9 revue des opinions24 octobre 2012.pub
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DDP R E V U E S D E S O P I N I O N S "Toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie." Montaigne MERCREDI 24OCTOBRE 2012 MAGHREB / MOYEN ORIENT SOMMAIRE : Turquie Koweït : plus rien ne sera comme avant Turquie Libération, Par Hélène Flautre En Turquie, il est loin le temps où, rivés aux chypriote et à la mise en place d’une politique La guerre probable contre la moindres bribes de rumeurs sur le rapport an- de défense européenne, sans oublier les quesSyrie nuel attendu et redouté de la Commission tions kurde et arménienne. Et si la devise européenne, les politiques et les commentateurs faisaient assaut de spéculations pour anticiper L’intérêt d’une visite l’avenir ! C’était le temps où l’Union aimait contempler sa nouvelle puissance dans la RDC Ca va un peu vitalité de sa politique d’élargissement. Ses recommandations commandaient l’agenda Plaidoyer pour Angela des réformes, et leur mise en œuvre offrait, à qui le voulait, la preuve par neuf de l’existence L’audace de l’union de l’Europe. De fait, en Turquie, jusqu’après Le fruit défendu de l’indél’ouverture des négociations, une puissante pendance vague démocratique légitimée et soutenue par l’Union européenne avait déferlé sur le pays, Optimisme balayant la domination militaire et la culture Venezuela : les issues de politique des coups d’Etats ! Aujourd’hui, les Chavez Élections américaines - Le penchants autoritaires ou nationalistes contrarient le cercle vertueux des réformes rebond d’Obama démocratiques. Et, sept ans après l’ouverture Fièvres d’archipel des négociations, le processus pour l’adhésion Le candidat anti-Chine de la Turquie à l’Europe est au point mort. Pourtant, au voisinage de l’Europe, dans cette zone stratégique pour la paix et la sécurité du continent, la Turquie est en première ligne de nos intérêts : de l’accueil des réfugiés syriens au soutien aux révolutions arabes, des négociations sur le nucléaire iranien à la résolution du conflit Un axe historique «Zéro problème avec les voisins» du ministre Davutoglu a pris l’eau, les pays européens comprennent qu’ils pourraient bien, eux, boire la tasse. Conscients des enjeux et du rôle éminent de la Turquie dans l’élaboration des réponses qui prendront forme sur le terrain, les dirigeants européens ne manquent pas d’égard à l’endroit du Premier ministre turc, M. Erdogan, et de son ministre des Affaires étrangères, et intensifient les conversations bilatérales sur tous les fronts. Ainsi, c’est au moment où les enjeux stratégiques communs ne sont jamais apparus plus pressants que la perspective européenne de la Turquie s’éloigne. La France dispose de quatre veto sur quatre chapitres de négociation, veto qu’elle a posés unilatéralement pour s’opposer à l’adhésion, obstruant un processus pourtant décidé au Conseil à l’unanimité. Ces veto sont improductifs. En effet, il n’y a aucune condition que la Turquie puisse remplir pour obtenir leur levée ! Contrairement aux huit chapitres bloqués par le Conseil en vue d’obtenir l’ouverture des ports et aéroports turcs aux transporteurs chypriotes. Koweït : plus rien ne sera comme avant Al –kuwaitia Par Abdelkader Al-Jassem Les lignes rouges du discours politique sont poussées de plus en plus loin et, désormais, on interpelle directement Sa Majesté l'émir [Sabah Al-Ahmed Al-Sabah]. Cela, quoi qu'on pense par ailleurs de ce qui se passe au Koweït, constitue une évolution politique majeure. Un nouveau chapitre est en train de s'ouvrir dans les relations entre la famille régnante des Al-Sabah et le peuple koweïtien. Compte tenu de cette réalité, il devient secondaire de savoir comment se dénouera le différend actuel [entre l'émir et l'opposition ; cette dernière, initiée par la majorité parlementaire sortante, s'est rassemblée le lundi 15 octobre pour une manifestation qui a dégénéré en affrontements avec la police, faisant plusieurs blessés des deux côtés, selon la presse locale]. Quel que soit le résultat, et même si l'émir devait finir par changer la loi électorale par décret [l'opposition lui dénie le droit de le faire et conteste une telle réforme sur le fond], il n'en restera pas moins que les événements actuels constituent un acquis pour le peuple. Même si beaucoup n'en ont pas encore conscience, cette nouvelle réalité s'imposera à terme. Les idées de "souveraineté populaire" et de "gouvernement élu constituent les bases pour une refondation politique à venir. [Jusqu'à