richard iii

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richard iii
RICHARD III
Une adaptation de Peter Verheslt d’après la pièce de Shakespeare
Mise en scène de Ludovic Lagarde
Création Festival d’Avignon 2007
© Marthe Lemelle
Vendredi 7 décembre – 20h30
Le Manège – MAUBEUGE
Durée 1h30
Théâtre du Manège
Rue de la Croix – BP 105, 59602 Maubeuge cedex
Tél : 03.27.65.65.40
e-mail : [email protected]
RICHARD III PAR LUDOVIC LAGARDE
Texte de Peter Verhelst d’après Richard III de William Shakespeare / Traduit du néerlandais par Christian
Marcipont / Mise en scène de Ludovic Lagarde / Dramaturge et assistante à la mise en scène : Marion Stoufflet /
Scénographie : Antoine Vasseur / Costumes : Valérie Simonneau / Lumière : Sébastien Michaud / Son et musique :
David Binchindaritz / Collaboration artistique son et musique : Olivier Pasquet / Avec : Anne Bellec (La Duchesse),
Laurent Poitrenaux (Richard), Geoffrey Carey (Hastings), Antoine Herniotte (Voix), Samuel Réhault (Loyal), Christele
Tual (Elisabeth), Francesca Bracchino (Lady Anne), Pierre Baux (Buckingham), Camille Panonacle (Margaret),
Suzanne Aubert (Le Prince Héritier)
Coproduction : Compagnie Ludovic Lagarde, Centre Dramatique Régional de Tours, Maison de la Culture de Bourges /
Scène Nationale, Festival d’Avignon, Le Trident / Scène Nationale de Cherbourg-Octeville, La Comédie de Reims / Centre
Dramatique National, Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines / Scène Nationale, Festiavl delle Colline / Turin.
Avec la soutien de la Région Ile-de-France et de CulturesFrance.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, DRAC et Région Provence-Alpes-Côtes d’Azur.
La compagnie Ludovic Lagarde est subventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Ile-deFrance.
Cette adaptation de la pièce de Shakespeare a ceci de particulier qu’elle déplace la perspective
habituelle : ce sont les femmes, dans ce Richard III qui sont les réceptacles de la douleur. Le public
découvre Richard III par les yeux de la Duchesse d’York, atterrée par la tyrannie de son fils, mais
dominée par son amour maternel pour cet enfant qu’elle a vu tourner au monstre depuis sa
naissance.
Dédaignant toute péripétie anecdotique, Peter Verhelst se concentre sur les motifs émotionnels des
protagonistes, exposition – obscène ? – de l’intime. Il dissèque le cœur ténébreux de Richard, dans
lequel le mal se mesure à la recherche de l’innocence, à la quête d’un monde plus pur et à la soif
d’amour que Richard invoque pour légitimer la violence. Établissant des parallèles avec les
criminels d’aujourd’hui – infanticides, terroristes, chefs de gouvernement – Verhelst campe un
Richard III étonnamment complexe et contemporain.
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Un précipité de Richard III : la pièce de Shakespeare se resserre, violente et outrancière ; Peter
Verhelst accélère la trajectoire solitaire de Richard. Les figures historiques et la dimension
stratégique du texte reculent, le jeu politique semble secondaire. Le pouvoir n’est sans doute pas
une fin, nul programme ici. Au centre du texte, un Richard dont on ne sait pas bien vers quoi il va –
ou quel serait son rêve. Demeure la destruction. Un désir de puissance sans reste ? Pour quoi ?
On voit se succéder les meurtres, les explosions – mais en rasant tout ce qu’il approche, c’est
aussi sa propre érection qui tombe.
Les vers libres de Verhelst, sa poésie concrète, campent un Richard qui n’est plus marqué
d’aucune difformité physique. Mais ce Richard n’en demeure pas moins comme un corps étranger
à ce qui pourrait être un monde commun. Ce corps est paroles avant tout. Mais chacun de ses
énoncés sera très littéralement exécuté. Par Loyal d’abord, son corps prothétique, puis rapporté
par une Voix aux interventions récurrentes. Et les effets, bien réels, de cette violence sans état
d’âme sont souvent renvoyés en hors champ.
