètres de large par quinze d’épaisseur, monté sur des pieds en fer carré de trente par trente millimètres. Les lignes sont divisées en vingt sept segments indépendants et permu‑ tables, différant les uns des autres par la couleur (quatorze couleurs franches ont été utilisées), la hauteur, la longueur et le tracé. « Au début j’ai dessiné un ensemble de lignes divergentes qui devaient s’assembler toujours de la même façon en une sculpture dont la forme finale ne varierait jamais. Puis j’ai réalisé une maquette pour en fixer la hauteur, la largeur, l’épaisseur et la couleur. L’idée de la sculpture naît chez moi avec la fabrica‑ tion méthodique d’un ensemble de maquettes en carton : le découpage, le collage et la colorisation me permettent de voir la pièce en trois dimensions. Je voulais que cette sculpture garde un caractère aléatoire et non-fixé, qu’elle ne se fige pas en une forme prescrite par un plan de montage déterminé. J’ai com‑ mencé à dissocier les lignes jusqu’à démanteler entièrement l’ensemble : chacune des lignes du The sculpture is made up of the sinuous lines of a random drawing, transferred onto flat dessin, dont parfois je ne retenais qu’un fragment, pieces of metal 40 mm wide and 15 mm thick, and est devenue un élément distinct auquel j’ai ajouté, standing on metal legs 30 mm square. The lines en passant à l’échelle réelle, un support d’une hau‑ are divided into 27 independent, interchangeable teur spécifique et une couleur tranchée. Je voulais segments, all different in terms of their 14 bold construire une pièce libérée des contraintes colours and their height, length and contours. formelles usuelles de la sculpture et qui s’oppose “I started out by drawing a group of diverging lines that were supposed to always come aux sculptures précédentes Road Movie et Flying together in the same way, as a sculpture whose Colors Fig.1 qui s’assemblent « au millimètre » et dont final shape would be invariable. Then I made a le dessin impose une orientation précise dans l’es‑ model to get the height, width, thickness and pace. J’avais envie d’une sculpture en mouvement, colour right. The idea for a sculpture comes to un peu à la manière des morceaux de fils coupés me with the methodical putting-together of a qu’une couturière aurait laissés éparpillés sur une group of cardboard models: the cutting-up, gluing and colouring let me see the piece in three table après un démontage. » dimensions. I wanted this one to have a random, non-f ixed shape, and not a preordained form dictated by the assembly process. I began by dissociating the lines and ended up dismantling the whole thing: each line from the drawing – in some cases I only kept a fragment – became a separate component; then I moved on to the full-size work, adding a stand of a specific height and a powerful colour. I wanted to make a piece free of the standard sculptural constraints and different from the earlier Road Movie and Flying Colors Fig.1, which fit together with absolute precision and call for a specific spatial orientation. I wanted a sculpture that moved, a little like the scraps of thread a seamstress leaves scattered on a table after unpicking a garment.” Smoking & Brillantine, 2011 Dimensions variable Steel Fig.1 Elisabeth Ballet, Flying Colors, 2010 Aluminium laqué / Painted aluminium. H. variable x L. 346 x P. 1460 cm Installation Musée Bourdelle. © Elisabeth Ballet Pour dénouer cet écheveau de fils dont se constitue littéralement Smoking & Brillantine, il faut revenir loin en arrière, à une pièce de 1988, Emmanuelle Fig.2, dans laquelle une ligne aléatoire montée sur des barreaux de bois enduit se trouvait transformée en barrière ondulante et fluide : d’un côté, l’idée de la limite et du no man’s land où s’annonçait le thème récurrent dans la sculpture d’Elisabeth Ballet de la spatialité close dont la cage circulaire de Trait pour trait Fig.3 reste l’archétype ; de l’autre, le défilement d’une ligne interminable et sinueuse, une image de route, dont Eyeliner Fig.4, Road Movie puis Flying Colors déclineront le motif jusque dans ses connotations filmiques, avant que Smoking & Brillantine… ne vienne le nouer sur lui-même, l’enchevêtrer et le bousculer. La première des « Road Pieces », Eyeliner, est un long ruban constitué de cinq bandes de caout‑ chouc représentant une route, avec les marquages au sol blanc sur noir, qui se déploie souplement To untangle the threads Smoking & Brillantine (“Tuxedo and Brilliantine”) is quite literally dans l’espace, comme pourrait le faire une pièce made up of, we have to go back a long way: to the de tissu à moitié déroulée. « Chaque fois que je 1998 piece Emmanuelle Fig.2, whose random line on déroule les bandes de caoutchouc, la sculpture wooden uprights turns into a fluid, snaking barrier. prend un nouvel aspect. Dans mes préconisations On the one hand there was the idea of a boundary j’indique l’espace nécessaire minimum à son and a no man’s land, signalling a recurring theme installation, je note qu’elle ne doit pas être posée in Elisabeth Ballet’s sculpture: the spatial enclosing of which the circular cage of Trait pour trait contre un mur, on doit pouvoir tourner autour. » (“Line for Line”) Fig.3 remains the archetype. On the Road Movie, ‘film de route’ ou ‘se dérou‑ other was the unfolding of an interminable, meanlant sur la route’, épouse la structure circulaire des dering line – a road image – that Eyeliner Fig.4, Road échangeurs routiers : « Neuf lignes de couleurs dif‑ Movie and Flying Colors detailed right down to its férentes ondulent irrégulièrement puis s’étirent en filmic connotations; until Smoking & Brillantine formant un large tourbillon, et ressortent de l’autre came along to knot and tangle and shake it up. côté à peine modifiées. Des lignes, des routes, des Eyeliner, the first of her “Road Pieces”, is a long ribbon, five strips of rubber – a black road niveaux topographiques, on pense à tout cela en with white markings – unfolding a bit like a bolt même temps. [On pense aussi à de la peinture qui of cloth: “Every time I unroll the rubber strips the coule, à une bobine de fil qui se dévide]. La sculp‑ sculpture looks different. In my instructions I inditure est supportée par une multitude de montants cate the minimum space the installation requires en aluminium peints en blanc ; on peut se glisser and mention that it should not be placed against a dessous, et avoir l’impression d’être emporté dans wall: you have to be able to move around it.” Road Movie adopts the circular structure le mouvement. » Enfin, Flying Colors évoque la persistance du tracé que laissent les feux arrière des automobiles roulant côte à côte sur une voie rapide la nuit sur de la pellicule ultra-sensible : « Seize lignes rouges de douze mètres de long et quinze autres de couleur jaune de six et douze mètres se suivent et se poursui‑ vent. Les barres parallèles jaunes sont placées en dessous, ou à côté des barres rouges, puis toutes sont cintrées provoquant un virage élargi à gauche de l’axe central bien marqué par un alignement strictement régulier. Cette disposition des lignes est brouillée Lastly comes Flying Colors, with its sugpar le déplacement du spectateur selon qu’il se gestion of the parallel tracks left on film by the trouve à un point ou à un autre de la sculpture ou tail-lights of cars on a freeway at night: “Sixteen sur le côté : les barres sont étroites et épaisses red lines 12 metres long and fifteen yellow ones (vingt cinq millimètres d’épaisseur par cinquante 6 and 12 metres long, following and pursuing de hauteur), aussi, dès qu’il se décale de l’axe each other. The parallel yellow bars are placed central de la sculpture, il voit s’épaissir les cou‑ underneath, or