Le Crédo Chrétien — son Origine et sa Signification

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Le Crédo Chrétien — son Origine et sa Signification
LE CRÉDO CHRÉTIEN
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SON ORIGINE ET SA SIGNIFICATION
Par Charles Webster LEADBEATER (1854-1934) — 1904
Traduit de l'anglais
Original : Publications Théosophiques — 1917
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Droits : domaine public
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Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2014
Remerciements à tous ceux qui ont contribué
aux différentes étapes de ce travail
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LIVRE
INTRODUCTION
Les étudiants en théosophie, qui ont été, ou qui sont encore des
chrétiens sincères, sont nombreux et si leur foi s'est graduellement élargie
au point de franchir les bornes de l'orthodoxie, ils ont conservé une affection
profonde pour les formes et les cérémonies de la religion dans laquelle ils
sont nés.
Pour eux, entendre réciter les anciennes formules, dans lesquelles ils
cherchent une signification plus élevée et plus large que l'interprétation
orthodoxe ordinaire, est un véritable plaisir.
J'ai pensé qu'il serait intéressant, pour ces étudiants, de posséder un
résumé succinct leur donnant la véritable signification et l'origine de ces
formules fondamentales de l'Église, qu'on appelle le crédo. De cette façon,
leur audition ou [2] leur récitation évoqueront en eux les idées nobles et
grandioses qui se rattachent à leur origine, au lieu de la matérialité
trompeuse des fausses appréciations modernes.
J'ai parlé des idées qui se rattachent à leur origine, j'aurais dû dire plutôt,
qui se rattachent à l'ancienne formule qui a servi de base à la partie la plus
importante du crédo. Car je n'ai pas eu un seul instant l'intention de dire que,
depuis des siècles, un grand nombre des membres, et même des chefs de
l'Église, qui récitent aujourd'hui ces crédos, en ont connu le sens véritable ;
je doute même que les conciles ecclésiastiques, qui les ont édictés et
autorisés, aient jamais compris entièrement la signification splendide des
phrases sonores qu'ils employaient ; car leur sens véritable avait en grande
partie été perdu et beaucoup d'altérations à tendance matérialisatrice y
avaient été introduites, longtemps avant la convocation de ces néfastes
assemblées.
Mais une chose parait bien certaine : si la foi chrétienne fut amoindrie,
dégradée, matérialisée et corrompue, au point qu'il est difficile de la
reconnaitre dans ses Écritures, une tentative fut faite par des pouvoirs
supérieurs pour guider ceux qui compilèrent ces grands symboles appelés
les crédos ; aussi quelle qu'ait été leur science ou leur ignorance, leur
langage transmet encore [3] clairement, à ceux qui ont des oreilles pour
entendre, les grandes vérités de la sagesse antique ; ce qui dans ces formules
semble faux et incompréhensible, quand on s'efforce de les lire d'après les
interprétations modernes si remplies d'erreurs, devient à la fois lumineux et
significatif, quand on en considère le sens intérieur ; et alors un fragment
d'une incroyable biographie apparait dans toute la grandeur d'une
déclaration de la vérité éternelle.
L'élucidation de ce sens intérieur des crédos, tel sera donc mon but.
Dans cette étude il me sera quelquefois nécessaire de toucher à leur histoire
réelle, mais est-il besoin de dire que je ne tente aucunement de traiter le sujet
suivant la méthode de l'érudition ordinaire ?
Les renseignements que j'ai à donner sur les crédos, ne sont obtenus ni
par la comparaison d'anciens manuscrits, ni par l'étude de volumineux
ouvrages de théologie ; ils sont simplement le résultat d'investigations faites
dans les clichés akasiques par quelques étudiants en occultisme. Leur
attention fut accidentellement attirée vers cette question au cours des
recherches faites dans une tout autre direction ; ils s'aperçurent que le sujet
était d'un intérêt assez puissant pour mériter un examen plus complet.
Comme j'écris principalement pour les étudiants [4] en théosophie, je
puis me permettre, en toute liberté et sans explication détaillée, l'emploi des
termes théosophiques ordinaires qui, je puis le présumer, leur sont devenus
familiers ; sans quoi mon petit livre dépasserait de beaucoup les limites
permises. Cependant, s'il lui arrivait de tomber entre les mains de ceux pour
qui l'usage éventuel de ces termes constituerait une difficulté, je les prierais
de m'excuser et de se reporter pour les explications préliminaires, à un
ouvrage théosophique élémentaire, tel que Sagesse antique ou l'Homme et
ses corps, de Mme Besant.
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER
—
HISTOIRE DES CRÉDOS
Formule primitive du Crédo. – Le Crédo des Apôtres. – Le Crédo de
Nicée. – Le Crédo d'Athanase.
Avant de décrire l'origine véritable des crédos de l'Église, il est bon de
résumer les idées acceptées par les écrivains orthodoxes, au sujet de leur
date et de leur histoire.
L'Église chrétienne a trois de ces formules de foi appelées
respectivement le crédo des Apôtres, le crédo de Nicée et le crédo
d'Athanase. Suivant une opinion qui fut dominante à un moment donné dans
l'Église, le deuxième et le troisième de ces crédos auraient été tout
simplement [6] des amplifications du premier ; mais il est maintenant
universellement reconnu qu'au point de vue historique le crédo de Nicée est
le plus ancien des trois.
Considérons-les successivement et exposons très brièvement ce que l'on
sait de chacun d'eux.
Formule primitive du crédo
Formule primitive du crédo. – À une époque très reculée, il semble
qu'on employait une sorte de crédo court et simple, non seulement comme
un symbole de la foi, mais aussi, pour nous servir d'une expression militaire,
comme mot de passe. Toutefois, les termes de cette formule ont varié
considérablement suivant les pays, et ce ne fut qu'après des siècles qu'on en
vint à une sorte d'uniformité.
Un exemple de cette forme primitive est le crédo que donne Irénée dans
son ouvrage Contre les Hérésies :
"Je crois en un seul Dieu tout puissant de qui sont toutes
les choses… et au Fils de Dieu, par qui sont toutes
choses."
Le Crédo des Apôtres
Le Crédo des Apôtres. – Il est fait mention pour la première fois d'un
crédo portant le nom de crédo des Apôtres, au IVe siècle, dans les écrits de
Rufinus, qui déclare que ce nom a été choisi, parce que ce crédo contient
douze articles composés chacun par un des douze apôtres assemblés, dans
ce but, en un conclave solennel. Mais Rufinus n'est pas considéré comme
[7] une autorité historique sérieuse ; dans l'encyclopédie romaine de Wetzer
et Welte, son récit est même considéré comme une simple légende pieuse.
On ne retrouve le crédo des apôtres, sous une forme qui rappelle
quelque peu la forme actuelle, que quatre siècles après la composition du
symbole de Nicée, et les écrivains les plus autorisés en cette matière
considèrent ce document comme un simple conglomérat formé lentement
par la réunion graduelle de symboles de foi plus anciens et plus courts. Les
investigations occultes réduisent cette idée à néant, comme nous
l'expliquerons plus tard et, tout en reconnaissant son caractère complexe,
assignent, au moins à une de ses parties, une origine beaucoup plus haute
que celle dont parle Rufinus.
Le Crédo de Nicée
Le Crédo de Nicée. – L'histoire de cette formule plus longue, appelée le
crédo de Nicée, que l'on trouve dans la messe de l'Église romaine et dans le
Service de la Communion de l'Église anglicane est, au point de vue
ordinaire, beaucoup plus nette et plus satisfaisante.
Tous les écrivains s'accordent à dire qu'à l'exception de deux omissions
importantes, il fut rédigé au concile de Nicée en 325. Comme la plupart de
nos lecteurs le savent, ce concile fut convoqué afin de mettre un terme aux
controverses qui s'élevaient alors parmi les autorités [8] ecclésiastiques
quant à la vraie nature du Christ. Le parti d'Athanase, ou parti matérialiste,
déclarait que le Christ était de la même substance que le Père, tandis que les
partisans d'Arius préféraient ne pas s'engager au-delà de la déclaration était
de substance semblable ; ils ne voulaient pas admettre non plus que le Fils
fût comme le Père sans commencement. Le point en litige semble bien peu
important pour avoir provoqué tant d'irritation, et éveillé tant de mauvais
sentiments ; mais il semble que, dans toute controverse théologique, plus la
divergence d'opinion est petite, plus la haine est ardente entre les
adversaires. On a suggéré que Constantin lui-même exerça une influence
indue sur les délibérations du concile ; quoi qu'il en soit, la décision fut
favorable au parti d'Athanase et le crédo de Nicée fut accepté comme
l'expression de la foi de la majorité. Tel qu'il fut rédigé alors, il se terminait
(si nous en omettons le terrible anathème qui montre très clairement quel
était l'esprit véritable du concile) par les mots : "Je crois au Saint-Esprit" ;
les articles qui en forment la conclusion aujourd'hui ont été ajoutés par le
concile de Constantinople en l'an 381, à l'exception des mots "et du Fils" qui
furent insérés par l'Église occidentale, au concile de Tolède en l'année 589.
[9]
Ce fut cette doctrine de la procession du Saint-Esprit qui, d'après les
apparences, provoqua le plus grand des schismes qui jamais déchira l'Église
chrétienne, la séparation des Églises orientale et occidentale, ou suivant
l'expression habituelle, des Églises grecque et romaine. Il est cependant
probable que cette question ne fut qu'un simple prétexte, car la centralisation
progressive de l'Église occidentale sous l'autorité de Rome était devenue
extrêmement désagréable aux patriarches orientaux, et depuis quelque
temps leurs relations avec Rome étaient tendues ; il semble que la cause
ultime de la scission fut le transfert, par les Bulgares, des patriarches aux
papes, de leur serment de fidélité. Cependant le rôle qu'elle joua, ne fût-ce
que comme prétexte, dans un évènement aussi important de l'histoire de
l'Église a revêtu cette clause du Filioque d'un intérêt peut-être hors de
proportion avec son importance intrinsèque.
Le Crédo d'Athanase
Le Crédo d'Athanase. – Il est reconnu que le crédo d'Athanase est de
production beaucoup plus récente que les autres. Chacun sait aussi qu'il n'a
aucun rapport avec Athanase ; il n'en porte le nom que parce que ses
compilateurs tenaient à ce qu'il fût considéré comme l'expression des
doctrines qu'Athanase défendit si énergiquement plusieurs siècles
auparavant. Une [10] partie, au moins, de ce crédo a été attribuée à Hilaire,
évêque d'Arles, et une autre partie se trouve dans la profession de foi de
Dénebert, bien qu'il soit à remarquer que, dans ces divers fragments
primitifs, les articles traitant de la damnation brillent par leur absence. Mais
comme crédo, il était certainement inconnu à la fin du VIIIe siècle, car au
concile de Frioul, tenu en 796, on déplora le fait de ne pas avoir une
amplification semblable de la confession de foi primitive, et ce fut très
probablement par suite de la discussion qui eut lieu à ce sujet que le crédo
d'Athanase fut rédigé dans sa forme actuelle. Ce crédo se divise d'une
manière évidente en deux parties : la première traitant de la doctrine de la
Trinité, la seconde de celle de l'Incarnation ; ces deux parties existaient
séparément depuis quelques années et l'on pourrait donner des preuves à
l'appui de ce fait, mais il semble qu'on n'en fit pas usage publiquement sous
la forme combinée et amplifiée avant l'an 800.
Néanmoins et en dépit de l'avis des érudits, des investigations faites par
des clairvoyants démontrent qu'en fait les deux parties furent écrites par la
même main à une époque considérablement antérieure à cette date, au
monastère de l'ile de Lérins ; mais il est tout à fait exact que l'écrit ne fut
pas rendu public.
CHAPITRE II
—
RENSEIGNEMENTS OBTENUS PAR CLAIRVOYANCE
Sources des Crédos. – La véritable histoire du Christ. – Les Paraklêtêria.
– Les Logia.
Ayant ainsi brièvement résumé l'histoire des crédos, telle qu'elle est
acceptée par les savants orthodoxes, j'exposerai maintenant le résultat des
découvertes faites à leur sujet au cours des investigations dont j'ai déjà parlé.
Ce dont il faut se bien pénétrer avant tout, c'est que les crédos, tels que
nous les possédons aujourd'hui, sont essentiellement des compilations, et
que le seul qui représente jusqu'à un certain point un document original
unique est le dernier de tous : le crédo d'Athanase. Je sais parfaitement que
cette affirmation, par laquelle débute mon exposé, est absolument contraire
aux idées généralement adoptées sur ce sujet, mais je [12] n'y puis rien, et
j'expose simplement les faits tels qu'ils se sont présentés aux investigateurs.
Sources des Crédos
Sources des Crédos – Ces crédos renferment des doctrines provenant
de trois sources distinctes et il est très intéressant de chercher à séparer ces
trois éléments les uns des autres et d'assigner respectivement à chacun d'eux
les articles qui en découlent, dans les formes que nous possédons
actuellement.
Ces trois sources sont :
a.
Une ancienne formule de cosmogénèse, s'inspirant d'une très haute
autorité.
b.
La rubrique qui servait de guide à l'hiérophante dans la forme
égyptienne de l'initiation Sohan ou Sotâpatti.
c.
L'opinion matérialisatrice, absolument erronée, qui a cherché à
interpréter les documents (a) et (b), comme s'ils se rapportaient à la
biographie d'un individu !
Considérons chacune de ces sources un peu plus en détail.
Je n'ai pas l'intention de développer longuement ici les renseignements
extrêmement intéressants que nous avons obtenus par la clairvoyance sur la
véritable histoire de la vie du Christ. Ce travail sera fait plus tard, mais pas
avant qu'il ne nous soit possible de fournir à l'appui de nos affirmations des
preuves entièrement [13] indépendantes de la clairvoyance, des preuves qui
s'adresseront à l'intelligence de l'érudit et de l'archéologue. Toutefois, il est
nécessaire, pour faire comprendre le but de la formule ancienne citée plus
haut, que nous introduisions dans ce traité quelques mots à ce sujet.
Quelques mots sur la véritable histoire de la vie du Christ
Quelques mots sur la véritable histoire de la vie du Christ. – Il est un
fait certain, c'est que le Christ (à une date bien antérieure à celle qui lui est
généralement assignée) fut un Instructeur au sein de la communauté des
Esséniens ; Il vécut parmi eux et les instruisit pendant quelque temps avant
de commencer son ministère public. Les chefs de cette communauté
possédaient déjà des fragments de renseignements plus ou moins exacts
(peut-être de source bouddhiste) concernant l'origine de toutes choses. Le
Christ les réunit, en fit un tout cohérent et, afin qu'on pût les retenir
facilement, leur donna la forme d'une profession de foi qui peut être
considérée comme la source première du crédo chrétien.
Source (a). – L'original de cette formule sera peut-être un jour traduit
en anglais ; mais une telle entreprise exigerait la collaboration de plusieurs
personnes et le soin le plus minutieux quant à l'exactitude du sens et au choix
des termes. C'est pourquoi nous n'en ferons pas la tentative dans cet
ouvrage ; nous nous bornerons [14] à indiquer quels sont les articles de nos
crédos qui étaient représentés dans la formule originale et nous nous
efforcerons d'en rendre le sens plus intelligible.
Ce symbole fut donc composé dans le but de résumer en une forme
facile à retenir les enseignements sur l'origine du Cosmos que le Christ avait
donnés aux chefs de la communauté essénienne. Chaque expression devait
rappeler à l'esprit beaucoup plus que ce que les mots seuls pouvaient
exprimer ; par le fait, c'était une formule mnémonique, semblable à celle
dont se servit Bouddha quand il donna à ses disciples les Quatre Nobles
Vérités ; et, sans aucun doute, chaque article servait de texte à expliquer et
à développer, à peu près comme les stances de Dzyan forment la base sur
laquelle Mme H.-P. Blavatsky a édifié toute la Doctrine Secrète.
Sources (b). – Il faut nous rappeler, en considérant la seconde source,
que la religion égyptienne se manifestait principalement par une multitude
de formes et de cérémonies et que même dans ses mystères ces tendances se
montraient fréquemment. Le degré le plus élevé de ces mystères amenait
définitivement l'homme sur le sentier, suivant l'expression employée
aujourd'hui ; il correspondait à ce qui est appelé dans la terminologie
bouddhiste l'initiation Sotâpatti. [15] Quand ce degré était conféré, un rituel
symbolique compliqué était accompli et une partie de notre crédo est la
reproduction directe des instructions prescrites par ce rituel pour
l'hiérophante officiant, la seule différence étant que ce qui était une série
d'indications fût refondu en la forme d'une narration historique décrivant la
descente du Logos dans la matière, que le rituel original était destiné à
symboliser.
Cette rubrique d'initiation, sous cette nouvelle forme, fut insérée dans
la formule (a) par les chefs de la communauté essénienne très peu de temps
après que le Christ les eût quittés, afin que les détails concernant la descente
du Second Logos (que le Christ avait si souvent expliquée au moyen du
rituel de cette initiation) eussent leur commémoration dans le même
symbole qui résumait la doctrine dans ses grandes lignes.
Il donna au sujet du Premier et du Troisième Logos un enseignement
semblable par le caractère et illustré de la même façon au moyen d'un
symbole, bien que peu de chose comparativement en ait été conservé ; mais
il ne parait pas douteux que le Christ attachait surtout une importance
spéciale à ce que ses disciples saisissent d'une manière exacte la descente de
l'essence monadique déversée par le Deuxième Logos.
Nous en comprenons facilement la raison : [16] l'essence monadique
anime toutes les formes qui nous entourent, et c'est par son étude seulement
que nous pouvons saisir le grand principe de l'évolution et comprendre la loi
d'amour qui régit l'univers. Car, s'il est certain que la vie qui anime les
atomes et les molécules poursuit aussi son évolution, son progrès est
entièrement au-delà de notre connaissance ; et, de même, la grande majorité
des hommes ne sait rien de l'évolution bien plus élevée qui, nous devons le
supposer, s'accomplit sous l'influence de la troisième Grande Émanation du
Premier Logos.
Il est donc évident que nous ne pouvons approcher de la compréhension
du système entier qu'en étudiant le mode d'action de la deuxième Émanation
et ceci expliquerait pourquoi le Christ semble avoir appuyé sur cette partie
de Son enseignement. Il n'est pas étonnant que ceux qui se croyaient
responsables de la transmission de cet enseignement et qui savaient combien
il était nécessaire d'y insister, en aient incorporé l'esquisse symbolique dans
la formule spéciale destinée à être le résumé de leur foi. Sans doute, en
agissant ainsi, ils étaient animés des motifs les plus purs et les plus élevés et
ils ne pouvaient prévoir que cette insertion même ouvrirait la porte à l'action
dégradante et destructive de la [17] tendance (c) qui, à leur époque, ne s'était
encore manifestée par aucun signe.
On pourrait nous demander pourquoi le Christ a choisi le symbolisme
quelque peu compliqué et matériel du rite égyptien comme exemple de cette
partie de son enseignement. Nous ne saurions avoir la prétention de critiquer
les méthodes adoptées par Celui qui sait ; mais peut-être pourrions-nous
suggérer comme raison plausible les rapports très étroits des Esséniens avec
la tradition égyptienne et le fait que Jésus lui-même, dans la première partie
de sa vie, passa un temps considérable en Égypte et reçut au moins une
initiation conforme à ses méthodes.
Source (c). – Dès les premiers temps de l'histoire du mouvement qui
plus tard fut connu sous le nom de christianisme, nous voyons s'affirmer
deux écoles ou deux tendances rivales, qui sont en réalité le produit de deux
phases différentes de l'œuvre du Christ. Comme nous l'avons dit, la plus
grande partie de Son temps fut consacrée à donner un enseignement défini
au sein de la communauté essénienne ; mais de plus, et en dépit de
l'opposition faite par les chefs officiels de cette communauté, Il en franchit
les limites relativement étroites et consacra une courte période de la fin de
Sa vie à la prédication publique. [18]
Il lui était évidemment impossible d'exposer à la multitude ignorante
ces enseignements profonds de la Sagesse Antique qu'Il avait communiqués
aux quelques élus qui, par leur éducation spéciale et une longue vie
d'entrainement ascétique, s'étaient rendus aptes, dans une certaine mesure
au moins, à les recevoir. Ses discours publics peuvent être divisés en deux
classes : la première représentée par les λόγια, série de courts préceptes
exprimant chacun une vérité importante ou une règle de conduite, et la
deuxième, composée des παραχλητήρια ou "paroles de consolation",
discours éloquents inspirés par la compassion profonde qu'il ressentait pour
la misère presque universelle qui frappait à cette époque les classes
inférieures plongées dans une atmosphère accablante de désespoir, de
dépression et de dégradation.
Les Logia
Les Logia – Quelques fragments traditionnels des logia ont été
incorporés çà et là dans ce que nous appelons aujourd'hui les Évangiles ;
MM. Grenfell et Hunt ont découvert récemment en Égypte une feuille, selon
toute apparence, authentique d'une collection de ces logis. Le Christ semble
ne rien avoir écrit Lui-même ; dans tous les cas, nous ne possédons
aujourd'hui rien de ce qu'Il pourrait avoir écrit ; mais pendant les deux
premiers siècles qui suivirent Sa mort [19] (évènement qui eut lieu, ne
l'oublions pas, à une époque considérablement antérieure à ce que nous
appelons aujourd'hui l'ère chrétienne), il semble qu'un grand nombre de Ses
disciples rassemblèrent et écrivirent des collections des paroles que lui
attribuait la tradition orale courante. Dans ces collections, toutefois, aucune
tentative n'a été faite pour donner une biographie du Christ ; parfois
quelques mots d'introduction décrivent l'occasion où certaines paroles furent
prononcées, comme dans les livres bouddhistes il arrive fréquemment pour
un sermon de Bouddha : "En une certaine occasion le Bienheureux se
trouvait dans le jardin des bambous à Râja-griha, etc."
