Le Crédo Chrétien — son Origine et sa Signification
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Le Crédo Chrétien — son Origine et sa Signification
LE CRÉDO CHRÉTIEN — SON ORIGINE ET SA SIGNIFICATION Par Charles Webster LEADBEATER (1854-1934) — 1904 Traduit de l'anglais Original : Publications Théosophiques — 1917 — Droits : domaine public — Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2014 Remerciements à tous ceux qui ont contribué aux différentes étapes de ce travail NOTE DE L'ÉDITEUR NUMÉRIQUE L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés : - Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé, supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur. - Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes renvoyant au chapitre concerné, est thématique sommaire rappelé en tête de chapitre. - Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car renvoyant à des informations désuètes ou inutiles. - L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française. LIVRE INTRODUCTION Les étudiants en théosophie, qui ont été, ou qui sont encore des chrétiens sincères, sont nombreux et si leur foi s'est graduellement élargie au point de franchir les bornes de l'orthodoxie, ils ont conservé une affection profonde pour les formes et les cérémonies de la religion dans laquelle ils sont nés. Pour eux, entendre réciter les anciennes formules, dans lesquelles ils cherchent une signification plus élevée et plus large que l'interprétation orthodoxe ordinaire, est un véritable plaisir. J'ai pensé qu'il serait intéressant, pour ces étudiants, de posséder un résumé succinct leur donnant la véritable signification et l'origine de ces formules fondamentales de l'Église, qu'on appelle le crédo. De cette façon, leur audition ou [2] leur récitation évoqueront en eux les idées nobles et grandioses qui se rattachent à leur origine, au lieu de la matérialité trompeuse des fausses appréciations modernes. J'ai parlé des idées qui se rattachent à leur origine, j'aurais dû dire plutôt, qui se rattachent à l'ancienne formule qui a servi de base à la partie la plus importante du crédo. Car je n'ai pas eu un seul instant l'intention de dire que, depuis des siècles, un grand nombre des membres, et même des chefs de l'Église, qui récitent aujourd'hui ces crédos, en ont connu le sens véritable ; je doute même que les conciles ecclésiastiques, qui les ont édictés et autorisés, aient jamais compris entièrement la signification splendide des phrases sonores qu'ils employaient ; car leur sens véritable avait en grande partie été perdu et beaucoup d'altérations à tendance matérialisatrice y avaient été introduites, longtemps avant la convocation de ces néfastes assemblées. Mais une chose parait bien certaine : si la foi chrétienne fut amoindrie, dégradée, matérialisée et corrompue, au point qu'il est difficile de la reconnaitre dans ses Écritures, une tentative fut faite par des pouvoirs supérieurs pour guider ceux qui compilèrent ces grands symboles appelés les crédos ; aussi quelle qu'ait été leur science ou leur ignorance, leur langage transmet encore [3] clairement, à ceux qui ont des oreilles pour entendre, les grandes vérités de la sagesse antique ; ce qui dans ces formules semble faux et incompréhensible, quand on s'efforce de les lire d'après les interprétations modernes si remplies d'erreurs, devient à la fois lumineux et significatif, quand on en considère le sens intérieur ; et alors un fragment d'une incroyable biographie apparait dans toute la grandeur d'une déclaration de la vérité éternelle. L'élucidation de ce sens intérieur des crédos, tel sera donc mon but. Dans cette étude il me sera quelquefois nécessaire de toucher à leur histoire réelle, mais est-il besoin de dire que je ne tente aucunement de traiter le sujet suivant la méthode de l'érudition ordinaire ? Les renseignements que j'ai à donner sur les crédos, ne sont obtenus ni par la comparaison d'anciens manuscrits, ni par l'étude de volumineux ouvrages de théologie ; ils sont simplement le résultat d'investigations faites dans les clichés akasiques par quelques étudiants en occultisme. Leur attention fut accidentellement attirée vers cette question au cours des recherches faites dans une tout autre direction ; ils s'aperçurent que le sujet était d'un intérêt assez puissant pour mériter un examen plus complet. Comme j'écris principalement pour les étudiants [4] en théosophie, je puis me permettre, en toute liberté et sans explication détaillée, l'emploi des termes théosophiques ordinaires qui, je puis le présumer, leur sont devenus familiers ; sans quoi mon petit livre dépasserait de beaucoup les limites permises. Cependant, s'il lui arrivait de tomber entre les mains de ceux pour qui l'usage éventuel de ces termes constituerait une difficulté, je les prierais de m'excuser et de se reporter pour les explications préliminaires, à un ouvrage théosophique élémentaire, tel que Sagesse antique ou l'Homme et ses corps, de Mme Besant. PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE PREMIER — HISTOIRE DES CRÉDOS Formule primitive du Crédo. – Le Crédo des Apôtres. – Le Crédo de Nicée. – Le Crédo d'Athanase. Avant de décrire l'origine véritable des crédos de l'Église, il est bon de résumer les idées acceptées par les écrivains orthodoxes, au sujet de leur date et de leur histoire. L'Église chrétienne a trois de ces formules de foi appelées respectivement le crédo des Apôtres, le crédo de Nicée et le crédo d'Athanase. Suivant une opinion qui fut dominante à un moment donné dans l'Église, le deuxième et le troisième de ces crédos auraient été tout simplement [6] des amplifications du premier ; mais il est maintenant universellement reconnu qu'au point de vue historique le crédo de Nicée est le plus ancien des trois. Considérons-les successivement et exposons très brièvement ce que l'on sait de chacun d'eux. Formule primitive du crédo Formule primitive du crédo. – À une époque très reculée, il semble qu'on employait une sorte de crédo court et simple, non seulement comme un symbole de la foi, mais aussi, pour nous servir d'une expression militaire, comme mot de passe. Toutefois, les termes de cette formule ont varié considérablement suivant les pays, et ce ne fut qu'après des siècles qu'on en vint à une sorte d'uniformité. Un exemple de cette forme primitive est le crédo que donne Irénée dans son ouvrage Contre les Hérésies : "Je crois en un seul Dieu tout puissant de qui sont toutes les choses… et au Fils de Dieu, par qui sont toutes choses." Le Crédo des Apôtres Le Crédo des Apôtres. – Il est fait mention pour la première fois d'un crédo portant le nom de crédo des Apôtres, au IVe siècle, dans les écrits de Rufinus, qui déclare que ce nom a été choisi, parce que ce crédo contient douze articles composés chacun par un des douze apôtres assemblés, dans ce but, en un conclave solennel. Mais Rufinus n'est pas considéré comme [7] une autorité historique sérieuse ; dans l'encyclopédie romaine de Wetzer et Welte, son récit est même considéré comme une simple légende pieuse. On ne retrouve le crédo des apôtres, sous une forme qui rappelle quelque peu la forme actuelle, que quatre siècles après la composition du symbole de Nicée, et les écrivains les plus autorisés en cette matière considèrent ce document comme un simple conglomérat formé lentement par la réunion graduelle de symboles de foi plus anciens et plus courts. Les investigations occultes réduisent cette idée à néant, comme nous l'expliquerons plus tard et, tout en reconnaissant son caractère complexe, assignent, au moins à une de ses parties, une origine beaucoup plus haute que celle dont parle Rufinus. Le Crédo de Nicée Le Crédo de Nicée. – L'histoire de cette formule plus longue, appelée le crédo de Nicée, que l'on trouve dans la messe de l'Église romaine et dans le Service de la Communion de l'Église anglicane est, au point de vue ordinaire, beaucoup plus nette et plus satisfaisante. Tous les écrivains s'accordent à dire qu'à l'exception de deux omissions importantes, il fut rédigé au concile de Nicée en 325. Comme la plupart de nos lecteurs le savent, ce concile fut convoqué afin de mettre un terme aux controverses qui s'élevaient alors parmi les autorités [8] ecclésiastiques quant à la vraie nature du Christ. Le parti d'Athanase, ou parti matérialiste, déclarait que le Christ était de la même substance que le Père, tandis que les partisans d'Arius préféraient ne pas s'engager au-delà de la déclaration était de substance semblable ; ils ne voulaient pas admettre non plus que le Fils fût comme le Père sans commencement. Le point en litige semble bien peu important pour avoir provoqué tant d'irritation, et éveillé tant de mauvais sentiments ; mais il semble que, dans toute controverse théologique, plus la divergence d'opinion est petite, plus la haine est ardente entre les adversaires. On a suggéré que Constantin lui-même exerça une influence indue sur les délibérations du concile ; quoi qu'il en soit, la décision fut favorable au parti d'Athanase et le crédo de Nicée fut accepté comme l'expression de la foi de la majorité. Tel qu'il fut rédigé alors, il se terminait (si nous en omettons le terrible anathème qui montre très clairement quel était l'esprit véritable du concile) par les mots : "Je crois au Saint-Esprit" ; les articles qui en forment la conclusion aujourd'hui ont été ajoutés par le concile de Constantinople en l'an 381, à l'exception des mots "et du Fils" qui furent insérés par l'Église occidentale, au concile de Tolède en l'année 589. [9] Ce fut cette doctrine de la procession du Saint-Esprit qui, d'après les apparences, provoqua le plus grand des schismes qui jamais déchira l'Église chrétienne, la séparation des Églises orientale et occidentale, ou suivant l'expression habituelle, des Églises grecque et romaine. Il est cependant probable que cette question ne fut qu'un simple prétexte, car la centralisation progressive de l'Église occidentale sous l'autorité de Rome était devenue extrêmement désagréable aux patriarches orientaux, et depuis quelque temps leurs relations avec Rome étaient tendues ; il semble que la cause ultime de la scission fut le transfert, par les Bulgares, des patriarches aux papes, de leur serment de fidélité. Cependant le rôle qu'elle joua, ne fût-ce que comme prétexte, dans un évènement aussi important de l'histoire de l'Église a revêtu cette clause du Filioque d'un intérêt peut-être hors de proportion avec son importance intrinsèque. Le Crédo d'Athanase Le Crédo d'Athanase. – Il est reconnu que le crédo d'Athanase est de production beaucoup plus récente que les autres. Chacun sait aussi qu'il n'a aucun rapport avec Athanase ; il n'en porte le nom que parce que ses compilateurs tenaient à ce qu'il fût considéré comme l'expression des doctrines qu'Athanase défendit si énergiquement plusieurs siècles auparavant. Une [10] partie, au moins, de ce crédo a été attribuée à Hilaire, évêque d'Arles, et une autre partie se trouve dans la profession de foi de Dénebert, bien qu'il soit à remarquer que, dans ces divers fragments primitifs, les articles traitant de la damnation brillent par leur absence. Mais comme crédo, il était certainement inconnu à la fin du VIIIe siècle, car au concile de Frioul, tenu en 796, on déplora le fait de ne pas avoir une amplification semblable de la confession de foi primitive, et ce fut très probablement par suite de la discussion qui eut lieu à ce sujet que le crédo d'Athanase fut rédigé dans sa forme actuelle. Ce crédo se divise d'une manière évidente en deux parties : la première traitant de la doctrine de la Trinité, la seconde de celle de l'Incarnation ; ces deux parties existaient séparément depuis quelques années et l'on pourrait donner des preuves à l'appui de ce fait, mais il semble qu'on n'en fit pas usage publiquement sous la forme combinée et amplifiée avant l'an 800. Néanmoins et en dépit de l'avis des érudits, des investigations faites par des clairvoyants démontrent qu'en fait les deux parties furent écrites par la même main à une époque considérablement antérieure à cette date, au monastère de l'ile de Lérins ; mais il est tout à fait exact que l'écrit ne fut pas rendu public. CHAPITRE II — RENSEIGNEMENTS OBTENUS PAR CLAIRVOYANCE Sources des Crédos. – La véritable histoire du Christ. – Les Paraklêtêria. – Les Logia. Ayant ainsi brièvement résumé l'histoire des crédos, telle qu'elle est acceptée par les savants orthodoxes, j'exposerai maintenant le résultat des découvertes faites à leur sujet au cours des investigations dont j'ai déjà parlé. Ce dont il faut se bien pénétrer avant tout, c'est que les crédos, tels que nous les possédons aujourd'hui, sont essentiellement des compilations, et que le seul qui représente jusqu'à un certain point un document original unique est le dernier de tous : le crédo d'Athanase. Je sais parfaitement que cette affirmation, par laquelle débute mon exposé, est absolument contraire aux idées généralement adoptées sur ce sujet, mais je [12] n'y puis rien, et j'expose simplement les faits tels qu'ils se sont présentés aux investigateurs. Sources des Crédos Sources des Crédos – Ces crédos renferment des doctrines provenant de trois sources distinctes et il est très intéressant de chercher à séparer ces trois éléments les uns des autres et d'assigner respectivement à chacun d'eux les articles qui en découlent, dans les formes que nous possédons actuellement. Ces trois sources sont : a. Une ancienne formule de cosmogénèse, s'inspirant d'une très haute autorité. b. La rubrique qui servait de guide à l'hiérophante dans la forme égyptienne de l'initiation Sohan ou Sotâpatti. c. L'opinion matérialisatrice, absolument erronée, qui a cherché à interpréter les documents (a) et (b), comme s'ils se rapportaient à la biographie d'un individu ! Considérons chacune de ces sources un peu plus en détail. Je n'ai pas l'intention de développer longuement ici les renseignements extrêmement intéressants que nous avons obtenus par la clairvoyance sur la véritable histoire de la vie du Christ. Ce travail sera fait plus tard, mais pas avant qu'il ne nous soit possible de fournir à l'appui de nos affirmations des preuves entièrement [13] indépendantes de la clairvoyance, des preuves qui s'adresseront à l'intelligence de l'érudit et de l'archéologue. Toutefois, il est nécessaire, pour faire comprendre le but de la formule ancienne citée plus haut, que nous introduisions dans ce traité quelques mots à ce sujet. Quelques mots sur la véritable histoire de la vie du Christ Quelques mots sur la véritable histoire de la vie du Christ. – Il est un fait certain, c'est que le Christ (à une date bien antérieure à celle qui lui est généralement assignée) fut un Instructeur au sein de la communauté des Esséniens ; Il vécut parmi eux et les instruisit pendant quelque temps avant de commencer son ministère public. Les chefs de cette communauté possédaient déjà des fragments de renseignements plus ou moins exacts (peut-être de source bouddhiste) concernant l'origine de toutes choses. Le Christ les réunit, en fit un tout cohérent et, afin qu'on pût les retenir facilement, leur donna la forme d'une profession de foi qui peut être considérée comme la source première du crédo chrétien. Source (a). – L'original de cette formule sera peut-être un jour traduit en anglais ; mais une telle entreprise exigerait la collaboration de plusieurs personnes et le soin le plus minutieux quant à l'exactitude du sens et au choix des termes. C'est pourquoi nous n'en ferons pas la tentative dans cet ouvrage ; nous nous bornerons [14] à indiquer quels sont les articles de nos crédos qui étaient représentés dans la formule originale et nous nous efforcerons d'en rendre le sens plus intelligible. Ce symbole fut donc composé dans le but de résumer en une forme facile à retenir les enseignements sur l'origine du Cosmos que le Christ avait donnés aux chefs de la communauté essénienne. Chaque expression devait rappeler à l'esprit beaucoup plus que ce que les mots seuls pouvaient exprimer ; par le fait, c'était une formule mnémonique, semblable à celle dont se servit Bouddha quand il donna à ses disciples les Quatre Nobles Vérités ; et, sans aucun doute, chaque article servait de texte à expliquer et à développer, à peu près comme les stances de Dzyan forment la base sur laquelle Mme H.-P. Blavatsky a édifié toute la Doctrine Secrète. Sources (b). – Il faut nous rappeler, en considérant la seconde source, que la religion égyptienne se manifestait principalement par une multitude de formes et de cérémonies et que même dans ses mystères ces tendances se montraient fréquemment. Le degré le plus élevé de ces mystères amenait définitivement l'homme sur le sentier, suivant l'expression employée aujourd'hui ; il correspondait à ce qui est appelé dans la terminologie bouddhiste l'initiation Sotâpatti. [15] Quand ce degré était conféré, un rituel symbolique compliqué était accompli et une partie de notre crédo est la reproduction directe des instructions prescrites par ce rituel pour l'hiérophante officiant, la seule différence étant que ce qui était une série d'indications fût refondu en la forme d'une narration historique décrivant la descente du Logos dans la matière, que le rituel original était destiné à symboliser. Cette rubrique d'initiation, sous cette nouvelle forme, fut insérée dans la formule (a) par les chefs de la communauté essénienne très peu de temps après que le Christ les eût quittés, afin que les détails concernant la descente du Second Logos (que le Christ avait si souvent expliquée au moyen du rituel de cette initiation) eussent leur commémoration dans le même symbole qui résumait la doctrine dans ses grandes lignes. Il donna au sujet du Premier et du Troisième Logos un enseignement semblable par le caractère et illustré de la même façon au moyen d'un symbole, bien que peu de chose comparativement en ait été conservé ; mais il ne parait pas douteux que le Christ attachait surtout une importance spéciale à ce que ses disciples saisissent d'une manière exacte la descente de l'essence monadique déversée par le Deuxième Logos. Nous en comprenons facilement la raison : [16] l'essence monadique anime toutes les formes qui nous entourent, et c'est par son étude seulement que nous pouvons saisir le grand principe de l'évolution et comprendre la loi d'amour qui régit l'univers. Car, s'il est certain que la vie qui anime les atomes et les molécules poursuit aussi son évolution, son progrès est entièrement au-delà de notre connaissance ; et, de même, la grande majorité des hommes ne sait rien de l'évolution bien plus élevée qui, nous devons le supposer, s'accomplit sous l'influence de la troisième Grande Émanation du Premier Logos. Il est donc évident que nous ne pouvons approcher de la compréhension du système entier qu'en étudiant le mode d'action de la deuxième Émanation et ceci expliquerait pourquoi le Christ semble avoir appuyé sur cette partie de Son enseignement. Il n'est pas étonnant que ceux qui se croyaient responsables de la transmission de cet enseignement et qui savaient combien il était nécessaire d'y insister, en aient incorporé l'esquisse symbolique dans la formule spéciale destinée à être le résumé de leur foi. Sans doute, en agissant ainsi, ils étaient animés des motifs les plus purs et les plus élevés et ils ne pouvaient prévoir que cette insertion même ouvrirait la porte à l'action dégradante et destructive de la [17] tendance (c) qui, à leur époque, ne s'était encore manifestée par aucun signe. On pourrait nous demander pourquoi le Christ a choisi le symbolisme quelque peu compliqué et matériel du rite égyptien comme exemple de cette partie de son enseignement. Nous ne saurions avoir la prétention de critiquer les méthodes adoptées par Celui qui sait ; mais peut-être pourrions-nous suggérer comme raison plausible les rapports très étroits des Esséniens avec la tradition égyptienne et le fait que Jésus lui-même, dans la première partie de sa vie, passa un temps considérable en Égypte et reçut au moins une initiation conforme à ses méthodes. Source (c). – Dès les premiers temps de l'histoire du mouvement qui plus tard fut connu sous le nom de christianisme, nous voyons s'affirmer deux écoles ou deux tendances rivales, qui sont en réalité le produit de deux phases différentes de l'œuvre du Christ. Comme nous l'avons dit, la plus grande partie de Son temps fut consacrée à donner un enseignement défini au sein de la communauté essénienne ; mais de plus, et en dépit de l'opposition faite par les chefs officiels de cette communauté, Il en franchit les limites relativement étroites et consacra une courte période de la fin de Sa vie à la prédication publique. [18] Il lui était évidemment impossible d'exposer à la multitude ignorante ces enseignements profonds de la Sagesse Antique qu'Il avait communiqués aux quelques élus qui, par leur éducation spéciale et une longue vie d'entrainement ascétique, s'étaient rendus aptes, dans une certaine mesure au moins, à les recevoir. Ses discours publics peuvent être divisés en deux classes : la première représentée par les λόγια, série de courts préceptes exprimant chacun une vérité importante ou une règle de conduite, et la deuxième, composée des παραχλητήρια ou "paroles de consolation", discours éloquents inspirés par la compassion profonde qu'il ressentait pour la misère presque universelle qui frappait à cette époque les classes inférieures plongées dans une atmosphère accablante de désespoir, de dépression et de dégradation. Les Logia Les Logia – Quelques fragments traditionnels des logia ont été incorporés çà et là dans ce que nous appelons aujourd'hui les Évangiles ; MM. Grenfell et Hunt ont découvert récemment en Égypte une feuille, selon toute apparence, authentique d'une collection de ces logis. Le Christ semble ne rien avoir écrit Lui-même ; dans tous les cas, nous ne possédons aujourd'hui rien de ce qu'Il pourrait avoir écrit ; mais pendant les deux premiers siècles qui suivirent Sa mort [19] (évènement qui eut lieu, ne l'oublions pas, à une époque considérablement antérieure à ce que nous appelons aujourd'hui