beside the red ones, then the whole thing is bent to form a wide, regular, strictly leurs rouges et jaunes plus ou moins visibles. » À la aligned curve around the main axis. The arrangesortie du virage qu’épousent les lignes de couleur ment of the lines is shuffled by the viewer’s moveparallèles, la sculpture s’interrompt brusquement, ment, depending on the point he is at along the comme un tronçon découpé dans l’anneau d’un length of the work and whether he is looking at it circuit. from above, below or the side. The bars are narrow and deep – 25 mm x 50 mm – and as the viewer moves away from the main axis the red and the yellow become thicker and more or less visible.” Emerging from the bend followed by the parallel lines of colour, the sculpture comes to an abrupt halt, like a section cut out of an electrical circuit. of freeway interchanges: “Nine different-coloured wiggly lines stretch into the distance, form a broad vor tex, and then emerge beyond it all but unchanged. Lines, roads, new topographies – you think of all these things at the same time – but also of runny paint, or a spool of thread unreeling. The sculpture sits on a host of aluminium uprights painted white: you can slip underneath and have the impression of being swept along by the movement.” Fig.2 Elisabeth Ballet, Emmanuelle, 1988 Bois enduit / Coated wood. H. 100 x L. 156 x P. 220 cm Série « JEJ ». © Elisabeth Ballet Fig.3 Elisabeth Ballet, Trait pour trait, 1993 Acier inoxydable / Stainless steel. H. 500 x L. 1150 cm Domaine de Kerguéhennec, Locminé, France. © Elisabeth Ballet Fig.4 Elisabeth Ballet, Eyeliner, 2007 Caoutchouc / Rubber, Dimensions variables / Variable dimensions © Elisabeth Ballet Ruban plissé, effiloché, tronçonné : autant d’opérations qui mettent en question l’évidence ré‑ férentielle des sculptures pour en faire ressortir le caractère fabriqué. Dans un entretien publié dans Artforum en 1966, Tony Smith évoquait le sentiment simultané de dénaturalisation de la nature et de déréalisation de l’art qui l’avait frappé une nuit qu’il conduisait seul sur une route déserte : « C’était une nuit sombre, il n’y avait pas d’éclairage ni de signalisation sur les côtés de la chaussée, ni de lignes blanches, ni de glissières de sécurité, ni quoi que ce soit, rien que l’asphalte qui traversait un paysage de plaines entouré de collines au loin, mais ponctué par des cheminées d’usine, des pylônes, des fumées et des lumières colorées. Ce parcours fut une expérience révélatrice. La route et la plus grande partie du paysage étaient artificiels, et pourtant on ne pouvait pas appeler ça une œuvre d’art. D’autre part, je res‑ sentais quelque chose que l’art ne m’avait jamais fait ressentir. Tout d’abord je ne sus pas ce que c’était, mais cela me libéra de la plupart des opinions que j’avais sur l’art. Il y avait là, semblait-il, une réalité qui n’avait aucune expression en art. L’expérience de la route constituait bien quelque chose de défini, mais qui n’était pas totalement reconnu. Je pensais en moi-même : il est clair que c’est la fin de l’art. » 1 A ribbon that ’s been creased, frayed, chopped up, in a series of operations that chalFormons l’hypothèse que si la route est lenge the referential obviousness of the sculpdevenue pour Elisabeth Ballet une occasion de tures so as to reveal them as made objects. In sculpture, c’est parce qu’elle est l’image, comme an interview published in Artforum in 1966, Tony l’indiquait Tony Smith, du protocole de la re‑ Smith talks about the simultaneous feeling – of cherche. C’est ainsi que par un retournement de the denaturing of nature and the dematerialisl’œuvre achevée sur son processus d’élaboration, ing of art – that struck him one night as he drove down an empty road: “It was a dark night and there la maquette n’apparaît plus comme une étape pré‑ were no lights or shoulder markers, lines, railings paratoire ou un passage obligé de la sculpture : or anything at all except the dark pavement moving through the landscape of the flats, rimmed by hills in the distance, but punctuated by stacks, towers, fumes, and colored lights. This drive was a revealing experience. The road and much of the landscape [were] artificial, and yet it couldn’t be called a work of art. On the other hand, it did something for me that art had never done. At first I didn’t know what it was, but its effect was to liberate me from many of the views I had had about art. It seemed that there had been a reality there that had not had any expression in art. The experience on the road was something mapped out but not socially recognised. I thought to myself, it ought to be clear that’s the end of art.” 1 If the road has become a sculpture opportunity for Elisabeth Ballet, it’s because it’s the very image, as Smith pointed out, of the methodology of research. And so, in a folding-back of the finished work on the process of its making, the model no longer appears as a preliminary or a necessary stage: the sculpture itself becomes the realisation c’est la sculpture elle-même qui devient la réalisation de sa propre maquette. Plissés, circonvolutions, découpure : dans Smoking & Brillantine les trois procédés compositionnels déclinés dans les pièces précédentes se combinent et s’entremêlent, tandis que le ruban asphalté de la route se délite et de‑ vient un écheveau de rubans colorés, par une sorte de dérivation métonymique – et sous l’influence d’une pièce plus ancienne, Olympia Fig.5, pour la réalisation de laquelle, en 2000, l’artiste agrandissait démesurément trois douzaines d’épingles – les épingles qu’elle utilise dans le bâti de ses maquettes – et les disposait librement dans l’espace, comme un mikado géant. Formons l’hypothèse que la force d’aimantation d’Olympia peut faire se déliter les routes et les changer en un monceau de fils multicolores. Ainsi s’élabore le travail d’Elisabeth Ballet, selon une logique obéissant aux lois du déplacement et de la contradiction et strictement limitée au champ of its own model. Creases, convolutions, cuttingd’interaction des œuvres, une logique rêveuse et off: in Smoking & Brillantine the three composiludique dont sa dernière pièce en date, dans son tional processes worked through in the preceding enchevêtrement non-fixé, donne à ce jour l’image pieces combine and intermingle, while the asphalt la plus fidèle. ribbon of the road breaks up and becomes a tangle of coloured ribbons: either through a kind of metonymic shift or under the influence of an older work, Olympia Fig.5, for which the artist enlarged enormously three dozen of the sewing pins she uses to assemble her scale models and spread them about in the exhibition space like a giant game of pick-up-sticks. Let’s suppose that the magnetic force of Olympia can make roads break up into a pile of multicoloured threads. This is the way Elisabeth Ballet’s work takes shape, following a logic governed by the laws of displacement and contradiction and strictly limited to the field of interaction: a dreamy, playful logic of which her most recent work, with its unstable entanglement, remains the truest image. 1 Texte cité par Jean-Pierre Criqui, « Tric Trac pour Tony Smith », Un trou dans la vie. Essais sur l’art depuis 1960, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, p. 41. Jean-Pierre Criqui au demeurant a consa‑ cré un texte à la sculpture d’Elisabeth Ballet, « Un moment dans la cage », catalogue Trait pour trait, Domaine de Kerguéhennec, Locminé. “Talking with Tony Smith”, in Ar tforum, New York, vol. 1, no. 4, December 1966, pp. 18–19. Reprinted in Charles Harrison & Paul Wood, Art in Theory: 1900– 2000, Oxford, Blackwell, 2003, p. 760. Quoted by JeanPierre Criqui in “Tric Trac pour Tony Smith”, in Un trou dans la vie. Essais sur l’art depuis 1960, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, p. 41. Criqui also contributed “Un moment dans la cage” to the catalogue for Elisabeth Ballet’s exhibition Trait pour trait at the Domaine de Kerguéhennec, Locminé, France. 