Discours IFRASEC - SDIS13 - Sapeurs Pompiers des Bouches du

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Discours IFRASEC - SDIS13 - Sapeurs Pompiers des Bouches du
Discours de M. Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
IFRASEC
« Retour d’expériences sur les attentats
du 13 Novembre 2015 »
Maison des sapeurs-pompiers – 17 décembre 2015
Monsieur le Préfet de police, cher Michel CADOT,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet, Directeur général de la Sécurité civile et de la Gestion
des crises,
Amiral, commandant le Bataillon des marins-pompiers de Marseille,
Mon Général, commandant la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris,
Mon Colonel, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de
France,
Messieurs les directeurs et directeurs adjoints de SDIS,
Mesdames et Messieurs les officiers supérieurs, sous-officiers, sapeurs,
Mesdames et messieurs les représentants des associations agréées de
sécurité civile,
Mesdames et Messieurs les urgentistes hospitaliers,
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Il y a un peu plus d’un mois, les actes barbares commis à Paris et à SaintDenis par des terroristes djihadistes ont entraîné la mort de 130 victimes
innocentes et en ont blessé, souvent grièvement, les marquant à vie, des
centaines d’autres. Ces femmes et ces hommes ont été pris pour cible pour
la simple et unique raison qu’ils partageaient un moment d’amitié et de
convivialité à la terrasse d’un café, dans une salle de concert ou bien aux
abords d’un stade de football. Jamais jusqu’alors nous n’avions eu à
affronter sur notre sol des attaques terroristes d’une telle ampleur et d’une
telle abjection.
Cet événement organisé par l’IFRASEC vous a conduits, tout au long de
cette journée, à partager l’expérience de cette tragédie avec tous les acteurs
de la sécurité civile qui se trouvaient, le 13 novembre et les jours qui ont
suivi, sur le terrain. Je veux évidemment en cet instant leur rendre un
hommage appuyé. Quand on est ministre de l’intérieur, on sait que l’on
devra faire face durant l’exercice de son mandat à des crises de toute
nature. C’est une responsabilité lourde. C’est une responsabilité qui oblige.
Mais c’est une responsabilité que l’on sait pouvoir assumer avec le soutien,
l’engagement et la compétence de l’ensemble des forces qui composent le
ministère de l’intérieur : administration préfectorale, policiers, gendarmes,
sapeurs-pompiers…ces près de 500 000 hommes et femmes qui veillent
toute l’année à la sécurité et à la protection des Français.
Ces derniers mois, notre pays n’a pas été épargné par les crises, qu’elle
qu’en soit la nature : attentats de janvier, inondations dans le sud de la
France, crash de la Germanwings, feux de forêts, drames routiers… Face à
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ces événements sortant de l’ordinaire, notre modèle de sécurité civile a
chaque fois répondu avec réactivité et avec efficacité.
C’était le cas le 13 novembre dernier.
Sous votre direction, Monsieur le Préfet de police, le général BOUTINAUD
a commandé l’ensemble des opérations de secours, en coordonnant l’action
de près de 500 sapeurs-pompiers, de 21 équipes médicales, et des bénévoles
des associations agréées de sécurité civile liées par un partenariat ancien
avec la Brigade, le tout en lien étroit avec les forces de police. Je ne veux pas
oublier non plus l’appui des élus et des services municipaux, fortement
engagés durant cette crise.
Dans un environnement d’une extrême délicatesse, caractérisé par la
multitude des sites d’intervention, et alors que les tirs continuaient parfois,
le dispositif de secours mis en œuvre a été capable de prendre en charge
dans des délais extrêmement rapides les premiers blessés et sous la
régulation du SAMU, de procéder à leur évacuation vers les hôpitaux. Les
renforts sapeurs-pompiers des départements mobilisés à titre préventif
n’ont pas été engagés, et à aucun moment, la couverture parisienne n’a été
dégradée au point de ne plus pouvoir faire face aux interventions courantes
ou à un surattentat. Il faut le souligner : le dispositif a été robuste.
Nous avons la chance de pouvoir compter à Paris, comme partout en
France, sur des femmes et des hommes, professionnels, civil ou militaires,
volontaires et bénévoles qui possèdent un sens supérieur de l’intérêt
général et de la solidarité, et qui par conséquent n’hésitent pas à mettre leur
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vie en péril pour protéger celle de leurs concitoyens. Tout simplement parce
que c’est leur mission, celle qu’ils ont choisie.
Les actions que vous avez conduites ont été exemplaires. Exemplaires en
termes d'organisation, exemplaires en termes de technicité, exemplaires en
termes de bravoure, alors que vous étiez confrontés à une situation d'une
exceptionnelle violence. C’est votre célérité, c’est votre professionnalisme,
c’est votre courage aussi qui ont permis de sauver bien des vies.
Je sais que cette efficacité n’est pas le fait du hasard.