Les Paraklêtêria
Les Paraklêtêria – Quoique certaines parties des logia aient été
défigurées et qu'il soit certain que le Christ n'a pas prononcé toutes les
paroles qui lui sont attribuées, "les paroles de consolation" ou paraklêtêria
ont été encore beaucoup plus sérieusement altérées et avec des
conséquences encore plus désastreuses.
Le but de ces sermons était d'éveiller dans le cœur des désespérés un
nouvel espoir en leur expliquant que, s'ils observaient l'enseignement donné,
leur situation serait certainement meilleure dans l'avenir qu'elle ne l'était
dans le présent ; s'ils étaient maintenant pauvres et souffrants, [20] ils
pouvaient vivre de façon à s'assurer après la mort une existence et, à leur
prochain retour sur terre, une vie bien plus enviables que le sort de ceux qui
les opprimaient aujourd'hui si cruellement.
Il est assez naturel que, parmi les plus ignorants, Ses auditeurs n'aient
compris qu'imparfaitement la portée de Ses discours et s'en soient allés avec
l'impression générale que le Christ prophétisait vaguement un avenir dans
lequel ce qu'ils considéraient comme une injustice serait redressé
conformément à leurs souhaits, qu'une dure punition frapperait l'homme
riche surtout pour le crime d'être riche, tandis qu'eux-mêmes seraient
comblés de puissance et de splendeur, tout simplement parce qu'ils avaient
été pauvres.
On conçoit aisément qu'une telle doctrine devait gagner facilement
l'adhésion des éléments les moins estimables de la société, et c'est bien
parmi cette classe du monde antique qu'elle semble s'être propagée avec une
merveilleuse rapidité. Il n'est pas étonnant non plus que ces hommes aient
complètement éliminé de leur doctrine la nécessité de mener une vie droite
et se soient groupés, ligués (le plus souvent dans des orgies d'un caractère
tout à fait répréhensible) dans la seule croyance commune en un "meilleur
[21] temps à venir" où ils se vengeraient de tous leurs ennemis personnels,
et sans aucun effort de leur part, entreraient en possession du luxe et des
richesses accumulés par le labeur des autres.
À mesure que cette tendance se développa, elle affecta un caractère de
plus en plus politique et révolutionnaire, à tel point qu'on eût pu dire des
chefs de cette faction ce qui, jadis, avait été dit de David : "tous ceux qui
étaient en détresse, tous ceux qui étaient endettés se joignaient à eux." Il
n'est donc pas surprenant que ceux qui se groupèrent autour de ces hommes,
animés d'une haine jalouse pour tout ce qui leur était supérieur, en vinrent à
croire que l'ignorance était une condition à peu près nécessaire au salut, et à
considérer avec le mépris d'esprits bornés la Gnose que possédaient ceux
qui gardaient encore quelque tradition de l'enseignement véritable du Christ.
Il ne faut pas supposer pourtant que cette majorité turbulente et cupide
ait formé la totalité du mouvement chrétien primitif. Indépendamment des
différentes écoles de philosophie gnostique qui, par une tradition plus ou
moins exacte, mais provenant de sources authentiques, avaient hérité de
l'enseignement secret donné par le Christ aux Esséniens, il existait une
catégorie [22] de personnes comparativement paisibles et respectables, dont
le nombre allait sans cesse s'augmentant et qui, bien qu'ignorant
complètement la Gnose, prenaient pour règle de conduite ce qu'elles
connaissaient des logia du Christ ; ce groupe devint finalement l'élément
prédominant de ce qu'on appela plus tard le parti orthodoxe.
CHAPITRE III
—
DÉVELOPPEMENT DU MOUVEMENT CHRÉTIEN
Nous reconnaissons donc clairement, dans le développement du
mouvement chrétien, trois grands courants de tendances différentes,
résultant tous trois de l'enseignement du Christ : premièrement le vaste amas
de sectes gnostiques, qui, d'une manière générale, représentait jusqu'à un
certain point l'enseignement secret donné aux Esséniens, mêlé toutefois à
des idées provenant de diverses sources extérieures, telles que le
zoroastrianisme, le sabéisme, etc. ; en second lieu, le parti modéré, qui au
début s'inquiéta peu de la doctrine, mais adopta pour règle de conduite les
préceptes attribués au Christ ; troisièmement, la horde ignorante surnommée
les "pauvres gens", dont la seule religion réelle était un vague espoir de
révolution.
Le christianisme se développant graduellement, [24] ses partisans
devinrent assez nombreux pour acquérir l'importance d'un facteur politique
et exercer une certaine influence sociale. Peu à peu, les représentants de la
deuxième et de la troisième tendance se groupèrent en un parti qui s'appela
orthodoxe, et, comme ils se méfiaient de l'enseignement supérieur des
gnostiques, ils se virent obligés d'édifier une espèce de système doctrinal
qui le remplaçât.
À cette époque, l'ancienne communauté essénienne s'était dissoute et la
formule (qui n'avait jamais été écrite, mais transmise oralement) était
devenue, sous des formes variées plus ou moins imparfaites, à peu près
publique et la propriété de toutes les sectes ; et tout naturellement le parti
orthodoxe se vit obligé d'en donner une interprétation qu'il put opposer à
l'interprétation vraie présentée par les gnostiques.
C'est alors qu'on vit poindre sur leur horizon mental l'un des
malentendus les plus colossaux qu'ait jamais inventés l'imbécilité humaine.
Il vint à l'esprit de quelqu'un – et probablement cette idée était depuis
longtemps celle des "pauvres gens" si profondément ignorants – que le beau
récit allégorique de la descente du Second Logos dans la matière, contenu
dans le rituel symbolique de l'initiation égyptienne, n'était pas du tout une
allégorie, mais bien le récit de la vie [25] d'un être humain qu'ils identifièrent
avec Jésus de Nazareth. Aucune idée n'aurait pu dégrader davantage la
grandeur de la foi, ni induire plus profondément dans l'erreur les malheureux
qui l'acceptèrent ; cependant, on comprend qu'elle fut la bienvenue auprès
des ignorants, car elle était bien plus à la portée de leur intelligence limitée
que la magnifique envolée de l'interprétation véritable.
Les légères additions nécessaires pour greffer cette théorie indigne sur
le crédo en voie de développement furent facilement faites et, au bout de
peu de temps, des versions fragmentaires en furent mises par écrit.
Il s'ensuit que l'opinion, communément acceptée, d'après laquelle le
crédo est une compilation faite peu à peu, est vraie en partie ; seulement,
cette compilation ne fut pas faite comme on le suppose généralement, et la
tradition qui en attribue l'origine aux apôtres ne mérite aucun crédit.
La véritable genèse de la majeure partie du crédo est, comme nous
l'avons vu, d'un caractère bien plus élevé ; les fragments les plus anciens
sont des restes imparfaits d'une tradition orale, et la compilation de ces
documents, faite à un certain moment, donna pour résultat une très bonne
reproduction de l'original ; celle-ci fut [26] adoptée formellement par le
concile de Nicée, mais ce concile, en le terminant par un anathème tout à
fait contraire à l'esprit du crédo, fit preuve de son incapacité absolue à en
comprendre la signification.
Afin d'avoir sous les yeux la forme exacte du crédo qui fut rédigé par
ce turbulent concile, j'intercale ici la traduction très soignée que M. Mead
en a donnée dans le Lucifer, vol. IX, p. 204.
"Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant,
Créateur de toutes choses, tant visibles qu'invisibles et en
un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu,
monogène 1 engendré du Père, c'est-à-dire de la substance
du Père, Dieu de 2 Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu
de vrai Dieu, engendré et non fait, coessentiel au Père, par
qui toutes choses ont été faites : celles qui sont au ciel et
celles qui sont sur la terre ; qui pour nous, hommes, et pour
notre salut est descendu, fut fait chair et fut fait homme, a
souffert, est ressuscité le troisième [27] jour, est monté
aux cieux et reviendra pour juger les vivants et les morts ;
et au Saint-Esprit. Quant à ceux qui disent "qu'il fut un
1
Sur le conseil de M. Mead, nous avons introduit dans la traduction française, pour rendre le mot
grec μονογενήσ, le latin unigenitus, l'anglais only-begotten, le terme monogène, dont l'explication est
donnée plus loin, page 54. Note du Comité.
2
Ce de et les suivants ont le sens de "provenant de", nettement indiqué par la préposition έχ de
l'original grec.
temps où il 3 n'était pas" et "qu'il n'était pas avant d'être
engendré" et "qu'il est venu à l'existence de ce qui n'était
pas" et qui déclarent que le Fils de Dieu est d'une autre
substance ou essence, ou qu'il a été créé, ou est sujet à
changement ou variation, l'Église catholique les
anathémise."
Ce texte ressemble dans ses grandes lignes à celui qu'emploie l'Église
anglicane dans le service de la communion ; mais nous y relevons cependant
plusieurs différences qui ne sont pas sans importance. Une bonne partie de
la pseudo-histoire de Jésus n'est pas encore venue le corrompre ni l'avilir,
bien que la fatale identification du Christ avec Jésus et des deux avec le
Second Logos ne soit que trop manifeste. Il n'est guère étonnant que ce soit
l'idée la plus étroite et non la plus large qui ait triomphé, la plus grande partie
des membres de ce concile étant (tous les récits en font foi) des fanatiques
ignorants et turbulents réunis principalement dans l'espoir de favoriser leurs
intérêts personnels. Pourtant on remarquera que la confusion faite [28] plus
tard au sujet de la conception par le Saint-Esprit et de l'enfantement par la
Vierge n'y figure pas encore ; le symbole du crucifiement n'a pas non plus
été ravalé jusqu'à un simple fait historique qu'on a cherché depuis, si
gauchement, à rendre vraisemblable par l'introduction d'une date
absolument inexacte sous forme d'une allusion que rien ne justifie à ce
malheureux et tant calomnié Ponce-Pilate.
Par contre, tous ces articles, absents ici, apparaissent dans le crédo de
l'Église romaine que l'on considère généralement comme antérieur. Nous
jugeons inutile toute discussion sur ce point puisque nous admettons que la
plupart de ces articles sont simplement des versions, légèrement altérées, de
la formule d'initiation égyptienne qui, certes, existait depuis de longs siècles.
Quelle que soit l'époque à laquelle s'opéra cette transformation
dégradante d'une allégorie en une pseudo-biographie (et ce fut sans doute à
une époque reculée), nous constatons les effets d'une influence semblable
sur d'autres documents que le crédo. Les évangiles ont subi la même
influence matérialisatrice ; la belle parabole de l'original a été corrompue à
diverses reprises par l'addition de légendes populaires et par l'insertion d'une
partie des logia de la tradition, à tel point qu'aujourd'hui ce qu'on appelle les
évangiles n'est [29] plus qu'une compilation confuse, défiant toute tentative
3
Il se rapporte au Fils. – NDC
de la considérer comme une histoire aussi bien que de distinguer les divers
éléments qui y sont entrés.
Mais ne nous égarons pas dans le sentier fascinateur de la critique des
évangiles et bornons-nous à l'examen du crédo. Cependant, avant que le
lecteur puisse apprécier complètement la signification réelle de ses
différents articles, il est nécessaire qu'il comprenne, pour autant que la chose
soit possible, les grandes lignes du système de cosmogénèse, qu'à l'origine
il était destiné à indiquer. Ce système est, naturellement, identique à celui
qu'enseigne la Religion-Sagesse et son exposé est, en fait, l'esquisse des
fonctions respectives des trois Logoï dans l'évolution humaine.
CHAPITRE IV
—
ESQUISSE DE LA COSMOGÉNÈSE
Fonctions respectives des trois Logoï
Il est entendu, dès le début, que nous sommes en présence d'un sujet
que nul d'entre nous ne peut espérer comprendre d'une manière parfaite
avant de longs âges à venir ; car celui qui peut l'embrasser dans toute son
étendue doit être consciemment un avec le Très-Haut. Quelques indications,
toutefois, pourront être données pour aider le travail de notre pensée, mais
il est absolument nécessaire, et j'insiste sur ce point, de ne pas perdre de vue,
un seul instant, que toutes les conceptions que nous pourrons en avoir
doivent être imparfaites et par conséquent inexactes, puisque le problème
est regardé d'en bas et non d'en haut, du point de vue de notre extrême
ignorance au lieu de celui de l'omniscience. [31]
En tenant compte des différences évidentes dans les circonstances
ambiantes, ce qui arrive au commencement d'un système solaire tel que le
nôtre est, nous dit-on, identique à ce qui se produit au réveil d'une des
grandes périodes de repos cosmique ; et il est probable que nous serons
moins exposés à l'erreur en nous efforçant de diriger notre attention vers la
première de ces conceptions, plutôt que vers la seconde.
Il faut avant tout que nous nous rendions bien compte que, dans
l'évolution d'un système solaire, trois des principes les plus élevés du Logos
de ce système correspondent aux trois Grands Logoï de l'évolution cosmique
et en remplissent les fonctions ; en fait, ces trois grands principes sont
identiques aux trois Grands Logoï d'une manière qui nous est totalement
incompréhensible ici-bas, même si nous voyons qu'il doit en être ainsi.
Et cependant, tout en reconnaissant cette identité d'essence, il faut nous
garder soigneusement de confondre les fonctions respectives d'êtres dont les
sphères d'action sont si notablement différentes.
Rappelons-nous que du Premier Logos, qui est le plus près de l'Absolu,
émane le Second Logos ou Logos Duel, de qui provient à son tour le
Troisième Logos. De ce Troisième Logos procèdent [32] les Sept Grands
Logoï, appelés quelquefois les Sept Esprits devant le trône de Dieu et,
comme l'expir divin s'épand toujours vers le dehors et vers le bas, de chacun
de ceux-ci procèdent, sur le plan suivant, sept Logoï, soit, sur ce plan, un
total de quarante-neuf Logoï.
Faisons observer que dans ce grand mouvement de descente vers la
matière il y a bien des stades à traverser ; sans nous donner le détail des
hiérarchies intermédiaires, on nous dit cependant que de chacun de ces
quarante-neuf Logoï dépendent des millions de systèmes solaires dont
chacun reçoit son énergie et sa direction de son propre Logos solaire. Bien
qu'à des niveaux aussi élevés, les différences de splendeur et de puissance
ne soient guère appréciables pour nous, nous pouvons cependant
comprendre jusqu'à un certain point la distance immense qui sépare les Trois
grands Logoï du Logos d'un système ; nous éviterons ainsi une erreur que
font sans cesse les étudiants irréfléchis.
On nous a souvent exposé que chacun des plans de notre système est
divisé en sept sous-plans et que la matière du sous-plan supérieur de chacun
peut être considérée comme atomique par rapport à son plan particulier,
c'est-à-dire que ses atomes ne peuvent être divisés davantage sans passer de
ce plan au plan qui lui est [33] immédiatement supérieur. Or, ces sept sousplans atomiques, considérés en eux-mêmes et sans aucun rapport avec les
autres sous-plans qui sont dans la suite amenés à l'existence par la
combinaison variée de leurs atomes, constituent le plus bas des sept grands
plans cosmiques et en sont eux-mêmes les sept subdivisions.
Avant donc qu'un système solaire vienne, à l'existence, là où est en
quelque sorte son emplacement futur, il n'y a rien que les conditions
ordinaires de l'espace interstellaire, c'est-à-dire la matière des sept sousdivisions du plan cosmique le plus inférieur appelé quelquefois le plan
cosmique prâkritique ou, à notre point de vue, la matière de chacun de nos
sous-plans atomiques, mais sans ces combinaisons variées que nous sommes
habitués à considérer comme reliant ces sous-plans entre eux et conduisant
graduellement de l'un à l'autre.
La première Émanation
La première Émanation – Or dans l'évolution d'un système, l'action des
trois principes supérieurs du Logos (généralement appelés les trois Logoï du
système) sur cet état de choses préexistant a lieu d'après ce que nous
pourrions appeler un ordre inverse.
Dans le cours de ce grand œuvre chacun d'eux épand son influence,
mais le premier de ces efflux en date a pour source ce principe de notre
Logos [34] qui correspond au manas dans l'homme, bien que résidant sur un
plan infiniment plus élevé. On le nomme habituellement le Troisième Logos
ou Mahat ; il correspond, dans le système chrétien, au Saint-Esprit : "l'Esprit
de Dieu qui couve la surface des eaux" de l'espace et appelle les mondes à
l'existence.
Le résultat de cette première Émanation est l'éveil de cette vitalité
inouïe, merveilleuse, qui pénètre toute la matière, bien que celle-ci paraisse
inerte à notre vue physique si imparfaite ; les atomes des plans divers,
électrisés par elle, développent des attractions et des répulsions, latentes
jusque-là, et entrent dans toutes espèces de combinaisons, appelant ainsi
graduellement à l'existence les subdivisions de chaque plan, jusqu'à ce que
nous ayons devant nous, en pleine activité, l'étonnante complexité des
quarante-neuf sous-plans, tels qu'ils existent aujourd'hui.
C'est pour cette raison que dans le symbole de Nicée on décrit si
magnifiquement le Saint-Esprit, en ces termes : le "Seigneur qui donne la
Vie". On acquerra quelques notions touchant le mode d'action du Troisième
Logos en lisant attentivement le mémoire de William Crookes sur La
Genèse des éléments (lu à l'Institution Royale britannique le 18 février
1887). [35]
La deuxième Émanation
La deuxième Émanation – L'Essence monadique. – Quand la matière de
tous les sous-plans du système existe et que le Champ d'action a ainsi été
préparé, la deuxième grande Émanation apparait ; – c'est ce que nous avons
appelé quelquefois la descente de l'essence monadique – ; il provient du
principe supérieur qui correspond dans notre système au Second Logos, et
que les écrivains chrétiens appellent le Fils de Dieu. Beaucoup de ce qui a
été dit de Lui et qui, pour celui qui comprend, est aussi vrai que magnifique,
a été grossièrement défiguré et avili par ceux qui étaient incapables d'en
saisir la vérité dans toute sa grandiose simplicité ; nous reviendrons sur ce
sujet plus tard.
Lentement, mais constamment, avec une force irrésistible, cette grande
onde vitale se répand ; chacune de ses vagues successives passe un
manvantara tout entier dans chacun des règnes de la nature : les trois règnes
élémentals, le règne minéral, le règne végétal, le règne animal et le règne
humain.
Dans l'arc descendant de sa courbe puissante, l'essence monadique
rassemble simplement autour d'elle sur les différents plans toutes les
différentes espèces de matière, successivement, afin de les accoutumer, de
les rendre aptes à agir comme ses véhicules ; mais, quand elle a atteint [36]
le point le plus bas, le point tournant de sa descente dans la matière et qu'elle
commence le grandiose mouvement ascendant de l'évolution vers la
divinité, son objet est alors de développer sa conscience, tour à tour, dans
chacun de ces degrés de la matière, en commençant naturellement par le
degré inférieur.
C'est ainsi que l'homme, tout en possédant tant de principes supérieurs
plus ou moins à l'état latent, n'est pleinement conscient, pendant longtemps,
que dans son corps physique ; plus tard, et par degrés insensibles, il le
devient dans son corps astral et plus tard encore, dans son corps mental.
C'est aussi pourquoi nous ne distinguons guère dans le monde minéral
ce que nous pourrions appeler conscience, si ce n'est les premières et faibles
lueurs du désir, sous la forme d'affinité chimique, tandis que dans le monde
végétal nous discernons des préférences et des répulsions, des désirs, par le
fait, de plus en plus accentués ; nous n'avons, du reste, qu'à lire les récents
ouvrages de botanique pour constater que nombre de plantes déploient
beaucoup d'ingéniosité et de sagacité pour arriver à leurs fins, si limitées
qu'elles soient.
Dans le monde animal le désir joue un rôle prédominant, et il n'est pas
douteux que le corps [37] astral commence très nettement à fonctionner,
bien que l'animal n'ait encore rien qui mérite le nom de conscience dans ce
même corps, dès qu'il est séparé de son véhicule physique. Cependant chez
les animaux domestiques supérieurs le corps astral a un développement
suffisant pour devenir après la mort un kâmarûpa qui persiste pendant
quelques jours au moins et même, dans certains cas, pendant quelques
semaines ; en outre, un certain degré d'activité manasique commence à se
montrer d'une manière évidente.
En arrivant au règne humain, nous constatons que, chez les types
inférieurs de l'humanité, le désir est encore la caractéristique dominante,
bien que le développement manasique soit effectué jusqu'à un certain point ;
pendant sa vie terrestre, l'homme à l'état de sommeil est vaguement
conscient dans son véhicule astral ; après sa mort, son kâmarûpa est bien
conscient et actif et subsiste pendant nombre d'années ; mais il n'y a encore
pour l'homme de ce type à peu près pas de vie dévakhanique ou céleste.
Passant ensuite au type moyen de l'homme cultivé dans notre propre
race, nous le voyons déployer pendant sa vie une activité mentale supérieure
et en possession de qualités qui lui donnent, après la mort, la possibilité
d'une longue existence dévakhanique ou céleste. À l'état de [38] sommeil, il
est parfaitement conscient dans son corps astral, bien que généralement il
soit incapable d'en rapporter aucun souvenir dans l'état de veille. L'exemple
des hommes, en nombre relativement petit, qui, jusqu'à présent, ont entrepris
de se développer par les moyens occultes, nous montre que l'avenir de
l'évolution n'est autre chose que l'épanouissement de la conscience sur des
plans de plus en plus élevés, au fur et à mesure des progrès de l'humanité et
de son adaptation à un tel développement.
La troisième Émanation
La troisième Émanation – Mais depuis bien longtemps la troisième
grande Émanation de la vie divine a, elle aussi, commencé à agir ; elle
émane du principe supérieur du Logos du système solaire, principe qui, dans
l'homme, correspond à l'Atmâ et, dans l'évolution cosmique, au Premier
Logos, appelé par le christianisme Dieu le Père.