1 Fig.5 Elisabeth Ballet, Olympia, 2000/02 Acier inoxydable / Stainless steel Dimensions variables / Variable dimensions © Elisabeth Ballet Fictions d’espaces Corinne Rondeau Corinne Rondeau est maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes. Elle collabore régulièrement aux émissions de France Culture. Son travail a donné lieu à de nombreuses publications (revues, collectifs, catalogues) sur le cinéma, notamment dans Trafic, sur l’art contemporain, dans Offshore, ZéroQuatre, Frog, sur la littérature et la poésie. Elle a co‑dirigé Dommage(s). À propos de l’histoire d’un baiser, avec Éric Mézil aux éditions Actes Sud en 2009. Fictions of spaces Corinne Rondeau Corinne Rondeau is a senior lecturer in Aesthetics and the Sciences of Art at the University of Nîmes, and is heard regularly on Radio France Culture. She has published widely on the cinema in books, catalogues and magazines, notably Trafic; on Contemporary art in Offshore, ZéroQuatre and Frog; and on literature and poetry. With Eric Mézil she co-edited Dommage(s). À propos de l’histoire d’un baiser (Actes Sud, 2009). Pour cette nouvelle exposition hors les murs, le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Valence n’a pas dérogé à l’héritage de sa plus importante collection, celle des Hubert Robert. Si la ruine colle à la réputation du grand peintre paysagiste, au point d’identifier trop souvent son œuvre à ce maître mot, il laisse ses fictions topographiques errer dans notre mémoire, nous léguant le goût d’un paysage de caprices plus que de rigueur documentaire : l’architecture représentée se mêle à une nature qui a l’artifice de son apparence, anticipant le principe romantique de la mimésis (la nature selon l’art). Ses paysages sont l’annonce contrariée des temps, et Diderot ne s’y est pas trompé dans son Salon de 1767 : « Les idées que les ruines éveillent en moi sont grandes, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure. Il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités. » Marcher entre deux éternités, sans doute parce que ce qui reste de l’art – qui d’être une indé‑ cidable fin n’est pas moins son évidente relance – ne s’ordonne jamais de l’exactitude de la raison, de l’évidence de nos corps voués à la disparition. Reste à parcourir l’espace des fictions de l’art, là For this new off-site exhibition, the Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie in Valence has où les centres se sont perdus dans la multiplicité remained faithful to the heritage of its largest sindes temps d’un monde où il est toujours midi à gle holding: the work of Hubert Robert. sa porte, là où ce qu’on voit nous conduit à nous Even if the reputation of this great landdissoudre à force de trajectoires multiples et infi‑ scape painter is so marked by ruins as to be too nies, là où les points de rencontres sont autant de often exclusively identified with them, Robert’s chemins inachevés, où ce qui compte n’est plus topographical fictions continue to haunt our memories, leaving a taste more of whimsy than of la description du carrefour mais le lieu où l’on se documentary exactness: their buildings blend into tient sans qu’aucune direction ne soit ordonnée. a natural setting as artificial as it looks, in anticiL’héritage de cette annonce contrariée pation of the Romantic principle of mimesis – of faite au temps et à l’espace trouve son déploie‑ nature as seen through art. Robert’s landscapes ment avec cette cinquième exposition dans le are a thwar ted expectancy, as Diderot did not cadre de la rénovation du musée, et pour la pre‑ fail to note in his “Salon of 1767”: “The ideas that ruins awake in me are grandiose…all perishes, mière fois à l’imprimerie Céas, vouée à une démo‑ all passes. Only the world remains. Only time relition prochaine, Immersion [Franz Ackermann / mains. How old this world is! I move between two Elisabeth Ballet / James Turrell]. Que dire de la eternities.” réunion de ces trois artistes que tout sépare, tant Moving between two eternities: doubtdans les procédures que dans les effets ? Que less because what remains of art – that undecidadire de ces œuvres dont la qualité première est ble end that is nonetheless its own new beginning d’être outrageusement dissemblables les unes – never submits to the exact ordering of reason, as proven by these ultimately doomed bodies of des autres ? Ici le terme d’immersion renvoie à une ours. We are left to traverse the space of art’s plongée contrariée, il interroge l’espace moins fictions, out where the centres are lost amid the comme spectacle visuel que comme moment multiple temporalities of a world in which everyone sees things his own way; where what we see leads us to self-dissolution along countless infinite trajectories; where the meeting points are so many roads that peter out; where what counts is not the description of the crossroads but the place where one happens to be with no specific direction laid down. The heritage of this thwarted anticipation of time and space finds its full unfolding in Immersion [Franz Ackermann / Elisabeth Ballet / James Turrell], the fifth exhibition for the renovation period and the first at the soon to be demolished Céas printery. What to say about this bringing-together of three artists who could not be more different in their ways of working and the effects they produce? What to say about these works whose primary quality is to be outrageously different from each other? Here the term “immersion” conjures up a thwarted plunge into the depths: it addresses space less as visual spectacle than as fictional fictionnel. Autrement dit, l’espace de l’exposition relève du désir de montrer l’art comme déplacement des frontières : limites éclatées, resserrées, dilatées. Les œuvres soulignent la diversité des regards sur l’environnement – les aéroports et les stades de football de Franz Ackermann, le formalisme et les routes d’Elisabeth Ballet, la lumière et les « chambres » colorées de James Turrell – et sollicitent la multiplicité des corps dans l’espace et les manières de voir. Immersion est un espace de l’expérience plus qu’une expérience de l’espace. event. To put it another way, the exhibition space reflects an urge to show art as a displacement of borders: boundaries shattered, shrunken, dilated. The works underscore a diversity of views of the environment – Franz Ackermann’s airports and football stadiums, Elisabeth Ballet’s formalism and roads, James Turrell’s light and coloured “chambers” – as they summon up the multiplicity of bodies in space and the ways of seeing them. Immersion, the exhibition, is an experience space rather than an experience of space. But the thwarting would still not be radical if it did not make play with a real, visual plunge. Never shown before, Turrell’s Pink Mist is first of all a white parallelepiped twelve metres long which you walk around, then enter. As if, here in the printery, a white cube had no other possibilities than to be a white cube turned inside out, facing the exterior. Putting the exhibition space outside itself is a way of deconditioning it, so that light becomes the material and the actual experience of artifice. You have to enter. This is not an exhibition space, it’s a space for sensorial experience where optical adjustment plays the main role in the illusion. The point is to make vision enter so deeply into the body that the sensation is one of engulfment: the body is absorbed by