Sur scène, on voit un homme qui serait à lui-même son propre champ de bataille, consommer tout
ce que le monde pourrait avoir de fécond, tout ce qu’il croise d’humain, le féminin d’abord. À
commencer par Lady Anne. Le sexe est cru, la caresse violente. Lady Anne en meurt. L’érotisme
morbide de Richard fait naître des images de guerre moderne au sein d’une cour élisabéthaine.
Traversé par des fragments du monde contemporain, les baïonnettes, le mortier, des bulldozers,
des « avions en formation », le texte prend le temps de mettre en scène des blocs d’intimité,
brusquement, comme en gros plan. Et c’est la Duchesse, la mère de Richard, qui ouvre et ferme la
pièce. Mais il n’y a rien de psychologique dans l’exploration de ce lien, plutôt l’apparition de
quelque chose comme le fait brut de la maternité. Ce rejeton est le mien. Que puis-je faire de sa
monstruosité qui est aussi la nôtre, de sa liberté nouvelle, à quoi rien ne subsiste, « délivrance de
la délivrance » ?
Au nom de quoi Richard perpètre-t-il ses crimes ?
« Enfin l’avenir peut commencer. »
Marion Stoufflet, octobre 2006.
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BIOGRAPHIES
Peter Verhelst (né en 1962 à Bruges) est devenu un écrivain culte en Flandre. Le public s’est laissé
séduire par sa langue sensible, sensuelle, qui déborde de poésie et d’imagination. Tout ce qu’il écrit
est habité par une ambiance féerique, mythique. Comme il le dit lui-même, son œuvre parle de
« gens qui échafaudent des idées et qui s’y tiennent si inébranlablement qu’elles finissent par se
retourner contre eux. L’enjeu ce sont simplement les insuffisances de l’être humain. Il s’agit toujours
de désir. Et de ce que peut encore signifier aujourd’hui l’idée de perfection par exemple. Il s’agit du
caractère impossible des utopies. Et de la raison mystérieuse qui fait qu’elles finissent inévitablement
par se transformer en leur contraire ». Il ne croit d’ailleurs pas dans la distinction entre la poésie et la
prose, entre la danse et le théâtre : « Pour moi tout est poésie ». Peter Verhelst a débuté par la
poésie, mais s’est tourné ensuite vers le roman, notamment Het Spierenalfabet et De Kleurenvanger.
Pour le théâtre, il a écrit entre autres Maria Salomé, Red Rubber Bals et Histoire d’A. Son
interprétation de Romeo en Julia, sélectionnée par le Theaterfestival 1999, a surpris par son
pessimisme. AAARS ! une interprétation étourdissante de l’Orestie d’Eschyle n’est pas passée
inaperçue non plus. Il collabore régulièrement avec Wim Vandekeybus, Luk Perceval, Ivo Van Hove
et De roovers.
Ludovic Lagarde est né en 1962 à Paris. C’est à la Comédie de Reims et au Théâtre Granit de
Belfort qu’il réalise ses premières mises en scène. En 1995, il met en scène Platonov et Ivanov de
Tchekhov. Il fonde sa propre compagnie en 1996 et met en scène Le Cercle de craie caucasien de
Bertolt Brecht en 1998. En 2001, il répond à l’invitation du Théâtre National de Strasbourg et monte
Maison d’arrêt d’Edward Bond avec les comédiens de la troupe. Parallèlement à son travail de
création théâtrale, Ludovic Lagarde mène une activité de pédagogue. Par ailleurs, il a réalisé
plusieurs mises en scène d’opéra, et travaille régulièrement avec le directeur musical Christophe
Rousset : Cadmus et Hermionne de Lully en 2001, Actéon et Les Arts florissants de Charpentier en
2004, ainsi que Vénus et Adonis de Desmarets en 2006.
Il travaille régulièrement avec l’écrivain Olivier Cadiot ; leur première collaboration remonte à 1993,
lorsqu’il lui passe commande d’une pièce, Sœurs et frères, créée au Théâtre Granit de Belfort.
Depuis 1997, il a adapté et mis en scène les derniers livres de l’écrivain : Le Colonel des Zouaves
(1997), Retour définitif et durable de l’être aimé (2002) et, plus récemment, Fairy queen (2004) qui fut
créé en alternance avec Oui dit le très jeune homme de Gertrude Stein lors de la 58ème édition du
Festival d’Avignon.
