Actes du 3eme colloque Amazigh

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Actes du 3eme colloque Amazigh
[1]
UNIVERSITE AKLI MOHAND OULHADJ – BOUIRA
Faculté des lettres et des langues
Département de langue et culture amazighes
ayezdu n tutlayt d yedles n tmaziùΨt
Actes du 3eme Colloque international sur
« L a P r o b lé m a t iq u e d e s g e n r e s
littéraires amazighes : Définitions,
dénominations et classifications »
Organisé les 04 et 05 Novembre 2014
Sous la direction du Professeur
Mohamed DJELLAOUI
2014
[2]
Page vierge
[3]
Sommaire
07
Introduction …………………………………….…………..
Histoire, genres et littérature amazighe …………………………. 11
Pr. BANHAKEIA Hassan
Université Mohamed Premier Oujda, Maroc
Les genres littéraires Amazighes : Interaction entre
oralité et écriture………………………….……………………….
Pr. ANDAM Lhassane
35
Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc
Les devinettes Kabyles, un patrimoine littéraire
oral en déperdition………………………….…………………………. 56
TABTI Rabah
Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou
La poésie orale au Rif : les spécificités esthétiques
Pour une définition du sous-genre poétique………………………….
80
Dr. ZIZAOUI Abdelmottaleb
Université Ibn Zohr, Agadir – Maroc
TIMΣAYIN : Fabliaux, Sentences, Fablettes………………………….
96
Dr. IMARAZENE Moussa
Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou
Mohia et le renouvellement des genres littéraires
amazighs………………………………….………………………….
HACID Farida
Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou
Tullist kabyle : réflexions préliminaires sur le corpus………
103
1113
Dr. SALHI Md Akli et Dr. Amar AMZIANE
Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou
D’un genre expressif spécifique : les expressions
idiomatiques…………………………….………………………….
GUERCHOUH Lydia
120
Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou
La notion du genre littéraire poétique oral (Paramètres de
classification) ………………………….………………………….
FOURALI Yasmina
Université Akli Mohand Oulhadj – Bouira
[4]
132
La poésie historico-légendaire: de l’intergénéricité à la
confusion terminologique………………..…………….…..……
Pr. EL ADAK Mustapha
147
Université Mohammed 1er Oujda, Maroc
Quelques contributions à l’étude du genre hagiographique…..
Dr. BALLA Sadek
Universiré A. MIRA de Béjaîa
Ahwach (aḥwaš) dans tous ces genres……………………..
162
174
Dr. KADDOURI Abdelhafid
Université Mohammed 1er Oujda. Maroc
Asehrurey (berceuse): un genre poétique aux frontières
floues…………………………..……….………………………….
Dr. BEN-ABBAS Mostafa
184
Université Mohammed Premier, Nador – Maroc
Tawsit n ukacef deg unnar n tsekla d tesnalmudt……….
AIT ABBAS Linda et KHERBOUCHE Hassiba
205
Universiré A. MIRA de Béjaîa.
Tiwsatin n tmedyazt tamensayt di tira yinagmayen :
Amgired deg usbaddu, asemi d uûennef …………………….
Pr. DJELLAOUI Mohamed
213
Université Akli Mohand Oulhadj – Bouira
La structure canonique du genre poétique ahellel…………
Mustapha AOUINE
222
Université de Fes – Maroc
Redéfinition et caractérisation d’Ahellel, à travers une
lecture de Poésie, don de Dieu, consignée dans de la
ferraille, de Miloud Taifi………………………….………………
LAHMIL Imane
241
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Saïs-Fès – Maroc
De la problématique générique dans l’œuvre de
Belaid At Ali………………………….……………………………..
BELLAL Hakima
252
Université Mouloud MAMMERI. Tizi-Ouzou.
Les principaux genres littéraires amazighs, Comparaison
interdialectale : kabyle/chaoui…………………………………
Dr. GUEDJIBA Abdenacer
262
Université Abbas LAGHROUR Khenchela
Fusion des genres littéraires dans la poésie rifaine : ……
cas d’Imeţţawen n tamja d’Abdellah El Manchouri
Omar El YAHYAOUI
Université Mohamed 1er, Oujda - Maroc
[5]
277
• Président d’honneur du colloque :
• Professeur. BADDARI Kamel, Recteur de l’université
de Bouira
• Président du colloque :
• Professeur. DJELLAOUI Mohamed
• L’organe consultatif :
• DR. TAHRAOUI BOUALAM
• DR. MELLOUK RABAH
• DAHMOUNE Kahina
• Comité chargé de l’organisation :
Le Président du comité : M. Kacimi Zidine
Les membres :
Idir Massinissa
Lounissi Salim
Rabdi Kania
Berdous Nadia
Laoufi Amar
Boudraa Habiba
Chebieb Nabil
Idrici Nabila
Fourali Yasmina
Bellal Nourddine
Gaci Zahra
Boudia Abderrezak
Douik Razika
Medjadi Djedjiga
• Comité scientifique :
Pr. NACIB Youcef, université d’Alger.
Pr. BOURAYOU Abdelhamid, université d’Alger.
Pr. AMAROUCHE Mhand , univertsité de Bouira.
Pr. BANHAKEIA Hassan, université de Oujda, Maroc
Pr. HADADOU Mohand Akli, université de Tizi-Ouzou.
Pr. TIGZIRI Noura, université de Tizi-Ouzou.
Pr. NAIT-ZERRAD Kamal, Inalco, Paris.
Pr. BOUAMARA Kamel, université de Béjaia.
Pr. EL ADAK Mustapha, université de Oujda, Maroc
Pr. NABTI Amar, université de Tizi-Ouzou.
Pr. DJELLAOUI Mohamed, université de Bouira.
[6]
Dr. EL KHATIR Aboulkacem-Afulay, IRCAM, Maroc
Dr. AMEZIANE Amar, Inalco, Paris, France.
Dr. JARMOUNI Hachem, Université de Fès, Maroc.
Dr. SAAA Fouad, Université de Fès, Maroc.
Dr. BEN-ABBAS Mostafa, Université Oujda, Maroc.
Dr. GUEDJIBA Abdenacer, Université de Khenchela.
Dr SALHI Mohand Akli, université de Tizi-Ouzou.
Dr. IMARAZENE Moussa, université de Tizi-Ouzou.
Dr. MEKSEM Zahir, université de Béjaia.
Dr. MEHRAZI Mohand, université de Béjaia.
[7]
Introduction :
L’oralité, une des spécificités de la littérature amazighe, est un
paramètre déterminant dans la « typologisation » de cette dernière.
C’est, d’autant plus, un facteur prépondérant qui permet de mieux
comprendre et de cerner la notion du «genre» littéraire amazighe.
Les recherches qui se sont penchées sur l’étude des «genres »
littéraires amazighes sont rares et souvent partielles et ne traitent pas
tous les «genres », comme elles ne s’étendent pas à toutes les variétés
amazighes. Par conséquent, il est très important de mener plus de
recherches et d’enquêtes de terrain. A ce problème s’ajoute les
ambiguïtés de la nomenclature adoptée et qui ne peut satisfaire les
caractéristiques de chaque «genre ».