vision. A coloured rectangle plunged into darkness generates a silent attraction with its strange intensity. The body cannot be restrained in its gradual move towards the rectangle, such is its need to communicate its amazement to the experience. The rectangle is a cut-out of coloured light magnetically drawing the Mais la contrariété ne serait pas encore radicale si elle ne jouait pas d’une plongée visuelle et réelle. Jamais montré au public, Pink Mist, de James Turrell, est d’abord un parallélépipède blanc de douze mètres de long autour duquel on tourne avant d’entrer. Un peu comme si un white cube n’avait plus d’autres possibilités que d’être un cube blanc retourné à l’extérieur, le dedans mis dehors, ici dans l’espace de l’imprimerie. Mettre le lieu de l’exposition hors de lui-même est une manière de le déconditionner afin que la lumière devienne le matériau et l’expérience même de l’artifice. Il faut y entrer. Ce n’est pas un espace d’exposition, c’est un espace d’expérience senso‑ rielle où l’adaptation optique joue le rôle principal de l’illusion. Il s’agit de faire pénétrer la vision à tel point dans le corps que la sensation relève d’un engloutissement : le corps est absorbé par sa vision. Un rectangle coloré plongé dans l’obscu‑ rité attire sourdement par son étrange intensité. Puis le rapprochement du corps vers le rectangle est impossible à réprimer tant il faut rendre à l’expérience sa stupéfaction. Le rectangle est une découpe de lumière colorée qui aimante le corps désormais titubant. Cette chambre n’est d’aucun recueil, d’aucun sommeil, et sa découpe colorée de surface est en fait un creux de plus de deux mètres de profondeur. Lumière colorée qui externalise l’œil du réel, tout entier logé désormais dans ce qui reste de nous – un fond d’œil. L’expérience touche la limite du rapport au dehors : la découpe du rectangle rougeoyant plongé dans l’obscurité lève toute capacité à connaître la distance entre notre corps et la lumière – nous sommes plus loin de la lumière que nous ne le sommes réellement. L’expérience de cette now reeling body. No meditation in this chamber, distance revient à perdre pied dans l’espace : no sleep, and the coloured surface of the cut-out devenir soi-même une surface. C’est le vertige. is in reality a hollowness more than two metres La vision échappe aux distances (ni près, ni loin), deep. Coloured light which exteriorises the eye abandonnant nos corps sur le seuil de nos yeux of reality, now totally lodged within what remains absorbés/rejetés par la lumière colorée. Vider le of us – a fundus. This experience takes us to the corps de ses vertus coordonatrices de l’espace, brink of the relationship with the outside: the cut-out shape of the glowing rectangle plunged laisser flotter la raison dans l’espace sans dehors into darkness removes all capacity to grasp the ni dedans d’être le cœur de la chambre, odyssée distance between our body and the light – we are sans limite de la vision. further from the light than we actually are. The Sortir du parallélépipède revient à s’éton‑ experience of this distance is like losing your spaner, côté lumière naturelle, de retrouver une épais‑ tial footing: like becoming a surface yourself. The seur, une masse au corps et des yeux. Retour à la effect is vertiginous. Vision is beyond questions of distance – neither near nor far – as it abandons vision de l’espace commun où le divorce entre ce our bodies on the threshold of our eyes absorbed/ qui est livré ici et là a été prononcé. repulsed by the coloured light. The body emptying itself of its capacities for spatial coordination, reason left floating in the insideless outsideless being-space of the heart of the chamber, vision in all the limitlessness of its odyssey. Exiting the cube brings a kind of astonishment at recovering, in natural light, the depth and mass of the body and the eyes. A return to vision in the shared space where the divorce between what you get here and what you get there has been decreed. Dehors, dans l’espace ouvert de l’imprimerie, les corps reprennent le sens de la marche et tournent autour de deux pièces d’Elisabeth Ballet, dans un jeu de mise en vol de lignes colorées Outside, in the open space of the prin(Smoking & Brillantine) et celui de leur attirance ter y, the bodies get back on track around two pieces by Elisabeth Ballet: an interplay of flying mutuelle (Road Movie). Parce qu’elles ont une coloured lines (Smoking & Brillantine) and the limite à la fois parfaitement contraignante – ici on outcome of their mutual attraction (Road Movie). n’entre pas ! – et étrangement flottante – il doit Because both have a boundar y that is at once bien y avoir une issue ? –, les œuvres renvoient totally restrictive (no entry here!) and strangely à l’espace qu’elles imposent : « toujours autour et indefinite (there must a way out, no?), the works dedans », selon les mots de l’artiste. Autrement dit, reference the space they impose: “always around il faut entrer dans l’œuvre sans la pénétrer phy‑ and within”, as the artist puts it. In other words, you have to get inside the work without physically siquement. Il faut tourner entre mouvements et entering it. You follow it in fits and starts. An epic arrêts. Epopée du rythme et formule kérouacienne in rhythm and a Kerouac turn of phrase – “Where (« Là où commence la route ») s’emmêlent dans une the road starts” – intermingle in a dual suspension double suspension comme le corps à la pensée : like body and thought: where do the line and the où commencent une ligne et le dehors ? Nulle part outside start? Nowhere and everywhere, because et partout parce qu’il y a des œuvres comme des there are works like places, and places which are like the aventurings of a single soul endlessly taklieux, et des lieux qui sont comme l’aventure d’une ing to the road without knowing where it’s going. seule âme qui reprend incessamment la route Which is a way of understanding Ballet’s marvelsans connaître le chemin. C’est ainsi que l’on peut lous “You can’t make the road!” comprendre cette belle phrase d’Elisabeth Ballet : Smoking & Brillantine is a group of metal « On ne peut pas faire la route ! » structures. Lines of different colours take over the Smoking & Brillantine est un ensemble flat edges of curved, undulating metal welded to tubes of different heights considering each other de structures en acier. Des lignes de couleurs from above. The flattening effect of our gaze turns envahissent le plat du métal courbé, ondulé et this into an open drawing in space, in which the soudé à des tubulaires de hauteurs différentes se first line is always the one you see first and buds regardant en plongée. L’effet d’écrasement de la off in a fresh departure at the intersection of a vision forme un dessin ouvert dans l’espace, où la line passing under it and one passing over it. Like première ligne est toujours celle qu’on voit en pre‑ the lines of colour running through the space, the mier, et bourgeonne d’un nouveau départ à l’inter‑ gaze is orchestrated and the emptiness – “around and within” – generates a powerful disorientation. section d’une ligne passant dessous et d’une ligne We are the road! passant dessus. Comme les lignes de couleurs courantes dans l’espace, le regard est rythmé et le vide – « autour et dedans » – fabrique la puissance d’une désorientation. Nous sommes la route ! Road Movie joue du resserrage, réduit le vide, l’élève. Plus haute que Smoking, on la regarde tou‑ jours vers le bas, mais cette fois comme une surface. Les lignes attirent, s’intensifient dessinant l’œil de la route, et l’on voudrait être plus grand, plus grand encore, pour la voir de plus haut, peut-être plonger de‑ dans. Les effets