RECHERCHE SUR LES ENFANTS ADOPTÉS EN DIFFICULTÉS
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RECHERCHE SUR LES ENFANTS ADOPTÉS EN DIFFICULTÉS Approche par analyse de dossiers et entretiens Volume 2 – 2006 Catherine SELLENET Professeur des universités en sciences de l’éducation Directrice du centre de recherches éducation – culture Recherche commandée au CREC par la Direction Générale de l’Action Sociale du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité 1 SOMMAIRE Introduction ............................................................................. 4 1-La question de l’agrément.................................... ................ 6 - Emergence d’un discours de convenance ........................ 6 – Non homogénéité des pratiques d’entretiens . ................ 7 – Le discours sur le « deuil de l’enfant imaginaire » et ses effets délétères ....................................... .............. . 8 – La tentation de dépasser les limites repérées. ................ 9 2-La question de l’évaluation de « l’adoptabilité de l’enfant »............................... .............. 10 - L’adoption comme option, non comme obligation........ 11 - Les causes récurrentes d’échec : ................... .............. 15 Des enfants très fragilisés par leur naissance ou leur parcours antérieur ......................................... .............. 16 Des enfants très carencés nécessitant des soins continus ......... 17 Des enfants ayant subi de véritables traumatismes ... .............. 18 Des enfants qui refusent l’adoption ........................... .............. 20 3-La question de l’appariement et de la préparation à l’adoption, versus parents et enfant. .......................................... .............. 23 - Les obstacles à l’appariement : ..................... .............. 24 Une méconnaissance de la culture de l’autre ............ .............. 24 Une méconnaissance des trajectoires des enfants ..... .............. 25 Une quête de « familiarité » immédiate ..................... .............. 25 Apparier ou apprivoiser ? .......................................... .............. 25 4-La symptomatologie des enfants adoptés en difficultés.... 27 5-La parentalité adoptive en question .................... .............. 28 La parentalité absente ou pathologique..................... .............. 28 La parentalité défaillante ........................................... .............. 30 La parentalité entravée par la séparation du couple. .............. 30 6- La responsabilité des services engagée............... .............. 30 7-L’accompagnement des parents adoptifs, Un manque flagrant ................................................. .............. 34 2 8-Le point de vue des parents adoptifs : Que peuvent-ils dire des difficultés rencontrées ?. .............. 37 Le non respect de l’autorité parentale par les professionnels .. 37 L’absence de partenariat ........................................... .............. 38 Des savoirs et des expériences à transmettre : .......... .............. 38 - Être vigilant sur les conditions de l’adoption et intervenir précocement......................................... .............. 39 - Prendre en compte la spécificité de l’adoption ....... .............. 40 - Admettre que les parents puissent être des partenaires.......... 41 9-L’analyse critique des théories et pratiques actuelles en matière d’adoption .............................................. .............. 42 - travailler sur les passages à l’acte violents............. .............. 42 -travailler sur les processus d’attachement ............... .............. 42 -utiliser les théories de la maltraitance et leurs effets .............. 42 -approfondir les théories de la parentalité ................ .............. 43 - utiliser les théories de la construction de l’identité. .............. 43 10-L’articulation entre les institutions ................... .............. 43 11-Préconisations et réflexions du groupe de travail sur l’adoption............................................................ .............. 44 Annexe 1 : caractéristiques des dossiers étudiés........ .............. 46 Annexe 2 : constitution du groupe de travail sur l’adoption ..... 62 Annexe 3 : exemples de formations à mettre en place.............. 63 Annexe 4 : profil des parents interviewés .................. .............. 68 Conclusion................................................................. .............. 71 3 INTRODUCTION L’approche privilégiée dans ce second volume est une approche qualitative. Elle consiste en une analyse de contenu de 81 situations d’enfants, à partir des dossiers remis par les départements au Ministère (44 dossiers), par des structures hospitalières accueillant des enfants après un passage à l’acte ou pendant un épisode dépressif ou délirant (13 dossiers), ou par des structures d’accueil comme les foyers de l’enfance (24 dossiers ) Aucun de ces 81 dossiers ne faisait partie de la première étude. Tous sont des dossiers en cours en 2003, année de l’étude. Sur les 81 dossiers, les garçons sont largement sur-représentés puisqu’ils constituent 64% des dossiers lus (soit 52 dossiers) contre 35,8% de filles (29 dossiers). Les adoptions tardives (post deux ans) sont importantes (62 dossiers soit 76,5%), mais nous comptons néanmoins 19 adoptions très précoces pour lesquelles les raisons des difficultés existantes ne peuvent être analysées en fonction d’un passé traumatique. Le tableau synoptique qui se trouve en annexe donne une première lecture des 81 dossiers analysés. Les * viennent signaler des fratries confiées à l’ASE, en même temps ou quelques mois plus tard. Nous comptons cinq fratries de deux et deux fratrie de trois soit au total 16 enfants (19,7%) concernés par un retour groupé à l’Aide Sociale à l’Enfance, d’où l’intérêt d’être vigilant sur les adoptions des fratries venant de l’étranger. Sur les 81 dossiers, 49 enfants viennent d’un pays étranger soit 60,5%, les enfants français ou nés en France et d’origine algérienne (accouchement sous X) sont donc au nombre de 32, un chiffre important qui vient questionner l’utilisation de l’article 350 puisque 20 enfants sont dans ce cas, deux enfants sont des enfants présentant des handicaps lourds, les autres enfants sont des adoptions précoces (10). La moitié des couples concernés étaient parents d’enfants biologiques. Le premier constat à faire est que nous devons au plus vite travailler sur les articles 350, sur la pertinence de la décision, sur le travail mis en amont pour préparer les enfants, sur l’analyse des troubles qu’ils peuvent déjà présenter, sur l’intérêt qu’il y a ou non à les changer de lieu d’accueil. L’analyse de contenu consiste en une méthode de traitement de données qualitatives, à partir des documents constitutifs du dossier de l’enfant. Ces dossiers comprennent des procès verbaux, des rapports de synthèse jalonnant le parcours de l’enfant, des bilans psychologiques, des rapports d’évaluation des candidats à l’adoption, parfois des lettres 4 écrites par les intéressés. Chacun de ces dossiers a été rendu anonyme pour protéger la vie privée des enfants et des familles. Pour des raisons de sécurité évidente, nous ne donnerons aucune indication sur le département de l’enfant, les dossiers ne seront évoqués qu’en termes de numéro. En utilisant l’analyse de contenu, nous poursuivons plusieurs objectifs : décrire plus finement le profil et le parcours des enfants adoptés en difficultés ; comprendre et repérer les raisons objectives et subjectives de « l’échec » ; révéler les théories implicites à l’œuvre dans les procédures utilisées ; déterminer des thématiques à travailler avec les professionnels, non pour éradiquer toute erreur, mais pour minimiser les risques et progresser dans la connaissance de l’adoption. Ce second volet d’analyse a été doublé d’un recueil de témoignages de parents et d’enfants en difficultés (30 entretiens- annexe 4). La méthode utilisée est celle de l’entretien semi-directif, tous les entretiens ont été enregistrés avec l’accord des intéressés, d’autres sont des témoignages écrits qui nous ont été adressés. Nous en rendrons compte dans un second temps. Nous avons par ailleurs doublé cette lecture par un travail de réflexion avec des départements et des associations concernés par le thème de l’adoption. La liste des participants à ce groupe de travail se trouve en annexe 3. Cette analyse globale nous amène à privilégier plusieurs thèmes de réflexion : 1. la question de l’agrément 2. la question de l’évaluation de « l’adoptabilité de l’enfant » 3. la question de l’appariement et de la préparation à l’adoption, versus parents et enfant. 4. la symptomatologie des enfants adoptés en difficultés 5. la parentalité défaillante 6. l’accompagnement des parents adoptifs 7. l’analyse critique des théories et pratiques actuelles en matière d’adoption 8. l’articulation entre les institutions 9. la question de la formation des professionnels 10. le point de vue des parents adoptifs : que peuvent-ils dire des difficultés rencontrées ? 1- La question de l’agrément Bien que la question de l’agrément ne soit pas le facteur premier d’explication des « échecs » d’adoption, nous revenons sur ce critère parce qu’il enclenche le processus d’adoption. Les 5 refus sont, on le sait grâce aux travaux de l’INED, assez rares (en moyenne moins d’un sur dix, variable selon les départements : 4% dans le Puy de Dôme, 14% en Seine Saint Denis), ce qui suppose qu’a priori la candidature ait été jugée recevable dans sa forme comme dans son contenu. Cependant le groupe de réflexion constate un certain nombre de failles sur lesquelles il faudrait revenir : – Emergence d’un discours de convenance : Aujourd’hui des forums existent, les candidats s’échangent des informations sur ce qu’il faut dire ou non, sur les « bonnes réponses » attendues par les professionnels. Ce qui est dès lors évalué, n’est le plus souvent qu’une construction de ce que notre société attend comme discours-modèle. Les candidats à l’adoption développent des stratégies pour présenter leur parcours, leur projet, ils ont ensuite d’autant plus de mal à évoquer leurs difficultés, puisqu’ils souhaitent coller à l’image d’eux-mêmes qu’ils ont initialement présentée. L’exemple de cette conversation prise, parmi d’autres sur un forum, montre combien les candidats deviennent des « stratèges éclairés » : « Pour les entretiens avec les travailleurs sociaux, c’est vrai qu’il faut rester toi même mais en te contrôlant quand même. Il ne s’agit pas déballer ta vie mais de confronter ton projet à la réalité et de le faire valider. Ensuite selon ton âge et ta situation, tu peux opter pour un pupille de l’Etat ou te tourner vers l’étranger. Sur ce dernier point, tu as aussi deux options : les OAA ou la démarche individuelle encadrée par la MAI et bientôt par l’AFA. Pour les OAA ce n'est pas toi qui choisis… Ils ont des critères particuliers qui peuvent changer et qui n'ont parfois aucun rapport avec le projet parental. Donc il vaut mieux les brosser dans le sens du poil ». (Internet, mars 2006). Suit dans certains cas, une grille fidèle des questions posées et les réponses les plus appropriées à fournir, enfin les réponses à ne pas faire. Cette nouvelle diffusion des savoirs sur les procédures ne doit pas nous choquer mais elle doit amener les intervenants à réfléchir aux critères pertinents pour évaluer une candidature, au-delà de questions qui parfois restent floues pour apprécier la réalité de la demande. Besoin d’enfant, désir d’enfant, droit à l’enfant, envie de faire une famille…Les facettes de la demande sont plus complexes qu’il n’y paraît. – Non homogénéité des pratiques d’entretiens Les pratiques sont extrêmement variées au niveau des entretiens, tous les départements ne font pas des entretiens dissociés, ce qui ne permet pas d’être certain de l’engagement des deux membres du couple. L’histoire (n°81) en est l’exemple type. Le dossier de l’enfant, vu après 6 un signalement anonyme, précise que « Monsieur et Madame ont mûri leur projet d’adoption après un séjour en Polynésie, le couple a quatre enfants et Monsieur désirait un cinquième enfant. Madame ne le souhaitait pas. Monsieur a été moteur dans le projet d’adopter un enfant, madame ne s’y est pas opposée, mais était moins motivée que Monsieur. Madame avait posé la condition d’adopter un enfant de moins de cinq ans… Par la suite, Monsieur a été amené à exercer son activité durant deux ans dans un autre pays. La famille ne l’a pas suivi. C’est donc seul que Monsieur entamera les démarches d’adoption ». C’est aussi seul qu’il retournera chercher l’enfant, sa femme lui ayant manifesté son désaccord du fait de l’âge avancé de l’enfant. Lorsque l’enfant arrive chez ce couple, il est âgé de huit ans. L’adoption durera cinq ans. Le non engagement de l’un des membres du couple est parfois masqué par un accord de façade, or tous les départements ne se donnent pas le temps, voire ne voient pas l’utilité de mettre en place des entretiens dissociés. Nous ne pouvons qu’encourager à la mise en place de temps séparés où chacun pourra exprimer ses craintes, ses désirs, voire les enjeux actifs au sein du couple. Il en est de même pour la situation n°75 où nous pouvons remarquer que la demande émane d’un couple présentant une forte différence d’âge : monsieur à 67 ans, madame est âgée de 37 ans. Quelle place est venue occuper cet enfant âgé de 11 ans dans la dynamique de ce couple ? Quel regard cet enfant a-t-il pu poser sur ce « père » en âge d’être grand-père, alors que lui-même souhaitait être adopté par sa famille d’accueil, chez laquelle il se trouvait depuis l’âge de quatre ans. La lecture du dossier de l’enfant montre explicitement l’attachement de l’enfant à son assistante maternelle. On note que l’enfant souhaite « porter le nom de cette dernière, mais que l’adoption n’est pas possible car Madame X est divorcée et a la charge de ses cinq enfants ». Le petit garçon est décrit comme « brillant, scolarisé en CM2 ». Pendant la préparation à l’adoption, cet enfant « griffera et strangulera l’autre enfant placé », un comportement qu’il n’avait jamais eu auparavant. Cette agression ne venait-elle pas signifier la difficulté à supporter le maintien de l’autre enfant dans une demeure qui pour lui était la sienne, et qu’il devait quitter ? Les appréhensions de cet enfant, pourtant consignées dans le dossier, ne seront pas prises en compte. On note « qu’il faut passer au concret » et en Juillet 2002, le placement en vue d’adoption est réalisé. Madame émet immédiatement des « craintes », elle se fait violence en disant « qu’il faut passer de la théorie à la pratique ». Monsieur manifeste d’emblée son désintérêt, mais son propre projet, son propre désir avait-il été suffisamment cerné lors de l’évaluation ? La durée de l’adoption sera de six mois. À la lecture de ce dossier, on a le sentiment d’une expérimentation, d’une tentative non réaliste de « passer en effet de la théorie à la pratique » sans prise en compte de 7 la réalité et des signes de retrait manifestés par tous. L’enfant vivra une double perte, celle de son assistante maternelle chez qui il ne pourra pas retourner, celle de sa famille adoptive. Accueilli en foyer, il est décrit comme un enfant respectueux du règlement, inscrit normalement à l’école, mais disant « qu’il n’a plus rien à perdre, et que les adultes ne tiennent pas leur engagement ». Cette histoire montre que le temps de l’agrément est utilisé différemment selon les départements, les grilles d’entretien lorsqu’elles existent (ce qui n’est pas partout le cas) sont plus ou moins affinées. Les rôles de chacun (assistante sociale, psychologue, psychiatre) ne sont pas toujours spécifiés, ce qui conduit les candidats à répéter et à structurer leur discours en fonction des attendus qu’ils perçoivent. Parmi ces attendus, notons le thème de « l’enfant imaginaire ». – le discours sur le « deuil de l’enfant imaginaire » et ses effets délétères. Les candidats à l’adoption ont largement intériorisé le discours selon lequel ils « devaient faire le deuil de « l’enfant imaginaire », une formule toute faite qui amène parfois les professionnels à ne plus interroger cet imaginaire et les limites qu’il permet de poser en termes d’âge pour l’enfant à adopter. On est en fait passé du « deuil de l’enfant biologique au deuil de l’enfant imaginaire », ce qui est loin d’être la même chose. Cette théorie gêne les couples pour exprimer leurs attentes. Le groupe de réflexion sur l’adoption note un certain « formatage » dans les réponses. Sur les sites Internet, les couples choisissent les pays en fonction de ce qui est possible, non en fonction de leur désir, d’où des désillusions sévères lorsque l’enfant arrive et qu’il ne correspond pas aux stéréotypes. Ce « point aveugle » dans l’évaluation de « l’enfant imaginaire », nous le retrouvons dans le dossier n°73 concernant l’adoption d’un petit garçon âgé de quatre ans. Cet enfant né en 1999 est reconnu par sa mère, à la naissance. Cette dernière fait une tentative de suicide immédiatement après l’accouchement et reprend son errance. Le petit garçon est accueilli au foyer de l’enfance, puis en famille d’accueil. Il marche seul à 13 mois, est décrit comme « coquin, rieur, facilement têtu », mais sans troubles du comportement. La dernière visite de la maman est effectuée en novembre 1999 et en 2002 la maman comparaît (procédure article 350) et accepte l’adoption. Celle-ci est réalisée en janvier 2003 chez un couple ayant une fille biologique âgée de huit ans. En août 2003, la famille redonne l’enfant aux services (sans aucune préparation à la séparation) « en raison des troubles de comportement constatés : boulimie, mutisme et automutilation ». La famille se défend de toute responsabilité et note que « c’est l’enfant qui désire partir et qu’il aurait dû bénéficier depuis longtemps de soins pour ses problèmes psychologiques ». En fait, le couple est divisé sur cette adoption, le père 8 entretient avec l’enfant une relation positive, la mère dit « son impossibilité à nouer une relation affective ». Accueilli en famille d’accueil, ce petit garçon ne présentera aucun trouble et exprimera le sentiment d’avoir « été trahi » par cette première famille. Une seconde adoption est tentée chez un couple, parents d’un enfant biologique et d’un enfant adopté, en décembre 2003. L’évolution est satisfaisante, aucun trouble n’est noté. En cinq ans, cet enfant aura vécu deux abandons et trois placements (pouponnière, famille, d’accueil, famille d’accueil relais). À l’évidence, dans cette histoire, seule la problématique du premier couple est en cause. La mère adoptive n’a jamais pu accepter l’enfant tel qu’il était, ni faire appel pour demander de l’aide. Toutes les observations ultérieures montrent que cet enfant ne présentait aucun problème psychologique. Les réactions manifestées par l’enfant, si tant est qu’elles aient existé, étaient toutes des manifestations réactionnelles. Dans cet échec de première adoption, l’appariement est en cause ainsi que la sélection des candidats. Notons également, qu’au-delà de sa réussite, la rapidité mise en œuvre pour procéder à la seconde adoption, peut être interrogée. Derrière l’envie de ne pas laisser cet enfant en attente, n’y-a-t-il pas aussi dans cette rapidité l’expression de la culpabilité de l’équipe ? La situation 23 est à l’identique de la précédente, l’enfant est un petit garçon de trois ans au moment de l’adoption, il intègre une famille composée d’un enfant biologique. La durée de l’adoption est de huit mois, l’enfant ne présente aucun trouble mais le rapport conclut : « cet enfant ne correspondait pas aux attentes du couple ». Il y a donc tout lieu d’interroger les candidats sur cet enfant imaginaire, de mesurer la plasticité du projet, au risque d’être confronté un jour au désenchantement. – la tentation de dépasser les limites repérées La tentation de dépasser les limites de chacun est également un facteur de risque. Elle est fortement impulsée par les intermédiaires qui proposent les adoptions. Nous constatons, dans les dossiers lus, une forte tendance à proposer des enfants plus âgés que prévu, à proposer deux à trois enfants au lieu d’un seul. L’adoption ne risque t-elle pas d’être conçue comme un marché où règneraient l’offre et la demande ? Nous notons que certaines associations demandent aux départements de ne plus délivrer des agréments pour des enfants de moins de trois ans, de ne pas stipuler cette limitation sur les avis donnés, afin de correspondre à la réalité de l’offre d’adoptions. Mais qu’en est-il alors des risques encourus, alors que le professionnel est convaincu que tel ou tel couple n’est pas prêt à accueillir un enfant plus grand ? L’extension d’agrément doit être interrogée, qu’elle concerne l’âge de l’enfant ou le nombre. Un délai pour ré-instruire les dossiers devrait être spécifié, afin de ne pas céder à la 9 pression des candidats agréés ou des organismes. Pour les départements, il est difficile d’avoir au téléphone des parents qui, de l’étranger, après avoir été mis en contact avec les enfants, demandent une modification immédiate de leur agrément. Si les décrets de la loi de 2005 prévoient une réactualisation des dossiers, et si celle-ci nous semble légitime pour prendre en compte l’évolution des couples, il nous semble néanmoins opportun d’empêcher toute réactualisation immédiate, demandée en fonction des offres d’adoption. Par là-même, nous préconisons un délai d’une année entre l’agrément et sa réactualisation. L’adoption des fratries n’est certes pas à limiter mais elle est aussi à travailler. Notre corpus montre que les adoptions simultanées ne sont pas simples. Certaines « fratries » sont purement fictives, non liées à des liens biologiques, ni même à des liens affinitaires. Nous notons dans certaines histoires de vie, des « fictions de fratries », dans lesquelles le bébé sert « d’appât » pour l’adoption d’enfants âgés. Les situations 4, 5,6 (trois enfants adoptés de 4 à 7 ans, tous accueillis au foyer de l’enfance) par une famille composée de deux enfants biologiques ; la situation 15 (famille de 4 garçons adoptant quatre filles, toutes placées), la situation 19 (2 enfants biologiques, 2 adoptés placés)…et bien d’autres, nous alertent sur une majoration des risques, lorsque la limitation donnée n’est pas respectée. 