La définition d’un « genre » littéraire donné doit tenir compte
de plusieurs variables endogènes et exogènes : il s’agit du rythme, de
la mélodie, de la longueur, des personnages, des facteurs spatiotemporels et des procédés d’exécution. Enfin le recours à la définition
que proposent les aèdes est incontournable pour une classification plus
originelle et authentique. Si la littérature amazighe partage avec celles
des autres communautés certains points communs l’inscrivant dans
l’universalité, elle a aussi ses spécificités singulières qui la distinguent
et qui marquent son originalité.
Afin de mieux cerner cette problématique des « genres » en
tamazight, il faudrait, probablement, avoir à l’œil un fait qui nous
semble fondamental : la culture amazighe est essentiellement orale et
sa transmission s’est faite par ce canal durant des millénaires. Par
conséquent, Il ne s’agit pas, ici, d’intégrer les genres littéraires
amazighes dans des moules préétablis, mais plutôt de procéder à des
comparaisons qui permettront de dégager leurs spécificités et les
éléments de convergence avec les genres d’autres littératures.
Cependant, il faut prendre en considération la variation dialectale et
régionale car les dénominations autochtones sont nombreuses et
diversifiées selon les genres mais aussi les régions.
[8]
C’est à ce genre de rencontres scientifiques de déterminer le
système littéraire amazigh et ses genres. Quoi qu’il en soit, il n’existe
aucune description systématique des genres littéraires dans une variété
linguistique donnée. Il semble plus judicieux d’ancrer cette
description dans chacune des aires dialectales amazighophones avant
d’entreprendre une quelconque généralisation à tout le domaine
amazigh.
Cette suggestion nous incite à réfléchir à une éventuelle
classification ou (re)classification des genres littéraires existants dans
le domaine amazigh ou bien une redéfinition totale ou partielle de la
nomenclature générique de la (les) littérature(s) berbère(s).
Toutefois, le rôle de la critique et de la recherche universitaire
dans le domaine amazigh est primordial dans la définition et la
classification des genres narratifs et poétiques amazighes.
En fin, je tiens à adresser mes vifs remerciements à l’ensemble
des collègues enseignants et chercheurs, venus de différentes
universités nationales et étrangères, pour leurs contributions
fructueuses durant les deux journées de cette manifestation
scientifique. Leurs interventions, qui étaient d’un grand apport
scientifique, ont contribuées efficacement à apporter des réponses aux
questionnements posés dans le champ de la littérature amazighe,
notamment la problématique de la classification, de la dénomination et
de la définition des genres littéraires.
Par cette même occasion je tiens à exprimer ma reconnaissance
aux membres des comités scientifique et d’organisation pour les
efforts fournis afin de réussir cette rencontre scientifique.
Président du colloque
Professeur Mohamed DJELLAOUI
[9]
Tazwart :
Timmawit d yiwet seg tulmisin tigejdanin iùef treûûa tsekla
tamaziùt, am wakken i d-tella daùen d aferdis yesεan azal deg
unnar n uûennef d usemmi n tewsatin-is.
Inadiyen usnanen d tezrawin tisdawanin yerzan tiwsatin n
tsekla tamaziùt drus i yellan, ayen akka yellan annar-nsent ur
wessiε ara, ttawint-d kan ùef kra n tewsatin di kra n temnavin.
Yessefk ad yiwsiε wennar-agi n yinadiyen d tezrawin, alamma
yelêeq merra timnavin timazùanin d tentaliyin-nsent yemgaraden.
Annect-a dayen ara iεiwnen deg ubeggen n tulmisin timuta yeεnan
yal tawsit.
Tabaddut n « tewsit » di yal tasekla yessefk ad tettwabnu ùef
waîas n yiferdisen iùef tettewreûûa talùa akked ugbur n yal avris d
tegnatin n usnulfu-ines am : ccna d uéawan, teùzi d tewzel, iwudam
d yimsiwal, akkud d wadeg, tignatin n usevru d tawilat n uûiwev.
Tuùalin ùer tbaddutin n tewsit i d aù-d-ooan imenza yessefk ad dtili. Imi ùas ma yella tasekla n tmaziùt tcuba tasekla tagraùlant deg
waîas n tulmisin, ad tt-naf, si tama nniven, txulef-itt di tuget n
yiferdisen nniven, ayen i d as-yefkan tafridit akked tnaûlit i swayed
tettwemgired .
Iwakken ad d-nbeggen akken iwata tamukrist-agi n
« tewsit » deg unnar n tmaziùt, yessefk ad d-nerr di lbal yiwet n
temsalt s wazal-is : Idles amaziù di lsas-is d idles imawi, izeggr-d
leqrun, tasuta tettak-it-id i tayev s webrid-agi n timawit,ùef aya ur
ilaq ara ad nger tiwsatin n tsekla tamaziùt di leqwaleb iwejden i dttakent tsekliwin n yigduden nniven. Tizrawin yessefk ad awint
abrid n ukenni d userwes iwakken ad ûûiwvent ad d-beggnent
tulmisin tiêeqqaniyin iùef tettwabna tewsit tamaziùt d wayen i ttyessemgirden ùef tewsatin nniven di tsekliwin tigraùlaniyin.
[10]
$er tama n waya, yessefk ad d-nerr di lbal daùen ayen i dttakent tentalyin n tmaziùt s umgired-nsent si temnavî ùer tayev d
tibaddutin d usemmi i yal tawsit seg tewsatin n tsekla taqburt.
S temliliyin tusnanin yecban tigi i nezmer ad d-nesùim lsas
iûeêan i nvan n tsekla tamaziùt d tewsatin-is. Imi ar tizi n wass-a
mazal ur d-ilul ara nvam-agi ula deg yiwet n tentalit. Ihi ûwab d
anadi ùef nvam-agi n tewsatin di yal tantalit, weqbel ad d-yili
wawal ùef tewsatin-agi deg unnar n tmaziùt s umata.
Awelleh-agi yessutur-d seg-nneù aεiwed n tmuùli deg
wayen yellan d asismel d usbaddu d usemmi n tewsatin deg unnar n
tmaziùt, iwakken ad neûiwev di tagara ùer yiwen n nvam amatwan
n tsekla tamaziùt d tewsatin-is.
$ef aya i ilaq ad yiohid wennar n usenqed aseklan d unadi
asdawan deg unnar n tmaziùt, iwakken ad neûûiwev deg yiamal
uqrib ùer ubeggen n nvam amatwan n tsekla tamaziùt d wayen i dicudden ùer-s n tsismilin d tbaddutin d usemmi n tewsatin-is di
tesrit neù di tmedyazt.
Di tagara, bùiù ad snemmreù s waîas iselmaden d
yinagmayen i d aù-d-yusan si tsedawiyin tizzayriyin d tbaraniyin,
ùef yisarayen i d-fkan ùef teùzi n sin wussan n temlilit-agi
tagraùlant tis tlata. Isarayen-nsen reûan ùef waîas n tmusniwin d
tikta tilqayanin, wwin-d tiririyin ùef tuget n yisteqsiyen i d-ibanen
deg urti aseklan amaziù, aladùa ayen yerzan tamukrist n usismel d
usbaddu d usemi n tewsatin n tsekla tamaziùt.
