L`institutionnalisation et le professionnalisme du féminisme

Transcription

L`institutionnalisation et le professionnalisme du féminisme
Diffusion et appropriation des politiques
en faveur de l'égalité de genre.
Les choix du Chili et du Pérou mis en perspective
Jane Jenson,
Université de Montréal
Bérengère Marques-Pereira,
Université Libre de Bruxelles
Nora Nagels,
Université du Québec à Montréal
Communication au XXIIIème Congrès de l’Association internationale de science
politique, Montréal, juillet 2014
Panel LOC01.387 « Policy Diffusion in a comparative perspective »
Merci de ne pas circuler ni citer sans l’accord des auteures
1
Introduction
Lors de la dernière décennie du 20ième siècle, les régimes d’Amérique latine
s’approprient plusieurs éléments de féminisme mondial1, en plein essor et se
diffusant. Alors qu’un lien a pu être effectué entre l’institutionnalisation de la
politique de genre et la transition démocratique, débutant pour de nombreux pays dans
les années 1980, il est intéressant de remarquer que ce rapport ne se vérifie pas
toujours. Le Chili entame en effet sa transition à la fin des années 1980, le
gouvernement de Patricio Aylwin entrant en fonction en 1990 institua, comme les
gouvernements ultérieurs, un nombre de réformes importantes dans ce domaine. Mais
il en a été de même avec Alberto Fujimori qui vire pourtant au néo-populisme
autoritaire suite à son accès à la présidence lors des élections de 1990 et encore plus
rapidement après son auto-golpe (auto-coup d’État) de 1992. Or, ces trajectoires
politiques différentes s’accompagnent – peut-être de manière surprenante – de
quelques législations et d’institutions relativement similaires visant à protéger et à
promouvoir les droits des femmes.
Notre contribution reprend ce puzzle et s’intéresse à deux moteurs de changements.
Le premier concerne la préoccupation de ces deux régimes d’améliorer et de protéger
leur légitimité aux yeux des acteurs internationaux, en pleine diffusion du féminisme
mondial standardisé. Les conférences mondiales des femmes, organisées par
l’Organisation des nations unies (ONU) et plusieurs organisations internationales,
standardisent le féminisme mondial et le diffusent (Ancelovici et Jenson, 2012).
Chaque pays adopte quelques-unes des « meilleures pratiques » de cette « palette
standard » identifiée dans l’univers de discours international pour promouvoir
l’égalité. Il s’agit par exemple d’agence étatique responsable de l’égalité de genre ; de
changements légaux dans les lois familiales pour assurer une plus grande égalité entre
les partenaires et parmi les enfants ; de législations contre la violence familiale. Le
Pérou adopte davantage d’éléments de l’agenda de genre, en particulier au sujet de la
représentation politique des femmes.
Si l’intérêt des organisations internationales et le mouvement de femmes transnational
concerne la diffusion de leurs visions de l’égalité de genre, les acteurs politiques –
même non féministes – avaient pour leur part des intérêts divers à s’approprier le
discours et certaines pratiques du féminisme mondial. Au Chili, le président Aylwin
cherche à mettre fin au statut du Chili comme pays paria et à ré-établir son crédit
comme régime moderne et démocratique. Au Pérou, après son auto-coup d’État de
1992, le président Fujimori est remis en question par la communauté internationale
aux regards du caractère autoritaire de son régime et des violations aux droits
humains. Dans les deux cas, l’une des voies dans la quête de légitimité internationale
est de se conformer à l’agenda de genre de la communauté internationale, qui, la
même décennie, avait le vent dans les voiles avec l’organisation de la quatrième
conférence mondiale des femmes à Beijing (1995). Tant le régime péruvien que le
1
Il s’agit d’une traduction de global feminism, notion utilisée, entre autres, par Levitt et Merry (2009).
2
régime chilien cherchent à démontrer leur engagement en faveur des droits et de la
promotion des femmes afin d'établir leur « honorabilité » en tant que membre de la
communauté internationale. Le féminisme mondial rimait avec les intérêts des deux
régimes.
Le deuxième moteur de changements en faveur de l’égalité de genre concerne la
configuration des relations entre féministes au sein de chaque pays, aussi les résultats
des processus de diffusion. Dans la mesure où toute norme et pratique du féminisme
mondial doit être « traduit en vernaculaire », les acteurs-clés dans ce processus sont
les mouvements locaux (Levitt et Merry, 2009)2. Ces actions dans nos deux cas
impliquent une relation triangulaire entre : des « féministes d’État » nouvellement
nommées ; des féministes locales promouvant des objectifs congruents à ceux de
l’agenda international ; et des féministes à l’intérieur des organisations internationales
et transrégionales. Cette configuration peut se renforcer dans des contextes
d’ouverture étatique au féminisme mondial, comme stratégie de légitimation. Elle
fournit des connaissances ainsi que du personnel, nécessaires à certaines formes de
féminismes à l’intérieur de l’État. Ses actions d’appropriation du féminisme mondial
dans chaque pays permettent de consolider des formes de « féminisme officiel » qui
est à la fois institutionnalisé et professionnalisé et donc s’éloigne du militantisme
protestataire des mouvements sociaux (Marques-Pereira, 2007: 90).
Cette contribution retrace les histoires du Chili et du Pérou afin d’observer les
intersections de ces deux moteurs. Elle constate des changements plus importants au
Chili en raison de l’acquisition, par la configuration triangulaire, d’ancrages
institutionnels solides et de sa professionnalisation croissante. Dans le cas du Pérou,
malgré les réformes, les relations verticales « top-down » et les appropriations
opportunistes par le régime ne génèrent qu’un faible degré d’institutionnalisation et
peu de professionnalisation. En d’autres mots, les changements légaux et les pratiques
volontaristes en accord avec les normes internationales standardisées ne permettent
pas à elles seules de produire une professionnalisation et encore moins une
institutionnalisation durable des luttes pour l’égalité.
Avant d’aborder la comparaison en tant que telle, les concepts d’institutionnalisation
et de professionnalisations sont définis.
Institutionnalisation et professionnalisation
Au Sud comme au Nord, les mouvements des femmes de la deuxième vague sont
rapidement confrontés à l’enjeu politique de la participation aux institutions
publiques. Un peu partout, l’appel à la participation aux institutions étatiques et à la
2
La notion de vernacularization (la traduction en vernaculaire) de Levitt et Merry (2009 : 443)
concerne “…how ideas and strategies generated by human rights and global feminist movements are
vernacularized to fit particular historical and social contexts, thereby producing shared notions about
the status of women. (…) how global cultural production, dissemination and appropriation actually get
done”.