présent, même si le Koweït dispose d'un parlement élu, c'est l'émir qui désigne le gouvernement sans tenir compte de la majorité parlementaire, réservant le poste de Premier ministre et les ministères clés aux membres de la famille régnante.] De même, les mouvements des jeunes ont affirmé leur place comme acteurs indépendants sur la scène politique. Tout cela se répercutera sur les relations futures entre les Al-Sabah et la population. Bref, une nouvelle histoire est en train de s'écrire. AVERTISSEMENT : LES OPINIONS EXPRIMEES N’ENGAGENT EN AUCUN C A S LA DIRECTION. ELLES REFLETENT LA POSITION DE LEURS AUTEURS. La guerre probable contre la Syrie Page 2 Al Ahram , Par Hassan Abou-Taleb le premier ministre turc, Erdogan, au Parlement turc réclamant un mandat pour effectuer des opérations militaires à l’extérieur de la Turquie. Le gouvernement a effectivement obtenu cette autorisation après que 20 députés ont approuvé l’autorisation pendant un an alors que 29 autres appartenant au Parti du Peuple républicain de l’opposition et le Parti de la Paix et de la démocratie l’ont refusée. Et cela parce que la formule de l’autorisation est trop large et permet de déclencher une guerre mondiale, et non seulement des opérations limitées sur les frontières. Pourtant, les responsables au gouvernement turc ont assuré qu’il n’y avait aucune intention de déclencher une guerre. Or, cette négation ne semble pas convaincante à la lumière de la vérité du mandat parlementaire qui permet d’envoyer l’armée turque vers des pays étrangers et non pas un seul, pour une mission de guerre. Autrement dit, il est devenu possible de déclencher une guerre contre des pays conformément à l’estimation du seul gouvernement, sans revenir vers le Parlement. La formule du mandatement peut n’être qu’une formule trop large qui prend en considération l’éventualité de la détérioration de la position sur les frontières avec la Syrie, et peut-être sur les frontières d’autres pays comme l’Iran par exemple. Et ce, peut être un genre de répression préventive pour la Syrie ainsi que d’autres Etats qui auraient recours au soutien de Damas au cas où la Syrie serait attaquée.Quels que soient les messages visés par le gouvernement turc, la question toute entière du point de vue du fond et de la forme est beau- coup plus large que de simples procédures concernant la protection des frontières, la réponse à une attaque ou à un tir limité. Le gouvernement turc est-il conscient des conséquences de l’intervention militaire turque en Syrie ?Il est évident que la poursuite de la crise syrienne sous sa forme armée actuelle constitue un danger énorme pour tous les voisins de la Syrie, y compris la Turquie elle-même. Surtout que les efforts diplomatiques arabes ainsi que les efforts de l’Onu semblent impuissants à faire bouger la situation, afin de mettre fin à la violence armée. Et en même temps, toutes les réflexions qui tournent autour d’une intervention militaire internationale semblent être catastrophiques pour toute la région. Ceci explique l’hésitation des superpuissances à penser à recourir à la solution militaire selon les évolutions à l’intérieur de la Syrie. En effet, le conflit armé n’est plus entre l’armée officielle d’un côté, et des Syriens armés qui veulent libérer leur peuple d’un pouvoir despote de l’autre. La Syrie est devenue une scène où la lutte légitime des Syriens s’est mélangée aux ambitions d’éléments armés de différentes nationalités arabes et étrangères qui croient en des idées djihadistes visant à changer les régimes arabes par la violence armée. Il est inéluctable que la Turquie ait le droit d’entreprendre des arrangements militaires qui protègent ses frontières et ses citoyens. La Turquie a également le droit de répondre à toute attaque et de réclamer des excuses si les tirs sont intentionnés ou planifiés. Un axe historique L’observateur,Par Ahmed Charai Ce que l’on a appelé le «printemps arabe» a déstabilisé toute la sphère, sauf les pays du Golfe, la Jordanie et le Maroc. Ces deux derniers pays, non producteurs de pétrole, ont eu des réponses politiques au désir de réforme des populations. Le Conseil de coopération des pays du Golfe a, officiellement, ouvert la perspective de les intégrer. C’est une vision stratégique qui est derrière la naissance annoncée de cet axe. Croire que le fait qu’il s’agisse de monarchies est l’unique raison est réducteur. Pendant longtemps, des pays tels que l’Egypte, l’Irak ou la Syrie ont joué un rôle important dans le monde