2- La question de l’évaluation de l’adoptabilité de l’enfant » Si l’évaluation des candidatures à l’adoption fait l’objet de procédures relativement structurées, il n’en est pas de même nous semble-t-il pour l’évaluation de « l’adoptabilité de l’enfant ». Tout se passe comme s’il allait de soi que tout enfant est transplantable dans un autre univers, pour peu que celui-ci soit accueillant et bienveillant. Et pourtant, Jean Paul Sartre ne disait-il pas « le jardinier peut décider de ce qui convient aux carottes, mais nul ne peut choisir le bien des autres à leur place ». Pouvons-nous dès lors, décider de la transplantation d’un enfant, sans interroger au passage l’intérêt de cette optique ? L’adoption est-elle la formule magique à proposer dans tous les cas ? De plus, la formule « une famille pour un enfant » laisse supposer que cette famille existe toujours, indépendamment de la problématique de l’enfant, et que tout « échec » sera à référer en priorité à la famille qui n’aura pas su s’adapter à l’enfant qui lui arrive. Cette hypothèse obère toute lecture nuancée, prenant en compte la dynamique même de l’adoption. - L’adoption comme option, non comme obligation 10 Après une longue période de frilosité vis-à-vis des adoptions tardives, il semble que les services évoquent de plus en plus l’hypothèse de l’adoption, le plus souvent cependant après un temps long d’atermoiements qui obère l’adaptation future de l’enfant. La décision d’article 350 prise, il faut en moyenne trois ans pour obtenir sa concrétisation. Pendant tout ce temps, l’enfant vieillit. Les enfants sont dès lors âgés (Dossier 7-7ans ; D 20-12 ans ; D21-8 ans ; D22-11 ans ; D23-3 ans ; D 32-4 ans ; D50-9ans ; D52-8ans ; D66-6ans ; D67-6 ans ; D 68-7 ans ; D70-7ans ; D71-8 ans ; D72-6 ans ; D73-4ans ; D74-8 ans ; D75-11ans ; D76-9 ans ; D 81-8 ans ), ils présentent un parcours, des habitudes de vie, des goûts, des forces et des faiblesses qu’il va falloir apprécier. En face, se trouvent des couples dont les caractéristiques, les rêves, les limites, sont également à prendre en compte. Paul D. Steinhauer dans son livre Le moindre mal1 dresse une première synthèse des caractéristiques recherchées chez les parents adoptifs, à partir des écrits généralement publiés sur ce thème. Il note, que plus l’enfant est âgé, plus la gamme des attitudes adaptatives des parents doit être étendue. Sans être une liste à suivre à la lettre, les tableaux ci-dessous peuvent servir utilement de repères évitant les « points aveugles » de certaines évaluations. 1 Seinhauer, P. Le moindre mal. Presses de l’université de Montréal, 1996, 463 p. 11 12 13 14 Nous avons repéré plusieurs causes récurrentes pouvant expliquer les difficultés. Les premières tiennent à la santé de l’enfant, d’autres à son histoire, les dernières à son propre positionnement et à son refus de l’adoption. Pour illustrer ces trois cas de figures, nous ferons référence aux dossiers lus. - Les causes récurrentes d’échec - Des enfants très fragilisés par leur naissance ou leur parcours antérieur La situation 66 évoque un petit garçon né en 1990, accueilli en pouponnière à l’âge de sept mois. Dès son admission, la pouponnière note que cet enfant présente « des troubles du comportement nécessitant un suivi psychologique. Ses crises d’instabilité et d’oppositions sont fréquentes et augmentent y compris en famille d’accueil », famille qu’il devra quitter pour une structure d’observation. Un article 350 est néanmoins demandé avec ce diagnostic « au vu des difficultés rencontrées par cet enfant, de sa forte demande affective, de son besoin d’avoir des parents disponibles, qui sauront lui imposer des règles éducatives, nous avons pensé à une adoption ». L’enfant a alors six ans, il intègre une famille sans enfants. Cette situation montre à quel point les parents sont ici mis en demeure de « réussir » là où une structure n’y arrive pas. Placés en position de « thérapeutes » de leur enfant, les parents adoptifs sont-ils « armés » pour une telle prise en charge ? Nous notons une absence réelle d’évaluation de la gravité des troubles de l’enfant, et surtout la croyance indéfectible en la force de l’affection, comme si celle-ci pouvait à elle seule aplanir les difficultés. S’agissait-il seulement « d’imposer des règles éducatives à cet enfant » ? Et pourquoi la famille adoptive serait-elle censée être plus performante que l’institution ? A posteriori, certains couples adoptifs s’interrogent sur ce qui a été cliniquement fait pour ces enfants, avant leur adoption. On a parfois le sentiment, à la lecture des dossiers, que les troubles sont connus, mais que rien ou trop peu de choses ont été tentées pour les résorber en partie : - « Vers un an et demi notre fils a été retiré puis placé en pouponnière au bord de la mer, puis vers l’âge de trois ans, trois ans et demi dans cette famille d’accueil où il se trouvait quand on est arrivé pour l’adoption. On ne nous a effectivement pas caché les difficultés, mais bon, il n’avait quasiment pas fait de maternelle, c’est un enfant qui ne s’intégrait pas, qui refusait tout travail graphique, de s’asseoir pour faire quelque chose par exemple, c’était quasiment impossible pour lui. On nous l’avait présenté comme un enfant qui avait demandé à avoir des parents, on trouvait cela plutôt bien, il l’avait dit au psychologue qui l’avait vu pour l’adoption, …donc un enfant qui se pose difficilement, mais qui bénéficie de la tolérance d’une école de campagne, de 15 beaucoup de tolérance et d’affection de sa famille d’accueil, il est quand même dans le groupe, donc il y tout un mouvement autour de lui, un enfant attachant, un enfant très bavard, très investi dans la parole, mais un enfant aussi qui se met en danger, qui fait n’importe quoi. Il est dans une quête affective terrible, il peut s’adresser à n’importe qui dans rue, qui que ce soit enfant ou adulte, il s’adresse à tout le monde au même niveau, il parlait dans les rues de Basse Indre à des gens que l’on ne connaissait absolument pas, mais d’homme à homme, des choses absolument pas de son âge, il aurait pu aller boire un coup au café, pas de repères sur les générations, les âges, tout était bon du moment qu’il y ait une relation…Il avait des tas de troubles connus mais non soignés. C’est avant l’adoption qu’il fallait agir, quand il était tout petit, en attente d’une famille d’accueil ou d’adoption. La question qui se pose est : quand repère-t-on que l’enfant a des troubles ? L’année où sa mère venait et le raptait, cet enfant a vécu des choses violentes et cela n’a pas été repris (maltraitance, toxicomanie, errance, scènes violentes…), cela remonte à la surface. Le service Ase ne pouvait-il pas organiser un suivi psychologique pour cet enfant et ne pas attendre que l’adoption vienne régler les problèmes ? Qu’ont-ils fait de ces cinq années ? » (témoignage n°23 annexe 4) Les difficultés dans la famille adoptive seront immédiates ; Cinq années plus tard, cet enfant âgé de onze ans intègre un institut de rééducation, avec une famille d’accueil le week-end, deux jours par semaine à l’unité de l’hôpital psychiatrique, et une prise en charge dans un centre équestre. Le rapport note que seule cette prise en charge multiple permet un maintien de l’enfant. Cette histoire nous invite à revisiter les critères d’adoptabilité de l’enfant. La générosité seule ne suffira pas lorsqu’il s’agit de soins cliniques à dispenser. Faute d’émettre un véritable diagnostic, le risque est de fragiliser des couples qui ne sont pas formés à ce type d’accueil. Les symptômes de cet enfant n’étaient semble-t-il pas conjoncturels, en réaction à l’institution, mais bien structurels, présents dans la très petite enfance. On ne peut dès lors imaginer que l’adoption ait des effets magiques et qu’elle résolve des problèmes que ni les soignants, ni les institutions n’ont pu résoudre ou diminuer antérieurement. Les tableaux récapitulatifs 17-3 et 17-4 de Steinhauer reproduits ci-dessus devraient être connus, ainsi que les études sur lesquelles ils s’appuient. Les situations 26 et 27 sont du même ordre. La pathologie des enfants est trop lourde pour permettre une intégration réussie. La première concerne un garçon né en 1998, atteint de la maladie de Marfan, associant des malformations squelettiques, cardio-vasculaires et oculaires 16 graves. La famille adoptive a déjà quatre enfants, dont un enfant adopté. Leur souhait était d’adopter un enfant qui occupe la dernière place dans la fratrie, avec un handicap physique mais non mental. En fait, ce petit garçon âgé de quatre ans s’intègre entre les enfants. L’aîné dit tout de suite son hostilité à cette adoption et sa crainte devant l’apparence physique du petit garçon, qui est au-delà de ce qu’il peut supporter. L’adoption est néanmoins réalisée, elle entraînera une souffrance de toute la famille et du petit garçon qui cessera de manger. Son retour en famille d’accueil terminera la tentative, mais fallait-il qu’elle soit tentée, alors que cet enfant est décrit comme parfaitement heureux dans sa famille d’accueil ? La situation 27 concerne une petite fille née en 1997 avec un syndrome d’Appert (doigts et orteils non formés, os du crâne soudés, plusieurs opérations chirurgicales sont nécessaires). En 1998, une première adoption est tentée, elle dure un an. On note un non accrochage de la mère adoptive. En 2000, une nouvelle adoption est tentée avec un couple jeune, parents d’une petite fille. L’adoption est prononcée un an plus tard mais en 2002 il faut reconnaître l’échec de l’adoption. Le rapport conclut : « ces parents sont en échec, non parce qu’ils sont défaillants, mais parce qu’ils se heurtent à l’insuffisance voire l’inexistence de structures. Ce sont des personnes authentiques, chaleureuses, totalement malmenées » Ces premières situations nous engagent à élaborer un diagnostic serré, qui ne banalise pas les difficultés de la prise en charge de ces enfants. L’adoption n’a pas à pallier les insuffisances de nos politiques concernant l’enfance. Elle n’a pas vocation à remplacer des soins cliniques indispensables. Il en est de même pour les enfants carencés, ayant vécu de multiples ruptures affectives. L’adoption de ces enfants est tout à fait envisageable, mais à la condition d’avoir évalué leurs capacités d’attachement, d’avoir repéré les symptômes asociaux, d’en avoir informé la famille adoptive, et de mettre en place un accompagnement dès le début de l’adoption. Là encore, trop de dossiers montrent une forte croyance en une résolution magique des problèmes, ou l’attente d’une résolution « avec le temps », comme si ce dernier allait gommer les traumatismes subis. - Des enfants très carencés nécessitant des soins continus Au-delà de ces handicaps lourds, certains enfants présentent des carences affectives graves, minimisées ou dû moins non soignées précocement. Les situations 8/9, 33 et 36 sont dans ce registre et révèlent une insuffisance de connaissances des professionnels sur les effets de la carence (voir travaux de Michel Lemay : j’ai mal à ma mère. Fleurus, 1979) et sur le « mécanisme de brisure » mis en place par ces enfants pour éviter toute désillusion affective. Les situations 8/9 concernent des jumeaux (fille et garçon) nés en 1985 et adoptés à l’âge de trois ans. Originaires de Haïti, ces enfants malgré leur jeune âge, présentent un lourd passé 17 fait de : maltraitance, dénutrition, brûlures, poignets coupés…Ces enfants vont rencontrer un couple adoptif dont la problématique est tout autant souffrante (deux enfants décédés, un enfant biologique vivant). Les deux enfants adoptés développent des symptômes lourds (errance, tentative de pendaison…), auxquels les parents ne savent comment répondre. Une délégation d’autorité parentale est signée en 1999, la jeune fille est en lieu de vie, le garçon a totalement disparu. T (situation 32) a également un passé carentiel. Né en 1987, il est adopté en 1991, à l’âge de quatre ans après un article 350. La problématique personnelle de T va là encore rencontrer une problématique familiale difficile. Le père adoptif décède devant T (alcoolisme) en 1997 ; T qui a dix ans présente déjà des troubles du comportement qui vont s’amplifier : urine sur les murs en cas de frustration, tentative de strangulation de sa mère, troubles du comportement sexuel, hyperactivité, fugues, agressions, retard de développement affectif et cognitif dû selon les psychiatres à « des cicatrices narcissiques précoces ». Orienté en institut de rééducation avec de fréquentes hospitalisations en psychiatrie, ce jeune garçon maintient des liens avec sa mère qui reste très présente. La situation 36 montre la non prise en compte du passé institutionnel des enfants. C est née en 1994, en Moldavie. Adoptée à l’âge de trois ans et demi par une femme seule, en même temps qu’un autre enfant (âgé de trois semaines) de la même pouponnière, C présente tout de suite des troubles : instabilité constante, mise en danger, « réactions de fuite en avant, mêlant des éléments visant à établir tout de suite et à tout prix une relation affective, mais y mettant fin aussitôt de crainte d’être abandonnée ». Le diagnostic posé est celui « d’angoisse d’abandon avec carences graves liées au passé en pouponnière », avec des comportements archaïques (porte tout à sa bouche) et une immaturité affective totale. L’hospitalisation et la scolarité à temps partiel sont proposées mais on note que « la mère est totalement épuisée ». Chacune de ces situations montre une non évaluation des troubles de l’enfant, et une incapacité, une fois l’adoption réalisée, à proposer des soins adaptés. La plupart des familles font appel, mais la réponse est souvent dérisoire, du style : « la crainte de l’abandon est normale pour un enfant adopté, cela va se résoudre au fil du temps ». - Des enfants ayant subi de véritables traumatismes Sont également minimisés les traumatismes subis comme si l’amnésie infantile allait recouvrir les cicatrices. Pour ces enfants, ce n’est pas tant l’adoption qui est en cause que le traumatisme refoulé. Il est étonnant de voir, en France, le décalage entre les « cellules de crise » proposées systématiquement pour le moindre événement, et la non réflexion accompagnant l’arrivée des enfants ayant été confrontés à la guerre ou à des traumatismes 18 divers. Les situations 7, 14, 34, 37, 41, 71, parmi d’autres, nous montrent l’urgence de mettre en œuvre des formations adaptées à la prise en charge de ces enfants. S née en 1989 (situation 34), que nous avons rencontrée, a été adoptée en 1995, à l’âge de six ans. Originaire du Népal (comme la situation 14, histoire identique), elle est placée à l’orphelinat après le décès de ses parents (sa plus jeune sœur sera adoptée en région parisienne), c’est le père de S qui a égorgé sa mère (alcoolisme) et la sœur aînée qui a tué le père pour éviter le carnage de la fratrie. La fratrie (9 enfants) est dispersée, S vit dans la rue puis est recueillie par un oncle qui la frappe (« il était pire que mon père, il m’a cassé le poignet alors j’ai fui et j’ai été accueillie à l’orphelinat »). Suivie dès son arrivée en thérapie, S multiplie les hospitalisations pour tentatives de suicide. Elle note « je suis tombée dans une bonne famille d’adoption, mais il y a l’enfance qui remonte et je souffre. Je me suis fait exclure du collège parce que je pose trop de problèmes, je suis toujours à l’infirmerie, j’ai l’impression d’embêter tout le monde. J’adore mes parents mais je suis trop lourde, je fais des tentatives de suicide (coma 72H) et je les fais souffrir. Je préfèrerai un foyer ou une famille d’accueil et seulement les retrouver le week-end pour cesser de les détruire. J’ai envie de fuir. ». S est la seule enfant de ce couple adoptif. L’histoire de D (situation 37) adopté à cinq ans et originaire de Djibouti est tout aussi sordide. Abandonné à la naissance sur une décharge publique, D reste obsédé par le désir de retrouver ses parents d’origine et par sa couleur. Présentant des comportements masochistes et suicidaires (défenestration), D est hospitalisé plusieurs fois dont l’une à la suite d’une agression sur sa mère adoptive. Le rapport d’hospitalisation note : « cet enfant n’arrive pas à prendre souche dans sa famille adoptive, il est totalement envahi par les conditions de son abandon et par une recherche identitaire ». E (situation 41) vient du Brésil. Né en 1992, il assiste à l’assassinat de ses parents, puis est confié à une famille d’accueil qui le maltraite (sévices sexuels) avant d’être accueilli en orphelinat. Adopté à l’âge de sept ans par une femme seule, E est hospitalisé très vite pour comportement asocial (violences, vols, agitation, fugues, refus des règles). L’adoption tardive, le déracinement, les troubles liés aux traumatismes subis dans l’enfance, sont pointés comme majeurs, bien avant le fait que cette adoption soit le fait d’une femme seule ayant des difficultés à faire face à cet enfant (à noter que la mère est à l’origine d’une demande d’aide de type AEMO). On ne peut penser que ces troubles étaient ignorés des services du Brésil. L’adoption est alors un pari risqué tant pour l’enfant que pour l’adoptant qui se propose à devenir parent. Savons-nous « traiter » de tels traumatismes ? Avons-nous mis en place des structures d’accompagnement dignes de ce nom ? À l’évidence, la réponse est négative. Nous 19 ne proposons alors que des admissions en instituts de rééducation, voire en centres fermés, pour des enfants qui relèvent d’une clinique de soins. Quand ces mêmes structures ont également trouvé leurs limites, nous restituons aux parents adoptifs leurs enfants, des enfants dont certains parents ont peur sans toujours oser le dire. - Des enfants qui refusent l’adoption Tous les enfants ne sont pas adoptables, et tous ne le souhaitent pas. Certains enfants sont acteurs de l’échec, ils mettent toute leur énergie à dénoncer le projet qui a été pensé en leur nom. Tel est le cas pour les situations 3, 18, 35, 42, 45, 46, 49, 63, 65, 68, 69, 75, 76, 80, 81. Cette longue liste dit assez combien cette donnée doit être considérée. Nous n’ignorons pas combien le refus de l’enfant peut-être consécutif au refus des parents, qu’il peut être une rationalisation secondaire pour garder la maîtrise du rejet. Il est sans doute plus facile, pour un enfant, de dire « je ne veux pas de cette famille », plutôt que d’admettre « ils n’ont pas voulu de moi ». Nous aurions là l’expression d’une tentative de consolation, dernière stratégie du narcissisme pour se protéger. Pour autant, et sans exclure cette hypothèse, nous avons néanmoins le sentiment que certains enfants refusent farouchement leur adoption. Certains témoignages que nous avons recueillis vont dans le même sens (malgré l’attachement des parents adoptifs) Témoignage d’une petite fille - « Je viens d’Haïti. J’y suis restée 10 ans et demi, j’ai douze ans et demie cela fait donc 2 ans que je suis en France. Je me souviens que c’est très pauvre là-bas et qu’une riche américaine s’est occupée de moi. Mais je n’avais pas