J'ai tenté d'indiquer comment, dans sa marche ascendante, l'essence
monadique développe graduellement sa conscience, d'abord sur le plan
physique, puis sur le plan astral et ensuite sur le plan manasique inférieur
(ou mental). Mais ce n'est qu'au moment où, chez les plus avancés des
animaux domestiques, ce dernier stade est atteint, que la troisième vague de
vie se trouve à portée d'intervenir ; car cette troisième vague de vie ne peut
pas d'elle-même descendre plus bas [39] que notre plan Bouddhique ; là, elle
semble planer en quelque sorte, attendant que le développement de
véhicules appropriés la mette à même de descendre un degré de plus et de
devenir l'âme individuelle de l'homme. Ces mots résonnent étrangement
sans doute ; c'est qu'il est difficile d'exprimer exactement dans un langage
humain les mystères de la vie supérieure.
Représentez-vous (et j'emploie ici une image orientale) l'essence
monadique comme une mer constamment soulevée par la force d'évolution
qui lui est inhérente et s'élevant de plus en plus dans le plan manasique ;
imaginez, d'autre part, le troisième efflux planant comme un nuage audessus de ce plan, attirant sans cesse à lui les vagues d'en bas et attiré par
elles. Ceux qui ont vu se former une trombe dans les mers tropicales
comprendront plus facilement cet exemple emprunté à l'Orient et
s'expliqueront comment les deux pointes opposées du cône de nuage et du
cône d'eau se rapprochent de plus en plus par une mutuelle attraction, jusqu'à
ce que soudain elles s'élancent simultanément l'une vers l'autre pour former
la grande colonne d'eau et de vapeur mêlées.
Pareillement, les blocs d'essence monadique animale projettent
continuellement en incarnation des prolongements qui sont comme autant
[40] de vagues temporaires à la surface de la mer ; le processus de
différentiation va se continuant jusqu'au moment où l'une de ces vagues
s'élève assez haut pour permettre au nuage qui plane de se fondre avec elle ;
elle jouit alors d'une nouvelle existence, qui n'est ni celle du nuage, ni celle
de la mer, une existence intermédiaire présentant à la fois les caractères de
l'un et de l'autre ; elle est séparée du bloc dont elle formait jusque alors une
partie et elle ne retombe plus dans la mer. En d'autres termes, un animal
appartenant à l'un des blocs d'essence monadique les plus évolués, un animal
domestique par conséquent, peut par son amour pour son maitre et son
dévouement, par le travail mental qu'implique son effort sincère pour le
comprendre et lui plaire, s'élever au-dessus de son niveau originel et devenir
un véhicule digne de recevoir cette troisième Émanation de vie ; à partir de
ce moment il se sépare de son bloc et commence sa carrière d'immortalité
comme individu.
Si nous nous rappelons que la conscience de l'essence monadique s'est
développée jusqu'au niveau manasique inférieur et que la troisième
Émanation de la vie divine est descendue jusqu'au plan Bouddhique, nous
devons nous attendre à trouver la combinaison résultante sur les niveaux
manasiques supérieurs, sur la division [41] arûpa du plan Dévakhanique ou
céleste ; c'est là vraiment l'habitat du corps causal de l'homme, du véhicule
de l'Égo réincarnateur.
Nous remarquerons ici qu'un changement curieux s'est produit dans le
rôle de l'essence monadique. Pendant le cours de sa longue évolution, dans
tous les règnes antérieurs, elle a été le principe d'énergie, le principe
animateur, la force qui était derrière toutes les formes qu'elle a occupées
temporairement. Mais ce qui a été jusqu'à présent le principe animateur
devient à son tour un récepteur : de l'essence monadique est formé le corps
causal, ce globe resplendissant de lumière vivante, dans lequel pénètre la
lumière d'en haut, plus glorieuse encore, et dans lequel elle trouve son
expression comme individualité humaine.
Être le véhicule du dernier et de la plus grandiose Émanation de l'esprit
divin ne doit pas être considéré comme un résultat indigne d'une évolution
si longue et si pénible ; car, il faut s'en souvenir, sans la préparation de ce
véhicule à servir de trait d'union, l'immortelle individualité de l'homme n'eût
jamais pu être appelée à l'existence ; cette triade supérieure, ainsi formée,
devient une unité transcendante "non par le changement de sa divinité en
chair, mais par l'assomption de son humanité en Dieu". Donc, [42] dans ce
travail qui a duré des âges, rien n'a été perdu, rien n'a été inutile ; car sans
lui jamais n'aurait été atteinte la consommation finale : l'homme devenu
l'égal du Logos, dont il émane, et par là même le Logos devenu plus parfait,
puisqu'Il retrouve en ceux qui procèdent de Lui Ses égaux, auxquels Il peut
prodiguer, pour la première fois dans toute sa plénitude, l'amour qui est
l'essence de Sa nature divine.
Qu'on s'en souvienne aussi, l'homme ne possède la garantie absolue de
son immortalité que par la présence, au dedans de lui-même, de cette
troisième émanation de la vie divine ; car c'est là l'esprit de l'homme qui
monte, en opposition avec "L'esprit de la bête qui descend", c'est-à-dire, qui,
à la mort de l'animal, retourne au bloc d'essence monadique d'où il était sorti.
Bien que notre intelligence ne puisse pas le concevoir, un temps
viendra, nous dit-on, – le temps du Mahâpralaya – où toutes "les choses
visibles et invisibles" seront réabsorbées en Cela, d'où elles sont issues ; le
Second et le Troisième Logos eux-mêmes, et tout ce qui est de leur essence,
doivent être plongés dans le sommeil et disparaitre temporairement.
Cependant, même dans cette période de repos universel, une Entité reste
immuable : le Premier Logos, le Logos non manifesté demeure à jamais [43]
dans le sein de l'Infini. Et puisque l'essence de ce Père Divin de tous les êtres
est entré directement dans la composition de l'esprit de l'homme,
l'immortalité de celui-ci est, par ce pouvoir souverain, absolument assurée.
J'espère vous montrer avec quelle beauté et quelle grandeur ces
conceptions glorieuses se reflètent même dans ce qui nous a été laissé des
crédos chrétiens, en étudiant ceux-ci article par article.
DEUXIÈME PARTIE
—
LE CRÉDO DES APÔTRES ET LE CRÉDO DE NICÉE
Le crédo des apôtres 4
Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ; et
en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du SaintEsprit, est né de la Vierge Marie ; a souffert sous Ponce-Pilate ; a été
crucifié, est mort, a été enterré ; est descendu aux enfers ; [46] le troisième
jour, est ressuscité d'entre les morts ; est monté au ciel ; est assis à la droite
du Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, à la communion
des saints, à la rémission (au pardon) des péchés, à la résurrection de la chair
(du corps), et à la vie éternelle (à la vie à jamais).
Le crédo de Nicée 5
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur de toutes les
choses, visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils
unique de Dieu, engendré du Père avant [47] tous les siècles ; Dieu de Dieu,
Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait,
consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites ; qui pour nous,
hommes, et pour notre salut, est descendu du ciel ; et fut incarné 6 par le
Saint-Esprit de la Vierge Marie, et fut fait homme ; qui a été aussi crucifié,
a souffert sous Ponce-Pilate, et a été enterré ; qui est descendu aux enfers ;
le troisième jour, est ressuscité d'entre les morts ; est monté au ciel ; est assis
4
Le texte est celui des missels de l'Église catholique romaine ; les trois parenthèses donnent des
variantes qui sont les traductions du texte anglais qui a servi à l'auteur.
5
Le crédo, dit de Nicée, qui est donné ici, est la traduction du texte latin de l'office de la messe
catholique romaine, avec des modifications de pure forme, d'ailleurs peu importantes, destinées à le
rendre entièrement conforme aux citations de l'auteur, empruntées au texte en usage dans l'Église
anglicane. Ainsi qu'il est dit plus haut, ce crédo se compose, en sus d'articles rédigés à Nicée en 325,
– dont on donne la traduction page 26 – de clauses ajoutées au concile de Constantinople en 381, et
du fameux Filioque (et du Fils) inséré en 589 par le concile de Tolède. – NDC
6
Dans les missels catholiques cet article est rédigé comme il suit : qui s'est incarné en prenant un
corps dans le sein de la Vierge Marie par l'opération du Saint-Esprit. C'est une traduction
singulièrement libre du texte latin qui se trouve généralement en regard : incarnatus est de Spiritu
Sancto ex Maria Virgine. Nous avons préféré la traduction littérale, d'autant plus qu'elle s'écarte moins
de celle qui est citée et commentée par l'auteur. – NDC
à la droite du Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les
morts ; et dont le règne n'aura point de fin.
Je crois au Saint-Esprit, également Seigneur et dispensateur de la vie,
qui procède du Père et du Fils, qui conjointement avec le Père et le Fils est
adoré et glorifié ; qui a parlé par les prophètes.
Je crois en une seule Église, sainte, catholique, et apostolique. [48]
Je reconnais un baptême pour la rémission des péchés.
J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle (de l'âge) qui doit
venir.
CHAPITRE I
—
INFLUENCE MATÉRIALISATRICE
Insertion du nom de Jésus-Christ. Explication du terme μονογενήϛ.
Le crédo des Apôtres et le crédo de Nicée se ressemblent si étroitement
que la meilleure méthode pour nous sera de les étudier ensemble. Pour le
moment nous ne nous servirons qu'occasionnellement de citations
empruntées au crédo d'Athanase, réservant pour plus tard l'étude séparée des
articles les plus importants de cette formule.
Il est manifeste que ces deux crédos plus courts sont tout simplement
deux traditions différentes d'une seule formule originale qui renfermait déjà
des réminiscences des documents que nous avons appelés (a) et (b), et était
elle-même déjà considérablement altérée par la tendance (c). [50]
L'époque à laquelle cette formule originale fut bien arrêtée dans ses
grandes lignes ne peut pas encore être donnée avec certitude, mais il est
probable que nous ne nous tromperons pas de beaucoup en lui assignant le
milieu du IIe siècle de notre ère – sans oublier que cette ère n'a rien de
commun avec l'époque réelle de la naissance de l'Instructeur appelé le
Christ, ni que, selon toute probabilité, aucune tentative ne fut faite pour fixer
cette formule par l'écriture avant une date de beaucoup postérieure. Les deux
crédos diffèrent, comme devaient différer par leur esprit les deux courants
de pensée religieuse qui les ont conservés : le crédo de Nicée est plus
métaphysique et moins matérialisé que le crédo des Apôtres ; il se tient à un
point de vue un peu plus élevé et, par conséquent, se prête davantage à ma
tentative, qui est de faire revivre l'interprétation originale, la seule
acceptable.
"Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre."
Ainsi débute le crédo des Apôtres qui parait ici ne viser que le Logos de
notre système solaire ; le symbole de Nicée, qui embrasse un horizon encore
plus vaste, a adopté une expression qui s'applique mieux à la Cause Première
de toutes choses ; il parle d'un seul Dieu, créateur non seulement du [51] ciel
et de la terre, mais aussi de "toutes les choses visibles et invisibles". C'est
avec raison que le titre glorieux de "Père" a été donné à Ce qui est la
manifestation première de l'Infini ; car tout a émané de Lui, même le Second
et le Troisième Logos et en Lui doit retourner un jour tout ce qui en est
émané. Il ne s'agit pas, remarquons-le, de la perte de la conscience ; qui
serait l'anéantissement du résultat de tous les æons d'évolution, mais bien
plutôt de devenir, par un processus qui échappe, pour le moment, à notre
intelligence limitée, une partie consciente d'un tout immense, une facette de
la conscience qui embrasse toutes choses, et qui est en vérité le divin Père
de toutes choses, qui est "au-dessus de tous, parmi tous et en vous tous 7".
"Alors aussi le Fils même sera assujetti à celui qui lui a assujetti toutes
choses, afin que Dieu soit tout en tous 8."
"Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré
du Père avant tous les siècles ; Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu
de vrai Dieu, engendré et non fait, consubstantiel au Père, par qui toutes
choses ont été faites ; qui pour nous, hommes, [52] et pour notre salut, est
descendu du ciel." À l'exception des quelques premiers mots, tout ceci a été
omis dans le crédo des Apôtres ; nous devions nous y attendre dans une
formule s'appliquant à un niveau moins élevé et à une portion seulement de
l'univers.
L'insertion du nom Jésus-Christ
L'insertion du nom Jésus-Christ est la première trace de cette tendance
matérialisatrice que nous avons désignée par (c), car la formule originale (a)
ne contient ni l'un ni l'autre de ces deux mots. Dans les manuscrits grecs les
plus anciens que nos investigateurs aient vus par clairvoyance jusqu'à
présent, on trouve le mot composé IHTPONAPlΣTON, c'est-à-dire le très
grand guérisseur (ou libérateur) ou IEPONΛPIΣTON, qui semble signifier
tout simplement "le très saint", au lieu du mot IHΣOYNXPIΣTON qui les
remplace aujourd'hui et que l'on a traduit par Jésus-Christ. Mais il est inutile
de parler de ces diverses leçons avant que l'on ait découvert sur le plan
physique un manuscrit qui les reproduise ; alors seulement, le monde des
savants sera disposé à tenir compte des déductions qui en découlent.
Quoi qu'il en soit, le texte grec de la formule (a) n'est qu'une traduction
d'un original rédigé dans une langue plus ancienne ; et pour nous, étudiants,
il est plus intéressant de considérer [53] la signification qu'attachaient au
passage cité ceux qui l'avaient entendu de la bouche du grand Instructeur,
que de suivre les détails de leur traduction dans le dialecte grec corrompu
de l'époque. Il est hors de doute que l'idée originale se rapportait
7
Éphésiens, 4,6. – NDC
8
Corinthiens, 15,28. – NDC
exclusivement au Second Logos Se manifestant à différentes périodes de Sa
grandiose descente dans la matière, et en aucune façon à l'Instructeur ou à
un homme quelconque.
La plus grande partie de ce passage poétique a pour but d'expliquer la
place et les fonctions du Second Logos et de prévenir, autant que possible,
diverses erreurs que le sujet comporte. On insiste beaucoup sur le fait que
rien autre dans l'univers n'est venu au monde de la même manière que le
Second Logos, appelé à l'existence simplement par un acte de volonté du
Premier Logos agissant sans intermédiaire ; et l'idée du traducteur était juste,
bien que son expression ne fût pas heureuse, en le désignant par "le Fils
unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, par qui toutes
choses ont été faites", puisqu'Il est en vérité la seule manifestation directe
du Premier, du Non-Manifesté et que bien certainement, "rien n'a été fait
sans Lui, de ce qui a été fait 9" ; car l'essence monadique [54] qu'Il déverse
est le principe animateur, la source de l'énergie de toute la vie organique qui
est à notre connaissance.
Explication du terme μονογενήϛ
La véritable signification du mot μονογενήϛ 10 est très clairement
donnée par M. Mead, dans un article de la Theosophical Review, vol. XXI,
p. 141, où il est dit :
"Il n'est plus possible de douter que le terme traduit par
"only-begotten" – c'est-à-dire engendré seul, fils unique –
ne veut rien dire de semblable, mais signifie engendré,
créé par un seul, c'est-à-dire issu d'un principe unique et
non d'une "syzygie" ou dualité."
Il est évident que ce titre est donné, et ne peut être donné qu'au Second
Logos, car la manière dont Il est émané du Premier doit évidemment différer
de tous les autres processus postérieurs de génération, qui sont
invariablement le résultat d'une action réciproque.
Souvenons-nous également que si l'expression "avant tous les siècles"
est vraie en tant que déclaration se rapportant à l'émanation du Christ, elle
est manifestement une traduction insuffisante, car πρὸ παντῶν τῶν αἰὡνῷν
9
Saint Jean, 1, 3. – NDC
10
μονογενήϛ est le mot du texte grec du crédo de Nicée que l'Église romaine a traduit en latin par
unigenitus, en français par fils unique. – NDC
ne peut signifier que "avant tous les æons". Cette expression a un sens bien
clair pour quiconque est, [55] même superficiellement, familiarisé avec la
terminologie gnostique ; elle veut dire non seulement que le Second Logos
est le premier dans le temps, mais aussi qu'Il est le plus grand de tous les
æons, ou émanations du Père éternel.
Nous retrouvons ici l'assertion réitérée avec insistance qu'Il est
"consubstantiel au Père", identique en tous points à Celui dont Il procède, à
cela près que, pour se manifester, Il est descendu d'un degré de plus, et a
limité temporairement l'expression complète de ce qu'Il est pourtant et
essence. Il se présente ainsi sous l'aspect d'une dualité : "Il est égal au Père
par sa Divinité et lui est cependant inférieur par son humanité 11 et
nonobstant, dans tout le crédo, retentit comme un cri de triomphe la
proclamation de la persistance de l'unité éternelle : "car quoiqu'Il soit Dieu
et homme, cependant Il n'est pas deux ; Il est un seul Christ 12", maintenant
et toujours "Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu."
L'homme n'a guère écrit de protestation plus grandiose contre la
doctrine de l'éternelle dualité, du Dieu et du non-Dieu. Dans le crédo
d'Athanase, postérieur et plus détaillé, nous [56] avons la preuve même de
l'unité d'essence par la déclaration du pouvoir du Logos de rapporter au
Très-Haut tout le fruit de sa descente dans la matière : Il est "un", nous diton, "non par le changement de la Divinité en chair, mais par l'assomption de
l'humanité en Dieu".
La vérité éclate également dans ces paroles magnifiques : "Qui pour
nous, hommes, et pour notre salut, est descendu du ciel" ; car s'il est vrai que
l'esprit immortel de l'homme est de la nature du Père Lui-même, sans le
sacrifice du Fils déversant de sa substance, sous forme d'essence monadique,
dans toutes les limitations des règnes inférieurs, jamais le corps causal n'eût
existé ; or, sans ce véhicule, sans cette coupe destinée à contenir l'élixir de
vie, jamais l'union du ciel et de la terre n'eût été accomplie, jamais le mortel
n'eût conquis l'immortalité.
Le vrai Christ est donc à la foi le créateur et le sauveur de l'homme ;
sans Lui, l'abime entre l'esprit et la matière n'eût jamais été franchi et
l'individualité n'existerait pas.
11
Crédo d'Athanase.
12
Crédo d'Athanase.
CHAPITRE II
—
ERREURS DE TRADUCTION
Modifications d'une préposition. Insertions d'une lettre : Μαἰα et Μαρὶα ;
Ποντίοϛ et Ποντοϛ. Introduction du nom de Ponce-Pilate.
"Et fut incarné par le Saint-Esprit de la Vierge Marie." – Une difficulté
semble surgir ici : en effet, comment la naissance du Second Logos seraitelle due à l'action du Troisième Logos, puisque, du Troisième au Second
Logos, le rapport est plutôt celui de l'enfant au père ? Cependant, si nous
nous attachons à la pensée première, nous ne nous laisserons pas induire en
erreur par une contradiction apparente ; nous comprendrons qu'il s'agit
simplement ici d'une phase postérieure du grand sacrifice, de la descente
dans la matière.
Modification d'une préposition
Le traducteur moderne, ou plutôt son prédécesseur latin, a
malheureusement rendu le sens [58] confus en changeant sans aucune raison
une des prépositions ; cette très importante faute de traduction, est à la fois
si évidente et si étonnante, qu'elle n'eût jamais échappé à l'attention des
érudits, si elle n'avait été voilée par un parti pris qui, à leurs yeux aveuglés,
ne laissait place qu'à l'interprétation matérielle la plus grossière. Même dans
la forme grecque la moins ancienne, il n'y a qu'une seule préposition pour
les deux noms : σαρχὼθἐντα ἐχ πνεὐματοϛ αγίου χαἱ Μαρίαϛ τἡϛ παρθἐνου
– et Il fut "incarné du Saint-Esprit et (de) la Vierge Marie". C'est-à-dire que
l'essence monadique, déjà "descendue du ciel", comme le dit un article
précédent, s'est matérialisée, en prenant un revêtement de la matière tangible
et visible, préparée à la recevoir par l'action du Troisième Logos sans Lequel
cette matière fût restée vierge et stérile.
Ce nom, "vierge", a souvent été donné à la matière atomique des
différents plans, parce que dans cet état, elle n'entre, de son propre
mouvement, dans aucune combinaison et qu'elle reste donc pour ainsi dire
inerte et improductive. Mais elle n'est pas plutôt électrisée par l'émanation
du Saint-Esprit, qu'elle est éveillée à l'activité, forme les molécules et,
rapidement, génère la matière des sous plans inférieurs, provoquant ainsi sur
le plan physique, par exemple, [59] au moyen de l'éther atomique, la
naissance de ce que les chimistes appellent les corps simples ; c'est de cette
matière, ainsi vivifiée par la première vague de vie, que sont composées les
formes innombrables que vient animer l'essence monadique.
Quand cette deuxième émanation atteint le plan physique sous forme de
ce que nous avons appelé quelquefois la monade minérale, elle confère aux
divers éléments chimiques un nouveau pouvoir de combinaison et le chemin
se trouve ainsi frayé pour d'autres manifestations de vie plus élevées qui se
produisent dans les règnes suivants. Le Second Logos prend donc forme,
non pas dans la matière "vierge", mais dans la matière déjà animée et
palpitante de la vie du Troisième Logos, de sorte que la vie et la matière
L'entourent toutes deux comme d'un vêtement et qu'Il est en vérité "incarné
du Saint-Esprit et (de) la Vierge Marie".
Insertion d'une lettre
Par un nouvel effet de la tendance matérialisatrice, le même passage a
encore subi une autre altération qui, par l'insertion d'une seule lettre, en a
changé complètement le sens ; en effet, dans la forme primitive, le mot
employé est Μαἰα qui signifie simplement "mère", et non Μαρὶα. Il serait
bien tentant de spéculer sur la possibilité d'une connexion traditionnelle
entre ce mot, étrangement suggestif, et le mot sanscrit [60] Mâyâ, si souvent
employé pour désigner ce même voile illusoire de matière dont le Logos se
masque dans Sa descente ; mais tout ce qu'on peut dire pour le moment, c'est
qu'aucune trace d'une pareille connexion n'a été retrouvée jusqu'à présent.