Am wakken ad farûeù tagnit-agi iwakken ad d-iniù daùen
gedha i yiεeggalen n tesqamut tusnant d tin n uheggi d usewjed n
temlilit, s lmejhud-nsen i tessawev temlilit-agi tagraùlant iswi-s.
Aselway n temlilit
Prufisur Muhemed OELLAWI
[11]
Histoire, genres et littérature amazighe
---------------------Hassan BANHAKEIA
F.P. de Nador – Université Med I - Maroc
Ici maintenant, sans doute ne pouvons-nous que saluer, avec
un plaisir raisonné, l’organisation de cette activité autour du sujet :
« littérature amazighe et genres littéraires ».1 C’est une occasion pour
déblayer le sujet de faux calculs, de malentendus, de préjugés et
d’études purement théoriques et générales calquées sur le fait littéraire
amazigh. Si l’on s’amusait à avancer des statistiques (souvent peu
fiables) du nombre des parlants amazighs, il faudrait également
donner des chiffres à propos de la production, la réception des fictions
et des recueils publiés, l’expansion et la distribution de cette littérature
en Afrique du Nord. Le constat sera, en effet, le même : le fait
littéraire est extrêmement minoritaire.
Nous allons analyser cette littérature écrite (fiction, poésie)
depuis la fin du XXe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, 2 sans
oublier de la confronter à la tradition orale et aux Anciens grecs et
latins – en tant que profondeur historique.3 Il y a parfois, l’on nous
dira, des auteurs de notre corpus « moderne » qui publient une seule
œuvre, en vendent une dizaine d’exemplaires et cessent non seulement
1
D’autres colloques ont eu lieu au Maroc sur la littérature amazighe. Citons
quelques-uns : -La Littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et
perspectives, Actes du Colloque international, Rabat, Pub. Ircam, 2004 ; -Les types
poétiques amazighes traditionnels, Actes du Séminaire organisé par le CEAELPA
les 30 septembre et 01 octobre 2004, Rabat, Publications de l’IRCAM,2009 ; -Le
brassage de la culture amazighe et de la culture arabe, Acte du colloque du 5ème
festival de la culture amazighe de Fès, M. Ennaji (Dir), Imprimerie Imagerie, PubFès, 2009.
2
Voir en annexe les œuvres marocaines d’expression amazighe, corpus de notre
étude.
3
J. A. Cuddon, Dictionary of literary terms and literary theory, Penguin Books,
1991
« Tradition (...) denotes the inherited past which is available for the writer to study
and learn from. Thus, the writer’s native language, literary forms, codes, devices,
conventions and various cultures from the past. (...)
And every writer begins with some sort of tradition behind him (even if only that
provided by his language) and every writer in some way modifies or influences that
tradition, even when being imitative. » (p.982)
[12]
d’écrire en amazigh, mais surtout de croire en l’amazighité. (cf.
l’annexe en fin de l’étude)
Dans l’esprit de déconstruire cette culture millénaire, il y aura
sûrement, dans ce colloque, l’examen des « vieux » termes littéraires
(chant, izli, conte, ahwach, ahellil, proverbe...) issus plus de la
tradition orale que de la tradition écrite, un répertoire vaste et
discontinue (dans le temps et l’espace), mais qu’est-il des définitions
locales, nationales et transnationales de toutes ces productions
publiées et mises en circulation parfois dans les manuels scolaires et
dans les cours universitaires ? C’est en réaction à cette question que
nous allons avancer des hypothèses et des lectures plus ou moins
objectives.
I – Des précisions critiques
Pour nous, la littérature amazighe a toujours existé au-delà de
l’unique critère de l’expression. Elle est également tributaire de la
tradition orale, malgré ces déterminations factices,1 à savoir la langue
écrite, la documentation et les genres d’une part, en dépit des trois
autres critères (thématique, lieu de production et biographique) de
l’autre.2 Ces conditions contraignantes, notons-le, sont le résultat de la
difficile communication spatio-politique à travers l’histoire entre les
parties de l’Afrique du Nord –handicap pour l’expansion d’une
littérature homogène. Etroitement liée à l’Amazigh (espace/homme),
la littérature échappe naturellement aux classifications3, surtout si ces
jalons proviennent d’une ethnie/culture étrangère. Vu les aléas de
l’histoire, elle est la matérialisation d’un imaginaire qui se construit
dans diverses expressions – propres ou implantées.
Depuis les premiers philosophes, les concepts (littérature,
tradition et genres) posent problème à tout chercheur en face d’un
1
Abdellah Bounfour, « Littérature berbère traditionnelle », in Encyclopédie berbère,
n° L, pp.4429-4435, Peeters Publishers, Paris-Louvain, 2008
2
Daniella Merolla, « Peut-on parler d’un espace littéraire kabyle », in Etudes et
Documents berbères, p.5-25, n°13, 1995.
3
Jean-Marie Seillan, « L’introduction générale », in J.-M. Seillan, (sous la direction
de), Les genres littéraires émergents, L’Harmattan, 2005
« C’est de sa capacité à s’inscrire ou non dans un genre, prédéfini et reconnaissable
que dépend largement le degré de lisibilité et d’intelligibilité d’une œuvre nouvelle,
le genre servant à établir dans la mémoire et l’institution culturelle, fût-ce
provisoirement, des filiations et des classifications. » (p.8)
[13]
corpus. Tout d’abord, faut-il les rattacher aux philosophies
occidentales et orientales qui traitent du fait littéraire ou bien les
rattacher tout simplement à la pensée, notamment à la philosophie de
l’école de Cyrène qui met au premier plan le plaisir (le goût) aux
dépens de la raison ? Ensuite, en l’absence d’un cadre critique qui se
fait a posteriori par une réception positive des œuvres, que faut-il
présenter et préserver de cet héritage écrit ? Dans l’exemple du Maroc,
juste une centaine de fictions (courtes, peu connues, non normalisées)
constituent la littérature amazighophone, comment est-il possible de
théoriser facilement sur le fait littéraire ? Enfin, faut-il se servir des
approches existantes avec la condition de ne pas « exagérer » et de ne
pas tomber dans l’explicitation des outils critiques et d’analyser
objectivement le corpus ? Toutes ces questions nous mènent à décrire
méticuleusement les éléments de cette littérature ni orientale ni
occidentale, transposant l’identité nord-africaine (ou sudméditerranéenne).
1.-Tradition « rapiécée » : un tapis vaste et discontinue
La tradition amazighe est le fondement de la civilisation nordafricaine. Elle est le fonds culturel des régions et des pays, au-delà de
toute définition réductrice par l’expression. Elle englobe les
interprétations de l’homme, du monde, de l’histoire, des croyances des
lois, des coutumes, des systèmes de gestion familiale et des modèles
de l’art. C’est pourquoi, étudier la tradition amazighe est à la fois un
acte d’introspection, mais aussi de prospection de l’altérité qui se
confond parfois avec d’autres Moi (parlers, rites et coutumes des
autres tribus) à travers l’histoire. Ainsi, décrire, préciser et nommer les
formes de cette tradition, s’étendant sur un vaste territoire,
présupposent-ils une approximation de l’ethnie en question.