métaphoriques sont des transports que les lignes opèrent sans début ni fin, comme Walt Whitman écrit que l’herbe pousse par le milieu, comme les road-movies sont le milieu des existences. Désir de la route qu’on ne peut voir qu’en se plantant au centre de sa propre histoire, choix de sa liberté. Choisir une fiction des couleurs de Road Movie à celles de Terminal Tropical, de Franz Ackermann. Monumentale structure hétérogène courbe et plane à voir recto verso. Elle prend son élan, se tient en équilibre dans l’espace avec un faux air de concur‑ Road Movie tightens things up, reduces rence joyeuse : un plan voudrait jouer du mural. the emptiness and raises it. Higher than Smoking, Derrière Terminal, un wall painting, Treibholz, it always has you looking at the lower part, but this coupé par une ligne horizontale de photographies, time as if it were a surface. The lines exert their traces de voyages qui se divisent en gros plan attraction, are intensified as they draw the eye of the road, and you’d like to be taller, taller still, so et plan d’ensemble. C’est la distance qu’on s’au‑ as to see it from higher up and maybe even dive torise toujours en amateur : irruption de l’image in. The metaphorical effects are the transports dans le réel, pas question de changer de point the lines effectuate without beginning or end, like de vue ! Treibholz et Terminal aux couleurs sans Walt Whitman writing that grass grows from the complexes, livrés au jeu des trouées en forme middle, like road movies being the middle of existde cercle où passe indifféremment le mur dans ences. That desire for the road that you can only see by standing in the centre of your own history, le plan. Comment ça tient tout ça ? Ça tient dans choosing your freedom. la constellation et la syncope. Si Treibholz est le mural empêché, Tropical lui impose la syncope. Choosing a fiction with colours running Si Terminal est le plan rêvé où le voyage s’annonce from Road Movie to Franz Ackermann’s Terminal comme le désir de la destination, où le souvenir Tropical. A monumentally jumbled cur ved flat réel ou imaginaire s’étoile afin de relier la situation structure to be looked at from both sides. It takes off, then stays hanging in space with a fake comgéographique sans carte et l’état psychologique petitive air: a plane surface playing at being a sans identité, alors il est le rêve de la constellation. mural. Behind Terminal is Treibholz, a wall painting cut through by a horizontal line of photographs, bits of trips divided into close-ups and wide shots. The distances amateurs always opt for: the image breaking into reality, no question of changing the point of view! Treibholz and Terminal: uninhibited colours, play with circles of see-throughs that let the wall through into the picture plane. How does it all hold together? Answer: by constellation and syncope. If Treibholz is the blocked mural, Tropical is the imposed syncope. If Terminal is the dream plan in which the trip is foreshadowed as the urge towards the destination, in which the real or imaginary memory radiates cracks so as to pull together a mapless geographical situation and an identityfree psychological state, then it’s the dream of the constellation. C’est que le monumental dessin joue avec la photographie banale, entre la circulation et l’instan‑ tané, rupture et renvoi, syncope et allégresse utopique. Le travail de Franz Ackermann est l’éclatement des connexions, l’absence de gradations, l’ultime jouissance de la couleur saturée et anti-naturaliste. Saut dans l’espace d’une vision désabusée qui n’attend que son topos pour se libérer. Troué Terminal, poreux peut-être au monde, à l’abandon du monde sans aucun doute : entre l’artifice d’un palmier et des revues de tourisme occidental, des vêtements en tas ou jetés négligemment s’invitent à l’avant d’une étroite passerelle. Sous l’éclat de la constellation, l’absence des corps insiste comme une décharge où l’artifice de l’art se conjugue avec sa pauvreté nécessaire. Si l’artiste est un voyageur, il n’en a plus les illusions. Il est devenu le point d’observation qui n’arrête pas de dériver entre les excès et les saturations du glo‑ bal et du local. Dans un monde qui change d’espace à force de déployer des trajectoires, les limites se fragmentent, se croisent, se recouvrent, se multiplient. Face à Terminal, aucun point de vue n’est possible sinon de conduire la syncope à son terme narratif : « Voilà un moment de très forte surdétermination, de condensation et de déplacement qui m’est exhibé comme si la fresque me disait : « Regarde bien et essaie de comprendre » ; c’est une syncope à la fois dans le récit et dans la figure, qui affecte l’énonciation autant que le contenu. » (Louis Marin) Franz Ackermann force le regard, fait lever la tête, demande qu’on se tienne en un lieu indéci‑ dable à force de se déplacer. Autrement dit, l’usage de la syncope et de la constellation est aussi celui d’une effraction de l’espace. Mais l’effraction est encore et toujours le désir de voir comme on troue le plan, on cherche l’image dans l’exubérance d’un espace qui n’a plus de logiques articulatoires : Here monumental drawing plays with everyday photography, between movement and « Regarde bien et essaie de comprendre ». snapshot, severance and return, syncope and utopian glee. Ackermann’s work is the shattering of connections, the absence of shading, the ultimate pleasure of saturated, anti-naturalistic colour. A leaping into the space of a disillusioned vision only waiting for its topos so it can cut free. Holey Terminal, maybe porous to the world, abandoned by the world for sure: fake palm tree, Western tourist mags, and heaped or carelessly tossed clothes getting together at a narrow footbridge. Under the brilliance of the constellation the flagrant absence of bodies, like a garbage dump where art’s artifice combines with its own necessary poverty. The artist might be a traveller, but he’s dropped all the illusions that go with it. He’s become the observation point drifting endlessly between the excesses and the saturations of the global and the local. In a world where space changes in unfoldings of trajectories, the boundaries fragment, intersect, overlap, multiply. Faced with Terminal, there’s no possible point of view except syncope taken to its narrative conclusion: as Louis Marin puts it, “Here is a moment of very strong overdetermination, of condensation and displacement, that is exhibited to me as if the fresco were saying: ‘Look hard and try to understand’; it is a syncope both in the narrative and in the figure, one that affects the utterance as much as the content.” Franz Ackermann forces your gaze, makes you look up, exacts that through constant movement you occupy some undecidable place. In other words the use of syncope and constellation is also spatial breaking and entering. But a breaking and entering that is an urge to see as you puncture the plane surface. You search for the image in the exuberance of space devoid of all structuring logic: “Look hard and try to understand.” Plongée fictive : c’est de ce Terminal qu’on voudrait voir Road Movie comme la retombée de cou‑ leurs après qu’elles ont atteint leur saturation maximale, et que refroidies par la chute elles s’accordent une nouvelle dérive. C’est le goût de la vue non focalisée qui œuvre en une dynamique flottante où le point de vue n’est plus le majordome de l’art mais la condition de possibilité pour voir le monde hors de ses frontières, petites et grandes, de ses fabriques de pauvreté et de richesse. C’est alors qu’en sortant de l’imprimerie Céas, aiguisé par le remue-ménage du grand dehors du monde qui s’appelle l’art, un espace clos et vitré livre son ultime