Laurent Poitrenaux a effectué la majeure partie de sa formation à l'école Théâtre en Actes, dirigée
par Lucien Marchal. Et c'est dans ce cadre qu'il rencontre pour la première fois Ludovic Lagarde.
Outre quelques apparitions dans des long-métrages, notamment Tout va bien on s'en va, de Claude
Mouriéras, son parcours de comédien l'amène à travailler avec de nombreux metteurs en scène, tels
que Thierry Bédard (L'Afrique Fantôme de Michel Leiris), Christian Schiaretti (Le Laboureur de
Bohême de Johannes von Saaz), Eric Vigner (Brancusi contre Etats-Unis), Arthur Nauzyciel (Le
Malade Imaginaire de Molière), Daniel Jeanneteau (Iphigénie en Aulide de Jean Racine) et Yves
Beaunesne (Oncle Vania de Tchekhov et Dommage qu’elle soit une putain de John Ford).
Il a créé, avec le comédien Didier Galas, un tour de chant Les Frères Lidonne, et une compagnie
L'Ensemble Lidonne.
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Habitué des mises en scène de Ludovic Lagarde il a joué dans pratiquement tous ses spectacles :
Sœurs et frères d'Olivier Cadiot, Trois Dramaticules de Samuel Beckett, l'Hymne de Gyorgy
Schwajda, Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht, Faust ou la Fête Electrique de Gertrude
Stein, ainsi que Oui dit le Très Jeune Homme de Gertrude Stein.
Il a créé le monologue Le Colonel des Zouaves d'Olivier Cadiot en 1997 et a depuis participé aux
deux créations suivantes de l'auteur : Retour définitif et durable de l'être aimé et Fairy queen.
Adolescente, Anne Bellec découvre le Théâtre en Algérie, à 20 ans elle entre au Centre de la rue
Blanche, remporte un 1er prix de Comédie Classique Conservatoire National de Paris, elle alterne
une centaine de pièces, films, téléfilms confondus. Au théâtre elle a joué sous la direction de René
Loyon, Jean-Luc Lagarce, Patrick Pelloquet, Jean-Claude Drouot, Bernard Sobel, Marcel Bluwal,
Brigitte Jaques, Beno Besson, Guy Rétoré, Anne-Marie Lazzarini… Plus récemment elle à joué dans
plusieurs créations d’Olivier Py (La Servante, L’Architecte et la forêt).
Camille Panonacle a débuté sa formation au Conservatoire d’Art Dramatique de Bordeaux jusqu’en
1996, puis au Conservatoire de Saint-Etienne de 1996 à 1999. Au Conservatoire National Supérieur
d’Art Dramatique, où elle rentre ensuite, elle suit les cours de Dominique Valadié et de Catherine
Marnas.
Outre quelques apparitions ponctuelles au cinéma et à la télévision, son parcours théâtral est
marqué par des spectacles mis en scène par Louis-Do de Lencquesaing (La Comédie de SaintEtienne de Noëlle Renaude) ou Brigitte Jacques-Wajeman (Ruy Blas de Victor Hugo en 2001-02 puis
Britannicus de Jean Racine en 2004).
Plus récemment elle fut Denise dans Oui dit le très jeune homme, de Gertrude Stein, mise en scène
par Ludovic Lagarde et créé lors du Festival d’Avignon 2004.
Après une formation au Conservatoire d’Art Dramatique de Bretagne, à Rennes, Christele Tual suit
le Cours Jean Perimony pendant deux ans. Puis son parcours la mène à l’Ecole Supérieure d’Art
Dramatique du Théâtre National de Strasbourg qu’elle fréquente pendant trois ans.
Elle débute dans le cadre du TNS, dans des spectacles mis en scène notamment par Philippe
Berling, Jean-Marie Villégier. Puis son aventure se poursuit avec des metteurs en scène tels
qu’Anton Kouznetsov (Les Petites Tragédies, de Pouchkine) avec lequel elle fera une tournée en
Russie, et Elisabeth Chailloux (Quai Ouest, de Bernard-Marie Koltès).
À partir de l’année 2001, elle participe à de nombreuses créations mises en scène par Joël
Jouanneau, en particulier Les amantes d’Elfriede Jelinek.