2.- Histoire littéraire discontinue
Le concept « histoire de la littérature » est généralement
complexe, et de surcroît insoluble dans le cas de « la littérature
amazighe » écrite et moderne. Il signifie :
-histoire matérielle de la littérature ;
-histoire des lettres et des documents ;
-histoire de la culture collective.
[14]
A ce moment, la genèse d’une littérature X est basée sur les
manuscrits anciens, mais dans notre corpus il s’agit d’œuvres
transcrites dans une écriture plus ou moins « normalisée », selon la
voix propre de l’auteur. Cette littérature écrite s’impose comme une
question de négation. Sans sources matérielles anciennes (de musée),
il est aberrant de revendiquer sa légitimité historique. Que faire des
Anciens (Térence, Apulée, Fronton) si ce n’est pour se demander à
propos de la filiation, pour se réapproprier une place dans l’histoire
littéraire et pour déterminer l’imaginaire africain ?
Force est de constater que l’histoire littéraire et la tradition
vont ensemble. L’évolution dépend ostensiblement des différents
événements connus par l’ethnie. Bien que l’histoire de la littérature
propose des courants et des écoles selon une vision d’évolution des
genres littéraires et des goûts afin d’expliquer ces renouvellements, la
progression (ou la continuité) se fait par des ruptures « assumées »
inconsciemment par les Imazighen qui se reconnaissent souvent dans
le local, et à un moindre degré dans le transnational « commun ».
La littérature moderne existe sur des supports physiques
(papier, internet). Les recueils poétiques ne sont plus des « izlan » et
des contes, mais des œuvres qui ont changé de formes (variations) et
de thèmes à travers les temps (adaptation, réécriture). Et l’idée de
l’évolution (de l’oral à l’écrit) se pose à son tour comme une autre
négation si l’histoire littéraire est ignorée.
Tout comme la littérature avance, les genres littéraires
évoluent sous forme d’une histoire de formes et de thèmes spécifiques
à la communauté. Ces deux évolutions ne constituent, en fait, qu’une
seule – incarnant un aspect de la pensée « physique et continue » des
Imazighen. En ce qui concerne l’origine des genres, elle demeure
néanmoins difficile à préciser sur le plan historique. Voilà les défis
lancés aux critiques. Les izlan ont, par exemple, une origine obscure,
lointaine et reformulée à travers les générations, mais il serait
intéressant d’aller au-delà de la description formelle, de la traduction
et de l’explication linéaire des distiques. Les recueils modernes
reprennent une telle forme d’écriture propre. Izlan izlan édité par
Rachida Marraki en est un bon exemple. Le recueil participe
amplement à sauvegarder la mémoire poétique. Car les « izlan » sont
avant tout une forme de pensée « ethnique », et les déstructurer
apporte quelque chose de cette profondeur civilisationnelle. Pour ce
qui du conte, nous avons plusieurs corpus édités, sur la tradition
[15]
rifaine il y a un intéressant travail fait par Mohamed El Ayoubi intitulé
Les merveilles du Rif : contes berbères narrés par Fatima
n’Mubehrur. 1 Le contage et les contenus proviennent d’une vision
autochtone bien structurée.
3.- Les genres littéraires « d’engagement » collectif
S’attarder sur les distinctions entre les genres est une tâche
ancienne, entamée depuis Aristote. Néanmoins, si les genres sont des
critères universels, ils ont des acceptions différentes. Cette différence
fait leur identité. Toujours est-il que réfléchir sur les genres suppose
l’existence des mouvements, des écoles, des mouvances et des modes
dans une tradition. Si les genres offrent d’une part aux écrivains des
règles, des moules et des espaces de création clairs et définis, et de
l’autre, aux lecteurs des moments de partage et de communication
avec l’œuvre (horizons d’attente), les manifestes d’art paraissent utiles
pour organiser et renforcer la mode. Ils font alors la destinée d’une
littérature. Qu’est-il en fait de ces « manifestes d’art » et de ces essais
« critiques » vis-à-vis du roman, de la poésie et du théâtre qui vont
faire école en Afrique du Nord ? L’idée de l’engagement « réaliste »
prédomine dans les représentations, les fictions et les poèmes. Il est
temps d’en esquisser quelques-uns qui vont apporter le salut et l’à
venir. L’homme, la langue, la terre et l’histoire sont des objets du
débat « artistique ».
Que disent les critiques des romans de Mohamed Bouzaggou
ou bien des pièces de Muhand U Yehya ? Les publications d’art n’ont
pas alors d’ « accompagnement » critique qui préciserait la langue, la
création, les genres, la littérature en un mot. A ce moment, la réflexion
et l’identification sont des tâches urgentes à faire dans le corpus
amazigh (amazighophone) afin de préciser les contours et les bases de
cette production. La littérature demeure, certes, une vision du monde
traduite dans une expression, peut-être propre, peut-être étrangère,
mais elle a besoin de « formalisme » critique. Le militantisme envers
la langue s’avère le choix d’un idiome « épuré » des emprunts et
renforcé par les néologismes.
En général, cette littérature nord-africaine à double expression
(propre et allogène) se forge comme une opposition au discours
politique, en l’occurrence un discours de négation et de contestation.
1
M. Th Houtsma Stichting, Utrecht, 2000
[16]
Si la littérature recherche l’autonomie et le droit aussi bien à la parole
qu’à la transformation de la société, l’écrivain devient, par sa création,
son ethos, sa pensée et son goût singulier comme l’artisan de cette
autonomisation, en quête d’un affranchissement éternel, depuis le
premier Affranchi Térence.
Par ailleurs, il y a bien, faut-il le rappeler, d’autres écrivains
qui ne font rien pour produire un discours indépendant, impliqués
directement ou indirectement avec l’Etat. L’écrivain amazigh se situe
généralement hors pouvoir. Il se confronte à la dictature du pouvoir. A
l’encontre de la littérature officielle qui renforce la propagande de
l’Etat, les œuvres amazighes vont remettre en question les actions du
pouvoir en soulevant les injustices historiques – à commencer par la
marginalisation de l’amazighité. Elles veillent à la justice et à la
démocratie plus que n’importe quelle autre littérature en place, car
cette tradition minorée fait partie de l’histoire, elle est, elle même,
histoire. Parmi ces œuvres, aucune de ces 100 œuvres ne s’insère
complètement dans l’idéologie de l’establishment marocain. Par
extension logique, du fait que les mêmes conditions politicoéconomiques (répression, pauvreté), le schéma pourrait s’étendre à
l’Algérie et à la Libye…
II - La littérature amazighe en questions
La littérature amazighe est, en soi, une interrogation complexe.
Elle s’attache à la tradition orale, tout en revendiquant une origine
lointaine. Elle se recherche dans les expressions allogènes, tout en
continuant à se revendique amazighité écrite en amazigh.
Au niveau de la critique, faut-il imiter Gérard Genette pour
détailler l’histoire de la constitution des genres dans la dite tradition ?