Elle tient au travail d’anticipation que vous menez depuis plusieurs
années. Je m’étais rendu le 4 décembre 2014 à la caserne Champerret où
m’avaient été présentées les modalités de réponse de la BSPP à un attentat
multi sites. La préfecture de police, avec ses partenaires, se préparait depuis
longtemps à cette éventualité. Un exercice avait d’ailleurs été organisé le
matin même des attentats.
Cette efficacité tient aussi à la qualité des liens noués au quotidien entre
les différents acteurs.
Je pense en particulier au lien entre sapeurs-pompiers et urgentistes
hospitaliers, fondamental pour assurer la qualité et la cohérence de la prise
en charge des victimes. Je sais qu’ici à Paris ces liens sont permanents, que
le dialogue est constant pour améliorer la coordination et les opérations. Au
niveau national, nous avons travaillé pendant de nombreux mois pour
aboutir à la circulaire du 5 juin 2015, qui clarifie et précise le référentiel
commun sur le secours d’urgence aux personnes et l’aide médicale urgente.
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Je pense bien évidemment à la contribution apportée par les associations,
liées par un partenariat ancien avec la Brigade, qui ont été très présentes sur
le terrain le 13 novembre et dont les bénévoles ont été confrontés à des
situations auxquelles ils n’étaient pas complètement préparés.
Cette habitude de travailler ensemble est fondamentale pour agréger, en
situation de crise, les moyens et les compétences de chacun.
Cette mise en commun des forces doit s’inscrire dans le cadre de la chaîne
opérationnelle définie par les dispositions ORSEC : au maire ou, dans les
crises les plus graves, au préfet la direction des opérations et la coordination
générale ; aux sapeurs-pompiers le commandement des opérations de
secours et la coordination des moyens publics et privés de secours engagés
sur le théâtre de crise.
Ces principes ne sont pas arbitraires. Ils ont un sens et une utilité confirmés
lors de chaque crise : ils permettent de garantir la lisibilité, la cohérence et
donc l’efficacité des actions conduites, sous la direction des préfets.
C’était le cas le 13 novembre.
Mais comme après toute crise, un retour d’expérience est nécessaire. Un
événement d’une telle ampleur interroge forcément nos pratiques, nos
principes d’actions, nos organisations.
Je sais que vous n’avez pas attendu pour engager ce travail, puisque dès
les premiers jours après les attentats, des échanges avaient déjà lieu entre
la BSPP e et le SAMU de Paris.
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Vous conduisez vous-même une démarche globale, Monsieur le Préfet de
police, avec l’ensemble des services et des acteurs placés sous votre autorité.
Le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crises a lui aussi
établi une feuille de route conjointe avec le ministère en charge de la santé
sur tous les sujets relevant de la coordination entre blancs et rouges.
D’autres initiatives sont prises, s’agissant par exemple du volet spécifique
de l’accompagnement dans la durée des victimes et de leurs proches, ou du
fonctionnement du Centre interministériel de crise.
Je serai bien évidemment très attentif aux réflexions issues de ces travaux et
aux propositions visant à améliorer davantage encore nos dispositifs de
réponse pour faire face à de nouveaux événements.
L’événement qui nous réunit ce jour apportera une pierre de plus à l’édifice.
Vous me permettrez donc de ne pas préjuger du fruit de ces réflexions
mais de partager néanmoins avec vous sujets de réflexion et d’attention.
Notre réflexion doit tout d’abord dépasser le cadre strictement parisien.
Paris est une cible, nul ne l’ignore, mais la menace est nationale. Nous
savons tous que si la doctrine opérationnelle mise en œuvre sera la même,
les capacités d’intervention ne sont pas dimensionnés de façon identique
dans tous les territoires, y compris pour ce qui concerne les forces de
l’ordre, les moyens de police technique ou
médecine légale.
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scientifique, ou encore de
Or aucun de nos concitoyens n’accepterait un traitement différencié suivant
son lieu de résidence. Nous devons un même niveau de protection à tous les
Français.
A cet égard, je veux saluer les initiatives déjà prises par de nombreux
départements pour intégrer pleinement cette problématique d’attentats
éventuellement multiples. Je sais que les représentants des départements
des Bouches-du-Rhône, du Nord, de la Vienne ou du Rhône ont présenté
leurs démarches. Il faut poursuivre ce travail, adapter la planification en
conséquence et tester sur le terrain, au moyen d’exercices réguliers, la
pertinence de ces dispositions opérationnelles.
Il faut nous assurer de la capacité effective à projeter des renforts ou des
équipes spécialisées en soutien des départements, partout en France.
C’est le sens du message que j’ai passé aux préfets de zone et aux préfets de
départements lorsque je les ai réunis lundi dernier.
C’est le sens de la démarche initiée dans les zones de défense de Paris et du
Sud-est pour élaborer un nouveau contrat territorial de réponse aux risques
et aux menaces, par une approche globale des enjeux et des moyens
d’intervention.