Plus récemment elle a participé à la création du texte Dans la luge d’Arthur Schopenhauer créée à
Théâtre Ouvert et mise en scène par Frédéric-Bélier Garcia.
Christele Tual fait également de fréquentes apparitions au cinéma, ainsi que dans des œuvres
télévisuelles et quelques courts-métrages. Ces derniers rôles sont dans Parlez-moi d’Amour de
Sophie Marceau, A Cran d’Alain Tasma ou encore Innocente de Karin Albou, dans lequel elle tient le
premier rôle.
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ENTRETIEN AVEC LUDOVIC LAGARDE
Comment avez vous rencontré le texte de Peter Verhelst?
Lorsqu’en 2005 le Festival d’Avignon a organisé un cycle de lectures de pièces de théâtre belges,
j’ai été particulièrement sensible au Richard III de Peter Verhelst. Parmi les textes que nous avons
lus, c’est celui qui m’a le plus intéressé et le plus intrigué. Dès la première lecture je l’ai trouvé
d’une grande beauté stylistique, avec un contenu plutôt sulfureux. Ces impressions se sont
confirmées pendant le travail avec les comédiens. J’ai ensuite rencontré l’auteur venu assister à la
lecture et je lui ai fait part de mon désir de mettre en scène la pièce.
L’écriture de cette pièce mêle prose et versification, vers libres, alexandrins, hexamètres… C’est un
texte de poète dans un style très concret dont il faudra tenir compte dans le travail avec les acteurs.
Les phrases sont très structurées, très ponctuées. Nous sommes face à une dynamique de la
parole que créent justement ces mélanges de prose et de vers. Nous sommes dans un entre deux
très riche, et sans doute contraignant, pour les acteurs.
Quels sont les aspects du texte qui lient ce Richard III à Shakespeare et quels sont, par
contre, les éléments qui l’introduisent dans l’actualité du monde contemporain ?
Il ne s’agit pas d’une adaptation mais d’une réécriture. C’est une pièce contemporaine construite
sur le schéma de Shakespeare. On pourrait dire qu’il y a un double mouvement. Dans un premier
temps, Peter Verhelst compresse l’œuvre originale en concentrant le nombre de personnages et en
réduisant certaines scènes à quelques indications. Il crée une voix-off qui prend en charge les
raccourcis qu’il se permet quant à l’action et radicalise le propos. Pendant qu’une scène se joue
dans le champ du théâtre, il y a une description en temps réel de ce qui se passe dans le hors
champ. Les ravages de Richard ne sont pas relégués à un arrière-plan historique, au contraire, par
le biais de ces récits, ils envahissent le plateau très tôt dans la pièce.
Dans un second temps, cette compression permet de développer des scènes ébauchées par
Shakespeare en faisant ce que j’appellerais des « gros plans » sur des personnages, en particulier
sur les personnages de femmes. Ainsi le rôle de la mère de Richard, la Duchesse d’York, devient-il
prépondérant.
Verhelst s’attarde longuement sur les rapports mère-fils, ce qui n’est pas le cas dans l’œuvre de
Shakespeare. Il y a une focalisation sur les rapports intimes entre les personnages. Ils viennent
presque se raconter, se confesser face au public dans une adresse souvent directe. Et l’on ne sait
pas à l’avance si cette exposition d’une parole privée sur la scène publique fait plutôt basculer les
personnages du côté d’une plus grande humanité, ou au contraire dans une obscénité illégitime.
Cela ressemble à des témoignages de docu-fictions anglais, à des fragments d’autofiction ou aux
séances d’autocritiques des procès staliniens, autant qu’à des scènes dont on commence à avoir
l’habitude dans le monde politique contemporain. Ces confessions sont déconnectées de toute
action. Elles prennent parfois la forme d’un récit de songe.
Verhelst, à partir de la trame shakespearienne, parle manifestement de notre monde et du champ
politique actuel. Tout ce dévoilement intime semble intéresser le public, les électeurs potentiels.
Alors doit-on considérer cela comme un moyen d’une meilleure compréhension des motivations
des politiques ou comme du voyeurisme ? Le problème œdipien de George Bush, par exemple, est
exposé partout et semble avoir provoqué une catastrophe en Irak. Faut-il en parler ?
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La lecture de Verhelst néglige le drame politique au profit d’un drame entre les sexes.