Ou bien se fier aux thèses de Taha Husein pour développer les mêmes
propos ? Si le critique opère une explication de la tradition à partir
d’une vision étrangère, le calque sur l’amazighité serait une étude
aussi déplacée qu’erronée. Un travail sur l’histoire de la littérature est
néanmoins urgent afin de déterminer les origines, l’évolution, les
contenus, les formes et la réception, mais loin de toute dépendance
symbolique qui n’a jamais cessé d’habiter le corps amazigh, pardon
son esprit.
[17]
1.- Questions autour d’une bibliothèque dispersée
Si l’on fait fi des Ancêtres (latins et grecs), et en l’absence
d’une histoire écrite de cette littérature, que sera-t-il alors de la
diachronie de la pensée des Imazighen qui renie pour le comble la
réappropriation de la tradition ? Si l’écrivain malien Amadou
Hampäté Bâ a dit de la littérature africaine orale : « Chaque vieillard
qui meurt est une bibliothèque qui brûle », ce sera dans le cas de la
tradition nord-africaine : « chaque auteur (vivant ou ancien) que nous
ignorons, est un maillon que nous perdons de notre histoire
commune ». Leurs œuvres constituent la Mémoire – manifestations
indistinctement individuelles et ethniques.
Indéfinie, l’histoire de la littérature amazighe se résume à une
pléthore de questions, à répartir autour de différents axes.
-L’identité de la littérature : *Quels sont ses traits
définitoires ? *Comment se fait la reconnaissance d’un genre ? *Quels
sont ses signes d’autonomie et de différence ? *Pourquoi la
prédilection de la création poétique ? *Pourquoi la rareté des romans ?
-Ses origines : *Quelles sont les causes de l’émergence de
cette tradition ? *Qui sont les Anciens pour les écrivains amazighs ?
*Qu’est-il de la filiation et des influences entre eux ? *Quelles
écoles ? Quels mouvements ?
-Sa thématique : *Quels en sont les thèmes spécifiques ?
*Pourquoi les écrivains amazighs s’accrochent-ils au militantisme ?
Quelle conséquence a-t-il sur les œuvres d’art ?
-Son évolution : *Quelles sont les œuvres fondatrices de la
littérature amazighe ? *Combien de générations compte-t-on dans son
évolution ? *Comment se fait le début d’un jeune écrivain dans la
création ?
-Sa réception : *Qui lit les œuvres amazighes ? Quelle est la
part d’audience et de réception positive dans les pays de Tamazgha ?
A l’étranger ? *Sur quels supports survivent les œuvres ? *Où les
[18]
publie-t-on ? *Qui les soutient ? *Peut-on étudier une œuvre moderne
hors de sa corrélation avec le système général de la littérature
amazighe ? Enfin, pourquoi l’écrivain amazigh ne persiste-t-il pas à
écrire au-delà de la première publication ?
La lecture du corpus est nécessaire, et un travail critique avec
des mécanismes propres et objectifs s’avère surtout une nécessité
académique. La réponse aux questions doit être inspirée de la tradition
nord-africaine, déstructurée par les mécanismes de réflexion et les
règles autochtones. Bref, cette histoire se fera par la réaction
intellectuelle à toutes ces questions, mais surtout par la seule
déconstruction de l’amazighité.
2.- Littérature mi-orale, mi-écrite
A l’instar de la littérature orale créée dans l’anonymat, la
littérature écrite respecte souvent les règles de la communauté où elle
évolue. En revanche, l’écrivain est « entravé » dans son expression :
l’authorship apparaît vague. Il se trouve indécis dans ses prises de
position / commentaires / digressions / mises en abyme, voire dans la
transcription « écrite » des mots... De ce fait, il y a bien des auteurs
qui écrivent pêle-mêle les langues vulgaire et « littéraire », d’où la
nécessité d’une révision académique.
Dans la tradition orale, le même produit est revendiqué par
plusieurs auteurs du fait qu’il est réalisé par la communauté à travers
le temps. 1 L’on parle alors de l’énonciateur (littérature orale), mais
dans la littérature écrite, il s’agit d’un producteur qui s’attarde souvent
sur les détails ethniques et autobiographiques ou bien sur des
commentaires purement idéologiques. Les récits de Said Belgharbi en
sont une bonne illustration de ces récits subjectifs – se confondant
longuement avec un discours directement contestataire.
1
Ursula Baumgardt, « Variabilité, transmission, création », p.77-104, in Ursula
Baumgardt & Jean Derive, Littératures orales africaines (Perspectives théoriques et
méthodologiques), Karthala, 2008,
« les genres soumis à une transmission stricte et à la mémorisation précise aussi bien
du contenu que de la forme accordent généralement peu de place à la variabilité. En
revanche, les genres narratifs relativement longs, mémorisés davantage au niveau du
contenu qu’au niveau de la forme et que n’exigent pas d’énonciateur spécialisé,
laissent plus d’espace à l’intervention individuelle de l’énonciateur et à la
variabilité. » (p.84-85)
[19]
Si la littérature orale se caractérise par le fait qu’elle est
produite de manière instantanée, étant communication immédiate
produite par un énonciateur (identifié) dans un espace/ temps précisé,
ensuite avec un public connu et un « conteur » partageant la même
expérience, enfin se présentant comme une performance, les textes
littéraires du corpus suivent, plus ou moins, le même schéma :
* l’oralité y prédomine, ce qui enrichit la profondeur culturelle
du texte ;
* le non respect des normes de l’écriture : on peut trouver des
mots et des propositions à corriger selon un dictionnaire et une
grammaire « à standardiser »
* le caractère régional : cette littérature est produite dans une
région, ignorée par les autres régions et pays vu la
distribution impossible, par conséquent offerte à un public restreint
qui se trouve souvent dans la même aire culturelle.
A titre d’illustration, les poèmes de Mohamed Moustaoui sont
méconnus au Rif, tout comme ceux de Karim Kannouf demeurent
ignorés par les Soussis. Les poèmes sont, en général, « savourés » lors
des festivals, mais rarement consultés comme œuvres écrites. Cette
ignorance porte préjudice à la conception d’une littérature « unie ». La
distribution et l’expansion de cette littérature écrite ne se font pas de
façon efficiente, même avec l’établissement d’organes de régulation et
de normalisation comme l’IRCAM au Maroc ou le HCA en Algérie.
En général, analogue à l’œuvre orale où les sonorités, les
rythmes et les traits visuels font la performance, le texte fictif (ou
d’art) demeure également une œuvre dans son immédiateté,
poétiquement communiquée hic et nunc sans aucune perspective de
fondation historique.
III – Profondeur historique & Naissance par incision
La tradition se fait profondeur ethnique car elle traduit les
aspirations, les doutes, les douleurs et les faits historiques. Elle est
aussi historique : qui sont les anciens pensants ? Il faut les
chercher sans égard à l’expression car ils ont transposé la vision et
l’imaginaire collectifs dans d’autres espaces humains.