l'ère chrétienne), il semble qu'un grand nombre de Ses disciples rassemblèrent et écrivirent des collections des paroles que lui attribuait la tradition orale courante. Dans ces collections, toutefois, aucune tentative n'a été faite pour donner une biographie du Christ ; parfois quelques mots d'introduction décrivent l'occasion où certaines paroles furent prononcées, comme dans les livres bouddhistes il arrive fréquemment pour un sermon de Bouddha : "En une certaine occasion le Bienheureux se trouvait dans le jardin des bambous à Râja-griha, etc." Les Paraklêtêria Les Paraklêtêria – Quoique certaines parties des logia aient été défigurées et qu'il soit certain que le Christ n'a pas prononcé toutes les paroles qui lui sont attribuées, "les paroles de consolation" ou paraklêtêria ont été encore beaucoup plus sérieusement altérées et avec des conséquences encore plus désastreuses. Le but de ces sermons était d'éveiller dans le cœur des désespérés un nouvel espoir en leur expliquant que, s'ils observaient l'enseignement donné, leur situation serait certainement meilleure dans l'avenir qu'elle ne l'était dans le présent ; s'ils étaient maintenant pauvres et souffrants, [20] ils pouvaient vivre de façon à s'assurer après la mort une existence et, à leur prochain retour sur terre, une vie bien plus enviables que le sort de ceux qui les opprimaient aujourd'hui si cruellement. Il est assez naturel que, parmi les plus ignorants, Ses auditeurs n'aient compris qu'imparfaitement la portée de Ses discours et s'en soient allés avec l'impression générale que le Christ prophétisait vaguement un avenir dans lequel ce qu'ils considéraient comme une injustice serait redressé conformément à leurs souhaits, qu'une dure punition frapperait l'homme riche surtout pour le crime d'être riche, tandis qu'eux-mêmes seraient comblés de puissance et de splendeur, tout simplement parce qu'ils avaient été pauvres. On conçoit aisément qu'une telle doctrine devait gagner facilement l'adhésion des éléments les moins estimables de la société, et c'est bien parmi cette classe du monde antique qu'elle semble s'être propagée avec une merveilleuse rapidité. Il n'est pas étonnant non plus que ces hommes aient complètement éliminé de leur doctrine la nécessité de mener une vie droite et se soient groupés, ligués (le plus souvent dans des orgies d'un caractère tout à fait répréhensible) dans la seule croyance commune en un "meilleur [21] temps à venir" où ils se vengeraient de tous leurs ennemis personnels, et sans aucun effort de leur part, entreraient en possession du luxe et des richesses accumulés par le labeur des autres. À mesure que cette tendance se développa, elle affecta un caractère de plus en plus politique et révolutionnaire, à tel point qu'on eût pu dire des chefs de cette faction ce qui, jadis, avait été dit de David : "tous ceux qui étaient en détresse, tous ceux qui étaient endettés se joignaient à eux." Il n'est donc pas surprenant que ceux qui se groupèrent autour de ces hommes, animés d'une haine jalouse pour tout ce qui leur était supérieur, en vinrent à croire que l'ignorance était une condition à peu près nécessaire au salut, et à considérer avec le mépris d'esprits bornés la Gnose que possédaient ceux qui gardaient encore quelque tradition de l'enseignement véritable du Christ. Il ne faut pas supposer pourtant que cette majorité turbulente et cupide ait formé la totalité du mouvement chrétien primitif. Indépendamment des différentes écoles de philosophie gnostique qui, par une tradition plus ou moins exacte, mais provenant de sources authentiques, avaient hérité de l'enseignement secret donné par le Christ aux Esséniens, il existait une catégorie [22] de personnes comparativement paisibles et respectables, dont le nombre allait sans cesse s'augmentant et qui, bien qu'ignorant complètement la Gnose, prenaient pour règle de conduite ce qu'elles connaissaient des logia du Christ ; ce groupe devint finalement l'élément prédominant de ce qu'on appela plus tard le parti orthodoxe. CHAPITRE III — DÉVELOPPEMENT DU MOUVEMENT CHRÉTIEN Nous reconnaissons donc clairement, dans le développement du mouvement chrétien, trois grands courants de tendances différentes, résultant tous trois de l'enseignement du Christ : premièrement le vaste amas de sectes gnostiques, qui, d'une manière générale, représentait jusqu'à un certain point l'enseignement secret donné aux Esséniens, mêlé toutefois à des idées provenant de diverses sources extérieures, telles que le zoroastrianisme, le sabéisme, etc. ; en second lieu, le parti modéré, qui au début s'inquiéta peu de la doctrine, mais adopta pour règle de conduite les préceptes attribués au Christ ; troisièmement, la horde ignorante surnommée les "pauvres gens", dont la seule religion réelle était un vague espoir de révolution. Le christianisme se développant graduellement, [24] ses partisans devinrent assez nombreux pour acquérir l'importance d'un facteur politique et exercer une certaine influence sociale. Peu à peu, les représentants de la deuxième et de la troisième tendance se groupèrent en un parti qui s'appela orthodoxe, et, comme ils se méfiaient de l'enseignement supérieur des gnostiques, ils se virent obligés d'édifier une espèce de système doctrinal qui le remplaçât. À cette époque, l'ancienne communauté essénienne s'était dissoute et la formule (qui n'avait jamais été écrite, mais transmise oralement) était devenue, sous des formes variées plus ou moins imparfaites, à peu près publique et la propriété de toutes les sectes ; et tout naturellement le parti orthodoxe se vit obligé d'en donner une interprétation qu'il put opposer à l'interprétation vraie présentée par les gnostiques. C'est alors qu'on vit poindre sur leur horizon mental l'un des malentendus les plus colossaux qu'ait jamais inventés l'imbécilité humaine. Il vint à l'esprit de quelqu'un – et probablement cette idée était depuis longtemps celle des "pauvres gens" si profondément ignorants – que le beau récit allégorique de la descente du Second Logos dans la matière, contenu dans le rituel symbolique de l'initiation égyptienne, n'était pas du tout une allégorie, mais bien le récit de la vie [25] d'un être humain qu'ils identifièrent avec Jésus de Nazareth. Aucune idée n'aurait pu dégrader davantage la grandeur de la foi, ni induire plus profondément dans l'erreur les malheureux qui l'acceptèrent ; cependant, on comprend qu'elle fut la bienvenue auprès des ignorants, car elle était bien plus à la portée de leur intelligence limitée que la magnifique envolée de l'interprétation véritable. Les légères additions nécessaires pour greffer cette théorie indigne sur le crédo en voie de développement furent facilement faites et, au bout de peu de temps, des versions fragmentaires en furent mises par écrit. Il s'ensuit que l'opinion, communément acceptée, d'après laquelle le crédo est une compilation faite peu à peu, est vraie en partie ; seulement, cette compilation ne fut pas faite comme on le suppose généralement, et la tradition qui en attribue l'origine aux apôtres ne mérite aucun crédit. La véritable genèse de la majeure partie du crédo est, comme nous l'avons vu, d'un caractère bien plus élevé ; les fragments les plus anciens sont des restes imparfaits d'une tradition orale, et la compilation de ces documents, faite à un certain moment, donna pour résultat une très bonne reproduction de l'original ; celle-ci fut [26] adoptée formellement par le concile de Nicée, mais ce concile, en le terminant par un anathème tout à fait contraire à l'esprit du crédo, fit preuve de son incapacité absolue à en comprendre la signification. Afin d'avoir sous les yeux la forme exacte du crédo qui fut rédigé par ce turbulent concile, j'intercale ici la traduction très soignée que M. Mead en a donnée dans le Lucifer, vol. IX, p. 204. "Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur de toutes choses, tant visibles qu'invisibles et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, monogène 1 engendré du Père, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de 2 Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait, coessentiel au Père, par qui toutes choses ont été faites : celles qui sont au ciel et celles qui sont sur la terre ; qui pour nous, hommes, et pour notre salut est descendu, fut fait chair et fut fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième [27] jour, est monté aux cieux et reviendra pour juger les vivants et les morts ; et au Saint-Esprit. Quant à ceux qui disent "qu'il fut un 1 Sur le conseil de M. Mead, nous avons introduit dans la traduction française, pour rendre le mot grec μονογενήσ, le latin unigenitus, l'anglais only-begotten, le terme monogène, dont l'explication est donnée plus loin, page 54. Note du Comité. 2 Ce de et les suivants ont le sens de "provenant de", nettement indiqué par la préposition έχ de l'original grec. temps où il 3 n'était pas" et "qu'il n'était pas avant d'être engendré" et "qu'il est venu à l'existence de ce qui n'était pas" et qui déclarent que le Fils de Dieu est d'une autre substance ou essence, ou qu'il a été créé, ou est sujet à changement ou variation, l'Église catholique les anathémise." Ce texte ressemble dans ses grandes lignes à celui qu'emploie l'Église anglicane dans le service de la communion ; mais nous y relevons cependant plusieurs différences qui ne sont pas sans importance. Une bonne partie de la pseudo-histoire de Jésus n'est pas encore venue le corrompre ni l'avilir, bien que la fatale identification du Christ avec Jésus et des deux avec le Second Logos ne soit que trop manifeste. Il n'est guère étonnant que ce soit l'idée la plus étroite et non la plus large qui ait triomphé, la plus grande partie des membres de ce concile étant (tous les récits en font foi) des fanatiques ignorants et turbulents réunis principalement dans l'espoir de favoriser leurs intérêts personnels. Pourtant on remarquera que la confusion faite [28] plus tard au sujet de la conception par le Saint-Esprit et de l'enfantement par la Vierge n'y figure pas encore ; le symbole du crucifiement n'a pas non plus été ravalé jusqu'à un simple fait historique qu'on a cherché depuis, si gauchement, à rendre vraisemblable par l'introduction d'une date absolument inexacte sous forme d'une allusion que rien ne justifie à ce malheureux et tant calomnié Ponce-Pilate. Par contre, tous ces articles, absents ici, apparaissent dans le crédo de l'Église romaine que l'on considère généralement comme antérieur. Nous jugeons inutile toute discussion sur ce point puisque nous admettons que la plupart de ces articles sont simplement des versions, légèrement altérées, de la formule d'initiation égyptienne qui, certes, existait depuis de longs siècles. Quelle que soit l'époque à laquelle s'opéra cette transformation dégradante d'une allégorie en une pseudo-biographie (et ce fut sans doute à une époque reculée), nous constatons les effets d'une influence semblable sur d'autres documents que le crédo. Les évangiles ont subi la même influence matérialisatrice ; la belle parabole de l'original a été corrompue à diverses reprises par l'addition de légendes populaires et par l'insertion d'une partie des logia de la tradition, à tel point qu'aujourd'hui ce qu'on appelle les évangiles n'est [29] plus qu'une compilation confuse, défiant toute tentative 3 Il se rapporte au Fils. – NDC de la considérer comme une histoire aussi bien que de distinguer les divers éléments qui y sont entrés. Mais ne nous égarons pas dans le sentier fascinateur de la critique des évangiles et bornons-nous à l'examen du crédo. Cependant, avant que le lecteur puisse apprécier complètement la signification réelle de ses différents articles, il est nécessaire qu'il comprenne, pour autant que la chose soit possible, les grandes lignes du système de cosmogénèse, qu'à l'origine il était destiné à indiquer. Ce système est, naturellement, identique à celui qu'enseigne la Religion-Sagesse et son exposé est, en fait, l'esquisse des fonctions respectives des trois Logoï dans l'évolution humaine. CHAPITRE IV — ESQUISSE DE LA COSMOGÉNÈSE Fonctions respectives des trois Logoï Il est entendu, dès le début, que nous sommes en présence d'un sujet que nul d'entre nous ne peut espérer comprendre d'une manière parfaite avant de longs âges à venir ; car celui qui peut l'embrasser dans toute son étendue doit être consciemment un avec le Très-Haut. Quelques indications, toutefois, pourront être données pour aider le travail de notre pensée, mais il est absolument nécessaire, et j'insiste sur ce point, de ne pas perdre de vue, un seul instant, que toutes les conceptions que nous pourrons en avoir doivent être imparfaites et par conséquent inexactes, puisque le problème est regardé d'en bas et non d'en haut, du point de vue de notre extrême ignorance au lieu de celui de l'omniscience. [31] En tenant compte des différences évidentes dans les circonstances ambiantes, ce qui arrive au commencement d'un système solaire tel que le nôtre est, nous dit-on, identique à ce qui se produit au réveil d'une des grandes périodes de repos cosmique ; et il est probable que nous serons moins exposés à l'erreur en nous efforçant de diriger notre attention vers la première de ces conceptions, plutôt que vers la seconde. Il faut avant tout que nous nous rendions bien compte que, dans l'évolution d'un système solaire, trois des principes les plus élevés du Logos de ce système correspondent aux trois Grands Logoï de l'évolution cosmique et en remplissent les fonctions ; en fait, ces trois grands principes sont identiques aux trois Grands Logoï d'une manière qui nous est totalement incompréhensible ici-bas, même si nous voyons qu'il doit en être ainsi. Et cependant, tout en reconnaissant cette identité d'essence, il faut nous garder soigneusement de confondre les fonctions respectives d'êtres dont les sphères d'action sont si notablement différentes. Rappelons-nous que du Premier Logos, qui est le plus près de l'Absolu, émane le Second Logos ou Logos Duel, de qui provient à son tour le Troisième Logos. De ce Troisième Logos procèdent [32] les Sept Grands Logoï, appelés quelquefois les Sept Esprits devant le trône de Dieu et, comme l'expir divin s'épand toujours vers le dehors et vers le bas, de chacun de ceux-ci procèdent, sur le plan suivant, sept Logoï, soit, sur ce plan, un total de quarante-neuf Logoï. Faisons observer que dans ce grand mouvement de descente vers la matière il y a bien des stades à traverser ; sans nous donner le détail des hiérarchies intermédiaires, on nous dit cependant que de chacun de ces quarante-neuf Logoï dépendent des millions de systèmes solaires dont chacun reçoit son énergie et sa direction de son propre Logos solaire. Bien qu'à des niveaux aussi élevés, les différences de splendeur et de puissance ne soient guère appréciables pour nous, nous pouvons cependant comprendre jusqu'à un certain point la distance immense qui sépare les Trois grands Logoï du Logos d'un système ; nous éviterons ainsi une erreur que font sans cesse les étudiants irréfléchis. On nous a souvent exposé que chacun des plans de notre système est divisé en sept sous-plans et que la matière du sous-plan supérieur de chacun peut être considérée comme atomique par rapport à son plan particulier, c'est-à-dire que ses atomes ne peuvent être divisés davantage sans passer de ce plan au plan qui lui est [33] immédiatement supérieur. Or, ces sept sousplans atomiques, considérés en eux-mêmes et sans aucun rapport avec les autres sous-plans qui sont dans la suite amenés à l'existence par la combinaison variée de leurs atomes, constituent le plus bas des sept grands plans cosmiques et en sont eux-mêmes les sept subdivisions. Avant donc qu'un système solaire vienne, à l'existence, là où est en quelque sorte son emplacement futur, il n'y a rien que les conditions ordinaires de l'espace interstellaire, c'est-à-dire la matière des sept sousdivisions du plan cosmique le plus inférieur appelé quelquefois le plan cosmique prâkritique ou, à notre point de vue, la matière de chacun de nos sous-plans atomiques, mais sans ces combinaisons variées que nous sommes habitués à considérer comme reliant ces sous-plans entre eux et conduisant graduellement de l'un à l'autre. La première Émanation La première Émanation – Or dans l'évolution d'un système, l'action des trois principes supérieurs du Logos (généralement appelés les trois Logoï du système) sur cet état de choses préexistant a lieu d'après ce que nous pourrions appeler un ordre inverse. Dans le cours de ce grand œuvre chacun d'eux épand son influence, mais le premier de ces efflux en date a pour source ce principe de notre Logos [34] qui correspond au manas dans l'homme, bien que résidant sur un plan infiniment plus élevé. On le nomme habituellement le Troisième Logos ou Mahat ; il correspond, dans le système chrétien, au Saint-Esprit : "l'Esprit de Dieu qui couve la surface des eaux" de l'espace et appelle les mondes à l'existence. Le résultat de cette première Émanation est l'éveil de cette vitalité inouïe, merveilleuse, qui pénètre toute la matière, bien que celle-ci paraisse inerte à notre vue physique si imparfaite ; les atomes des plans divers, électrisés par elle, développent des attractions et des répulsions, latentes jusque-là, et entrent dans toutes espèces de combinaisons, appelant ainsi graduellement à l'existence les subdivisions de chaque plan, jusqu'à ce que nous ayons devant nous, en pleine activité, l'étonnante complexité des quarante-neuf sous-plans, tels qu'ils existent aujourd'hui. C'est pour cette raison que dans le symbole de Nicée on décrit si magnifiquement le Saint-Esprit, en ces termes : le "Seigneur qui donne la Vie". On acquerra quelques notions touchant le mode d'action du Troisième Logos en lisant attentivement le mémoire de William Crookes sur La Genèse des éléments (lu à l'Institution Royale britannique le 18 février 1887). [35] La deuxième Émanation La deuxième Émanation – L'Essence monadique. – Quand la matière de tous les sous-plans du système existe et que le Champ d'action a ainsi été préparé, la deuxième grande Émanation apparait ; – c'est ce que nous avons appelé quelquefois la descente de l'essence monadique – ; il provient du principe supérieur qui correspond dans notre système au Second Logos, et que les écrivains chrétiens appellent le Fils de Dieu. Beaucoup de ce qui a été dit de Lui et qui, pour celui qui comprend, est aussi vrai que magnifique, a été grossièrement défiguré et avili par ceux qui étaient incapables d'en saisir la vérité dans toute sa grandiose simplicité ; nous reviendrons sur ce sujet plus tard. Lentement, mais constamment, avec une force irrésistible, cette grande onde vitale se répand ; chacune de ses vagues successives passe un manvantara tout entier dans chacun des règnes de la nature : les trois règnes élémentals, le règne minéral, le règne végétal, le règne animal et le règne humain. Dans l'arc descendant de sa courbe puissante, l'essence monadique rassemble simplement autour d'elle sur les différents plans toutes les différentes espèces de matière, successivement, afin de les accoutumer, de les rendre aptes à agir comme ses véhicules ; mais, quand elle a atteint [36] le point le plus bas, le point tournant de sa descente dans la matière et qu'elle commence le grandiose mouvement ascendant de l'évolution vers la divinité, son objet est alors de développer sa conscience, tour à tour, dans chacun de ces degrés de la matière, en commençant naturellement par le degré inférieur. C'est ainsi que l'homme, tout en possédant tant de principes supérieurs plus ou moins à l'état latent, n'est pleinement conscient, pendant longtemps, que dans son corps physique ; plus tard, et par degrés insensibles, il le devient dans son corps astral et plus tard encore, dans son corps mental. C'est aussi pourquoi nous ne distinguons guère dans le monde minéral ce que nous pourrions appeler conscience, si ce n'est les premières et faibles lueurs du désir, sous la forme d'affinité chimique, tandis que dans le monde végétal nous discernons des préférences et des répulsions, des désirs, par le fait, de plus en plus accentués ; nous n'avons, du reste, qu'à lire les récents ouvrages de botanique pour constater que nombre de plantes déploient beaucoup d'ingéniosité et de sagacité pour arriver à leurs fins, si limitées qu'elles soient. Dans le monde animal le désir joue un rôle prédominant, et il n'est pas douteux que le corps [37] astral commence très nettement à fonctionner, bien que l'animal n'ait encore rien qui mérite le nom de conscience dans ce même corps, dès qu'il est séparé de son véhicule physique. Cependant chez les animaux domestiques supérieurs le corps astral a un développement suffisant pour devenir après la mort un kâmarûpa qui persiste pendant quelques jours au moins et même, dans certains cas, pendant quelques semaines ; en outre, un certain degré d'activité manasique commence à se montrer d'une manière évidente. En arrivant au règne humain, nous constatons que, chez les types inférieurs de l'humanité, le désir est encore la caractéristique dominante, bien que le développement manasique soit effectué jusqu'à un certain point ; pendant sa vie terrestre, l'homme à l'état de sommeil est vaguement conscient dans son véhicule astral ; après sa mort, son kâmarûpa est bien conscient et actif et subsiste pendant nombre d'années ; mais il n'y a encore pour l'homme de ce type à peu près pas de vie dévakhanique ou céleste. Passant ensuite au type moyen de l'homme cultivé dans notre propre race, nous le voyons déployer pendant sa vie une activité mentale supérieure et en possession de qualités qui lui donnent, après la mort, la possibilité d'une longue existence dévakhanique ou céleste. À l'état de [38] sommeil, il est parfaitement conscient dans son corps astral, bien que généralement il soit incapable d'en rapporter aucun souvenir dans l'état de veille. L'exemple des hommes, en nombre relativement petit, qui, jusqu'à présent, ont entrepris de se développer par les moyens occultes, nous montre que l'avenir de l'évolution n'est autre