"Et fut fait homme." Cet article est extrêmement significatif, puisqu'il
montre nettement que l'arrivée de l'essence monadique au niveau de
l'humanité est une phase distincte, postérieure à la descente dans la matière
et que, par conséquent, le passage déjà cité : "Il fut incarné du Saint-Esprit
et de la Vierge Marie", ne se rapportait pas à une naissance humaine. Cet
article est omis dans le crédo des Apôtres, mais il figure très légitimement
dans la rédaction du Concile de Nicée où il a pour but, d'une manière plus
évidente encore, de décrire une phase ultérieure de l'évolution, puisque le
texte dit : "et fut fait chair, et fut fait homme", le fait de "se faire chair"
désignant clairement le passage antérieur de l'essence monadique à travers
le règne animal. Dans le crédo des Apôtres, l'influence de la tendance (c)
prédomine ; tout le processus est décrit de la façon la plus grossièrement
matérielle par les mots : "qui a été conçu par le Saint-Esprit, est né de la
Vierge Marie." [61]
Introduction du nom de Ponce Pilate
"A souffert sous Ponce-Pilate". Cet article est l'exemple, de beaucoup
le plus remarquable, de l'influence restrictive et dégradante de la tendance
que nous avons appelée (c) ; par l'insertion de la plus petite des lettres de
l'alphabet grec (le iota, correspondant au "jot" dont il est question dans
l'Évangile) le sens original n'a pas seulement été obscurci, mais absolument
oublié et perdu. L'altération est si simple, si facile à faire, et les
conséquences en sont cependant si extraordinaires, si colossales, que ceux
qui la découvrirent purent un moment à peine en croire leurs yeux et que,
quand ensuite ils se furent rendus compte de la situation, ils ne pouvaient
comprendre comment, pendant si longtemps, il avait été possible de ne pas
s'apercevoir d'une chose aussi évidente.
Au lieu de ΠONTIOYΠΙΛATOΥ on trouve, dans les manuscrits grecs
les plus anciens que les investigateurs clairvoyants aient pu découvrir
jusqu'à présent, ΠONTOYΠΙΛHTOΥ. Or, le changement de H en A n'est
pas rare dans les différents dialectes grecs, de sorte que la seule altération
réelle est l'insertion de I qui change Πόντος qui veut dire "mer", en Πόντίος
qui est un nom propre romain. Je ne veux en aucune façon insinuer que cette
altération, ni aucune des autres que j'ai mentionnées, fut faite dans un [62]
but de supercherie, ou l'intention d'induire en erreur ; elle a très bien pu être
faite sous l'impression qu'elle n'était que la correction d'une faute sans
importance faite par un précédent copiste.
Il n'avait pas été difficile aux investigateurs de s'apercevoir que le
moine essénien qui, le premier, traduisit la formule en grec, ne connaissait
cette langue que très imparfaitement et que, par suite, le résultat de son
travail n'était rien moins que classique. Les gens qui, plus tard, eurent ce
manuscrit entre les mains, ou de ses copies, corrigèrent çà et là des fautes
évidentes d'orthographe ou de syntaxe ; il est très possible que l'un d'eux en
ait abordé l'étude dans un esprit incapable d'en apprécier la véritable
signification
mystique
et
que,
pénétré
de
l'interprétation
anthropomorphique, il ait supposé que, dans ce passage par exemple, une
lettre avait été omise par un scribe ignorant, et qu'il l'ait insérée sans se
douter aucunement qu'il changeait, par cela même, le sens entier de l'article
et y introduisait une conception absolument étrangère à l'esprit du document
tout entier.
Sans aucun doute, il y a dans l'histoire ecclésiastique des cas où on a
fabriqué impudemment des faux de toutes pièces "pour la plus grande gloire
de Dieu", ce qui, aux yeux des moines, signifiait tout simplement favoriser
les intérêts [63] de l'Église ; mais heureusement nous ne sommes pas obligés
de voir ici un de ces exemples de déloyauté, puisque l'ignorance et le préjugé
ont pu très bien accomplir, tout à fait innocemment, l'œuvre fatale de la
matérialisation complète de conceptions, à l'origine, si grandioses et si
lumineuses.
C'est sans doute avec cette même idée, louable mais fausse, de parfaire
la rédaction, que la préposition ἐπὶ fut beaucoup plus tard substituée à ύπὸ.
Il est vrai qu'après l'acceptation de la thèse du nom propre le mal était déjà
fait, et que cette altération nouvelle n'eût d'autre résultat que de donner à la
phrase une forme plus élégante et de diminuer ainsi la probabilité d'une
enquête quant à la possibilité d'un sens autre que le sens apparent. Dans la
traduction originale, l'intention réelle de l'écrivain était rendue plus claire
encore par l'emploi du datif, indiquant bien que l'expression se rapportait à
un lieu et non à une personne ; mais ce datif avait été transformé en un
génitif plus usuel presque immédiatement, même avant la malencontreuse
insertion du iota 13. [64]
Les mots πόντος πιλητὸϛ désignent tout simplement une mer
condensée, épaissie, ce qui n'est pas du tout une mauvaise description de la
partie inférieure du plan astral, auquel l'eau a souvent servi de type
représentatif. La traduction de l'article que l'on rend d'habitude par les mots :
"Il souffrit sous Ponce-Pilate" devrait être "Il endura la mer dense" ;
c'est-à-dire que, pour nous et pour notre salut, Il se laissa limiter et
emprisonner temporairement dans la matière astrale.
Notons ici quel devrait être l'ordre des articles. Aucun des crédos, tels
que nous les possédons aujourd'hui, n'exprime l'idée originale dans son
intégrité ; plusieurs phases ont été omises dans le crédo des Apôtres, bien
que l'ordre des articles y soit exact ; tandis que le crédo de Nicée, tout en
13
Voici donc, aux accents près, les formes successives données à ce passage, la première étant celle
de la traduction originale faite par le moine essénien :
υπο τω ποντω πιλητω
υπο του ποντου πιλητoυ
υπο του ποντιου πιλατου
επι τον ποντιου πιλατου
NDC
étant plus complet, est confus dans son arrangement ; la première phase est
la prise du revêtement de matière, "l'incarnation" ; puis celle de la forme
humaine mais seulement dans ses principes les plus élevés ; puis la
"souffrance sous Ponce-Pilate", c'est-à-dire la descente dans la mer astrale ;
et seulement ensuite le crucifiement (sur la croix de la matière physique),
phase dans laquelle on Le dépeint comme "mort" et "enterré".
CHAPITRE III
—
LE CRUCIFIEMENT
Date de la fête de Pâques. L'emblème de la croix. Le crucifix. L'initiation.
"… A été crucifié, est mort, a été enterré." Ici encore nous sommes en
présence d'un malentendu presque universel dont les proportions ont été
colossales et les résultats tout à fait désastreux. La stupéfiante
transformation d'une allégorie parfaitement raisonnable en une biographie
absolument impossible a eu une très triste influence sur l'Église chrétienne
tout entière et sur la foi qu'elle a enseignée ; et l'immense sympathie
dévotionnelle, provoquée pendant des siècles par le récit d'une souffrance
physique totalement imaginaire, est peut-être, [66] dans les annales du
monde, l'exemple le plus extraordinaire et le plus lamentable d'un gaspillage
d'énergie psychique.
Encore une fois, ni le crédo ni les évangiles, n'étaient originellement
destinés à un rapprochement avec la biographie du grand Instructeur Christ.
Mais le récit évangélique que nous possédons aujourd'hui est un agrégat si
extraordinaire, un enchevêtrement si inextricable du mythe solaire, de
l'allégorie "initiationnelle" du Christ commune à presque toutes les religions
et d'une tradition de l'histoire réelle d'une partie de la vie terrestre de Jésus,
que ce serait une tâche d'une difficulté peu ordinaire d'en ramener
exactement toutes les parties à leurs sources respectives.
Cependant, le crucifiement et la résurrection appartiennent clairement
à l'allégorie du Christ. La chose doit paraitre évidente à tous ceux qui ont
étudié par le seul fait que leur commémoration par les fêtes de l'Église
chrétienne ne se fait pas à une date fixe, comme il serait fait pour
l'anniversaire d'un évènement réel, mais à des dates mobiles et dépendant
d'un calcul astronomique. En consultant un livre de prières, on verra que
Pâques est célébré le dimanche qui suit la date de la pleine lune après
l'équinoxe du printemps. [67]
Date de la fête de Pâques
Date de la fête de Pâques. – Cette manière de fixer une date serait
grotesque si elle devait rappeler un anniversaire historique ; elle ne
s'explique raisonnablement qu'en la considérant comme un dérivé de la
théorie du mythe solaire. Sans doute, dans ces dernières années, il a été de
mode de pousser cette idée à l'extrême et de voir un mythe solaire dans le
moindre racontar préhistorique ayant trouvé un chroniqueur ; mais ceci ne
doit pas nous empêcher de reconnaitre que cette théorie contient une grande
part de vérité, surtout quand nous voyons le cours annuel du soleil lui-même
employé comme allégorie pour rappeler à ceux qui la comprennent les
grandes vérités spirituelles qu'il a servi à symboliser si longtemps.
D'après l'explication orthodoxe, la date de la célébration de Pâques
aurait été ainsi réglée parce qu'un point important dans la controverse juive
roulait sur le fait que le crucifiement aurait eu lieu à l'époque de la Pâque
juive et représenterait ainsi le véritable sacrifice pascal : la date de la Pâque
juive suivant le mouvement de la lune, il en aurait été de même de la
célébration de la Pâque chrétienne.
Ceci est tout à fait probable, mais cela ne détruit en rien l'opinion que
je soutiens et d'après laquelle le simple fait de la variabilité des dates [68]
prouve que ni la Pâque des juifs, ni la fête de Pâques n'étaient destinées à
commémorer un évènement historique défini ; autrement, elles auraient été
célébrées, comme des anniversaires, à jour fixe. Cela montre bien qu'au
contraire la fête a un caractère astronomique et qu'elle a du rapport avec le
culte des corps célestes au mouvement desquels elle est subordonnée.
En fait, la partie du crédo que nous considérons maintenant est
simplement une citation empruntée à la rubrique de l'ancienne initiation
égyptienne qui, à son tour, est destinée à rappeler les dernières phases de la
descente de l'essence monadique dans la matière. Considérons en premier
lieu comment cette descente en vint à être symbolisée par un crucifiement
et ensuite de quelle façon elle était représentée devant les néophytes de
l'antique Khem.
L'emblème de la croix
Signification de l'emblème de la croix. – Pour comprendre ceci
clairement, il faut que nous nous efforcions de saisir le sens attaché à
l'emblème de la croix dans les mystères sacrés de l'antiquité. Nous avons,
pour la plupart, été élevés dans la croyance que la croix était un symbole
exclusivement chrétien et il se peut qu'il y ait encore des gens qui en soient
persuadés ; s'il en est ainsi, c'est qu'évidemment, il ne leur est jamais arrivé
d'étudier la question ; [69] tandis que, s'ils entreprenaient cette étude et s'ils
examinaient les documents y relatifs, ils ne pourraient manquer d'être
frappés de l'universalité remarquable de ce symbole.
Il faudrait tout un volume pour donner la liste complète des pays où l'on
rencontre la croix. En parcourant quelques ouvrages modernes traitant ce
sujet, j'ai vu signaler sa présence, sous l'une ou l'autre de ses formes, dans
l'Égypte ancienne, à Ninive, chez les Phéniciens à Gozzo, chez les Étrusques
et la race préhistorique qui habitait l'Italie avant l'arrivée des Étrusques ; elle
est représentée aussi sur la poterie des populations lacustres primitives, dans
les ruines de Palenque, sur les restes les plus anciens que l'on ait découverts
du Pérou antique, de l'Inde, de la Chine, de la Corée, du Tibet, de la
Babylonie, de l'Assyrie, de la Chaldée, de la Perse, de la Phénicie, de
l'Arménie, de l'Algérie, du pays des Aschantis, de Chypre, de Rhodes, et
aussi chez les habitants préhistoriques de la Bretagne, de la France, de
l'Allemagne et de l'Amérique ; cette liste si partielle et incomplète qu'elle
soit, étonnerait bien les partisans de la théorie de la croix exclusivement
chrétienne qui dominait à l'époque de notre jeunesse.
La seule forme de ce symbole qui soit généralement associée à l'Égypte,
c'est la croix ansée [70] ou croix à anse 14 ; mais c'est une erreur de supposer
que les anciens habitants de Khem n'en connaissaient pas les autres variétés ;
on retrouve en effet les croix Grecque et Latine, la croix de Malte, aussi bien
que des formes du Svastika, parmi les reliques qu'ils nous ont laissées. J'ai
eu le plaisir en 1884 de parcourir le musée d'antiquités égyptiennes à
Boulak, en compagnie de Mme Blavatsky, et sous la direction du savant
conservateur, M. Maspero ; je me rappelle l'intérêt avec lequel je remarquai,
dans une boite de bijoux attribués à une des plus anciennes dynasties,
plusieurs cornalines artistement taillées et représentant une croix sortant
d'un cœur, exactement semblables aux petits porte-bonheur de cette forme
qu'on pourrait se procurer dans un magasin catholique quelconque de
Londres, en plein XIXe siècle.
14
Cette croix, ainsi que les suivantes, sont représentées ici.
C'est la Svastika qui est peut être, de toutes les formes dérivées de la
simple croix, celle dont [71] l'usage est le plus généralement répandu ; on le
retrouve, je crois, dans tous les pays mentionnés ci-dessus. En général, il est
considéré comme identique au marteau de Thor, mais il semble qu'il y ait
quelque raison de croire que ce dernier signe fut simplement à l'origine de
la forme de la lettre T. Dans tous les cas, il est certain que lorsque le roi Olaf
célébrant Noël à Drontheim
"… fit sur sa coupe le signe
De la croix divine.
En buvant et murmurant ses prières,
Mais" que "le Berserk, sur la sienne
Fit le signe du marteau de Thor…"
l'un et l'autre employaient des symboles au fond identiques.
La Svastika apparait aussi, de temps en temps, dans la symbologie
chrétienne plus récente. Par exemple, il sert de motif d'ornement à la
chasuble d'un évêque du moyen âge représenté en grandeur naturelle par une
magnifique sculpture sur une des tombes de la cathédrale de Winchester.
L'étudiant en Théosophie devra éviter soigneusement l'erreur dans
laquelle tombe si facilement l'observateur plus superficiel, de confondre le
sens de toutes ces formes du symbole de la croix. Chacune d'elles : la croix
grecque, [72] la croix latine, la croix de Malte, le Tau et la Svastika, a sa
signification particulière et, comme on va le voir, ne doit pas être prise pour
une autre.
Une erreur, particulièrement grossière et malheureusement très
répandue, consiste à attacher à ce symbole une idée phallique ; nous devons
nous en affranchir complètement si nous voulons étudier la question avec
quelque profit. Beaucoup d'écrivains semblent même obsédés par cette idée
malpropre, et ne voient dans les symboles les plus saints de l'antiquité, que
des emblèmes phalliques : qu'il s'agisse de la croix, du triangle, du cercle,
de la pyramide, de l'obélisque, du dagoba ou du lotus, leur imagination
pervertie n'y voit qu'une signification obscène.
Heureusement, les investigations occultes nous donnent la certitude (et
notre bon sens nous l'aurait suggéré tout naturellement, même si nous
n'avions pas eu ce renseignement), que cette théorie déplaisante de l'origine
de toutes les religions est absolument dénuée de fondement. Dans tous les
cas examinés jusqu'à présent, on a découvert que, dans les phases premières,
les plus pures de toutes les religions, la signification spirituelle, et seulement
celle-là, était attachée aux divers symboles ; quand la [73] création s'y
trouvait exprimée, il s'agissait toujours de la création des idées par
l'intelligence divine. D'autre part, chaque fois qu'on trouve associés à une
religion des emblèmes phalliques et des cérémonies de nature indécente,
c'est un signe certain de sa dégénérescence ; c'est un indice que, dans le pays
où de tels emblèmes et de telles pratiques sont en usage, l'antique pureté de
la foi s'est perdue et que sa puissance spirituelle décline rapidement.
Jamais, dans aucune circonstance, le phallicisme et l'indécence ne font
partie de la conception originale d'une grande religion. D'après la théorie
moderne, tous les symboles religieux primitifs, inventés par les sauvages,
auraient eu un sens obscène ; dans le cours des temps, les nations, ayant
atteint un niveau d'évolution plus élevé, honteuses de ces idées grossières,
auraient imaginé des interprétations spirituelles, plus ou moins adéquates,
pour en voiler l'immodestie.
Cette théorie est absolument l'inverse de la réalité : la grande vérité
spirituelle apparait toujours la première, et ce n'est qu'après de longues
années, quand elle a été oubliée, qu'une race dégénérée tente d'attacher à ses
symboles une signification grossière.
Écartons donc toutes les erreurs d'interprétation [74] postérieures et
demandons-nous quelle était la signification exprimée à l'origine par le
symbole universel de la croix. Une partie de la réponse, au moins, nous est
donnée par Mme Blavatsky elle-même dans La Doctrine Secrète, là où elle
décrit les signes inscrits sur les feuilles successives d'un certain manuscrit
archaïque.
On se souviendra qu'il est question en premier lieu du simple cercle
blanc 15 qui représente l'Absolu. Dans ce cercle apparait un point central,
signifiant que le Premier Logos est entré dans un cycle d'activité ; le point
s'élargit en une ligne divisant le cercle en deux parties : c'est le symbole de
l'aspect duel du Second Logos, principe mâle-femelle, Dieu-homme, esprit15
matière. Ensuite, pour indiquer la phase suivante, cette ligne est croisée par
une autre ligne et nous avons l'hiéroglyphe du Troisième Logos, Dieu le
Saint-Esprit, le Seigneur, le Dispensateur de la Vie.
Mais tous ces symboles, remarquons-le, sont encore en dedans du cercle
et sont, par conséquent, les emblèmes des stades différents du
développement du Triple Logos non pas de [75] Sa manifestation. Quand le
temps est accompli, et qu'Il se prépare à descendre dans la matière, le
symbole se transforme généralement suivant l'une ou l'autre des deux
manières suivantes :
Quelquefois le cercle disparait complètement ; nous sommes en
présence alors de la croix Grecque 16 aux bras égaux ; c'est le signe du
Troisième Logos, au commencement du Mâhakalpa, ou grand cycle, avec
son pouvoir créateur, prêt à entrer en fonction, mais n'agissait pas encore.
Un pas de plus et nous avons la Svastika qui éveille toujours l'idée de
mouvement, du pouvoir créateur en activité ; car les traits ajoutés à angle
droit aux bras de la croix précédente sont destinés à représenter les flammes
fusant vers l'arrière dans le mouvement rotatoire de la croix, indiquant
doublement l'éternelle activité de la Vie Universelle, d'abord par le feu sans
cesse déversé du centre dans les bras de la croix, et, ensuite, par le
mouvement de rotation de la croix elle-même.
La croix de Malte est un autre moyen d'exprimer la même idée ; les bras
qui vont s'élargissant à mesure qu'ils s'éloignent du centre symbolisent
également l'énergie divine se répandant dans toutes les directions de
l'espace. [76]
Quelquefois le cercle ne disparait pas, mais les bras de la croix
s'étendent au-delà. Nous obtenons alors la croix au bras égaux, ayant pour
centre un petit cercle ; au degré suivant, le cercle s'épanouit en une rose,
autre emblème de vie bien connu, car nous avons ainsi le symbole familier
d'où les Rose-Croix tirent leur nom. La croix porte non seulement la rose
mystique en son centre, mais elle devient elle-même de couleur rose, ce qui
indique qu'elle répand autour d'elle l'amour divin.
16
Voir page 70.
Naturellement la grande loi occulte "c'est en bas comme en haut" trouve
également son application ici, et, avec de très légers changements, ces
symboles peuvent être employés – et ils le sont parfois – pour indiquer des
phases d'évolution très inférieures ; de là, dans l'explication que
Mme Blavatsky nous en donne, l'allusion aux différentes races d'hommes.
On s'explique aisément comment, par suite d'un malentendu au sujet de cette
application à des niveaux inférieurs de l'évolution et de son association, à
un moment donné, à la séparation des [77] sexes, les idées déplaisantes du
phallicisme ont pu prendre naissance.
D'autre part, la connaissance de la signification véritable de la croix
grecque semble avoir été perdue par le public à une époque très reculée ;
pendant des âges, son rapport avec le Troisième Logos n'a été connu que par
des occultistes et les étudiants superficiels l'ont invariablement confondue
avec la croix latine du Second Logos dont la dérivation est en réalité
absolument différente.
Le crucifix
Le crucifix. – En suivant dans la nuit des temps le symbole de la croix
latine, ou plutôt du crucifix, les investigateurs s'attendaient à voir la forme
disparaitre, laissant derrière elle ce qu'ils supposaient être un emblème plus
ancien : la croix seule. En réalité le contraire eut lieu et, à leur grand
étonnement, ils virent à un moment donné, la croix disparaitre et laisser
seule la forme aux bras levés. Cette forme est encore l'expression du
sacrifice, mais elle n'éveille plus l'idée de peine ou de tristesse ; elle est
plutôt devenue le symbole de la joie la plus pure que le monde puisse
contenir, la joie du don spontané ; car elle représente l'Homme Divin, debout
dans l'espace, les bras levés en un geste de bénédiction, prodiguant Ses dons
à l'humanité, S'épandant volontairement dans toutes les [78] directions,
descendant dans la "mer dense" de la matière pour y être confiné, enfermé,
emprisonné, afin que par cette descente nous soyons appelés à l'existence.