compris que c’était pour une adoption. Elle s’est occupée de mon adoption… Il y avait 3 autres enfants, chez cette américaine, qu’elle a fait adopter. Il y avait deux des enfants qui étaient plus âgés que moi. Je vivais avec ma mère dans un village et un jour cette dame est venue parler avec ma mère et je n’ai pas entendu ce qu’elles se disaient. Ma demi-sœur est venue me chercher pour aller voir cette dame et quand ma mère m’a dit au revoir, je pensais que j’allais retourner chez ma mère, mais je n’y suis pas retournée… Comme j’avais compris que j’allais vraiment être adoptée, je comprenais qu’il fallait aimer mes parents adoptifs, on me l’avait dit. Alors quand X est arrivé, j’ai été dans ses bras, mais c’était un peu de la comédie…J’aurais préféré que ce soit la riche américaine qui m’adopte ; J’étais en colère parce que je ne voulais pas venir en France et pas être adoptée. J’ai toujours envie de retourner à Haïti. Je leur en ai voulu de m’avoir adoptée. Maintenant la colère est moins forte, mais je ne les aime quand même pas et je veux retourner dans mon pays. je préfère un orphelinat à Haïti 20 plutôt qu’ici. X et Z sont gentils avec moi, ils me parlent beaucoup. Ils essaient de me comprendre mais ce n’est pas suffisant. Je préférerais vivre au milieu de ma couleur avec mes racines. J’ai dit un jour que je n’aimais pas les blancs, mais je ne sais pas pourquoi j’ai dit cela. Je ne me sens pas vraiment à ma place en France. J’ai décidé de repartir dans mon pays, je n’ai pas trop envie qu’on me donne des ordres et qu’on décide de ma vie. J’ai envie de décider toute seule. » Cette analyse du refus est présente dans les rapports qu’il nous a été donnés de lire. - La situation 35 est l’histoire d’un enfant garçon adopté à l’âge de huit ans. Venant de Dakar, cet enfant sera placé en institut de rééducation à l’âge de 12 ans, avec des hospitalisations en psychiatrie. Au-delà de la présence de ses parents adoptifs qui demeure effective, ce jeune garçon présente des troubles du comportement entravant toute scolarité. Le dossier psychiatrique note « cet enfant n’a pas compris pourquoi il a quitté son pays où il a laissé un père biologique et un grand frère. Son départ s’est passé sans explication et reste vécu comme un traumatisme. Cet enfant est profondément triste, il développe une instabilité de type hypomaniaque servant à lutter contre un syndrome dépressif sévère ». - La situation 42 est celle d’un garçon né en 1992, originaire d’Ethiopie. Ce jeune garçon adopté à quatre ans intègre une famille de sept enfants (quatre biologiques, trois adoptés en Ethiopie). K est le septième enfant et le seul à avoir des problèmes. Hospitalisé en 2003, ce jeune garçon âgé de onze ans présente des idées suicidaires et des comportements prépsychopathiques. Il explique « qu’il conteste totalement l’adoption, qu’il ne veut pas de parents adoptifs ». Sa mère est morte dans ses bras en Ethiopie, c’est là qu’il veut retourner. Il ne faudrait pas croire que le refus d’adoption touche exclusivement les enfants étrangers rêvant de retourner dans leur pays, nous le trouvons aussi chez des enfants français proposés à l’adoption après un article 350 (cinq cas sur 16). Ce rejet de l’adoption interroge la capacité des adultes à entendre l’ancrage antérieur de l’enfant, sa non mobilisation, ses capacités à être acteur de son destin, y compris dans le refus. - La situation 68 est celle d’un garçon né en 1994, abandonné en 1999 par sa mère après des actes de maltraitance (fracture des bras, gencives en sang, traumatisme crânien…). Adopté en 2001, après un bon ancrage dans sa famille d’accueil, cet enfant met en échec le projet d’adoption moins d’une semaine après son insertion. La famille adoptive est constituée d’une enfant biologique âgée de quatre ans. Le couple souhaitait, suite à une stérilité secondaire, adopter un enfant de moins d’un an. Pour des raisons inconnues, on leur propose ce jeune garçon âgé de sept ans, qui se retrouve en place d’aîné. La lecture des écrits ne laisse aucun 21 doute sur les sentiments de l’enfant qui dit « je ne sais pas si je veux être adopté, mais c’est obligé. Il me faudra du temps pour les aimer. » ou « j’ai trois mamans mais ma préférée c’est ma maman d’accueil, puis ma mère naturelle, ma mère adoptive ce n’est pas ma préférée. Ce n’est pas ma vraie maison, elle n’est pas fausse non plus, je voudrais retourner chez V même sans être adopté ». À la présentation exemplaire du couple adoptif (« madame est une femme réfléchie, généreuse, câline, une boule de douceur »), va succéder un bilan négatif rejetant l’échec sur le couple : « le projet d’adoption venait en désir de réparation, le projet était de fait idéalisé, un enfant ne peut être l’objet d’une réparation, ce couple est dans l’incapacité de s’interroger et d’analyser cet échec ». Le couple, lui dira, « cet enfant est une plaie vivante, séparé des siens et le service est inhumain d’avoir séparé cet enfant de sa famille d’accueil ». Les analyses qui s’affrontent couvrent la voix de l’enfant, la « maltraitance » est en spirale, chacun dénonçant l’autre de n’avoir pas su définir un projet cohérent pour cet enfant. Notons toutefois certaines erreurs pointées dans d’autres dossiers : l’insuffisante écoute de l’enfant ; le faible temps consacré à la préparation (en l’espèce : une rencontre au service, deux nuits à quinze jours de distance avant le départ définitif) contrastant singulièrement avec le temps ralenti de l’avant projet. Plus l’enfant est âgé, plus son ancrage dans sa famille d’accueil est grand, plus le rythme devrait prendre en compte les mouvements de l’enfant. De même, dans cette situation, on ne voit pas comment l’appariement a pu passer d’une demande initiale concernant un enfant de moins d’un an à un enfant de sept ans. - Dans la situation 76, le processus est identique. Né en 1991, l’enfant est accueilli de 1993 à 1997 en famille d’accueil. En prévision d’un article 350 et d’une adoption, il est déplacé en établissement, l’adoption ne sera effective qu’à neuf ans (en 2000). Cet enfant qui a déjà perdu sa mère, son assistante maternelle, perd aussi son frère qui sera adopté ailleurs. Dès le début de l’adoption, les problèmes sont tels que toute la famille suit une thérapie. L’adoption prend fin en 2002. La mère adoptive dira « il n’a jamais voulu de nous, ni de notre monde, il a toujours dit qu’il ne voulait pas rester là et pour obtenir son départ il a mis le feu à la maison, torturé les animaux, nous n’avons jamais eu quinze jours de repos ». Les symptômes présentés par cet enfant sont lourds : décrochage scolaire total, masturbation publique, agressions sexuelles sur d’autres garçons, se frappe, découpe ses pantalons, fait des photographies sans pellicule comme s’il vivait dans un monde imaginaire… - La situation 80 qui concerne un garçon né en 89 adopté en 2000 présente les mêmes erreurs. Informé du projet d’adoption, le premier rapport note « que V n’est pas prêt pour entrer dans un projet d’adoption ». Mais trois mois plus tard, un nouveau rapport note « nous allons accélérer la procédure, cette décision montrera à V que ce n’est pas lui qui décide et cela le 22 déculpabilisera du choix qu’il a à porter ». V est alors placé en adoption en août 2000, alors que vient de naître un autre enfant dans la famille adoptive. En 2002, arrêt de l’adoption, V note « ils m’ont embêté, je les ai embêté, on est quitte, je ne voulais pas de l’adoption. Avec elle (mère adoptive) cela a été plus simple, avec lui (père) c’était plus compliqué, il s’est accroché pour me garder ». L’avenir de cet enfant est aujourd’hui très problématique. En conclusion, et au-delà des facteurs de risques bien connus (âge de l’enfant, adoption tardive, déracinement culturel et géographique…) nous notons l’importance des facteurs cliniques, et subjectifs en jeu. Compte tenu du parcours des enfants, l’accompagnement des professionnels n’est pas à la hauteur des difficultés rencontrées. Nous notons également que de nombreuses adoptions (article 350) se font pendant des périodes de vacances (en raison de la non scolarité et de la plus grande disponibilité de la famille), à une période de moindre mobilisation des services, ce qui laisse les familles en un face à face non médiatisé avec l’enfant. Enfin, nous ne pouvons qu’alerter sur la prise en compte de l’enfant dans ce projet. L’intervention faite en son nom est certes pleine de bonnes intentions (le fameux intérêt de l’enfant) mais c’est oublier le pouvoir de ce dernier au sein de la famille : pouvoir d’intégration, pouvoir de mimétisme même parfois (ressembler aux parents), mais aussi pouvoir de refus, d’opposition, voire de destruction. Peu de travaux, peu d’interrogations existent sur le devenir de ces familles, sur les enfants déjà présents à l’arrivée de l’adopté, sur leur devenir après son départ, voire même sur le devenir de ces enfants « adoptés » aujourd’hui très en difficultés. 3- La question de l’appariement et de la préparation à l’adoption, versus parents et enfant. L’appariement revient souvent comme un leitmotiv dans l’adoption, sans que cette notion soit d’ailleurs particulièrement interrogée. L’appariement, selon le dictionnaire, c’est assortir par paire (apparier des gants), accoupler un mâle et une femelle, c’est donc rechercher des similitudes qui permettront de faire émerger une nouvelle configuration. Apparier, c’est tenter d’assortir ; Apparenter (parfois aussi employé dans le cadre de l’adoption) c’est s’allier (par un mariage par exemple) ou rechercher des points communs, une ressemblance. Le tout nous donne ce fameux proverbe « qui se ressemble, s’assemble ». La question de l’adoption est donc d’emblée placée sous le registre du « semblable ». Ne parle-t-on pas « d’esprit de famille », « d’air de famille », pour pointer tout ce qui marque des formes d’appartenance passant par quelque chose de commun, et de visible. D’emblée la question de l’appariement 23 tente donc de « gommer » les différences, de minimiser ce qui risque de fragiliser la famille perçue comme un tout cohérent. La recherche de la « familiarité » est au cœur de l’adoption ; mais cette recherche est peut-être aussi ce qui pose problème. Les synonymes du terme « appariement » disent bien ce qui est visé, à savoir : l’accord, l’accouplement, l’alliance, l’appropriation, l’assortiment, l’harmonie. Si les services disent rechercher cet « appariement », peu sont en mesure de dire la méthodologie suivie, sauf pour des données objectives comme l’âge, le sexe, la nationalité. L’adoption ne peut en aucun cas être aussi précise que les techniques de fécondation in vitro, qui elles, rechercheront l’appariement sur des critères de caractères phénotypiques (peau, yeux, cheveux...), de groupe sanguin et de Rhésus et en évitant le cumul de facteurs de risques génétiques. En adoption, l’appariement est une technique aléatoire, entièrement subjective, plus souvent dépendante des opportunités que d’une véritable analyse. Le groupe de travail qui s’est réuni s’est longuement interrogé sur cette question de l’appariement, de la recherche de la « familiarité », pour en pointer les failles. En recherchant l’appariement, ne sommes-nous pas déjà dans un simulacre, une tentative de « copier » la famille biologique ? La question reste posée, comme elle reste posée pour le livret de famille qui présente l’enfant adopté comme « né » du couple adoptif. De même, nous avons pointé certaines pratiques qui tentent de « mimer la nature » : ainsi en Polynésie, l’adoptant assiste à l’accouchement, mais que penser de cette mise en scène ? Que penser également de la culpabilité de certains couples qui ne souhaitent pas adopter le petit frère de leur enfant, qu’on leur propose quelques années plus tard, parce qu’il vient de naître ? Faut-il que ces couples reconstruisent artificiellement la « famille biologique » de leur premier enfant adopté ? Cette culpabilité exprimée ne vient-elle pas révéler toute la force du modèle biologique qui tend à s’imposer ? L’appariement n’est donc pas seulement une évidence, il est aussi une question venant interroger nos représentations de la famille. Sur un plan théorique, comme sur le plan technique, l’appariement pose des problèmes. -Les obstacles à l’appariement : Une méconnaissance de la culture de l’autre Dans le cadre de l’adoption internationale, nous notons une profonde méconnaissance culturelle des pratiques des autres pays. La notion même « d’enfant » qui prévaut en France, ne correspond pas forcément à la réalité sociologique des autres pays. Quand un couple français imagine l’adoption d’un enfant de huit ans, il le fait en se référant aux enfants connus de son entourage, sans prendre la mesure de ce qu’est un « enfant de huit ans du Brésil », ayant vécu dans la rue par exemple. Les connaissances des professionnels de l’adoption sont tout aussi aléatoires. L’exemple a été donné d’un enfant du Mali, âgé de cinq ans, et refusant 24 de regarder ses parents adoptifs. Pour ceux-ci, ce refus du regard ne pouvait correspondre qu’à un rejet ou être l’expression d’une personnalité inhibée ou fuyante. Or, au Mali, un enfant de cinq ans ne doit pas regarder les adultes, ce regard étant une marque d’irrespect. L’apport des OAA, sous forme de conférences à instituer dans tous les départements permettraient de pallier cette insuffisance de connaissances des services d’adoption. Une méconnaissance des trajectoires des enfants Pour apparier correctement, si tant est que cela soit possible, encore faut-il connaître la trajectoire de l’enfant, en saisir le déroulement et les effets possibles. Au Danemark et en Suède, il existe des cessions de formations sur ce thème. En Espagne, cinq cessions de trois jours chacune sont proposées sur l’histoire de l’enfant. Au Canada, des formations (voir annexe 3) centrées sur l’enfant adopté de 0 à 10 préparent les parents à l’accueil de leur enfant. Nous pourrions aisément nous en inspirer. En France, tout dépend de la bonne volonté des départements qui organisent ou non des réunions thématiques pour les candidats déjà agréés. Une quête de « familiarité » immédiate Si l’appariement recherche une certaine harmonie, une certaine « familiarité », celle-ci est parfois trop précipitée. Notre groupe constate combien les parents adoptifs sont dans l’envie de créer cette familiarité (embrassades, demande d’utilisation de « papa », « maman », modification des goûts, rituels…) alors que l’enfant est plutôt sur le registre de la découverte, de l’étrangeté. Le décalage temporel entre les gestes et les émotions de chacun serait à accompagner. Il n’y a pas toujours de véritable apprivoisement, le temps de la réserve n’est pas respecté. À la demande pressante de ses parents, l’enfant réagit souvent pas une hyperadaptation (comme si l’appariement était immédiat), puis celle-ci cède et l’étrangeté de l’enfant réapparaît, semant le trouble voire la désillusion. D’autres enfants vont rechercher la « familiarité » par des comportements désordonnés (comportements de séduction, fusionrejet…) non compris des parents. Si appariement, il y a, celui-ci est sans doute plus à construire qu’un pré requis qui ne serait plus à interroger. Apparier ou apprivoiser ? Au terme d’appariement, nous substituons plus volontiers celui d’apprivoisement qui ne gomme pas les différences et qui ne fait pas l’économie de l’histoire de l’enfant et de sa différence. Dans ce registre de l’apprivoisement, nous signalons l’importance de la dimension temporelle. Nous notons que pour répondre à l’exigence de la norme scolaire, beaucoup d’enfants se retrouvent dans les quinze jours qui suivent leur arrivée, sur les bancs de l’école. 25 Cette précipitation est justifiée soit par le « retard » à ne pas prendre sur le groupe d’âge, soit par l’habitude de l’enfant à vivre en collectivité. Des arguments qui font fi des mécanismes de l’attachement et du temps nécessaire à la constitution des liens. Nous interrogeons également ce que l’on appelle la « préparation à l’adoption », que celle-ci concerne les parents ou les enfants. Côté parents, celle-ci est laissée à la discrétion des départements, d’où une extrême variation des pratiques. Un long temps s’écoule souvent entre l’agrément et l’arrivée de l’enfant, un temps parfois vide, entre parenthèse, où le projet du couple peut évoluer. De nombreux thèmes pourraient être abordés avec ces couples en attente comme : la rencontre, la création de liens, les difficultés possibles. Si l’idée même « de l’adoption exemplaire » pouvait un peu céder le pas à une vision plus réaliste, nous pourrions espérer que les couples fassent ensuite appel en cas de difficultés. Des parents rencontrés reconnaissent la nécessité de ces formations « préventives » - « Dans les propositions, il faudrait introduire des formations pour les professionnels, les bénévoles des associations d’adoption et pour les futurs parents. Il faudrait aussi mettre en place un observatoire de l’adoption et structurer les gens qui déjà travaillent là-dessus. Même si les parents n’entendent pas ce qu’on dit sur le coup, cela reste dans un coin de la tête et ils reviennent ensuite plus vite pour demander de l’aide. En tant que parents, on ne peut se dédouaner d’une quelconque responsabilité et d’une quelconque interrogation sur soi, il n’y a pas de honte à avoir d’être en difficultés. Il faut pouvoir le dire pour avancer. J’ai le sentiment qu’on rencontrera des freins et qu’on se fera mal voir en disant que tous les enfants ne sont pas adoptables, et que pour certains enfants le parrainage serait mieux que l’adoption. Pour des enfants en difficultés d’attachement, le parrainage serait une bonne solution. Il y a des enfants pour qui l’adoption c’est trop ». (couple ayant adopté deux enfants, l’un venant de Roumanie est en difficultés) Côté enfants, serait à interroger ce qu’ils ont entendu ou compris de l’adoption. Nous avons rencontré beaucoup d’enfants à qui l’adoption avait été présentée comme un rêve, un paradis style « vacances sans contraintes », d’où la désillusion lorsque le quotidien impose sa marque et qu’il devient définitif (adoption plénière différente de la circulation des enfants pratiquée dans certains pays et à laquelle ces enfants se réfèrent). - « Je reconnais que la vie que je fais mener à mes parents adoptifs n’est pas trop normale, mais mon adoption aussi n’est pas trop normale puisqu’on ne m’a pas trop 26 expliqué ce que c’était que l’adoption, ils ne m’ont rien expliqué. » (garçon de douze ans, Ethiopie) - « Je suis arrivée en France et là, j’ai vu que mes parents adoptifs n’étaient pas riches. La famille d’accueil m’avait dit que tous les français étaient riches. J’aurais aimé qu’ils soient riches comme Miss G, la riche américaine qui s’est occupée de moi à Haïti, avant mon adoption, elle avait des domestiques, une piscine, je pensais que la vie en France serait pareille ». (enfant fille de douze ans, Haïti) 4- La symptomatologie des enfants adoptés en difficultés Mal préparée voire non préparée, l’adoption peut générer des troubles réactionnels. Il est souvent difficile, à la lecture des dossiers, de désintriquer les troubles constitués avant l’adoption de ceux dont elle serait la cause. Seule l’absence de troubles chez l’enfant ou la régression manifeste des symptômes avec une mise à distance de l’enfant vient dire la difficulté « d’être ensemble » et de « faire famille ». C’est le cas pour les situations : 11, 12, 17, 22, 23, 24, 47, 50, 68, 73, 81 voire pour d’autres où on note une nette amélioration du comportement de l’enfant après la séparation. Pour la plupart des dossiers étudiés malheureusement, la symptomatologie observée confirme les données quantitatives recueillies et analysées dans le volume 1. Sans que nous puissions dire la part prise par la situation d’adoption, nous notons l’ampleur et l’aspect cumulatif des difficultés exprimées par ces enfants : déscolarisation, errance, fugues, scarifications, atteintes corporelles, agressions, exhibitions sexuelles, atteintes aux biens et aux personnes, y compris les agressions sur les parents, sont fréquentes. Les hallucinations, les phénomènes de dépersonnalisation ne sont pas rares, y compris pour des adoptions précoces. G est née au Brésil (situation 38). Adoptée à l’âge de trois mois, elle est décrite comme un bébé vif et joyeux. G est adoptée par un couple sans enfant (plusieurs fives, plusieurs fausses couches et un enfant spina-bifida décédé). Six mois plus tard, un deuxième enfant est adopté, il est plus âgé que G ; Viennent ensuite deux enfants biologiques. G est hospitalisée en 2003 pour de graves troubles du comportement : mise en danger sur le plan de la sexualité scarifications à la moindre frustration, fugues et violences verbales. G explique que les scarifications lui permettent d’apaiser sa rage ou de se punir. Elle dit « avoir l’impression d’une double personnalité, dont l’une serait diabolique ». Toute la famille est en thérapie familiale et le pronostic est réservé malgré des compétences familiales évidentes. 