chose que l'épanouissement de la conscience sur des plans de plus en plus élevés, au fur et à mesure des progrès de l'humanité et de son adaptation à un tel développement. La troisième Émanation La troisième Émanation – Mais depuis bien longtemps la troisième grande Émanation de la vie divine a, elle aussi, commencé à agir ; elle émane du principe supérieur du Logos du système solaire, principe qui, dans l'homme, correspond à l'Atmâ et, dans l'évolution cosmique, au Premier Logos, appelé par le christianisme Dieu le Père. J'ai tenté d'indiquer comment, dans sa marche ascendante, l'essence monadique développe graduellement sa conscience, d'abord sur le plan physique, puis sur le plan astral et ensuite sur le plan manasique inférieur (ou mental). Mais ce n'est qu'au moment où, chez les plus avancés des animaux domestiques, ce dernier stade est atteint, que la troisième vague de vie se trouve à portée d'intervenir ; car cette troisième vague de vie ne peut pas d'elle-même descendre plus bas [39] que notre plan Bouddhique ; là, elle semble planer en quelque sorte, attendant que le développement de véhicules appropriés la mette à même de descendre un degré de plus et de devenir l'âme individuelle de l'homme. Ces mots résonnent étrangement sans doute ; c'est qu'il est difficile d'exprimer exactement dans un langage humain les mystères de la vie supérieure. Représentez-vous (et j'emploie ici une image orientale) l'essence monadique comme une mer constamment soulevée par la force d'évolution qui lui est inhérente et s'élevant de plus en plus dans le plan manasique ; imaginez, d'autre part, le troisième efflux planant comme un nuage audessus de ce plan, attirant sans cesse à lui les vagues d'en bas et attiré par elles. Ceux qui ont vu se former une trombe dans les mers tropicales comprendront plus facilement cet exemple emprunté à l'Orient et s'expliqueront comment les deux pointes opposées du cône de nuage et du cône d'eau se rapprochent de plus en plus par une mutuelle attraction, jusqu'à ce que soudain elles s'élancent simultanément l'une vers l'autre pour former la grande colonne d'eau et de vapeur mêlées. Pareillement, les blocs d'essence monadique animale projettent continuellement en incarnation des prolongements qui sont comme autant [40] de vagues temporaires à la surface de la mer ; le processus de différentiation va se continuant jusqu'au moment où l'une de ces vagues s'élève assez haut pour permettre au nuage qui plane de se fondre avec elle ; elle jouit alors d'une nouvelle existence, qui n'est ni celle du nuage, ni celle de la mer, une existence intermédiaire présentant à la fois les caractères de l'un et de l'autre ; elle est séparée du bloc dont elle formait jusque alors une partie et elle ne retombe plus dans la mer. En d'autres termes, un animal appartenant à l'un des blocs d'essence monadique les plus évolués, un animal domestique par conséquent, peut par son amour pour son maitre et son dévouement, par le travail mental qu'implique son effort sincère pour le comprendre et lui plaire, s'élever au-dessus de son niveau originel et devenir un véhicule digne de recevoir cette troisième Émanation de vie ; à partir de ce moment il se sépare de son bloc et commence sa carrière d'immortalité comme individu. Si nous nous rappelons que la conscience de l'essence monadique s'est développée jusqu'au niveau manasique inférieur et que la troisième Émanation de la vie divine est descendue jusqu'au plan Bouddhique, nous devons nous attendre à trouver la combinaison résultante sur les niveaux manasiques supérieurs, sur la division [41] arûpa du plan Dévakhanique ou céleste ; c'est là vraiment l'habitat du corps causal de l'homme, du véhicule de l'Égo réincarnateur. Nous remarquerons ici qu'un changement curieux s'est produit dans le rôle de l'essence monadique. Pendant le cours de sa longue évolution, dans tous les règnes antérieurs, elle a été le principe d'énergie, le principe animateur, la force qui était derrière toutes les formes qu'elle a occupées temporairement. Mais ce qui a été jusqu'à présent le principe animateur devient à son tour un récepteur : de l'essence monadique est formé le corps causal, ce globe resplendissant de lumière vivante, dans lequel pénètre la lumière d'en haut, plus glorieuse encore, et dans lequel elle trouve son expression comme individualité humaine. Être le véhicule du dernier et de la plus grandiose Émanation de l'esprit divin ne doit pas être considéré comme un résultat indigne d'une évolution si longue et si pénible ; car, il faut s'en souvenir, sans la préparation de ce véhicule à servir de trait d'union, l'immortelle individualité de l'homme n'eût jamais pu être appelée à l'existence ; cette triade supérieure, ainsi formée, devient une unité transcendante "non par le changement de sa divinité en chair, mais par l'assomption de son humanité en Dieu". Donc, [42] dans ce travail qui a duré des âges, rien n'a été perdu, rien n'a été inutile ; car sans lui jamais n'aurait été atteinte la consommation finale : l'homme devenu l'égal du Logos, dont il émane, et par là même le Logos devenu plus parfait, puisqu'Il retrouve en ceux qui procèdent de Lui Ses égaux, auxquels Il peut prodiguer, pour la première fois dans toute sa plénitude, l'amour qui est l'essence de Sa nature divine. Qu'on s'en souvienne aussi, l'homme ne possède la garantie absolue de son immortalité que par la présence, au dedans de lui-même, de cette troisième émanation de la vie divine ; car c'est là l'esprit de l'homme qui monte, en opposition avec "L'esprit de la bête qui descend", c'est-à-dire, qui, à la mort de l'animal, retourne au bloc d'essence monadique d'où il était sorti. Bien que notre intelligence ne puisse pas le concevoir, un temps viendra, nous dit-on, – le temps du Mahâpralaya – où toutes "les choses visibles et invisibles" seront réabsorbées en Cela, d'où elles sont issues ; le Second et le Troisième Logos eux-mêmes, et tout ce qui est de leur essence, doivent être plongés dans le sommeil et disparaitre temporairement. Cependant, même dans cette période de repos universel, une Entité reste immuable : le Premier Logos, le Logos non manifesté demeure à jamais [43] dans le sein de l'Infini. Et puisque l'essence de ce Père Divin de tous les êtres est entré directement dans la composition de l'esprit de l'homme, l'immortalité de celui-ci est, par ce pouvoir souverain, absolument assurée. J'espère vous montrer avec quelle beauté et quelle grandeur ces conceptions glorieuses se reflètent même dans ce qui nous a été laissé des crédos chrétiens, en étudiant ceux-ci article par article. DEUXIÈME PARTIE — LE CRÉDO DES APÔTRES ET LE CRÉDO DE NICÉE Le crédo des apôtres 4 Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ; et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du SaintEsprit, est né de la Vierge Marie ; a souffert sous Ponce-Pilate ; a été crucifié, est mort, a été enterré ; est descendu aux enfers ; [46] le troisième jour, est ressuscité d'entre les morts ; est monté au ciel ; est assis à la droite du Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts. Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission (au pardon) des péchés, à la résurrection de la chair (du corps), et à la vie éternelle (à la vie à jamais). Le crédo de Nicée 5 Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur de toutes les choses, visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant [47] tous les siècles ; Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait, consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites ; qui pour nous, hommes, et pour notre salut, est descendu du ciel ; et fut incarné 6 par le Saint-Esprit de la Vierge Marie, et fut fait homme ; qui a été aussi crucifié, a souffert sous Ponce-Pilate, et a été enterré ; qui est descendu aux enfers ; le troisième jour, est ressuscité d'entre les morts ; est monté au ciel ; est assis 4 Le texte est celui des missels de l'Église catholique romaine ; les trois parenthèses donnent des variantes qui sont les traductions du texte anglais qui a servi à l'auteur. 5 Le crédo, dit de Nicée, qui est donné ici, est la traduction du texte latin de l'office de la messe catholique romaine, avec des modifications de pure forme, d'ailleurs peu importantes, destinées à le rendre entièrement conforme aux citations de l'auteur, empruntées au texte en usage dans l'Église anglicane. Ainsi qu'il est dit plus haut, ce crédo se compose, en sus d'articles rédigés à Nicée en 325, – dont on donne la traduction page 26 – de clauses ajoutées au concile de Constantinople en 381, et du fameux Filioque (et du Fils) inséré en 589 par le concile de Tolède. – NDC 6 Dans les missels catholiques cet article est rédigé comme il suit : qui s'est incarné en prenant un corps dans le sein de la Vierge Marie par l'opération du Saint-Esprit. C'est une traduction singulièrement libre du texte latin qui se trouve généralement en regard : incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine. Nous avons préféré la traduction littérale, d'autant plus qu'elle s'écarte moins de celle qui est citée et commentée par l'auteur. – NDC à la droite du Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts ; et dont le règne n'aura point de fin. Je crois au Saint-Esprit, également Seigneur et dispensateur de la vie, qui procède du Père et du Fils, qui conjointement avec le Père et le Fils est adoré et glorifié ; qui a parlé par les prophètes. Je crois en une seule Église, sainte, catholique, et apostolique. [48] Je reconnais un baptême pour la rémission des péchés. J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle (de l'âge) qui doit venir. CHAPITRE I — INFLUENCE MATÉRIALISATRICE Insertion du nom de Jésus-Christ. Explication du terme μονογενήϛ. Le crédo des Apôtres et le crédo de Nicée se ressemblent si étroitement que la meilleure méthode pour nous sera de les étudier ensemble. Pour le moment nous ne nous servirons qu'occasionnellement de citations empruntées au crédo d'Athanase, réservant pour plus tard l'étude séparée des articles les plus importants de cette formule. Il est manifeste que ces deux crédos plus courts sont tout simplement deux traditions différentes d'une seule formule originale qui renfermait déjà des réminiscences des documents que nous avons appelés (a) et (b), et était elle-même déjà considérablement altérée par la tendance (c). [50] L'époque à laquelle cette formule originale fut bien arrêtée dans ses grandes lignes ne peut pas encore être donnée avec certitude, mais il est probable que nous ne nous tromperons pas de beaucoup en lui assignant le milieu du IIe siècle de notre ère – sans oublier que cette ère n'a rien de commun avec l'époque réelle de la naissance de l'Instructeur appelé le Christ, ni que, selon toute probabilité, aucune tentative ne fut faite pour fixer cette formule par l'écriture avant une date de beaucoup postérieure. Les deux crédos diffèrent, comme devaient différer par leur esprit les deux courants de pensée religieuse qui les ont conservés : le crédo de Nicée est plus métaphysique et moins matérialisé que le crédo des Apôtres ; il se tient à un point de vue un peu plus élevé et, par conséquent, se prête davantage à ma tentative, qui est de faire revivre l'interprétation originale, la seule acceptable. "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre." Ainsi débute le crédo des Apôtres qui parait ici ne viser que le Logos de notre système solaire ; le symbole de Nicée, qui embrasse un horizon encore plus vaste, a adopté une expression qui s'applique mieux à la Cause Première de toutes choses ; il parle d'un seul Dieu, créateur non seulement du [51] ciel et de la terre, mais aussi de "toutes les choses visibles et invisibles". C'est avec raison que le titre glorieux de "Père" a été donné à Ce qui est la manifestation première de l'Infini ; car tout a émané de Lui, même le Second et le Troisième Logos et en Lui doit retourner un jour tout ce qui en est émané. Il ne s'agit pas, remarquons-le, de la perte de la conscience ; qui serait l'anéantissement du résultat de tous les æons d'évolution, mais bien plutôt de devenir, par un processus qui échappe, pour le moment, à notre intelligence limitée, une partie consciente d'un tout immense, une facette de la conscience qui embrasse toutes choses, et qui est en vérité le divin Père de toutes choses, qui est "au-dessus de tous, parmi tous et en vous tous 7". "Alors aussi le Fils même sera assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous 8." "Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles ; Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait, consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites ; qui pour nous, hommes, [52] et pour notre salut, est descendu du ciel." À l'exception des quelques premiers mots, tout ceci a été omis dans le crédo des Apôtres ; nous devions nous y attendre dans une formule s'appliquant à un niveau moins élevé et à une portion seulement de l'univers. L'insertion du nom Jésus-Christ L'insertion du nom Jésus-Christ est la première trace de cette tendance matérialisatrice que nous avons désignée par (c), car la formule originale (a) ne contient ni l'un ni l'autre de ces deux mots. Dans les manuscrits grecs les plus anciens que nos investigateurs aient vus par clairvoyance jusqu'à présent, on trouve le mot composé IHTPONAPlΣTON, c'est-à-dire le très grand guérisseur (ou libérateur) ou IEPONΛPIΣTON, qui semble signifier tout simplement "le très saint", au lieu du mot IHΣOYNXPIΣTON qui les remplace aujourd'hui et que l'on a traduit par Jésus-Christ. Mais il est inutile de parler de ces diverses leçons avant que l'on ait découvert sur le plan physique un manuscrit qui les reproduise ; alors seulement, le monde des savants sera disposé à tenir compte des déductions qui en découlent. Quoi qu'il en soit, le texte grec de la formule (a) n'est qu'une traduction d'un original rédigé dans une langue plus ancienne ; et pour nous, étudiants, il est plus intéressant de considérer [53] la signification qu'attachaient au passage cité ceux qui l'avaient entendu de la bouche du grand Instructeur, que de suivre les détails de leur traduction dans le dialecte grec corrompu de l'époque. Il est hors de doute que l'idée originale se rapportait 7 Éphésiens, 4,6. – NDC 8 Corinthiens, 15,28. – NDC exclusivement au Second Logos Se manifestant à différentes périodes de Sa grandiose descente dans la matière, et en aucune façon à l'Instructeur ou à un homme quelconque. La plus grande partie de ce passage poétique a pour but d'expliquer la place et les fonctions du Second Logos et de prévenir, autant que possible, diverses erreurs que le sujet comporte. On insiste beaucoup sur le fait que rien autre dans l'univers n'est venu au monde de la même manière que le Second Logos, appelé à l'existence simplement par un acte de volonté du Premier Logos agissant sans intermédiaire ; et l'idée du traducteur était juste, bien que son expression ne fût pas heureuse, en le désignant par "le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, par qui toutes choses ont été faites", puisqu'Il est en vérité la seule manifestation directe du Premier, du Non-Manifesté et que bien certainement, "rien n'a été fait sans Lui, de ce qui a été fait 9" ; car l'essence monadique [54] qu'Il déverse est le principe animateur, la source de l'énergie de toute la vie organique qui est à notre connaissance. Explication du terme μονογενήϛ La véritable signification du mot μονογενήϛ 10 est très clairement donnée par M. Mead, dans un article de la Theosophical Review, vol. XXI, p. 141, où il est dit : "Il n'est plus possible de douter que le terme traduit par "only-begotten" – c'est-à-dire engendré seul, fils unique – ne veut rien dire de semblable, mais signifie engendré, créé par un seul, c'est-à-dire issu d'un principe unique et non d'une "syzygie" ou dualité." Il est évident que ce titre est donné, et ne peut être donné qu'au Second Logos, car la manière dont Il est émané du Premier doit évidemment différer de tous les autres processus postérieurs de génération, qui sont invariablement le résultat d'une action réciproque. Souvenons-nous également que si l'expression "avant tous les siècles" est vraie en tant que déclaration se rapportant à l'émanation du Christ, elle est manifestement une traduction insuffisante, car πρὸ παντῶν τῶν αἰὡνῷν 9 Saint Jean, 1, 3. – NDC 10 μονογενήϛ est le mot du texte grec du crédo de Nicée que l'Église romaine a traduit en latin par unigenitus, en français par fils unique. – NDC ne peut signifier que "avant tous les æons". Cette expression a un sens bien clair pour quiconque est, [55] même superficiellement, familiarisé avec la terminologie gnostique ; elle veut dire non seulement que le Second Logos est le premier dans le temps, mais aussi qu'Il est le plus grand de tous les æons, ou émanations du Père éternel. Nous retrouvons ici l'assertion réitérée avec insistance qu'Il est "consubstantiel au Père", identique en tous points à Celui dont Il procède, à cela près que, pour se manifester, Il est descendu d'un degré de plus, et a limité temporairement l'expression complète de ce qu'Il est pourtant et essence. Il se présente ainsi sous l'aspect d'une dualité : "Il est égal au Père par sa Divinité et lui est cependant inférieur par son humanité 11 et nonobstant, dans tout le crédo, retentit comme un cri de triomphe la proclamation de la persistance de l'unité éternelle : "car quoiqu'Il soit Dieu et homme, cependant Il n'est pas deux ; Il est un seul Christ 12", maintenant et toujours "Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu." L'homme n'a guère écrit de protestation plus grandiose contre la doctrine de l'éternelle dualité, du Dieu et du non-Dieu. Dans le crédo d'Athanase, postérieur et plus détaillé, nous [56] avons la preuve même de l'unité d'essence par la déclaration du pouvoir du Logos de rapporter au Très-Haut tout le fruit de sa descente dans la matière : Il est "un", nous diton, "non par le changement de la Divinité en chair, mais par l'assomption de l'humanité en Dieu". La vérité éclate également dans ces paroles magnifiques : "Qui pour nous, hommes, et pour notre salut, est descendu du ciel" ; car s'il est vrai que l'esprit immortel de l'homme est de la nature du Père Lui-même, sans le sacrifice du Fils déversant de sa substance, sous forme d'essence monadique, dans toutes les limitations des règnes inférieurs, jamais le corps causal n'eût existé ; or, sans ce véhicule, sans cette coupe destinée à contenir l'élixir de vie, jamais l'union du ciel et de la terre n'eût été accomplie, jamais le mortel n'eût conquis l'immortalité. Le vrai Christ est donc à la foi le créateur et le sauveur de l'homme ; sans Lui, l'abime entre l'esprit et la matière n'eût jamais été franchi et l'individualité n'existerait pas. 11 Crédo d'Athanase. 