Dans l’espace sud-méditerranéen, il y a l’effacement,
conscient ou inconscient de tout ce qui fait sa culture primaire, comme
[20]
si les Imazighen étaient depuis la nuit des temps des aveugles ou bien
des muets. Certes, l’expression et la vision amazighes ont connu des
évolutions et des crises nécessaires qu’il faut déconstruire au-delà de
l’oralité, au-delà des manifestations pour des droits à la parole et à la
justice...
La littérature amazighe a toujours existé, comme vision d’une
unité inébranlable, mais surtout comme expression d’une « terre ».
1.- L’ancrage historique de la littérature amazighe
Le patrimoine littéraire est à diviser entre une littérature en
langue propre et d’autres dans des expressions allogènes. 1 Si la
littérature est l’expression d’une tradition-culture collective, plusieurs
auteurs grecs et latins ont fait, entre le Ve siècle avant JC et le VIe
siècle, de l’amazighité le « socle » de leurs œuvres, des chefs-d’œuvre
de la Littérature (universelle) : les Confessions de saint Augustin,
l’Ane d’or d’Apulée, les six comédies de Térence…
Les lettres retiennent l’école de Cyrène comme le premier
édifice de cette littérature nord-africaine. Aristippe de Cyrène, le malaimé des philosophes grecs, fonde son école, et s’entoure du
philosophe Théodore de Cyrène, de l’immoraliste Hégésias de Cyrène,
du penseur du bonheur possible Annicéris, du critique des certitudes
Carnéade, du premier géographe Eratosthène de Cyrène et d’autres
penseurs qui placent l’homme face aux plaisirs de l’existence, et non
pas au sein de la sagesse socratique.
Aussi faut-il citer les écrivains majeurs anciens qui font école
dans leurs missions intellectuelles et pédagogiques entre Rome et
Carthage. Il y a Callimaque de Cyrène, l’anti-Homère africain,
Térence, l’esclave dramaturge, Apulée le premier romancier, Marcus
Cornelius Fronton l’éducateur de Marc-Aurèle et l’hellénisant
Macrobe qui va interpréter la tradition gréco-latine. Les manuels
d’histoire gardent effectivement des traces de leurs œuvres et parlent
solennellement de leurs origines africaines, montrant leurs
contributions à la civilisation humaine.
1
Pourquoi est-ce que des écrivains autochtones qui ont écrit en langues étrangères sont
considérés des écrivains étrangers alors qu’ils ont transposé, traduit et concrétisé le
patrimoine local ?
[21]
Ensuite, il y a l’école des auteurs considérés comme des
Anciens mineurs. Citons le voyageur-roi Juba II, l’astronome et poète
Marcus Manilius, l’historien courtisan Publius Annaeus Florus, le
poète naturaliste Némésien, l’historien Sextus Aurelius Victor, le
mystique Martianus Capella, le grammairien Priscien, le poète avisé
Terentianus Maurus, le lexicographe du latin Nonius Marcellus, le
poète Julius Valerius Alexandre Polemius, le penseur Dracontius, le
poète courtisan Luxorius et l’auteur Corippe, et j’en passe et des
meilleurs. Ils constituent tous une intelligentsia marginalisée pour
leurs positions africanistes, et leur opposition nette aux institutions
établies.
Vient la christianisation de l’Afrique qui forge des penseurs
locaux. Il y a de grands penseurs dogmatiques tels que Minucius
Félix, Jules l’Africain, Arnobe, Cyprien, premier martyr d’Afrique,
Lactance, saint Augustin, Gaius Marius Victorinus, Optat de Milev,
Synésios de Cyrène, Quodvultdeus, Victor de Vita et Fulgence de
Ruspe. Grâce à eux, les études chrétiennes connaissent une évolution
importante, mais les références à l’identité s’avèrent de l’opprobre.
Depuis ce temps-là, l’âme collective est saisie comme un Péché
indélébile.
Enfin, après des désarrois et des déceptions, les penseurs
chrétiens se désunissent alors et naît le mouvement contestataire. Il
faut citer, bien sûr, des penseurs hérétiques : Tertullien, Arius,
Tichonius et d’autres penseurs que l’Eglise a délibérément effacés…
On a toujours souligné avec enthousiasme que ces
modèles « classiques » sont des Imazighen, mais on a oublié
pertinemment que leurs œuvres véhiculent une amazighologie (pensée
qu’il faut développer et déconstruire) afin d’en faire une origine (un
début d’une pensée propre), ils représentent déjà des modèles de la
Littérature (universelle).
Un autre élément de cette profondeur historique est, bien sûr,
l’alphabet (matériau d’écriture), le tifinagh. Les chercheurs se réfèrent
à l’alphabet premier, mais pas à l’homme originaire de l’Afrique dans
son expression de l’imaginaire collectif via les langues étrangères.
L’erreur apparaît dans l’équation suivante : s’il n’y a pas d’œuvre en
tifinagh, il n’y aura pas de littérature « amazighe ».
Force est de constater que si la littérature amazighe persiste à
vivre sous le colonialisme symbolique, c’est par l’oubli (ou
[22]
l’effacement) des aïeux pensants. L’appartenance littéraire n’est-elle
pas, en fait, réappropriation ethnique ? Ne faut-il pas prendre, une fois
pour toutes, les écrivains latins et grecs d’ascendance amazighe pour
des Ancêtres et des modèles qui ont ignoré l’alphabet premier mais
ont bien exprimé l’ethnicité dans d’autres expressions ? Ainsi
s’annonce le Classicisme nord-africain, et l’imitation devient un pas
de création à franchir pour les jeunes auteurs modernes.
En fin de compte, la littérature amazighe tiendra de l’utopie si
l’on fait abstraction de ces Anciens. Que reste-t-il, sinon la marge, un
non lieu dans l’histoire ? En un mot, l’utopie.
2.- La naissance par incision de la littérature amazighe
L’histoire est simultanément partielle et partiale. Les choix, les
lectures, les interprétations et les partis pris d’un auteur déterminent
les contenus d’une œuvre, et par extension de la littérature.
« L’Histoire ne nous apprend que les historiens »1, dira Paul Valéry.
En outre, elle est déterminée par les changements économiques,
sociaux et politiques.
Les critiques sont unanimes sur le fait que la littérature écrite
(moderne) naît avec le printemps berbère en Kabylie (1980).2 De là
jusqu’à cette date, 2014, il serait utile tout d’abord de chercher des
périodes, des écoles et des mouvements, ensuite de voir de près
comment la voix de l’amazighité a évolué, enfin de déconstruire cette
nouvelle littérature dans ses formes et ses contenus.