L’ouverture et la clôture de la pièce – une tragédie ? - sont confiées à la Duchesse qui
prononce des monologues d’une cruauté exacerbée. Quel est le rapport entre Richard et les
femmes ? Avec la mère ? Et Lady Anne ?
Je ne suis pas certain qu’on puisse dire que Verhelst néglige le drame politique. Ce qui est vrai,
c’est que si Richard III est parfois classé du côté des tragédies shakespeariennes, cette pièce est
tout de même le plus souvent associée à ses pièces, ses drames historiques. Et on peut dire en
effet que Verhelst, dans son geste de compression, déshistoricise quelque peu ce Richard : aux
références historiques élisabéthaines se mêle un registre contemporain qu’il nous faut prendre en
charge. Peter Verhelst va même très loin, puisqu’il met dans la bouche de Richard et d’autres
personnages des phrases d’hommes politiques contemporains comme Gandhi, Nelson Mandela,
Martin Luther King, Bill Clinton… des phrases pleines de promesses qui, dans la bouche de
Richard, se confrontent à ses actes… Son désir de pureté absolue conduit aux pires atrocités ; en
ce sens, on peut dire que Verhelst propose aujourd’hui une vision politique dans la pièce, même si
l’accélération à laquelle il se livre met indéniablement l’accent sur le rapport de Richard aux
femmes qui l’entourent… comme le faisait aussi Carmelo Bene d’ailleurs…
Mais quand vous lisez Shakespeare, et tout particulièrement Richard III, les femmes sont déjà très
présentes et fortes dans des scènes absolument inoubliables comme celle de Lady Anne ou celle
où la Duchesse d’York et la reine Elizabeth pleurent la mort de leurs enfants dans un moment
presque beckettien. Peter Verhelst prend ce matériau et l’emmène dans la modernité en leur
donnant vraiment la parole, une parole intime. Ainsi la Duchesse d’York raconte son
accouchement, Anne parle de la qualité étrange de sa relation érotique avec Richard…
Peter Verhelst investit tous les champs de la pièce en les nourrissant de ce qu’il ressent par rapport
à l’époque dans laquelle il vit ; c’est cela qui est intéressant d’ailleurs. Ainsi le lien de la mère à son
enfant est éclairé par une compréhension psychologique et humaine profonde de ce lien terrible
entre mère et fils qui va les entraîner dans la monstruosité, la dévastation et la mort. Il y a là une
pièce dans la pièce.
Mais au sein même des relations de Richard aux femmes dont il s’entoure et qu’il rejette, relations
mises en exergue par Verhelst, le lieu du politique n’est pas oublié. La manière qu’il a de
rechercher à tout prix une pureté pour le moins paradoxale vient travailler ces relations de
l’intérieur : chez Verhelst, Richard, débarrassé de toute difformité physique, semble presque
désincarné ; pure psychè, il se refuse donc et se dérobe absolument au contact. Ce qui n’est pas
sans conséquence, pour Lady Anne par exemple, qui en meurt sitôt que, l’ayant épousée, il est
devenu roi. Le désir qu’éprouve Richard de prendre le pouvoir semble presque s’épuiser au
moment même où il accède au trône, comme si rien ne soutenait cette quête d’absolu, aucun
fondement idéologique ; juste un désir personnel – mais de quoi ? Peut-on vouloir le pouvoir pour
le pouvoir, sans aucune autre détermination positive ? Il va très loin dans cette recherche, jusqu’à
une destruction qui semble gratuite. Richard ne veut pas faire ou refaire l’histoire, il est dans la
fulgurance du geste. Tout va très vite. Et personne n’est épargné sur ce chemin, pas même les
femmes, aucune. Jusqu’à sa mère qui finit par le suivre dans la mort lors de cette étrange et
magnifique pietà qui clôt la pièce… pourquoi ?
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RICHARD III DE WILLIAM SHAKESPEARE
Richard III (The Life and Death of Richard the Third) est la dernière pièce de la tétralogie historique
shakespearienne comportant déjà les trois parties d’Henry VI. La totalité de ces quatre pièces a été
écrite au début de la carrière de William Shakespeare, la plupart des historiens attribuant à Richard
III une date d'écriture de 1591 ou 1592. Pièce culminant avec la défaite du démoniaque roi Richard
III à la bataille de Bosworth dans le dernier acte, Richard III est la théâtralisation d'évènements réels
qui prirent fin en 1485, avec le changement de dynastie que l'on sait : les Plantagenêt laissant place
à la monarchie Tudor suite à la guerre des Deux-Roses.