C'est un sacrifice, en vérité, à notre point de vue du moins ; cependant,
il ne s'y mêle aucune idée de souffrance, mais seulement celle d'une joie
transcendante. Cette joie est l'essence même de la loi du sacrifice, la loi qui
meut tous les mondes, y compris ce bas monde. Aussi longtemps qu'une idée
de souffrance est jointe au sacrifice, celui-ci n'est pas parfait ; aussi
longtemps qu'un homme se force pour faire ce qu'il préfèrerait ne pas faire,
il n'est que sur la voie qui mène à l'accomplissement de la grande loi. Mais,
quand il se donne pleinement et librement, une fois qu'il a vu la gloire et la
beauté du Grand Sacrifice, il n'y a plus pour lui dans les trois mondes d'autre
conduite possible que d'y prendre part, même de loin, même faiblement et
imparfaitement. Quand il se donne tout entier, sans songer à la souffrance
ou à la difficulté, bien plus, sans aucun souci de lui-même et en pensant
seulement à ce à quoi il travaille : alors, et seulement alors, son sacrifice est
parfait, car il est de la même nature que le Sacrifice du Logos, il participe
de l'essence de cette loi d'amour qui, seule, est la loi de la vie éternelle. [79]
Il semble même que l'Église chrétienne primitive ait eu quelque notion
de tout cela ; en effet, on trouve fréquemment, dans les peintures des
catacombes de Rome, la figure telle que nous l'avons décrite : les bras levés
de la façon particulière que nous avons indiquée, debout au milieu des douze
apôtres, exactement là où nous nous attendrions à trouver la figure du Christ.
On la désigne généralement par un terme italien, "l'orante", c'est-à-dire le
personnage en prière ; on a supposé parfois qu'elle était féminine, ce qui a
donné lieu, je crois, à nombre de spéculations dans le monde des
archéologues ; mais l'explication la plus naturelle me parait être celle que
j'ai suggérée plus haut.
Nous voyons donc que, depuis une époque très reculée, la croix a été
employée comme symbole de la matière et de la manifestation du monde
matériel. Rien n'était donc plus naturel que de symboliser par un corps lié
sur la croix, la descente ultérieure de l'Homme-Dieu dans la matière ; cette
image représentait aussi assez exactement l'effet extrêmement limitatif de
cette chute sur l'action du Logos et montrait jusqu'à quel point Son
expression sur le plan physique s'en trouve amoindrie. Naturellement les
clous, le sang, les blessures, toutes les épouvantables laideurs de la forme
moderne, sont simplement [80] des additions dues à l'imagination malade
du moine à tendance matérialisatrice, qui n'avait ni l'intelligence ni
l'instruction nécessaires pour apprécier la signification grandiose de
l'allégorie originale.
Cette partie de la vérité, au moins, commence à être comprise
aujourd'hui, même par les chercheurs chrétiens, car, dans un article du
nouveau dictionnaire de l'abbé Vigoroux, par M. Marucchi, l'archéologue
catholique bien connu, l'écrivain cite la grille de Santa-Sabina, à Rome, qui
date du Ve siècle et un ivoire de la même époque, aujourd'hui au British
Museum, comme les plus anciens exemples connus du crucifix, et il dit : "Il
est à remarquer que le Christ est représenté ici comme vivant encore, avec
les yeux ouverts et sans aucune marque de souffrance physique." Plus loin
il nous dit qu'au VIe siècle le crucifix est devenu plus fréquent, mais que la
figure qu'il porte, vêtue d'une longue tunique, est encore vivante ; ce n'est
qu'au XIIe siècle "qu'on cesse de représenter le Christ vivant et triomphant
sur la croix." Il semble croire que l'école de peinture de Cimabué et de Giotto
est en grande partie responsable de ce changement.
Quoi qu'il en soit, nous ne manquons pas d'autres témoignages prouvant
que beaucoup [81] d'écrivains chrétiens primitifs comprenaient jusqu'à un
certain point la signification vraie de la croix. Dans les Actes de Judas
Thomas, la description du Christ glorieux, debout au-dessus de la croix,
séparant le monde inférieur du monde supérieur, celle de la vision splendide
de la croix de lumière, dans laquelle et au travers de laquelle on pouvait voir
tous les mondes manifestés, pendant que l'aura de l'Homme Céleste,
enveloppait, pénétrait tout, était la vie de toutes choses, sont des preuves
suffisantes que la vérité n'avait pas été laissée absolument sans témoin dans
les premiers siècles de notre ère et que sa lumière ne fut cachée entièrement
que lorsque l'épais brouillard de la superstition chrétienne s'appesantit sur
l'Europe et étouffa sa vie intellectuelle tout entière pendant environ mille
ans.
On pensera peut-être que cet exposé plus large de la vraie signification
de la croix est vague et froid, comparé à la forme très concrète à laquelle
l'esprit était habitué, que si l'on est ainsi délivré d'un horrible récit de
souffrance physique, d'un cauchemar terrifiant, on y perd en même temps
les émotions sentimentales qui s'y associaient et qu'on ne peut s'empêcher
de regretter. S'il en est parmi mes lecteurs qui pensent ainsi, qu'ils me
permettent de leur rappeler que, si nous ne pouvons que reculer d'horreur
devant [82] les idées terribles, les blasphèmes même, que l'orthodoxie a
associés à la pensée du crucifiement, nous pouvons cependant reconnaitre
avec gratitude, dans le signe de la croix, le souvenir constant du sacrifice
ineffable du Logos, de la patience immense avec laquelle Sa toute-puissance
se soumet à toutes les limitations, pour que, dans le lent progrès de leur
développement, les formes multiples qu'Il revêt, puissent graduellement
s'épandre sans cependant se briser trop tôt, avant leur utilisation intégrale.
Il peut servir à nous rappeler également que l'homme, lui, est crucifié
de la même manière (si seulement il le savait !) ; et que, s'il ne le sait pas,
c'est parce que l'âme vivante, le Christ véritable qui est en lui, s'identifie
encore, dans son aveuglement, avec la croix de la matière sur laquelle il est
lié. Ceci peut nous aider à comprendre que notre corps physique, astral ou
mental, n'est pas nous-mêmes, et que, chaque fois que nous trouvons en
nous, pour ainsi dire, deux "moi" en lutte l'un avec l'autre, nous devons nous
rappeler qu'en vérité nous sommes le moi supérieur et non le moi inférieur,
le Christ et non la croix.
De plus, ce symbole de la croix peut nous servir de pierre de touche
pour distinguer le bien du mal dans maintes difficultés de la vie. [83]
"Seules, les actions au travers desquelles brille la lumière de la croix
sont dignes de la vie du disciple", dit un des versets d'un livre de maximes
occultes ; ce qui veut dire que tout ce que l'aspirant fait, doit être inspiré par
la ferveur de l'amour désintéressé. La même pensée est exprimée plus loin
par un autre verset. "Celui qui entre dans le sentier met son cœur sur la
croix ; quand la croix et le cœur sont devenus un, il a atteint le but." Nous
pouvons donc mesurer notre progrès en observant si c'est l'égoïsme ou le
sacrifice qui domine dans notre vie.
Ce symbole nous dit aussi que tout vrai Sacrifice doit être comme celui
du Logos : un sacrifice volontaire ; ce n'est que lorsque nous nous sommes
donnés absolument, complètement, librement, que notre sacrifice peut être
un avec le Sien ; alors, et alors seulement, nous nous sommes vraiment
signés du signe de la croix du Christ éternel.
L'Initiation
L'initiation. – Or, ce grand sacrifice, – la descente, dans la matière du
Second Logos, sous forme d'essence monadique, – était représenté, avec
quelque détail, à l'aide de symboles, dans le rituel de forme égyptienne de
l'initiation Sotâpatti, et, comme nous l'avons déjà dit, le Christ se servit
souvent de la description de l'aspect exotérique de ces cérémonies pour
rendre Son [84] enseignement sur ce sujet plus clair et plus saisissant. Il est
même probable qu'il récitait à ses disciples les mots exacts de la rubrique ou
instruction donnée à l'hiérophante officiant, car ce passage du crédo et ceux
qui suivent, rappellent singulièrement la dite formule ; en réalité, on ne
changea guère que le temps du verbe, ce qui s'imposait naturellement
puisqu'il fallait adapter les phrases aux circonstances nouvelles.
La formule que les mages de l'Atlantide avaient transmise aux
Égyptiens, à une époque très reculée, était la suivante :
"Alors le candidat sera lié sur la croix de bois ; il mourra,
il sera enterré et descendra dans le monde inférieur ; après
le troisième jour, il sera ramené de parmi les morts et sera
emporté au ciel, pour être la main droite de Celui de Qui
il vint, ayant appris à guider (ou gouverner) les vivants et
les morts."
Dans les temples égyptiens, la salle de l'initiation était souvent
souterraine ; ceci probablement afin de pouvoir plus facilement en tenir la
position secrète, mais il se peut aussi que cet arrangement ait été destiné à
représenter une partie du symbolisme de la descente dans la matière qui
jouait un rôle si important dans tous ces anciens Mystères. Il se peut qu'il y
eût une salle semblable dans la grande Pyramide ou [85] dessous, car on n'a
exploré jusqu'ici, et on n'explorera probablement jamais, qu'une bien faible
portion de cet immense monument.
C'est dans cette salle, qu'avaient lieu les cérémonies entrant dans
l'initiation considérée. Écartant les longueurs fatigantes de la première partie
de cette initiation, dont nous n'avons pas à nous occuper actuellement, nous
arrivons au moment intéressant où le candidat se couchait volontairement
sur une immense croix en bois qui était creusée de façon à recevoir et à
soutenir la forme humaine. Les bras du candidat étaient légèrement attachés
à cette croix par une corde dont on avait soin de ne pas nouer les extrémités,
afin de symboliser la nature entièrement volontaire de ces liens.
Le candidat tombait alors dans une transe profonde, ou, en d'autres
termes, il quittait le corps physique et, pendant ce temps, fonctionnait
entièrement dans le corps astral. Dans cet état son corps était emporté plus
bas encore dans un souterrain pratiqué dans la salle d'initiation, et il était
déposé dans un immense sarcophage, opération qui symbolisait bien, pour
autant qu'il s'agissait du corps physique, la mort et la sépulture.
Qui est descendu aux enfers. – Tandis que la seule enveloppe extérieure
de l'homme était [86] ainsi "morte et enterrée", lui-même était ailleurs,
parfaitement vivant et conscient. Nombreuses et étranges étaient les leçons
qu'il devait apprendre, les expériences qu'il devait subir, les épreuves qu'il
devait traverser pendant son séjour dans le monde astral ; mais toutes étaient
calculées soigneusement en vue de le familiariser avec cette nouvelle sphère
d'action, de le rendre capable de la comprendre, de lui donner l'assurance et
la foi en lui-même, bref, de l'entrainer de telle sorte, qu'il pût, en toute
sécurité, faire face à tous ses périls, en employer les pouvoirs avec calme et
discernement, et devenir ainsi, sur ce plan, entre les mains de ceux qui aident
le monde, un instrument approprié.
C'était là la descente dans le monde inférieur, non pas, bien entendu, la
descente dans l'enfer de la grossière conception chrétienne, mais dans le
Hadès, le monde des décédés, où, très certainement, le travail de l'initié,
parmi bien d'autres devoirs, était de "prêcher aux esprits en prison", comme
le dit la tradition chrétienne, non pas, comme cette tradition le suppose dans
son ignorance, aux esprits de ceux qui, ayant eu l'infortune de vivre dans un
passé lointain, ne pouvaient arriver au salut qu'en apprenant et en acceptant
après la mort cette forme particulière de la foi, mais aux esprits de ceux qui,
ayant [87] tout récemment quitté cette vie, étaient encore emprisonnés et
retenus sur le plan astral par des désirs non épuisés et des passions non
subjuguées.
S'efforcer d'aider cette foule immense d'infortunés en leur indiquant la
marche vraie de leur évolution et la meilleure méthode de l'accélérer, était
alors un des devoirs de l'initié, comme c'est maintenant un des devoirs des
élèves des Maitres ; c'est pourquoi, en cette cérémonie solennelle par
laquelle il était dument mis en rapport avec la Grande Confrérie, il recevait
sa première leçon sur une partie importante du travail qu'il aurait désormais
à accomplir.
Pendant cette même "descente aux enfers", le candidat, conformément
au rite égyptien, devait passer par ce qu'on appelait "les épreuves de la terre,
de l'eau, de l'air et du feu", à moins qu'il n'en eût déjà fait l'expérience à un
stade antérieur de son développement. En d'autres termes, il devait
apprendre avec cette certitude absolue qui vient, non pas de la théorie, mais
de la pratique, que, pendant qu'il était en corps astral, aucun de ces éléments
ne pouvait être un danger pour lui, ni un obstacle à son travail. Quand nous
fonctionnons dans le corps physique, nous sommes parfaitement convaincus
que le feu nous brulera, que l'eau nous noiera, que le roc solide formera une
barrière infranchissable [88] à notre marche, que nous ne pouvons
impunément nous lancer sans aucun soutien dans l'air ambiant. Cette
conviction est si profondément enracinée en nous que la plupart des hommes
doivent faire de sérieux efforts pour vaincre la répulsion instinctive qui
s'ensuit, et pour comprendre que, lorsqu'ils agissent dans le corps astral, le
roc le plus dense n'est pas un empêchement à la liberté de leur mouvement,
qu'ils peuvent sauter avec impunité de l'escarpement le plus élevé et plonger
avec la confiance la plus absolue dans le cratère du volcan en éruption ou
dans les abimes les plus profonds de l'insondable océan.
Cependant, tant qu'un homme ne connait pas cela – et il faut le
connaitre suffisamment pour agir d'instinct et en toute assurance – il n'est
d'aucune utilité dans le travail astral, car dans des cas qui surgissent
constamment, il serait sans cesse paralysé par son incapacité imaginaire.
C'est pour cette raison qu'il y a des milliers d'années le candidat devait subir
les épreuves de la terre, de l'eau, de l'air et du feu, et c'est pour la même
raison qu'il doit les subir aujourd'hui. Pour le même motif encore, il doit
passer par mainte expérience étrange, affronter avec un courage
imperturbable les apparitions les plus terrifiantes dans les ambiances les plus
[89] répugnantes, bref, il doit fournir la preuve qu'il mérite toute confiance,
quelles que soient les circonstances dans lesquelles il peut à tout moment se
trouver. C'est donc là un des nombreux avantages de "la descente aux
enfers".
CHAPITRE IV
—
LA RÉSURRECTION
L'ascension. – Le Saint-Esprit. – L'évolution de l'atome ; de l'homme ; du
monde.
Le troisième jour est ressuscité d'entre les morts. – Toute personne, qui
a étudié sérieusement le récit des évangiles orthodoxes a dû se dire que
donner l'intervalle, qui sépare le vendredi soir de l'aube du dimanche, pour
trois jours complets était une licence poétique assez hardie. On pourrait
soutenir, toutefois, que ce laps de temps n'est pas en désaccord avec le texte
du crédo "le troisième jour, il est ressuscité" ; mais pour présenter un
argument aussi spécieux il faudrait ne tenir aucun compte de l'assertion,
pourtant bien nette, attribuée à Jésus, que "le Fils de l'Homme restera trois
jours et trois nuits dans le sein de la terre".
L'explication réelle de ces divergences, qui paraissent [91]
déconcertantes, devient suffisamment claire dès qu'on donne au texte du
crédo son sens véritable. À l'époque du déclin et de la dégénérescence des
Mystères, quand on s'efforçait de réduire à leur minimum les conditions
requises afin d'en rendre l'accès plus facile aux candidats moins dignes, qui
n'étaient pas capables de passer à l'état de transe, on s'aperçut bientôt que,
pour certains genres d'esprit, il était intolérablement ennuyeux de passer, en
un séquestre si rigoureux sur le plan physique les soixante-dix-sept heures
qui, à l'origine, étaient si bien employées sur le plan astral ; en conséquence
les hiérophantes – Sycophantes – de cette dernière époque des mystères
découvrirent, bien à propos, que soixante-dix-sept était une erreur de copie
pour vingt-sept, et que, dans la formule originale, les mots "après le
troisième jour" n'avaient réellement, d'autre sens que 17 "(pendant) le
troisième jour" ; de cette façon ils épargnaient à leurs dignes protecteurs
deux jours complets de ce qui était pour eux, pour me servir d'une expression
moderne, une véritable "prison cellulaire".
Cette version corrompue est assez exactement représentée par la durée
symbolique employée [92] dans les évangiles ; mais elle n'aurait pu être
adoptée si le sens réel du rituel original n'était passé en oubli.
Antérieurement, ce n'était qu'après trois jours entiers et trois nuits, et une
partie du quatrième jour, que le candidat, toujours à l'état de transe, était
17
En anglais : on the third day, au lieu de after the third day. – NDT
retiré du sarcophage dans lequel il avait été couché, et porté en plein air, du
côté oriental de la pyramide ou du temple, de façon que les premiers rayons
du soleil levant vinssent lui frapper le visage et l'éveiller de son long
sommeil.
Si nous nous rappelons que le rituel tout entier symbolise la descente
du Second Logos dans la matière, il ne nous sera pas difficile de comprendre
pourquoi ce moment particulier de la journée était choisi :
Pendant trois longues rondes et une partie de la quatrième, l'essence
monadique s'enfonce de plus en plus profondément dans le bourbier de la
matière dense ; c'est seulement à la quatrième ronde, quand le soleil se lève
– quand les Seigneurs de sa Flamme 18 apparaissent sur la terre, – que cette
essence s'élève, ressuscite d'entre les morts et entre dans l'envolée puissante
de son arc ascendant qui doit, à la fin, la placer à la droite du Père. [93]
L'ascension
Est monté au ciel. – Aucune explication n'est nécessaire pour montrer
le sens de cette phrase rapportée au progrès ascendant de l'âme humaine ;
mais la place qu'elle occupe dans l'ancien rituel égyptien est digne de notre
attention. Car, les leçons que le candidat avait à apprendre lors de son
initiation ne se bornaient pas à ses expériences sur le plan astral ; à ce
moment de son évolution il devait être mis en contact avec quelque chose
de bien plus élevé, de bien plus vaste. Ceux qui ont étudié la partie de la
littérature théosophique qui traite du sentier de la sainteté se rappelleront
que le Sotâpanna, "l'homme, qui est entré dans le courant", reçoit, comme
une partie de son initiation, la première lueur de l'éveil de sa conscience sur
le plan Bouddhique.
Tout naturellement, ceci se passait également dans le rite égyptien et
c'est cette expérience transcendante, qui transformait entièrement chez un
homme ses conceptions de la vie et de l'évolution, que désignait l'ascension
au ciel. L'homme, pour la première fois, comprenait par sa propre
expérience, cette doctrine grandiose qui nous est si familière à tous comme
théorie : la fraternité spirituelle des hommes et l'unité de tout ce qui vit. Mais
entre l'admission de cette doctrine comme simple théorie et sa [94]
vérification directe comme un fait de la nature, la différence est si grande
18
C'est-à-dire, de la flamme du Logos solaire.
que cette expérience, comme nous l'avons déjà dit, change la vie tout entière
de l'homme et son attitude : jamais plus, il ne pourra rien considérer dans le
monde de la même manière qu'auparavant ; tout en éprouvant la plus vive
sympathie pour la souffrance, jamais plus sa tristesse n'ira sans espoir, car il
sait que celui qui souffre est lui aussi une partie de la grande vie une et que,
par conséquent, tout finira par être pour le mieux.
Est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, d'où il viendra juger
les vivants et les morts. – On constate ici pour la première fois une
divergence de sens bien nette entre le texte du crédo tel que nous le
possédons maintenant et la rubrique égyptienne. Dans celle-ci, le passage
correspondant est tout simplement une extension de celui qui le précède, et
il nous expose très clairement et magnifiquement le but précis de toute cette
immense carrière évolutive : "Il sera emporté au ciel pour être la main droite
de Celui de Qui il vint, ayant appris à guider les vivants et les morts."
Il nous est resté, cette fois du moins, un document accessible à
l'érudition ordinaire, venant confirmer l'idée que tel a pu être le texte
original : dans la Régula d'Appelles, disciple de [95] Marcion, nous lisons
"la main droite du Père, d'où il est venu pour gouverner les vivants et les
morts". Toute allusion à l'attente de la seconde venue du Christ se trouve
donc écartée et nous sommes en présence d'une déclaration importante qui
non seulement insiste sur ce grand fait que la vie qui a été déversée retourne
dans toute sa plénitude à Celui d'où elle vint, mais proclame aussi que tout
cet immense processus fut entrepris, afin que l'humanité, en retournant ainsi
à Lui, devînt la main droite – le bras droit – de ce Père tout-puissant dans
Son œuvre de la direction des vivants et des morts. La grande vérité que tout
pouvoir gagné ne nous est confié que pour être employé comme moyen
d'aider les autres a rarement été exprimée avec plus de clarté et plus de
grandeur.
Le malentendu créé par la confusion introduite ici dans le crédo, a été
encore accentuée par l'emploi de l'expression "juger". Les témoignages ne
manquent pas pour montrer que le mot a eu autrefois une signification
beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui dans les phrases "En ce temps-là,
Déroba… jugeait Israël." (Les Juges. IV. 4), et, "Après lui, se leva Jaïr,
Galaadite qui jugea Israël vingt-deux ans" (Les Juges. X. 3.), etc. Il est
évident que le mot "juger" est simplement synonyme de "gouverner". [96]
Pris dans cette acception, le mot "juger" donne au texte du crédo un sens qui
nous rapproche de la conception de guider et d'aider, exprimée par la
formule égyptienne.
C'est de cette magnifique conception d'un gouvernant dont le seul objet
est de guider et d'aider qu'on a pu dire avec raison, dans les paroles ajoutées
au symbole de Nicée, que "Son royaume n'aura point de fin".