3
démocratie libérale est en général accueilli favorablement tant par les féministes
libérales que par celles issues de la gauche partisane et syndicale. Cependant, dès le
début de la deuxième vague, les féministes dites « autonomes » ou
« révolutionnaires » remettent en question cette entrée dans les institutions et en
politique institutionnalisée3. En Amérique latine, lors de la transition démocratique à
la fin des années 1980, cet enjeu surgit avec force.
Selon Jules Falquet, l'institutionnalisation se produit sur deux plans. Le premier est
d’ordre organisationnel, c'est-à-dire que « les groupes informels ont fait place à des
ONG de plus en plus spécialisées et professionnelles ». Le deuxième est d’ordre
politique et se réfère aux « stratégies d'influence sur – et de participation dans – les
institutions gouvernementales et internationales, pour développer un pouvoir de
femmes » (Falquet 1998: 2). Cette définition est retenue pour notre analyse de la
configuration triangulaire des acteurs féministes.
Au cours des années 1980, les groupes féministes latino-américains
s'institutionnalisent, en formant des organisations non gouvernementales (ONG) de
femmes ou féministes. Cette métamorphose des associations de femmes en ONG a
comme motivation à la fois la création d’institutions alternatives 4 et la recherche
d’une stabilité et d’une récurrence dans l’accès aux ressources (Marques-Pereira et
Stoffel 2004: 405). Elle implique également la traduction « des revendications (...) en
objets de politiques publiques » (Forstenzer 2012: 203). En réponse, les États mettent
en place des nouvelles administrations dédiées aux « femmes », avec une
institutionnalisation et le soutien à un certain féminisme d’État.
Les deux volets de l’institutionnalisation – organisationnelle et politique –
s’accompagnent de facto de processus de professionnalisation (Marques-Pereira,
2007 : 329). Selon Anne Le Naëlou, la professionnalisation correspond à un processus
qui implique, entre autres, « une gestion administrative performante, des stratégies
financières, une salarisation croissante et une rotation importante de personnel, une
politique de recrutement sur définition de postes et de profils, une gestion rationnelle
du temps de travail (...), un développement de liens avec les médias et avec les
réseaux de marketing, une technicité pointue » (Le Naëlou 2004: 776). Le féminisme
académique se développe, avec centres de recherches et programmes d’études et
Bérengère Marques-Pereira utilise la notion de professionnalisation pour se référer à
l’embauche par l’État d’expertes féministes telles que des sociologues, démographes,
3
En France, par exemple, la troisième tendance du féminisme, le « révolutionnaire », refusait la
participation aux institutions (Jenson, 1990 : 131-37). Dans les années 1970, les élections étaient
décrites par certaines comme « un piège » (Jenson, 2003), une position étouffée deux décennies plus
tard par la lutte pour la parité! En Amérique latine, un débat sur les menaces de l’institutionnalisation
s’articule autour de la notion « d’ongisation » des mouvements, avec comme résultat un « déclin des
mouvements de femmes » (Marques-Pereira, 2005 : 155). Pour Forstenzer (2012 : 201) il s’agit de la
tension entre autonomie et intégration.
4
Il s’agit par exemple de maisons de femmes ou d’institutions promouvant le développement rural,
l’éducation et la formation, la santé reproductive, l’aide juridique ainsi que la lutte contre la violence
domestique.
4
juristes, médecins afin « [d']établir des indicateurs sur l'état des législations du travail,
sur l'égalité de salaire, de traitement, (...) [sur] la santé reproductive des femmes,
etc. » (Marques-Pereira 2008 : 6).
En résumé, nous retiendrons que l’institutionnalisation concerne deux phénomènes
sociaux. Il s’agit d’une part de la transformation de groupes féministes informels en
ONG et d’autre part de la traduction des revendications féministes au sein de l’État,
par la création d’institutions de genre et la mise en œuvre de politiques publiques. La
professionnalisation quant à elle concerne les changements de personnels – plus
formels et plus formés aux analyses en termes de rapports de genre – tant au sein des
ONG qu’au sein de l’État5.
L’appropriation du féminisme mondial au Chili et au Pérou
Après deux décennies de régime dictatorial pinochétiste, la transition démocratique au
Chili débute à la fin des années 1980. Lors des élections présidentielles de 1989, le
candidat de la Concertación, le démocrate-chrétien Patricio Aylwin, l’emporte avec
55% des voix. Les féministes appartenant au large mouvement des femmes participent
à la préparation du plébiscite de 1988 et aux élections de 1989. Leurs revendications
sont entendues. De fait, la Convention sur l’élimination des discriminations à
l’encontre des femmes (CEDAW pour son sigle anglais) est ratifiée en décembre
1989. Le Servicio Nacional de la Mujer (SERNAM) est créé en 1991. Le deuxième
gouvernement démocratique, dirigé par le démocrate-chrétien Eduardo Frei (19942000), s’attache à la mise en œuvre du premier plan d’égalité des chances, à
l’approbation des lois sur la violence intrafamiliale (1994), sur la filiation (mettant à
égalité devant la loi tous les enfants qu’ils soient issus de mariage ou d’union de fait 1998), et à la poursuite des débats sur le divorce. Le gouvernement de Ricardo Lagos,
à partir de 2000, continue sur cette voie. En effet, il promeut l’amélioration de la
représentation politique des femmes dans les instances exécutives, la consolidation
des instruments de suivi du second plan d’égalité des chances en créant le Conseil des
Ministres pour l’Égalité des chances (2000) et en intégrant l’égalité de genre aux
processus de réforme administrative du Programa de Mejoramiento de Gestión
(PMG) qui aboutit à renforcer le pouvoir d’action du SERNAM à travers
l’institutionnalisation du gender mainstreaming. Enfin, une série de réformes
législatives relevant plus de l’individuation des personnes que du renforcement de la
famille, est négociée avec les forces de l’opposition (le divorce, la loi-cadre sur les
droits sexuels et reproductifs, les contraceptifs d’urgence, les modifications de la loi
sur la violence intrafamiliale). Autant d’éléments qui consolident le genre comme
catégorie d’action publique ainsi que l’institutionnalisation progressive d’un
féminisme d’État.
5
Ces deux processus se trouvent dans la troisième branche de notre configuration triangulaire. Pour les
analyses de l’institutionnalisation et de la professionnalisation des ONG et des organisations
internationales voir, entre autres, Caglar, Prügl et Zwingel (2013).
5
Les Péruviens votent également en 1990 mais le résultat est complètement différent.
Les années 1980 voient se développer un vibrant mouvement féminin et féministe au
Pérou, tant dans des organisations populaires, que partisanes, syndicales ou des ONG.