arabe. Ils ne sont plus en mesure de le faire, parce qu’ils sont en proie à des tensions internes. Or, les périls se sont multipliés. Le gouvernement israélien s’oppose à toutes les initiatives basées sur le principe de deux peuples, deux Etats. Les Palestiniens sont plus que jamais divisés, aucune direction ne pouvant revendiquer une légitimité certaine. L’Iran est une réelle menace politique. Au delà du différend religieux, entre sunnites et chiites, c’est la volonté hégémonique affichée de Téhéran, qui fait peur. Les pays du Golfe ont donc intérêt à s’allier à des Etats stables, ayant une réelle présence diplomatique sur la scène mondiale et surtout des forces armées compétitives. L’axe qui est en train de se dessiner est le résultat des convulsions de la sphère. Il tend à créer une force stabilisatrice, capable de porter la voix des arabes en ce qui concerne le conflit avec Israël, de faire échec aux visées iraniennes et de proposer, ou de conforter des modèles de démo- cratisation en douceur. Les niveaux très différents des avancées démocratiques dans ces pays ne peuvent occulter le fait, que tous, sentent le besoin d’institutions plus ouvertes. Sur le plan économique, le réchauffement des relations est lui aussi un objectif. Il ne faut pas croire que les pétromonarchies vont déverser les investissements au Maroc et en Jordanie par pure générosité. Les fonds souverains des pays du Golfe ont, pendant des décennies, privilégié l’Europe et les USA. Depuis cinq ans, ces économies sont en crise, n’offrent plus d’opportunités aux capitaux et la rentabilité des investissements anciens est en panne. Le Maroc et la Jordanie ont des taux de croissance corrects et offrent des perspectives encourageantes. Il est donc normal que les fonds d’investissements s’y intéressent. L’axe en gestation n’est donc pas le fruit d’une idéologie, mais de conditions historiques objectives et c’est cet aspect qui explique que sa mise en place prend du temps. Il a plus de chances de s’inscrire dans la pérennité, parce qu’il répond à des besoins réels et non pas à une phraséologie désuète? REVUES DES OPINIONS AFRIQUE L’intérêt d’une visite El Moujahid, Par Nadia Kerraz La visite à Alger du ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, au-delà du fait qu’elle a servi à préparer la visite du président Hollande, prévue pour décembre 2012, et à évaluer la coopération bilatérale entre les deux pays, aura eu le mérite d’apporter plus de clarifications sur les positions d’Alger et de Paris quant à la question du Mali. Il en ressort de cette visite, que les deux pays sont sur la même longueur d’ondes, et que les «divergences» que l’on avançait pour étayer certains commentaires n’étaient pas aussi fondées que l’on a voulu le faire croire. Hier, Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, a estimé que les divergences avec la France au sujet du conflit malien étaient «quelquefois surfaites». Pour sa part, Manuel Valls a déclaré qu’«il y a convergence de vue entre les deux diplomaties et les deux pays». Et c’est tant mieux. Car la situation au Mali est telle présentement que tout désaccord quant à la stratégie à adopter pour la résolution du conflit servira avant tout les groupes armés qui contrôlent le nord de ce pays. L’Onu, dont le Conseil de sécurité a adopté vendredi une résolution dans laquelle l’option du dialogue est privilégiée, puisque les parties maliennes sont invitées à y recourir, sans que pour autant soit exclue celle de l’intervention militaire, témoigne aussi du souci de l’organisation onusienne de préserver la chance d’un règlement pacifique du conflit et au bout duquel le Mali retrouvera son intégrité territoriale et son unité. Une résolution dont le contenu correspond à la démarche de l’Algérie qui a toujours fait — car pas uniquement dans l’exemple malien — du dialogue et du politique, un préalable non négociable. Et si intervention militaire devait être au final décidée, elle n’interviendrait qu’au bout du processus politique et de dialogue. Une intervention pour poursuivre la lutte contre le terrorisme et les groupes armés, qui devrait être, cependant, exclusivement africaine. La bande frontalière que partage l’Algérie avec le Mali lui donne autant le droit, si ce n’est plus, de faire valoir l’argument de l’intérêt sécuritaire, et n’autorise aucun doute quant à la démarche proposée et défendue auprès des pays de la région et de ses alliés dans le cadre de la lutte antiterroriste, pour que le Mali retrouve sa situation d’avant mars 2012. RDC Ca va un peu Jeune Afrique , Par François Soudan Les élections encouragent-elles la démocratie ? Leur répétition est-elle bénéfique pour les progrès de la bonne gouvernance et, en définitive, pour le mieux-être des citoyens ?