Le Saint-Esprit
Je crois au Saint-Esprit. – Dans cet article, le dernier du crédo original
rédigé par le Concile de Nicée, nous revenons encore une fois à la formule
donnée par le Christ. Nous avons déjà expliqué dans la première partie de
ce volume que le Saint-Esprit correspond au troisième Logos ou Mahat,
"l'Esprit de Dieu qui couve la surface des eaux" de l'espace et appelle ainsi
à l'existence la matière, telle que nous la connaissons aujourd'hui. C'est son
énergie qui donne naissance à toutes les combinaisons primaires des atomes
ultimes de nos plans ; les "atomes" dont parle la chimie moderne sont donc
le résultat de son travail. Son action les a appelés à l'existence dans un ordre
bien défini, qui, d'après les investigations faites jusqu'à présent, semble
correspondre à celui des poids atomiques ; ainsi les substances ayant un
poids atomique élevé, telles que le plomb, l'or, le platine [97] sont de
formation beaucoup plus récente que les éléments d'un poids atomique
faible, comme l'hydrogène, l'hélium ou le lithium.
La simple mention de l'existence du Saint-Esprit qu'on trouve dans le
crédo des Apôtres et dans la forme originale du crédo de Nicée, fut
considérablement amplifiée au Concile de Constantinople en 381, et, pour
la première fois, le titre magnifique de "Dispensateur de la vie", y fut inséré.
Malheureusement la version anglaise donne lieu à une erreur bien vulgaire,
et, le plupart des gens, en récitant les mots "le Seigneur et le Dispensateur
de la Vie", croient probablement que cela signifie – en supposant qu'ils
songent à la signification de ce qu'ils disent – le Seigneur de la Vie et le
Dispensateur de la Vie. Or, en nous reportant à l'original grec, nous voyons
immédiatement que rien n'autorise cette interprétation et, que la traduction
exacte est simplement "le Seigneur, Dispensateur de la Vie".
Un pareil titre pouvait bien Lui être donné, non seulement à cause de
l'œuvre puissante faite par Lui quand le système solaire fut appelé à
l'existence, non seulement parce que de Lui provient toute vie qui soit à
notre connaissance (car le jîva omniprésent n'est que sa manifestation sur
les plans inférieurs), mais à cause de [98] l'œuvre également immense qu'il
accomplit maintenant encore. L'effet de cette première grande émanation
d'énergie est-il actuellement achevé, ou des éléments chimiques d'une
espèce encore plus complexe sont-ils en voie de formation ?
Nous n'en savons rien ; mais ce qui est certain, du moins, c'est que tout
autour de nous se poursuit une évolution si vaste dans son ensemble et en
même temps si infiniment menue dans sa méthode, que nous vivons au
milieu d'elle sans en avoir aucunement conscience.
Ce n'est pas l'évolution spirituelle de l'âme immortelle dans l'homme,
car elle est l'œuvre du Premier Logos de notre système ; ni l'évolution dont
la science reconnait le progrès constant dans le règne animal et dans le règne
végétal, le développement de l'intelligence et des facultés au moyen
d'expériences répétées et la modification correspondante des formes
extérieures qui en est la conséquence ; ce n'est pas même l'évolution de la
puissance de combinaison dans le monde minéral produisant des composés
chimiques complexes de plus en plus nombreux. Car toutes font partie de
l'activité merveilleuse du Second Logos ; mais c'est au dedans d'elles toutes
et derrière elles que se produit l'évolution de l'atome lui-même.
L'évolution de l'atome
Évolution de l'atome. – Pour expliquer la [99] méthode de cette
évolution, il nous faudrait plus d'espace qu'il ne peut lui en être consacré
ici ; et d'ailleurs ce serait quelque peu en dehors de mon sujet, qui est l'étude
du crédo ; mais, ceux qui liront l'article de Mme Besant sur La Chimie
Occulte (Lucifer, novembre 1895), trouveront là des indications au sujet de
la manière dont ce travail s'accomplit. On se souviendra que la planche qui
accompagne cet essai, représente l'atome comme composé d'une série de
tubes en forme de spirale arrangés suivant un certain ordre ; d'après les
explications données, ces tubes sont eux-mêmes composés de tubes plus
fins, enroulés également en spirale, et ces derniers, à leur tour, sont formés
d'autres tubes plus fins encore, et ainsi de suite. Les plus fins de ces tubes
ont été appelés respectivement spirilles du premier, du deuxième, du
troisième ordre, et ainsi de suite. Avant de retrouver le filament droit, ou la
ligne d'atomes astraux (l'atome physique ultime est formé par les
enroulements de dix de ces lignes) nous devons dérouler sept séries de ces
spirilles, dont chacune est enroulée à angle droit de celle qui précède.
Or dans l'atome physique parfait, tel qu'il le sera à la fin de la septième
ronde, ces différentes séries de spirilles seront complètement vitalisées
[100] et actives, et chacune sera parcourue par une force d'un ordre
différent ; alors sera accomplie cette partie spéciale du travail du SaintEsprit.
Nous sommes, à présent, dans la quatrième ronde et seulement quatre
de ces séries de spirilles sont en activité, de sorte que même la matière
physique dans laquelle nous avons à agir est loin d'avoir développé toutes
ses capacités. Ce processus puissant de l'évolution atomique, qui pénètre
toutes choses et qui pourtant suit son cours d'une manière absolument
indépendante de toutes conditions, s'accomplit avec continuité sous
l'impulsion prodigieuse de la première Grande Émanation, celle du
Troisième Logos.
Il parait clair que toute cette merveilleuse activité tend et a toujours
tendu vers la différentiation, vers l'individualisation, en quelque sorte ; il est
également évident que l'action de la deuxième Grande Émanation éveille
toutes sortes de nouveaux pouvoirs de combinaison, qui semblent avoir pour
but un retour à une sorte d'unité supérieure ; nous sommes donc en présence
de ce qui parait être, à première vue, une opposition entre le travail de ces
deux forces puissantes.
Or, comme je l'ai dit auparavant, nous n'avons maintenant au sujet de
ces opérations merveilleuses [101] que des notions extrêmement
fragmentaires ; de plus, nous avons le désavantage de les regarder d'un plan
si inférieur, – les examinant, pour ainsi dire, d'en bas et non d'en haut, – que
même les plus avancés d'entre nous ne peuvent avoir au sujet du mécanisme
réel de ce vaste plan que des idées tellement incomplètes, qu'elles pourraient
nous mener à des erreurs infinies et à des blasphèmes tout aussi bien, si nous
ne prenions la précaution de les présenter avec la réserve et la modestie qui
conviennent. Pourtant il me semble que si bornée que soit l'investigation
qu'il nous est possible de faire de la prodigieuse complexité de l'évolution,
nous saisissons çà et là, sur des parties de son plan, des aperçus, des
indications dont nous pouvons éprouver la justesse en cherchant à les
appliquer à d'autres niveaux de l'immense processus évolutif.
Nous voyons, par exemple, clairement ici la mise en action du principe
fondamental qui consiste à générer d'abord un certain ordre d'éléments et à
les douer d'une stabilité et, pour ainsi dire, d'une individualité telle, que dans
toutes les conditions ordinaires de température et de pression, ils gardent
leur situation d'entités séparées, tandis qu'à un stade postérieur nettement
plus élevé, les possibilités et le désir [102] de l'union se développent en eux.
Il est impossible que ces traits généraux de l'évolution dans le règne animal
ne nous rappellent pas cette proposition, que le Logos s'est manifesté, afin
que de Lui émanassent une immense multitude d'individus, qui, lorsqu'ils
seront suffisamment séparés pour devenir chacun un centre vivant et
puissant, s'élèveront de nouveau vers l'union parfaite et réaliseront leur unité
avec Lui.
L'évolution de l'homme
Évolution individuelle de l'homme. – Même quand nous passons à
l'étude du développement individuel de l'homme, nous voyons encore le
même principe à l'œuvre. Quand l'homme existe nettement à l'état d'individu
doué d'un corps causal, toutes les forces du milieu qui l'environne paraissent
dirigées vers l'évolution, en lui, du Manas, la faculté qui distingue et qui
sépare, qui, dans le microcosme qu'est l'individu humain, correspond
clairement à Mahat, l'Intelligence universelle, ou le Saint-Esprit, dans le
macrocosme. Beaucoup plus tard apparait le développement de Bouddhi, la
faculté de rapprocher, d'unifier, qui, à bien des points de vue, peut être
considérée comme correspondant, dans l'homme, à ce qu'est le Second
Logos dans le monde. Bien plus, quoique cette affirmation puisse paraitre
incompréhensible et que, tout effort pour l'expliquer reste vain, la réalité
vraie [103] est que les principes de l'homme appelés Atmâ, Bouddhi, Manas,
ne sont pas simplement des correspondances ou même des reflets ou des
rayons des Trois Grands Logoï, mais qu'ils sont, d'une manière qui nous
échappe, bien vraiment ces entités glorieuses, incréées, incompréhensibles,
le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
L'évolution du monde
Évolution du monde. – Dans les phases successives de l'évolution du
monde également, cette même loi générale subsiste. Là aussi, l'action a été,
jusqu'à présent, principalement créative et séparative ; son œuvre principale
a été le développement de Manas, et c'est à peine si nous voyons, pour le
moment, poindre le premier éveil de Bouddhi, le grand pouvoir unifiant qui
est vraiment le Christ dans l'homme.
Çà et là apparaissent des hommes chez qui un peu de cette influence
(due à Bouddhi) se laisse voir ; çà et là quelque faible indice de l'avenir peut
être discerné par ceux qui savent lire les signes des temps. Il est même fort
possible que certaines des caractéristiques les plus inquiétantes de notre état
social, si malfaisants qu'en soient les effets immédiats, si vicieuse qu'en soit
l'organisation, perverties qu'elles sont par l'égoïsme et l'ignorance sans
bornes de leurs partisans, par leur haine aveugle des bons et des sages,
cachent parmi tant d'injustice, la vague [104] lueur d'une espérance : elles
sont peut-être la première manifestation d'une force qui est derrière elles et
qui les pousse, les premiers tâtonnements aveugles et mal dirigés des
ignorants vers l'unité vraie qui doit être un jour, mais qui ne sera réalisée
que par des moyens absolument opposés à ceux qui sont employés
aujourd'hui.
Rappelons-nous qu'après tout nous venons seulement de dépasser le
point tournant du système entier de l'évolution, que nous venons seulement
d'entrer dans le puissant courant ascendant qui a pour fin la divinité. Nous
ne sommes encore que dans la quatrième ronde, la ronde, qui, à proprement
parler, est consacrée au développement de kâma et du corps astral. Le fait
que nous nous trouvons en possession de Manas au stade actuel de notre
progrès est dû presque entièrement à l'aide et au stimulant donné à notre
humanité, à une époque relativement récente par la venue des puissants
Seigneurs de la Flamme. Le développement complet de Manas ne doit
même pas être achevé avant la ronde prochaine ; nous ne pouvons donc
surement, pas avant longtemps, espérer autre chose qu'un simple avant-gout
du prodigieux pouvoir de Bouddhi.
Cependant, si lentement que ce soit, la nature [105] avance vers ce but,
et l'avenir appartient à ceux qui, reconnaissant le fait, travailleront en
conséquence, qui, de toutes les façons possibles, s'efforceront d'aider au
progrès du principe unificateur, d'abattre les barrières de méfiance et de
haine qui séparent si souvent les classes de la société et les nations. C'est là
le vrai travail théosophique – le travail de nos Maitres – et c'est le plus grand
des privilèges d'être admis à y collaborer même dans la plus petite mesure
et avec les plus modestes capacités.
CHAPITRE V
—
LA PROCESSION DU SAINT-ESPRIT
Les Messagers et les Prophètes. – La Sainte Église Catholique. – La
Communion des Saints. – La rémission des péchés. – Le Baptême. – La
résurrection de la chair et la réincarnation. – La vie éternelle.
Qui procède du Père et du Fils. – C'est à propos de cette doctrine de la
procession du Saint-Esprit que s'éleva le grand schisme, qui déchira l'Église
chrétienne en deux parties ; il s'agissait de savoir si la Troisième Personne
de la Trinité procédait de la Première seule ou de la Première et de la
Seconde. En considérant, comme nous le faisons ici, la signification
ésotérique du symbole, nous voyons que l'Église d'occident n'a ni surchargé,
ni altéré la doctrine originale en insérant la célèbre clause du filioque ; elle
exprimait seulement par des mots ce qui, [107] dès le principe, avait dû
paraitre évident à quiconque était capable de lire le sens caché derrière la
lettre de la formule.
L'interprétation de saint Jean Damascène, "qui procède du Père par le
Fils" (De Hymno Trisag., n° 28) est peut-être celle qui se rapproche le plus
de la vérité ; cependant, il eût été mieux encore que les mots employés dans
le crédo pour exprimer la provenance du Second et du Troisième Logos
eussent été intervertis et que l'on eût écrit que le Fils procédait du Père et
que le Saint-Esprit était engendré par le Fils. Nous avons déjà expliqué que
la véritable signification de μονογενὴϛ est "provenant d'un seul" et non pas
de l'interaction d'une dualité. Toutes les autres choses de la nature, que nous
connaissions, sont produites par l'interaction, l'action réciproque de deux
facteurs qui sont, soit des entités séparées (ce qui est généralement le cas),
soit simplement deux pôles enclos dans le même organisme, comme dans le
cas de la reproduction parthénogénétique des générations alternées des
aphidiens.
Ce qu'on appelle communément la procession du Saint-Esprit n'est ellemême pas une exception à cette règle ; car la dualité du Second Logos a
toujours été clairement reconnue, et bien que dans le système du
christianisme moderne, [108] les deux pôles ou aspects soient exprimés
seulement par sa divinité et son humanité, dans les religions plus anciennes
et même dans les traditions gnostiques, ils étaient souvent regardés comme
étant respectivement mâle et femelle, et on a fréquemment représenté le
Second Logos comme contenant en Lui-même, les caractéristiques des deux
sexes ; on l'a même appelé le "Père-Mère", "éternel aux sept robes".
Qui conjointement avec le Père et le Fils est adoré et glorifié. – Ceci
veut dire simplement que les trois Logoï doivent être considérés comme
également dignes de la vénération la plus profonde, et également distincts
de tout le reste dans le système auquel ils ont donné naissance, que "dans
cette Trinité aucune personne n'est avant, ni après les autres, aucune n'est
plus grande, ni moindre que les autres" mais que "toutes sont conjointement
égales et coéternelles", du moins en ce qui concerne le présent œon. Toutes
doivent être également glorifiées par l'homme, car c'est envers toutes les
trois également qu'il a une dette de gratitude, pour le labeur et le prodigieux
sacrifice que comporte son évolution.
Les Messagers et les Prophètes
"Qui a parlé par les prophètes." – Cet article, l'un des premiers
incorporés au crédo par le Concile de Constantinople, renferme une [109]
méprise très ancienne dont il n'est pas difficile de trouver la raison.
Quoiqu'elle n'ait pas directement trait à l'histoire de Jésus, elle n'en doit pas
moins être mise au compte de la tendance que nous avons désignée par (c).
Le sens de l'expression originale qu'elle est venue remplacer ne pourrait
probablement être mieux rendu que par la phrase "qui se manifesta au
moyen des anges", et si on se rappelle que, dans la langue grecque, le même
mot a les deux sens de "ange" et de "messager", on comprendra aisément
comment dans l'esprit d'un traducteur juif, fortement préoccupé de faire
ressortir la continuité du nouvel enseignement avec sa propre religion, le
passage qui lui eût paru obscur s'il avait relaté "une manifestation par ses
messagers", en vint à être interprété comme désignant l'inspiration des
prophètes hébraïques.
La foi juive, si corrompue et grossièrement matérielle qu'elle fût,
conservait encore quelque tradition des messagers par qui le Logos se
manifesta dans la matière, les sept grands Archanges appelés plus tard "les
sept Esprits devant le trône de Dieu", la première émanation de la Divinité,
les sept Logoï mineurs (mineurs seulement en comparaison de l'ineffable
splendeur, de la Trinité). Mais il était manifestement impossible qu'un esprit
déjà obsédé par l'idée que tout [110] ce qui était dit du Second Logos se
rapportait exclusivement à un instructeur humain comprit l'allusion faite
dans le passage considéré. Si le Second Logos n'était qu'un homme, et le
Troisième Logos une vague influence procédant de Lui, les messagers au
moyen desquels cette influence s'était manifestée antérieurement devaient
évidemment être aussi des hommes, et il était tout naturel que l'idée de la
prétendue inspiration de ses propres prophètes se présentât à l'esprit d'un
israélite. La grandeur de la conception véritable était bien au-delà de son
horizon borné ; il l'avait déjà avilie et matérialisée au-delà de toute
expression ; il ne comprit donc pas l'inconvenance qu'il commettait à
considérer les prédicateurs errants d'un bien petit peuple comme directement
inspirés par le Très-Haut.
La Sainte Église Catholique
À la sainte Église catholique. – Dans le crédo de Nicée, nous lisons
"une seule Église catholique et apostolique". L'article a toujours été compris
comme désignant l'ensemble des croyants sincères du monde entier, le mot
"catholique" signifiant simplement universel. C'est par le fait une
déclaration de la fraternité humaine, car l'article proclame que la
communauté d'intérêt dans les choses spirituelles rapproche les hommes de
toutes les nations "sans distinction de race, de croyance, de caste, de sexe
ou [111] de couleur", suivant la rédaction du premier objet de la société
théosophique. Si nous mettons de côté les erreurs d'interprétation que l'esprit
de secte a, par la suite, accumulées autour de ces mots, pour ne penser qu'à
leur signification réelle, nous verrons immédiatement combien ils sont
splendidement expressifs.
L'Église est ἐχχλησία, la collectivité de ceux qui, possédant en commun
la connaissance des grands faits qui sont à la base de la nature, sont "appelés
hors 19" de la vie mondaine ordinaire, vie d'énergie mal dirigée ; parce qu'ils
connaissent l'importance des unes et des autres, ils ont "placé leur affection
sur les choses d'en haut et non sur les choses de la terre", quelle que soit la
nation à laquelle ils appartiennent et le nom par lequel ils se trouvent avoir
à désigner leur foi dans les choses spirituelles.
Tous ne reconnaissent pas encore, à beaucoup près, leur confraternité ;
entre la plupart d'entre eux règnent la méfiance et les malentendus ; mais
quelque triste que soit la constatation, elle n'altère en rien un fait important :
par cela même qu'ils donnent aux choses spirituelles la préférence sur les
choses temporelles, parce qu'ils sont nettement rangés du côté du bien et non
du mal, du côté de l'évolution et non de la rétrogradation, [112] ils sont unis
19
Sens étymologique du mot ἐχχλησία. – NDC
par un lien – la communauté du but – qui est plus fort que toutes les divisions
extérieures qui les séparent, – plus fort parce qu'il est spirituel, et qu'il
appartient par suite à un plan plus élevé que celui-ci.
Telle est la vraie Église du Christ ; elle est catholique parce qu'il y a,
parmi ses membres, des hommes de toutes les races et de toutes les
croyances de la terre, "de toutes nations, de toutes parentés, de tous peuples,
de toutes langues" ; elle est sainte, parce que ses membres s'efforcent de
rendre leur vie plus sainte ; et ces membres sont des "apôtres", c'est-à-dire
– bien que la plupart d'entre eux l'ignorent – des hommes "envoyés" 20 par la
puissance suprême qui guide toutes choses, afin d'être Son expression sur la
terre, Ses émissaires, pour aider par le précepte et l'exemple leurs frères plus
ignorants à apprendre la leçon, importante entre toutes, qui pour eux est
devenue une partie de leur propre vie.
Bien que de longs siècles s'écouleront peut-être encore avant que tous
ses membres n'aient compris leur unité spirituelle et en dépit de ses divisions
extérieures, cette Église est une au fond, une en essence : "Ses élus sont de
toutes les nations, mais elle est une sur toute la terre." [113]
La Communion des Saints
À la communion des Saints. – Cet article est interprété de deux manières
par l'orthodoxie moderne. D'après l'une d'elles, il n'est que l'extension du
précédent "la sainte Église catholique (qui est) la communion des saints"
c'est-à-dire que l'Église est formée de l'ensemble de tous les saints de tous
les pays, à peu près comme nous venons de l'expliquer ; avec cette
différence que, naturellement, dans le système orthodoxe, seuls les
Chrétiens de toutes les nations sont reconnus comme frères ! D'après la
seconde méthode d'interprétation, un sens plus mystique est attribué au mot
"communion" ; elle regarde l'article comme indiquant l'association intime
qui existe entre les chrétiens sur la terre et ceux qui sont trépassés – les
bienheureux, et, plus spécialement, ceux dont les vertus sont transcendantes,
et qui sont habituellement appelés les saints.
Comme il arrive souvent, la vérité embrasse les deux hypothèses, mais
elle est bien plus grandiose qu'aucune d'elles ; la véritable signification de
l'expression de la croyance en la communion des saints est la reconnaissance
de l'existence et des fonctions de la Grande Confrérie des Adeptes, chargée
20
Sens étymologique du mot apôtre. – NDC
en grande partie de l'évolution de l'humanité. L'article est donc vraiment une
extension de l'idée de la fraternité humaine, [114] exprimée par la croyance
en la "sainte Église catholique" ; il implique aussi la plus intime association
et même la communication avec les plus nobles d'entre ceux qui ont pris
l'avance sur nous. Mais il veut dire bien plus encore que tout cela ; à ceux
qui l'ont saisi, et même à ceux qui commencent seulement à en comprendre
vaguement la signification, il donne un sentiment de paix absolue et de
sécurité qui dépasse toute compréhension, qui ne peut être ni ébranlé ni
perdu à travers les changements et les hasards de cette vie mortelle.