27 Les phénomènes de ce type sont retrouvés dans de nombreux dossiers (sentiment de double personnalité), sans que nous puissions dire avec certitude si s’exprime ainsi l’une des difficultés des adoptés (avoir deux vies, l’une avant l’adoption, l’autre après l’adoption). Mais les dossiers 38, 40, 48, 52 et 58 sont dans ce registre clinique et évoquent des clivages au niveau de la personnalité. Le plus souvent, l’expression du mal être se fait dans le registre asocial (situations 16,43, 51, 59, 61…) entravant toute prise en charge éducative. Actuellement de nombreuses juridictions et la PJJ de certains départements signalent une présence de plus en plus grande d’enfants adoptés en difficultés, cette donnée serait à vérifier statistiquement. 5- La parentalité adoptive en question Les facteurs de risques que nous avons jusqu’à présent décrits étaient le plus souvent situés du côté des enfants. Il va de soi que les parents adoptifs ne sont pas exempts de difficultés personnelles dans la mise en place de leur parentalité. Par parentalité, nous faisons référence aux travaux menés avec le groupe Houzel, et les trois axes constitutifs que sont : l’axe de l’exercice de la parentalité (axe des droits et des devoirs) ; l’axe de l’expérience subjective de la parentalité (axe des sentiments éprouvés vis-à-vis de l’enfant et des projections dont il est l’objet), l’axe de la pratique de la parentalité (axe des soins et des actes éducatifs mis en œuvre en direction de l’enfant). Comme tout autre parent, tout ou partie de ces axes peut être défaillant chez les parents adoptifs, même si cette parentalité a des spécificités comme nous le verrons à partir des dossiers. Les situations analysées nous amènent à distinguer quatre écueils : la parentalité absente, la parentalité défaillante, la parentalité pathologique, la parentalité entravée par une séparation conjugale. La parentalité absente ou pathologique Les travaux effectués sur la parentalité nous ont appris que celle-ci est un mouvement, non un état. On ne naît pas parent, on le devient. Nous avons vu que les situations 22, 23, 25, précédemment citées montraient une incapacité de ces trois couples à devenir les parents de l’enfant confié. Erreur des services dans l’appariement ou erreur plus globale d’agrément ? La question ne peut être facilement tranchée. Ces couples auraient-ils pu être les parents d’un autre enfant ? Rien n’est moins certain. Mais à la différence des parents biologiques qui de gré ou de force assument leur parentalité, la tentation est grande pour ces parents adoptifs de faire marche arrière en disant « que cet enfant n’est pas le leur », « qu’il y a erreur sur l’enfant confié ». C’est sur l’axe de l’exercice de la parentalité que se joue la rupture, par un refus 28 d’assumer légalement l’adoption, en demandant soit une délégation d’autorité parentale, soit en signant un PV d’abandon. L’adoption plénière, même si elle est en principe impossible à remettre en cause, est attaquée par des couples qui en discutent la pérennité et qui souhaitent une disparition de l’inscription de l’enfant sur leur livret de famille. L’erreur d’agrément est par contre manifeste pour les situations 11, 12, 15, 21, 24, 47 qui font apparaître une pathologie au niveau des adoptants. Cette pathologie aurait-elle pu être dépistée ? La situation 24 est à cet égard exemplaire. La demande d’adoption est formulée par une femme seule (secrétaire), vivant avec sa mère et un frère âgé de 40 ans, au chômage. Au départ, la demande concerne un enfant de moins de deux ans d’Amérique du Sud. Faute de proposition Madame se tourne vers la Roumanie et adopte une petite fille née en 1997 qui a vécu quatre années en orphelinat puis une année en famille d’accueil. Scolarisée dès février 2002, cette petite fille est signalée par l’école en Mai 2002 pour des hématomes. En Juillet, le centre de loisirs fait le même constat : madame dit alors que c’est l’enfant qui se balance contre les murs, qu’elle se griffe le corps et découpe ses vêtements. Un bilan médical est demandé, il ne sera pas fait. En octobre 2002, un nouveau signalement émane de l’école (même si l’institutrice confirme les balancements et les coups de tête contre les murs) : la petite fille est décrite comme vive, intelligente, avec de bonnes capacités de mémoire. Visiblement maltraitée, elle pleure pour rentrer le soir et n’a pas de lit au domicile maternel. Madame décrit sa fille « comme un animal féroce » et note « elle m’a usée, elle a brisé le feeling que j’avais au départ, elle refuse d’obéir et d’être éduquée, je ne peux continuer à me rendre malade pour une enfant qui n’a aucun geste pour m’attendrir. Sous l’effet de la colère, je la frappe, je pense qu’un jour elle pourrait me tuer ». Un procès verbal d’abandon est signé en janvier 2003. La petite fille bénéficie d’un parrainage par un couple roumain, elle ne présente plus aucune manifestation de mal être. La situation 12 concerne deux enfants adoptés, tous deux en échec. Le dossier évoque la pathologie du couple et une agression sexuelle par le père sur sa fille. Ces erreurs d’appréciation des capacités adoptives mettent en évidence des manques au niveau des grilles d’entretien. La mise en place d’un groupe de travail centré sur l’entretien d’agrément serait une bonne chose, voire une spécialisation d’équipes sur les départements. Lorsque les demandes d’adoptions sont rares, certaines assistantes sociales n’ont aucune expérience acquise de cette procédure complexe, qui n’est enseignée ni dans les formations initiales, ni sur le terrain. Dès lors les professionnels de l’enfance travaillent sans repères, en élaborant eux-mêmes les questions à poser, au mieux de ce qu’ils peuvent faire, mais sans soutien. 29 La parentalité défaillante Le plus souvent, il s’agit davantage d’une parentalité défaillante sur le plan éducatif, à l’identique de ce qui pourrait arriver à des parents biologiques. Les situations 4, 5, 6, 9, 13, 17, 19, 29, 30, 31, 33, 50, 63 sont dans ce registre. Les parents sont alors décrits comme trop rigides ou dépassés par les manifestations de leur enfant, sans que l’on puisse dire si la rigidité est structurelle ou là encore conjoncturelle, c'est-à-dire en réaction aux comportements de l’enfant. Les réponses parentales, maladroites ou coercitives, sont celles que pourraient avoir d’autres parents, mais le regard porté est plus critique. Des parents adoptifs, on attend le meilleur, en considérant que l’enfant adopté a déjà un passé difficile. L’exemplarité est attendue, comme en témoigneront les entretiens effectués (voir point 10). La parentalité entravée par la séparation Enfin, certains enfants ont été confrontés à la séparation parentale (situations 10, 20, 39), trois situations, ce qui est statistiquement peu dans ce corpus, mais qui vient sans doute réactiver chez ces enfants des angoisses anciennes d’abandon. 6- La responsabilité des services engagée Nous ne pouvons clore la lecture de ces dossiers sans noter que certaines causes des difficultés rencontrées proviennent directement des services adoption. Dix dossiers sur 81 révèlent des pratiques inappropriées par absence d’analyse voire acharnement à mettre en place une adoption. L’idéologie, les représentations de l’enfance, des parents de naissance, de l’adoption, sont ici en cause. La non articulation ou dû moins une certaine incohérence dans les décisions prises est parfois flagrante dans certains dossiers. La situation 70 nous servira d’illustration pour mettre à jour les dysfonctionnements dus une « envie de réparer » l’histoire de ces enfants, sans tenir compte des difficultés majeures des enfants. L’histoire est celle de deux enfants, un garçon né en 91 et sa sœur née en 92. Les deux enfants sont pupilles suite à une déchéance parentale en 1999. Le petit garçon a été brûlé, il gardera à vie les traces sur son corps. La petite fille a été également gravement maltraitée sur le plan sexuel, le dossier ne parle d’aucun suivi spécifique, les deux enfants ont été placés en famille d’accueil. En 2001, les enfants sont proposés en adoption à un couple qui a perdu une première fille d’une crise d’asthme. L’adoption est effective alors que les enfants ont 9 ans et 10 ans, elle ne durera qu’une semaine, car au bout de cette durée la mère adoptive demande le carnet de santé et constate que la petite fille est asthmatique. Lors de sa demande, cette maman avait signifié son impossibilité à accueillir une enfant présentant cette pathologie, le service a oublié cette 30 donnée. La première tentative (janvier 2001) est donc un échec, qui divise les enfants, chacun accusant l’autre de l’arrêt, le jeune garçon demande à ne plus être adopté avec sa sœur. La seconde tentative pour la petite fille a lieu en août 2001. Le couple voulait un enfant petit mais a fait évoluer sa demande en fonction des propositions. L’adoption dure un mois, le couple fait appel au psychologue, la famille du couple se déchire et Madame est insultée par sa propre mère. Début septembre, la petite fille est de retour au foyer de l’enfance. Le couple demande une nouvelle tentative, tentée jusqu’en novembre 2001, la petite fille vit là encore une nouvelle désillusion. Une troisième tentative est tentée sous forme de parrainage-adoption dans une autre famille en juin 2002 : la petite fille qui teste la réalité de cet investissement développe des comportements nouveaux : masturbation pendant les repas, exhibitionnisme et séduction à l’égard du père, tentative de séparer le couple, comportements sexuels à l’école. En janvier 2003, constat d’échec et arrêt du parrainage-adoption, placement en maison d’enfant. Cette petite fille se remet mal de tous ces rejets, on note des comportements inquiétants, une masturbation compulsive, des mains souillées de matière fécale, des automutilations, griffures, des agressions sexuelles sur les autres enfants avec intrusion de crayon dans l’anus. Il faudra une année entière pour que ces symptômes disparaissent et que cette petite fille retrouve une scolarité normale. Le dossier note : « elle aura besoin d’un accompagnement thérapeutique continu »…on ne peut qu’espérer qu’il soit en place et que ce ne soit pas seulement un projet. On ne compte pas le nombre de désillusions et de pertes vécues par cette petite fille, y compris celle de son frère adopté dans une autre famille, qu’elle ne reverra pas. Le dossier 21 est tout aussi problématique. X est née en 1992 et pupille en 1995 (article 350). Dès un an, elle est placée en famille d’accueil qui candidate à l’adoption. Cette candidature est refusée « sous le motif que le couple n’est pas marié, et que cela ne permet pas l’adoption » (était-ce le seul élément de refus ? En cachait-il d’autres ? Méconnaissance des règles de l’adoption ? ). La fillette est proposée « à une tante en difficultés, hébergée chez un couple » qui demande une adoption simple. Le service accepte, privilégiant les liens du sang, alors que cette jeune femme est âgée de 21 ans, sans emploi, sans enfant…Un accord pour placement en vue d’adoption est donné en 1997, accord non concrétisé car entre temps la jeune femme épouse un jeune homme non investi dans ce projet. L’évaluation faite par le service ne peut que poser question. L’enfant fugue alors de chez sa famille d’accueil (dépit ?) et dénonce des actes de maltraitance. La petite est accueillie deux mois chez un tiers digne de confiance puis remise dans sa famille d’accueil (affaire classée sans suite) qui psychologiquement va mal depuis cette affaire. Le rapport conclut néanmoins « il ne faut pas 31 rompre le placement car la rupture serait plus traumatisante que bénéfique pour cette enfant qui a de la ressource et la capacité de gérer certaines situations » ! La question étant de savoir à quel prix cette petite fille gère ce qu’on lui fait vivre. Pendant toute l’année 2001, on s’inquiète des ruptures du couple d’accueil (Madame s’en va, revient, repart…) et du fait que l’enfant reste parfois seule avec Monsieur (que l’on dit « peu scrupuleux »), mais rien de plus n’est semble-t-il fait que ce constat. X rencontre la famille L qui l’accueille (parents d’un petit garçon), le service est informé a posteriori et le conseil de famille entérine avec ces mots : « il faut une OGP signifiée par la magistrat afin que X entende qu’elle est officiellement confiée à monsieur et madame L et q’elle n’est pas soumise à l’arbitraire ni maître des décisions des uns et des autres mais bien référée à la loi ». Cette prose cache mal les vides du système et un dysfonctionnement grave, dans le projet élaboré pour cet enfant, dans le suivi, dans le renvoi de la gestion des difficultés à cet enfant, dans l’absence de cohérence globale, bref dans l’arbitraire pourtant dénoncé. On pouvait espérer une fin paisible de cette histoire mais en 2003, le couple L renonce à l’adoption, X présente désormais des décrochages scolaires, une sexualité incontrôlée, le couple craint les effets sur leur petit garçon …X est de retour en foyer de l’enfance, elle veut retrouver sa mère biologique et son frère. À onze ans, cette petite fille a vécu plus de ruptures que nous pouvons même l’imaginer. Quelle image peut-elle avoir d’elle-même et des adultes ? Nous n’avons pu qu’à espérer très fort qu’elle soit particulièrement résiliente. Au terme de cette lecture, et si nous reprenons la cause qui nous apparaît première dans les difficultés des familles, nous obtenons le tableau suivant (sachant que les causes sont parfois intriquées et cumulatives). Nous percevons bien ce qu’il peut y avoir de violent à ainsi réduire des situations complexes à une « entrée unique » mais cette lecture qui force le trait nous permet de mieux pointer les efforts à fournir, sachant qu’il y a des domaines où les améliorations peuvent plus vite être obtenues. Il n’y a pas lieu de céder au fatalisme ou au renoncement, des progrès nets peuvent être envisagés. Si nous regroupons ces catégories, nous notons que dans un tiers des cas (appariement, respect de l’agrément, évaluation des handicaps trop lourds, pratiques institutionnelles) nous pouvons avancer très vite une réflexion au sein des professionnels qui ont montré qu’ils sont motivés en ce sens. Il en est de même dans l’écoute de l’enfant où notre vigilance doit progresser (20%), pour les articles 350, sachant que malheureusement ce sera plus complexe pour les enfants venant de l’étranger. Plus difficiles à traiter seront les troubles de l’enfant et les troubles de la 32 parentalité, qui relèvent d’une analyse de la problématique et d’une clinique de soins (40% des situations). Cause première situations total En % Agrément 81,73,75, 23, 15, 45, 6, 19, 28 9 11 3 3,7 7. 14.34.37.41.71. 6 7,4 8.31.32.33.36 5 6,1 16.43.59.61 4 4,9 51.64.67.72 4 4,9 7 8,6 16 19,7 3 3,7 13 16 3 3,7 insuffisant ou non respecté Handicap de 66, 26, 27 l’enfant sous évalué Traumatismes enfance Carences affectives Troubles asocialité Crise d’adolescence exacerbée Origine non 60.62.38.40.48.52.58 repérée des troubles (autisme…) Refus de 3.18.35.42.45.46.49.63. l’enfant d’être 65.68.69.75.76.80.81.28 adopté, écoute insuffisante Appariement Problèmes parentalité Pathologie 22.23.25 de 4.5.9.13.17.19.29.30. 63.50.10.20.39 de 11.12.15. couple 33 Pratiques 21.24.47.70.73.74.77.78.79.80. 10 12,3 81 100 institutionnelles en cause Total 7- L’accompagnement des parents adoptifs L’accompagnement des adoptions est, nous l’avons noté dans le volume 1, trop peu réactif. Il est surtout peu systématisé et laissé à l’appréciation des départements. Il conviendrait que les puéricultrices se mettent à la disposition des familles lors de l’arrivée de l’enfant, or ceci n’est pas en place partout. De même, le groupe constate l’absence de formation des médecins généralistes sur les pathologies des enfants étrangers. Les discours des uns et des autres sont contradictoires sur bien des registres. L’école cristallise les malentendus. Le groupe de réflexion témoigne de phrases maladroites ou « racistes » comme « tu viens d’Afrique, tu peux bien avoir soif cinq minutes » ou « quelle chance tu as d’avoir été adopté » ou « tu n’arrives qu’à ces résultats malgré tout ce qu’ont fait tes parents pour toi ! ». L’estime de l’enfant est souvent mise à mal par ces phrases qui culpabilisent ou assignent à un statut différent. Les enfants adoptés expriment des difficultés lors de la représentation de « l’arbre généalogique » effectué en CE2. L’enfant adopté est parfois accueilli comme une mascotte, suscitant un enthousiasme collectif qui s transforme vite en rejet s’il ne s’intègre pas selon ce qui est attendu. L’articulation avec les écoles et une information minimale seraient là encore nécessaires pour aplanir les difficultés. L’articulation entre les services et les parents est une nécessité, mais à l’évidence elle s’inscrit souvent dans des mécanismes de jugement qui entravent la communication. Madame I. que nous avons rencontrée témoigne de cette incompréhension, elle et son mari ont adopté un enfant étranger de quelques semaines aujourd’hui majeur et sans problème, et secondairement un enfant de cinq ans (article 350) qui a toujours présenté des troubles du comportement, s’aggravant au fil du temps : - « Je me suis souvent demandée si l’on nous avait pas proposé cet enfant de cinq ans à l’adoption parce que j’étais assistante sociale en psychiatrie, avec l’idée que je saurai…Mais j’ai envie de dire que ce n’est pas forcément le bon critère et que tout ne va pas s’arranger par miracle. Je ne suis pas sure d’avoir été une meilleure mère pour mon fils parce que j’avais ces connaissances sur l’enfant, je ne suis pas sure, …c’est d’ailleurs l’une des dernières choses que m’a reprochée l’Aide sociale à 34 l’enfance, la dernière fois que nous nous sommes vus : que j’étais une professionnelle! J’amenais ma souffrance et on me dit que je réagis en professionnelle parce que je suis en mesure de décrire les réactions de mon fils! Ce qui avait contribué à nous confier (mes compétences professionnelles) cet enfant, nous était finalement reproché. L’inspectrice de l’Aide sociale à l’enfance qui nous avait proposé notre fils n’a jamais voulu en reparler, revenir au point de départ, quand on a demandé de l’aide. Il n’était pas possible de reparler de la trajectoire totale de notre enfant. Tout de suite cela a été dur, difficile, pénible, l’entretien est resté purement administratif. On a eu le sentiment que rien ne pouvait se dire, d’être jugés comme ayant échoué. Peut-être devrait-on former les gens qui travaillent sur l’adoption à l’accueil des couples en difficultés, que l’histoire d’un enfant on puisse la reprendre et faire le pont entre le moment de l’adoption et le maintenant, on peut se le dire. Nous ne sommes pas venus dans ce service avec des reproches mais avec du mal être, de la souffrance, on aurait juste voulu s’interroger ensemble, cela n’a pas pu se faire. Longtemps après on a vu une psychologue du service, mais qui n’a pas voulu continuer parce qu’elle a dit qu’elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait faire, je ne sais pas, c’est très étrange ce manque de savoirs sur l’adoption…nous n’étions pas bien mais le service n’a pas été contenant » Cet autre témoignage dénonce la même incompréhension et une absence d’accompagnement - « Quand je dis qu’on me pousse à l’abandon, je veux dire que les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance ont l’habitude de situations où ils retirent les enfants, et là c’est moi qui ai demandé le placement ! Plein de fois je me suis sentie maltraitée, et j’ai été obligée de rappeler que c’était moi qui avais demandé le placement, ils renversent la vapeur, et d’ailleurs c’ était de l’aide que je demandais et non un placement, mais c’est la seule chose qu’ils m’aient proposée. C’était horrible, je pensais ne plus pouvoir me regarder dans un miroir si je demandais le placement, mais il n’y avait rien d’autre ! Les professionnels ont l’habitude de retirer des enfants maltraités et d’une certaine façon de les sauver. Là je pense qu’ils ne sont pas en position de sauvetage, puisque c’est le parent qui demande, et du coup ils ne savent plus quoi faire. L’objectif de leur métier disparaît si je leur enlève l’envie de sauver, donc ils font en sorte qu’on devienne des mauvais parents pour retrouver un schéma qu’ils connaissent. On a demandé de l’aide, on leur a confié notre enfant et ils font comme si on était coupable. Dans mon dialogue avec le foyer, il y a sept éducateurs 35 qui tournent, avec certains cela se passe bien mais tout dépend de qui j’ai en face, ils ne s’articulent pas entre eux, ils ne lisent pas le dossier de l’enfant, donc à chaque fois je dois re-raconter. Les professionnels tournent, mon fils n’a aucun ancrage mais moi non plus. J’ai dit à un éducateur : « prenez soin de mon enfant, je vous l’ai confié », il m’a répondu « mais non madame, c’est le juge qui a décidé, l’air de dire : on vous l’a enlevé », je lui ai dit mais « attendez, c’est moi qui ai écrit au juge pour demander la protection de mon fils, je considère que c’est moi qui l’ai confié, même si cela a été la décision la plus dure de ma vie ». Accompagner les parents adoptifs ne se fera pas sans un changement de regard porté sur eux. Sans doute, ces derniers ne sont-ils pas toujours ajustés, certains abandonnent même volontiers la partie, mais le jugement porté ne peut être généralisé. Nous avons rencontré de nombreux parents qui persistent à assumer leur rôle et qui dénoncent des dysfonctionnements institutionnels dont nous avons à tenir compte pour progresser dans la prise en charge des enfants. Certains vont au-delà d’une simple critique et proposent des solutions comme : - des parrainages par des adultes adoptés qui vont bien et qui ont une bonne image de leur histoire ; - la création d’une association d’entraide pour enfants adoptés dans chaque département ; - pour les nouveaux parents adoptifs, un suivi obligatoire par des professionnels formés, - la mise en place d’un observatoire du devenir des enfants adoptés ; - une articulation avec les services de psychiatrie pour l’accueil de ces enfants ; - une articulation avec les associations qui mettent en relation pour qu’elles soient plus vigilantes sur les falsifications concernant l’âge de l’enfant, son histoire, les traumatismes subis ; - une réflexion sur l’adoption plénière, - une réflexion sur les stéréotypes et les paroles blessantes type : « lequel est ton vrai frère ? » ; « cela ne vous pose pas problème ce mélange des races ? » ; « votre pays ne vous manque pas ? » ; « tu n’as pas à te plaindre, si tu étais restée dans ton pays, tu serais sur les trottoirs de Manille »…Petites phrases cruelles même si non intentionnelles. - La mise en place, au sein des services adoption, d’un accueil pour les parents en difficultés. 