Cependant leurs liens avec le nouveau gouvernement sont faibles. Alberto Fujimori
gagne les élections en jouant sur son statut d’« outsider » de la politique dans une
ambiance de manque de représentativité des partis traditionnels, tenus responsables
des crises politiques et économiques des années 1980. Après son auto-coup d’État en
1992, il fonde un pouvoir centralisé et autoritaire, à partir d’une alliance entre les
forces armées et les services secrets, entraînant la perte de l’État de droit et des
libertés civiles6. Malgré ce contexte socio-politique péruvien très différent de la
transition démocratique chilienne, des institutions en faveur de l’égalité de genre sont
élaborées et certains droits des femmes gagnent une reconnaissance légale. En 1996,
trois instances de haut niveau voient le jour pour impulser l’égalité : le Ministère de la
femme et du développement humain (PROMUDEH pour ses sigles en espagnol) ; la
section spécialiste des droits des femmes au sein de la Defensoria del Pueblo7 ; la
Commission inter-partite de la femme au parlement. Même avant que la loi en faveur
des quotas soit ratifiée en 1997, le président nomme nombre de femmes à des postes
administratifs et gouvernementaux importants (Rousseau 2009). Les lois les plus
importantes concernent la loi contre la violence familiale (1993), la loi autorisant les
stérilisations chirurgicales (1996), la loi contre le viol (1997) et la même année, la loi
instaurant des quotas (Blondet 2002 : 21-22).
Dans les parties suivantes, après un bref rappel de l’univers de discours politique des
féminismes internationaux et régionaux, nous exposons l’intersection de la stratégie
gouvernementale à la recherche de légitimité internationale avec la configuration
triangulaire potentielle entre des féministes d’État, locales et internationales.
L’univers de discours politique féministe international et régional
L’existence d’un réseau régional de féministes autonomes en Amérique latine est
clairement visible lors des Encuentros feministos en 1981 à Bogota, en 1983 à Lima et
à Bertogia au Brésil en 1985. La nature de ces rencontres est marquée par une
production avant tout identitaire, dont l’enjeu est la construction d’un féminisme
autonome par rapport aux institutions politiques nationales et internationales. Ces
premières réunions permettent de travailler à une plateforme de revendications
communes et sont un lieu de rencontre entre les féministes chiliennes en exil et celles
actives au pays8.
6
Pour une analyse approfondie de l’autoritarisme du régime voir, parmi d’autres, les ouvrages de
Degregori (2000), de Cotler (2000) et de Blondet (2002).
7
Institution qui protège les droits constitutionnels et fondamentaux de la personne et de la
communauté, supervise le respect des devoirs de l’administration publique et la prestation des services
publics envers les citoyens. Son représentant est élu par le Congrès. Il s’agit de l’équivalent du
Médiateur de la République en France.
8
Au deuxième Encuentro, les Chiliennes sont le groupe national le plus important (70). Elles viennent
des États-Unis, d’Angleterre, d’Espagne, de Suisse et aussi du Chili (Can 1984: 28).
6
A la même période, des groupes spécialisés se développent, à travers la mise sur pied
de réseaux transnationaux latino-américains axés sur des enjeux particuliers comme le
CLADEM9 – promouvant l’application intégrale des droits des femmes – ou le
RSMLAC10 – promouvant la santé des femmes (Marques-Pereira 2010). Ces réseaux
se composent, notamment, de professionnelles dans le domaine de la santé et du droit,
qui proposent leur expertise aux mouvements féministes et aux féministes d’État.
Les appareils professionnels internationaux et régionaux croissent également. Des
zones de consensus entre fémocrates du système onusien émergent lors de
l’organisation par les Nations-Unies des grandes conférences internationales en faveur
des droits des femmes (conférence de Mexico en 1975, conférence de Copenhague en
1980, conférence de Nairobi en 1985, conférence de Beijing en 1995). Ce contexte
international a deux conséquences. D’une part l’augmentation du financement des
pays donateurs pour soutenir et diffuser des plateformes en faveur de l’agenda de
genre. D’autre part, la création d’un univers de discours politique féministe à l’échelle
internationale. Les féministes chiliennes et péruviennes, en général ancrées dans des
ONG, maintiennent des liens étroits avec ces réseaux et ont recours aux concepts et
aux analyses élaborés par cet univers international du discours politique. Ces
ressources peuvent aussi constituer des chemins alternatifs quand les institutions
nationales se montrent récalcitrantes.
Ces réseaux, construits et développés dans les années 1980 et 1990, sont des voies
potentielles de circulation d’élites féministes. Cependant, les liens et les accès à ces
réseaux diffèrent dans les deux cas.
Processus d’institutionnalisation du genre et de diffusion de l’expertise féministe
– une configuration triangulaire prend forme au Chili
Sous la dictature de Pinochet, le féminisme d’État est inexistant. Cependant,
l’émergence d’un sujet politique féminin au sortir de la dictature et lors du passage à
la démocratie s’inscrit dans le sillage de la lutte en faveur des droits humains et de la
survie socio-économique mise en œuvre lors de la première phase de la dictature
(1973-1980). Cette mobilisation d’ONG se poursuit dans les années 1980, aux côtés
des principaux acteurs de la transition négociée avec les militaires, à savoir les partis
politiques. La Concertación de Mujeres por la Democracia est créée par des femmes
des partis de la Concertación et des femmes d’organisations sociales et de groupes
féministes. Son objectif est d’intégrer leurs revendications au programme pour la
transition et dans la jeune démocratie (Montecino et Rossetti 1990 : Rosseti 1991).
Cependant, la nature du pacte négocié entraîne que certaines revendications – en
particulier celles portant sur les droits à l’avortement et au divorce – ne figurent pas à
la table des négociations.
9
Comité Latinoamericano de Derechos de las Mujeres.
Red de Salud de las Mujeres Latinoamericanas y Caribeñas.
10
7
Suite au passage à la démocratie, l’émergence du genre comme catégorie d’action
publique s’inscrit dans la professionnalisation des ONG féministes et dans la
construction de réseaux d’expertise du féminisme institutionnalisé, dans un contexte
tant international que national. Ainsi, on assiste à une véritable circulation des élites
féminines chiliennes à l’échelle régionale et internationale. Tant à partir des ONG que
de l’intérieur de l’État, elles maintiennent des liens étroits avec ces réseaux et
déploient les concepts et les analyses forgés dans l’univers du discours politique
féministe international et régional. En outre, les leaders politiques font également
appel à cet univers de discours pour convaincre la communauté internationale de
l’achèvement et de la réussite de la transition en dépit de certaines continuités avec le
passé et le maintien d’« enclaves autoritaires » (Garretón 2001).