Nous devons également travailler à améliorer l’information du public en
période de crise. Dans de telles crises, les appels sont aussi nombreux que
les inquiétudes sont grandes. Des messages doivent pouvoir être
rapidement diffusées à nos concitoyens pour qu’ils se conforment aux
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consignes de prudence. Des réponses doivent pouvoir être apportées à leurs
interrogations. Cela suppose à la fois de disposer des capacités techniques
pour répondre à leurs appels (ceux reçus par la préfecture de police se sont
élevés à plusieurs dizaines de milliers le 13 novembre dernier), et avoir
recours à des moyens de communication diversifiés.
De ce point de vue, j’ai demandé qu’une réflexion soit engagée au plan
national sur les missions et l’organisation des cellules d’information du
public activées par les préfets en situation d’urgence, afin de garantir à tout
moment et sans délai une capacité de réponse téléphonique. Par ailleurs, le
Premier Ministre a demandé d’accélérer le développement d’applications
mobiles d’information aux populations, en cohérence avec le Système
d’alerte et d’information des populations (SAIP). Le directeur général de la
sécurité civile doit me faire des propositions en ce sens, en lien avec le
Service d’information du Gouvernement.
Troisième point d’attention : la prise en charge des victimes, qui est un
volet à part entière de ce type de crise. La cellule interministérielle d’aide
aux victimes placée sous l’autorité du Premier Ministre et activée au Quai
d’Orsay en cas de crise terroriste, a fait la preuve de son efficacité. Le
ministère de l’intérieur a contribué à son fonctionnement, avec la présence
d’un détachement formé par la Sécurité civile et la direction centrale de la
police judiciaire, déployé au centre de crise du MAE, à l’Ecole militaire et à
l’Institut médico-légal. Un retour d’expérience spécifique est en cours. Il
faut clairement préciser l’articulation entre cette cellule et les préfectures,
notamment en cas d’attentats en province.
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L’amélioration du système d’identification et de suivi des victimes est de ce
point de vue une priorité que nous partageons avec la ministre de la santé,
afin de disposer, au niveau national, d’un outil performant, utilisé par tous
les acteurs de la chaîne de secours et du monde judiciaire, et qui permette la
cohérence du suivi des victimes.
Quatrième point d’attention : la sécurité des personnels de secours et de
sécurité dans de telles situations. J’ai souligné tout à l’heure le courage des
premiers intervenants. Face à une menace d’une intensité inédite, il est
nécessaire d’aborder ce sujet dans vos retours d’expérience.
Enfin, je voudrais insister sur un dernier sujet qui me tient
particulièrement à cœur, celle de la responsabilisation de nos concitoyens
pour en faire des acteurs de leur propre sécurité.
La capacité de résilience d’un pays ne peut dépendre des seuls services de
secours, aussi efficaces et compétents soient-ils – et ils l’ont été le 13
novembre dernier.
Nos concitoyens doivent être davantage acculturés aux risques, être
sensibilisés et formés aux gestes qui sauvent et se préparer à être surpris, en
adoptant les bons comportements. Il nous faut collectivement changer de
dimension pour que l’objectif de la loi du 13 août 2004 de modernisation de
la sécurité civile – « faire de la sécurité civile l’affaire de tous »- devienne
enfin une réalité.
Cela implique une action résolue des pouvoirs publics pour accompagner la
formation de chaque Français à tout âge de la vie. Quand un territoire est
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bouleversé, déstabilisé par une crise, quand certains de nos concitoyens se
retrouvent dans la détresse, chacun doit pouvoir contribuer, aux côtés des
pouvoirs publics, à l’œuvre de solidarité et de reconstruction.
Je salue donc l’initiative prise par la Brigade d’accueillir en janvier prochain,
dans ses casernes, tous ceux qui voudront s’initier aux gestes qui sauvent.
Je souhaite mettre en œuvre au premier trimestre une action semblable à
l’échelle nationale, en partenariat avec les associations agréées de sécurité
civile et la fédération nationale des sapeurs-pompiers.
Car c’est en
impliquant les Français que nous parviendrons collectivement à mieux faire
face à de tels événements.
Face à la réalité de la menace, nos actions doivent être puissantes et
résolues. Le Gouvernement est pleinement engagé en ce sens. Je sais qu’ici,
chacun d’entre vous, professionnels du secours et de l’urgence, a à cœur de
participer à cet effort. Pour accompagner votre action, j’ai obtenu du
Président de la République et du Premier Ministre le renforcement des
moyens de la sécurité civile. Au titre du Plan de lutte contre le terrorisme,
41 millions d’euros seront ainsi dégagés pour financer l’acquisition
d’équipements et de matériels supplémentaires qui contribueront à
améliorer la couverture opérationnelle.
Soyez par ailleurs certains de l’attention que je porterai à vos travaux et à
vos propositions. Je sais que nous partageons le même souci d’apporter aux
Français un haut niveau de sécurité.
Je vous remercie.
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