Ceci une fois compris, quelque poignante que soit la part qu'un homme
prenne aux multiples souffrances de l'humanité, quelle que soit son
impuissance à comprendre la plupart des choses qui se passent dans le
monde qui l'environne, pour lui l'élément de désespérance qui rendait toutes
choses si effrayantes s'est dissipé pour toujours. Car, bien qu'il sente que des
mystères pleins de terreurs et, jusqu'à présent, incomplètement expliqués, se
cachent derrière maint acte du grand drame de l'histoire du monde, bien
qu'en son esprit surgissent parfois des questions auxquelles l'homme ne peut
répondre et auxquelles, jusqu'ici, les puissances supérieures n'ont pas donné
de solution, malgré tout cela, il sait, avec la certitude absolue née de
l'expérience, que [115] le pouvoir, la sagesse et l'amour qui guident
l'évolution dont il est une partie, sont plus forts qu'il n'est nécessaire pour la
mener à une fin glorieuse. Il sait qu'aucune sympathie humaine n'égale la
sympathie de Ceux qui travaillent pour l'évolution et qui se sacrifient pour
l'homme ; que personne n'est capable de l'aimer comme Ils l'aiment ; que
bien qu'Ils sachent tout, du commencement à la fin, Leur sérénité n'est point
troublée.
La rémission des péchés
Au pardon des péchés. – Ou, par une traduction plus littérale du texte
grec, "à l'émancipation des péchés." Le lecteur trouvera dans un article de
Mme Besant paru en novembre 1897 dans la Théosophical Review 21 des
détails sur le côté mystique de l'idée symbolisée dans la doctrine de l'Église
sur le prétendu "pardon des péchés." Je n'ai pas à m'occuper ici des
développements ultérieurs du dogme, mais plutôt de la signification
relativement simple de cet article dans la formule originale.
21
Voir aussi le chapitre XI de Le christianisme ésotérique, également de Mme Besant. – NDC
Aucune idée ressemblant, même de fort loin, à celle exprimée par le
mot "pardon" n'était associée, si peu que ce fût, à cet article qui était une
déclaration, par laquelle le candidat reconnaissait formellement la nécessité
de se libérer [116] de la domination de tous ses péchés avant de tenter
d'entrer dans le sentier du progrès occulte ; et l'esprit en serait rendu d'une
manière bien plus exacte par une expression impliquant la croyance à la
démission du péché plutôt qu'à sa rémission. Il était avant tout destiné à
rappeler nettement le principe qui exige comme condition préalable,
absolue, de tout avancement, le développement moral ; c'était aussi un
avertissement contre le danger de la méthode des écoles de magie plus ou
moins teintée de noir qui n'exigeaient pas de leurs membres la moralité
comme une condition nécessaire.
Le baptême
Mais il avait encore un autre sens, un sens intérieur se rapportant à un
degré plus élevé du développement de l'homme ; la forme de ce même
article dans le symbole de Nicée l'exprime plus clairement : "Je reconnais
un baptême pour la rémission des péchés." Ici encore, bien entendu, nous
devons substituer l'idée d'émancipation à l'idée de pardon et, en nous
rappelant que le baptême a toujours été le symbole de l'initiation, nous
arrivons à une conception qui, dans la phraséologie bouddhiste, plus
familière aux lecteurs de la littérature théosophique, aurait pu s'exprimer
ainsi : "Je reconnais une (certaine) initiation pour le rejet des entraves." Le
candidat proclame par là qu'il se propose expressément [117] pour but
l'initiation Sotâpatti, une certaine initiation conférée exclusivement par la
Confrérie seule et unique au nom du Grand Initiateur, et par laquelle il
acquiert le pouvoir de rejeter entièrement les entraves du doute, de la
superstition et de l'illusion du moi.
Je dis avec intention qu'il acquiert le pouvoir ; car, même si ses
convictions intellectuelles antérieures sur ces points étaient bien assises, il
n'atteint la certitude qui provient de la connaissance directe qu'après avoir
pris contact avec la conscience Bouddhique par une expérience personnelle
qui fait partie du rituel de cette initiation, le portail du Sentier de la Sainteté.
Par ce contact, si instantané qu'il soit, non seulement ses connaissances
reçoivent une telle extension que la nature entière revêt pour lui un nouvel
aspect, mais de plus il s'établit pour l'instant entre son Maitre et lui, un
rapport d'une intimité qui dépasse, et de beaucoup, toutes les idées qu'il
pouvait s'en faire jusque-là. Ce n'est qu'un éclair, mais il suffit pour conférer
au candidat un vrai et réel baptême ; dans son âme descend un tel flot de
pouvoir, de sagesse et d'amour, qu'il devient tout à coup capable d'efforts
qui lui eussent auparavant paru inconcevables. Non que l'attitude, ni le
sentiment du Maitre aient changé à son égard ; seulement, [118] l'élève, par
le développement d'une faculté nouvelle, est devenu capable de voir plus de
ce qu'est le Maitre et, par suite, de recevoir de lui davantage.
Cette initiation Sohan ou Sotâpatti est donc, dans le véritable sens des
mots, "un baptême pour l'émancipation des péchés", et le baptême
administré aux enfants, aussitôt après leur naissance, n'était qu'un symbole
et une sorte d'anticipation de cette initiation. C'était une cérémonie destinée
à vouer, en quelque sorte, la jeune vie à l'effort d'entrer dans le Sentier.
Presque aussitôt après que la tendance matérialisatrice se fut fait sentir, le
sens véritable de tout ceci s'obscurcit, et alors il devint nécessaire d'inventer
quelque raison pour justifier la cérémonie du baptême. Une vague tradition,
toutefois, subsistait de son association avec la délivrance du péché, et,
comme il était évident, même pour un père de l'Église, qu'un enfant qui
venait de naitre ne pouvait pas avoir commis de fautes graves,
l'extraordinaire doctrine du péché "originel" fut inventée et fit beaucoup de
mal dans le monde.
La résurrection de la chair et la réincarnation
À la résurrection du corps. – Voici, derechef, un cas absolument
semblable au précédent : une doctrine parfaitement simple et raisonnable en
elle-même est mal comprise par les ignorants, [119] elle tombe
graduellement dans l'oubli et à sa place, on érige un dogme monstrueux et
absurde. Que de livres ont été écrits, que de sermons ont été prêchés pour
défendre un enseignement scientifiquement impossible ; la résurrection du
corps physique – "de la chair", comme il est dit dans un crédo anglais de l'an
1400 environ 22 – alors que l'article n'a jamais été autre chose que
l'affirmation de la doctrine de la réincarnation !
Cette croyance qui, en des temps plus éclairés, était universelle, avait
graduellement disparu de la connaissance populaire en Égypte, dans sa
dernière période, en Grèce à l'époque classique et à Rome, mais,
naturellement, on l'avait toujours conservée dans l'enseignement des
22
La même expression se trouve dans le crédo des Apôtres de l'Église catholique. Voir page 10. –
NDC
Mystères. Elle était clairement exprimée dans la formule originale donnée
par le Christ à ses disciples ; il fallut l'ignorance grossière des temps qui
suivirent pour défigurer l'explication si simple, que l'homme, après sa mort,
réapparaitrait sur la terre dans une forme corporelle, en une théorie d'après
laquelle, à un moment à venir, il rassemblerait les particules même dont son
véhicule physique était composé au moment de sa mort, pour reconstituer
son cadavre sous sa forme première. [120]
La rédaction du crédo de Nicée "j'attends la résurrection des morts" est
plus compréhensible, bien que dans quelques-unes de ses variantes les plus
anciennes il soit aussi question de la résurrection de la chair. Aucune de ces
versions n'éveille l'idée, pourtant bien simple, qu'il s'agissait de la
résurrection dans un corps, et non de la résurrection du même corps.
Toutefois, à examiner le sujet sans parti pris, il semble bien qu'aucune
interprétation ne saurait mieux satisfaire les conditions de l'enseignement
donné (par le Christ). La raison nous conduit, en effet, à penser que le corps
corruptible ne peut pas ressusciter ; c'est pourquoi ce qui ressuscite doit être
l'âme incorruptible. Puisque cette âme doit réapparaitre dans un corps, elle
ne le peut que dans un nouveau corps, c'est-à-dire dans le corps d'un enfant.
Les preuves ne manquent pas non plus, même sur le plan physique, pour
appuyer la thèse (que nous savons, d'après d'autres sources, être vraie) que
cette croyance en la réincarnation était partagée par beaucoup à l'époque
assignée au Christ et que lui aussi la professait et l'enseignait. La
métempsychose des âmes était un trait distinctif de la Kabale juive ; Josèphe
déclare que les Pharisiens croyaient au retour sur la terre, dans d'autres
corps, de l'âme des justes ; la question [121] posée à Jésus au sujet de
l'homme aveugle-né prouve distinctivement que le fait de la réincarnation
était connu de même que sa propre remarque concernant la renaissance
d'Élie sous la forme de Jean-Baptiste.
Jérôme et Lactance témoignent tous deux que l'Église primitive croyait
à la métempsychose. Origène non seulement exprime sa croyance à ce sujet,
mais il a soin de déclarer que ses idées sur cette question n'ont pas été tirées
de Platon, qu'il avait été instruit par Clément d'Alexandrie qui avait étudié
sous Pantænus, disciple de personnages apostoliques. À vrai dire, il ne parait
pas du tout impossible que cette doctrine de la réincarnation fût un des
"mystères" de l'Église primitive, enseigné seulement à ceux qui en étaient
dignes.
La vie éternelle
Et à la vie à jamais. – La forme semi-poétique que nos traducteurs ont
donnée à cet article du crédo des Apôtres a fait croire aux orthodoxes, qu'il
se rapportait à la vie éternelle dans le ciel ; mais en réalité telle n'en est pas
la signification ; il est simplement une déclaration sans équivoque de
l'immortalité de l'âme humaine. Dans le crédo celtique, la forme est plus
simple encore : "Je crois en la vie après la mort" tandis que le symbole de
Nicée emploie l'expression, "la vie de l'âge qui doit venir".
TROISIÈME PARTIE
—
LE CRÉDO D'ATHANASE
TEXTE DU CRÉDO D'ATHANASE 23
1re partie. – Quiconque veut être sauvé, doit, avant tout, tenir la foi
catholique ; quiconque ne la gardera pas entière et intacte, périra
éternellement, sans aucun doute.
Et telle est la foi catholique : elle consiste à adorer un seul Dieu dans la
Trinité et la Trinité [124] dans l'Unité, sans confondre les personnes ni
diviser la substance. Car autre est la Personne du Père, autre celle du Fils,
autre celle du Saint-Esprit. Mais la divinité du Père, du Fils et du SaintEsprit est une, leur gloire est égale et leur majesté coéternelle. Tel qu'est le
Père, tel est le Fils et tel le Saint-Esprit. Le Père est incréé,
incompréhensible, éternel, Seigneur et tout-puissant. Le Fils et le SaintEsprit le sont de même, et, cependant, il n'y a pas trois incréés, trois
incompréhensibles, trois éternels, trois Seigneurs et trois tout-puissants. Le
Père est Dieu et Seigneur, le Fils est Dieu et Seigneur, l'Esprit est Dieu et
Seigneur, et, ils ne sont pas trois Dieux, trois Seigneurs, mais un seul Dieu,
un seul Seigneur. Car de même que nous sommes contraints par la foi
chrétienne à reconnaitre chaque personne comme étant par elle-même Dieu
et Seigneur, de même il nous est défendu par la religion catholique de dire
qu'ils sont trois Dieux ou trois Seigneurs.
Le Père n'a été fait, ni créé, ni engendré par aucun être. Le Fils n'a été
fait, ni créé, mais engendré par le Père seul. Le Saint-Esprit n'a été fait, ni
créé, ni engendré, mais procède du Père et du Fils. Il n'y a donc qu'un Père
et non pas trois, qu'un Fils et non pas trois, qu'un Saint-Esprit et non pas
trois. Et dans cette Trinité [125] aucune personne n'est avant ni après les
autres, aucune n'est plus grande, ni moindre que les autres, mais toutes sont
conjointement égales et coéternelles.
De sorte qu'en toutes choses, ainsi qu'il a déjà été dit, on doit vénérer et
l'Unité dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité. Voilà donc ce que doit croire
quiconque doit être sauvé.
23
Pour plus de clarté, nous avons cru devoir ajouter en tête de cette troisième partie le texte complet
du symbole dont elle est le commentaire. Le texte donné est celui de l'Histoire du Christianisme, par
Et. Chastel, Paris, Fischbacher, 1881, avec de très légères modifications de pure forme ayant pour but
d'éviter toute différence avec la traduction des articles cités par M. Leadbeater. – NDC
Deuxième partie. – Il est encore nécessaire, pour le salut éternel, de
croire fidèlement à l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car c'est la
vraie foi de croire et de confesser que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de
Dieu, est pareillement Dieu et homme ; il est Dieu de la substance du Père,
engendré avant les siècles, homme de la substance de sa mère, né dans le
siècle ; Dieu parfait, homme parfait, composé d'une âme rationnelle et d'une
chair humaine, égal au Père quant à sa Divinité, inférieur au Père quant à
son humanité ; et qui, bien qu'il soit Dieu et homme n'est point deux, mais
un seul Christ ; un seul, non par le changement de sa divinité en chair, mais
par l'assomption de son humanité en Dieu ; un absolument, non par
confusion de substances, mais par l'unité de la personne ; car comme l'âme
rationnelle et la chair ne constituent qu'un seul homme, le Dieu et l'homme
ne constituent qu'un seul Christ, qui a [126] souffert pour notre salut, est
descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour, est monté au
Ciel, est assis à la droite de son Père, d'où il viendra juger les vivants et les
morts, et à la venue duquel tous les hommes doivent ressusciter avec leurs
corps et rendront compte de leurs propres actions ; ceux qui auront fait le
bien iront à la vie éternelle et ceux qui auront fait le mal au feu éternel. C'est
là la foi catholique sans la fidèle profession de laquelle nul ne peut être
sauvé.
CHAPITRE I
—
PREMIÈRE MOITIÉ DU CRÉDO
Le quicumque vult
Ayant passé en revue les différents articles du crédo de Nicée et du
crédo des Apôtres, il ne nous reste plus qu'à considérer dans le crédo
d'Athanase les points que nous n'avons pas eu l'occasion d'envisager dans
notre étude des deux symboles plus anciens.
Le crédo d'Athanase est, d'ordinaire, regardé comme n'étant guère
qu'une amplification des formules premières, et, comme je l'ai déjà dit, la
critique assigne à sa composition une date relativement récente.
Durant ces dernières années, il a été l'objet de nombreuses attaques à
cause des articles sur la damnation, et beaucoup de gens qui, trop
naturellement, en ont mal compris la véritable signification, [128] en sont
venus à considérer le symbole entier avec horreur ; et même parmi les
membres les plus éclairés de notre clergé 24 , quelques-uns, bravant
ouvertement les instructions de leur règlement, se sont refusés à en
permettre la récitation dans leurs églises. Si le sens ordinairement attribué à
ces articles était leur vrai sens, un tel refus serait plus que justifié, mais ces
articles ne soulèvent dans l'esprit de l'étudiant de la Théosophie aucune
objection, car il y voit, non pas une proclamation blasphématoire de
l'incapacité du Logos à mener à bonne fin l'évolution qu'Il a commencée,
mais le simple énoncé d'un fait bien connu de la nature.
Examinons donc le quicumque vult en omettant, cela va de soi, dans nos
explications, tout ce qui ne serait que des redites, en nous en tenant, par
conséquent, aux points où ce crédo est plus complet que les deux autres.
Nous nous trouvons dès les premiers mots "quiconque veut être sauvé"
en présence de l'erreur la plus flagrante, car on leur attribue d'ordinaire un
sens qui est un véritable blasphème, le sens de "sauvé de la damnation
éternelle", ou "de la colère de dieu" (je ne puis vraiment faire l'honneur d'une
majuscule à un [129] être qui serait capable, dans sa colère, de commettre
l'inqualifiable atrocité d'infliger des tortures éternelles). Une traduction
beaucoup plus exacte, surtout parce qu'elle se prêterait moins à ce contresens
24
Le clergé de l'Église anglicane. – NDC
théologique, serait "quiconque veut être sauf". Mis sous cette forme, l'article
prend immédiatement, pour tout étudiant en occultisme, un sens précis.
Nous avons tous lu, dans les premiers ouvrages de la littérature
théosophique, qu'il y aurait durant la cinquième ronde une période critique ;
nous entendons par là qu'une époque alors viendra où une portion
considérable de l'humanité devra être laissée en dehors de notre plan
d'évolution, pour cette seule raison qu'elle ne sera pas encore suffisamment
développée pour tirer parti des possibilités qui s'offriront alors aux humains,
parce que les conditions de l'existence seront devenues telles qu'il n'y aura,
à ce moment, plus de types d'incarnation assez peu avancés pour convenir
aux retardataires.
Nous devons donc en venir à un départ bien tranché, à une espèce de
"jour de jugement", où se fera la séparation des "brebis" et des "boucs" ; les
unes passeront dans la vie æonienne, les autres dans la mort æonienne ou
tout au moins dans un état d'évolution relativement suspendue. Remarquez
que je dis æonienne, c'est-à-dire, [130] ayant la durée de l'âge (ou
dispensation, ou manvantara) présent, mais n'impliquant aucunement l'idée
d'éternité.
Ceux qui, pour le moment, sont sortis du courant du progrès reprendront
leur travail dans la chaine suivante, exactement au point où ils ont dû
l'abandonner dans la nôtre ; ils n'ont perdu la place qu'ils avaient dans cette
évolution que parce que celle-ci les a dépassés ; s'ils avaient essayé de s'y
maintenir, ils n'auraient fait que perdre leur temps.
On doit se rappeler que lorsqu'un élève a été assez heureux pour
surmonter toutes les difficultés de la période de probation et qu'il a reçu la
première initiation qui est l'entrée du sentier proprement dit, on l'appelle le
Sotâpanna, "celui qui est entré dans le courant". Ceci signifie qu'il a déjà
passé personnellement la période critique que nous avons signalée ; il a déjà
atteint le point de développement spirituel que la nature réclame de lui
comme une sorte de passeport pour les phases dernières du système évolutif
particulier dont nous faisons partie. Il est entré dans le courant de l'évolution,
emporté le long de son arc ascendant, et, quoiqu'il puisse encore retarder ou
accélérer son progrès, qu'il puisse même, s'il agit follement, perdre un temps
précieux, il ne peut plus, d'une manière permanente, [131] se détourner de
ce courant ; mais il est constamment emporté par lui vers le but assigné à
l'humanité.
Il est donc sauvegardé du plus grand des dangers qui menacent
l'humanité durant ce manvantara, le danger de passer en dehors du courant
de son évolution ; et c'est pourquoi, on parle souvent de lui comme de celui
qui est "sauvé", de "l'élu". Tel est le sens, et le seul sens, des paroles du
premier article du crédo d'Athanase : "Quiconque veut être sauvé doit avant
tout tenir la Foi Catholique."
Évitons une erreur courante quant à la signification de cette dernière
expression. Le mot catholique veut dire tout simplement "universel" et la foi
qui est véritablement universelle, ce n'est pas la forme dont la vérité a été
revêtue par l'un ou l'autre des grands Instructeurs, c'est la Vérité elle-même
qui se trouve sous toutes les formes, c'est la Religion-Sagesse dont toutes
les religions exotériques ne sont que les expressions partielles. Donc cet
article, bien compris, n'est que l'assertion du fait indéniable que, pour tout
homme qui désire mener son évolution à bonne fin, le point le plus important
est de comprendre exactement le grand enseignement occulte de l'origine
des choses et de la descente de l'esprit dans la matière. [132]
On a contesté l'exactitude de cette interprétation et on a objecté que
l'enseignement le plus important pour tout homme est assurément celui qui
l'élève moralement et qui lui indique, non ce qu'il doit croire, mais ce qu'il
doit faire. Ce dernier principe est parfaitement juste ; mais ceux qui en font
une objection ignorent ou oublient le fait que, dans toutes les religions, on
devait avoir atteint un plein développement moral avant que fût admise
même la possibilité d'atteindre à la compréhension véritable de toute
connaissance occulte élevée. Ils oublient aussi que c'est seulement par cette
connaissance occulte que s'expliquent et les commandements et les
sanctions de leur code moral et jusqu'à la raison d'être elle-même.
De plus, il faut comprendre clairement que, si la moralité est
absolument nécessaire comme la condition première du progrès réel, elle
n'est pas, il s'en faut, tout ce qui est exigé. La bonté inintelligente peut
épargner à un homme beaucoup de peines et de chagrins dans le cours de sa
marche ascendante, mais elle ne peut pas le mener au-delà d'un certain
point ; un moment vient où, pour progresser, il est absolument nécessaire
que l'homme sache. Telle est, à la fois, la justification et l'explication du
second verset du crédo au sujet duquel s'est élevée une controverse [133] si
ardente : "Quiconque ne gardera pas cette foi entière et intacte
éternellement, sans aucun doute périra." Comme nous l'avons fait plus haut,
nous prenons le mot "éternellement" dans son acception de la durée d'un
œon (c'est-à-dire jusqu'à la fin de notre "âge" ou manvantara), et non pas
suivant sa signification orthodoxe qui est inacceptable au double point de
vue philosophique et métaphysique.
Aucun caractère d'ancienneté ne s'attache aux termes mêmes de cette
dernière phrase ; car on ne la trouve pas dans la profession de Dénebert, qui
est la forme la plus ancienne que nous possédions de cette première partie
du crédo. Il est probable que l'écrivain original l'employa, mais que
Dénebert, ne la comprenant pas, l'omit. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas à s'en
épouvanter, ni à chercher à en écarter la signification évidente ; cet article
n'est après tout qu'une inversion du précédent et ne fait qu'insister sur la
déclaration, qu'étant donnée l'importance et même la nécessité de
comprendre certains grands faits pour traverser la période critique, ceux qui
n'ont pas acquis cette connaissance vont à un échec certain. C'est une
déclaration grave, assurément, et bien digne de toute notre attention ; mais
elle n'a rien qui doive nous effrayer, car lorsqu'un homme a dépassé [134]
la phase "d'une vague foi en une espérance meilleure", pour arriver à celle
où l'on sait qu'il ne s'agit pas d'espérance, mais de certitude, – en d'autres
termes, quand, pour la première fois, il a découvert quelque chose de la
signification réelle de l'évolution – plus jamais il n'est exposé à éprouver
cette impression terrible d'horreur impuissante qu'engendre la détresse sans
espoir.