12 Crédo d'Athanase. CHAPITRE II — ERREURS DE TRADUCTION Modifications d'une préposition. Insertions d'une lettre : Μαἰα et Μαρὶα ; Ποντίοϛ et Ποντοϛ. Introduction du nom de Ponce-Pilate. "Et fut incarné par le Saint-Esprit de la Vierge Marie." – Une difficulté semble surgir ici : en effet, comment la naissance du Second Logos seraitelle due à l'action du Troisième Logos, puisque, du Troisième au Second Logos, le rapport est plutôt celui de l'enfant au père ? Cependant, si nous nous attachons à la pensée première, nous ne nous laisserons pas induire en erreur par une contradiction apparente ; nous comprendrons qu'il s'agit simplement ici d'une phase postérieure du grand sacrifice, de la descente dans la matière. Modification d'une préposition Le traducteur moderne, ou plutôt son prédécesseur latin, a malheureusement rendu le sens [58] confus en changeant sans aucune raison une des prépositions ; cette très importante faute de traduction, est à la fois si évidente et si étonnante, qu'elle n'eût jamais échappé à l'attention des érudits, si elle n'avait été voilée par un parti pris qui, à leurs yeux aveuglés, ne laissait place qu'à l'interprétation matérielle la plus grossière. Même dans la forme grecque la moins ancienne, il n'y a qu'une seule préposition pour les deux noms : σαρχὼθἐντα ἐχ πνεὐματοϛ αγίου χαἱ Μαρίαϛ τἡϛ παρθἐνου – et Il fut "incarné du Saint-Esprit et (de) la Vierge Marie". C'est-à-dire que l'essence monadique, déjà "descendue du ciel", comme le dit un article précédent, s'est matérialisée, en prenant un revêtement de la matière tangible et visible, préparée à la recevoir par l'action du Troisième Logos sans Lequel cette matière fût restée vierge et stérile. Ce nom, "vierge", a souvent été donné à la matière atomique des différents plans, parce que dans cet état, elle n'entre, de son propre mouvement, dans aucune combinaison et qu'elle reste donc pour ainsi dire inerte et improductive. Mais elle n'est pas plutôt électrisée par l'émanation du Saint-Esprit, qu'elle est éveillée à l'activité, forme les molécules et, rapidement, génère la matière des sous plans inférieurs, provoquant ainsi sur le plan physique, par exemple, [59] au moyen de l'éther atomique, la naissance de ce que les chimistes appellent les corps simples ; c'est de cette matière, ainsi vivifiée par la première vague de vie, que sont composées les formes innombrables que vient animer l'essence monadique. Quand cette deuxième émanation atteint le plan physique sous forme de ce que nous avons appelé quelquefois la monade minérale, elle confère aux divers éléments chimiques un nouveau pouvoir de combinaison et le chemin se trouve ainsi frayé pour d'autres manifestations de vie plus élevées qui se produisent dans les règnes suivants. Le Second Logos prend donc forme, non pas dans la matière "vierge", mais dans la matière déjà animée et palpitante de la vie du Troisième Logos, de sorte que la vie et la matière L'entourent toutes deux comme d'un vêtement et qu'Il est en vérité "incarné du Saint-Esprit et (de) la Vierge Marie". Insertion d'une lettre Par un nouvel effet de la tendance matérialisatrice, le même passage a encore subi une autre altération qui, par l'insertion d'une seule lettre, en a changé complètement le sens ; en effet, dans la forme primitive, le mot employé est Μαἰα qui signifie simplement "mère", et non Μαρὶα. Il serait bien tentant de spéculer sur la possibilité d'une connexion traditionnelle entre ce mot, étrangement suggestif, et le mot sanscrit [60] Mâyâ, si souvent employé pour désigner ce même voile illusoire de matière dont le Logos se masque dans Sa descente ; mais tout ce qu'on peut dire pour le moment, c'est qu'aucune trace d'une pareille connexion n'a été retrouvée jusqu'à présent. "Et fut fait homme." Cet article est extrêmement significatif, puisqu'il montre nettement que l'arrivée de l'essence monadique au niveau de l'humanité est une phase distincte, postérieure à la descente dans la matière et que, par conséquent, le passage déjà cité : "Il fut incarné du Saint-Esprit et de la Vierge Marie", ne se rapportait pas à une naissance humaine. Cet article est omis dans le crédo des Apôtres, mais il figure très légitimement dans la rédaction du Concile de Nicée où il a pour but, d'une manière plus évidente encore, de décrire une phase ultérieure de l'évolution, puisque le texte dit : "et fut fait chair, et fut fait homme", le fait de "se faire chair" désignant clairement le passage antérieur de l'essence monadique à travers le règne animal. Dans le crédo des Apôtres, l'influence de la tendance (c) prédomine ; tout le processus est décrit de la façon la plus grossièrement matérielle par les mots : "qui a été conçu par le Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie." [61] Introduction du nom de Ponce Pilate "A souffert sous Ponce-Pilate". Cet article est l'exemple, de beaucoup le plus remarquable, de l'influence restrictive et dégradante de la tendance que nous avons appelée (c) ; par l'insertion de la plus petite des lettres de l'alphabet grec (le iota, correspondant au "jot" dont il est question dans l'Évangile) le sens original n'a pas seulement été obscurci, mais absolument oublié et perdu. L'altération est si simple, si facile à faire, et les conséquences en sont cependant si extraordinaires, si colossales, que ceux qui la découvrirent purent un moment à peine en croire leurs yeux et que, quand ensuite ils se furent rendus compte de la situation, ils ne pouvaient comprendre comment, pendant si longtemps, il avait été possible de ne pas s'apercevoir d'une chose aussi évidente. Au lieu de ΠONTIOYΠΙΛATOΥ on trouve, dans les manuscrits grecs les plus anciens que les investigateurs clairvoyants aient pu découvrir jusqu'à présent, ΠONTOYΠΙΛHTOΥ. Or, le changement de H en A n'est pas rare dans les différents dialectes grecs, de sorte que la seule altération réelle est l'insertion de I qui change Πόντος qui veut dire "mer", en Πόντίος qui est un nom propre romain. Je ne veux en aucune façon insinuer que cette altération, ni aucune des autres que j'ai mentionnées, fut faite dans un [62] but de supercherie, ou l'intention d'induire en erreur ; elle a très bien pu être faite sous l'impression qu'elle n'était que la correction d'une faute sans importance faite par un précédent copiste. Il n'avait pas été difficile aux investigateurs de s'apercevoir que le moine essénien qui, le premier, traduisit la formule en grec, ne connaissait cette langue que très imparfaitement et que, par suite, le résultat de son travail n'était rien moins que classique. Les gens qui, plus tard, eurent ce manuscrit entre les mains, ou de ses copies, corrigèrent çà et là des fautes évidentes d'orthographe ou de syntaxe ; il est très possible que l'un d'eux en ait abordé l'étude dans un esprit incapable d'en apprécier la véritable signification mystique et que, pénétré de l'interprétation anthropomorphique, il ait supposé que, dans ce passage par exemple, une lettre avait été omise par un scribe ignorant, et qu'il l'ait insérée sans se douter aucunement qu'il changeait, par cela même, le sens entier de l'article et y introduisait une conception absolument étrangère à l'esprit du document tout entier. Sans aucun doute, il y a dans l'histoire ecclésiastique des cas où on a fabriqué impudemment des faux de toutes pièces "pour la plus grande gloire de Dieu", ce qui, aux yeux des moines, signifiait tout simplement favoriser les intérêts [63] de l'Église ; mais heureusement nous ne sommes pas obligés de voir ici un de ces exemples de déloyauté, puisque l'ignorance et le préjugé ont pu très bien accomplir, tout à fait innocemment, l'œuvre fatale de la matérialisation complète de conceptions, à l'origine, si grandioses et si lumineuses. C'est sans doute avec cette même idée, louable mais fausse, de parfaire la rédaction, que la préposition ἐπὶ fut beaucoup plus tard substituée à ύπὸ. Il est vrai qu'après l'acceptation de la thèse du nom propre le mal était déjà fait, et que cette altération nouvelle n'eût d'autre résultat que de donner à la phrase une forme plus élégante et de diminuer ainsi la probabilité d'une enquête quant à la possibilité d'un sens autre que le sens apparent. Dans la traduction originale, l'intention réelle de l'écrivain était rendue plus claire encore par l'emploi du datif, indiquant bien que l'expression se rapportait à un lieu et non à une personne ; mais ce datif avait été transformé en un génitif plus usuel presque immédiatement, même avant la malencontreuse insertion du iota 13. [64] Les mots πόντος πιλητὸϛ désignent tout simplement une mer condensée, épaissie, ce qui n'est pas du tout une mauvaise description de la partie inférieure du plan astral, auquel l'eau a souvent servi de type représentatif. La traduction de l'article que l'on rend d'habitude par les mots : "Il souffrit sous Ponce-Pilate" devrait être "Il endura la mer dense" ; c'est-à-dire que, pour nous et pour notre salut, Il se laissa limiter et emprisonner temporairement dans la matière astrale. Notons ici quel devrait être l'ordre des articles. Aucun des crédos, tels que nous les possédons aujourd'hui, n'exprime l'idée originale dans son intégrité ; plusieurs phases ont été omises dans le crédo des Apôtres, bien que l'ordre des articles y soit exact ; tandis que le crédo de Nicée, tout en 13 Voici donc, aux accents près, les formes successives données à ce passage, la première étant celle de la traduction originale faite par le moine essénien : υπο τω ποντω πιλητω υπο του ποντου πιλητoυ υπο του ποντιου πιλατου επι τον ποντιου πιλατου NDC étant plus complet, est confus dans son arrangement ; la première phase est la prise du revêtement de matière, "l'incarnation" ; puis celle de la forme humaine mais seulement dans ses principes les plus élevés ; puis la "souffrance sous Ponce-Pilate", c'est-à-dire la descente dans la mer astrale ; et seulement ensuite le crucifiement (sur la croix de la matière physique), phase dans laquelle on Le dépeint comme "mort" et "enterré". CHAPITRE III — LE CRUCIFIEMENT Date de la fête de Pâques. L'emblème de la croix. Le crucifix. L'initiation. "… A été crucifié, est mort, a été enterré." Ici encore nous sommes en présence d'un malentendu presque universel dont les proportions ont été colossales et les résultats tout à fait désastreux. La stupéfiante transformation d'une allégorie parfaitement raisonnable en une biographie absolument impossible a eu une très triste influence sur l'Église chrétienne tout entière et sur la foi qu'elle a enseignée ; et l'immense sympathie dévotionnelle, provoquée pendant des siècles par le récit d'une souffrance physique totalement imaginaire, est peut-être, [66] dans les annales du monde, l'exemple le plus extraordinaire et le plus lamentable d'un gaspillage d'énergie psychique. Encore une fois, ni le crédo ni les évangiles, n'étaient originellement destinés à un rapprochement avec la biographie du grand Instructeur Christ. Mais le récit évangélique que nous possédons aujourd'hui est un agrégat si extraordinaire, un enchevêtrement si inextricable du mythe solaire, de l'allégorie "initiationnelle" du Christ commune à presque toutes les religions et d'une tradition de l'histoire réelle d'une partie de la vie terrestre de Jésus, que ce serait une tâche d'une difficulté peu ordinaire d'en ramener exactement toutes les parties à leurs sources respectives. Cependant, le crucifiement et la résurrection appartiennent clairement à l'allégorie du Christ. La chose doit paraitre évidente à tous ceux qui ont étudié par le seul fait que leur commémoration par les fêtes de l'Église chrétienne ne se fait pas à une date fixe, comme il serait fait pour l'anniversaire d'un évènement réel, mais à des dates mobiles et dépendant d'un calcul astronomique. En consultant un livre de prières, on verra que Pâques est célébré le dimanche qui suit la date de la pleine lune après l'équinoxe du printemps. [67] Date de la fête de Pâques Date de la fête de Pâques. – Cette manière de fixer une date serait grotesque si elle devait rappeler un anniversaire historique ; elle ne s'explique raisonnablement qu'en la considérant comme un dérivé de la théorie du mythe solaire. Sans doute, dans ces dernières années, il a été de mode de pousser cette idée à l'extrême et de voir un mythe solaire dans le moindre racontar préhistorique ayant trouvé un chroniqueur ; mais ceci ne doit pas nous empêcher de reconnaitre que cette théorie contient une grande part de vérité, surtout quand nous voyons le cours annuel du soleil lui-même employé comme allégorie pour rappeler à ceux qui la comprennent les grandes vérités spirituelles qu'il a servi à symboliser si longtemps. D'après l'explication orthodoxe, la date de la célébration de Pâques aurait été ainsi réglée parce qu'un point important dans la controverse juive roulait sur le fait que le crucifiement aurait eu lieu à l'époque de la Pâque juive et représenterait ainsi le véritable sacrifice pascal : la date de la Pâque juive suivant le mouvement de la lune, il en aurait été de même de la célébration de la Pâque chrétienne. Ceci est tout à fait probable, mais cela ne détruit en rien l'opinion que je soutiens et d'après laquelle le simple fait de la variabilité des dates [68] prouve que ni la Pâque des juifs, ni la fête de Pâques n'étaient destinées à commémorer un évènement historique défini ; autrement, elles auraient été célébrées, comme des anniversaires, à jour fixe. Cela montre bien qu'au contraire la fête a un caractère astronomique et qu'elle a du rapport avec le culte des corps célestes au mouvement desquels elle est subordonnée. En fait, la partie du crédo que nous considérons maintenant est simplement une citation empruntée à la rubrique de l'ancienne initiation égyptienne qui, à son tour, est destinée à rappeler les dernières phases de la descente de l'essence monadique dans la matière. Considérons en premier lieu comment cette descente en vint à être symbolisée par un crucifiement et ensuite de quelle façon elle était représentée devant les néophytes de l'antique Khem. L'emblème de la croix Signification de l'emblème de la croix. – Pour comprendre ceci clairement, il faut que nous nous efforcions de saisir le sens attaché à l'emblème de la croix dans les mystères sacrés de l'antiquité. Nous avons, pour la plupart, été élevés dans la croyance que la croix était un symbole exclusivement chrétien et il se peut qu'il y ait encore des gens qui en soient persuadés ; s'il en est ainsi, c'est qu'évidemment, il ne leur est jamais arrivé d'étudier la question ; [69] tandis que, s'ils entreprenaient cette étude et s'ils examinaient les documents y relatifs, ils ne pourraient manquer d'être frappés de l'universalité remarquable de ce symbole. Il faudrait tout un volume pour donner la liste complète des pays où l'on rencontre la croix. En parcourant quelques ouvrages modernes traitant ce sujet, j'ai vu signaler sa présence, sous l'une ou l'autre de ses formes, dans l'Égypte ancienne, à Ninive, chez les Phéniciens à Gozzo, chez les Étrusques et la race préhistorique qui habitait l'Italie avant l'arrivée des Étrusques ; elle est représentée aussi sur la poterie des populations lacustres primitives, dans les ruines de Palenque, sur les restes les plus anciens que l'on ait découverts du Pérou antique, de l'Inde, de la Chine, de la Corée, du Tibet, de la Babylonie, de l'Assyrie, de la Chaldée, de la Perse, de la Phénicie, de l'Arménie, de l'Algérie, du pays des Aschantis, de Chypre, de Rhodes, et aussi chez les habitants préhistoriques de la Bretagne, de la France, de l'Allemagne et de l'Amérique ; cette liste si partielle et incomplète qu'elle soit, étonnerait bien les partisans de la théorie de la croix exclusivement chrétienne qui dominait à l'époque de notre jeunesse. La seule forme de ce symbole qui soit généralement associée à l'Égypte, c'est la croix ansée [70] ou croix à anse 14 ; mais c'est une erreur de supposer que les anciens habitants de Khem n'en connaissaient pas les autres variétés ; on retrouve en effet les croix Grecque et Latine, la croix de Malte, aussi bien que des formes du Svastika, parmi les reliques qu'ils nous ont laissées. J'ai eu le plaisir en 1884 de parcourir le musée d'antiquités égyptiennes à Boulak, en compagnie de Mme Blavatsky, et sous la direction du savant conservateur, M. Maspero ; je me rappelle l'intérêt avec lequel je remarquai, dans une boite de bijoux attribués à une des plus anciennes dynasties, plusieurs cornalines artistement taillées et représentant une croix sortant d'un cœur, exactement semblables aux petits porte-bonheur de cette forme qu'on pourrait se procurer dans un magasin catholique quelconque de Londres, en plein XIXe siècle. 14 Cette croix, ainsi que les suivantes, sont représentées ici. C'est la Svastika qui est peut être, de toutes les formes dérivées de la simple croix, celle dont [71] l'usage est le plus généralement répandu ; on le retrouve, je crois, dans tous les pays mentionnés ci-dessus. En général, il est considéré comme identique au marteau de Thor, mais il semble qu'il y ait quelque raison de croire que ce dernier signe fut simplement à l'origine de la forme de la lettre T. Dans tous les cas, il est certain que lorsque le roi Olaf célébrant Noël à Drontheim "… fit sur sa coupe le signe De la croix divine. En buvant et murmurant ses prières, Mais" que "le Berserk, sur la sienne Fit le signe du marteau de Thor…" l'un et l'autre employaient des symboles au fond identiques. La Svastika apparait aussi, de temps en temps, dans la symbologie chrétienne plus récente. Par exemple, il sert de motif d'ornement à la chasuble d'un évêque du moyen âge représenté en grandeur naturelle par une magnifique sculpture sur une des tombes de la cathédrale de Winchester. L'étudiant en Théosophie devra éviter soigneusement l'erreur dans laquelle tombe si facilement l'observateur plus superficiel, de confondre le sens de toutes ces formes du symbole de la croix. Chacune d'elles : la croix grecque, [72] la croix latine, la croix de Malte, le Tau et la Svastika, a sa signification particulière et, comme on va le voir, ne doit pas être prise pour une autre. Une erreur, particulièrement grossière et malheureusement très répandue, consiste à attacher à ce symbole une idée phallique ; nous devons nous en affranchir complètement si nous voulons étudier la question avec quelque profit. Beaucoup d'écrivains semblent même obsédés par cette idée malpropre, et ne voient dans les symboles les plus saints de l'antiquité, que des emblèmes phalliques : qu'il s'agisse de la croix, du triangle, du cercle, de la pyramide, de l'obélisque, du dagoba ou du lotus, leur imagination pervertie n'y voit qu'une signification obscène. Heureusement, les investigations occultes nous donnent la certitude (et notre bon sens nous l'aurait suggéré tout naturellement, même si nous n'avions pas eu ce renseignement), que cette théorie déplaisante de l'origine de toutes les religions est absolument dénuée de fondement. Dans tous les cas examinés jusqu'à présent, on a découvert que, dans les phases premières, les plus pures de toutes les religions, la signification spirituelle, et seulement celle-là, était attachée aux divers symboles ; quand la [73] création s'y trouvait exprimée, il s'agissait toujours de la création des idées par l'intelligence divine. D'autre part, chaque fois qu'on trouve associés à une religion des emblèmes phalliques et des cérémonies de nature indécente, c'est un signe certain de sa dégénérescence ; c'est un indice que, dans le pays où de tels emblèmes et de telles pratiques sont en usage, l'antique pureté de la foi s'est perdue et que sa puissance spirituelle décline rapidement. Jamais, dans aucune circonstance, le phallicisme et l'indécence ne font partie de la conception originale d'une grande religion. D'après la théorie moderne, tous les symboles religieux primitifs, inventés par les sauvages, auraient eu un sens obscène ; dans le cours des temps, les nations, ayant atteint un niveau d'évolution plus élevé, honteuses de ces idées grossières, auraient imaginé des interprétations spirituelles, plus ou moins adéquates, pour en voiler l'immodestie. Cette théorie est absolument l'inverse de la réalité : la grande vérité spirituelle apparait toujours la première, et ce n'est qu'après de longues années, quand elle a été oubliée, qu'une race dégénérée tente d'attacher à ses symboles une signification grossière. Écartons donc toutes les erreurs d'interprétation [74] postérieures et demandons-nous quelle était la signification exprimée à l'origine par le symbole universel de la croix. Une partie de la réponse, au moins, nous est donnée par Mme Blavatsky elle-même dans La Doctrine Secrète, là où elle décrit les signes inscrits sur les feuilles successives d'un certain manuscrit archaïque. On se souviendra qu'il est question en premier lieu du simple cercle blanc 15 qui représente l'Absolu. Dans ce cercle apparait un point central, signifiant que le Premier Logos est entré dans un cycle d'activité ; le point s'élargit en une ligne divisant le cercle en deux parties : c'est le symbole de l'aspect duel du Second Logos, principe mâle-femelle, Dieu-homme, esprit15 matière. Ensuite, pour indiquer la phase suivante, cette ligne est croisée par une autre ligne et nous avons l'hiéroglyphe du Troisième Logos, Dieu le Saint-Esprit, le Seigneur, le Dispensateur de la Vie. Mais tous ces symboles, remarquons-le, sont encore en dedans du cercle et sont, par conséquent, les emblèmes des stades différents du développement du Triple Logos non pas de [75] Sa manifestation. Quand le temps est accompli, et qu'Il se prépare à descendre dans la matière, le symbole se transforme généralement suivant l'une ou l'autre des deux manières suivantes : Quelquefois le cercle disparait complètement ; nous sommes en présence alors de la croix Grecque 16 aux bras égaux ; c'est le signe du Troisième Logos, au commencement du Mâhakalpa, ou grand cycle, avec son pouvoir créateur, prêt à entrer en fonction, mais n'agissait pas encore. Un pas de plus et nous avons la Svastika qui éveille toujours l'idée de mouvement, du pouvoir créateur en activité ; car les traits ajoutés à angle droit aux bras de la croix précédente sont destinés à représenter les flammes fusant vers l'arrière dans le mouvement rotatoire de la croix, indiquant doublement l'éternelle activité de la Vie Universelle, d'abord par le feu sans cesse déversé du centre dans les bras de la croix, et, ensuite, par le mouvement de rotation de la croix elle-même. La croix de Malte est un autre moyen d'exprimer la même idée ; les bras qui vont s'élargissant à mesure qu'ils s'éloignent du centre symbolisent également l'énergie divine se répandant dans toutes les directions de l'espace. [76] Quelquefois le cercle ne disparait pas, mais les bras de la croix s'étendent au-delà. Nous obtenons alors la croix au bras égaux, ayant pour centre un petit cercle ; au degré suivant, le cercle s'épanouit en une rose, autre emblème de vie bien connu, car nous avons ainsi le symbole familier d'où les Rose-Croix tirent leur nom. La croix porte non seulement la rose mystique en son centre, mais elle devient elle-même de couleur rose, ce qui indique qu'elle répand autour d'elle l'amour divin. 