À ces questions d'école, le pays hôte du sommet de Francophonie de 2012 (1314 octobre) apporte des réponses bien mitigées, à la mesure de la complexité des enjeux. Il y a tout juste six ans, elles auraient au contraire incité à l'optimisme. Depuis quelques mois, une nouvelle dynamique de responsabilisation semble souffler sur la RDC.On se souvient de ce scrutin historique de 2006, première consultation véritablement pluraliste et démocratique depuis l’indépendance, marqué par un minimum de fraude et un élan patriotique émouvant, remporté dans la dignité et sans contestation valable par un Joseph Kabila alors au faîte de sa popularité. On se souvient de notre inquiétude, presque de notre compassion, pour ce jeune président confronté à une tâche immense : rendre réel un État virtuel. De nos espoirs aussi quand, dans son discours d'investiture, il annonça qu'était venu le temps de la rigueur et de la discipline, et qu'un Parlement pugnace lui emboîta le pas, revisitant sans états d'âme une soixantaine de grands contrats miniers dont pas un n'était conforme à la loi. Cinq ans plus tard, hélas, la seconde élection présidentielle de l’ère Kabila a paru inverser les données. Tensions, violences larvées, fraude, contestations… La communauté internationale, qui avait largement subventionné la consultation de 2006, a perdu la main et le contrôle . C'est qu'entre-temps les fragiles piliers sur lesquels reposait le mira- cle - une Constitution équilibrée, un Parlement fort, un exécutif compétent - se sont affaissés. Les députés se sont endormis sur leurs Nissan Patrol neuves et leurs 6 000 dollars mensuels, deux titulaires somnolents se sont succédé à la primature et le scrutin à tour unique est venu sonner le glas du débat pluraliste. Dans la rue, on finit par dire : « Après les élections = avant les élections. » Comme on disait, au milieu des années 1960 : « Après l'indépendance = avant l'indépendance. »Sans doute parce qu'une nouvelle dynamique de responsabilisation, impulsée par un président qui a pris conscience des risques de l'isolement et par un nouveau chef du gouvernement, plus gestionnaire que politique, semble depuis quelques mois souffler sur la République démocratique du Congo .Si, encouragé par le sommet de l'OIF, ce mouvement positif se poursuit, on pourra alors penser que l'élection réussie de 2006 et celle Bancale de 2011 s'équilibrent en un seul et même balbutiement démocratique. REVUES DES OPINIONS Page 4 EUROPE Plaidoyer pour Angela Les Echos Angela Merkel n'a pas bonne presse en Europe, du moins en Europe du Sud. Elle n'a cessé de refuser les « facilités » monétaires ou financières réclamées par les pays endettés ; elle a, par sa priorité à ses exportations sur sa consommation intérieure, désavantagé deux fois ses partenaires ; enfin, vue de France, elle a fait capoter le projet d'accord EADS-BAE de peur d'y affaiblir la place de l'Allemagne et par un attachement modéré aux industries de défense... Il suffit. On lui en veut de défendre prioritairement les intérêts de l'Allemagne. Ce pourquoi elle a été élue par les Allemands. Elle perd d'ailleurs en popularité dès qu'elle s'écarte des fondamentaux de la culture nationale : terreur de l'inflation, discipline budgétaire, peur de payer pour les autres. Au jeu de la paille et de la poutre, les électeurs français seraient mal venus de donner des leçons. Préoccupée de sa réélection, espérée, en automne 2013, elle a cependant entrepris un dosage subtil entre les calculs électoraux et les infléchissements apportés, dans l'intérêt à moyen terme de son pays, à l'égoïsme national populaire. Au premier titre, elle a concédé aux Verts l'arrêt coûteux du nucléaire et un effort renforcé sur les énergies renouvelables, aux contribuables des allégements d'impôts. Sur ce dernier point, elle amorce une reprise de la consommation intérieure, qui évite à l'Allemagne d'être asséchée par la ruine de ses voisins. On l'a vue aussi, récemment, marquer quelque appétence pour une dose supplémentaire de fédéralisme européen. C'est pour assurer plus de force contraignante à la discipline budgétaire (fédéralistes cigales, inquiétezvous...). Reste la « solidarité financière », par eurobonds ou autres mécanismes. On comprend que sa démographie déclinante, conduisant