La CEPAL et le PNUD constituent des ancrages régionaux pour les pays d’Amérique
latine, en particulier le Chili, pour favoriser des politiques d’égalité de genre. La
création du SERNAM s’inscrit dans cette dynamique internationale. Elle symbolise la
volonté du président Patricio Aylwin d’assumer son engagement en faveur de l’égalité
de genre11. À l’instar des exemples espagnol, argentin et brésilien, il veut démontrer
que le Chili répond enfin à l’une des demandes centrales de l’agenda féministe
international depuis la première conférence de Mexico en 1975. L’élaboration du
SERNAM est cependant un moment conflictuel intense entre la Concertación et
l’opposition de droite12. Celle-ci refuse, entre autres, que le SERNAM soit un
ministère à part entière. Il a alors le statut d’un service public dépendant du ministère
de la Planification et de la Coopération (le MIDIEPLAN), mais sa directrice détient le
rang de ministre.
Le SERNAM vise à diffuser l’agenda d’égalité de genre dans l’État et à augmenter le
nombre de féministes en son sein. Pour ce faire, il initie, à l’échelle nationale et
régionale, des séminaires de formation. Requérant une expertise professionnelle de la
part des animatrices, ces formations sont mises en œuvre par des ONG féministes
telles que le CEM13, le CEDEM14 et l’Instituto de la Mujer. Leur public cible se
constitue d’agents administratifs de rang moyen, principalement des femmes. Ainsi,
des points d’appui à des réseaux informels sensibles à l’égalité de genre se
construisent au sein des différentes administrations de l’État où se diffusent les
principes fondamentaux de l’agenda féministe international.
À partir de la première décennie des années 2000, sous les présidences de Ricardo
Lagos et puis Michelle Bachelet, le SERNAM développe également un travail à
l’intérieur de l’État pour y répandre des pratiques professionnelles de genre. Des
coordinations bilatérales s’établissent avec les ministères en charge de matières
11
Bien qu’initialement, la Concertación de Mujeres ne dispose pas d’un projet indiquant les postes
qu’elle revendique; à l’issue des élections de 1989, elle demande et obtient la du SERNAM.
12
Pour la description de ce moment conflictuel, voir Marques-Pereira (2012).
13
Centro de Estudios de la Mujer créé en 1983.
14
Centro de Estudios para el Desarrollo de la Mujer créé en 1980.
8
sociales, telles que le logement, la santé et le travail. Des commissions
interministérielles sont créées pour mettre en œuvre les programmes pilotes du
SERNAM. Elles font appel à l’expertise d’ONG spécialisées sur des dossiers tels que
la violence intrafamiliale, le programme social pour les femmes chefs de famille ou
encore la prévention des grossesses adolescentes. Enfin, le SERNAM nomme en son
sein des fonctionnaires en charge de ces secteurs et impulse de nouvelles instances
chargées de la problématique de genre dans différents ministères. Ce faisant, le
SERNAM identifie des fonctionnaires pour exécuter les politiques publiques relatives
aux plans d’égalité des chances et met en place des pratiques organisationnelles
permettant non seulement d’aborder le caractère transversal de ces politiques, mais
aussi de diffuser l’égalité de genre au sein des différentes administrations.
Ainsi, l’émergence du genre comme catégorie d’action publique, et sa consolidation,
se manifestent à travers les deux premiers plans d’égalité des chances, lancés par le
SERNAM (Plan de Igualdad de Oportunidades 1994-1999 et 2000-2010). Ils sont
imaginés élaborés lors des gouvernements d’Aylwin et de Frei. Les féministes d’État
développant tels plans, agissent en accord avec les discours présidentiels qui
n’évoquent la situation des femmes que pour se référer soit aux thèmes de la pauvreté
et de la vulnérabilité sociale, soit aux engagements internationaux du Chili. Depuis la
conférence de Nairobi en 1985, tant la lutte contre la pauvreté que la lutte contre les
violences à l’égard des femmes sont à l’agenda international et régional. La lutte
contre les discriminations de genre entre ainsi en consonance avec les cadres cognitifs
de la CEPAL, fondés sur la croissance et l’équité (CEPAL 2004) et avec les cadres
cognitifs présidentiels axés notamment sur le développement économique et la justice
sociale (Guzman 2011: 96).
Rien d’étonnant alors, qu’à cette époque, les revendications d’individuation telles que
le droit au divorce, à la liberté reproductive et à l’accès à la représentation politique ne
fassent pas partie des priorités politiques de la direction du SERNAM. Mettant
l’accent sur les droits individuels des femmes, ces dossiers s’opposent à la
valorisation de la famille comme espace de complémentarité des rôles sexués,
positions défendues par la droite.
De fait, en s’internationalisant comme enjeu de droits humains (Joachim 1999), la
violence à l’égard des femmes fait également l’objet de réseaux transnationaux au
niveau latino-américain. Les campagnes de lutte contre la violence familiale, sexuelle
et à l’encontre des femmes remportent le plus de succès à l’échelle régionale (CEPAL
2004). Le réseau Red Feminista Latinoamericana contra la Violencia Domestica y
Sexual (REDEFEM) créé en 1990, avec la participation d’organisations de femmes de
21 pays latino-américains, développe une production de connaissance sur la violence de
genre et promeut des rencontres périodiques au niveau national et régional. Malgré les
limites de ces campagnes concernant la reconnaissance de la violence de genre
proprement dite, elles représentent des acquis à la faveur de la Convention inter-
9
américaine sur la violence à l’encontre des femmes – Convention de Bélem do Pará,
signée en 1994 (Meyer 1999).
Au Chili, des féministes d’État mobilisent ce discours régional et international pour
progresser dans le domaine de la violence à l’encontre des femmes. La sous-directrice
du SERNAM et certaines fonctionnaires font pression pour faire avancer ce dossier en
le présentant comme une problématique concernant toutes les femmes et non pas
seulement les pauvres. Cependant, un chapitre sur la famille doit être introduit pour
éviter l’opposition de droite. La première loi sur la violence intrafamiliale aboutit en
1994 sous le deuxième gouvernement démocratique.
Cinq ans plus tard la participation d’associations de femmes à la campagne
présidentielle de 1999 – portant au pouvoir le candidat socialiste Ricardo Lagos de la
Concertación – débouche sur un programme de genre abordant les dossiers de la
violence familiale, de la sexualité et de la santé reproductive, dans le cadre des droits
de citoyenneté et non plus du renforcement de la famille15. La ministre du SERNAM
en coordination avec le ministère de la Justice reprend la proposition de loi élaborée
par deux parlementaires féministes (Maria Antonieta Saa et Adriana Muñoz) et
soutenue par le réseau Red Chilena contra la Violencia hacia las Mujeres. Le projet
est approuvé en 2005 en se fondant sur la CEDAW et la Convention interaméricaine,
mettant ainsi l’accent sur la notion de droit16.
