Entretien-de-Marphor..

Transcription

Entretien-de-Marphor..
LIBRAIRIE ANCIENNE
ROGER SIBLOT
UN DIALOGUE ENTE MARPHORIO ET PASQUIN
DISCUSSIONS AUTOUR DU TESTAMENT DE CHARLES II, ROI
D’ESPAGNE
Ces deux séduisants petits livres,
de format in-16, tous deux en
reliure postérieure, l’une en plein
chagrin, l’autre en demi-chagrin,
intriguent à
première
vue.
Imprimés chez le plus célèbre
des faux éditeurs de Cologne,
Pierre Marteau (sur lequel on
consultera l’ouvrage de Léonce
Janmart de Brouillant, Histoire de
Pierre du Marteau, imprimeur à
Cologne, publié en 1862), en 1700,
ces deux exemplaires de l’Entretien de Marphorio
et de Pasquin, sur le testament de Charles II, Roy
d’Espagne, sont l’occasion de revenir sur un
drôle de duo, Marphorio et Pasquin, et à propos
d’une affaire qui aura agité le début du
XVIIIe siècle et ayant provoqué deux
décennies de guerre : la succession
d’Espagne. L’ouvrage fut un succès ; en
effet, on le retrouve dans la catalogue de
nombreuses ventes du XVIIIe siècle. Un succès
de scandale aussi ; puisqu’il fut saisi à l’époque
(A. Sauvy, Livres saisis à Paris entre 1678 en 1701,
Martinus Nijhoff, La Haye).
L’affaire
du
temps :
le
testament de Charles II et la
succession d’Espagne
On sait que Charles II
d’Espagne,
proclamé
roi
d’Espagne en 1665 alors qu’il
avait à peine 4 ans à la mort de
son père Philippe IV n’était pas
spécialement en forme d’un point
de
vue
physique.
Plutôt
rachitique,
très
faible,
certainement en raison des
mariages consanguins contractés par ses
ascendants, on le surnommait l’Ensorcelé,
notamment parce que l’on croyait que cet état
était du à des influences diaboliques. Mais la
difficulté majeure tenait surtout à ce que
Charles II était stérile. Pourtant marié deux
fois, il ne pourra avoir d’héritier. Aussi, la
question de sa succession s’est posée très tôt,
même avant son décès, à dire vrai ; ce qui n’est
pas très élégant. Mais enfin, son état de santé
laissait supposer une fin assez proche. Qui
allait lui succéder ? C’est-à-dire, finalement,
qui allait prendre possession d’un empire
impressionnant, quoique tout de même un peu
affaibli ? Les possessions d’Espagne étaient
somme tout encore très conséquentes au
tournant du XVIIIe siècle. Tout cela prendra un
tour dramatique, l’Europe s’embrasant pour
une une décennie de conflits, la dernière des
guerres que mènera Louis XIV.
très claire quant à sa volonté de suivre le
souhait de Charles II de voir les deux
couronnes bien distinctes (il fallait que le duc
d’Anjou renonce à la couronne de France).
C’est ainsi que débutera la longue guerre de
Succession d’Espagne.
Évidemment, à compter de là, les discussions
furent vives, parfois houleuses. L’arrivée des
français en Espagne aura fait couler beaucoup
d’encre.
Naturellement, il
y avait plusieurs
prétendants à sa succession, et globalement
deux partis semblaient avoir le plus de
droits : la France et l’Autriche. Dans le
même temps, si l’Angleterre était loin de tout
cela, au moins du point de vue de l’ascendance,
elle avait cependant son mot à dire : en bref,
tout ce qui renforçait la puissance de la France
la dérangeait. Or justement, les règles
généalogiques désignaient comme l’héritier de
Charles II le fils de Louis XIV, le duc d’Anjou,
étant donné qu’il était le fils de sa sœur aînée,
l’épouse du Roi Soleil.
Charles II a donc fait un testament. Au
début, il avait tenté d’éviter la difficulté en
désignant le duc Joseph-Ferdinand de Bavière,
le dernier petit-fils de sa tante paternelle.
Malheureusement, il ne fit pas long feu et partit
avant Charles II. Le 2 octobre 1700, le roi
d’Espagne se résigna et désigna le duc
d’Anjou, le fils de Louis XIV. Puis le
testament prévoyait la dévolution de manière
très précise, au cas où le duc d’Anjou viendrait
à décéder avant lui ou s’il venait à préférer le
trône de France. Il y avait toutefois dans le
testament une réserve intéressante : « notre
intention est que cette Couronne qui est Nôtre et celle de
France demeurent à jamais séparées ».
Charles II décède le 1er novembre 1700,
Louis XIV est prévenu le 9 novembre. Il
acceptera alors le testament le 14 novembre. En
revanche, Lépold Ier de Habsbourg refuse ledit
testament, ce d’autant que la France n’est pas
Le drôle de duo : Marphorio et Pasquin
C’est là qu’entrent scène Pasquin et Marphorio,
les deux principaux protagonistes de notre
ouvrage. En effet, le sujet de leur conversation
est précisément cette grande affaire du
moment : le testament de Charles II.