vers une société de rentiers, ne lui inspire pas l'envie de les euthanasier, comme on disait jadis... Mais que la France se rassure : trop grosse pour tomber, l'Allemagne ne pourra se permettre de l'abandonner à son sort. Il serait décent, quand même, de ne pas en abuser. L’audace de l’union La croix Par Jean-Christophe Ploquin la crise de l’euro n’a cessé depuis trois ans d’éprouver la solidité des liens et de la solidarité entre les États membres, et que l’attachement à un projet fédérateur semble en berne dans les opinions, le comité norvégien rappelle que cette construction imparfaite a malgré tout réalisé une performance : garantir la paix et la réconciliation, la démocratie et le respect des droits de l’homme, entre les États membres, depuis plus de 60 ans. « Aujourd’hui, une guerre entre l’Allemagne et la France est impensable », affirme-t-il dans son communiqué. « Cela montre comment, à travers des efforts bien orientés et en construisant une confiance mutuelle, des ennemis historiques peuvent devenir de proches partenaires ». L’élargissement à dix pays d’Europe centrale et orientale après la chute du rideau de fer est aussi souligné comme un grand succès : en exerçant un fort pouvoir d’attraction sur tous ces pays sortant de l’orbite soviétique et de l’idéologie communiste, et en intégrant des critères démocratiques dans les négociations d’adhésion, l’Union a évité dans les années 1990 une surenchère des nationalismes, sauf dans les Balkans, où les pays de l’exYougoslavie rejoignent toutefois dorénavant le processus.Audelà de l’Europe, le comité Nobel a sans doute aussi voulu envoyer un message au monde. Celui d’un encouragement à la coopération à l’intérieur de grandes aires régionales. L’Union africaine s’est déjà fortement inspirée de l’Union européenne. Les pays d’Amérique latine aussi, lorsqu’ils ont créé le Mercosur (Marché commun du sud). L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), qui réunit aujourd’hui dix pays de cette région, joue un rôle dans la dissolution d’anciennes dictatures, comme en Birmanie ces derniers mois. La crise de l’euro a certes contribué à affaiblir l’attractivité du modèle, l’Union européenne apparaissant comme une foire d’empoigne sous les yeux ébahis des dirigeants de la planète. Mais alors que des tensions nationalistes opposent la Chine et le Japon, ou que l’idée d’une union du Maghreb se ranime, le comité Nobel indique une certaine marche à suivre. Ce choix spectaculaire, qui réjouit le cœur des proeuropéens, appelle bien sûr à poursuivre l’œuvre entreprise. L’Union européenne va continuer à évoluer, avec la zone euro comme force motrice principale. Le prix Nobel de la paix devrait stimuler les dirigeants et les peuples : il rappelle que l’audace paie. REVUES DES OPINIONS Page 5 EUROPE Le fruit défendu de l’indépendance Financial Times, Par Gideon Rachman Le Premier ministre britannique a consenti à la tenue d’un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en 2014, mais l’Espagne a décidé qu’un vote similaire pour la Catalogne serait inconstitutionnel. Selon Gideon Rachman, on a affaire à une décision politique mûrement réfléchie dans le premier cas, et à un risque d'aggravation des revendications séparatistes dans le second. Les parallèles entre les cas écossais et catalans sont curieux. Dans les deux régions, les nationalistes font remonter la perte de leur souveraineté au début du XVIIIe siècle. C’est en 1707 que les Ecossais ont signé l’Acte d’Union avec l’Angleterre, créant ainsi la Grande-Bretagne, résultat d’une aventure coloniale malheureuse – le projet Darién – qui a failli ruiner l’Ecosse. Quant aux Catalans, ils évoquent la chute de Barcelone, en 1714. Récemment, lors d’un match de foot entre le Barça et le Real Madrid, les nationalistes catalans ont marqué cet anniversaire par une clameur retentissante, précisément 17 minutes et 14 secondes après le début de la rencontre. Les nationalistes écossais et catalans se sont tous servis de l’UE pour appuyer leur dossier en faveur de l’indépendance. Ils sont convaincus qu’ils n’ont pas à craindre l’isolement, puisque les deux nouvelles nations feraient partie du grand club européen : elles pourraient ainsi associer leur indépendance à la sécurité d’une adhésion à l’UE.Certains intellectuels écossais font également valoir que l’hostilité à l’égard de l’UE est un vice spécifique aux Anglais et que les Ecossais sont loin d’être aussi chauvins. Cette idée fait son chemin à Bruxelles, où certains se plaisent à