Au sujet des droits sexuels et reproductifs, en octobre 2000, la présentation d’une
proposition de loi cadre au parlement constitue un jalon important dans le débat
public. Cette initiative est le fruit de parlementaires progressistes, élaborée en lien
avec des associations féministes et d’autres mobilisées autour de la sexualité et de la
santé reproductive. Elles forment un réseau d’activistes, le Grupo Ampliado de
Proyecto Ley Marco de Derechos Sexuales y Reproductivos, qui entend jouer un rôle
de pilotage des politiques publiques en la matière en s’appuyant sur les
recommandations émises par le comité de la CEDAW au gouvernement chilien. Cette
proposition reconnaît le droit à la liberté sexuelle et reproductive ainsi que le droit à la
santé, dans un cadre plus large de reconnaissance des droits humains. Soutenu par le
SERNAM, ce projet est transmis par l’exécutif au législatif, en faisant pression sur la
DC. Cependant, il n’est discuté qu’en 2008.
En résumé, malgré la lenteur de quelques dossiers, la régression d’autres, et le refus
d’aborder la question de l’avortement, on assiste au Chili à une institutionnalisation
significative du féminisme et au développement d’une expertise féministe
professionnelle tant à l’intérieur de l’État – parmi les féministes d’État et d’autres
fonctionnaires – et dans le monde des ONG travaillant avec le SERNAM dans de
nombreuses initiatives. L’exception la plus visible concerne les droits à l’avortement,
15
Agenda de genre du programme du gouvernement de Ricardo Lagos, Para crecer con igualdad
(2000-2005), Santiago, 1999.
16
Loi n°20.066 sur la violence intrafamiliale promulguée en octobre 2005.
10
autour desquels un autre discours porté par une organisation transnationale – l’Église
catholique – domine. Dans les autres domaines, les moteurs de changements
concernent tant les positions gouvernementales – en particulier des présidents – que
celles du SERNAM, en lien avec les ONG. Toutes et tous s’inspirent des positions
féministes internationales et régionales. Cela n’implique aucunement le transfert
automatique des positions internationales et régionales aux acteurs étatiques, les
reprenant par opportunisme. Au contraire, comme nous l’avons vu, tant avant
qu’après la transition à la démocratie, les féministes chiliennes constituent les
protagonistes centrales dans l’élaboration et le maintien de telles positions ainsi que
les réseaux les soutenant. Ces positions imprègnent l’État quand des féministes d’État
sont nommées et embauchées. Dans ces conditions, la configuration triangulaire peut
se structurer et s’ancrer dans l’État. Nous reviendrons, dans la conclusion, sur les
conséquences qui en découlent dans les années ultérieures.
Institutions et législations de genre instrumentalisation par le « haut » au Pérou
Les premières organisations féministes péruviennes se construisent aussi dans le cadre
d’un régime autoritaire, celui du général Velasco (1968-1975). Cependant, celui-ci se
distingue fortement de la dictature pinochétiste par ses tendances anti-oligarchiques et
réformistes17. Par conséquent, à la différence du Chili (et des autres pays du Cône
Sud), les femmes commencent à se mobiliser au sein d’organisations partisanes et
syndicales de gauche qui sont pour la plupart non réprimées et reconnues légalement
(Rousseau 2009: 27). Les organisations féministes se composent de collectifs tels que
Acción para la Libreacción de la Mujer Peruana (ALIMUPER), créé en 1973 ; le
Movimiento Manuela Ramos créé en 1978 ; et le Centro de la Mujer Peruana Flora
Tristán, créé en 1979. Ces dernières demeurent les organisations féministes les plus
importantes au Pérou. Elles sont passées de petits groupes à des ONG sophistiquées
menant les débats au niveau local, national, régional et international (Vargas 1996).
Le deuxième Encuentro Feminista Latinoamericano tenu à Lima en 1983 permet de
structurer le réseau féministe péruvien indépendamment d’autres forces sociales
(Villanueva 2004 : 49). Il commence dès lors à produire un important corpus de
connaissances en s’appropriant et opérationnalisant les catégories d’analyse de
l’agenda féministe international, telles que la violence domestique, le viol dans le
mariage et le harcèlement sexuel (Vargas 2004: 15).
Comme au Chili, dès le début des années 1990, la création d’une institution de genre
et l’élaboration de lois en faveur des droits des femmes sont influencées par les
contextes internationaux et transnationaux. Le cycle de conférences internationales
des Nations-Unies sont des occasions uniques pour mobiliser les femmes et les États
membres de l’ONU. Celle de Beijing en 1995, est un moment-clé dans la structuration
17
Celui-ci met en place un régime de type corporatiste et national-populaire inspiré des idées
développementistes de la CEPAL. Il entame un processus de réformes politiques, économiques et
sociales amplifiant les marges de participation sociale et les droits des secteurs populaires et paysans
(Parodi Trece 2000; Yashar 2005; Blondet 1986).
11
de la configuration triangulaire qui nous intéresse, en raison de l’opportunité qu’elle
confère au président Fujimori. Face au scepticisme croissant de la communauté
internationale après son auto-coup d’État de 1992 et les élections frauduleuses de
1995 qui le reconduisent au pouvoir, Fujimori s’empare des ressources internationales
pour se légitimer et apparaître « moderne et démocratique » à l’interne et à l’externe
(Villanueva 2004: 52). Les organisations féministes font également appel à ces
ressources, y articulant leurs activités de lobbying auprès de l’État et de Fujimori. Les
intérêts des organisations féministes et de l’État convergent dans la mesure où les
premières, abandonnant leur stratégie autonomiste des années 1980, cherchent des
accès à l’État et que celui-ci a besoin de leur expertise et de leurs ressources pour
respecter ses engagements internationaux et mettre en œuvre des politiques de genre
(Rousseau 2009: 78).
Cette convergence s’illustre à l’approche de la conférence de Beijing. Pour y faciliter
la participation d’une délégation péruvienne, des donateurs externes financent la Mesa
de Coordinación en género et neuf ONG créent le Grupo Impulsor Nacional ‘Mujeres
por la Igualdad Real’ »18. Ce groupe organise une consultation sur la situation et les
revendications des femmes à travers le pays pour produire un rapport national à
soumettre à Beijing. Le gouvernement soutient l’initiative mais maintient le contrôle
sur la délégation péruvienne en y bloquant la participation de toute ONG. Lors de la
conférence, la présence des ONG féministes se limite à la société civile par la
nomination de Virginia Vargas, membre fondatrice du Centro de la Mujer Flora
Tristán, à la tête du comité coordinateur des ONG latino-américaines à Beijing
(Rousseau 2009: 80). Aucune féministe ne fait donc partie de la délégation
gouvernementale menée par le président Fujimori à la conférence en tant que telle.