Notre auteur a bien soin de nous faire connaitre ensuite quels sont ces
grands faits dont la compréhension est si essentielle à notre espoir de
progrès, pour autant que notre intelligence limitée peut les comprendre.
Et telle est la foi catholique : elle consiste à adorer un seul Dieu dans
la Trinité et la Trinité dans l'Unité sans confondre les personnes ni diviser
la substance. – Le grand mystère du Logos ne pourrait guère être traduit par
des paroles qui le mettent mieux à la portée de notre entendement sur le plan
physique ; il serait difficile de mieux exprimer l'Unité éternelle qui est en
même temps toujours triple dans Son aspect. La recommandation finale était
aussi une nécessité sur laquelle on ne saurait trop insister, car jamais
l'étudiant ne sera capable d'approcher de la compréhension de l'origine du
système solaire auquel il appartient et [135] jamais, par conséquent, il ne
comprendra le moindrement la merveilleuse trinité d'Atmâ, Bouddhi,
Manas, qui est Lui-même, s'il ne prend soin de garder nette dans son esprit
l'idée des différentes fonctions, des trois grands aspects de l'Unique, de
manière à n'être jamais exposé à "diviser la substance" en perdant de vue
l'éternelle Unité fondamentale.
Très certainement "autre est la personne du Père, autre celle du Fils,
autre celle du Saint-Esprit", persona n'ayant jamais signifié autre chose
qu'un masque, un aspect ; et nonobstant il est hors de tout doute et de toute
contestation que "la Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est une", que
"leur gloire est égale et leur majesté coéternelle" puisqu'ils sont tous trois
également les manifestations de la splendeur ineffable de Celui en Qui tout
notre système existe, vit et se meut.
Ces aspects sont bien réellement "incréés", si nous les considérons dans
leur propre système, et différents de toutes les forces, de toutes les
puissances comprises dans ses limites, puisque celles-ci sont appelées à
l'existence en eux et par eux ; ils sont bien réellement "incompréhensibles",
non pas seulement dans le sens moderne "qui ne peut être compris", mais
dans le sens beaucoup plus ancien "qui ne peut [136] être contenu", puisque
rien sur ces plans de beaucoup inférieurs (les seuls que nous connaissons),
ne saurait être plus que la manifestation bien incomplète et très partielle de
leur gloire sans tache ; ils sont bien "éternels", puisqu'ils durent aussi
longtemps que dure leur système et probablement pendant des milliers de
systèmes ; "cependant il n'y a pas trois éternels, trois incréés, trois
incompréhensibles", mais un seul éternel, un seul incréé et un seul
incompréhensible ; car ce qui, en eux, est incréé, incompréhensible et
éternel, ce n'est pas l'aspect, c'est l'Unité sous-jacente qui est une avec le
Tout. "Car de même que nous sommes contraints, par la foi chrétienne, à
reconnaitre chaque personne comme étant par elle-même Dieu et Seigneur
(c'est-à-dire à reconnaitre que le pouvoir tout-puissant du Logos agit
également en chacun de Ses trois aspects), de même il nous est défendu par
la religion catholique, de dire qu'ils sont trois Dieux ou trois Seigneurs,"
c'est-à-dire d'opposer en aucune façon ces trois aspects l'un à l'autre, de les
considérer comme présentant une disproportion quelconque, ou comme des
entités séparées. Combien de fois ces aspects du Divin ont été divisés et
adorés séparément comme dieux ou déesses de la sagesse, de l'amour ou de
la puissance ; combien désastreux ont été [137] pour les fidèles les résultats
de ce développement partiel, inharmonieux, d'un seul côté de leur propre
nature, l'histoire en fait foi. Ici du moins l'avertissement contre une erreur si
fatale est suffisamment souligné.
Nous retrouvons dans le crédo d'Athanase la même préoccupation et le
même effort, si marqués déjà dans la rédaction du symbole de Nicée, de
rendre aussi claires que possible les différences dans la Genèse des trois
aspects du Logos :
"le Père n'a été fait, ni créé, ni engendré par aucun être ; le
Fils n'a été fait, ni créé, mais engendré par le Père seul ; le
Saint-Esprit n'a été fait, ni créé, ni engendré, mais procède
du Père et du Fils."
Il n'est pas nécessaire que nous reprenions ici les explications déjà
données à propos des articles correspondants du crédo de Nicée, si ce n'est
pour remarquer que les mots "le Fils a été engendré par le Père seul"
affirment, une fois de plus et en l'accentuant, la signification véritable du
terme qui est si mal rendu par la traduction habituelle "Fils unique" ou
"engendré seul".
Notre rédacteur reprend ensuite la grande question de l'égalité des trois
grands aspects :
"et dans cette Trinité aucune personne n'est avant ni après
les autres, aucune n'est plus grande [138] ni moindre que
les autres, mais toutes sont conjointement égales et
coéternelles."
On a objecté qu'au point de vue philosophique ceci ne pouvait être
exact, puisque ce qui a un commencement dans le temps doit avoir une fin
dans le temps ; que le Fils provenant du Père et le Saint-Esprit du Père et du
Fils, un temps doit venir où ces manifestations plus récentes, si glorieuses
qu'elles soient, doivent cesser d'être ; qu'en fin de compte, et pour mettre
l'objection sous la forme en usage il y a quinze cents ans, "si grand que soit
celui qui seul fut engendré, plus grand encore est celui qui a engendré".
L'idée semble à première vue trouver un appui dans la partie de
l'enseignement théosophique relative à ce qui doit arriver dans un avenir
lointain, lors de la période désignée dans nos premiers livres sous le nom de
mahâpralaya, quand tout ce qui existe sera une fois de plus réimmergé dans
l'infini, quand "le Fils lui-même sera assujetti à Celui qui mit toutes les
choses sous Lui, afin que Dieu pût être tout dans tout". Il est clair qu'en
réalité nous ne savons et ne pouvons savoir rien de cette grande
consommation des âges ; cependant si, nous rappelant un aphorisme
occultiste bien connu (c'est en bas comme en haut), nous nous efforçons
d'élever notre pensée dans cette direction en [139] nous aidant des analogies
de l'histoire du microcosme, qui n'est pas aussi irrévocablement hors de
notre portée, nous découvrons quelques raisons de croire que les paroles si
affirmatives de notre crédo, même prises dans leur sens le plus élevé et le
plus sublime, peuvent encore trouver leur justification comme nous le
verrons bientôt.
Mais il est évident que cette proposition, de même que le reste du
document, doit être regardée comme se rapportant, avant tout, à notre propre
système solaire et aux trois aspects de son Logos qui nous représentent les
trois grands Logoï ; et bien certainement nous pouvons les considérer
comme éternels, en prenant le mot dans le sens de la durée d'un œon car
pour autant que nous sachions, longtemps avant l'apparition de notre
système, depuis des âges innombrables, Ils existaient comme aspects
séparés, et ils existeront aussi durant des âges sans nombre après qu'il aura
disparu.
Et après tout ce serait un penseur bien superficiel que celui auquel il
faudrait prouver que "dans cette Trinité" nul "n'est plus grand ni moindre
que les autres", au moins en ce qui concerne l'œuvre de l'évolution humaine ;
car s'il est vrai que l'esprit de l'homme est le don direct du Père, puisqu'il ne
lui vient que dans [140] cette troisième Émanation qui est de l'essence du
Premier Logos, il n'est pas moins vrai qu'aucun véhicule individuel n'eût pu
être assez évolué pour recevoir cet esprit sans le long processus de la
descente dans la matière de l'essence monadique, qui est l'Émanation de vie
du Deuxième Logos, le Fils ; cette descente elle-même n'eût jamais eu lieu
si la voie n'avait pas été préparée pour elle par la merveilleuse action
vivifiante du Troisième Logos, le Saint-Esprit, sur la matière vierge du
cosmos, action nécessaire pour qu'il fût possible, que "pour nous et notre
salut" le Deuxième Logos "fut incarné par le Saint-Esprit et la Vierge
Marie".
Les trois formes d'action furent donc également nécessaires à
l'évolution de l'humanité, et c'est pourquoi on nous enseigne formellement
que parmi elles "aucune personne n'est avant ou après les autres", ni au point
de vue du temps, ni de l'importance : toutes doivent agir également,
constamment pour que le résultat visé puisse être atteint ; c'est pourquoi
nous leur sommes également attachés, à toutes trois, par les liens de la
gratitude la plus profonde ; il reste donc établi que les trois personnes "sont
conjointement égales et coéternelles" ; elles sont la triade supérieure qui
forme l'individualité du Logos solaire Lui-même. [141]
J'ai dit qu'il me semblait possible d'indiquer quelque raison de croire
que, prise même dans son sens le plus élevé et le plus transcendant, cette
glorieuse Trinité subsisterait tout entière éternellement. C'est qu'en effet il
n'y a pas de doute que ses trois personnes correspondent respectivement aux
trois principes de l'homme que nous avons l'habitude d'appeler Atmâ,
Bouddhi, Manas. Je n'ai pas à examiner ici si ces noms ont été bien choisis,
si en Orient leur signification est bien celle que nous y attachons ; je me
borne à les employer comme ils l'ont toujours été dans notre littérature, pour
indiquer des principes biens connus et bien distincts. Et je veux dire que si
nous ne savons absolument rien par nous-mêmes au sujet du pralaya
universel, nous possédons en revanche une certaine somme, bien légère, de
notions directes sur un processus correspondant, celui du retrait, vers son
centre, du microcosme de l'homme. Nous savons comment, après chaque
incarnation, un retrait partiel s'effectue et comment, bien que chaque
personnalité à son tour semble disparaitre entièrement, l'essence et le produit
de tout ce qui a été acquis dans chacune d'elles n'est pas perdu, mais persiste
à travers les âges sous une forme plus élevée. Cette forme plus élevée,
l'individualité, l'égo réincarnateur, nous semble la seule [142] chose
réellement permanente parmi la fantasmagorie de nos vies fugitives ; et
pourtant, à une certaine phase plus avancée de notre évolution, notre foi en
sa permanence dans l'état où nous l'avons connue recevra un choc aussi rude
qu'inattendu.
Lorsqu'un homme est assez avancé pour élever sa conscience jusqu'à
celle de cet égo, d'une manière complète et bien nette, de façon à s'identifier
entièrement avec lui, et non plus avec les personnalités éphémères dont il ne
considère maintenant la longue suite que comme autant de jours de sa vie
antérieure, il commence à entrevoir, à ressentir d'une manière graduellement
croissante, les possibilités d'un véhicule plus subtil et plus glorieux : le corps
Bouddhique.
Ensuite un moment vient où ce corps, à son tour, est complètement
développé, où l'homme est capable de s'en revêtir en pleine conscience et de
l'employer comme il faisait, auparavant, de son corps causal. Mais quand,
dans la joie d'un tel épanouissement de sa conscience, il abaisse ses regards
sur ce qui fut si longtemps l'expression la plus haute de lui-même, sur le
corps causal, il découvre, avec un étonnement extrême, que celui-ci a
disparu. Ce qu'il croyait être le plus permanent de ses biens s'est évanoui
[143] comme une vapeur légère ; il ne l'a pas laissé derrière lui pour le
reprendre à volonté, comme il était accoutumé de faire pour son corps
mental, son corps astral et son revêtement physique, mais selon toute
apparence, il a cessé d'exister.
Et pendant il n'a rien perdu ; il est toujours lui-même, la même
individualité avec tous les pouvoirs, toutes les facultés et les souvenirs de ce
corps disparu, et combien plus encore Il se rend compte bientôt que, tout en
ayant franchi les limites de cet aspect particulier de lui-même, il ne l'a
cependant pas perdu ; car non seulement toute son essence et sa réalité
restent une partie de lui-même, mais à l'instant où, par la pensée, il descend
à nouveau jusqu'à ce plan, le véhicule réapparait comme son expression sur
ce plan ; ce n'est plus, matériellement le même corps, car les particules qui
composaient le premier ont été dispersées à jamais, mais un corps
absolument identique, à tous égards, qui vient d'être appelé à une existence
objective par le seul fait que l'homme a tourné son attention dans cette
direction.
Dire alors qu'en un tel homme le Manas est perdu serait le comble de
l'erreur ; il existe aussi nettement que jamais, bien que spiritualisé et passé
au plan Bouddhique. Et quand, à un stade plus avancé encore, la conscience
dépassera les [144] limites du plan Bouddhique lui-même, pouvons-nous
douter que tous les pouvoirs ne soient encore en sa possession et même
qu'une infinité d'autres pouvoirs ne soient venus s'y ajouter ?
Peut-être est-ce dans cette direction que nous trouverons la possibilité
de mettre d'accord ces idées si contradictoires en apparence, que tout ce qui
existe doit un jour cesser d'être et que, cependant, les personnes de la Trinité
sont toutes trois "conjointement égales et coéternelles, de sorte qu'en toutes
choses, ainsi qu'il a déjà été dit, on doit vénérer et l'Unité dans la Trinité et
la Trinité dans l'Unité."
Cette première moitié du crédo d'Athanase finit donc, comme il a
commencé, par une affirmation dont la clarté et la netteté ne laissent rien à
désirer : "voilà donc ce que doit croire (de la Trinité) quiconque doit être
sauvé".
CHAPITRE II
—
DEUXIÈME MOITIÉ DU CRÉDO
Identité et indivisibilité du principe Christ. – La rédemption. – Le feu
éternel.
Nous trouvons ensuite, tout comme dans les autres crédos, un plus
grand détail de la doctrine de la descente du Second Logos dans la matière,
et la déclaration que la connaissance de cette doctrine est également
indispensable pour le progrès æonien : "il est encore nécessaire pour le salut
éternel de croire fidèlement à l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ."
Notre rédacteur précise ensuite avec soin et méthode sa manière de voir
en cet important sujet :
"car c'est la vraie foi de croire et de confesser que NotreSeigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est pareillement Dieu
et homme ; il est Dieu, de la substance du Père, engendré
avant les siècles, et homme, de la substance de sa mère, né
dans le siècle." [146]
Identité et indivisibilité du principe Christ
Cette partie de notre sujet a été étudiée si complètement déjà dans ce
volume à propos du symbole de Nicée, qu'il n'est guère nécessaire d'y
insister ici ; nous nous trouvons simplement en présence d'une rédaction
plus complète et plus explicite de l'affirmation de l'aspect duel du Christ ;
monogène, le premier de tous les œons ou émanations du Père, Il est
absolument de la substance du Père et Lui est identique à tous égards, tandis
que sous Sa forme postérieure, d'une manière aussi véritable et aussi réelle,
Il a pris le revêtement de notre matière inférieure et a été ainsi "incarné du
Saint-Esprit et de la Vierge Marie", comme nous l'avons expliqué
antérieurement. Et il est expressément dit qu'Il n'a pas existé sous cette
dernière forme avant que les "siècles" n'aient commencé, mais qu'Il est "né
dans le siècle", c'est-à-dire que Sa descente en incarnation a eu lieu à une
époque définie et relativement récente du présent âge manvantara solaire. Il
va de soi que le mot latin seculum qu'on a traduit littéralement par le mot
siècle, signifie âge, époque.
Comme nous l'apprennent les récits que l'on désigne par pure courtoisie
sous le nom d' "histoire" de l'Église chrétienne, cette idée de dualité était
pour la foi de certains esprits une pierre d'achoppement : il leur semblait
impossible [147] que des conditions si différentes pussent être l'une et l'autre
les manifestations d'une seule et même puissance. C'est pourquoi notre
crédo souligne avec tant d'insistance l'identité et l'indivisibilité du Christos :
on nous dit qu'il est "Dieu parfait, homme parfait, composé d'une âme
rationnelle et d'une chair humaine (c'est-à-dire formé du Manas aussi bien
que des principes inférieurs), égal au Père quant à Sa Divinité" et cependant
"inférieur au Père quant à Son humanité" ; Il est égal au Père en tout ; avec
cette seule exception qu'Il est descendu d'un degré de plus et que, s'étant
ainsi manifesté, Il a temporairement limité la pleine expression de ce qu'il
est cependant toujours en essence.
Toutefois nous ne devons jamais, dans toutes nos réflexions sur cette
dualité, perdre de vue, pendant un seul moment, l'unité fondamentale de la
personne, car "bien qu'il soit Dieu et homme, Il n'est point deux, mais un
seul Christ ; un seul, non par le changement de sa Divinité en chair, mais
par l'assomption de son humanité en Dieu." Si profondément enveloppé
dans la matière que soit le principe Christ, il reste tel, tout comme le Manas
inférieur est, au fond, un avec le Manas supérieur et n'est qu'un aspect de
celui-ci, quelque différent qu'il puisse paraitre [148] parfois, vu d'en bas. Et
l'écrivain nous explique plus loin que la proposition doit être considérée
comme définitivement et absolument prouvée, moins en raison de l'identité
d'origine, dans la Divinité descendue au niveau de l'humanité, que par le fait,
plus glorieux encore, que, dans l'avenir, elles seront consciemment une ;
alors que toute l'essence véritable du degré inférieur et que toutes les qualités
qui, de latentes, seront devenues actives par évolution seront rapportées
triomphalement au niveau supérieur et qu'ainsi sera accomplie la plus
grandiose des conceptions que jamais doctrine nous donna, la véritable et
complète rédemption 25, l'assomption de l'humanité en Dieu.
Les deux aspects sont donc fondamentalement, essentiellement,
absolument un, non par "confusion de substances (c'est-à-dire en se mêlant,
en se fondant l'un dans l'autre), mais par l'unité de la personne". Cette unité
a été de tout temps un fait de la nature, que nous n'ayons pas su, voir, tout
25
Atonement signifie dans la langue anglaise : expiation, rédemption ; le même mot, tel qu'il est écrit
par notre auteur (at-one-ment) signifie : unification (avec Dieu) ; c'est le yoga, la rédemption au sens
ésotérique et théosophique Il y a là un double sens qu'il est impossible de rendre en français par un
seul mot. – NDC
comme, je le répète encore une fois, le [149] Manas inférieur et supérieur
sont un, comme le corps physique est aussi un avec l'âme qui est en lui, car
il en est, après tout, une expression, un aspect, si défectueux qu'il soit :
"comme l'âme rationnelle et la chair ne constituent qu'un seul homme", de
même "le Dieu et l'homme ne constituent qu'un seul Christ".
La rédemption
Qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, est ressuscité
des morts le troisième jour, est monté au Ciel, est assis à la droite de Son
Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts. – Ces articles ne
demandent aucune explication spéciale ici, puisqu'ils sont simplement une
reproduction de ceux que nous avons déjà commentés en détail dans notre
étude des crédos antérieurs ; nous nous bornerons à observer, en passant,
qu'il n'y est fait aucune mention des mythes de Ponce-Pilate et du
crucifiement.
En somme, le plus long et peut-être le plus récent des crédos est
remarquablement exempt de l'influence corruptrice de la tendance que nous
avons appelée (c) ; le seul exemple réellement néfaste que nous en trouvions
se présente dans les articles suivants qui sont évidemment une allusion
maladroite à l'époque critique de la cinquième ronde :
À la venue Duquel tous les hommes doivent ressusciter avec leurs corps
et rendront compte [150] de leurs propres œuvres ; ceux qui auront fait le
bien iront à la vie éternelle et ceux qui auront fait le mal au feu éternel. –
Le rédacteur suppose avec raison que le jugement de la cinquième ronde
aura lieu en un temps où les hommes ressusciteront avec leur corps, c'est-àdire où ils se réincarneront ; mais il est dans l'erreur quand il l'associe avec
le mythe messianique du grand instructeur Christ. Il a raison, aussi, en
affirmant que la vie pour tout le reste de l'œon attend ceux qui ont traversé
les épreuves avec succès, mais il se trompe en condamnant au creuset du feu
æonien ceux qui ont failli : ce sort n'est réservé qu'aux personnalités qui ont
été définitivement séparées de leurs égos.
Le feu éternel
Ces entités malheureuses (si on peut encore les appeler entités) passent
dans la huitième sphère, et là sont dissoutes en leurs éléments constituants
qui deviennent ainsi disponibles pour des égos plus dignes dans un
manvantara futur. Il n'est peut-être pas inexact de décrire cette dissolution
comme la chute dans un feu æonien ; mais, si la science de notre écrivain
avait été plus précise, il aurait compris que ceci ne peut arriver qu'à des
personnalités perdues, jamais à des individualités ; qu'il ne s'agit, pour celles
qui sont simplement rejetées en dehors de la cinquième ronde, que d'un délai
œonien et [151] non du feu œonien, car elles doivent demeurer en un état
subjectif, mais nullement douloureux, jusqu'à ce que la nature leur offre une
autre occasion qui soit en rapport avec leurs facultés.
Notre crédo se termine par la répétition de la déclaration par laquelle il
commence : "C'est là la foi catholique sans la fidèle profession de laquelle
nul ne peut être sauvé." Dans l'édition de Trèves du Quicumque, ce verset
se présente sous une forme très modifiée, mais comme je l'ai dit plus haut,
du moment que nous avons reconnu nettement sa signification réelle, nous
n'avons aucune raison de nous refuser à la déclaration la plus positive de ce
qui nous apparait comme une vérité importante de la nature.
Nous prenons congé de ces antiques et vénérées formules de l'Église
chrétienne, avec l'espoir que l'exposé qu'il nous a été possible d'en faire, si
fragmentaire qu'il soit, ait au moins ce résultat que, s'il arrive à un de nos
lecteurs de réciter ces crédos ou de les entendre, il puisse, en les comprenant
d'une façon plus complète, s'y intéresser davantage et en tirer plus de profit
qu'auparavant.
FIN DU LIVRE

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