imaginer que les Anglais pourraient être punis de leur euroscepticisme par la sécession écossaise. En vérité, les sondages suggèrent que les Ecossais sont à peine moins opposés à l’UE que leurs voisins Anglais. Récemment, une enquête a révélé que 60 % des électeurs anglais souhaitent quitter l’Union européenne, une opinion partagée par 50 % des Ecossais. La crise économique que traverse la zone euro a conduit les nationalistes d’Edimbourg à minimiser l’atout Europe au cours de leur campagne. Actuellement, ils affirment qu’une Ecosse indépendante ne viserait pas immédiatement à rejoindre la zone euro. La livre resterait sa monnaie et le pays continuerait d’utiliser les billets écossais. L’Espagne, en revanche, se trouve en plein cœur de la crise de l’euro, le reste de l’UE fait donc bonne figure en comparaison. La plupart des nationalistes catalans maintiennent que leur nouvelle nation ne chercherait pas à abandonner la monnaie unique. l existe néanmoins une différence notable entre les Ecossais et les Catalans, qui contribue à justifier les réactions distinctes de Madrid et Londres. L’Ecosse représente seulement 5,2 millions de personnes sur les 62 millions que compte la population britannique et le pays a la réputation, en Angleterre, de bénéficier d’aides financières considérables déboursées par le reste du pays (ce que réfutent les nationalistes). En revanche, la Catalogne compte 7,3 millions d’habitants, pour un total de 47 millions de personnes en Espagne, sans compter que la région est l’une des plus riches de la péninsule ibérique. La sécession de la Catalogne serait un terrible revers pour l’Espagne. Optimisme Libération, Par SYLVAIN BOURMEAU L’Europe n’est certes pas sauvée, mais il ne semble pas inconsidéré de penser qu’en ce jour de nouveau sommet elle se porte un tout petit peu moins mal. La journée d’hier a commencé tôt par la bonne nouvelle de la non-dégradation de l’Espagne au statut infamant de junk par une agence Moody’s décrétant appréciables les efforts combinés du pays concerné et de la zone euro. Elle s’est poursuivie par les déclarations au Corriere della Serra de l’économiste en chef du FMI, le Français Olivier Blanchard, estimant que les problèmes de dettes de l’Italie et de l’Espagne étaient presque réglés, grâce aux mesures mises en place par l’eurozone. Dans ce contexte, l’entretien accordé par François Hollande à un parterre de journaux européens prenait un relief particulier. D’abord, l’optimisme affiché du chef de l’Etat français qui n’a pas hésité à affirmer d’emblée que nous étions désormais «près, tout près» d’une sortie de crise de la zone euro. Sa fermeté à l’égard de l’Allemagne ensuite, lorsqu’il prévient clairement que l’union politique ne saurait qu’être la conséquence d’une union budgétaire, bancaire et sociale. Mais comment sera reçu cet entretien par les lecteurs d’El País qui le publie ou ceux des journaux portugais ou grecs ? Tout l’enjeu reste de savoir si cet optimisme et cette résolution convaincront des populations mises à rude épreuve dans ces pays du Sud de l’Europe, qui éprouvent dans leur vie quotidiennes depuis de longs mois déjà les conséquences très concrètes des plans d’austérité exigés par l’Europe. Et qui, comme le montrent nos reportages, et n’en déplaise à François Hollande, ont parfois le sentiment d’être condamnés à «perpétuité». REVUES DES OPINIONS Page 6 AMERIQUES Venezuela : les issues de Chavez Par Paulo A . Paranagua Le président vénézuélien, Hugo Chavez, a été réélu, dimanche 7 octobre, avec 55,25 % des suffrages, soit 8,1 millions de voix, contre 44,13 % (6,5 millions de votes) à Henriques Capriles Radonski, le candidat de l'opposition. Alors que M. Chavez avait mis la barre très haut en visant 10 millions de voix, un objectif plausible étant donné l'augmentation du corps électoral et la hausse continue de son score - 56 % en 1998, 59,5 % en 2000, 62,84 % en 2006 -, le chef de l'Etat a obtenu le plus bas pourcentage de sa carrière, tandis que M. Capriles progressait de 2,3 millions de voix par rapport au social démocrate Manuel Rosales,candidat en 2006 (36,90 % des votes).Après quatorze ans au pouvoir , le président vénézuélien est donc placé devant un dilemme. Soit il choisit la fuite en avant, au risque de préparer ainsi la disparition du chavisme. Soit il tente de structurer et de pérenniser son mouvement en y introduisant un minimum de jeu collectif, il recadre sa politique vers le centre gauche et normalise ses relations avec une opposition qu'il ne peut