La présence de Fujimori – seul président masculin à la conférence – et son discours en
faveur des droits des femmes génèrent des tensions importantes parmi les
organisations féministes (Villanueva 2004 : 52). L’ambivalence et les contradictions
des relations entre Fujimori et les ONG féministes s’expriment par l’exemple suivant.
A la même période que la conférence, Fujimori est poursuivi par son ex-conjointe
(défendue par une avocate féministe connue, Violeta Bermudez de l’ONG Manuela
Ramos) pour violence familiale. D’un côté, les groupes féministes applaudissent le
président pour son discours en faveur des droits des femmes à Beijing, qui est le plus
progressiste de toute l’histoire péruvienne, et de l’autre elles l’accusent pour abus de
ceux-ci.
Suite à la conférence de Beijing, des institutions portant sur les problématiques de
genre, émergent alors qu’elles sont peu nombreuses jusque-là. Leur création est
davantage l’effet de la volonté du président de promouvoir une image de son
gouvernement comme « sensible aux femmes » que celui du pouvoir des
18
Groupe national « femmes pour l’égalité réelle ».
12
organisations féministes. Tel est le cas, en 1996, du ministère de la Femme et du
Développement humain (PROMUDEH).
Sa création se veut le signe de l’engagement pratique du gouvernement en matière des
droits des femmes, à la suite de la conférence de Beijing. Le Pérou étant l’un des
derniers pays d’Amérique latine à se doter d’une institution de genre, afin de se
démarquer dans la communauté internationale, Fujimori décide de l’élever au rang de
ministère19. En 1996, elle est la première institution de ce type sur le continent. Bien
qu’elle se construit à l’image des recommandations du mouvement féministe
exprimées par un livre publié par Virginia Vargas du Centro de la Mujer Peruana
Flora Tristán quelques mois plus tôt, seules quelques féministes sont consultées
individuellement et uniquement après que la décision de créer le ministère soit
entérinée (Rousseau 2009: 84). Fujimori instrumentalise donc l’expertise féministe
pour apparaître « moderne » sur la scène internationale mais sans pour autant
institutionnaliser un féminisme d’État, à la différence du Chili avec le SERNAM.
Derrière son image « sensible aux femmes », le PROMUDEH est d’ailleurs davantage
actif en matière de réduction de la pauvreté qu’en matière d’égalité de genre. Le
décret législatif lui donnant naissance stipule clairement que son rang de ministère est
justifié par le haut degré d’efficacité que constituent les investissements dans des
programmes de lutte contre la pauvreté ciblant les femmes. Au nom de cette capacité,
également diffusée par le PNUD et la CEPAL, le PROMUDEH capte des ressources
internationales finançant la majorité de ces programmes. Ce ministère constitue alors
le principal levier du gouvernement fujimoriste pour établir, maintenir et approfondir
des relations clientélistes et autoritaires avec les femmes populaires, dépendantes de
ces programmes pour leur survie (Nagels 2013). Pour leur part, les organisations
féministes sont associées à des organisations féminines ciblant des groupes
vulnérables nécessitant le soutien de l’État à un tel point que tous les contrats signés
entre le PROMUDEH et les organisations féministes traitent d’enjeux de réduction de
la pauvreté et non pas d’égalité de genre (Rousseau 2009: 91).
Par conséquent, la création de ce ministère ne contribue pas au renforcement et à
l’institutionnalisation des relations entre les féministes de la société civile. Il ne
permet pas non plus l’émergence de féministes d’État. Preuve en est qu’aucune
ministre n’est féministe. La première, Miriam Schenone, est une avocate ouverte aux
problématiques féminines et respectée par le mouvement féministe jusqu’à ce que ses
liens avec Valdimiro Montesinos20 soient révélés. La deuxième Louisa Maria
Cuculiza est une proche alliée du gouvernement et en faveur de la réélection de
Fujimori en 2001. Elle est réputée pour son instrumentalisation démagogique de la
19
Entrevue avec Jeanine Anderson, universitaire féministe à la PUCP.
Assesseur et réel « bras droit » de Fujimori, Vladimiro Montesinos orchestre les réseaux de
corruption du régime ainsi que les exactions envers les droits humains en tant que directeur du Servicio
de Inteligencia Nacional (SIN, services de renseignements péruviens) et instigateur du Groupe Colina,
véritable escadron de la mort. Il est condamné en 2010 à 25 ans de prison pour enrichissements illicites,
blanchiment d’argent, trafic d’armes, assassinats, narcotrafic et crimes contre l’humanité.
20
13
peur du terrorisme pour justifier les décisions gouvernementales (Rousseau 2009 : 8284). Le mouvement féministe accueille ce ministère avec ambivalence. D’un côté, il
ne peut pas le condamner puisque la création d’une telle agence est au cœur de ses
revendications. Mais d’un autre, il critique le processus menant à sa création et les
problématiques focalisées sur la pauvreté21.
Une autre avancée illusoire de l’agenda féministe concerne la ratification en 1993 de
la loi contre la violence familiale. À la différence d’autres changements genrés mais
in fine inscrits dans les politiques de lutte contre la pauvreté du PROMUDEH, la loi
contre la violence intrafamiliale s’ancre dans un discours promouvant explicitement la
démocratie. En effet, comme nous l’avons vu, la lutte contre la violence familiale en
Amérique latine est directement liée à la lutte pour la démocratie. Depuis la premier
Encuentro à Bogotá en 1981, le mouvement féministe autonome latino-américain lie
la violence politique à la violence à l’encontre des femmes. Si, à l’inverse d’autres
pays de la région, le Pérou n’a pas connu de dictature sanguinaire, la violence du
Sentier Lumineux, du MRTA22 et des forces contre-subversives confirme la nature
genrée de la violence politique. Les dénonciations de cas de violence sexuelle comme
effets collatéraux du conflit interne permettent de politiser la question et de la porter à
l’agenda politique. Dès le début des années 1980, les ONG féministes militent pour
des modifications des lois et soutiennent la création des premiers refuges pour
femmes. En 1989, avec le CLADEM, elles élaborent un projet de loi visant la
modification du Code pénal. Reprenant ces recommandations, Fujimori modifie le
Code pénal en 1991 et fait voter la loi contre la violence familiale en 1993 (Boesten
2009 : 110-112). L’ensemble des femmes au Congrès, au-delà de leurs affiliations
politiques, votent en sa faveur (Blondet 2002 : 48).
Il s’agit, a priori, d’une victoire pour le mouvement féministe et permet à Fujimori –
après son auto-coup d’État de 1992 – de valoriser une image positive, moderne,
progressiste, voire démocratique. À l’interne, en pleine séparation conjugale, cette
image en faveur des femmes détourne l’attention des accusations de violence émises
par sa conjointe. Sur la scène internationale, il apparaît comme avant-gardiste dans la
mesure où la même année la conférence sur les Droits humains à Vienne confirme que
les droits des femmes en font intégralement partie et les Nations-Unies émettent une
Déclaration sur la violence contre les femmes (Boesten 2009 : 113).