sensation. Devant des fenêtres, Elisabeth Ballet anime d’un souffle un voile translucide à la lumière laiteuse (Petite dépression), tandis que tremblent les ombres de branches et de feuilles d’arbres (Eye Shadow). Tout semble ailleurs comme le souvenir d’une pensée : on est toujours au lieu où l’on n’est pas ! Fictive dive: from this Terminal you’d like to see Road Movie as colours coming to rest once C’est de ce souvenir qu’un certain Hubert they’ve achieved maximum saturation and, cooled Robert a fait ses caprices, ouvert les fenêtres by their fall, let themselves drift again. The taste du temps et de l’espace, fermé le paysage à sa for an unfocused life is at work in a shifting dyfatalité naturelle pour rendre au monde sa vertu namic in which the point of view is no longer art’s indécidable, qu’on se tienne en son cœur, sur butler but the precondition for seeing the world sa bordure, dans son obscurité ou ses couleurs beyond its borders big and small, beyond its poverty and wealth factories. étranges, dans ses villes ou ses déserts. And it’s as you’re exiting the Céas printery, mind sharpened by the commotion of that great outside of the world that is called art, that an enclosed, glassed-in space yields its ultimate sensation: Elisabeth Ballet breathes life into a translucent milky-lit veil covering the windows (Petite dépression), in time with the trembling of the shadows of tree branches and leaves (Eye Shadow). Everything seems elsewhere, like the memory of a thought: you’re always in the place where you’re not. It was with this memor y that a cer tain Hubert Robert indulged his fancy, opened the windows of time and space, closed landscape off from its natural fate, and restored the world’s undecidable quality so that we might live on in its heart or on its fringe, in its darkness or its strange colours, in its cities or its deserts. Franz Ackermann (Neumarkt, Allemagne > 1963), vit et travaille à Berlin et à Karlsruhe. Franz Ackermann est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux représentants du renouveau de la peinture allemande. Il est connu pour ses exubérantes peintures et ses installations ayant principalement pour thèmes le voyage, le tourisme, la prolifération urbaine. Il travaille longuement in situ, afin de créer un rapport privilégié entre son œuvre et l’endroit visité. Fr a n z Ac ke r m a nn dé f ini t ain s i l ’ex pé r ie nc e du voyage comme le cent re de son t ravail, (b. Neumarkt, Germany 1963), créant dans ses œuvres une cartographie sub‑ lives and works in Berlin and Karlsruhe jective où se croisent des images complexes d ’e n v i r o n n e m e n t , d e p a y s a g e e t d e v i l l e . Considered one of the leading lights of the current L’ar tiste prend également soin de choisir des painting revival in Germany, Franz Ackermann is titres parlants pour nommer ses œuvres : titres known for exuberant pictures and installations foévocateurs de véritables voyages, de promenades cusing mainly on travel, tourism and urban sprawl. intérieures dans des lieux inconnus ou entrevus. He spends a great deal of time working on-site, so Il ouvre ainsi de nouvelles barrières à franchir afin as to set up a real relationship between the work and the place in question. d’appréhender le monde dans lequel nous vivons. Describing the experience of travelling as the Cet « observateur-voyageur » soulève les questions core of his work, Ackermann uses his pieces to de la présence et de l’absence, du voyage et de create subjective maps out of complex overlapla sédentarité, de l’occupation et de la libération. ping images of the environment, landscapes and Franz Ackermann cityscapes. He makes a point, too, of finding eloquent titles that suggest real trips, inner wanderings through unknown or half-glimpsed places. In this way he breaks down barriers to our understanding of the world we live in. This “traveller-observer” raises issues of presence and absence, of moving about and staying put, of occupation and liberation. Expositions personnelles Sélection Solo exhibitions Selection 2010 2010 Wait White Cube, Londres, Royaume-Uni Wait White Cube, London, England 2009 2009 Franz Ackermann Kunstmuseum, Bonn, Allemagne Franz Ackermann Kunstmuseum, Bonn, Germany 2005 2005 Franz Ackermann FRAC Champagne-Ardenne, Reims, France Franz Ackermann FRAC Champagne-Ardenne, Reims, France 2002 2002 Seasons in the Sun Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas Seasons in the Sun Stedelijk Museum, Amsterdam, Holland Expositions collectives Sélection Group exhibitions Selection 2009 2009 Altermodern : Tate Triennial Tate Britain, Londres, Royaume-Uni Altermodern: Tate Triennial Tate Britain, London, England Private Universes Dallas Museum of Art, Dallas, États-Unis Private Universes Dallas Museum of Art, Dallas, United States Les œuvres de Franz Ackermann sont conservées dans de nombreuses collections privées et publiques en France (Fonds national d’art contemporain, FRAC Champagne-Ardenne) et à l’étranger (Kunstmuseum de Wolfsburg en Allemagne, MoMA – Museum of Modern Art de New York). Franz Ackermann’s works have been acquired by numerous private and public collections in France (National Contemporary Art Collection, Champagne-Ardenne Regional Contemporary Art Collection) and elsewhere (the Kunstmuseum in Wolfsburg, Germany, MoMA in New York). Elisabeth Ballet (Cherbourg, France > 1957), vit et travaille à Paris. Apparue sur la scène artistique à la fin des années 1980 avec des travaux interrogeant la notion d’espace clos, Elisabeth Ballet s’est ensuite engagée dans une réflexion sur les éléments fondamentaux de la sculpture, renouant avec une approche plus expérimentale et physique. Dès lors, ses installa‑ tions réagissent au contexte architectural, tenant compte de sa spécificité et de ses contraintes. Il s’agit moins pour l’artiste d’en dégager les poten‑ tialités que d’élaborer l’espace d’une sculpture, au‑ (b. Cherbourg, France, 1957), tonome, espace privé au sein d’un espace public. lives and works in Paris. Les sculptures d’Elisabeth Ballet ont comme ori‑ gine une idée, qui se prolonge aussi dans les Emerging onto the art scene in the late 1980s t it re s évoc ateurs et glamour de se s œuvre s with works addressing the concept of enclosed (Eye Shadow, Eye Liner, Swing, Olympia, Smoking space, Elisabeth Ballet later returned to a more & Brillantine). physical, experimental approach focusing on the Parce qu’elle refuse le principe d’une sculpture fundamentals of sculpture. Her installations are site-specific reactions to the architecture of the en trois dimensions refermée sur elle-même, l’ar‑ venue and the constraints it imposes. The issue for tiste investit l’espace avec du plexiglas, du sable, the artist is not so much highlighting the venue’s des structures posées au sol, ou encore comme potential as the introduction of an autonomous dans Immersion, des lignes colorées, de l’air, des sculpture, the creation of a private space within images. a public one. Ainsi se mettent en place des effets de transpa‑ Ballet’s sculptures begin with an idea which also rence, des superpositions d’espaces différents. finds expression in such glamour-inflected titles Elisabeth Ballet as Eye Shadow, Eye Liner, Swing, Olympia and Smoking & Brillantine. Rejecting the principle of self-enclosed threedimensional sculpture, she takes over the space with plexiglas, sand, floor structures and, as in Immersion, coloured lines, air and images. The outcome is a play on transparency and overlays of different spaces. Expositions personnelles Sélection Solo exhibitions Selection 2007 Sept pièces faciles Le Grand Café - Centre d’art contemporain, Saint-Nazaire, France 2007 Sept Pièces Faciles (Seven