plus faire mine d’ignorer ou de disqualifier grossièrement. Ce second choix serait judicieux à court et à long terme, car l'insécurité, l'inflation, la corruption, l'endettement, l'effondrement des infrastructures, ne se règlent pas à coups de pétrodollars, mais de bonne gouvernance, de respect des institutions et de recherche du consensus.Les responsabilités du nouveau chef de l'opposition ne sont pas moindres. Henrique Capriles, 40 ans, a su incarner un discours de progrès social, de modération et de réconciliation entre les Vénézuéliens, inspiré par les expériences de centre gauche au Chili et au brésil . Grâce à ce recentrage, sa candidature est parvenue à attirer les déçus du chavisme, y compris parmi les bénéficiaires des programmes sociaux. Sa pratique de gestionnaire local et régional lui avait appris à dépasser les clivages et à s’adresser à l'ensemble du corps social, et pas seulement à la classe moyenne. Rallier des chavistes et préparer l'alternance suppose de maintenir l'unité et le cap de la coalition de M. Capriles, tendre la main aux adversaires d'hier, miser sur la tolérance et l'apaisement. D'autres élections - régionales en décembre, municipales en avril 2013 et législatives en 2015 - permettront une redistribution des cartes, où chaque formation pourra trouver sa place. Le dilemme des Vénézuéliens n'est pas d’avoir plus ou moins d'Etat, mais d’obtenir ou non davantage de République. Élections américaines - Le rebond d’Obama Devoir, Par Serge Truffaut Au terme du premier débat qui avait opposé Mitt Romney à Barack Obama, ce dernier avait donné l’impression d’avoir été le président absent, au profit, évident et énorme, du champion des républicains. Lors du deuxième combat, le démocrate fut le contraire de ce qu’il avait été il y a une quinzaine. Avec, dans un recoin de son esprit, le nom de quelques États charnières. Parmi les étrangetés, voire les paradoxes, qui ont singularisé la prestation du locataire de la Maison-Blanche, on a retenu d’abord et avant tout celle-ci : il a amorcé et conclu son combat en évoquant deux arguments massue que ses supporteurs avaient espéré entendre rappeler lors du combat antérieur. Lesquels ? Un, Romney avait manifesté sa ferme opposition au prêt financier alloué par Obama à l’industrie automobile pour lui éviter le naufrage annoncé. Deux, devant un parterre rassemblant à huis clos de gros bailleurs de fonds de sa campagne, le champion des républicains avait rabaissé près de la moitié des Américains au statut de club de paresseux. Ainsi, après un duel marqué au coin de la monotonie, il y a deux semaines, Obama a multiplié avec constance des saillies verbales dans le but de mettre au jour le vrai visage de Romney. Mais encore ? Le démocrate s’est appliqué à souligner que le profil politique de son adversaire était bien celui observé lors des primaires, soit celui d’un homme beaucoup plus à droite qu’il ne le laisse transparaître. À preuve, Obama est allé jusqu’à souligner que Bush était passablement plus modéré que l’actuel candidat républicain en s’appuyant sur ses positions sur les fronts de la santé et de l’immigration. Fait à noter, Obama a pris un soin méticuleux à souligner que le conseiller du républicain en matière d’immigration était l’auteur d’une loi si scélérate que la Cour suprême l’avait jugée nulle et non avenue. Comme il fallait s’y attendre, au vu des récentes offensives républicaines, il a évidemment été question de l’attentat commis contre le consulat américain situé en Libye. Bizarrement, Romney s’est emberlificoté dans les fleurs du tapis en affirmant que le président avait tardé à qualifier cet acte de terroriste alors qu’il l’avait décrit ainsi le lendemain de l’attentat en question, ainsi que l’a certifié l’animatrice de la soirée. Mais de là à estimer que le républicain avait commis une gaffe énorme… Est-ce qu’un électorat beaucoup plus préoccupé par les problèmes intérieurs va changer d’opinion à cause de l’« erreur » libyenne de Romney ? Pas sûr. Cela étant, il n’est pas aussi évident, nous semble-t-il, que Romney a perdu autant de points qu’on l’avance ici et là. En répétant avec fermeté que le bilan du président sortant sur le flanc du chômage laisse entrevoir peu de changement advenant sa réélection, le républicain a probablement préservé une portion du capital acquis à la faveur de sa victoire d’il y a une quinzaine. Le débat achevé, Romney s’est empressé de prendre la direction de la Virginie pendant que le démocrate prenait celle de