16 Voir page 70. Naturellement la grande loi occulte "c'est en bas comme en haut" trouve également son application ici, et, avec de très légers changements, ces symboles peuvent être employés – et ils le sont parfois – pour indiquer des phases d'évolution très inférieures ; de là, dans l'explication que Mme Blavatsky nous en donne, l'allusion aux différentes races d'hommes. On s'explique aisément comment, par suite d'un malentendu au sujet de cette application à des niveaux inférieurs de l'évolution et de son association, à un moment donné, à la séparation des [77] sexes, les idées déplaisantes du phallicisme ont pu prendre naissance. D'autre part, la connaissance de la signification véritable de la croix grecque semble avoir été perdue par le public à une époque très reculée ; pendant des âges, son rapport avec le Troisième Logos n'a été connu que par des occultistes et les étudiants superficiels l'ont invariablement confondue avec la croix latine du Second Logos dont la dérivation est en réalité absolument différente. Le crucifix Le crucifix. – En suivant dans la nuit des temps le symbole de la croix latine, ou plutôt du crucifix, les investigateurs s'attendaient à voir la forme disparaitre, laissant derrière elle ce qu'ils supposaient être un emblème plus ancien : la croix seule. En réalité le contraire eut lieu et, à leur grand étonnement, ils virent à un moment donné, la croix disparaitre et laisser seule la forme aux bras levés. Cette forme est encore l'expression du sacrifice, mais elle n'éveille plus l'idée de peine ou de tristesse ; elle est plutôt devenue le symbole de la joie la plus pure que le monde puisse contenir, la joie du don spontané ; car elle représente l'Homme Divin, debout dans l'espace, les bras levés en un geste de bénédiction, prodiguant Ses dons à l'humanité, S'épandant volontairement dans toutes les [78] directions, descendant dans la "mer dense" de la matière pour y être confiné, enfermé, emprisonné, afin que par cette descente nous soyons appelés à l'existence. C'est un sacrifice, en vérité, à notre point de vue du moins ; cependant, il ne s'y mêle aucune idée de souffrance, mais seulement celle d'une joie transcendante. Cette joie est l'essence même de la loi du sacrifice, la loi qui meut tous les mondes, y compris ce bas monde. Aussi longtemps qu'une idée de souffrance est jointe au sacrifice, celui-ci n'est pas parfait ; aussi longtemps qu'un homme se force pour faire ce qu'il préfèrerait ne pas faire, il n'est que sur la voie qui mène à l'accomplissement de la grande loi. Mais, quand il se donne pleinement et librement, une fois qu'il a vu la gloire et la beauté du Grand Sacrifice, il n'y a plus pour lui dans les trois mondes d'autre conduite possible que d'y prendre part, même de loin, même faiblement et imparfaitement. Quand il se donne tout entier, sans songer à la souffrance ou à la difficulté, bien plus, sans aucun souci de lui-même et en pensant seulement à ce à quoi il travaille : alors, et seulement alors, son sacrifice est parfait, car il est de la même nature que le Sacrifice du Logos, il participe de l'essence de cette loi d'amour qui, seule, est la loi de la vie éternelle. [79] Il semble même que l'Église chrétienne primitive ait eu quelque notion de tout cela ; en effet, on trouve fréquemment, dans les peintures des catacombes de Rome, la figure telle que nous l'avons décrite : les bras levés de la façon particulière que nous avons indiquée, debout au milieu des douze apôtres, exactement là où nous nous attendrions à trouver la figure du Christ. On la désigne généralement par un terme italien, "l'orante", c'est-à-dire le personnage en prière ; on a supposé parfois qu'elle était féminine, ce qui a donné lieu, je crois, à nombre de spéculations dans le monde des archéologues ; mais l'explication la plus naturelle me parait être celle que j'ai suggérée plus haut. Nous voyons donc que, depuis une époque très reculée, la croix a été employée comme symbole de la matière et de la manifestation du monde matériel. Rien n'était donc plus naturel que de symboliser par un corps lié sur la croix, la descente ultérieure de l'Homme-Dieu dans la matière ; cette image représentait aussi assez exactement l'effet extrêmement limitatif de cette chute sur l'action du Logos et montrait jusqu'à quel point Son expression sur le plan physique s'en trouve amoindrie. Naturellement les clous, le sang, les blessures, toutes les épouvantables laideurs de la forme moderne, sont simplement [80] des additions dues à l'imagination malade du moine à tendance matérialisatrice, qui n'avait ni l'intelligence ni l'instruction nécessaires pour apprécier la signification grandiose de l'allégorie originale. Cette partie de la vérité, au moins, commence à être comprise aujourd'hui, même par les chercheurs chrétiens, car, dans un article du nouveau dictionnaire de l'abbé Vigoroux, par M. Marucchi, l'archéologue catholique bien connu, l'écrivain cite la grille de Santa-Sabina, à Rome, qui date du Ve siècle et un ivoire de la même époque, aujourd'hui au British Museum, comme les plus anciens exemples connus du crucifix, et il dit : "Il est à remarquer que le Christ est représenté ici comme vivant encore, avec les yeux ouverts et sans aucune marque de souffrance physique." Plus loin il nous dit qu'au VIe siècle le crucifix est devenu plus fréquent, mais que la figure qu'il porte, vêtue d'une longue tunique, est encore vivante ; ce n'est qu'au XIIe siècle "qu'on cesse de représenter le Christ vivant et triomphant sur la croix." Il semble croire que l'école de peinture de Cimabué et de Giotto est en grande partie responsable de ce changement. Quoi qu'il en soit, nous ne manquons pas d'autres témoignages prouvant que beaucoup [81] d'écrivains chrétiens primitifs comprenaient jusqu'à un certain point la signification vraie de la croix. Dans les Actes de Judas Thomas, la description du Christ glorieux, debout au-dessus de la croix, séparant le monde inférieur du monde supérieur, celle de la vision splendide de la croix de lumière, dans laquelle et au travers de laquelle on pouvait voir tous les mondes manifestés, pendant que l'aura de l'Homme Céleste, enveloppait, pénétrait tout, était la vie de toutes choses, sont des preuves suffisantes que la vérité n'avait pas été laissée absolument sans témoin dans les premiers siècles de notre ère et que sa lumière ne fut cachée entièrement que lorsque l'épais brouillard de la superstition chrétienne s'appesantit sur l'Europe et étouffa sa vie intellectuelle tout entière pendant environ mille ans. On pensera peut-être que cet exposé plus large de la vraie signification de la croix est vague et froid, comparé à la forme très concrète à laquelle l'esprit était habitué, que si l'on est ainsi délivré d'un horrible récit de souffrance physique, d'un cauchemar terrifiant, on y perd en même temps les émotions sentimentales qui s'y associaient et qu'on ne peut s'empêcher de regretter. S'il en est parmi mes lecteurs qui pensent ainsi, qu'ils me permettent de leur rappeler que, si nous ne pouvons que reculer d'horreur devant [82] les idées terribles, les blasphèmes même, que l'orthodoxie a associés à la pensée du crucifiement, nous pouvons cependant reconnaitre avec gratitude, dans le signe de la croix, le souvenir constant du sacrifice ineffable du Logos, de la patience immense avec laquelle Sa toute-puissance se soumet à toutes les limitations, pour que, dans le lent progrès de leur développement, les formes multiples qu'Il revêt, puissent graduellement s'épandre sans cependant se briser trop tôt, avant leur utilisation intégrale. Il peut servir à nous rappeler également que l'homme, lui, est crucifié de la même manière (si seulement il le savait !) ; et que, s'il ne le sait pas, c'est parce que l'âme vivante, le Christ véritable qui est en lui, s'identifie encore, dans son aveuglement, avec la croix de la matière sur laquelle il est lié. Ceci peut nous aider à comprendre que notre corps physique, astral ou mental, n'est pas nous-mêmes, et que, chaque fois que nous trouvons en nous, pour ainsi dire, deux "moi" en lutte l'un avec l'autre, nous devons nous rappeler qu'en vérité nous sommes le moi supérieur et non le moi inférieur, le Christ et non la croix. De plus, ce symbole de la croix peut nous servir de pierre de touche pour distinguer le bien du mal dans maintes difficultés de la vie. [83] "Seules, les actions au travers desquelles brille la lumière de la croix sont dignes de la vie du disciple", dit un des versets d'un livre de maximes occultes ; ce qui veut dire que tout ce que l'aspirant fait, doit être inspiré par la ferveur de l'amour désintéressé. La même pensée est exprimée plus loin par un autre verset. "Celui qui entre dans le sentier met son cœur sur la croix ; quand la croix et le cœur sont devenus un, il a atteint le but." Nous pouvons donc mesurer notre progrès en observant si c'est l'égoïsme ou le sacrifice qui domine dans notre vie. Ce symbole nous dit aussi que tout vrai Sacrifice doit être comme celui du Logos : un sacrifice volontaire ; ce n'est que lorsque nous nous sommes donnés absolument, complètement, librement, que notre sacrifice peut être un avec le Sien ; alors, et alors seulement, nous nous sommes vraiment signés du signe de la croix du Christ éternel. L'Initiation L'initiation. – Or, ce grand sacrifice, – la descente, dans la matière du Second Logos, sous forme d'essence monadique, – était représenté, avec quelque détail, à l'aide de symboles, dans le rituel de forme égyptienne de l'initiation Sotâpatti, et, comme nous l'avons déjà dit, le Christ se servit souvent de la description de l'aspect exotérique de ces cérémonies pour rendre Son [84] enseignement sur ce sujet plus clair et plus saisissant. Il est même probable qu'il récitait à ses disciples les mots exacts de la rubrique ou instruction donnée à l'hiérophante officiant, car ce passage du crédo et ceux qui suivent, rappellent singulièrement la dite formule ; en réalité, on ne changea guère que le temps du verbe, ce qui s'imposait naturellement puisqu'il fallait adapter les phrases aux circonstances nouvelles. La formule que les mages de l'Atlantide avaient transmise aux Égyptiens, à une époque très reculée, était la suivante : "Alors le candidat sera lié sur la croix de bois ; il mourra, il sera enterré et descendra dans le monde inférieur ; après le troisième jour, il sera ramené de parmi les morts et sera emporté au ciel, pour être la main droite de Celui de Qui il vint, ayant appris à guider (ou gouverner) les vivants et les morts." Dans les temples égyptiens, la salle de l'initiation était souvent souterraine ; ceci probablement afin de pouvoir plus facilement en tenir la position secrète, mais il se peut aussi que cet arrangement ait été destiné à représenter une partie du symbolisme de la descente dans la matière qui jouait un rôle si important dans tous ces anciens Mystères. Il se peut qu'il y eût une salle semblable dans la grande Pyramide ou [85] dessous, car on n'a exploré jusqu'ici, et on n'explorera probablement jamais, qu'une bien faible portion de cet immense monument. C'est dans cette salle, qu'avaient lieu les cérémonies entrant dans l'initiation considérée. Écartant les longueurs fatigantes de la première partie de cette initiation, dont nous n'avons pas à nous occuper actuellement, nous arrivons au moment intéressant où le candidat se couchait volontairement sur une immense croix en bois qui était creusée de façon à recevoir et à soutenir la forme humaine. Les bras du candidat étaient légèrement attachés à cette croix par une corde dont on avait soin de ne pas nouer les extrémités, afin de symboliser la nature entièrement volontaire de ces liens. Le candidat tombait alors dans une transe profonde, ou, en d'autres termes, il quittait le corps physique et, pendant ce temps, fonctionnait entièrement dans le corps astral. Dans cet état son corps était emporté plus bas encore dans un souterrain pratiqué dans la salle d'initiation, et il était déposé dans un immense sarcophage, opération qui symbolisait bien, pour autant qu'il s'agissait du corps physique, la mort et la sépulture. Qui est descendu aux enfers. – Tandis que la seule enveloppe extérieure de l'homme était [86] ainsi "morte et enterrée", lui-même était ailleurs, parfaitement vivant et conscient. Nombreuses et étranges étaient les leçons qu'il devait apprendre, les expériences qu'il devait subir, les épreuves qu'il devait traverser pendant son séjour dans le monde astral ; mais toutes étaient calculées soigneusement en vue de le familiariser avec cette nouvelle sphère d'action, de le rendre capable de la comprendre, de lui donner l'assurance et la foi en lui-même, bref, de l'entrainer de telle sorte, qu'il pût, en toute sécurité, faire face à tous ses périls, en employer les pouvoirs avec calme et discernement, et devenir ainsi, sur ce plan, entre les mains de ceux qui aident le monde, un instrument approprié. C'était là la descente dans le monde inférieur, non pas, bien entendu, la descente dans l'enfer de la grossière conception chrétienne, mais dans le Hadès, le monde des décédés, où, très certainement, le travail de l'initié, parmi bien d'autres devoirs, était de "prêcher aux esprits en prison", comme le dit la tradition chrétienne, non pas, comme cette tradition le suppose dans son ignorance, aux esprits de ceux qui, ayant eu l'infortune de vivre dans un passé lointain, ne pouvaient arriver au salut qu'en apprenant et en acceptant après la mort cette forme particulière de la foi, mais aux esprits de ceux qui, ayant [87] tout récemment quitté cette vie, étaient encore emprisonnés et retenus sur le plan astral par des désirs non épuisés et des passions non subjuguées. S'efforcer d'aider cette foule immense d'infortunés en leur indiquant la marche vraie de leur évolution et la meilleure méthode de l'accélérer, était alors un des devoirs de l'initié, comme c'est maintenant un des devoirs des élèves des Maitres ; c'est pourquoi, en cette cérémonie solennelle par laquelle il était dument mis en rapport avec la Grande Confrérie, il recevait sa première leçon sur une partie importante du travail qu'il aurait désormais à accomplir. Pendant cette même "descente aux enfers", le candidat, conformément au rite égyptien, devait passer par ce qu'on appelait "les épreuves de la terre, de l'eau, de l'air et du feu", à moins qu'il n'en eût déjà fait l'expérience à un stade antérieur de son développement. En d'autres termes, il devait apprendre avec cette certitude absolue qui vient, non pas de la théorie, mais de la pratique, que, pendant qu'il était en corps astral, aucun de ces éléments ne pouvait être un danger pour lui, ni un obstacle à son travail. Quand nous fonctionnons dans le corps physique, nous sommes parfaitement convaincus que le feu nous brulera, que l'eau nous noiera, que le roc solide formera une barrière infranchissable [88] à notre marche, que nous ne pouvons impunément nous lancer sans aucun soutien dans l'air ambiant. Cette conviction est si profondément enracinée en nous que la plupart des hommes doivent faire de sérieux efforts pour vaincre la répulsion instinctive qui s'ensuit, et pour comprendre que, lorsqu'ils agissent dans le corps astral, le roc le plus dense n'est pas un empêchement à la liberté de leur mouvement, qu'ils peuvent sauter avec impunité de l'escarpement le plus élevé et plonger avec la confiance la plus absolue dans le cratère du volcan en éruption ou dans les abimes les plus profonds de l'insondable océan. Cependant, tant qu'un homme ne connait pas cela – et il faut le connaitre suffisamment pour agir d'instinct et en toute assurance – il n'est d'aucune utilité dans le travail astral, car dans des cas qui surgissent constamment, il serait sans cesse paralysé par son incapacité imaginaire. C'est pour cette raison qu'il y a des milliers d'années le candidat devait subir les épreuves de la terre, de l'eau, de l'air et du feu, et c'est pour la même raison qu'il doit les subir aujourd'hui. Pour le même motif encore, il doit passer par mainte expérience étrange, affronter avec un courage imperturbable les apparitions les plus terrifiantes dans les ambiances les plus [89] répugnantes, bref, il doit fournir la preuve qu'il mérite toute confiance, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il peut à tout moment se trouver. C'est donc là un des nombreux avantages de "la descente aux enfers". CHAPITRE IV — LA RÉSURRECTION L'ascension. – Le Saint-Esprit. – L'évolution de l'atome ; de l'homme ; du monde. Le troisième jour est ressuscité d'entre les morts. – Toute personne, qui a étudié sérieusement le récit des évangiles orthodoxes a dû se dire que donner l'intervalle, qui sépare le vendredi soir de l'aube du dimanche, pour trois jours complets était une licence poétique assez hardie. On pourrait soutenir, toutefois, que ce laps de temps n'est pas en désaccord avec le texte du crédo "le troisième jour, il est ressuscité" ; mais pour présenter un argument aussi spécieux il faudrait ne tenir aucun compte de l'assertion, pourtant bien nette, attribuée à Jésus, que "le Fils de l'Homme restera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre". L'explication réelle de ces divergences, qui paraissent [91] déconcertantes, devient suffisamment claire dès qu'on donne au texte du crédo son sens véritable. À l'époque du déclin et de la dégénérescence des Mystères, quand on s'efforçait de réduire à leur minimum les conditions requises afin d'en rendre l'accès plus facile aux candidats moins dignes, qui n'étaient pas capables de passer à l'état de transe, on s'aperçut bientôt que, pour certains genres d'esprit, il était intolérablement ennuyeux de passer, en un séquestre si rigoureux sur le plan physique les soixante-dix-sept heures qui, à l'origine, étaient si bien employées sur le plan astral ; en conséquence les hiérophantes – Sycophantes – de cette dernière époque des mystères découvrirent, bien à propos, que soixante-dix-sept était une erreur de copie pour vingt-sept, et que, dans la formule originale, les mots "après le troisième jour" n'avaient réellement, d'autre sens que 17 "(pendant) le troisième jour" ; de cette façon ils épargnaient à leurs dignes protecteurs deux jours complets de ce qui était pour eux, pour me servir d'une expression moderne, une véritable "prison cellulaire". Cette version corrompue est assez exactement représentée par la durée symbolique employée [92] dans les évangiles ; mais elle n'aurait pu être adoptée si le sens réel du rituel original n'était passé en oubli. Antérieurement, ce n'était qu'après trois jours entiers et trois nuits, et une partie du quatrième jour, que le candidat, toujours à l'état de transe, était 17 En anglais : on the third day, au lieu de after the third day. – NDT retiré du sarcophage dans lequel il avait été couché, et porté en plein air, du côté oriental de la pyramide ou du temple, de façon que les premiers rayons du soleil levant vinssent lui frapper le visage et l'éveiller de son long sommeil. Si nous nous rappelons que le rituel tout entier symbolise la descente du Second Logos dans la matière, il ne nous sera pas difficile de comprendre pourquoi ce moment particulier de la journée était choisi : Pendant trois longues rondes et une partie de la quatrième, l'essence monadique s'enfonce de plus en plus profondément dans le bourbier de la matière dense ; c'est seulement à la quatrième ronde, quand le soleil se lève – quand les Seigneurs de sa Flamme 18 apparaissent sur la terre, – que cette essence s'élève, ressuscite d'entre les morts et entre dans l'envolée puissante de son arc ascendant qui doit, à la fin, la placer à la droite du Père. [93] L'ascension Est monté au ciel. – Aucune explication n'est nécessaire pour montrer le sens de cette phrase rapportée au progrès ascendant de l'âme humaine ; mais la place qu'elle occupe dans l'ancien rituel égyptien est digne de notre attention. Car, les leçons que le candidat avait à apprendre lors de son initiation ne se bornaient pas à ses expériences sur le plan astral ; à ce moment de son évolution il devait être mis en contact avec quelque chose de bien plus élevé, de bien plus vaste. Ceux qui ont étudié la partie de la littérature théosophique qui traite du sentier de la sainteté se rappelleront que le Sotâpanna, "l'homme, qui est entré dans le courant", reçoit, comme une partie de son initiation, la première lueur de l'éveil de sa conscience sur le plan Bouddhique. Tout naturellement, ceci se passait également dans le rite égyptien et c'est cette expérience transcendante, qui transformait entièrement chez un homme ses conceptions de la vie et de l'évolution, que désignait l'ascension au ciel. L'homme, pour la première fois, comprenait par sa propre expérience, cette doctrine grandiose qui nous est si familière à tous comme théorie : la fraternité spirituelle des hommes et l'unité de tout ce qui vit. Mais entre l'admission de cette doctrine comme simple théorie et sa [94] vérification directe comme un fait de la nature, la différence est si grande 18 C'est-à-dire, de la flamme du Logos solaire. que cette expérience, comme nous l'avons déjà dit, change la vie tout entière de l'homme et son attitude : jamais plus, il ne pourra rien considérer dans le monde de la même manière qu'auparavant ; tout en éprouvant la plus vive sympathie pour la souffrance, jamais plus sa tristesse n'ira sans espoir, car il sait que celui qui souffre est lui aussi une partie de la grande vie une et que, par conséquent, tout finira par être pour le mieux. Est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts. – On constate ici pour la première fois une divergence de sens bien nette entre le texte du crédo tel que nous le possédons maintenant et la rubrique égyptienne. Dans celle-ci, le passage correspondant est tout simplement une extension de celui qui le précède, et il nous expose très clairement et magnifiquement le but précis de toute cette immense carrière évolutive : "Il sera emporté au ciel pour être la main droite de Celui de Qui il vint, ayant appris à guider les vivants et les morts." Il nous est resté, cette fois du moins, un document accessible à l'érudition ordinaire, venant confirmer l'idée que tel a pu être le texte original : dans la Régula d'Appelles, disciple de [95] Marcion, nous lisons "la main droite du Père, d'où il est venu pour gouverner les vivants et les morts". Toute allusion à l'attente de la seconde venue du Christ se trouve donc écartée et nous sommes en présence d'une déclaration importante qui non seulement insiste sur ce grand fait que la vie qui a été déversée retourne dans toute sa plénitude à Celui d'où elle vint, mais proclame aussi que tout cet immense processus fut entrepris, afin que l'humanité, en retournant ainsi à Lui, devînt la main droite – le bras droit – de ce Père tout-puissant dans Son œuvre de la direction des vivants et des morts. La grande vérité que tout pouvoir gagné ne nous est confié que pour être employé comme moyen d'aider les autres a rarement été exprimée avec plus de clarté et plus de grandeur. Le malentendu créé par la confusion introduite ici dans le crédo, a été encore accentuée par l'emploi de l'expression "juger". Les témoignages ne manquent pas pour montrer que le mot a eu autrefois une signification beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui dans les phrases "En ce temps-là, Déroba… jugeait Israël." (Les Juges. IV. 4), et, "Après lui, se leva Jaïr, Galaadite qui jugea Israël vingt-deux ans" (Les Juges. X. 3.), etc. Il est évident que le mot "juger" est simplement synonyme de "gouverner". [96] Pris dans cette acception, le mot "juger" donne au texte du crédo un sens qui nous rapproche de la conception de guider et d'aider, exprimée par la formule égyptienne. C'est de cette magnifique conception d'un gouvernant dont le seul objet est de guider et d'aider qu'on a pu dire avec raison, dans les paroles ajoutées au symbole de Nicée, que "Son royaume n'aura point de fin". Le Saint-Esprit Je crois au Saint-Esprit. – Dans cet article, le dernier du crédo original rédigé par le Concile de Nicée, nous revenons encore une fois à la formule donnée par le Christ. Nous avons déjà expliqué dans la première partie de ce volume que le Saint-Esprit correspond au troisième Logos ou