Il faut tout de même dire un mot de
Marphorio et Pasquin, ces deux « statues
parlantes » dont la Rome de l’époque était
friande. En réalité, il y avait, dans la capitale
des papes, six statues que l’on disait parlantes :
Pasquino, Marforio, madame Lucrezia,
Facchino, Babuino et le Scanderberg. L’on y
accrochait alors de nombreux libelles,
anonymes bien sûr, ce qui était un moyen utile
pour diffuser ses idées, souvent contre l’ordre
établi. Marphorio (ou Marforio) et Pasquin sont
sans doute les plus connues. Ainsi les libelles
placardés sur Pasquin se sont rapidement
dénommés pasquinades, et l’expression s’est
généralisée ensuite. Aussi, Marforio, Pasquin,
lorsqu’ils étaient mis en scène à l’occasion
d’un livre, étaient devenues les prétextes au
débat, et à la satire. En tout cas, il donnait la
possibilité de s’exprimer sur un sujet quelque
peu brûlant. En d’autres termes, un ouvrage
réunissant Marforio, Pasquin et Pierre Marteau,
c’était l’assurance d’avoir quelque chose de
sulfureux. Comme le testament de Charles II,
par exemple.
Deux de ces statues vont converser dans ce
petit ouvrage. Marforio, tout d’abord, une
figure masculine de la Rome impériale que l’on
trouve allongée sur un triclinium devant l’entrée
des musées du Capitole. Et Pasquino, ensuite,
que l’on peut encore voire près de la célèbre
piazza Navona. La statue est la copie romaine
d’un original grec en bronze que l’on attribue
généralement à Antigonos. On les voit d’ailleurs
joliment représentée, vivantes, dans la première
gravure de la jolie série de six que contient
chacun de ces exemplaires.
Marphorio et Pasquin vont donc discuter
de cette grande affaire qu’est la succession
d’Espagne. D’ailleurs, on voit tout de suite le
ton libre de l’ouvrage : Pasquin commence par
critiquer Rome, considérant qu’elle n’a que trop
voulu se mêler de la fortune des rois.
Marphorio apparaît comme celui qui raisonnera
Pasquin. D’abord sur ce sujet : « N’en abuse pas ;
contente-toi de t’entretenir de politique. Les coups de
langue qu’on donne là dessus n’ont pas des suites si
facheuses, que quand on se mêle de trouver à redire tout
ce que se passe par rapport au Pape ; et aux
cardinaux » (p. 9). Puis bien sûr sur la
successione en elle même, car Marphorio est
critique des français, et plutôt laudateur des
espagnols. Tout le dialogue
se veut ensuite une longue et
passionnante conversation
sur le testament et ses
conséquences,
sur
l’acceptation du roi Louis
XIV, sur l’influence de
l’Angleterre…C’est
alors
l’occasion pour l’auteur, dont
l’on a encore du mal à
identifier l’origine, de donner
son avis sur cette événement
qui marqua le XVIIIe siècle,
lequel aura commencé en
pleine guerre.
ENTRETIEN DE MARPHORIO ET DE PASQUIN, SUR LE TESTAMENT DE
CHARLES II ROY D’ESPAGNE
À Cologne, chez Pierre Marteau, 1700
Réf. 3179 – Prix : 150 €
1 vol in-16 (132pp). Reliure postérieure du XIX° demi-chagrin marron. Plats cartonnés. Un double filet doré sépare le
chagrin de la partie cartonnée. Dos à quatre nerfs orné de caissons dorés. Titre sur lettres dorées. Plat avant cassé au
niveau du coin inférieur. Champs frottés et coins légèrement émoussés. Intérieur frais avec un frontispice et quatre gravures
h.t. En dépit des imperfections signalées, bel ouvrage dans une jolie reliure.
ENTRETIEN DE MARPHORIO ET DE PASQUIN, SUR LE TESTAMENT DE
CHARLES II ROY D’ESPAGNE
À Cologne, chez Pierre Marteau, 1700
Réf. 3121 – Prix : 150 €
Un vol. petit in-12 – 131pp – Reliure du XIX° siècle plein maroquin noir à grains longs. Dos à cinq nerfs, ornés de
filets perlés dorés, bordés de doubles filets dorés, palette dorée, millésime doré en queue. Titre en lettres dorées. Large
roulette d’encadrement formée de palmettes à froid, bordée d’un encadrement doré sur les plats. Des initiales dorées « M H
» sur le plat avant. Tranches et dentelles intérieures dorées. Coiffe de tête légèrement arrachée, sans gravité. Intérieur frais
avec gardes en papier marbré. Un magnifique titre-frontispice et cinq superbes figures, gravées en taille-douce h-t.