36 _8- Le point de vue des parents adoptifs : que peuvent-ils dire des difficultés rencontrées ? Le non respect de l’autorité parentale Les dysfonctionnements pointés par les parents adoptifs touchent principalement au non respect de l’autorité parentale. C’est sur l’axe de l’exercice de la parentalité que les atteintes sont les plus grandes. Elles ne sont sans doute guère différentes de ce que vivent les parents d’enfants placés (population habituelle), mais les parents adoptifs sont d’un autre niveau social et par là-même capables de se faire entendre plus fortement : - « Au début nous étions assez contents de les voir dans un centre social, on pouvait respirer un peu et puis on pensait qu’ils allaient nous aider. Sur le plan éducatif, on ne pouvait plus poser un non, nous étions conscients qu’il fallait nous aider. Mais à partir du placement, vous n’existez plus comme parents sauf si vous êtes entièrement d’accord avec eux, si vous êtes dociles. » (couple ayant adopté deux enfants d’Ethiopie) - « Ce n’est pas le rôle des services d’enfants d’enfoncer les parents. Nos filles ont donc été placées à X et là c’est le naufrage, un scandale, elles y entrent en septembre 2001. Je ne connaissais pas cette incompétence, cette toute puissance, c’est monstrueux. On a vécu des rendez-vous où l’on est venu voir nos filles et on leur a dit qu’on n’était pas là. Nous n’avons pas eu accès à nos dossiers, les rapports sont arrivés juste en période de délibéré, ce qui fait qu’on n’a pas pu les voir. Une multitude de choses illégales ! Il faut vivre tout cela ! On nous a refusé de faire un travail avec le psychologue, il avait été décidé alors qu’elles avaient quinze ans et que le placement serait jusqu’à la majorité. Les écoles nous ont avertis que nos filles manquaient la scolarité un tiers du temps, personne de X nous avait informés. Quand on s’est adressé aux services de X, on nous a dit que c’était faux alors que nous sortions de la réunion parents-professeurs ! puis on m’a dit que les professeurs disaient n’importe quoi, puis qu’elles avaient des besoins physiologiques à satisfaire ! je vous jure que l’éducateur m’a dit cela ! des fugues sexuelles autorisées sur les heures scolaires ! Sur les rapports c’est devenu que j’étais une mère envahissante, que les filles étaient terrorisées, que cela leur rappelait des mauvais souvenirs….Tout est organisé comme cela, nous ne voyons plus nos filles, la dernière fois que nous les avons vues c’est après une fugue en février ; Notre droit de visite n’a jamais été respecté, ni la décision 37 d’appel qui nous rendait la garde de nos filles » (couple suspecté de maltraitance puis réhabilité, deux filles adoptées) L’absence de partenariat Le partenariat a du mal à s’installer, l’articulation éducateurs-parents si souvent prônée comme un incontournable de la relation est défaillante, dû moins si l’on accorde quelque crédit aux propos tenus. - « Je n’accuse personne mais mon fils est en danger, il n’est pas normal qu’il fugue la nuit du foyer. Je pense qu’il est avec moi dans une relation amour-haine et que c’est à travailler, je ne peux pas le reprendre et être à nouveau en face à face sans cette aide et ce travail. Si ce n’est pas moi qui m’occupe de mon fils, il faut que je sois en confiance et là je ne le suis pas. » (mère adoptive, garçon de quinze ans) - « Les dossiers ne sont jamais transmis, ou ils sont lus par les éducateurs avec trois semaines de retard. Résultat je m’épuise et pendant ce temps on ne travaille pas la relation avec mon fils, or c’est pour cela que j’aie demandé de l’aide, le travail n’est pas fait ! Il n’y a pas d’articulation, ce n’est même pas qu’elle est mauvaise, c’est qu’elle n’existe pas. À chaque fois que mon fils a volé, des trottinettes, des vélos, j’ai fait appel au juge parce que je ne veux pas cautionner de tels actes, d’autres parents se seraient contentés sans doute de jeter les objets volés, moi je voulais un rappel de la loi, je fais confiance au juge…mais cela se retourne contre moi. Les visites médiatisées par exemple, je me demande qui cela protège ? La fête de l’école de l’établissement où est placé mon fils, c’est pareil, je l’ai apprise par hasard, parce que j’aie téléphoné, personne ne m’avait invitée. Pourquoi ? Je n’ai pas reçu les résultats scolaires de mon fils ! (mère adoptive, garçon de douze ans) Des savoirs et des expériences à transmettre : Au-delà de ces critiques, vives mais qui peuvent être constructives pour tous, les parents adoptifs ont accumulé des expériences et des savoirs qu’il serait utile de diffuser aux professionnels et parents candidats ou déjà en difficultés. Les expériences racontées montrent que les parents ont souvent repéré très vite les difficultés de leur enfant, qu’ils ne sont pas restés inactifs dans la recherche de solutions, mais que peu d’écoute ou d’aide appropriée leur ont été apportée : 38 - Être vigilant sur les conditions de l’adoption et intervenir précocement - « Moi je me suis rendue compte tout de suite, dès l’adoption, qu’il avait des problèmes, il allait avoir sept ans et demi, il est né au Brésil. C’était mon premier enfant adopté, il venait en second, j’ai une fille biologique qui a 16 ans de plus que lui, elle a 28 ans aujourd’hui. J’ai eu des éléments sur la vie de mon fils en arrivant dans le pays, ce qui n’avait rien à voir avec ce que l’association d’adoption m’avait dit. Au téléphone, on m’avait dit que les parents de cet enfant étaient décédés et qu’il avait été recueilli par une voisine. C’est tout, et puis après au brésil les psychologues m’ont reçue pour me dire que les parents étaient morts assassinés, qu’une femme l’avait déclaré comme son enfant et que cette femme l’avait maltraité, qu’il y avait eu un procès, et qu’elle avait été déchue, elle était alcoolique et en hôpital psychiatrique. J’avais les bras ballants, comme cela, l’impression d’avoir reçu sur la tête un coup énorme, on m’a demandé tout de suite si j’avais des possibilités de me faire aider en France, que l’enfant aurait des séquelles, j’ai dit oui, et puis bon…Et on m’a dit on va dans une heure à l’orphelinat, que voulez-vous faire ?…Dès l’instant que j’aie vu cet enfant, pour moi c’était mon fils, il est venu se réfugier sur mes genoux, donc il n’était plus question à ce moment là de faire marche arrière. » (couple adoptif d’un enfant de sept ans, Brésil) - « C’étaient deux enfants éthiopiennes qui arrivaient des camps que l’on voit à la télévision, il y a douze ans. Le père était mort dans la guerre d’Érythrée, et la mère était morte comme nous a dit l’une des deux filles : « maman n’a pas assez mangé et elle a trop pleuré ». Elles avaient des souvenirs très forts, je crois qu’il s’était passé très peu de temps entre le décès de la mère et l’adoption. Officiellement elles sont arrivées à cinq ans, mais elles nous ont dit très vite qu’on leur avait dit de dire cela, qu’après cinq ans dans ce camp l’adoption n’était plus possible. Donc là c’était flagrant. Très vite notre voisine qui avait vécu onze ans en Éthiopie nous a dit que les filles devaient avoir neuf à dix ans, cela faisait un écart énorme. Elles ont été suivies pendant très longtemps par un endocrinologue, de Genève, par des grands services, ils disaient qu’elles étaient plus âgées, leur physique a explosé à leur arrivée. On a oublié de vous dire un autre mensonge, c’est qu’au bout de deux années, on a appris qu’elles avaient cinq frères et sœurs. On leur avait dit de ne pas nous le dire parce qu’autrement on ne voudrait plus d’elles, elles ont donc vécu dans le mensonge parce que là-bas les enfants avec de la famille ne sont pas adoptables. C’est le côté illégal et cela crée une anxiété colossale chez l’enfant. Et à partir de ce moment là elles ont 39 raconté leur adoption. Et la belle vision du départ qui était pour nous celle de deux petites filles totalement isolées dans un camp, est devenue un arrachage. On a voulu tout de suite les aider par un suivi psychologique, mais on nous a dit que cela allait s’arranger » (couple adoptif, deux sœurs, Ethiopie) - « On savait qu’on ne pouvait pas demander un bébé, mais cinq ans et demi cela me faisait peur, je pensais plus à un enfant de deux à trois ans maximum, la maternelle me semblait importante à vivre avec l’enfant, un moment où l’on peut encore jouer, tisser des liens plus faciles, mais voilà, la réalité de la proposition a été celle-là et on a embarqué pour cela. Avec tout à fait de l’enthousiasme et pas trop d’appréhension une fois la première surprise passée…c’est moi qui ai ressenti cela, mon mari beaucoup moins, l’âge ne représentait pas pour lui la même chose. Donc on est parti avec l’enthousiasme que l’on a lors d’une adoption. Et tout de suite, dès l’école, les problèmes ont été massifs. Je suis atterrée par le fait qu’on ne parle pas de la problématique de ces enfants, on a l’impression de parler dans le désert, tous ces enfants ont vu des tas de professionnels qui ne nous aident pas. (couple ayant deux enfants adoptés, dont le dernier en difficultés, adoption à l’âge de cinq ans, article 350). » Ces symptômes ont souvent été banalisés ou la prise en charge différée avec le secret espoir d’une résolution spontanée. Une information large sur ces témoignages mériterait d’être faite, dans la mesure où ceux-ci remettent en cause les techniques de prise en charge. Trop tardives ou inadaptées, elles achoppent à aider ces enfants. Parfois, pour dit-on ne pas stigmatiser l’enfant, la singularité de sa trajectoire et de son statut d’enfant adopté est déniée : - Prendre en compte la spécificité de l’adoption - « Le chef de service m’a dit : « adopté ou pas adopté c’est pareil, pour moi ce n’est qu’un problème d’autorité ! ». C’était notre premier rendez-vous, il n’a pas voulu entendre tous les traumatismes vécus par notre fils. Je voudrais qu’on arrête de plaquer des schémas qui ne marchent pas, je suis révoltée qu’on plaque des théories, qu’on dise que tout est pareil ! ce n’est pas possible, ce sont des théories plaquées en cinq minutes. Depuis quatre ans vous vous battez et on vient vous dire en cinq minutes où est votre problème ! vous mettez une journée pour vous en remettre ! Il faut absolument qu’il y ait des formations qui se mettent en place, ce sont des schémas d’analyse qui ne marchent pas. Il n’y a eu aucune amélioration du comportement, 40 notre fils est aujourd’hui en fugues et multiplie les agressions contre les autres ou contre lui-même » - Admettre que les parents puissent être des partenaires - « Il y a eu des problèmes tout de suite dès la première école, des troubles du comportement, des violences avec les objets et sur les enfants…J’ai demandé au psychologue de me dire où mon fils en était avec les personnes et là le psychologue n’a rien voulu me dire. Moi je trouvais que ce n’était pas bien, parce que moi je ne connaissais pas mon fils, je venais de l’adopter. Il ne faut pas se comporter avec les parents adoptifs comme avec les autres parents, moi je voulais des clefs puisque je ne le connaissais pas cet enfant. Dire à des parents adoptifs qui ont un enfant de huit ans, depuis seulement quatre mois : mais non, madame, nous n’avons pas à parler avec les parents, …c’est une grave erreur ! Pour des parents qui connaissent leur enfant, qui ont vécu avec lui, qui ont une mémoire avec l’enfant, c’est peut-être possible, mais moi je n’avais rien avec mon petit garçon, et il se trouvait que cet enfant ne parlait pas. J’ai posé plein de questions à ce psychologue, sans réponses…j’ai cherché une autre psychologue, les problèmes ont continué, les écoles se sont succédées. Un psychologue m’a juste dit : j’avais peur qu’il soit autiste, heureusement je ne crois pas qu’il le soit…Voilà, ensuite, je lui ai expliqué que je n’étais pas un cas social, que j’avais une certaine dignité et que je pouvais comprendre intellectuellement ce qu’il voudrait bien me dire…Il m’a juste dit que mon fils ne faisait pas la différence entre moi et sa mère, mais c’est tout, il m’a laissé patauger. » Si ces familles « pataugent », nous pouvons nous demander si le silence des professionnels n’est pas aussi l’expression d’un flou théorique plus global. À trop vouloir idéaliser l’adoption et à la présenter sous sa forme magique et heureuse, nous avons oublié de réfléchir aux cas problématiques et à ce qu’ils pouvaient nous enseigner des processus psychiques marqués par l’abandon. Nous nous sommes extasiés devant la plasticité de certains enfants sans nous interroger sur les stratégies développées par ces enfants adoptés. Comment réussit-on son adoption ? Quels facteurs protègent l’enfant ? Les contradictions entre auteurs montrent que même sur le facteur âge, l’accord ne s’est pas fait (voir volume 1). Qui croire ? Comment soigner ? Sur des questions comme la langue maternelle de l’enfant, nous sommes aujourd’hui incapables de dire si son maintien est à favoriser ou si au contraire cela empêche l’intégration de l’enfant. À la détresse de certains parents fait écho la carence de savoirs 41 étayés, vérifiés, validés. Et pourtant, nous ne manquons pas de théories pouvant être retenues comme fécondes à la réflexion. Le problème est leur faible connaissance par les professionnels de l’enfance, leur non articulation, l’absence de diagnostic, la faible représentativité des psychologues dans les services concernés et le fait qu’il n’y ait pas de spécialisation sur cette thématique. Pour autant, et à titre indicatif, nous récapitulons cidessous les théories qui seraient utiles à la prise en charge spécialisée de ces enfants. 9-L’analyse critique des théories et pratiques actuelles en matière d’adoption L’objet de ce rapport est de faire un état des lieux à partir des dossiers lus, non de faire une recension des théories explicatives. Pour autant, nous donnons ici quelques pistes de lecture pouvant aiguiller le travail futur des professionnels désireux d’aider les enfants adoptés en difficultés : Travailler sur les passages à l’acte et la violence De nombreux enfants présentent des comportements particulièrement violents : violences agies, subies, violences sur soi. Or la prise en charge de cette violence (pas seulement celle des enfants adoptés) fait rarement référence aux travaux sur la violence fondamentale, la violence liée au sentiment de désubjectivation, la violence dans son rapport à l’objet et les rapports entre violence et dépendance (Abdessalem Yahyaoui et col, éditions la pensée sauvage, titre : « violence, passages à l’acte et situation de rupture ; 2000). Donner un sens à ces passages à l’acte serait pourtant le premier acte à poser dans une clinique de soins. Or nous avons l’impression que seules quelques vagues notions sont plaquées comme : absence de cadre, défaut d’autorité, conflit de loyauté…des notions floues qui n’aident aucunement les intervenants à proposer un projet individualisé. Travailler sur les processus d’attachement et les mécanismes de brisure Pour des raisons de luttes théoriques, opposant des chapelles de pensée, ces travaux sont également ignorés des Français. Leur diffusion par Guedenay (2005) et autres est récente. Il y a urgence à s’en emparer quitte à les critiquer secondairement pour voir ce qu’ils peuvent apporter dans l’étude des enfants adoptés. Travailler sur les théories de la maltraitance et leurs effets Si la maltraitance est nommée, reconnue, elle ne fait toujours pas l’objet d’une clinique de soins active, or la grande majorité des enfants adoptés ont eu à souffrir de maltraitance. Les effets sur la constitution psychique ne sont pas suffisamment repérés chez ces enfants. 42 Approfondir les théories de la parentalité Comment devient-on parent, comment devient-on parent d’un enfant adopté ? Qu’en est-il des mécanismes réciproques d’apprivoisement ? Utiliser les théories de la construction de l’identité, dans une dimension interculturelle De nombreux enfants adoptés semblent se situer dans un entre-deux, entre deux familles, deux cultures, sans pouvoir faire la synthèse de ces deux apports. Les hallucinations, sentiments de double personnalité, sont trop souvent décrits ou parlés pour que nous ignorions cette dimension dans l’analyse. La liste est loin d’être exhaustive et n’a pas prétention à l’être mais ce simple début de programme suffirait déjà à penser autrement les « échecs d’adoption », qu’en termes de recherche de « coupables » et de « victimes » 10-L’articulation entre les institutions, professionnels, parents En cas de difficultés, les parents se retrouvent pris dans le morcellement des institutions. Le service adoption qui a fait l’agrément ne se sent pas forcément investi du suivi, le service Ase qui parfois prend la suite ne recherche pas toujours à remonter dans l’histoire de l’enfant, ni dans celle du couple agréé, les services de pédiatrie ou de psychiatrie sont coupés du reste. Nous avons ainsi des enfants dont l’histoire se perd au cours de leur périple institutionnel. Les signes précurseurs d’un mal être qui va grandissant ne sont alors plus mémorisés. Il faut de véritables passages à l’acte de l’enfant ou des parents pour que la réaction des services opère, mais avec des mois voire des années de perdues. La question des réactions fraternelles n’est que peu élaborée, alors qu’au quotidien il n’est pas rien d’intégrer un « nouveau frère » ou une « nouvelle sœur » surtout lorsque les places dans la lignée se trouvent perturbées. N’est pas non plus parlé l’impact des difficultés sur la famille élargie, or de nombreux dossiers évoquent des ruptures familiales graves entre parents adoptifs et grands-parents, chacun prenant fait et cause pour ou contre l’enfant adopté. Devant tous ces manques, le groupe s’interroge sur la mise en place d’un lieu-ressources pour les familles en difficultés, que celui-ci dépende du service adoption ou d’un autre service, peu importe à la condition qu’il y ait une articulation entre les équipes. Les préconisations du groupe de travail sont donc multiples et touchent aux différents moments de l’adoption. 