Mahat, "l'Esprit de Dieu qui couve la surface des eaux" de l'espace et appelle ainsi à l'existence la matière, telle que nous la connaissons aujourd'hui. C'est son énergie qui donne naissance à toutes les combinaisons primaires des atomes ultimes de nos plans ; les "atomes" dont parle la chimie moderne sont donc le résultat de son travail. Son action les a appelés à l'existence dans un ordre bien défini, qui, d'après les investigations faites jusqu'à présent, semble correspondre à celui des poids atomiques ; ainsi les substances ayant un poids atomique élevé, telles que le plomb, l'or, le platine [97] sont de formation beaucoup plus récente que les éléments d'un poids atomique faible, comme l'hydrogène, l'hélium ou le lithium. La simple mention de l'existence du Saint-Esprit qu'on trouve dans le crédo des Apôtres et dans la forme originale du crédo de Nicée, fut considérablement amplifiée au Concile de Constantinople en 381, et, pour la première fois, le titre magnifique de "Dispensateur de la vie", y fut inséré. Malheureusement la version anglaise donne lieu à une erreur bien vulgaire, et, le plupart des gens, en récitant les mots "le Seigneur et le Dispensateur de la Vie", croient probablement que cela signifie – en supposant qu'ils songent à la signification de ce qu'ils disent – le Seigneur de la Vie et le Dispensateur de la Vie. Or, en nous reportant à l'original grec, nous voyons immédiatement que rien n'autorise cette interprétation et, que la traduction exacte est simplement "le Seigneur, Dispensateur de la Vie". Un pareil titre pouvait bien Lui être donné, non seulement à cause de l'œuvre puissante faite par Lui quand le système solaire fut appelé à l'existence, non seulement parce que de Lui provient toute vie qui soit à notre connaissance (car le jîva omniprésent n'est que sa manifestation sur les plans inférieurs), mais à cause de [98] l'œuvre également immense qu'il accomplit maintenant encore. L'effet de cette première grande émanation d'énergie est-il actuellement achevé, ou des éléments chimiques d'une espèce encore plus complexe sont-ils en voie de formation ? Nous n'en savons rien ; mais ce qui est certain, du moins, c'est que tout autour de nous se poursuit une évolution si vaste dans son ensemble et en même temps si infiniment menue dans sa méthode, que nous vivons au milieu d'elle sans en avoir aucunement conscience. Ce n'est pas l'évolution spirituelle de l'âme immortelle dans l'homme, car elle est l'œuvre du Premier Logos de notre système ; ni l'évolution dont la science reconnait le progrès constant dans le règne animal et dans le règne végétal, le développement de l'intelligence et des facultés au moyen d'expériences répétées et la modification correspondante des formes extérieures qui en est la conséquence ; ce n'est pas même l'évolution de la puissance de combinaison dans le monde minéral produisant des composés chimiques complexes de plus en plus nombreux. Car toutes font partie de l'activité merveilleuse du Second Logos ; mais c'est au dedans d'elles toutes et derrière elles que se produit l'évolution de l'atome lui-même. L'évolution de l'atome Évolution de l'atome. – Pour expliquer la [99] méthode de cette évolution, il nous faudrait plus d'espace qu'il ne peut lui en être consacré ici ; et d'ailleurs ce serait quelque peu en dehors de mon sujet, qui est l'étude du crédo ; mais, ceux qui liront l'article de Mme Besant sur La Chimie Occulte (Lucifer, novembre 1895), trouveront là des indications au sujet de la manière dont ce travail s'accomplit. On se souviendra que la planche qui accompagne cet essai, représente l'atome comme composé d'une série de tubes en forme de spirale arrangés suivant un certain ordre ; d'après les explications données, ces tubes sont eux-mêmes composés de tubes plus fins, enroulés également en spirale, et ces derniers, à leur tour, sont formés d'autres tubes plus fins encore, et ainsi de suite. Les plus fins de ces tubes ont été appelés respectivement spirilles du premier, du deuxième, du troisième ordre, et ainsi de suite. Avant de retrouver le filament droit, ou la ligne d'atomes astraux (l'atome physique ultime est formé par les enroulements de dix de ces lignes) nous devons dérouler sept séries de ces spirilles, dont chacune est enroulée à angle droit de celle qui précède. Or dans l'atome physique parfait, tel qu'il le sera à la fin de la septième ronde, ces différentes séries de spirilles seront complètement vitalisées [100] et actives, et chacune sera parcourue par une force d'un ordre différent ; alors sera accomplie cette partie spéciale du travail du SaintEsprit. Nous sommes, à présent, dans la quatrième ronde et seulement quatre de ces séries de spirilles sont en activité, de sorte que même la matière physique dans laquelle nous avons à agir est loin d'avoir développé toutes ses capacités. Ce processus puissant de l'évolution atomique, qui pénètre toutes choses et qui pourtant suit son cours d'une manière absolument indépendante de toutes conditions, s'accomplit avec continuité sous l'impulsion prodigieuse de la première Grande Émanation, celle du Troisième Logos. Il parait clair que toute cette merveilleuse activité tend et a toujours tendu vers la différentiation, vers l'individualisation, en quelque sorte ; il est également évident que l'action de la deuxième Grande Émanation éveille toutes sortes de nouveaux pouvoirs de combinaison, qui semblent avoir pour but un retour à une sorte d'unité supérieure ; nous sommes donc en présence de ce qui parait être, à première vue, une opposition entre le travail de ces deux forces puissantes. Or, comme je l'ai dit auparavant, nous n'avons maintenant au sujet de ces opérations merveilleuses [101] que des notions extrêmement fragmentaires ; de plus, nous avons le désavantage de les regarder d'un plan si inférieur, – les examinant, pour ainsi dire, d'en bas et non d'en haut, – que même les plus avancés d'entre nous ne peuvent avoir au sujet du mécanisme réel de ce vaste plan que des idées tellement incomplètes, qu'elles pourraient nous mener à des erreurs infinies et à des blasphèmes tout aussi bien, si nous ne prenions la précaution de les présenter avec la réserve et la modestie qui conviennent. Pourtant il me semble que si bornée que soit l'investigation qu'il nous est possible de faire de la prodigieuse complexité de l'évolution, nous saisissons çà et là, sur des parties de son plan, des aperçus, des indications dont nous pouvons éprouver la justesse en cherchant à les appliquer à d'autres niveaux de l'immense processus évolutif. Nous voyons, par exemple, clairement ici la mise en action du principe fondamental qui consiste à générer d'abord un certain ordre d'éléments et à les douer d'une stabilité et, pour ainsi dire, d'une individualité telle, que dans toutes les conditions ordinaires de température et de pression, ils gardent leur situation d'entités séparées, tandis qu'à un stade postérieur nettement plus élevé, les possibilités et le désir [102] de l'union se développent en eux. Il est impossible que ces traits généraux de l'évolution dans le règne animal ne nous rappellent pas cette proposition, que le Logos s'est manifesté, afin que de Lui émanassent une immense multitude d'individus, qui, lorsqu'ils seront suffisamment séparés pour devenir chacun un centre vivant et puissant, s'élèveront de nouveau vers l'union parfaite et réaliseront leur unité avec Lui. L'évolution de l'homme Évolution individuelle de l'homme. – Même quand nous passons à l'étude du développement individuel de l'homme, nous voyons encore le même principe à l'œuvre. Quand l'homme existe nettement à l'état d'individu doué d'un corps causal, toutes les forces du milieu qui l'environne paraissent dirigées vers l'évolution, en lui, du Manas, la faculté qui distingue et qui sépare, qui, dans le microcosme qu'est l'individu humain, correspond clairement à Mahat, l'Intelligence universelle, ou le Saint-Esprit, dans le macrocosme. Beaucoup plus tard apparait le développement de Bouddhi, la faculté de rapprocher, d'unifier, qui, à bien des points de vue, peut être considérée comme correspondant, dans l'homme, à ce qu'est le Second Logos dans le monde. Bien plus, quoique cette affirmation puisse paraitre incompréhensible et que, tout effort pour l'expliquer reste vain, la réalité vraie [103] est que les principes de l'homme appelés Atmâ, Bouddhi, Manas, ne sont pas simplement des correspondances ou même des reflets ou des rayons des Trois Grands Logoï, mais qu'ils sont, d'une manière qui nous échappe, bien vraiment ces entités glorieuses, incréées, incompréhensibles, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L'évolution du monde Évolution du monde. – Dans les phases successives de l'évolution du monde également, cette même loi générale subsiste. Là aussi, l'action a été, jusqu'à présent, principalement créative et séparative ; son œuvre principale a été le développement de Manas, et c'est à peine si nous voyons, pour le moment, poindre le premier éveil de Bouddhi, le grand pouvoir unifiant qui est vraiment le Christ dans l'homme. Çà et là apparaissent des hommes chez qui un peu de cette influence (due à Bouddhi) se laisse voir ; çà et là quelque faible indice de l'avenir peut être discerné par ceux qui savent lire les signes des temps. Il est même fort possible que certaines des caractéristiques les plus inquiétantes de notre état social, si malfaisants qu'en soient les effets immédiats, si vicieuse qu'en soit l'organisation, perverties qu'elles sont par l'égoïsme et l'ignorance sans bornes de leurs partisans, par leur haine aveugle des bons et des sages, cachent parmi tant d'injustice, la vague [104] lueur d'une espérance : elles sont peut-être la première manifestation d'une force qui est derrière elles et qui les pousse, les premiers tâtonnements aveugles et mal dirigés des ignorants vers l'unité vraie qui doit être un jour, mais qui ne sera réalisée que par des moyens absolument opposés à ceux qui sont employés aujourd'hui. Rappelons-nous qu'après tout nous venons seulement de dépasser le point tournant du système entier de l'évolution, que nous venons seulement d'entrer dans le puissant courant ascendant qui a pour fin la divinité. Nous ne sommes encore que dans la quatrième ronde, la ronde, qui, à proprement parler, est consacrée au développement de kâma et du corps astral. Le fait que nous nous trouvons en possession de Manas au stade actuel de notre progrès est dû presque entièrement à l'aide et au stimulant donné à notre humanité, à une époque relativement récente par la venue des puissants Seigneurs de la Flamme. Le développement complet de Manas ne doit même pas être achevé avant la ronde prochaine ; nous ne pouvons donc surement, pas avant longtemps, espérer autre chose qu'un simple avant-gout du prodigieux pouvoir de Bouddhi. Cependant, si lentement que ce soit, la nature [105] avance vers ce but, et l'avenir appartient à ceux qui, reconnaissant le fait, travailleront en conséquence, qui, de toutes les façons possibles, s'efforceront d'aider au progrès du principe unificateur, d'abattre les barrières de méfiance et de haine qui séparent si souvent les classes de la société et les nations. C'est là le vrai travail théosophique – le travail de nos Maitres – et c'est le plus grand des privilèges d'être admis à y collaborer même dans la plus petite mesure et avec les plus modestes capacités. CHAPITRE V — LA PROCESSION DU SAINT-ESPRIT Les Messagers et les Prophètes. – La Sainte Église Catholique. – La Communion des Saints. – La rémission des péchés. – Le Baptême. – La résurrection de la chair et la réincarnation. – La vie éternelle. Qui procède du Père et du Fils. – C'est à propos de cette doctrine de la procession du Saint-Esprit que s'éleva le grand schisme, qui déchira l'Église chrétienne en deux parties ; il s'agissait de savoir si la Troisième Personne de la Trinité procédait de la Première seule ou de la Première et de la Seconde. En considérant, comme nous le faisons ici, la signification ésotérique du symbole, nous voyons que l'Église d'occident n'a ni surchargé, ni altéré la doctrine originale en insérant la célèbre clause du filioque ; elle exprimait seulement par des mots ce qui, [107] dès le principe, avait dû paraitre évident à quiconque était capable de lire le sens caché derrière la lettre de la formule. L'interprétation de saint Jean Damascène, "qui procède du Père par le Fils" (De Hymno Trisag., n° 28) est peut-être celle qui se rapproche le plus de la vérité ; cependant, il eût été mieux encore que les mots employés dans le crédo pour exprimer la provenance du Second et du Troisième Logos eussent été intervertis et que l'on eût écrit que le Fils procédait du Père et que le Saint-Esprit était engendré par le Fils. Nous avons déjà expliqué que la véritable signification de μονογενὴϛ est "provenant d'un seul" et non pas de l'interaction d'une dualité. Toutes les autres choses de la nature, que nous connaissions, sont produites par l'interaction, l'action réciproque de deux facteurs qui sont, soit des entités séparées (ce qui est généralement le cas), soit simplement deux pôles enclos dans le même organisme, comme dans le cas de la reproduction parthénogénétique des générations alternées des aphidiens. Ce qu'on appelle communément la procession du Saint-Esprit n'est ellemême pas une exception à cette règle ; car la dualité du Second Logos a toujours été clairement reconnue, et bien que dans le système du christianisme moderne, [108] les deux pôles ou aspects soient exprimés seulement par sa divinité et son humanité, dans les religions plus anciennes et même dans les traditions gnostiques, ils étaient souvent regardés comme étant respectivement mâle et femelle, et on a fréquemment représenté le Second Logos comme contenant en Lui-même, les caractéristiques des deux sexes ; on l'a même appelé le "Père-Mère", "éternel aux sept robes". Qui conjointement avec le Père et le Fils est adoré et glorifié. – Ceci veut dire simplement que les trois Logoï doivent être considérés comme également dignes de la vénération la plus profonde, et également distincts de tout le reste dans le système auquel ils ont donné naissance, que "dans cette Trinité aucune personne n'est avant, ni après les autres, aucune n'est plus grande, ni moindre que les autres" mais que "toutes sont conjointement égales et coéternelles", du moins en ce qui concerne le présent œon. Toutes doivent être également glorifiées par l'homme, car c'est envers toutes les trois également qu'il a une dette de gratitude, pour le labeur et le prodigieux sacrifice que comporte son évolution. Les Messagers et les Prophètes "Qui a parlé par les prophètes." – Cet article, l'un des premiers incorporés au crédo par le Concile de Constantinople, renferme une [109] méprise très ancienne dont il n'est pas difficile de trouver la raison. Quoiqu'elle n'ait pas directement trait à l'histoire de Jésus, elle n'en doit pas moins être mise au compte de la tendance que nous avons désignée par (c). Le sens de l'expression originale qu'elle est venue remplacer ne pourrait probablement être mieux rendu que par la phrase "qui se manifesta au moyen des anges", et si on se rappelle que, dans la langue grecque, le même mot a les deux sens de "ange" et de "messager", on comprendra aisément comment dans l'esprit d'un traducteur juif, fortement préoccupé de faire ressortir la continuité du nouvel enseignement avec sa propre religion, le passage qui lui eût paru obscur s'il avait relaté "une manifestation par ses messagers", en vint à être interprété comme désignant l'inspiration des prophètes hébraïques. La foi juive, si corrompue et grossièrement matérielle qu'elle fût, conservait encore quelque tradition des messagers par qui le Logos se manifesta dans la matière, les sept grands Archanges appelés plus tard "les sept Esprits devant le trône de Dieu", la première émanation de la Divinité, les sept Logoï mineurs (mineurs seulement en comparaison de l'ineffable splendeur, de la Trinité). Mais il était manifestement impossible qu'un esprit déjà obsédé par l'idée que tout [110] ce qui était dit du Second Logos se rapportait exclusivement à un instructeur humain comprit l'allusion faite dans le passage considéré. Si le Second Logos n'était qu'un homme, et le Troisième Logos une vague influence procédant de Lui, les messagers au moyen desquels cette influence s'était manifestée antérieurement devaient évidemment être aussi des hommes, et il était tout naturel que l'idée de la prétendue inspiration de ses propres prophètes se présentât à l'esprit d'un israélite. La grandeur de la conception véritable était bien au-delà de son horizon borné ; il l'avait déjà avilie et matérialisée au-delà de toute expression ; il ne comprit donc pas l'inconvenance qu'il commettait à considérer les prédicateurs errants d'un bien petit peuple comme directement inspirés par le Très-Haut. La Sainte Église Catholique À la sainte Église catholique. – Dans le crédo de Nicée, nous lisons "une seule Église catholique et apostolique". L'article a toujours été compris comme désignant l'ensemble des croyants sincères du monde entier, le mot "catholique" signifiant simplement universel. C'est par le fait une déclaration de la fraternité humaine, car l'article proclame que la communauté d'intérêt dans les choses spirituelles rapproche les hommes de toutes les nations "sans distinction de race, de croyance, de caste, de sexe ou [111] de couleur", suivant la rédaction du premier objet de la société théosophique. Si nous mettons de côté les erreurs d'interprétation que l'esprit de secte a, par la suite, accumulées autour de ces mots, pour ne penser qu'à leur signification réelle, nous verrons immédiatement combien ils sont splendidement expressifs. L'Église est ἐχχλησία, la collectivité de ceux qui, possédant en commun la connaissance des grands faits qui sont à la base de la nature, sont "appelés hors 19" de la vie mondaine ordinaire, vie d'énergie mal dirigée ; parce qu'ils connaissent l'importance des unes et des autres, ils ont "placé leur affection sur les choses d'en haut et non sur les choses de la terre", quelle que soit la nation à laquelle ils appartiennent et le nom par lequel ils se trouvent avoir à désigner leur foi dans les choses spirituelles. Tous ne reconnaissent pas encore, à beaucoup près, leur confraternité ; entre la plupart d'entre eux règnent la méfiance et les malentendus ; mais quelque triste que soit la constatation, elle n'altère en rien un fait important : par cela même qu'ils donnent aux choses spirituelles la préférence sur les choses temporelles, parce qu'ils sont nettement rangés du côté du bien et non du mal, du côté de l'évolution et non de la rétrogradation, [112] ils sont unis 19 Sens étymologique du mot ἐχχλησία. – NDC par un lien – la communauté du but – qui est plus fort que toutes les divisions extérieures qui les séparent, – plus fort parce qu'il est spirituel, et qu'il appartient par suite à un plan plus élevé que celui-ci. Telle est la vraie Église du Christ ; elle est catholique parce qu'il y a, parmi ses membres, des hommes de toutes les races et de toutes les croyances de la terre, "de toutes nations, de toutes parentés, de tous peuples, de toutes langues" ; elle est sainte, parce que ses membres s'efforcent de rendre leur vie plus sainte ; et ces membres sont des "apôtres", c'est-à-dire – bien que la plupart d'entre eux l'ignorent – des hommes "envoyés" 20 par la puissance suprême qui guide toutes choses, afin d'être Son expression sur la terre, Ses émissaires, pour aider par le précepte et l'exemple leurs frères plus ignorants à apprendre la leçon, importante entre toutes, qui pour eux est devenue une partie de leur propre vie. Bien que de longs siècles s'écouleront peut-être encore avant que tous ses membres n'aient compris leur unité spirituelle et en dépit de ses divisions extérieures, cette Église est une au fond, une en essence : "Ses élus sont de toutes les nations, mais elle est une sur toute la terre." [113] La Communion des Saints À la communion des Saints. – Cet article est interprété de deux manières par l'orthodoxie moderne. D'après l'une d'elles, il n'est que l'extension du précédent "la sainte Église catholique (qui est) la communion des saints" c'est-à-dire que l'Église est formée de l'ensemble de tous les saints de tous les pays, à peu près comme nous venons de l'expliquer ; avec cette différence que, naturellement, dans le système orthodoxe, seuls les Chrétiens de toutes les nations sont reconnus comme frères ! D'après la seconde méthode d'interprétation, un sens plus mystique est attribué au mot "communion" ; elle regarde l'article comme indiquant l'association intime qui existe entre les chrétiens sur la terre et ceux qui sont trépassés – les bienheureux, et, plus spécialement, ceux dont les vertus sont transcendantes, et qui sont habituellement appelés les saints. Comme il arrive souvent, la vérité embrasse les deux hypothèses, mais elle est bien plus grandiose qu'aucune d'elles ; la véritable signification de l'expression de la croyance en la communion des saints est la reconnaissance de l'existence et des fonctions de la Grande Confrérie des Adeptes, chargée 20 Sens étymologique du mot apôtre. – NDC en grande partie de l'évolution de l'humanité. L'article est donc vraiment une extension de l'idée de la fraternité humaine, [114] exprimée par la croyance en la "sainte Église catholique" ; il implique aussi la plus intime association et même la communication avec les plus nobles d'entre ceux qui ont pris l'avance sur nous. Mais il veut dire bien plus encore que tout cela ; à ceux qui l'ont saisi, et même à ceux qui commencent seulement à en comprendre vaguement la signification, il donne un sentiment de paix absolue et de sécurité qui dépasse toute compréhension, qui ne peut être ni ébranlé ni perdu à travers les changements et les hasards de cette vie mortelle. Ceci une fois compris, quelque poignante que soit la part qu'un homme prenne aux multiples souffrances de l'humanité, quelle que soit son impuissance à comprendre la plupart des choses qui se passent dans le monde qui l'environne, pour lui l'élément de désespérance qui rendait toutes choses si effrayantes s'est dissipé pour toujours. Car, bien qu'il sente que des mystères pleins de terreurs et, jusqu'à présent, incomplètement expliqués, se cachent derrière maint acte du grand drame de l'histoire du monde, bien qu'en son esprit surgissent parfois des questions auxquelles l'homme ne peut répondre et auxquelles, jusqu'ici, les puissances supérieures n'ont pas donné de solution, malgré tout cela, il sait, avec la certitude absolue née de l'expérience, que [115] le pouvoir, la sagesse et l'amour qui guident l'évolution dont il est une partie, sont plus forts qu'il n'est nécessaire pour la mener à une fin glorieuse. Il sait qu'aucune sympathie humaine n'égale la sympathie de Ceux qui travaillent pour l'évolution et qui se sacrifient pour l'homme ; que personne n'est capable de l'aimer comme Ils l'aiment ; que bien qu'Ils sachent tout, du commencement à la fin, Leur sérénité n'est point troublée. La rémission des péchés Au pardon des péchés. – Ou, par une traduction plus littérale du texte grec, "à l'émancipation des péchés." Le lecteur trouvera dans un article de Mme Besant paru en novembre 1897 dans la Théosophical Review 21 des détails sur le côté mystique de l'idée symbolisée dans la doctrine de l'Église sur le prétendu "pardon des péchés." Je n'ai pas à m'occuper ici des développements ultérieurs du dogme, mais plutôt de la signification relativement simple de cet article dans la formule originale. 