1
Paul Valéry, « Propos me concernant », Œuvres, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », tome II, 1960, p.1510
2
Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité médiatique
ans la production culturelle amazigh (berbère) », pp.33-57, in Afrika Focus, vol. 18,
n°1-2, 2005
« A partir de 1980, on assiste à la publication des premiers romans en kabyle. C’est
l’année de plusieurs manifestations contre le gouvernement en Kabylie, ce qui a été
appelé le ‘Printemps berbère’. L’entrecroisement entre création littéraire et contexte
historique explique la tonalité militante des premiers romans come Asfel (Le
sacrifice rituel), Faffa (La France) d’Aliche (1981, 1986), et Askutti (Le boy-scout)
de Sadi (1983), ainsi que la collection de poèmes Isefra umehbus (Poèmes du
prisonnier) de Hmed-Zayed (1981). L’engagement reste également une
caractéristique des romans publiés successivement tels Id d wass (Le jour et la nuit)
de Mezdad (1990), Tafrara (Aurore) de Zénia (1995) et Si tedyant gher tayed (d’une
péripétie à l’autre) de Whemza (1994).» (p.38)
[23]
A première vue, la littérature écrite se présente comme un
accouchement par césarienne de la tradition orale. De l’oral,
l’écrivain, conscient de la situation périlleuse dans laquelle se trouve
sa culture dans ce monde moderne, précipite habituellement le pas de
la naissance. Une telle réaction a lieu dans les débuts de toutes les
littératures « consacrées ». C’est pourquoi, les écrivains, après
l’incision, peuvent retrouver dans la matrice « antiquité » des modèles
pour orner et multiplier les formes et les genres primaires (de la
tradition orale), et s’investir d’une légitimité historique.
Toutefois, la littérature amazighe se sert d’une langue qui est
munie d’une Mémoire et de pouvoirs à « découvrir » en ces temps de
globalisation, plus ou moins positive. Mais, quels modèles choisir ?
Les nôtres, bien entendu. Ils ont été imités par les mêmes
Occidentaux, voire remaniés et investis de valeurs autres.
- Genres
- Anciens Propres
* Roman :
Apulée
* Théâtre, comédie :
Térence
* Récit autobiographique :
Saint-Augustin
* Poésie pastorale :
Némésien
* Récit épistolaire :
Fronton
* Historiographie :
Florus
* Récit de voyage :
Juba II
* Tragédie :
de Cyrène
Dracontius / Callimaque
* Poésie courtisane :
Luxorius
Et j’en passe et des meilleurs.
Les références ne manquent pas. De là, il y a urgence à
redécouvrir ces modèles à partir d’une vision ni orientale ni
occidentale, mais propre à l’esprit sud-méditerranéen. Avec une telle
redécouverte, il y aura temps à récrire les œuvres, à les adapter et à les
réapproprier par la traduction vers l’amazigh littéraire.
[24]
IV – La critique littéraire généralisante
Dans les études amazighes, le travail critique est encore à ses
débuts. La conception des corpus y prédomine. Il y a des manuels qui
s’attardent sur le théorique « occidental », et citent le corpus amazigh
mais sans oser le déconstruire de peur d’être taxés de subjectivité.
Citons, à titre d’exemple, l’essai critique Dhar Ubarran (1997) où les
deux critiques parlent de tout, sauf de l’épopée rifaine. Il y a
également d’autres textes critiques (en arabe et en français) qui portent
comme titre des sujets sur la poésie, le théâtre et le conte, les contenus
déconstruisent timidement le fait littéraire.
Qu’est-il de la critique littéraire (d’expression amazighe) ?
Presque inexistante. Y a-t-il des annotations qui accompagnent les
œuvres écrites ? Les genres sont, par conséquent, difficiles alors à
fonder ou à déterminer (fixer). Sans critique, il n’y a pas de genres,
non plus d’histoire littéraire. En outre, trois points sont à citer dans la
catégorisation faite par les articles et les manuels d’histoire littéraire
du fait amazigh :
* Héritée des militaires et des ethnographes, la démarche
descriptive (ou structuraliste) est si chère aux chercheurs de
l’amazighologie, apportant des recueils et des corpus. Elle aide à
fonder les catégories de l’oralité, parfois « précipitées » dans le cas de
la tradition écrite ;
* les références à la conception aristotélicienne sont autant
positives que négatives. Roman, poésie et théâtre sont des catégories à
revoir dans les productions amazighes puisque l’histoire nordafricaine est singulière, tout à fait différente de l’Orient et de
l’Occident. La tradition orale est à redécouvrir et à réorganiser.
* L’amazighité (par les invariables ethniques) peut constituer
un point de départ pour parler des contenus et des formes de cette
littérature.
Nous avons accompagné au sein d’une équipe de recherche les
écrivains rifains, qui ont écrit des pièces, des recueils et des romans.
Nous avons placé la ponctuation dans les textes. Nous avons corrigé la
langue dans le souci de la ramener à l’écrit, parfois aussi la forme,
d’insérer dans leurs œuvres des notes critiques et une analyse
thématique et formelle.
[25]
Les textes transcrits sont des auteurs connus au Rif : Fadma el
Ouariachi (Yesremd-ayi wawar, recueil de poèmes 1998), Ahmed
Ziani (Ighembab yarezun x wudem-nsen deg wudem n waman, recueil
de poèmes 2002) ; El Marraki Samira (Tasrit n wezru, roman, 2001),
Karim Kanouf (les recueils de poèmes Re3win n tayri (2008), Sadu
tira tira (2009) et Cahrazad (2011)) ; El Bousaklaoui (Ajdid n ucar,
2011), Aicha Kurdi (Izlan d tudart, recueil de poèmes, 2009 ; S
ivuyyan bbuyebpev 2013), Mohamed Bouzaggou (Waf, pièce de
théâtre), Elhachmi Mohamed (Martcika, nouvelles, 2012), Said
Abarnous (Taslit n wzru, pièce de théâtre, 2010), Elyandouzi
Abdelhamid (Fitu, recueil de poèmes) et Bilal Oualaasse (recueil de
poèmes à paraître, 2015)
En plus d’une transcription dotée de ponctuation, nous
ajoutons des annotations critiques afin d’aider le lecteur
amazighophone à lire. Les analyses thématique et formelle,
l’explication des néologismes sont fournis à la fin du texte transcrit en
latin et en tifinagh. Ces publications sont conçues pour les étudiants
du département Langue et Littérature françaises, notamment dans le
cours « Traduction littéraire ». A la traduction (adaptation) de la
tradition amazighe, nous avons en classé travaille sur des auteurs
anglais, espagnols, catalans, français et arabes afin de les approcher de
l’imaginaire nord-africain.
Par la suite, notre quête auprès des lecteurs a abouti aux
résultats suivants :
* les lecteurs rifains préfèrent lire en latin pas en tifinagh (les
textes sont écrits en tifinagh et en latin), et dans les éditions bilingues,
c’est la traduction française qui est choisie ;
* Ils ne consultent point l’analyse vu la difficulté du jargon
critique (souvent des néologismes) ;
* Aucune réaction critique, à part des disqualifications (« Il
fallait... »)
Toujours est-il que les genres servent d’outils pour expliquer
et classer les œuvres littéraires. Ils sont déterminés par les variables de
l’espace et du temps qui font développer les contenus et les formes. Ils
naissent après accumulation et enrichissement par la publication
d’œuvres ayant les mêmes thèmes et formes, avec un corpus qui
s’avère ouvert. Les paramètres spécifiques à l’aire amazighe sont
[26]
difficiles à préciser vu le nombre de « langues littéraires ». Par
exemple, entre la littérature rifaine et la littérature soussie, il n’y a pas
une réception « mutuelle », il y a des barrières interlinguales. De
même, entre les Rifains et les Kabyles il y a des barrières politiques
qui s’ajoutent aux différences nées de l’incommunication. Les
barrières ont des origines historiques, approfondies par les aléas des
variables politiques, provoquant des lésions identitaires dans la
Mémoire collective.