43 11-Préconisations et réflexions du groupe de travail sur l’adoption Lors de l’agrément Systématisation des entretiens de couple séparés pour que le désir de chacun puisse être évalué ; création d’une grille d’entretien plus affinée ; évaluation de la plasticité du couple d’un entretien à l’autre et de ses capacités réflexives. Rigueur dans la délimitation des possibles, tout couple a des marges qu’il ne peut dépasser ; non réactualisation immédiate des avis donnés sous prétexte qu’une offre est faite qui risque de dépasser les possibilités repérées. Après l’agrément Mise en place de séances thématiques, sur les processus d’attachement, les différences culturelles, la réalité des adoptions et des profils d’enfants dans les autres pays. Actualisation des données recueillies sur le parcours des enfants, les difficultés qu’ils peuvent exprimer… Mise en garde des parents sur une scolarisation hâtive, sur une recherche de la conformité ou de la familiarité, gommant le temps de l’apprivoisement. Rappel de la vigilance à avoir sur les adoptions multiples, déstabilisant l’équilibre familial (quatre enfants adoptés en une seule fois). Questionnement sur la notion de famille, qu’est-ce qui fait famille ? Approche des représentations de l’abandon et des stéréotypes concernant les enfants des différents pays. A l’arrivée de l’enfant Mise en place systématique d’un suivi, mise à disposition des puéricultrices, création d’un pool de médecins spécialisés dans les maladies tropicales par exemple ou dans les phénomènes de dénutrition. Liens avec les écoles pour permettre une intégration en douceur comme pour les « enfants migrants ». Repérage précoce des troubles et mise en place de lieux de soutien aux parents désireux de parler. Formation Mise en place de formations sur le développement de l’enfant, les usages de l’article 350, évaluation des risques pour l’enfant et sa future famille, suivi spécifique pour les adoptions 44 tardives. Approche et écoute de l’enfant comme acteur de ce projet. Préparation réelle à l’adoption. Formation à la symptomatologie des enfants adoptés. Mise en place d’un observatoire des situations difficiles pour en tirer des enseignements cliniques et théoriques. Le but de ces préconisations n’est pas d’éradiquer toute erreur mais de diminuer le nombre des enfants adoptés en difficultés. Si notre pays souhaite augmenter le nombre des adoptions, encore faut-il qu’il se donne les moyens d’accueillir convenablement ces enfants. Cette étude en ne prenant en compte que les enfants accueillis au sein de l’Aide sociale à l’enfance minimise le nombre des souffrances. Une même étude côté protection judiciaire de la jeunesse, côté psychiatrie…serait nécessaire pour apprécier correctement la réalité d’un phénomène qui ne fait qu’émerger. Enfin, nous ne pouvons que rappeler la nécessité qu’il y aurait de mener des études longitudinales, suivant des cohortes d’enfants Il manque des recherches visant à connaître et à comprendre le point de vue des enfants sur cette transition identitaire qu’ils sont amenés à vivre. Des adoptés de tous âges devraient être interrogés, satisfaits ou non de leur adoption, mais portant un regard réflexif sur ce parcours singulier. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons sécuriser davantage les adoptions et éviter de jouer aux apprentis-sorciers. 45 ANNEXE 1 : DOSSIERS ÉTUDIÉS ° Origine Sexe Date dossier enfant naissance Date abandon Date Origine Couple Début Durée adoption géographique adoptif des adoption Profil enfant Statut Analyse actuel causes problèmes 1* Foyer fille 1987 naissance 11 mois Ile Maurice 1988 Mère 2001, infirmière à 14 ans échec En cours Accueil Fugues, de provisoire tentatives Père suicides, handicapé déscolarisation Incompréhension mutuelle en 4e techno 2* Foyer garçon 1984 3 ans 1988 Ile Maurice Idem que 1 4 ans 1995, En cours 7 ans Fugues, vols, Lieu Traumatisme agressions, de vie sexuel crises clastiques, avec mutilation psychiatrie ++ dans la petite enfance 3 foyer fille 1988 orpheline 1996, 6ans 8 ans Ethiopie 2 enfants 2001, DAP parents éthiopiens bios, signalement Sans maintien Vivants, 2 adoptions, a 13 ans liens adoption 1998 DAP 2002 Fugues, foyer refus couple voulant gommer le passé, maltraitance adoption humanitaire 4* foyer fille 1987 inconnu 1994, Brésil 7 ans 5* foyer garçon 1985 inconnu 9ans Brésil 2 bios, tiers Carences 3 adoptés en agressions, anciennes, couple 1994 psychiatrie rigide Psychiatrie, idem idem 2000 agressions 6* foyer garçon 1990 inconnu 4ans Brésil idem 46 Vols, strangulation idem famille accueil 7 Foyer garçon 1987 Art 350, 1994, 7ans France Famille accueil 8* foyer fille 1985 3 mois jumeaux 1 bio, De suite En cours Vols, fugues, 2adoptés 1988 Haïti DAP 99 tiers Passé non résolu, exclusion scolaire, famille refus attachement solide Tentative pendaison Lieu Maltraitance 3 ans de vie adoptive petite enfance, dénutrition, brûlures, poignets coupés 9* foyer garçon 1985 3 mois 1988, Haïti 3 ans 2 enfants DAP 99 errance Disparition décédés, Incapacité couple à comprendre 1 enfant bio vivant 10 Foyer garçon 1984 naissance 1984, Sri Lanka 2 mois 11 12 Foyer foyer fille fille 1987 1985 Naissance inconnu 4 mois 1989, 4 ans Couple qui 1991, 7 ans divorce juste Séoul Madagascar 1998, 14 ans, Fugues, garde provisoire marginalisation, Lieu de vie. après fabulation, vols, parents adoption change d’identité, maintiennent drogue des liens Enfant résiliente, Vit dans sa Pathologie pas de troubles famille exclusive élargie couple En FJT Pathologie Sans enfant 2 1998, 11 ans enfants 1990, adoptés maltraitance Pupille en 1999 Garde Pas de troubles provisoire du du couple, avec échec séparation, sexuel par abus le beau-père 13 Foyer Fille 1990 inconnu 1995, 5 ans 1 enfant 1995 adopté, sans 47 Garde provisoire Se sent exclue en Ne Foyer, e est en 5 , pas correspond à l’enfant problème 14 hôpital fille 1986 Famille et 1988, deux Népal orphelinat ans 2 enfants 1989, 13 ans Foyer fille 1985 6 ans, puis rue 1995, ans larvé scolaire souhaitée Fugues, Chez elle ou Famille solide, psychologique, vols, à l’hôpital enfant ayant tentatives injures, assisté au meurtre suicides automutilation de sa mère Famille de 4 1997 Garde Fugues, garçons provisoire, puis menaces bios 10 Brésil gros retard Aide décès parents 15 2002, abandon adoptant 4 RTM au Stabilisation Traumatismes relative multiples, couple couteau, ayant adopté filles, toutes vols, se taillade, quatre enfants en échec et énurésie, sans placées fantasmes sexuels l’enjeu. Refus de mesurer cette adoption par tous 16 foyer garçon 1986 Inconnu 1989, Madagascar Femme seule 1999, 13 ans incarcéré 3 ans Violences, prison 7 dossiers au pénal, Pathologie enfant, la mère tient met le feu, frappe sa mère 17 Foyer Fille 2000 naissance Naissance Colombie Femme seule PV d’abandon Pupille Foyer de l’enfance Femme incapable en 2002 de répondre aux besoins d’un enfant 18 foyer fille 1987 Histoire confuse 1994 Madagascar Couple Demande d’aide Garde Fugues, adoptant dès 1999, GP en provisoire Couple dépassé, casse tout, cachant les deux sœurs, 2000 violences, problèmes, jeunes les deux sont déscolarisation refusant placées 48 foyer adoption cette 19 Foyer garçon 1986 foyer 1996, 10 Algérie ans 2 enfants 1999, bios, 2 AEMO Révocation puis placement vols prison Rejet couple Garde Fugues, foyer Recherche provisoire déscolarisation, adoption simple enfants adoptés les deux en échec 20 Département garçon 1985 Famille accueil Pupille en Français Couple 1991, alterne adopté par divorce refus autorité, sa et vols retrouvailles bancaire, addictions famille accueil en 1993, qui 2000, 15 ans sur des origines compte 12 ans 21 Département fille 1992 Pupille en 1997, française 1995, art 350, accord est en famille pour d’accueil Confiée 2000, 8 ans renonce une adoption pour l’adoption, adoption, placement à qui on refuse par une couple l’adoption qui crise, tante, en 2003, à Veut reprendre foyer Carences contact avec services sa des mère biologique en en foyer IOE, parce qu’ils ne finalement confié à Mr sont pas mariés décrit comme renonce Mr pupille peu honnête 22 Département Fille 1992 Pupille art 350 Adoption en 2002, française 2003 10 ans Durée de pupille Famille d’accueil Couple l’adoption 10 voulait un enfant mois plus chez Département garçon 1999 Placement à la Art 350 en française jeune, couple avec absence de liens un créées, retour en enfant adopté, 23 qui Adoption en Durée 49 famille d’accueil de Pupille, e 2 Enfant ne En adoption Enfant ne naissance 2002, 3 ans 2003 chez l’adoption huit adoption tentée présentant couple avec mois en 2004 correspondant pas aucun trouble aux attentes du un enfant bio 24 Département Fille 1997 orphelinat 2002, cinq Roumanie couple Femme seule Pupille en 2003 ans Nombreux Troubles signalements régression pour arrêt maltraitance mise en En parrainage Erreur d’agrément après adoption en et place parrainage 25 Département Fille 1991 orphelinat 2000, Roumanie 9 ans Couple avec Pupille en 2002 2 Maltraitance Vols enfants En foyer Non respect âge dégradations, enfant, impression provocations d’avoir été adoption trompés sur humanitaire, l’enfant, refus voulait un d’être aidés bios, enfant jeune 26 Département garçon 1998 Naissance 2002, handicap, 4 ans français Couple avec Pupille, 4 famille accueil durée Couple dépassé Régression massive Famille enfants adoption dont de par le handicap accueil un quatre mois Handicap trop lourd, enfant qui régresse adopté 27 Département Fille 1997 Naissance avec 1 handicap er adop- français tion en Couple jeune Abandon avec 1998 avec une 2002 enfant en Pathologie par multiple épuisement Placement de Handicap lourd, l’enfant trop mauvaise évaluation échec, 2e tive tentaen 2000 28 Département garçon 1987 orphelinat 1991, 4 ans Haïti Couple avec Pupille en 2003, Provocations de un enfant, veut 50 reprendre tous les côtés, internat Adoption faite seulement par adoption son ancien nom agressions, monsieur, ce n’est militante et repartir dans vols, pas le projet de son pays mensonges, madame, addictions, enfant qui refuse tentatives de plus cette adoption suicide 29 foyer garçon 1987 Naissance 1987, français 4 mois Couple sans Difficultés vers Drogue, fugues, Garde provisoire enfant, Mr onze ans est handicapé foyer anorexie, violences Cadre éducatif défaillant et menaces 30 Foyer garçon 1988 naissance 2 jours Polynésie couple avec Difficulté Placement Cadre éducatif à un judiciaire questionner enfant relationnelle adopté, aussi déscolarisation en difficultés en CAP, actes de violences, frappe sa mère, menace son père avec un couteau 31 hôpital garçon 1989 naissance 3 mois Brésil couple 2002, 13 ans recomposé, 5 Toujours cours en Haine à l’égard des Maison parents, injures, et hôpital enfants coups, attaque sa bios pour Mr mère tentatives de suicide, Profondes failles narcissiques sexualité problématique 32 hôpital garçon 1987 Famille 1991, d’accueil Français Couple sans 2002, 15 ans Institut 4 ans, art enfant, rééducation 350 décède père de Urine sur les murs En IR, si frustration, refuse maintien narcissiques toute précoces aide efficience intellectuelle 51 Cicatrices psy, de la mère limitée 33 Hôpital garçon 1986 Naissance 3 semaine accouchement Origine Couple sans Troubles algérienne enfant, se l’école sépare en maternelle sous X 2000 1 dès Maison familiale Hallucinations Dépression auditives, des dans la psychose et deux contexte familial persécution, entrée parents, er Psychose dysfonctionnel mais se hospitalisation à maintiennent 15 ans 34 hôpital fille 1989 Décès parents 6 ans Népal Couple âgé Tentatives sans enfant 35 hôpital garçon 1991 Vit avec mère 36 hôpital fille 1994 Pouponnière sa 1999, Huit Dakar ans 3 ans de Lycée suicide répétées thérapeutique suicide, dès la puberté scarifications Couple sans 2003, 12 ans En IR enfant Roumanie Femme seule 2000, six ans avec CE1 enfant hôpital garçon 1990 Abandon 5 ans Djibouti sordide de Parents tiennent hôpital fille 1988 naissance 3 mois Brésil multiples petite enfance Troubles Parents N’a pas compris du comportement présents son adoption, la refus des règles refuse Instabilité, Carences hyper Mère tient affectives graves abandonnisme, liées au séjour à la mise en danger pouponnière Menace sa mère, Mère Obsédé Père comportement couleur et le désir alcoolique, masochiste Couple, 2002, 12 ans présente 3 , maison et Scarifications au Thérapie Dit deux enfants hôpital en familiale double 1 rasoir, mise avoir danger sexuel personnalité Oppositions Troubles violentes à sa mère, oppositionnels adopté 39 hôpital garçon 1990 ? ? Tahiti Couple séparé quand 52 sa origines e Couple avec 2003, 15 ans bios, par de retrouver ses séparation 38 Traumatismes activité, adopté 37 Tentatives 2003, 13 ans une l’enfant a Huit garde à angoisse ans, séparation, refus de la toute aide, grandes mère 40 hôpital fille 1988 naissance bébé brésil de difficultés scolaires Couple sans 2003, 15 ans Internat à mi- Décrochage enfant temps scolaire, Parents phobie, présents Abandon, faible estime de soi menaces, insultes 41 hôpital garçon 1992 Foyer (parents 7 ans Brésil Femme seule 2003, 13 ans Violences, Mère Maltraitance morts exclusion scolaire, présente sexuelle assassinés) fugues petite enfance, adoption tardive, difficultés éducatives 42 hôpital garçon 1992 ? 4 ans Ethiopie Couple avec 2003, 11 ans Veut quitter ses Violences verbales Parents Refuse 4 parents présents adoption enfants bios, et physiques son 3 enfants adoptés 43 hôpital garçon 1989 pouponnière 18 mois Ethiopie Couple avec 2001, 13 ans Agitation, met le Mère deux enfants feu, refuse de rester présente, bios chez lui, vols en placement rejet père bande 44 Département garçon 1984, 1985 Foyer et dès 7 ans en Pologne naissance 45* 1992, avec Couple sans 1996, 12 ans errance fugues enfant Rejet Placement des parents deux enfants, veut son frère des retourner Pologne en parents bios vivants 46 Département garçon 1985, Vit Adoption à 7 7 ans, 1992 La réunion Couple avec parents de 3 sa ans, confié par 53 1993 Lieu de vie Fugues, conflits, rejet Refus adoption famille sa mère jusqu’au décès du filles et maltraitance adopte 3 familiale intra- garçons père 47 48 Département Hôpital fille garçon 1988 1992 12 jours 1988 4 mois 1992 Maroc Français Femme seule 1990, AEMO foyer bien Décès mère pour structurée, maltraitance sur pathologie enfant adoptive Couple sans Consultations enfant Enfant maison dès 18 mois Erreur d’agrément en 2001, mère pupille Troubles du Parents Composante comportement, présents autiste agressivité, angoisse, pensée morcelée 49 hôpital garçon 1990 Remis par sa 1990, mère Brésil 3 semaine Couple avec 2004, 14 ans internat veut 3 exploser, enfants qui fille 1989 Vit avec mère, sa 1998, France puis 9 ans se intolérance vont bien Département morbide, Rejet père, 1 enfant bio, adoptés 50 Obésité faire Rejette mère sa famille, veut dépressive retrouver aux sa mère limites au Brésil Couple avec 2001, Rejet de toute la Agressivité DAP sans Adoption tardive, trois filles famille maintien pas de greffe signalement réactionnelle placement pour des liens carences depuis 2003 de soins 51 Département garçon 1986 ? ? France Couple avec 1998, 12 ans un enfant bio Rejet Pré-délinquance, DAP Crise existentielle violences avec Amélioration maintien 52 Département fille 1995 Famille accueil 1997, pupille, Pologne Couple sans De suite enfant, durée 54 autisme Retour foyer Autisme, erreur de diagnostic du 53 Département fille 1987 naissance adoption en de l’adoption service, cas trop 2003, 8 ans deux mois lourd 1987 malgache Couple, mère 2001, 14 ans Manque décède d’assurance, en 2000, père DAP Maltraitance père mais sans maintien pas de troubles liens des Lieu de vie Auto-mutilations Dap, dès graves, troubles de père maltraitant 54 Département garçon 1987 naissance 1987, à 3 France Couple avec Début mois un enfant bio problèmes 1989, 55 Département Fille 1989 orphelinat 1994, Lettonie 5 ans 1996, la Département Fille 1993 (adoption fait 1990) avec (en orphelinat 2000, ans premières fugues à téléphone 7 ans Couple avec 1999, 10 ans, Recherche problèmes personne psychologiques veut Couple avec Signalement un enfant relation, mère école un enfant bio intègre un IR, structure, 10 Ethiopie rejet, signalement de Problèmes de comportement ne à de jeune, 56 Psychose précoce Dap sans Adoption réalisée maintien dans connotation mauvaises cette sexuelle, conditions hôpital encoprésie, quête de jour d’affection Placement Rejet des parents, Non maintien Enfants école en 2003 son frère) petite fille des liens Trop présentant une grands, parents sexualité ne problématique s’adaptant pas 57* Département garçon 1988 orphelinat 1992, 4ans Colombie Couple avec Signalement en placement Enfant suivi dès le Parents Vécu un les CP, refus autorité et Antérieur ? qui règles, enfant 2001 adopté 1990 par en parents demandent l’aide au juge 55 de violences avec le père présents de 58* Département garçon 1989 orphelinat 1992, Colombie 3 ans Couple avec idem un placement Hallucinations enfant adopté idem auditives, violences en 1990 59 Département garçon 1987 pouponnière 1987, France 4 mois Couple avec 2001, 14 ans Foyer un l’enfance enfant de Déscolarisation, présents ? DAP ? vols, adopté agressions, perversité 60 Département garçon 1985 rue 1993, Brésil 8 ans Couple sans IOE en 2001, 16 Foyer enfant ans de repli l’enfance sans maintien des liens 61 Département garçon 1983 orphelinat 1987, Corée 4 ans Couple avec 2000, 17 ans, Hospitalisation Fugues, 1 enfant agression de sa mutilations, conflits sœur et de sa verbaux mère physiques auto- Parents ? présents, puis amélioration de l’état psychique 62 Département fille 1986 Naissance, 1986, accouchement 3 mois France Couple avec Suivi un enfant bio pendant sous X 63 Département garçon 1986 orphelinat ? psy 2003, toute école, l’enfance 1990, Corée 4 ans Couple avec 2000, 14 ans une arrêt Fugues, mission provocations Parents très Recherche investis identitaire locale FJT enfant bio Refus des affects, Rejet parents Refus carapace, bouscule couple rigide sur sa mère, passionné le plan éducatif, de l’histoire nazie revendique adoption, retour en Corée 64 Département garçon 1987 Accouchement 3 mois sous X Origine Couple avec 2002, placement placement Drogue, fugues, pas Parents Recherche algérienne un de projet très investis identitaire rejet Enfant refusant enfant adopté 65 Département garçon 1993 Avec sa mère 2000, Pologne Couple sans Difficultés 56 Placement avec dépression un jusqu’en 1997, 7 ans enfant, puis orphelinat adoption immédiates, en placement demande cette en d’abandon adoption même temps 2003 d’un autre enfant 66 Département garçon 1990 Pouponnière IME, troubles du Enfant comportement, avec une accueil, art 350 prise pathologie en 1996 multiple puis Adoption France famille en 1996 Couple sans Difficultés enfant Pupille en 2001 immédiates en charge trop lourde pour une adoption 67 Département garçon 1984 Famille accueil, Adoption France art 350 en 1989 en 1990, 6 ans Couple ayant Diverses aides Pupille Conflit, ne présente Pupille mais un enfant bio psy en 1999, pas au a 15 ans majeurs, BEP moment de Crise troubles a repris des Grave adoption liens mais avec sa amélioration famille adoptive et avec sa famille naturelle 68 Département garçon 1994 Famille accueil, Adoption art 350 en 1999 en France juillet Couple avec Difficultés Durée adoption un enfant bio immédiates 3 mois conflit pupille Refus par l’enfant de 2001, l’adoption, 7 ans respect du désir non couple pour enfant de moins d’un an 69 Département garçon 1987 Vivait avec sa Adoption mère en 1991, Haïti Couple avec Signalement en Violences, un enfant 2003 57 Veut être émancipé, DAP avec drogue, sorties est en famille visites Ne Comprend 4 ans bio, désir enfant de 2-3 nocturnes, refus d’accueil médiatisées, Pas cette de tout affect couple épuisé adoption ans, adoption militante 70* Département fille 1992 er déchéance 1 parentale, erreur pupille 3e essai France Essai Arrêt adoption en service, adoption Masturbation en en 2003 2002 Pupille institution 3 erreurs apparie compulsive, ment, exhibitions acharnement des services 1999, durée séduction, 7 ans adoption comportement 15 jours sexuel inadapté, mutilations, griffures, agressions sexuelles sur enfants 71* Département garçon 1991 Brûlé par ses idem France, 2e parents, essai en 2001 En cours 8 ans 72 Département garçon 1985 Famille accueil Adoption France Foyer de Fabulation, à en 1991, l’enfance en mélancolie, 3 mois 6 ans par 2001 addiction, vols sa placement Maintien Crise passagère famille famille accueil 73 Département garçon 1999 Art 2002 350 en Adoption Echec 1er Abandon en 2003, adoption chez essai 4 ans un couple adoption ayant une fille 2004 bio 2e en chez couple avec deux enfants 58 Enfant n’ayant 2e adoption Erreur pas de troubles en cours couple sélection adoptés 74 Département Fille 1994 Art 350 2000 75 Département garçon 1991 en Adoption Enfant ne Couple avec Enfant Couple dépassé par pupille Erreur des services en 2002, supportant pas enfant