l’Ohio, « Étatbaromètre » ou swing state, et de l’Iowa, « État-charnière » ou swing state d’un autre type. À cet égard, il faut préciser deux fois plutôt qu’une que pour l’emporter, Romney doit rafler une forte majorité de ces fameux swing states. En effet, selon les calculs du New York Times, Obama a besoin de seulement 33 autres grands électeurs - on lui en crédite 237 - pour retourner à la Maison-Blanche . REVUES DES OPINIONS Page 6 ASIE Fièvres d’archipel La Croix, Par Guillaume Goubert La Chine poursuit sa folle course économique. En un an, sa production a progressé de 7,4 %, un rythme que n'a jamais atteint l'économie française depuis l'après-guerre et qui constitue pourtant l'un des plus faibles taux chinois de ces trente dernières années. Les chiffres les plus récents indiquent une accélération en cours, de la consommation aux exportations en passant par les investissements. L'empire du Milieu reste décidément la superstar de la croissance mondiale. Et pourtant... rien n'est plus vraiment comme avant. Les doutes sur les comptes nationaux chinois grandissent, car ils pointent une pente beaucoup plus favorable que des indicateurs concrets et moins faciles à manipuler, comme la production d'électricité et de ciment, ou l'opinion des acheteurs industriels. Les exportations sont inévitablement freinées par la forte poussée des salaires chinois, un yuan au plus haut historique et une demande européenne déprimée. Les investissements ne pourront pas monter jusqu'au ciel, à commencer par les dépenses d'équipement dans le ferroviaire, qui ont bondi de 78 % en un an. Sous la pression des autorités chinoises, les entreprises d'Etat et les collectivités locales ont déjà beaucoup trop investi depuis la relance forcenée de la fin 2008, pour construire des usines qui ne tournent pas et des ponts qui ne vont nulle part. Et une relance de l’immobilier pousserait fatalement les prix à la hausse alors que l'immense majorité des particuliers n'ont plus les moyens de s'acheter un toit. En réalité, la Chine est au bout de son cycle de croissance. Elle doit en former un autre qui passera par la consommation, comme le savent parfaitement ses dirigeants. Ce nouveau cycle est à peine amorcé. Il sera fatalement moins rapide - les experts évoquent un rythme annuel de progression de 6 % à 8 % l'an, au lieu des 10 % atteint pendant les « Trente Glorieuses chinoises ». Et il risque de tomber dans les trous noirs de la finance. Les banques ont aggloméré une quantité astronomique de créances douteuses. Les collectivités locales ont accumulé des engagements qu'elles ne pourront pas honorer, sevrées de l'argent venant des ventes de terrains qui constituaient le quart de leurs recettes. Et comme il se doit, ces trous noirs absorbent toute la lumière qui pourrait les éclairer. Après s'être développé par un mercantilisme effréné, le capitalisme chinois est menacé par une finance incontrôlée. Au fond, il n'est pas très différent du nôtre. Le candidat anti-Chine Courrier Internationale, Par Eric Chol Les élections américaines ne suscitent guère d’enthousiasme dans le monde, sauf en Chine. C’est ce que révèle une enquête du Pew Research Center, selon laquelle deux fois plus de Chinois qu’en 2008 suivent la course à la Maison-Blanche. Mais cet intérêt nourrit aussi un malaise. Car les Chinois découvrent que leur pays, hissé au deuxième rang économique mondial, fait peur et que Mitt Romney ne se prive pas de jouer sur ces peurs. Ainsi le candidat américain a-t-il promis, une fois élu, d’accuser officiellement Pékin de manipulation de devise. Et, lors de ses meetings électoraux, il tape régulièrement sur la Chine, taxée de voleuse d’idées, de technologies et d’emplois. Les propos de Mitt Romney font mouche auprès d’une opinion fragilisée par la montée du chômage et qui voit dans l’émergence de la Chine une menace majeure pour les Etats-Unis. Mais, à Pékin, on sait aussi que le déficit budgétaire américain a dépassé cette année encore les 1 000 milliards de dollars et que, pour combler ses besoins, Washington va continuer à emprunter auprès du club des grands épargnants de la planète, dont fait partie la Chine. Toujours à Pékin, où se prépare une autre transition politique majeure, le pouvoir est habitué aux joutes électorales américaines et attend que la poussière du combat retombe. Sauf que, cette fois, le China bashing en vogue aux Etats-Unis dépasse le scrutin du 6 novembre. C’est “le duel du siècle*”, pour reprendre le titre du livre d’Alain Frachon et de Daniel Vernet.