Cependant, comme au Chili, la notion de violence familiale est construite et structurée
discursivement comme un enjeu familial, et non selon une perspective de genre
Notons que depuis la conférence de Beijing, l’Église catholique s’oppose
21
Seul un petit groupe de femmes, à travers le Movimiento Amplio de Mujeres (MAM), rassemblant
des féministes à titre individuel, s’oppose à la création du ministère. Elles refusent de s’associer à
l’autoritarisme du gouvernement et défendent des principes d’autonomie, de démocratie horizontale et
d’égalité de genre.
22
Movimiento Revolucionário Tupác Amaru. Entre 1980 et 2000, la guerre interne – opposant les
« forces subversives » aux forces de l’État fait 69 000 victimes dont ces dernières sont responsables de
30% (CVR 2003).
14
vigoureusement à la notion de genre, et ce dans tous les pays. La loi péruvienne est
davantage interprétée comme un outil de protection de l’intégrité de la famille et plus
spécifiquement des enfants contre des abus, principalement sexuels (Boesten 2012 :
375). En outre, et à la différence du Chili, le PROMUDEH ne contribue pas à
institutionnaliser cette politique. Ni cette institution ni le ministère de l’Intérieur ne
s’implique pour promouvoir la professionnalisation des forces de police au sujet des
enjeux liés à la violence familiale. Le PROMUDEH ne soutient même pas les
initiatives des certaines ONG de sensibilisation et de conscientisation des policiers à
ces enjeux. Seul un contrat est signé avec l’ONG Flora Tristán pour poursuivre de
telles formations mais sans que lui soit octroyé des ressources financières.
Cet exemple illustre les relations entre le PROMUDEH et les ONG féministes. Seules
quelques féministes sont consultées individuellement en tant qu’expertes et non pas
comme représentantes d’organisations de la société civile. Il s’agit de consultations
informelles, ad-hoc non institutionnalisées limitées à l’élaboration des programmes et
non pas de mécanismes de coordination transparente dans la mise en œuvre des
programmes (Rousseau 2009 : 90-91, 98).
Concernant les droits sexuels et reproductifs, la revendication de la légalisation de
l’avortement au Pérou a un parcours initial similaire à celui du Chili. Incapable de
gagner l’opinion publique, le mouvement féministe décide de ne plus en faire une
demande prioritaire lors des débats houleux au sujet de la réforme du Code pénal en
1989. Cependant, en 1995, l’accès aux informations de planification familiale devient
une priorité ainsi que l’accès gratuit à des méthodes contraceptives. Le programme de
planification familiale 1996-2000 fait du droit des femmes à une santé reproductive
un droit social garantit par l’État. La même année, une loi rend la stérilisation
chirurgicale légale (Rousseau 2009 : 87, 88). Pour contrecarrer l’opposition de
l’Église catholique – menée entre autre par l’évêque Monseigneur Cipriani de l’Opus
Dei – Fujimori instrumentalise le discours politique féministe international en
appelant au droit des femmes à contrôler leur fertilité. Ainsi, il légitime son
programme de réduction de fertilité, ciblé sur les femmes pauvres. La Banque
Mondiale l’accueille favorablement en finançant des campagnes d’éducation sur la
planification familiale tout comme l’USAID qui le soutient à hauteur
d’approximativement 14 millions $US et plusieurs tonnes de nourriture par an. Enfin,
l’ONG féministe Manuela Ramos, ancrée dans les zones rurales du pays, se mobilise
pour informer les femmes ciblées de l’existence de ce programme (Boesten 2009 : 8081).
Le caractère autoritaire du régime se révèle dès 1997 lorsque plus d’une centaine de
stérilisations forcées sont dénoncées23. Les médecins en charge du programme de
23
Plusieurs rapports estiment le nombre de stérilisations forcées à environ 300 000. Le nombre de
plaintes est très en-deçà du nombre de stérilisations forcées estimées par différents rapports nationaux,
comme celui de la Defensoría del Pueblo (2000) ou internationaux, comme celui du CLADEM
(Tamayo 1999). Ces études montrent en effet que la désinformation, l’échange d’aliments – distribués
15
planification familiale sont en fait soumis à des quotas de stérilisations (Coe 2004 ;
Rousseau 2007). Les réactions du mouvement féministe sont ambiguës. Quelques
organisations féminines de la Mesa tripartita de seguimiento a la Conferencia sobre
Población y Desarrollo – une agence consultative sur la santé reproductive
appartenant au RSMLAC et composée de représentants du gouvernement, d’ONG et
d’agences donatrices internationales – ainsi que la majorité des députés de
l’opposition hésitent à condamner ce programme face aux risques de perdre tous les
acquis en matière de planification familiale (Barrig 2002). Ce n’est qu’en 1998 que
quelques organisations féminines de la Mesa demandent au gouvernement la fin des
quotas, la fin de la stérilisation comme moyen privilégié de contraception et la mise
sur pied d’une commission par la Defensoría del pueblo sur la question. Seul le MAM
organise des manifestations de rue pour dénoncer les abus. En 1998, Guilia Tamayo,
une avocate féministe, récolte les témoignages des victimes de stérilisations forcées.
Son travail est soutenu que par quelques ONG, tels que DEMUS24, et par le réseau
latino-américain du CLADEM. Petit à petit les plaintes pour stérilisations forcées sont
relayées par les Nations-Unies, la CEDAW, la Cour interaméricaine des droits de
l’homme et le Congrès américain qui font pression sur le gouvernement péruvien.
Cependant, il faut attendre 2001, après la chute du fujimorisme, pour que l’État crée
une commission d’enquête (Barrig 2002). La stratégie de non-confrontation adoptée
par la majorité des ONG féministes locales s’explique tant à la lumière de leurs
relations clientélistes avec l’État que de leur tactique pragmatique dans un domaine
qui bénéficie de peu de soutien politique et institutionnel (Rousseau 2009 : 89).
Cet exemple illustre les dangers lorsqu’un gouvernement adopte quelques éléments de
l’agenda de genre sans garantir la mise en œuvre d’une politique démocratique et
transparente, surtout s’il les légitime par le discours politique féministe international
(Tamayo 1999).
En résumé, au Pérou, à la différence des autres pays d’Amérique latine, tels que le
Chili, le Brésil ou la Bolivie, la création d’une institution de genre n’est pas issue des
mobilisations sociales propres aux transitions démocratiques et des négociations entre
les partis politiques et les organisations de femmes. De fait, au Pérou, ce processus est
vertical et mené sous l’hospice d’un régime autoritaire. Le rôle du président est
central dans la mesure où Fujimori instrumentalise l’agenda de genre et son
internationalisation pour bénéficier de financement extérieur et légitimer son régime
politique sur la scène internationale.