21 Voir aussi le chapitre XI de Le christianisme ésotérique, également de Mme Besant. – NDC Aucune idée ressemblant, même de fort loin, à celle exprimée par le mot "pardon" n'était associée, si peu que ce fût, à cet article qui était une déclaration, par laquelle le candidat reconnaissait formellement la nécessité de se libérer [116] de la domination de tous ses péchés avant de tenter d'entrer dans le sentier du progrès occulte ; et l'esprit en serait rendu d'une manière bien plus exacte par une expression impliquant la croyance à la démission du péché plutôt qu'à sa rémission. Il était avant tout destiné à rappeler nettement le principe qui exige comme condition préalable, absolue, de tout avancement, le développement moral ; c'était aussi un avertissement contre le danger de la méthode des écoles de magie plus ou moins teintée de noir qui n'exigeaient pas de leurs membres la moralité comme une condition nécessaire. Le baptême Mais il avait encore un autre sens, un sens intérieur se rapportant à un degré plus élevé du développement de l'homme ; la forme de ce même article dans le symbole de Nicée l'exprime plus clairement : "Je reconnais un baptême pour la rémission des péchés." Ici encore, bien entendu, nous devons substituer l'idée d'émancipation à l'idée de pardon et, en nous rappelant que le baptême a toujours été le symbole de l'initiation, nous arrivons à une conception qui, dans la phraséologie bouddhiste, plus familière aux lecteurs de la littérature théosophique, aurait pu s'exprimer ainsi : "Je reconnais une (certaine) initiation pour le rejet des entraves." Le candidat proclame par là qu'il se propose expressément [117] pour but l'initiation Sotâpatti, une certaine initiation conférée exclusivement par la Confrérie seule et unique au nom du Grand Initiateur, et par laquelle il acquiert le pouvoir de rejeter entièrement les entraves du doute, de la superstition et de l'illusion du moi. Je dis avec intention qu'il acquiert le pouvoir ; car, même si ses convictions intellectuelles antérieures sur ces points étaient bien assises, il n'atteint la certitude qui provient de la connaissance directe qu'après avoir pris contact avec la conscience Bouddhique par une expérience personnelle qui fait partie du rituel de cette initiation, le portail du Sentier de la Sainteté. Par ce contact, si instantané qu'il soit, non seulement ses connaissances reçoivent une telle extension que la nature entière revêt pour lui un nouvel aspect, mais de plus il s'établit pour l'instant entre son Maitre et lui, un rapport d'une intimité qui dépasse, et de beaucoup, toutes les idées qu'il pouvait s'en faire jusque-là. Ce n'est qu'un éclair, mais il suffit pour conférer au candidat un vrai et réel baptême ; dans son âme descend un tel flot de pouvoir, de sagesse et d'amour, qu'il devient tout à coup capable d'efforts qui lui eussent auparavant paru inconcevables. Non que l'attitude, ni le sentiment du Maitre aient changé à son égard ; seulement, [118] l'élève, par le développement d'une faculté nouvelle, est devenu capable de voir plus de ce qu'est le Maitre et, par suite, de recevoir de lui davantage. Cette initiation Sohan ou Sotâpatti est donc, dans le véritable sens des mots, "un baptême pour l'émancipation des péchés", et le baptême administré aux enfants, aussitôt après leur naissance, n'était qu'un symbole et une sorte d'anticipation de cette initiation. C'était une cérémonie destinée à vouer, en quelque sorte, la jeune vie à l'effort d'entrer dans le Sentier. Presque aussitôt après que la tendance matérialisatrice se fut fait sentir, le sens véritable de tout ceci s'obscurcit, et alors il devint nécessaire d'inventer quelque raison pour justifier la cérémonie du baptême. Une vague tradition, toutefois, subsistait de son association avec la délivrance du péché, et, comme il était évident, même pour un père de l'Église, qu'un enfant qui venait de naitre ne pouvait pas avoir commis de fautes graves, l'extraordinaire doctrine du péché "originel" fut inventée et fit beaucoup de mal dans le monde. La résurrection de la chair et la réincarnation À la résurrection du corps. – Voici, derechef, un cas absolument semblable au précédent : une doctrine parfaitement simple et raisonnable en elle-même est mal comprise par les ignorants, [119] elle tombe graduellement dans l'oubli et à sa place, on érige un dogme monstrueux et absurde. Que de livres ont été écrits, que de sermons ont été prêchés pour défendre un enseignement scientifiquement impossible ; la résurrection du corps physique – "de la chair", comme il est dit dans un crédo anglais de l'an 1400 environ 22 – alors que l'article n'a jamais été autre chose que l'affirmation de la doctrine de la réincarnation ! Cette croyance qui, en des temps plus éclairés, était universelle, avait graduellement disparu de la connaissance populaire en Égypte, dans sa dernière période, en Grèce à l'époque classique et à Rome, mais, naturellement, on l'avait toujours conservée dans l'enseignement des 22 La même expression se trouve dans le crédo des Apôtres de l'Église catholique. Voir page 10. – NDC Mystères. Elle était clairement exprimée dans la formule originale donnée par le Christ à ses disciples ; il fallut l'ignorance grossière des temps qui suivirent pour défigurer l'explication si simple, que l'homme, après sa mort, réapparaitrait sur la terre dans une forme corporelle, en une théorie d'après laquelle, à un moment à venir, il rassemblerait les particules même dont son véhicule physique était composé au moment de sa mort, pour reconstituer son cadavre sous sa forme première. [120] La rédaction du crédo de Nicée "j'attends la résurrection des morts" est plus compréhensible, bien que dans quelques-unes de ses variantes les plus anciennes il soit aussi question de la résurrection de la chair. Aucune de ces versions n'éveille l'idée, pourtant bien simple, qu'il s'agissait de la résurrection dans un corps, et non de la résurrection du même corps. Toutefois, à examiner le sujet sans parti pris, il semble bien qu'aucune interprétation ne saurait mieux satisfaire les conditions de l'enseignement donné (par le Christ). La raison nous conduit, en effet, à penser que le corps corruptible ne peut pas ressusciter ; c'est pourquoi ce qui ressuscite doit être l'âme incorruptible. Puisque cette âme doit réapparaitre dans un corps, elle ne le peut que dans un nouveau corps, c'est-à-dire dans le corps d'un enfant. Les preuves ne manquent pas non plus, même sur le plan physique, pour appuyer la thèse (que nous savons, d'après d'autres sources, être vraie) que cette croyance en la réincarnation était partagée par beaucoup à l'époque assignée au Christ et que lui aussi la professait et l'enseignait. La métempsychose des âmes était un trait distinctif de la Kabale juive ; Josèphe déclare que les Pharisiens croyaient au retour sur la terre, dans d'autres corps, de l'âme des justes ; la question [121] posée à Jésus au sujet de l'homme aveugle-né prouve distinctivement que le fait de la réincarnation était connu de même que sa propre remarque concernant la renaissance d'Élie sous la forme de Jean-Baptiste. Jérôme et Lactance témoignent tous deux que l'Église primitive croyait à la métempsychose. Origène non seulement exprime sa croyance à ce sujet, mais il a soin de déclarer que ses idées sur cette question n'ont pas été tirées de Platon, qu'il avait été instruit par Clément d'Alexandrie qui avait étudié sous Pantænus, disciple de personnages apostoliques. À vrai dire, il ne parait pas du tout impossible que cette doctrine de la réincarnation fût un des "mystères" de l'Église primitive, enseigné seulement à ceux qui en étaient dignes. La vie éternelle Et à la vie à jamais. – La forme semi-poétique que nos traducteurs ont donnée à cet article du crédo des Apôtres a fait croire aux orthodoxes, qu'il se rapportait à la vie éternelle dans le ciel ; mais en réalité telle n'en est pas la signification ; il est simplement une déclaration sans équivoque de l'immortalité de l'âme humaine. Dans le crédo celtique, la forme est plus simple encore : "Je crois en la vie après la mort" tandis que le symbole de Nicée emploie l'expression, "la vie de l'âge qui doit venir". TROISIÈME PARTIE — LE CRÉDO D'ATHANASE TEXTE DU CRÉDO D'ATHANASE 23 1re partie. – Quiconque veut être sauvé, doit, avant tout, tenir la foi catholique ; quiconque ne la gardera pas entière et intacte, périra éternellement, sans aucun doute. Et telle est la foi catholique : elle consiste à adorer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité [124] dans l'Unité, sans confondre les personnes ni diviser la substance. Car autre est la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. Mais la divinité du Père, du Fils et du SaintEsprit est une, leur gloire est égale et leur majesté coéternelle. Tel qu'est le Père, tel est le Fils et tel le Saint-Esprit. Le Père est incréé, incompréhensible, éternel, Seigneur et tout-puissant. Le Fils et le SaintEsprit le sont de même, et, cependant, il n'y a pas trois incréés, trois incompréhensibles, trois éternels, trois Seigneurs et trois tout-puissants. Le Père est Dieu et Seigneur, le Fils est Dieu et Seigneur, l'Esprit est Dieu et Seigneur, et, ils ne sont pas trois Dieux, trois Seigneurs, mais un seul Dieu, un seul Seigneur. Car de même que nous sommes contraints par la foi chrétienne à reconnaitre chaque personne comme étant par elle-même Dieu et Seigneur, de même il nous est défendu par la religion catholique de dire qu'ils sont trois Dieux ou trois Seigneurs. Le Père n'a été fait, ni créé, ni engendré par aucun être. Le Fils n'a été fait, ni créé, mais engendré par le Père seul. Le Saint-Esprit n'a été fait, ni créé, ni engendré, mais procède du Père et du Fils. Il n'y a donc qu'un Père et non pas trois, qu'un Fils et non pas trois, qu'un Saint-Esprit et non pas trois. Et dans cette Trinité [125] aucune personne n'est avant ni après les autres, aucune n'est plus grande, ni moindre que les autres, mais toutes sont conjointement égales et coéternelles. De sorte qu'en toutes choses, ainsi qu'il a déjà été dit, on doit vénérer et l'Unité dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité. Voilà donc ce que doit croire quiconque doit être sauvé. 23 Pour plus de clarté, nous avons cru devoir ajouter en tête de cette troisième partie le texte complet du symbole dont elle est le commentaire. Le texte donné est celui de l'Histoire du Christianisme, par Et. Chastel, Paris, Fischbacher, 1881, avec de très légères modifications de pure forme ayant pour but d'éviter toute différence avec la traduction des articles cités par M. Leadbeater. – NDC Deuxième partie. – Il est encore nécessaire, pour le salut éternel, de croire fidèlement à l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car c'est la vraie foi de croire et de confesser que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est pareillement Dieu et homme ; il est Dieu de la substance du Père, engendré avant les siècles, homme de la substance de sa mère, né dans le siècle ; Dieu parfait, homme parfait, composé d'une âme rationnelle et d'une chair humaine, égal au Père quant à sa Divinité, inférieur au Père quant à son humanité ; et qui, bien qu'il soit Dieu et homme n'est point deux, mais un seul Christ ; un seul, non par le changement de sa divinité en chair, mais par l'assomption de son humanité en Dieu ; un absolument, non par confusion de substances, mais par l'unité de la personne ; car comme l'âme rationnelle et la chair ne constituent qu'un seul homme, le Dieu et l'homme ne constituent qu'un seul Christ, qui a [126] souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour, est monté au Ciel, est assis à la droite de son Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts, et à la venue duquel tous les hommes doivent ressusciter avec leurs corps et rendront compte de leurs propres actions ; ceux qui auront fait le bien iront à la vie éternelle et ceux qui auront fait le mal au feu éternel. C'est là la foi catholique sans la fidèle profession de laquelle nul ne peut être sauvé. CHAPITRE I — PREMIÈRE MOITIÉ DU CRÉDO Le quicumque vult Ayant passé en revue les différents articles du crédo de Nicée et du crédo des Apôtres, il ne nous reste plus qu'à considérer dans le crédo d'Athanase les points que nous n'avons pas eu l'occasion d'envisager dans notre étude des deux symboles plus anciens. Le crédo d'Athanase est, d'ordinaire, regardé comme n'étant guère qu'une amplification des formules premières, et, comme je l'ai déjà dit, la critique assigne à sa composition une date relativement récente. Durant ces dernières années, il a été l'objet de nombreuses attaques à cause des articles sur la damnation, et beaucoup de gens qui, trop naturellement, en ont mal compris la véritable signification, [128] en sont venus à considérer le symbole entier avec horreur ; et même parmi les membres les plus éclairés de notre clergé 24 , quelques-uns, bravant ouvertement les instructions de leur règlement, se sont refusés à en permettre la récitation dans leurs églises. Si le sens ordinairement attribué à ces articles était leur vrai sens, un tel refus serait plus que justifié, mais ces articles ne soulèvent dans l'esprit de l'étudiant de la Théosophie aucune objection, car il y voit, non pas une proclamation blasphématoire de l'incapacité du Logos à mener à bonne fin l'évolution qu'Il a commencée, mais le simple énoncé d'un fait bien connu de la nature. Examinons donc le quicumque vult en omettant, cela va de soi, dans nos explications, tout ce qui ne serait que des redites, en nous en tenant, par conséquent, aux points où ce crédo est plus complet que les deux autres. Nous nous trouvons dès les premiers mots "quiconque veut être sauvé" en présence de l'erreur la plus flagrante, car on leur attribue d'ordinaire un sens qui est un véritable blasphème, le sens de "sauvé de la damnation éternelle", ou "de la colère de dieu" (je ne puis vraiment faire l'honneur d'une majuscule à un [129] être qui serait capable, dans sa colère, de commettre l'inqualifiable atrocité d'infliger des tortures éternelles). Une traduction beaucoup plus exacte, surtout parce qu'elle se prêterait moins à ce contresens 24 Le clergé de l'Église anglicane. – NDC théologique, serait "quiconque veut être sauf". Mis sous cette forme, l'article prend immédiatement, pour tout étudiant en occultisme, un sens précis. Nous avons tous lu, dans les premiers ouvrages de la littérature théosophique, qu'il y aurait durant la cinquième ronde une période critique ; nous entendons par là qu'une époque alors viendra où une portion considérable de l'humanité devra être laissée en dehors de notre plan d'évolution, pour cette seule raison qu'elle ne sera pas encore suffisamment développée pour tirer parti des possibilités qui s'offriront alors aux humains, parce que les conditions de l'existence seront devenues telles qu'il n'y aura, à ce moment, plus de types d'incarnation assez peu avancés pour convenir aux retardataires. Nous devons donc en venir à un départ bien tranché, à une espèce de "jour de jugement", où se fera la séparation des "brebis" et des "boucs" ; les unes passeront dans la vie æonienne, les autres dans la mort æonienne ou tout au moins dans un état d'évolution relativement suspendue. Remarquez que je dis æonienne, c'est-à-dire, [130] ayant la durée de l'âge (ou dispensation, ou manvantara) présent, mais n'impliquant aucunement l'idée d'éternité. Ceux qui, pour le moment, sont sortis du courant du progrès reprendront leur travail dans la chaine suivante, exactement au point où ils ont dû l'abandonner dans la nôtre ; ils n'ont perdu la place qu'ils avaient dans cette évolution que parce que celle-ci les a dépassés ; s'ils avaient essayé de s'y maintenir, ils n'auraient fait que perdre leur temps. On doit se rappeler que lorsqu'un élève a été assez heureux pour surmonter toutes les difficultés de la période de probation et qu'il a reçu la première initiation qui est l'entrée du sentier proprement dit, on l'appelle le Sotâpanna, "celui qui est entré dans le courant". Ceci signifie qu'il a déjà passé personnellement la période critique que nous avons signalée ; il a déjà atteint le point de développement spirituel que la nature réclame de lui comme une sorte de passeport pour les phases dernières du système évolutif particulier dont nous faisons partie. Il est entré dans le courant de l'évolution, emporté le long de son arc ascendant, et, quoiqu'il puisse encore retarder ou accélérer son progrès, qu'il puisse même, s'il agit follement, perdre un temps précieux, il ne peut plus, d'une manière permanente, [131] se détourner de ce courant ; mais il est constamment emporté par lui vers le but assigné à l'humanité. Il est donc sauvegardé du plus grand des dangers qui menacent l'humanité durant ce manvantara, le danger de passer en dehors du courant de son évolution ; et c'est pourquoi, on parle souvent de lui comme de celui qui est "sauvé", de "l'élu". Tel est le sens, et le seul sens, des paroles du premier article du crédo d'Athanase : "Quiconque veut être sauvé doit avant tout tenir la Foi Catholique." Évitons une erreur courante quant à la signification de cette dernière expression. Le mot catholique veut dire tout simplement "universel" et la foi qui est véritablement universelle, ce n'est pas la forme dont la vérité a été revêtue par l'un ou l'autre des grands Instructeurs, c'est la Vérité elle-même qui se trouve sous toutes les formes, c'est la Religion-Sagesse dont toutes les religions exotériques ne sont que les expressions partielles. Donc cet article, bien compris, n'est que l'assertion du fait indéniable que, pour tout homme qui désire mener son évolution à bonne fin, le point le plus important est de comprendre exactement le grand enseignement occulte de l'origine des choses et de la descente de l'esprit dans la matière. [132] On a contesté l'exactitude de cette interprétation et on a objecté que l'enseignement le plus important pour tout homme est assurément celui qui l'élève moralement et qui lui indique, non ce qu'il doit croire, mais ce qu'il doit faire. Ce dernier principe est parfaitement juste ; mais ceux qui en font une objection ignorent ou oublient le fait que, dans toutes les religions, on devait avoir atteint un plein développement moral avant que fût admise même la possibilité d'atteindre à la compréhension véritable de toute connaissance occulte élevée. Ils oublient aussi que c'est seulement par cette connaissance occulte que s'expliquent et les commandements et les sanctions de leur code moral et jusqu'à la raison d'être elle-même. De plus, il faut comprendre clairement que, si la moralité est absolument nécessaire comme la condition première du progrès réel, elle n'est pas, il s'en faut, tout ce qui est exigé. La bonté inintelligente peut épargner à un homme beaucoup de peines et de chagrins dans le cours de sa marche ascendante, mais elle ne peut pas le mener au-delà d'un certain point ; un moment vient où, pour progresser, il est absolument nécessaire que l'homme sache. Telle est, à la fois, la justification et l'explication du second verset du crédo au sujet duquel s'est élevée une controverse [133] si ardente : "Quiconque ne gardera pas cette foi entière et intacte éternellement, sans aucun doute périra." Comme nous l'avons fait plus haut, nous prenons le mot "éternellement" dans son acception de la durée d'un œon (c'est-à-dire jusqu'à la fin de notre "âge" ou manvantara), et non pas suivant sa signification orthodoxe qui est inacceptable au double point de vue philosophique et métaphysique. Aucun caractère d'ancienneté ne s'attache aux termes mêmes de cette dernière phrase ; car on ne la trouve pas dans la profession de Dénebert, qui est la forme la plus ancienne que nous possédions de cette première partie du crédo. Il est probable que l'écrivain original l'employa, mais que Dénebert, ne la comprenant pas, l'omit. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas à s'en épouvanter, ni à chercher à en écarter la signification évidente ; cet article n'est après tout qu'une inversion du précédent et ne fait qu'insister sur la déclaration, qu'étant donnée l'importance et même la nécessité de comprendre certains grands faits pour traverser la période critique, ceux qui n'ont pas acquis cette connaissance vont à un échec certain. C'est une déclaration grave, assurément, et bien digne de toute notre attention ; mais elle n'a rien qui doive nous effrayer, car lorsqu'un homme a dépassé [134] la phase "d'une vague foi en une espérance meilleure", pour arriver à celle où l'on sait qu'il ne s'agit pas d'espérance, mais de certitude, – en d'autres termes, quand, pour la première fois, il a découvert quelque chose de la signification réelle de l'évolution – plus jamais il n'est exposé à éprouver cette impression terrible d'horreur impuissante qu'engendre la détresse sans espoir. Notre auteur a bien soin de nous faire connaitre ensuite quels sont ces grands faits dont la compréhension est si essentielle à notre espoir de progrès, pour autant que notre intelligence limitée peut les comprendre. Et telle est la foi catholique : elle consiste à adorer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité sans confondre les personnes ni diviser la substance. – Le grand mystère du Logos ne pourrait guère être traduit par des paroles qui le mettent mieux à la portée de notre entendement sur le plan physique ; il serait difficile de mieux exprimer l'Unité éternelle qui est en même temps toujours triple dans Son aspect. La recommandation finale était aussi une nécessité sur laquelle on ne saurait trop insister, car jamais l'étudiant ne sera capable d'approcher de la compréhension de l'origine du système solaire auquel il appartient et [135] jamais, par conséquent, il ne comprendra le moindrement la merveilleuse trinité d'Atmâ, Bouddhi, Manas, qui est Lui-même, s'il ne prend soin de garder nette dans son esprit l'idée des différentes fonctions, des trois grands aspects de l'Unique, de manière à n'être jamais exposé à "diviser la substance" en perdant de vue l'éternelle Unité fondamentale. Très certainement "autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit", persona n'ayant jamais signifié autre chose qu'un masque, un aspect ; et nonobstant il est hors de tout doute et de toute contestation que "la Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est une", que "leur gloire est égale et leur majesté coéternelle" puisqu'ils sont tous trois également les manifestations de la splendeur ineffable de Celui en Qui tout notre système existe, vit et se meut. Ces aspects sont bien réellement "incréés", si nous les considérons dans leur propre système, et différents de toutes les forces, de toutes les puissances comprises dans ses limites, puisque celles-ci sont appelées à l'existence en eux et par eux ; ils sont bien réellement "incompréhensibles", non pas seulement dans le sens moderne "qui ne peut être compris", mais dans le sens beaucoup plus ancien "qui ne peut [136] être contenu", puisque rien sur ces plans de beaucoup inférieurs (les seuls que nous connaissons), ne saurait être plus que la manifestation bien incomplète et très partielle de leur gloire sans tache ; ils sont bien "éternels", puisqu'ils durent aussi longtemps que dure leur système et probablement pendant des milliers de systèmes ; "cependant il n'y a pas trois éternels, trois incréés, trois incompréhensibles", mais un seul éternel, un seul incréé et un seul incompréhensible ; car ce qui, en eux, est incréé, incompréhensible et éternel, ce n'est pas l'aspect, c'est l'Unité sous-jacente qui est une avec le Tout. "Car de même que nous sommes contraints, par la foi chrétienne, à reconnaitre chaque personne comme étant par elle-même Dieu et Seigneur (c'est-à-dire à reconnaitre que le pouvoir tout-puissant du Logos agit également en chacun de Ses trois aspects), de même il nous est défendu par la religion catholique, de dire qu'ils sont trois Dieux ou trois Seigneurs," c'est-à-dire d'opposer en aucune façon ces trois aspects l'un à l'autre, de les considérer comme présentant une disproportion quelconque, ou comme des entités séparées. Combien de fois ces aspects du Divin ont été divisés et adorés séparément comme dieux ou déesses de la sagesse, de l'amour ou de la puissance ; combien désastreux ont été [137] pour les fidèles les résultats de ce développement partiel, inharmonieux, d'un seul côté de leur propre nature, l'histoire en fait foi. Ici du moins l'avertissement contre une erreur si fatale est suffisamment souligné. Nous retrouvons dans le crédo d'Athanase la même préoccupation et le même effort, si marqués déjà dans la rédaction du symbole de Nicée, de rendre aussi claires que possible les différences dans la Genèse des trois aspects du Logos : "le Père n'a été fait, ni créé, ni engendré par aucun être ; le Fils n'a été fait, ni créé, mais engendré par le Père seul ; le Saint-Esprit n'a été fait, ni créé, ni engendré, mais procède du Père et du Fils." Il n'est pas nécessaire que nous reprenions ici les explications déjà données à propos des articles correspondants du crédo de Nicée, si ce n'est pour remarquer que les mots "le Fils a été engendré par le Père seul" affirment, une fois de plus et en l'accentuant, la signification véritable du terme qui est si mal rendu par la traduction habituelle "Fils unique" ou "engendré seul". Notre rédacteur reprend ensuite la grande question de l'égalité des trois grands aspects : "et dans cette Trinité aucune personne n'est avant ni après les autres, aucune n'est plus grande [138] ni moindre que les autres, mais toutes sont conjointement égales et coéternelles." On a objecté qu'au point de vue philosophique ceci ne pouvait être exact, puisque ce qui a un commencement dans le temps doit avoir une fin dans le temps ; que le Fils provenant du Père et le Saint-Esprit du Père et du Fils, un temps doit venir où ces manifestations plus récentes, si glorieuses qu'elles soient, doivent cesser d'être ; qu'en fin de compte, et pour mettre l'objection sous la forme en usage il y a quinze cents ans, "si grand que soit celui qui seul fut engendré, plus grand encore est celui qui a engendré". L'idée semble à première vue trouver un appui dans la partie de l'enseignement théosophique relative à ce qui doit arriver dans un avenir lointain, lors de la période désignée dans nos premiers livres sous le nom de mahâpralaya, quand tout ce qui existe sera une fois de plus réimmergé dans l'infini, quand "le Fils lui-même sera assujetti à Celui qui mit toutes les choses sous Lui, afin que Dieu pût être tout dans tout". Il est clair qu'en réalité nous ne savons et ne pouvons savoir rien de cette grande consommation des âges ; cependant si, nous rappelant un aphorisme occultiste bien connu (c'est en bas comme en haut), nous nous efforçons d'élever notre pensée dans cette direction en [139] nous aidant des analogies de l'histoire du microcosme, qui n'est pas aussi irrévocablement hors de notre portée, nous découvrons quelques raisons de croire que les paroles si affirmatives de notre crédo, même prises dans leur sens le plus élevé et le plus sublime, peuvent encore trouver leur justification comme nous le verrons bientôt. Mais il est évident que cette proposition, de même que le reste du document, doit être regardée comme se rapportant, avant tout, à notre propre système solaire et aux trois aspects de son Logos qui nous représentent les trois grands Logoï ; et bien certainement nous pouvons les considérer comme éternels, en prenant le mot dans le sens de la durée d'un œon car pour autant que nous sachions, longtemps avant l'apparition de notre système, depuis des âges innombrables, Ils existaient comme aspects séparés, et ils existeront aussi durant des âges sans nombre après qu'il aura disparu. Et après tout ce serait un penseur bien superficiel que celui auquel il faudrait prouver que "dans cette Trinité" nul "n'est plus grand ni moindre que les autres", au moins en ce qui concerne l'œuvre de l'évolution humaine ; car s'il est vrai que l'esprit de l'homme est le don direct du Père, puisqu'il ne lui vient que dans [140] cette troisième Émanation qui est de l'essence du Premier Logos, il n'est pas moins vrai qu'aucun véhicule individuel n'eût pu être assez évolué pour recevoir cet esprit sans le long processus de la descente dans la matière de l'essence monadique, qui est l'Émanation de vie du Deuxième Logos, le Fils ; cette descente elle-même n'eût jamais eu lieu si la voie n'avait pas été préparée pour elle par la merveilleuse action vivifiante du Troisième Logos, le Saint-Esprit, sur la matière vierge du cosmos, action nécessaire pour qu'il fût possible, que "pour nous et notre salut" le Deuxième Logos "fut incarné par le Saint-Esprit et la Vierge Marie". Les trois formes d'action furent donc également nécessaires à l'évolution de l'humanité, et c'est pourquoi on nous enseigne formellement que parmi elles "aucune personne n'est avant ou après les autres", ni au point de vue du temps, ni de l'importance : toutes doivent agir également, constamment pour que le résultat visé puisse être atteint ; c'est pourquoi nous leur sommes également attachés, à toutes trois, par les liens de la gratitude la plus profonde ; il reste donc établi que les trois personnes "sont conjointement égales et coéternelles" ; elles sont la triade supérieure qui forme l'individualité du Logos solaire Lui-même. [141] J'ai dit qu'il me semblait possible d'indiquer quelque raison de croire que, prise même dans son sens le plus élevé et le plus transcendant, cette glorieuse Trinité subsisterait tout entière éternellement. C'est qu'en effet il n'y a pas de doute que ses trois personnes correspondent respectivement aux trois principes de l'homme que nous avons l'habitude d'appeler Atmâ, Bouddhi, Manas. Je n'ai pas à examiner ici si ces noms ont été bien choisis, si en Orient leur signification est bien celle que nous y attachons ; je me borne à les employer comme ils l'ont toujours été dans notre littérature, pour indiquer des principes biens connus et bien distincts. Et je veux dire que si nous ne savons absolument rien par nous-mêmes au sujet du pralaya universel, nous possédons en revanche une certaine somme, bien légère, de notions directes sur un processus correspondant, celui du retrait, vers son centre, du microcosme de l'homme. Nous savons comment, après chaque incarnation, un retrait partiel s'effectue et comment, bien que chaque personnalité à son tour semble disparaitre entièrement, l'essence et le produit de tout ce qui a été acquis dans chacune d'elles n'est pas perdu, mais persiste à travers les âges sous une forme plus élevée. Cette forme plus élevée, l'individualité, l'égo réincarnateur, nous semble la seule [142] chose réellement permanente parmi la fantasmagorie de nos vies fugitives ; et pourtant, à une certaine phase plus avancée de notre évolution, notre foi en sa permanence dans l'état où nous l'avons connue recevra un choc aussi rude qu'inattendu. Lorsqu'un homme est assez avancé pour élever sa conscience jusqu'à celle de cet égo, d'une manière complète et bien nette, de façon à s'identifier entièrement avec lui, et non plus avec les personnalités éphémères dont il ne considère maintenant la longue suite que comme autant de jours de sa vie antérieure, il commence à entrevoir, à ressentir d'une manière graduellement croissante, les possibilités d'un véhicule plus subtil et plus glorieux : le corps Bouddhique. Ensuite un moment vient où ce corps, à son tour, est complètement développé, où l'homme est capable de s'en revêtir en pleine conscience et de l'employer comme il faisait, auparavant, de son corps causal. Mais quand, dans la joie d'un tel épanouissement de sa conscience, il abaisse ses regards sur ce qui fut si longtemps l'expression la plus haute de lui-même, sur le corps causal, il découvre, avec un étonnement extrême, que celui-ci a disparu. Ce qu'il croyait être le plus permanent de ses biens s'est évanoui [143] comme une vapeur légère ; il ne l'a pas laissé derrière lui pour le reprendre à volonté, comme il était accoutumé de faire pour son corps mental, son corps astral et son revêtement physique, mais selon toute apparence, il a cessé d'exister. Et pendant il n'a rien perdu ; il est toujours lui-même, la même individualité avec tous les pouvoirs, toutes les facultés et les souvenirs de ce corps disparu, et combien plus encore Il se rend compte bientôt que, tout en ayant franchi les limites de cet aspect particulier de lui-même, il ne l'a cependant pas perdu ; car non seulement toute son essence et sa réalité restent une partie de lui-même, mais à l'instant où, par la pensée, il descend à nouveau jusqu'à ce plan, le véhicule réapparait comme son expression sur ce plan ; ce n'est plus, matériellement le même corps, car les particules qui composaient le premier ont été dispersées à jamais, mais un corps absolument identique, à tous égards, qui vient d'être appelé à une existence objective par le seul fait que l'homme a tourné son attention dans cette direction. Dire alors qu'en un tel homme le Manas est perdu serait le comble de l'erreur ; il existe aussi nettement que jamais, bien que spiritualisé et passé au plan Bouddhique. Et quand, à un stade plus avancé encore, la conscience dépassera les [144] limites du plan Bouddhique lui-même, pouvons-nous douter que tous les pouvoirs ne soient encore en sa possession et même qu'une infinité d'autres pouvoirs ne soient venus s'y ajouter ? Peut-être est-ce dans cette direction que nous trouverons la possibilité de mettre d'accord ces idées si contradictoires en apparence, que tout ce qui existe doit un jour cesser d'être et que, cependant, les personnes de la Trinité sont toutes trois "conjointement égales et coéternelles, de sorte qu'en toutes choses, ainsi qu'il a déjà été dit, on doit vénérer et l'Unité dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité." Cette première moitié du crédo d'Athanase finit donc, comme il a commencé, par une affirmation dont la clarté et la netteté ne laissent rien à désirer : "voilà donc ce que doit croire (de la Trinité) quiconque doit être sauvé". CHAPITRE II — DEUXIÈME MOITIÉ DU CRÉDO Identité et indivisibilité du principe Christ. – La rédemption. – Le feu éternel. Nous trouvons ensuite, tout comme dans les autres crédos, un plus grand détail de la doctrine de la descente du Second Logos dans la matière, et la déclaration que la connaissance de cette doctrine est également indispensable pour le progrès æonien : "il est encore nécessaire pour le salut éternel de croire fidèlement à l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ." Notre rédacteur précise ensuite avec soin et méthode sa manière de voir en cet important sujet : "car c'est la vraie foi de croire et de confesser que NotreSeigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est pareillement Dieu et homme ; il est Dieu, de la substance du Père, engendré avant les siècles, et homme, de la substance de sa mère, né dans le siècle." [146] Identité et indivisibilité du principe Christ Cette partie de notre sujet a été étudiée si complètement déjà dans ce volume à propos du symbole de Nicée, qu'il n'est guère nécessaire d'y insister ici ; nous nous trouvons simplement en présence d'une rédaction plus complète et plus explicite de l'affirmation de l'aspect duel du Christ ; monogène, le premier de tous les œons ou émanations du Père, Il est absolument de la substance du Père et Lui est identique à tous égards, tandis que sous Sa forme postérieure, d'une manière aussi véritable et aussi réelle, Il a pris le revêtement de notre matière inférieure et a été ainsi "incarné du Saint-Esprit et de la Vierge Marie", comme nous l'avons expliqué antérieurement. Et il est expressément dit qu'Il n'a pas existé sous cette dernière forme avant que les "siècles" n'aient commencé, mais qu'Il est "né dans le siècle", c'est-à-dire que Sa descente en incarnation a eu lieu à une époque définie et relativement récente du présent âge manvantara solaire. Il va de soi que le mot latin seculum qu'on a traduit littéralement par le mot siècle, signifie âge, époque. Comme nous l'apprennent les récits que l'on désigne par pure courtoisie sous le nom d' "histoire" de l'Église chrétienne, cette idée de dualité était pour la foi de certains esprits une pierre d'achoppement : il leur semblait impossible [147] que des conditions si différentes pussent être l'une et l'autre les manifestations d'une seule et même puissance. C'est pourquoi notre crédo souligne avec tant d'insistance l'identité et l'indivisibilité du Christos : on nous dit qu'il est "Dieu parfait, homme parfait, composé d'une âme rationnelle et d'une chair humaine (c'est-à-dire formé du Manas aussi bien que des principes inférieurs), égal au Père quant à Sa Divinité" et cependant "inférieur au Père quant à Son humanité" ; Il est égal au Père en tout ; avec cette seule exception qu'Il est descendu d'un degré de plus et que, s'étant ainsi manifesté, Il a temporairement limité la pleine expression de ce qu'il est cependant toujours en essence. Toutefois nous ne devons jamais, dans toutes nos réflexions sur cette dualité, perdre de vue, pendant un seul moment, l'unité fondamentale de la personne, car "bien qu'il soit Dieu et homme, Il n'est point deux, mais un seul Christ ; un seul, non par le changement de sa Divinité en chair, mais par l'assomption de son humanité en Dieu." Si profondément enveloppé dans la matière que soit le principe Christ, il reste tel, tout comme le Manas inférieur est, au fond, un avec le Manas supérieur et n'est qu'un aspect de celui-ci, quelque différent qu'il puisse paraitre [148] parfois, vu d'en bas. Et l'écrivain nous explique plus loin que la proposition doit être considérée comme définitivement et absolument prouvée, moins en raison de l'identité d'origine, dans la Divinité descendue au niveau de l'humanité, que par le fait, plus glorieux encore, que, dans l'avenir, elles seront consciemment une ; alors que toute l'essence véritable du degré inférieur et que toutes les qualités qui, de latentes, seront devenues actives par évolution seront rapportées triomphalement au niveau supérieur et qu'ainsi sera accomplie la plus grandiose des conceptions que jamais doctrine nous donna, la véritable et complète rédemption 25, l'assomption de l'humanité en Dieu. Les deux aspects sont donc fondamentalement, essentiellement, absolument un, non par "confusion de substances (c'est-à-dire en se mêlant, en se fondant l'un dans l'autre), mais par l'unité de la personne". Cette unité a été de tout temps un fait de la nature, que nous n'ayons pas su, voir, tout 25 Atonement signifie dans la langue anglaise : expiation, rédemption ; le même mot, tel qu'il est écrit par notre auteur (at-one-ment) signifie : unification (avec Dieu) ; c'est le yoga, la rédemption au sens ésotérique et théosophique Il y a là un double sens qu'il est impossible de rendre en français par un seul mot. – NDC comme, je le répète encore une fois, le [149] Manas inférieur et supérieur sont un, comme le corps physique est aussi un avec l'âme qui est en lui, car il en est, après tout, une expression, un aspect, si défectueux qu'il soit : "comme l'âme rationnelle et la chair ne constituent qu'un seul homme", de même "le Dieu et l'homme ne constituent qu'un seul Christ". La rédemption Qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour, est monté au Ciel, est assis à la droite de Son Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts. – Ces articles ne demandent aucune explication spéciale ici, puisqu'ils sont simplement une reproduction de ceux que nous avons déjà commentés en détail dans notre étude des crédos antérieurs ; nous nous bornerons à observer, en passant, qu'il n'y est fait aucune mention des mythes de Ponce-Pilate et du crucifiement. En somme, le plus long et peut-être le plus récent des crédos est remarquablement exempt de l'influence corruptrice de la tendance que nous avons appelée (c) ; le seul exemple réellement néfaste que nous en trouvions se présente dans les articles suivants qui sont évidemment une allusion maladroite à l'époque critique de la cinquième ronde : À la venue Duquel tous les hommes doivent ressusciter avec leurs corps et rendront compte [150] de leurs propres œuvres ; ceux qui auront fait le bien iront à la vie éternelle et ceux qui auront fait le mal au feu éternel. – Le rédacteur suppose avec raison que le jugement de la cinquième ronde aura lieu en un temps où les hommes ressusciteront avec leur corps, c'est-àdire où ils se réincarneront ; mais il est dans l'erreur quand il l'associe avec le mythe messianique du grand instructeur Christ. Il a raison, aussi, en affirmant que la vie pour tout le reste de l'œon attend ceux qui ont traversé les épreuves avec succès, mais il se trompe en condamnant au creuset du feu æonien ceux qui ont failli : ce sort n'est réservé qu'aux personnalités qui ont été définitivement séparées de leurs égos. Le feu éternel Ces entités malheureuses (si on peut encore les appeler entités) passent dans la huitième sphère, et là sont dissoutes en leurs éléments constituants qui deviennent ainsi disponibles pour des égos plus dignes dans un manvantara futur. Il n'est peut-être pas inexact de décrire cette dissolution comme la chute dans un feu æonien ; mais, si la science de notre écrivain avait été plus précise, il aurait compris que ceci ne peut arriver qu'à des personnalités perdues, jamais à des individualités ; qu'il ne s'agit, pour celles qui sont simplement rejetées en dehors de la cinquième ronde, que d'un délai œonien et [151] non du feu œonien, car elles doivent demeurer en un état subjectif, mais nullement douloureux, jusqu'à ce que la nature leur offre une autre occasion qui soit en rapport avec leurs facultés. Notre crédo se termine par la répétition de la déclaration par laquelle il commence : "C'est là la foi catholique sans la fidèle profession de laquelle nul ne peut être sauvé." Dans l'édition de Trèves du Quicumque, ce verset se présente sous une forme très modifiée, mais comme je l'ai dit plus haut, du moment que nous avons reconnu nettement sa signification réelle, nous n'avons aucune raison de nous refuser à la déclaration la plus positive de ce qui nous apparait comme une vérité importante de la nature. Nous prenons congé de ces antiques et vénérées formules de l'Église chrétienne, avec l'espoir que l'exposé qu'il nous a été possible d'en faire, si fragmentaire qu'il soit, ait au moins ce résultat que, s'il arrive à un de nos lecteurs de réciter ces crédos ou de les entendre, il puisse, en les comprenant d'une façon plus complète, s'y intéresser davantage et en tirer plus de profit qu'auparavant. FIN DU LIVRE