Bof! – vraiment?
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Bof! – vraiment?
Formation professionnelle suisse Dossier reissoD Bof! – vraiment? La jeunesse actuelle ne s’intéresse qu’aux portables, aux voitures et au look; tel est le préjugé répandu dans «l’ancienne» génération. Le psychologue Andreas Kreis dresse cependant un autre tableau de la «bof-génération». BCH/FPS: Portable, télévision, fringues de marque: les choses matérielles sont-elles vraiment les seules qui importent aujourd’hui pour les adolescents? C’est rare qu’il n’y ait qu’une raison. Cependant, l’absence de perspectives professionnelles satisfaisantes constitue certainement un facteur de risque. Andreas Kreis: non, je ne peux pas le confirmer. Je ressens les adolescents qui viennent chez moi de manière tout à fait différente. Au contraire, ils ont des réflexions très profondes sur des questions essentielles et se font du souci. Où les adolescents trouvent-ils ce qui donne du sens à leur vie? Interview: Silvia Baumgartner Andreas Kreis D’une manière générale, il s’agit de relever que le taux de suicide n’augmente pas, mais a plutôt tendance à diminuer. Et pourtant: c’est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 14 à 24 ans. Le sens de la vie est une question très complexe. Les raisons qui conduisent des adolescents à cet acte désespéré sont multiples. 01 2004 On entend régulièrement des nouvelles terribles: des adolescents, pour qui la vie n’a plus de sens, et qui se suicident. Pourquoi? Les relations avec les jeunes du même âge sont pour eux essentielles, mais également celles qu’ils entretiennent avec leur famille. Pour eux, une vie satisfaisante et intéressante se déroule au sein d’un bon réseau de relations. Chez les adolescents, le sens de la vie est très étroitement lié aux perspectives d’avenir. Lorsqu’ils peuvent se projeter dans l’avenir, alors ils trouvent une raison de vivre. Les adolescents souhaitent s’épanouir dans leur profession. Des réflexions matérielles y sont parfois associées. En d’autres termes: Ils aimeraient faire un métier qui leur permette de gagner suffisamment d’argent. Pour certains, la est psychologue spécialisé pour enfants et adolescents, psychothérapeute, directeur adjoint du service psychologique pour enfants et adolescents de Berne 39 D reissoD Dossier raison de vivre se trouve aussi dans la famille qu’ils fonderont plus tard. Quelle est l’importance de leurs préoccupations religieuses? L’opinion, largement répandue, veut que la jeunesse actuelle ne se préoccupe pas le moins du monde des questions religieuses. C’est un avis que je ne peux pas partager. Cela les préoccupe beaucoup, et ils sont également disposés à s’exprimer sur ce sujet et à y réfléchir. 40 01 2004 Nous passons la majeure partie de notre vie au travail. Quel rôle le choix professionnel, et la formation professionnelle, joue-t-il chez les adolescents en relation avec le sens de la vie? Un rôle essentiel. Dans le monde occidental, nous déterminons notre existence par la profession. Dans une certaine mesure, celle-ci dit qui je suis. Par conséquent, le choix professionnel est une affaire extrêmement importante, mais qui pèse aussi et cause bien des soucis. Ne pas trouver de place d’apprentissage est un très grand facteur de stress. Les adolescents qui ont trouvé une place d’apprentissage se sentent d’autant plus libérés, et ceux qui ont envoyé cinquante à soixante candidatures, sans succès ni même une réponse, sont d’autant plus frustrés. Chez de nombreux adolescents, cette situation peut déclencher une profonde crise personnelle. Comment évaluez-vous les conséquences sur les adolescents qui ne peuvent pas apprendre la profession qu’ils souhaitent parce qu’ils ne remplissent pas les conditions scolaires exigées? C’est la plupart du temps une expérience très douloureuse. Ils doivent réfléchir à leurs propres limites et apprendre à accepter ce qui est faisable pour eux. Et quand le marché des places d’apprentissage fixe les limites, autrement dit: l’adolescent remplirait certes les conditions exigées, mais il ne trouve pas de place d’apprentissage? Formation professionnelle suisse Cela n’est pas moins frustrant. Il n’a certes pas besoin d’admettre ses propres limites, la limitation se fait de l’extérieur. Mais se dire: je pourrais le faire, mais les conditions économiques ne me le permettent pas, c’est désespérant pour beaucoup d’entre eux. Mais il y a aussi beaucoup d’adolescents qui n’ont, à l’issue de la scolarité obligatoire, simplement aucune idée de la profession qu’ils aimeraient faire. Comment expliquez-vous ce phénomène? Notre monde professionnel est très complexe. Les profils professionnels changent de façon fulgurante et il est très difficile pour les jeunes de se faire une idée concrète. Les formations durent toujours plus longtemps et l’accès à la pratique est toujours plus difficile. Dans ce contexte, il est très utile de faire des stages. Les adolescents devraient ainsi avoir la possibilité de jeter un coup d’œil dans les professions les plus variées. Mais même cela n’est plus si simple. Les adolescents doivent actuellement envoyer une candidature écrite, même pour un stage! Il faut relever ici le fait que certains enseignants du secondaire I, dispensent de bonnes informations sur les professions, rendant ainsi un précieux service aux jeunes! De quelle manière les enseignants des écoles professionnelles peuvent-ils contribuer à ce que les adolescents trouvent un sens à leur vie? A mon avis, ils peuvent faire beaucoup, tout comme les maîtres d’apprentissage. S’ils savent transmettre le goût pour la profession et pour l’apprentissage, ils vont obtenir un effet considérable. Ils peuvent ainsi contribuer à ce que les adolescents abordent l’avenir en étant plus motivés.