A l'époque de Shakespeare, ces évènements étaient encore frais dans les mémoires, chaque
spectateur pouvait aisément identifier les différentes factions politiques et les liens de parenté entre
les différents personnages.
Néanmoins, il s'agit avant tout d'un drame humain et social dont les héros ne sont pas ceux que l'on
croit.
En effet cette volonté de pouvoir ne fait pas de Richard l'incarnation du Diable que l'on a souvent
décrite : elle naît plutôt d'un désir de revanche sur la Nature qui l'a fait difforme et sur la société
entière, sur ceux qu'il a aidés à prendre le pouvoir et qui le rejettent une fois que ses mains sont
salies (c'est lui qui a tué Henry VI et ainsi permis à Edouard de monter sur le trône).
Il va donc les tromper, les monter les uns contre les autres pour devenir roi. Contre l'insignifiance et
la mesquinerie qui l'entourent, Richard prend le parti de l'absolu : le Mal absolu, certes, mais qui naît
de sa liberté propre. Comme le Caligula de Camus, Richard III va au bout de ses idées, dénonçant
par ses propres crimes l'absurdité du Monde.
Mais tout se paye. Les fantômes de ceux qu'il a tués viendront hanter Richard, qui confronté aux
remords, presque schizophrène, connaîtra la peur. Enfin, lors de la bataille finale, alors que son
cheval est tombé sous lui, il crie « Un cheval! Mon royaume pour un cheval! » et tombe sous les
coups de Richmond...
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RICHARD III DANS L’HISTOIRE D’ANGLETERRE
Richard III (1452 - 1485), duc de Gloucester, fut le dernier des rois Plantagenêt d'Angleterre.
Fils de Richard Plantagenêt, duc d'York et de Cécile Neville.
C'est le plus jeune frère du roi Édouard IV.
Pendant le règne de son frère, Richard montre une loyauté absolue, sa devise est d'ailleurs "Loyauté
me lie". Il est l'un des conseillers les plus valables du roi et aussi un soldat très remarqué. En
reconnaissance de ses qualités, Édouard lui donne le titre de duc de Gloucester et le fait gouverneur
du Nord. De 1462 à 1483, il est aussi le Lord High Admiral commandant la flotte du royaume.
Richard et sa femme, Anne Neville (1456-1485) (veuve d'Édouard, seul fils du roi Henri VI), habitent
le château de Middleham, où ils ont passé une grande partie de leur enfance. Richard est aimé par
les habitants du nord de l'Angleterre, d’où sont originaires la plupart de ses partisans. Richard et sa
femme ont un fils légitime, Édouard de Middleham, prince de Galles 1473-1484).
La mort soudaine de son frère donne à Richard l'occasion de s'emparer du trône après avoir évincé
son neveu, le roi Édouard V, dont il est nommé tuteur. Le jeune Édouard et son frère Richard sont
envoyés à la Tour de Londres. Personne ne les revoit après l'été 1483, et on suppose qu'ils y sont
assassinés. C'est là le sujet d'une grande controverse.
Après avoir triomphé de plusieurs complots, il doit affronter l'invasion du royaume par le prétendant
Henri Tudor. Trahi par un de ses vassaux à la bataille de Bosworth, Richard est tué au combat. Il est
perçu plus tard comme un monstre, un homme méchant, assassin de tous ceux qu'il voyait comme
ses ennemis. C'est en effet un homme ambitieux, mais probablement innocent de la plupart des
crimes dont il est accusé. Une grande partie de cette réputation est due à la pièce de Shakespeare
qui porte son nom.
A voir, parmi les adaptations cinématographiques:
• 1955 : Richard III réalisé par Laurence Olivier, qui interprète également le rôle titre.
• 1976 : Goobye Girl, film dans lequel Richard Dreyfuss incarne un Richard III homosexuel.
• 1995 : Richard III réalisé par Richard Loncraine avec Sir Ian McKellen dans une version
transposée dans les années 1930.
• 1996 : Looking for Richard réalisé par Al Pacino dans le style documentaire.
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