Paradoxalement, le gouvernement de Fujimori, en comparaison avec les
gouvernements démocratiques chiliens, est celui qui a octroyé le plus de droits aux
par l’USAID-Prisma, le mauvais traitement et la force ont primé pour stériliser ces femmes (seuls
quelques vasectomies ont été pratiquées) dont la grande majorité est d’origine rurale et quechua. Selon
Boesten (2007, 2009), le racisme à l’égard des populations andines féminines considérées comme
« ignorantes » est au cœur de ces politiques néo-malthusiennes.
24
Estudio para la Defensa de los Derechos de la Mujer, fondé en 1987.
16
femmes tout en limitant sérieusement les espaces démocratiques pour les exercer et
les élargir. Comme le souligne Vargas (2004 : 21), « la structure d’opportunité
ouverte par le gouvernement pour les femmes s’accompagne de restrictions politiques
imposées par un climat autoritaire étouffant la démocratie ». La mise en place d’une
institution étatique et de mesures légales en faveur d’une plus grande égalité entre les
sexes ne sont donc que très peu le résultat du pouvoir exercé par le mouvement
féministe péruvien. Tout au plus, celui-ci a permis la diffusion d’une expertise de
genre auprès d’une poignée de leaders d’opinion ou représentants politiques qui l’ont
impulsé au sein des structures étatiques (Rousseau 2009 : 78). Par conséquent, à la
différence du Chili, les innovations institutionnelles et légales en faveur des droits des
femmes ne conduisent pas à l’institutionnalisation et à la professionnalisation d’un
féminisme d’État.
Conclusion
En résumé, si les deux pays voient l’agenda féministe avancer, par la création
d’institutions – le SERNAM (1991) et le PROMUDEH (1996) – et de législations –
les lois contre la violence familiale (1993 et 1994) – en faveur des droits des femmes,
les processus y menant sont différents, conduisant à des degrés d’institutionnalisation
et de professionnalisation quasiment opposés.
Au Chili, après 1990, les gouvernements embrassent des éléments importants de
l’agenda féministe international afin d’affirmer la fin du pinochétisme et le caractère
moderne du pays. Cependant, ces processus s’inscrivent dans une logique de
négociation, de coopération et d’expertise, tant au niveau national avec le SERNAM,
qu’au niveau international avec la CEPAL et le PNUD. Cette institutionnalisation
prend la forme d’un féminisme d’État et d’une « ONGéisation » des mouvements de
femmes, favorisant les liens avec la coalition de centre-gauche au pouvoir au
détriment des liens avec le Movimiento de Izquierda Revolucionária (MIR), le Parti
communiste et certaines fractions du Parti socialiste. Cette institutionnalisation a
débouché sur de réels acquis en matière d’égalité entre hommes et femmes, acquis qui
se heurteront toutefois au poids de diverses « enclaves autoritaires ».
Si, dans un premier temps le principal moteur – la quête de légitimité internationale –
est important pour expliquer l’émergence des innovations dans les problématiques des
droits des femmes, c’est surtout un second moteur – la configuration triangulaire –
entre féministes d’ONG locales, féministes d’État et féministes internationales – et
son renforcement qui permet l’institutionnalisation au sein de l’État et la
professionnalisation d’un féminisme d’État.
Le poids et l’ancrage de cette configuration explique que le Chili soit à l’avant-garde
des innovations d’instruments en matière d’égalité entre les sexes, tel que le gender
mainstreaming. Celle-ci est en outre renforcée au plan international par le PNUD qui
le propose en exemple de bonnes pratiques en matière de gender mainstreaming pour
17
l’ensemble de l’Amérique latine25. Approuvé en 2001, le gender mainstreaming,
élaboré dans le cadre du Programa Marco de Mejoramiento de la Gestión (PMG) et
du gender budgeting confère en effet au SERNAM un pouvoir d’action et
d’interaction avec les différents ministères. En outre, le SERNAM se voit attribuer
une reconnaissance d’expertise professionnelle, exprimée en forme d’un pouvoir de
diagnostic, d’évaluation et de suivi des différentes politiques publiques, mises en
œuvre par tous les ministères et des différents services publics délivrés par les
administrations. Si l’on a à l’esprit que le PMG est assorti d’un système de
reconnaissance et de sanctions financières selon que le SERNAM donne son
approbation ou la refuse, on peut mesurer à quel point cette agence étatique ayant trait
aux droits des femmes a vu croître sa légitimité institutionnelle.
Au Pérou, par contre c’est le premier moteur qui prime. Le président Fujimori diffuse
un discours promouvant les droits des femmes, emprunté à l’univers de discours
international, pour soutenir la « modernisation » de son projet politique et pour
redorer sa réputation internationale et interne. Tout au long de la décennie, il
instrumentalise l’expertise féministe nationale – construite grâce aux liens tissés au
niveau régional et international – pour innover en matière de genre mais sans jamais
inclure les féministes ni à la décision ni à la mise en œuvre. Pour leur part, dans un
contexte de crise de partis, les ONG féministes acceptent de se lier directement au
président pour tenter de faire passer leurs revendications. Elles font des alliances
stratégiques avec des fonctionnaires pour faire entendre leur expertise au sein de
l’État, mais in fine soit, elles se font instrumentalisées, soit elles sont associées à des
politiques s’opposant aux droits des femmes (comme l’ONG Manuela Ramos qui
s’allie aux campagnes de stérilisations forcées). Les relations entre les féministes et le
gouvernement sont surtout contractuelles, clientélistes et personnalisées. Elles sont
instables et plus déterminées par l’agenda du président que celui des organisations
féministes fragilisant leur l’autonomie (Vargas 2002: 213).
Ces relations interdisent la formation et la consolidation du second moteur – la
configuration triangulaire du féminisme – expliquant la faiblesse tant de
l’institutionnalisation des politiques de genre que de la professionnalisation d’un
féminisme d’État. Les institutions et les programmes en faveur des droits des femmes
demeurent fragiles, sous-financés et ne concentrant que très peu de volonté politique.
Par ailleurs, si les ONG féministes se sont professionnalisées, grâce à la coopération
internationale, aucune féministe n’entre dans l’État – à quelques exceptions près dans
les années 2000. Les caractéristiques néo-populistes du régime de Fujimori sont
confirmées et mises en lumière par ses politiques de genre. Ces dernières survivent à
Fujimori limitant toute intermédiation politique et institutionnalisation des conflits
sociaux, donc de genre.
25
PNUD, Guía para la transverlización de género en el PNUD Chile, Santiago, 2006.
18
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