Brunain, la vache au prêtre

Collège des Saints-Cœurs
Sioufi
Examen 1, mars 2011.
Classe : 5e
Durée : 100 mn
Nom :……..……………N :…..
Français
Brunain, la vache au prêtre
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C’est l’histoire d’un paysan et de sa femme. Le jour de la fête de la Vierge, ils s’en vont prier
à l’église. Pendant l’office, naturellement, le prêtre fait son sermon1. Il dit que si l’on comprend les
choses on voit tout de suite qu’il fait bon donner beaucoup pour le Bon Dieu ; ce qu’on lui donne de
tout son cœur, il vous le rend au double.
« Tu as bien entendu, ma femme, ce qu’a dit le curé ? fait le paysan. Celui qui donne de tout
son cœur pour le Bon Dieu, il reçoit deux fois plus. Qu’est-ce que tu en penses ? Nous ne pouvons
pas employer mieux notre vache qu’en la donnant au prêtre pour le Bon Dieu, je crois bien. Tu es
d’accord ?
⎯ D’accord, fait la femme. À cette condition, je veux bien, je te la donne. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils s’en retournent chez eux. Le paysan entre dans l’étable, prend la
vache par sa longe2 et va l’offrir au prêtre. Celui-ci était habile3, et rusé. Il écoute. « Beau sire, dit le
paysan, les mains jointes, pour l’amour de Dieu je vous donne Blérain. » Il lui met dans les mains la
longe de la vache et il lui jure que maintenant sa femme et lui ne possèdent plus rien du tout.
« Ami. Tu viens d’agir comme un sage, dit le Curé Dom Constant qui ne pense jamais qu’à
prendre. Va en paix, tu as bien rempli tes devoirs. Si tous mes paroissiens étaient aussi sages que
vous deux, j’aurais beaucoup de bêtes ! »
Le paysan s’en va et le curé donne l’ordre à son clerc4 d’attacher Blérain (pour qu’elle prenne
de bonnes habitudes) avec sa propre vache Brunain, une belle vache assez grande. Le clerc la mène
au pré, attache les deux vaches ensemble, puis il les laisse… La vache du curé se penche, elle veut
paître5. La vache du paysan, elle, ne veut pas se baisser, et elle tire sur sa longe, − elle tire tellement
fort qu’elle entraîne Brunain hors du pré, qu’elle l’emmène avec elle, par les rues d’abord, puis par
toutes les prairies. Elle tire, elle tire, elle tire toujours ! elle sait où elle va… La voici revenue à son
étable. Enfin ! Sa compagne était lourde à traîner !
Le paysan les voit. Il est tout joyeux : « Ah ! ma femme, dit-il, c’était vrai ! C’est vrai ! Dieu
est un bon « doubleur » ! Blérain revient avec une autre, une belle vache brune. Nous en avons deux
pour une seule ! L’étable va être petite… »
Ce fabliau vous montre plusieurs choses. Il est bien fou celui qui ne se fie pas à la volonté
divine. Les vrais biens ce n’est pas ceux qu’on cache sous la terre, ce sont les dons de Dieu. Personne
ne peut rien multiplier s’il n’a pas beaucoup de chance, c’est la condition indispensable. Parce qu’il
avait beaucoup de chance, le paysan eut deux vaches et le curé perdit la sienne. Tel croit avancer qui
recule.
Jean BODEL, Les Fabliaux du Moyen-Âge,
Éditions Hatier, 2002.
1
Sermon : discours religieux prononcé par le prêtre.
Longe: bande de cuir qui sert à attacher un animal.
3
Habile: astucieux, malin.
4
Clerc: personne attachée au service religieux.
5
Paître: brouter la végétation.
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