régressant, la 8 ans l’arrêt limitation abandonnique visites de ses intellectuelle, cette petite fille parents mise en danger des problématique de Foyer en 1993, Art 350 en Couple Difficultés Vols, maltraitance 2001, immédiates mensonges, de cette adoption, grave adoption en lui 67 ans, elle Mauvaise griffures, voulait 2002, tentative adopté de strangulation famille recomposé, 11 37 ans préparation ans Rejet famille pupille Refus par l’enfant être par sa accueil, mauvais appariement 76 Département garçon 1991 Famille accueil, Adoption Couple art 350 en 98 enfant en 2000, 9 ans sans Arrêt adoption Troubles en immédiat, 2002 Troubles PV d’abandon sommeil, Pupille, Enfant non en foyer Entendu, thérapie hygiène, monde ne familiale imaginaire, être adopté, refus veut sa mère bio voulait d’attachement, masturbation publique, se frappe, agresse sexuellement d’autres garçons 77* Département garçon 1991 orphelinat Adoption en 2000 Brésil Abandon des 3 enfants en 2001 59 Pas de troubles Foyer + parrainage Pupille Erreur agrément pas 78* Département fille 1988 idem IDEM Brésil IDEM idem idem pupille idem 79* Département garçon 1990 idem IDEM Brésil IDEM idem idem pupille idem 80 Département garçon 1989 Famille accueil, Adoption Couple avec Arrêt art 350 en 1997 en 1999, 10 6 enfants, 1 en 2001 ans 81 Département garçon 1991 Famille accueil Adoption en 1995 La réunion adoption A tout fait pour PV abandon, est en pupille, se faire rejeter foyer veut revoir naissance en sa cours accueil Désir du Service, famille Pas de travail avec enfant Couple avec Signalement en Arrêt adoption Opposition de toute Rejet, Veut aller en 1999, 4 enfant, seul 1999, puis en en 2004, enfant la fratrie, seul Mr PV à 8 ans Mr adopte refus adoption 2004 ne voulant pas avait de adoption, 60 ce projet, d’abandon cette dysfonctionnement la Réunion, ANNEXE 2- groupe de travail sur les enfants adoptés en difficultés nom Arnaud Brosson Isabelle Devillard organisme OAA de Pauline et Anaëlle (Départ 19) Département du Nord Jean-Yves Launay Martine Zeisser Danielle Housset Nadine Lopezgoris Pascal Gaube Nathalie Katsamantou Nathalie Collin Pascale Lemare Catherine Poisson Carine Schlichtig Viviane Romana Sandrine Dekens Catherine Sellenet Dominique de Galard Laure Néliaz Département d’Ille et Vilaine Fédération enfance et famille d’adoption Fédération enfance et famille d’adoption Département des Yvelines Département du Val d’Oise Département du Val d’Oise Département du Val d’Oise Département de la Seine Maritime Département des Deux-Sèvres Département du BasCentre d’ethnopsychiatrie Centre d’ethnopsychiatrie Centre de recherche éducation-cultures Mission de l’adoption internationale Ministère chargé de la famille, DGAS 61 ANNEXE 3- exemples de formations sur l’adoption proposées au Canada COURS POUR LES PARENTS TITRE : Santé et développement, attachement et exploration chez les enfants adoptés de zéro à 10 ans. CONTENU : L’enfant adopté qui se méfie des adultes n’a pas raison, mais il a des raisons de le faire. Ses manières d’être, d’agir et de réagir sont déterminées par la somme des expériences fœtales et environnementales auxquelles il a eu plus ou moins droit (ou pas) : alcoolisation fœtale, malnutrition, ruptures, maltraitance, saleté repoussante, etc. Plus il aura souffert, plus longtemps il aura souffert, moins l’enfant sera en confiance avec qui que ce soit. Ses manières d’être, d’agir et de réagir sont également déterminées par la somme des expériences environnementales auxquelles il a et aura plus ou moins droit (ou pas) : solidité parentale, disponibilité parentale, empathie parentale, etc. Plus les parents adoptifs seront suffisamment bons, selon l’expression chère à Winnicott, plus l’enfant aura confiance en lui et meilleur sera son appétit pour l’autre. DURÉE : Une journée TITRE : Mieux vivre la première année d'adoption avec votre enfant CONTENU : Le cours « Mieux vivre la première année d’adoption avec votre enfant » s’adresse aux futurs parents adoptants ou à ceux qui expérimentent les premiers mois après l’adoption. Nous aborderons les attitudes à prendre lors du premier contact et durant le voyage d’adoption afin de favoriser l’attachement et augmenter les chances d’une récupération rapide des possibles problèmes de santé. Nous expliquerons les étapes d’apprivoisement, d’adaptation, d’attachement ainsi que la façon de retourner au travail sans causer trop d’insécurité affective. Des conseils seront également donnés pour faire face aux difficultés de sommeil, d’alimentation, aux petites et grandes manifestations d’émotions comme la colère, la tristesse et la peur. DURÉE : Une journée TITRE : Les conditions gagnantes d'un attachement sain tout au long de la vie avec mon enfant adopté CONTENU : Ce cours s’adresse à tous les parents adoptants qui souhaitent approfondir leurs connaissances et leur compréhension du processus d’attachement très particulier dans le contexte d’une parentalité adoptive. L’emphase sera mis sur les enfants de 0 à 11 ans (s’il y a une demande, nous offrirons éventuellement une formation pour les parents d’adolescents et de jeunes adultes). Nous explorerons le continuum de la réalité de l’attachement : des phases attendues et normales jusqu’aux difficultés plus complexes qui vont des petits défis d’attachement jusqu’aux troubles plus sévères. Nous parlerons de méthodes concrètes pour 62 favoriser l’attachement et pour surmonter des défis plus particuliers selon l’âge et le stade de développement de l’enfant. Les manifestations des troubles d’attachement plus sévères (une réalité présente mais statistiquement limitée) seront très brièvement abordées mais aucune méthode thérapeutique ne sera expliquée. Il s’agit d’une formation générale ayant des objectifs préventifs et non d’un groupe thérapeutique pour un parent ayant un enfant avec un diagnostic de troubles d’attachement importants. DURÉE : Une journée FORMATIONS POUR LES PROFESSIONNELS Formation « L'adopteparentalité » Qu’est-ce que la formation l'adopteparentalité ? Devant la réalité relativement nouvelle de l’adoption internationale, plusieurs professionnels doivent intervenir auprès d’enfants adoptés et de familles adoptives en difficulté avec très peu de connaissances spécifiques pour saisir correctement ces situations. Plus encore, ils sont sans outils d’évaluations et d’interventions adaptés aux enjeux très particuliers de la relation parent-enfant dans le contexte d’une parentalité adoptive. C’est dans ce contexte et pour répondre aux besoins de perfectionnement de tous ces intervenants impliqués en adoption nationale et/ou internationale que l’approche psychosociale « Adopteparentalité » a été créée en 1999 par deux intervenantes du Bureau de Consultation en adoption de Québec. À qui s’adresse la formation ? La formation Adopteparentalité s’adresse à tous les professionnels de l’éducation, du réseau de la santé physique et mentale, des services de réadaptation, des services sociaux ou toutes autres professions en relation d’aide qui souhaitent intégrer la réalité adoptive à leur pratique. Cette formation compte deux niveaux : TITRE : L'Adopteparentalité, Niveau I : Comprendre les enjeux bio-psycho-sociaux de l’adoption internationale ou nationale CONTENU : Cette formation s’adresse à ceux qui désirent comprendre les enjeux bio-psycho-sociaux de l’adoption internationale ou nationale. Les deux journées seront consacrées à la transmission des théories de bases et du vocabulaire spécifique de l’ adopteparentalité. Nous aurons comme objectif d’augmenter considérablement la compréhension du vécu spécifique des parents adoptants, des enfants adoptés et des adultes adoptés allant du concept de « normalité adoptive » jusqu’aux réalités plus « pathologiques » tel que les défis ou les troubles d’attachement, les syndromes post-traumatique ou les problèmes de santé inhérent à l’abandon. Nous aborderons également les problèmes scolaires et ainsi que le monde affectif des enfants adoptés où les colères, les peurs et les angoisses affectent souvent leur développement et leur fonctionnement. Cette formation est ouverte aux intervenants oeuvrant en enseignement, en centre de la petite enfance, en réadaptation physique, en santé physique, 63 en santé mentale ou dans des organismes communautaires (organismes d’adoption, associations de parents, etc.). DURÉE: 2 jours NOTE : Les participants au niveau I doivent posséder au minimum un "baccalauréat" complété et terminé. TITRE : L'Adopteparentalité, Niveau II : Savoir intervenir auprès des familles adoptives, des enfants adoptés et des adultes adoptés en tenant compte particulièrement des aspect biologiques, développementaux et pathologiques de l’attachement CONTENU : Cette formation s’adresse aux professionnels qui désirent approfondir les enjeux d’attachement en adoption internationale. L’emphase sera mise sur la compréhension de la théorie de l’attachement dans le contexte particulier d’une relation adoptive. Des outils d’évaluation du continuum d’attachement seront enseignés ainsi que de nombreuses méthodes éducatives et thérapeutiques favorisant un attachement normal et sain. Nous aborderons aussi des méthodes thérapeutiques dans les cas de défis d’attachement léger à moyen. Cette formation est donc réservée aux professionnels désirant faire des interventions cliniques de types évaluatives ou psychothérapeutique. Ces professionnels doivent être au minimum détenteurs d’un diplôme universitaire de premier cycle (ou l’équivalent hors des frontières du Québec) et membres d’un ordre professionnel en santé physique et/ou en relation d’aide ou à l’emploi d’un établissement du réseau de la santé et des services sociaux en santé physique et/ou en relation d’aide qui n’exigent pas que ses intervenants soient membres d’un ordre professionnel pour pratiquer leur profession ( par exemple ,des intervenants sociaux détenteurs d’un diplôme universitaire en service social mais nonmembres de l’ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec.) DURÉE: 2 jours TITRE : La pédiatrie des enfants retrouvés CONTENU : L’originalité de l’approche québécoise est de se situer au carrefour des deux principales approches des situations d’enfants adoptés en adoption internationale et d’essayer de les intégrer : • l’approche des pays européens francophones, qui met globalement plus l’accent sur les aspects liés aux parents adoptants que sur ceux liés aux enfants, d’une part, et sur les aspects psychosociaux et filiatifs que sur les aspects médicaux-sociaux, d’autre part; • l’approche anglo-saxonne ou états-unienne, qui privilégie, elle, les aspects liés aux enfants dans leur développement, de l’attachement précoce aux apprentissages, ainsi que les aspects de santé globale de l’enfant incluant croissance, nutrition, infections, ethnomédecine, intégration scolaire, etc. L’approche anglo-saxonne de la mise en famille de l’enfant adopté s’inspire des modèles de pédiatrie sociale et familiale. 64 Au cours de ces trois journées, modélisables sur une ou deux, le formateur vous entretient et vous fait travailler sur les différents aspects pédiatriques, psychologiques et sociaux de l’adoption : nutrition, croissance, géomédecine, infectiologie, développement psychomoteur et psychoaffectif. Sont abordés les différents aspects de la pré-adoption, notamment l’évaluation de dossiers ainsi que les éléments incontournables à l’accueil de l’enfant, du bilan de santé à l’identité, en passant par la discipline, la vie quotidienne, la prise en charge des troubles scolaires ou neuropsychologiques. DURÉE: 1 à 3 jours STAGE DE FORMATION POUR LES PROFESSIONNELS TITRE : Stage professionnel sur l'enfant adopté et sa famille CONTENU : Après une année de préparation et de recherche, l’équipe de "Le monde est ailleurs"offre maintenant en français au Québec un nouveau programme de connaissances fondamentales et cliniques et d’intervention préventive et thérapeutique: un stage de formation produit et pensé spécialement pour les professionnels qui travaillent ou qui travailleront auprès des enfants adoptés ainsi qu'auprès de leur famille en pré- et en post-adoption internationale. DURÉE : 5 jours DESCRIPTION DU STAGE : Cinq journées de formation, sous forme de stage, thèmes abordés ci-dessous Titre : Orphelinats, nourrices et soins à l'enfant adopté CONTENU : Pour les parents en attente d’adoption les préparatifs sont nombreux. Mais que se passe-t-il du coté de l’enfant qui attend ? Il existe de liens entre la qualité des soins reçus en orphelinat, l’importance et l’influence de ce milieu de vie et l’état de santé de l’enfant adopté au moment de la rencontre avec ses parents. Les nouveaux parents doivent en tenir compte, c’est un incontournable. TITRE : La vie quotidienne de la famille adoptive CONTENU : L’ajustement parents-enfant. L’adaptation de la famille : grands-parents, fratrie, communauté. Les repas. La prévention des accidents à la maison. Les soins de base TITRE : La recherche sur le devenir des enfants adoptés 65 CONTENU : Comprendre et mieux connaître les plus récentes conclusions des recherches effectuées en adoption internationale et les applications pratiques pour les familles TITRE : L’alimentation, la nutrition, la croissance, le comportement et le développement de l’enfant adopté Comment évaluer l’état nutritionnel de son enfant? Quels sont les mécanismes en jeu, les effets à court et long terme de la malnutrition sur le développement du cerveau? Quels sont les problèmes particuliers des enfants de petits poids? Quel est le lien entre alimentation et carences affectives? Comment prévenir les allergies alimentaires? Comment introduire les aliments solides? Doit-on prévoir des suppléments alimentaires? Quelle est l’importance du périmètre crânien? Comment assurer un bon suivi pondéral et statural? Comment interpréter les incertitudes quant à l’âge? Les petites filles sont-elles à risque de puberté précoce? Quel est le lien entre malnutrition et développement? Comment développer le goût de l’enfant? Peut-il prendre du lactose? Quelle sorte d’huile faut-il utiliser pour la cuisson? Que faut-il faire quand il ne veut plus rien manger? TITRE : Le développement sensoriel, moteur, cognitif, affectif et social de l’enfant adopté CONTENU : Le développement d’un enfant se fait par étapes. En adoption, il faut réaliser que certaines étapes ont été moins bien réalisées que d’autres. Comment le parent adoptant peut-il revenir en arriéré, non pas pour effacer le passé, mais pour le revoir et le réaménager au maximum des possibilités de l’enfant et de sa famille? Quand doit-il consulter un ergothérapeute, un physiothérapeute? Comment peut-il encadrer lui-même le développement des 6 sens de son enfant? À quoi doit-il s’attendre sur le plan moteur, du côté de ses capacités et de son avenir social? Que doit-il surveiller dans son comportement? Comment peut-il s’assurer de lui procurer une meilleure attention, une meilleure motivation? Comment gagner sa confiance? Qui sont les enfants plus à risque? Que peut-on attendre dans les mois, les années après l’adoption? Comment favoriser chacune des étapes à retransformer? Comment s’arrimer à son enfant, stimuler un dialogue interactif avec lui? TITRE : L’ajustement, l’adaptation et l’attachement avec l’enfant adopté TITRE : Les caractéristiques médicales, ethniques, culturelles et l’identité de l’enfant de l’enfant adoptif CONTENU: Certaines caractéristiques ethniques des enfants adoptés ou migrants rappellent à notre mémoire les multiples visages des enfants de notre planète. Ces caractéristiques méritent d’être connues pour dépister des anomalies potentiellement graves, aussi bien que pour éviter certaines interventions injustifiées qui viseraient à normaliser des particularités ethniques pourtant bien naturelles. TITRE : L’abandon d’enfants et l’adoption de quelques-uns d’entre eux TITRE : Les infections, la vaccination, la fièvre et les boutons et l'enfant adopté TITRE : Questions et réponses sur l’enfant adopté et sa famille 66 ANNEXE 4- témoignages 1. Monsieur et Madame R (département 44): deux enfants garçons adoptés en Ethiopie, une petite fille biologique conçue à l’arrivée des enfants. Retour des enfants au foyer de l’enfance. Parentalité absente, erreur d’agrément. Enfants placés en institution faute de mieux. Parents voulant annuler l’adoption. 2. Monsieur et Madame G (dept 44) : adoption d’une enfant fille de cinq mois, venant du Mali, bébé toujours nourrie au sein par sa mère biologique, rupture brutale. Pas de troubles pendant les trois premières années mais apparition de comportements répétitifs, refus de regarder, insensible à la douleur, violences en maternelle. Adoption d’une autre enfant née sous X ce qui déclenche la violence de E. Suivi psychologique sans amélioration, aggravation nécessitant l’arrêt de la profession de Madame (infirmière). Placée en famille d’accueil depuis 2002, diagnostic très réservé. 3. Monsieur et Madame M (dept 91) : adoption d’un petit tahitien à l’âge de trois mois. Difficultés dès la maternelle, colères, hyperactivité, enfant mis sous médicaments plus suivi psychologique. Ne supporte pas la couleur de sa peau. Décrochage scolaire en 4e, retour dans son pays pour revoir sa mère, déception, revient en France. Alcoolisation, met le feu à la maison de ses parents. Incarcéré pour un an 4. Monsieur et Madame C (dept 35) : deux garçons adoptés à quatre et six ans, tous deux en psychiatrie, fugues, violences, hallucinations, viennent de Roumanie 5. Monsieur et Madame E (dept 56) : deux enfants adoptés, une fille à 11 mois et un garçon à 19 mois, originaires de Bombay. Enfant garçon triste, nombreuses maladies pendant l’enfance, se maintien jusqu’au BEPC; Ensuite alcoolisation, agressivité, brûle son visage sur les photos d’enfance, dépression, hospitalisation en psychiatrie. 6. Monsieur et Madame T (dept 23) : trois enfants biologiques, 4 enfants adoptés dont deux filles et deux garçons, origines Corée et Philippines. Fille née en Corée, dossier présentant des falsifications, enfant maltraitée à l’orphelinat, balancements (soit elle devait être dirigée en psychiatrie, soit adoptée) adoption sans connaissance de ces éléments. Sévices sexuels subis dans l’enfance, les reproduit sur ses frères et sœurs d’adoption. Plus aucun contact avec ses parents adoptifs aujourd’hui. Pour le garçon (Philippine), avait déjà vécu une adoption ratée avec des australiens, enfant violent mais présenté en adoption avec un bébé (le tout ou rien). Comportement délinquant, vols et agressions. Conclusion : deux adoptions réussies sur quatre. 7. Monsieur et Madame F : deux garçons biologiques, une fille adoptée à l’âge de deux ans (Inde), onze ans sans difficultés puis rejet et dénonciation par l’enfant d’attouchements sexuels en 2000. Madame est assistante maternelle, perd son agrément. Couple qui se dit innocent. Ne voit plus leur fille depuis deux ans, celle-ci est en psychiatrie, veulent une annulation de l’adoption. 8. Monsieur et Madame H (dept 75) : parents de six enfants dont quatre adoptés. Des difficultés avec le plus jeune fils 9. Madame D (dept 35), divorce après adoption d’une enfant trouvée dans la rue en Yougoslavie. Rupture à l’adolescence, fugues, rupture progressive des liens puis plus rien, pas de nouvelles depuis trois ans. 10. Madame L (dept 42) : adoption d’un garçon de huit ans originaire de Russie, carences affectives graves, toujours suivi par les psychologues, âgé aujourd’hui de seize ans, importants troubles du comportement : hyper activité, vols, toxicomanie, refus de toute règle, pas d’amis, en lieu de vie, voit sa mère tous les quinze jours. 11. Monsieur et Madame B (dept 35) : quatre enfants adoptés âgés de 16 à 13 ans dont l’un souffre de troubles de l’attachement et de troubles du comportement, suivi en psychiatrie. 