Easy Pieces) Le Grand Café, Centre for Contemporary Art, Saint-Nazaire, France 2002 Vie privée Carré d’Art - Musée d’art contemporain, Nîmes, France 2002 Vie Privée (Private Life) Carré d’Art Museum of Contemporary Art, Nîmes, France 1997 BCHN Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, France Expositions collectives Sélection 1997 BCHN Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, France Group exhibitions Selection 2011 Nevermore MAC/VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine, France 2011 Nevermore MAC/VAL - Val-de-Marne Museum of Contemporary Art, Vitry-sur-Seine, France 2010 En mai, fais ce qu’il te plaît ! Musée Bourdelle, Paris, France 2010 En Mai, Fais ce qu’il te Plaît! Musée Bourdelle, Paris, France 2009 elles@centrepompidou Musée national d’art moderne - Centre Pompidou, Paris, France elles@centrepompidou Centre Pompidou, Paris, France Les œuvres d’Elisabeth Ballet sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques en France (Fonds national d’art contemporain, Fonds régionaux d’art contemporain, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris) et à l’étranger (Wilhelm‑Hack Museum de Ludwigshafen en Allemagne, Sonje Museum de Kyongjiu en Corée). Elisabeth Ballet’s work is to be found in many private and public collections in France (National Contemporary Art Collections, various Regional Contemporary Art Collections, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris) and abroad (Wilhelm‑Hack Museum, Ludwigshafen, Germany and the Sonje Museum in Kyongjiu Korea). 2009 James Turrell (Los Angeles, États-Unis > 1943), vit et travaille à Flagstaff, Arizona, et à New York. Diplômé en mathématiques et en psychologie expérimentale, James Turrell revendique pour sa dé‑ marche la double appartenance à la culture scientifique et technique. Depuis la fin des années 1960, ses installations – appelées également « environnements percep‑ tuels » – sont réalisées à partir d’un seul matériau : la lumière, naturelle ou artificielle. (b. Los Angeles, USA, 1943), En 1973, son premier « Skyspace », composé d’une lives and works in Flagstaff, Arizona, and in New York. ouverture (« aperture ») dans le toit d’un bâtiment, laisse apparaître le ciel dans l’interstice comme une surface complètement plane. Mis à part les Holder of degrees in mathematics and experidessins et les plans qui accompagnent ses œuvres mental psychology, James Turrell considers his de plus grande envergure, la production de l’ar‑ work as allying the artistic with the scientific and tiste ne comporte ainsi aucun objet en tant que tel. technological. Ses interventions et installations « en chambre » ou Since the late 1960s his installations – which he also calls “perceptual environments” – have comà ciel ouvert procèdent toutes d’une quête artis‑ prised one single material: light, whether natural tique qui déstabilise notre relation au réel. or artificial. En manipulant la lumière, James Turrell sollicite les In 1973 his first Skyspace, made up of an aperture sens, bouscule la perception du spectateur. Dans in the roof of a building, allowed the sky to show ses œuvres, la lumière prend une extraordinaire through as a completely flat surface. Apart from matérialité à travers la création d’espaces fictifs, the drawings and plans that accompany his largest works, Turrell’s output includes no objects as such. troublants et fascinants. James Turrell His indoor and outdoor pieces and installations all have their source in an artistic quest whose effect is to destabilise our relationship with reality. Turrell’s handling of light speaks to the senses in a way that upsets the viewer’s perceptions. In these works light takes on an extraordinary material quality via his creation of disturbing, fascinating fictive spaces. Expositions personnelles Sélection Solo exhibitions Selection 2009-2010 2009-2010 The Wolfsburg Project Kunstmuseum Wolfsburg, Allemagne The Wolfsburg Project Kunstmuseum Wolfsburg, Germany 2006 2006 James Turrell – A Life in Light Louise T Blouin Foundation, Londres, Royaume-Uni James Turrell – A Life in Light Louise T Blouin Foundation, London, England Expositions collectives Sélection Group exhibitions Selection 2009 2009 Par delà la matière Musée des beaux-arts, Dunkerque, France Par delà la matière Musée des beaux-arts, Dunkerque, France 2008 2008 Time & Place: Los Angeles, 1958-1968 Moderna Museet, Stockholm, Suède Time & Place: Los Angeles, 1958-1968 Moderna Museet, Stockholm, Sweden Principaux skyspaces Principal skyspaces 2009 2009 Fundación NMAC Vejer de la Frontera, Cadiz, Espagne Fundación NMAC, Vejer de la Frontera, Cadiz, Spain 2006 2006 Roden Crater Flagstaff, Arizona, États-Unis Roden Crater Flagstaff, Arizona, United States 1986 1986 Meeting P.S.1 Contemporary Art Center, New York, États-Unis Meeting P.S. 1 Contemporary Art Center, New York, United States Les œuvres de James Turrell font partie de nombreuses collections publiques et privées en France (Fonds national d’art contemporain, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou) et à l’étranger (Tate de Londres, LACMA Los Angeles County Museum of Art, Israel Museum de Jérusalem). Un musée James Turrell, consacré à son œuvre, a ouvert ses portes en 2009 à Colomé (Argentine) à l’initiative du collectionneur suisse Donald Hess. James Turrell’s work is to be found in many private and public collections in France (National Contemporary Art Collections, Centre Pompidou) and elsewhere (Tate Gallery in London, LACMA – Los Angeles County Museum of Art, the Israel Museum in Jerusalem). In 2009 a James Turrell museum devoted to the artist’s work opened in Colomé, Argentina, at the instigation of Swiss collector Donald Hess. Bibliographie Bibliography Sélection Elisabeth Ballet Vie privée, Elisabeth Ballet [Exposition] Franz Ackermann Carré d’art, Musée d’art contemporain, Nîmes, 2002 Franz Ackermann BCHN, Elisabeth Ballet [Exposition] [Exposition] FRAC Champagne-Ardenne, Reims Dijon : Presses du Réel, 2005 Musée d’Art moderne de la Ville de Paris Paris : Paris-Musées, 1997 Franz Ackermann, Naherholungsgebiet Elisabeth Ballet [Exposition] [Exposition] Kunstmuseum, Wolfsburg Bielefeld : Kerber Verlag, 2003 Centre d’Art Contemporain du Domaine de Kerguéhennec, Bignan Bignan : Éditions du Centre d’Art, 1990 Franz Ackermann, [Exposition] Kunsthalle, Bâle, 2002 Bâle : Schwabe & Co. AG, Verlag, 2001 Franz Ackermann, OFF [Exposition] Kasseler Kunstverein, Kassel Cologne : Verlag der Buchhandlung Walther König, 1999 James Turrell James Turrell l’iconoclaste par Jean-Luc A. d’Asciano In Ligeia, juillet-décembre 2005 James Turrell [Exposition] Institut Valencià d’Art Modern (IVAM), Valencià, Espagne, 2004-2005 L’homme qui marchait dans la couleur : fable du lieu par Georges Didi-Huberman Paris : Éditions de Minuit, 2001 James Turrell : la perception est le médium par Jacques Meuris Bruxelles : Éditions de la Lettre volée, 1995 James Turrell: Alien Exam, St Elmo’s breath, behind my eyes, the wait [Exposition] Musée d’Art Contemporain, Lyon, 1992 Dans le contexte de la rénovation-extension du musée et jusqu’à sa réouverture en 2013, le musée de Valence hors les murs propose le principe des Combinaisons, expositions réalisées à partir des collections du musée auxquelles sont associées des pièces produites par des artistes ou issues d’autres institutions, galeries ou collections privées. Privilégiant le contact direct à l’œuvre, à travers des choix ciblés, ces expositions sont chaque fois une expérience de la présentation de l’œuvre, comme de la place qu’occupe le visiteur dans les propositions. Immersion [Franz Ackermann / Elisabeth Ballet / James Turrell] bénéficie du soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, de la Direction régionale des affaires culturelles RhôneAlpes, de l’Inspection académique de la Drôme, de la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte et de la galerie Almine Rech. Que toutes les personnalités et institutions qui ont permis, par leur généreux concours, la réalisation de cette exposition et la publication de ce catalogue trouvent ici l’expression de notre gratitude : Alain Maurice Maire de Valence, Président de Valence Agglo Sud Rhône-Alpes Jean-Michel Pétrissans Adjoint au Maire chargé des grands équipements culturels, développement et accessibilité à la culture Christophe Desmaroux, Geneviève Verdier Chaulieu, Audrey Marlhens, Claudie Breul, Elisabeth Vandevoorde, Anne Brunel, Hervé Gallois, Corinne Clauzel, Jacques Norigeon, Coraline Andrée, Nadia Caramana, Mélanie Colicci, Raphaël Cognioul, Guillaume Legrand, Valérie Cudel, Amélie Lavin, Corinne Guerci, Aude Thierry. La Galerie Neugerriemschneider (Berlin), la Galerie Almine Rech (Bruxelles/Paris), le musée de Dunkerque André Solnais In the context of the ongoing renovation and extension of the Valence Museum, until its reopening in 2013, the off-site programme is proposing Combinations, exhibitions drawing on the collection but also including other works provided by artists, institutions, galleries and private collections. Emphasising direct contact with specially chosen pieces, each exhibition will offer an experience of the works, their presentation and the role of the viewer. Adjoint au Maire chargé de l’urbanisme et des grands travaux Pierre Jouvencel Directeur Général des Services Boualem Kirèche Directeur Général Adjoint, en charge du Pôle services à la population Les artistes Franz Ackermann Elisabeth Ballet James Turrell Les auteurs Philippe-Alain Michaud Matthieu Poirier Corinne Rondeau Partenaire media Souvenirs from earth Avec l’aimable participation de la banque Chaix pour le vernissage et des Amis du musée de Valence pour le jeu-concours. Avec l’aimable collaboration de l’Observatoire de l’Espace du CNES Et tout particulièrement : Almine et Bernard Ruiz-Picasso, Frédéric Fournier, Stephan Ackermann, Ralph Lücke, Maria-Elisa Marchini, Valérie Chartrain, Franz Meyer, Eric Thivolle et ses équipes, Stéphane Mariton et ses équipes, Richard Schotte, Patrick Frédérick et son équipe, Jacques Gruet, Jean-Guillaume Henry, Pierre Trontin, Pascal Béjean, Nicolas Ledoux, Philippe Fouchard-Filippi, John Tittensor, Marc Domage, Marcus Kreiss, Marc Delhomme, Roland Pelletier, Lionel Bergatto, Laurence Brangier, Christian Deloye, Dominique Hansberger, Laurence Salce, Gaetano Battezzato, Sophie Costamagna, Anne-Marie Maure Chaze, Le Ministère de la Culture et de la Communication, la Direction régionale des affaires culturelles Rhône-Alpes, l’Inspection académique de la Drôme, la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte et la galerie Almine Rech. La Direction Générale des Services La Direction de la Communication La Direction de la Logistique (service transports et fêtes, ateliers municipaux) La Direction des Achats et des Marchés Publics L’École régionale des beaux-arts de Valence Les archives municipales Le service Ville d’art et d’histoire L’équipe du musée Et celles et ceux qui ont contribué à la réalisation de cet événement. Catalogue Ce catalogue a été publié dans le cadre de l’exposition du musée de Valence hors les murs, qui s’est déroulée dans l’ancienne Imprimerie Céas, du 1er avril au 25 septembre 2011. Conception et design graphique Graphic design Équipe de l’exposition Musée des beaux-arts et d’archéologie Pascal Béjean & Nicolas Ledoux Commissariat Hélène Moulin-Stanislas Dorothée Deyries- Henry Dorothée Deyries-Henry Les textes sont composés en Cosmos, dessinée par Gustav Jaeger en 1982 pour la fonderie Berthold. The text is set in Cosmos, designed by Gustav Jaeger for the Berthold foundry in 1982. Coordination éditoriale Coordinating editor Photographies de l’exposition Photographs of the exhibition Claire Biedron Virginie Eck Marc Domage Médiation Textes Texts Photographies de l’impression des affiches Photographs of the posters being printed Documentation et coordination éditoriale Pascal Béjean Virginie Eck Imprimé en Belgique par Snel Printed in Belgium by Snel Secrétariat Distribué par Distributed by Montage de l’exposition sous la direction de R-Diffusion 16, rue Eugène Delacroix, 67200 Strasbourg www.r-diffusion.org [email protected] Montage Direction de publication Editor Dorothée Deyries-Henry, Philippe-Alain Michaud, Matthieu Poirier, Corinne Rondeau Rédaction des biographies d’artistes Artists’ biographies Roseline Patry Traduction anglaise Translation John Tittensor Relecture Proofreading Claire Biedron, Dorothée Deyries-Henry, Virginie Eck, Hélène Moulin-Stanislas, Roseline Patry, Pascale Soleil Ce catalogue est édité par This catalog is published by Musée de Valence Administration Pierre Tauleigne Communication Roseline Patry Isbn 978-2-9539322-0-1 Dépôt légal Mai 2011 Copyright Tous les artistes, tous les auteurs All rights reserved Marie-France Seignobosc Hervé Duboc et Béatrice Roussel Mohamed Djerboua, Rose Giannini, Ani Ipdjian, Sylvie Mercier, Michel Satutto, Kader Zahri, Adil Akkari, les agents des ateliers de la Ville, Jacques Gruet, Jean‑Guillaume Henry, Pierre Trontin, les étudiants de l’École régionale des beaux‑arts de Valence, Stephan Ackermann, Ralph Lücke pour Franz Ackermann Relations pour la presse et les media Philippe Fouchard-Filippi Conception graphique et signalétique Pascal Béjean & Nicolas Ledoux Les affiches sont composées en Replica, dessinée par Norm en 2008 pour la fonderie Lineto. Posters are set in Replica, designed by Norm for the Lineto foundry in 2008. Médiation Mireille Filiatre Conservateur en chef, directrice du musée Dorothée Deyries-Henry Conservateur-adjoint Pascale Soleil Attachée de conservation pour l’archéologie Pierre Tauleigne Responsable administratif Virginie Eck Documentaliste Béatrice Roussel Régisseur des collections Hervé Duboc Régisseur technique Roseline Patry Coordinatrice des actions de médiation Claire Biedron Chargée de la communication Marie-France Seignobosc Secrétariat Thierry Brunel, Mohamed Djerboua, Rose Giannini, Ani Ipdjian, Sylvie Mercier, Michel Satutto Agents d’accueil, technique et surveillance James Turrell Pink Mist, 2001 Installation de lumière / Light installation H. 360 x L. 750 x P. 1200 cm Collection privée / Private Collection Courtesy Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte Elisabeth Ballet Eye Shadow, 2007 Installation vidéo (boucle) / Video installation (loop) 1 h 3 min 53 sec Collection de l’artiste / Collection of the Artist Elisabeth Ballet Petite dépression, 2007 Rideau de soie blanc, séchoirs à mains / White silk curtain, hand dryer Installation aux dimensions variables / Installation, variable dimensions Collection de l’artiste / Collection of the Artist Franz Ackermann Treibholz (Bois flottant), 2011 Peinture murale et photographies / Wall painting and photographs Création in situ / Site-specific work Franz Ackermann Terminal Tropical, 2008 Techniques mixtes sur aludibond, crayon sur papier, huile sur toile / Mixed media on aludibond, pencil on paper, oil on canvas H. 508 x L. 280 cm Installation aux dimensions et matériaux variables / Installation, variable dimensions Collection de l’artiste / Collection of the Artist Elisabeth Ballet Smoking & Brillantine, 2011 Acier / Steel Dimensions variables / Variable dimensions Collection de l’artiste / Collection of the Artist Production musée de Valence Elisabeth Ballet Road movie, 2008 MDF peint et métal peint / Painted MDF and painted metal H. 105 x L. 346 x P. 458 cm Collection musée de Valence