67 12. Monsieur et madame K (Belgique) : adoption d’une petite fille à deux mois (Sri Lanka) puis d’un garçon de même origine. Apparition des troubles du comportement à 12 ans pour la fille : violences, mise en danger sur le plan sexuel, agressions physiques sur la mère, marginalisation. Le garçon va bien. 13. Monsieur et Madame D (dept 13) : deux enfants biologiques et adoption de deux enfants filles de Roumanie de quatre ans. Très grande carence vécue dans l’orphelinat, coups, enfant qui s’automutile, vols de nourriture, mange jusqu’aux vomissements, comportements de victimisation, suivi psychologique mis en place une fois par semaine. A dix ans, toujours impossible de la prendre dans les bras, refus de tout contact proche. Amélioration mais parents épuisés. L’autre petite fille (suivi et accueilli par Rufo) a mis le feu à l’institut, est hospitalisé en psychiatrie 14. Monsieur et Madame L (35) : adoption de quatre enfants, deux filles à 3 et 2 ans, deux garçons à deux ans et un an. La première fille présente des troubles de l’attachement, la seconde une déficience intellectuelle, les deux garçons vont bien. 15. Monsieur et Madame R (dept 57) : adoption de quatre enfants (fratrie) venant de Roumanie. Ont été maltraités (déchéance maternelle de la mère) puis placés en orphelinat. Début des problèmes pour l’aîné des enfants à 8 ans : vols, déni total, jeux bizarres, création de fausses cartes d’identité, affabulations, hallucinations. A 14 ans, bouffées délirantes…psychiatrie pour une longue durée 16. Monsieur et Madame D (dept 75) : trois enfants biologiques, un enfant adopté article 350; début des troubles dès quatre ans, équipe éducative mise en place avec la pédopsychiatrie, orientation en IR, parents accusés de maltraitance par un appel anonyme. Affaire classée sans suite 17. Monsieur et Madame M (dept 49) : deux enfants biologiques, deux enfants adoptés, une fille et un garçon. Ce dernier venant de Roumanie présente des troubles de l’attachement 18. Monsieur et Madame K (dept 75) : adoption d’un enfant français à deux mois, âgé aujourd’hui de sept ans, vie quotidienne difficile, suivi psychologique 19. Monsieur et Madame B (Belgique) : quatre enfants biologiques, deux enfants éthiopiennes, plus âgées que prévu, mensonge sur l’histoire des enfants, fugues, parents accusés de maltraitance, affaire classée sans suite, placements, errance 20. Madame L (dept 44) : veuvage après adoption, enfant du Brésil adopté à trois semaines. Agressions sur sa mère, enfant placé. 21. Monsieur et Madame B (85) : adoption d’une fille venant d’Haïti, sept ans refus adoption de l’enfant, témoignage de l’enfant enregistré 22. Monsieur et Madame Z (dept 44) : « A l’ origine, on avait un agrément pour deux. Deux issus de fratrie et moins de cinq ans. En fait l’association qu’on a contactée a en fait orienté notre choix, j’utiliserais même le mot "forcer la main", pour aller vers une fratrie de trois. On aurait même pu aller à plus ! Les enfants avaient 4 ans et demi, deux ans et demi et un an et demi. Hyper-agitation pour le premier nécessitant un traitement médicamenteux et un suivi psychologique 23. Monsieur et Madame I (dept 44) : deux enfants adoptés dont un enfant garçon article 350 à cinq ans, troubles graves du comportement, est aujourd’hui en lieu de vie 24. Monsieur et Madame L (dept 49) : adoption d’un garçon né en Russie âgé de Sept ans. Problèmes d’adaptation immédiats ; Difficultés avec les autres enfants Agitation désordonnée et pathologique. Feu, alcool, marginalisation, suivi au pénal 25. Madame M (dept 78) adoption d’un enfant garçon maltraité, cinq ans venant du Brésil. Début des problèmes à sept ans, suivis multiples, violences multiples, hallucinations, enfant suivi au pénal 68 26. Monsieur et Madame F (dept 78) : deux enfants adoptés dont un garçon âgé de 18 mois lors de l’adoption, orphelinat Haïti. Début des problèmes au collège, émergence de comportements asociaux, tentatives de suicide, de multiples établissements, aujourd’hui en IR, refuse de voir ses parents 27. Monsieur et Madame D (dept 44) : enfant fille adoptée à deux ans et demi, aujourd’hui seize ans, en foyer de l’enfance, fugues, addictions, refus de voir sa famille, vols, agressions sur la mère, automutilations…Une autre fille adoptée venant de Madagascar avec laquelle tout va bien 28. Monsieur et Madame G (dept 85) adoption d’une fille de huit ans venant d’Ethiopie et de son frère âgé de six ans. Deux enfants biologiques alors âgés de 15 et 13 ans. Début des problèmes en 5e, la petite fille avoue que sa mère est vivante et non morte, elle a deux ans de plus que l’âge annoncée, refus des règles, provocations, couple ayant le sentiment d’avoir été trahi, éducation rigide voire maltraitante. 29. Monsieur et Madame B (dept 85) : adoption de trois enfants dont une fille âgée de sept ans, fugues, déficience intellectuelle, errance, couple qui souhaite un abandon 30. Madame T (dépt 29) : femme seule adoptant un enfant de Roumanie, garçon âgé de cinq ans, troubles de l’attention, difficultés de contact, autisme diagnostiqué, en structure spécialisée 69 CONCLUSION VOLUMES 1 ET 2 La recherche sur les enfants adoptés en difficultés, que nous avons menée pour l’année 2003, avait pour corpus les enfants adoptés, confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Une triple approche par questionnaires, puis par lecture de dossiers et enfin par entretiens a été mise en place. De plus, un groupe de travail constitué de représentants de certains départements, d’associations EFA et OAA, et de quelques experts, s’est réuni sur six journées pour élaborer quelques préconisations. Présentation du premier corpus : approche quantitative À l’origine, un questionnaire a été envoyé à tous les départements. 42 départements n’ont pas répondu, ce que nous ne pouvons que regretter malgré les relances faites. Les refus ont été motivés par la surcharge de travail ou par une impossibilité à comptabiliser les enfants adoptés en difficultés, ce qui montre un déficit dans l’articulation entre les services. 48 départements ont répondu avoir des enfants concernés par cette étude, six départements ont noté ne pas avoir de problèmes. Chaque département a donc recensé les situations connues, faisant l’objet d’une intervention au cours de l’année 2003 ; il s’agit d’un recensement de type « stock » et non « flux », certaines interventions sont donc plus anciennes que d’autres. L’étude porte sur 317 enfants dont 52% de garçons et 48% de filles. Les enfants de sexe masculin sont sur représentés dans la population des enfants adoptés en difficultés, phénomène qui tient moins à l’adoption en tant que telle, au moment où elle se concrétise, qu’au facteur sexe. Toutes les études montrent en effet une vulnérabilité plus grande des garçons au niveau de l’intégration scolaire et sociale. La recherche internationale faite au Québec sur les enfants adoptés de 1985 à 2002 confirmait cette tendance sur 3600 enfants : « pour tous les groupes d’âge à l’adoption, il y a une différence statistiquement significative en désavantage des garçons. Ces enfants, viennent de l’étranger à 74,8% et de France pour 24,9% d’entre eux. Si nous comparons ces chiffres à l’adoption en générale (77,6% d’enfants étrangers en 2003 contre 22,35% d’enfants français) un premier a priori se trouve mis à mal : les enfants étrangers ne sont pas plus à risques que les enfants français. Seul leur nombre les rend plus visibles. À l’inverse, on note une légère sur représentation d’enfants français dans notre échantillon. 70 Présentation du second corpus : approche qualitative Pour cette seconde partie de l’étude, nous avions demandé aux départements de faire parvenir au Ministère les dossiers anonymes des enfants ayant vécu un deuxième abandon. Les statistiques annuelles montrent que pour l’année considérée 61 enfants étaient dans ce cas c'est-à-dire accueillis comme « pupilles ». 44 dossiers ont été remis au Ministère, 23 débouchent sur un nouvel abandon justifiant du statut de pupille, 10 sont des DAP avec ou sans maintien des liens, 7 sont des gardes provisoires, 4 sont des enfants pupilles pour lesquels l’adoption a été interrompue en cours de procédure, au regard du handicap de l’enfant. Nous avons complété ce corpus avec des dossiers proposées par des structures hospitalières accueillant des enfants après un passage à l’acte ou pendant un épisode dépressif ou délirant (13 dossiers), ou par des structures d’accueil comme les foyers de l’enfance (24 dossiers ). Au total, nous avons donc travaillé sur 81 situations où la gravité des difficultés rencontrées nécessitait un placement de l’enfant. Aucun de ces 81 dossiers ne faisait partie de la première étude. L’approche choisie est celle de l’analyse de contenu pour repérer les facteurs endogènes ou exogènes qui peuvent expliquer les difficultés rencontrées. Cette seconde approche a été complétée par des entretiens semi-directifs avec des parents volontaires de nombreux départements. 30 témoignages ont été recueillis, le profil des témoins se trouve en annexe 4. De ces trois approches complémentaires, quel bilan pouvons-nous faire ? Il n’est nullement question dans cette recherche de quantifier les adoptions en difficultés, le chiffre donné d’un pays à l’autre, voire dans un même pays est le plus souvent fantaisiste allant de 4% à 40% voire plus, ce qui scientifiquement ne veut rien dire car il n’est pas certain que chacun évalue la même chose voire que la définition de la notion de difficultés soit identique. Certaines études portent sur les tranches d’âge d’enfants du primaire, d’autres sur des adolescents, en début d’adoption ou beaucoup plus tard, d’où l’extrême variété de ce qui peut être mesuré. Notre recherche avait d’autres objectifs, plus exploratoires et plus préventifs à la fois. Il s’agissait de repérer des facteurs de risques (personnels, familiaux ou institutionnels) pour asseoir une réflexion autour d’une modification des pratiques. Par « échec d’adoption », nous entendons la remise de l’enfant aux services (procès verbal d’abandon) ou toute DAP sans maintien des liens depuis plusieurs années. Par « difficultés d’adoption », nous entendons tout cas (de gravité variable) nécessitant l’intervention d’un tiers sous forme placement administratif ou judiciaire, hospitalisation en psychiatrie. Ceci ne prend donc pas en compte tous les enfants ayant besoin de soins ambulatoires, d’une mesure éducative en milieu ouvert. 71 Les situations que nous avons considérées sont donc les situations les plus graves, ce qui ne préjuge en rien du nombre et de la réalité des autres situations possibles. Quelques constats à retenir C’est sous la forme de fiches récapitulatives que nous avons choisi de présenter les résultats, cette forme synthétique permettant à chaque département de comparer sa population en difficultés aux résultats globaux : Faits saillants de notre étude : fiche 1 approche de la population - confirmation de la plus grande vulnérabilité des garçons - les enfants étrangers adoptés ne seraient pas plus à risques, ni plus présents dans les enfants en difficultés - l’adoption précoce protège indéniablement mais néanmoins un tiers des enfants de notre échantillon adoptés avant deux ans présentent des difficultés - les enfants adoptés après quatre ans seraient plus vulnérables et sur représentés dans l’échantillon - un déficit de connaissances est repéré quant au parcours de l’enfant : son âge à l’abandon, son parcours institutionnel, son état de santé physique et mental…des données qui manquent et qui traduisent une prise en compte insuffisante de l’histoire antérieure de l’enfant dans l’analyse des problèmes - Contrairement aux idées préconçues, les adoptions dites humanitaires ou celles effectuées par des femmes célibataires ne sont pas plus à risques que d’autres, les enfants appartenant à ces configurations familiales ne sont pas sur représentés - La place d’enfant aîné voire d’enfant unique est une place sur exposée - On note un non-respect des agréments et de la définition du champ des possibles. De nombreux parents se trouvent en difficultés après avoir adopté un enfant voire plusieurs ne correspondant pas au vœu initial - On note quelques situations illégales présentes dans l’échantillon 72 - Faits saillants de l’étude : fiche 2 sur la symptomatologie repérée - les problèmes sont très souvent anciens, dans un tiers des cas ils datent de l’arrivée de l’enfant, d’où la nécessité de mettre en place un accompagnement approprié immédiat - Ce sont les parents qui ont adopté des enfants âgés de plus de quatre ans qui sont le plus immédiatement en difficultés dans la rencontre avec leur enfant. Le risque semble maximal entre quatre et 10 ans - Ce sont les parents (46,4%) qui majoritairement sollicitent de l’aide, ils doivent donc être considérés comme des partenaires actifs de l’intervention - Le couple parental ne sort généralement pas indemne de cette aventure, à la fois sur l’analyse de la situation où des divergences peuvent apparaître (48,9%), mais aussi sur des perspectives de séparation (24,3%) voire de divorces effectifs (17%). - Les demandes d’aide vont crescendo en fonction de l’âge de l’enfant, la préadolescence et l’adolescence concentrent tous les risques, que l’adoption ait été précoce ou tardive - La mère adoptive est en première ligne dans le conflit enfant-parents - Les adoptions multiples sont repérées comme étant problématiques - Les passages à l’acte de l’enfant doublés de comportements asociaux sont une des marques de la symptomatologie observée par les intervenants. On note des fugues, vols, agressions, addictions, des refus explosifs des règles. - Il est vraisemblable que les symptômes soient à différencier selon le sexe de l’enfant, sa culture, voire la configuration familiale. L’expression du mal être serait déterminée en partie par ces facteurs - Le climat de violence intra familial explique en grande partie les demandes de séparations. Si ces demandes émanent des adultes, elles émanent aussi des enfants - Pour les enfants qui demandent à partir sans se retourner (sans maintien des liens 15,6% - retour au pays 5,1%), l’adoption a bel et bien été refusée assez précocement. L’adoption n’est pas la solution rêvée pour tous les enfants, certains la refusent et mettent en œuvre les conditions de la rupture. - Le rejet de l’adoption est significativement plus élevé chez les enfants adoptés précocement (28,6%), ce qui pose la question des conditions de la greffe adoptive - La recherche des origines préoccupe un enfant sur deux 73 Faits saillants de notre étude : fiche 3 interventions et théories utilisées -la différence entre les couples et leurs motivations ne se fait pas sur l’augmentation des risques mais sur la résistance aux aléas lorsque ceux-ci surgissent. Les familles avec enfants, ou celles ayant adopté pour raisons humanitaires sont moins résilientes que les autres lorsque les difficultés surgissent. Les perspectives de désengagement voire d’abandon sont plus nettes - le temps passé avec l’enfant minore les risques de rejet. Plus l’enfant a été adopté jeune, moins les parents sont dans le rejet ou une perspective d’abandon. La solution envisagée est alors une mise à distance, mais avec maintien des liens. - Dans la moitié des cas, le risque de rupture est présent, ce qui vient signifier la gravité des situations. - Le placement proposé est peu souvent pensé en termes de « pause » pour souffler, l’incertitude est massive sur sa durée et son issue. - La judiciarisation des interventions en direction des familles adoptives (37,8%) est très nettement inférieure aux statistiques habituelles de l’ASE (76%). - Les théories implicites utilisées pour comprendre ces situations sont relativement classiques : crise de l’adolescence, théorie du trauma et des carences, dysfonctionnements de couple, écart entre l’enfant rêvé et l’enfant réel, carences éducatives… - Les difficultés d’attachement signalées (« greffe qui ne se fait pas) sont par contre peu reliées à des théories sous-jacentes. De même, les questions identitaires posées par certains enfants qui « se sentent différents » ne sont pas référées explicitement aux théories de l’identité ou à une clinique transculturelle. Cette première approche quantitative montre que plusieurs facteurs intriqués peuvent expliquer les difficultés et que sur chacune d’entre-elles nous pouvons développer des réponses préventives ou curatives plus appropriées. Par exemple, le non respect des agréments et des limitations préconisées est un des éléments pour lequel une plus grande vigilance s’impose. De même, l’évaluation du développement de l’enfant, des effets des traumatismes subis, de ses capacités à intégrer une nouvelle famille, reste très en deçà des exigences. 74 L’articulation entre l’avant et l’après adoption souffre d’un déficit évident, que ce soit entre les pays ou entre les services en France (service adoption/service ASE), d’où la perte d’informations précieuses pour le suivi de ces enfants. Tous ces premiers éléments ont été vérifiés à partir de la lecture des dossiers transmis. Ceuxci confirment un certain nombre d’impasses. Sur les 81 dossiers, 49 enfants viennent d’un pays étranger soit 60,5%, les enfants français ou nés en France et d’origine algérienne (accouchement sous X) sont donc au nombre de 32, un chiffre important qui vient questionner l’utilisation de l’article 350, puisque 20 enfants sont dans ce cas, deux enfants sont des enfants présentant des handicaps lourds, les autres enfants sont des adoptions précoces (10). La moitié des couples concernés étaient parents d’enfants biologiques. Le premier constat à faire est que nous devons au plus vite travailler sur les articles 350, sur la pertinence de la décision, sur le travail mis en amont pour préparer les enfants, sur l’analyse des troubles qu’ils peuvent déjà présenter, sur l’intérêt qu’il y a ou non à les changer de lieu d’accueil. Trop souvent les troubles du comportement sont identifiés mais minimisés, il est attendu une résolution quasi miraculeuse par le biais de l’adoption. Les parents sont parfois mis en position de thérapeutes et de réussir là où les structures d’accueil ont déjà rencontré des limites. Pour les enfants qui viennent de l’étranger, les traumatismes subis ou les carences sont sévères et obèrent le développement de l’enfant et ses capacités d’attachement. De même, le droit à l’enfant prend parfois trop le pas sur le droit de l’enfant à dire notamment son refus d’être adopté. Dans les dossiers lus, trop d’enfants disent le rejet du projet qui a été pensé pour eux. Le tableau ci-dessous récapitule les causes des difficultés en prenant pour porte d’entrée « la cause » qui à la lecture nous a semblé première (mais non unique) dans l’émergence des difficultés. Les facteurs endogènes propres à l’enfant (handicap, carences, traumatismes, refus de l’adoption), ou à la famille (parentalité absente, défaillante, pathologie de couple, séparations) ; comme les facteurs exogènes : erreur d’agrément, dépassement des limites, erreurs d’appariement, absence de suivi, acharnement à l’adoption, insuffisance de formation, sont repérables. Si nous ne pouvons agir sur tous ces facteurs, avec facilité, au moins la moitié d’entre eux sont par contre susceptibles d’une amélioration au sein des services. Pour obtenir une diminution des difficultés, des formations s’imposent sur cette thématique singulière qui ne fait l’objet d’aucun enseignement en formation initiale, des suivis plus systématisés ou des lieux de propositions d’aides doivent voir le jour dans chaque département. Le problème n’est pas spécifique à la France, et dans tous les pays où le problème se pose, des formations, des lignes SOS parents adoptifs ont fait apparaître une véritable demande. 75 Cause première situations total En % Agrément 81, 73,75, 23, 15, 45, 6, 19, 28 9 11 3 3,7 7. 14.34.37.41.71. 6 7,4 8.31.32.33.36 5 6,1 16.43.59.61 4 4,9 51.64.67.72 4 4,9 60.62.38.40.48.52.58 7 8,6 Refus de 3.18.35.42.45.46.49.63. 16 19,7 l’enfant d’être 65.68.69.75.76.80.81.28 3 3,7 13 16 3 3,7 insuffisant ou non respecté Handicap l’enfant de 66, 26, 27 sous évalué Traumatismes enfance Carences affectives Troubles asocialité Crise d’adolescence exacerbée Origine non repérée des troubles (autisme…) adopté, écoute insuffisante Appariement Problèmes 22.23.25 de 4.5.9.13.17.19.29.30. parentalité Pathologie 63.50.10.20.39 de 11.12.15. couple Pratiques 21.24.47.70.73.74.77.78.79.80. 10 12,3 81 100 institutionnelles en cause Total 76 En matière d’adoption, la fatalité n’est pas de mise. Certaines pratiques sont à réguler comme la proposition de « fratries fictives » de plusieurs enfants, dépassant les capacités éducatives de certains parents, l’accroche faite par le bébé qui sert d’entrée à l’adoption du plus grand, les atteintes à l’autorité parentale lorsque les parents adoptifs demandent de l’aide. Dans les institutions, les éducateurs se disent très démunis devant la symptomatologie de ces enfants. Au pénal, des structures PJJ refusent même l’accueil de ces enfants, préférant les prendre en charge sur l’extérieur. Ces enfants au vécu douloureux deviendront-ils les « incasables » de demain ? Sur le plan théorique et clinique, la réflexion en est selon nous aux balbutiements, il serait urgent de mettre en place des études longitudinales sur les enfants adoptés, ceux en difficultés comme ceux ne posant aucun problème d’intégration. Cette recherche n’était qu’un préalable, elle propose, grâce au groupe de suivi un certain nombre de préconisations (page 36, 42-44 du rapport), nous espérons que certaines seront retenues. 77