V.- L’A VENIR DES GENRES LITTERAIRES
Notons encore qu’on ne peut pas réfléchir correctement sur les
genres littéraires en calquant les formes et les thèmes étrangers sur
l’amazighité. Pour Abdellah Bounfour, les genres de la littérature
amazighe sont : la poésie, la littérature narrative en prose (conte
merveilleux, récit hagiologique, fable, légende coranique), les formes
brèves (devinette, énigme), jeux de langage. Cela est vrai pour les
productions « orales »1 Contes, festivités théâtrales et izlan constituent
cette littérature orale.
En ce qui concerne la littérature écrite, les catégories viennent
a posteriori, et l’expérience amazighe ne peut être expliquée dans une
visée prospective. Certes, l’œuvre ne peut être étudiée sans une
corrélation solide avec le genre qui la codifie, et lui trouve une place
dans les entrées de la critique et de l’histoire littéraire... Elle est
relativement différentielle par rapport aux autres œuvres, mais
traductrice d’une mémoire et d’une tradition, Dans la littérature
existante, il y a continûment la fusion du poétique et du prosaïque
comme première étape de la littérature qui tend à s’affranchir de
l’oral.
C’est bien l’abondance récurrente d’œuvres semblables sur le
plan formel et thématique qui forge l’existence de genres dans une
littérature, instaurant une mode, puis une vision, ensuite une école,
enfin un mouvement. Cette accumulation enrichit la tradition d’un
peuple, en fait une partie de la civilisation. D’ailleurs, une publication
dans une forme précise ne peut constituer, à elle seule, un genre ou un
sous-genre, mais en être le point de départ.
1
Abdellah Bounfour, « Littérature berbère traditionnelle », op. cit.
[27]
Par de telles productions littéraires, la communauté expose, en
fin de compte, une vision homogène de la tradition.
*Le genre romanesque a une histoire, autrement dit une
généalogie. La genèse se fait comme un point de commencement à un
mode de représenter le monde dans toutes ses manifestations
(matérielles et immatérielles). Par exemple, le roman amazigh est né
avec Mouloud Mammeri, diront quelques-uns, d’autres prétendront
que c’est avec Samira El Marraki, en ce qui concerne le roman rifain...
Ce serait, par contre, naïf de situer la naissance du roman à partir
d’une production moderne, précisément du XIXe siècle ou du XXe,
alors qu’Apulée (125-180), amazigh de naissance et fier de son
identité, est le premier à écrire le roman « universel » : L’âne d’or ou
les Métamorphoses. L’Orient, l’Occident et tant d’autres parties du
monde voient en Apulée le pionnier du roman. Même les philosophes
des Lumières, si épris de l’idée de la nation française, vont se
réapproprier Apulée comme un Ancien à imiter...
Dans le domaine romanesque du corpus consulté, il y a la
prééminence de l’autobiographie ou bien du récit à la première
personne. Là, il y a identification du propre, mais surtout de cette
culture écrite « embryonnaire ». Les références au strictement
« personnel » prédominent : l’œuvre se veut nostalgique, elle
représente surtout le village agonisant, l’ethnos dans ses ébats pour la
survie, l’individu face à la négation…
* La poésie, en tant qu’espace de prédilection des Imazighen, a
la part du lion dans les publications répertoriées. Elle marque une
différence par rapport à la tradition poétique, en s’inspirant des
poésies française, arabe et autres. Elle traduit, en plus des expériences
subjectives et intimes, un art de liberté totale. Elle fait évoluer les
différents sous-genres de la poésie orale, éliminant la rime, brisant les
formes de l’izli, de tahwact ou de tamedyazt. Les strophes ne sont plus
limitées à quelques vers, les mêmes vers vont au-delà des mesures
anciennes, s’incrustant la poésie libre.
* A propos du théâtre ancien, reconnu comme folklorique, il y
a bien des études générales qui le rattachent à des rites païens. Certes,
il est de ressourcement agraire, plus précisément il accompagne les
festivités de bonne récolte ou de vœux pour une saison fertile. Les
masques persistent dans l’Achoura : des peaux d’animaux et d’écorce
de calebasses sont les vêtements rituels. Le cortège de chanteurs est
[28]
muni de tambourins, de cors et d’autres « objets » artistiques. En
général, les offrandes (gâteaux, amandes, figues sèches) sont offertes
dans la joie aux jeunes en pleine randonnée de maison en maison,
des.... Les festivités dramatiques servent à apporter la fertilité à la
terre, mais surtout la joie à la famille.
Quant au théâtre moderne, si différent du théâtre populaire,1
l’on prétend qu’il existe avec Kateb Yacine qui met sur scène
Mohamed prends ta valise (1970) en arabe dialectal et kabyle.
Ensuite, il y a l’expérience théâtrale de Muhand U Yehya qui adapte
au kabyle Beckett, Brecht, Molière et Pirandello. 2 Au Maroc,
Moumen Safi écrit Ussan semmidnin (Les jours froids) : il s’agit d’un
village qui se trouve condamné à l’obscurité et au froid, au moment où
le soleil ne se lève point... Il y a aussi sa seconde pièce Tighrit tabrat
(Lecture d’une lettre) qui raconte les désarrois et les déceptions d’une
vieille femme… Au Rif, il faut citer : Fouad Azerwal, Aghyul inu
ioizzen ; Ahmed Ziani : Nunja ; Omar Bumazugh : Rabioa, Buziyan et
le permis de séjour ; Mustapha Ayned : Taslit et Roméo…
Toutefois, Térence sera l’exemple à suivre par les dramaturges
nord-africains, et son œuvre une traduction par l’expression allogène
de tout ce qui fait une tradition propre… Reconquérir l’universel
apparaît une tâche suprême pour n’importe quelle littérature minorée,
surtout dans le but de se frayer le chemin de la « re-connaissance ».
En guise de conclusion, il est temps de refonder la tradition
littéraire amazighe en amazighophonie pour déblayer les barrières,
toutes les barrières. Ce serait simpliste, répétons-le, de rattacher la
littérature amazighe au printemps berbère, 3 au strictement local, à
1
cf. Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité
médiatique ans la production culturelle amazigh (berbère) », pp.33-57, in Afrika
Focus, vol. 18, n°1-2, 2005
2
*U Yehya, M., Llem-ik, ddu d udar-ik (adapt, de l'Exception et la règle de B.
Brecht), Tala, Paris, 1974 ;
--Aneggaru ad yerr tabburt ('Le dernier ferme la porte', adapt, de La décision de
B.Brecht), Univ. Paris VIII, GEB, Paris, 1976 ;
--Muhend u Ca'aban (adapt, de Le Ressuscité de Lu Hsun), Tiddukla, no. 6-7, 1986 :
16-17; et no. 8, 1987: 10-12 ;
--Si Lehlu (adapt, de Le médecin malgré lui de Molière), Awal, no.2, 1986: 145-156;
et no. 3, 1987: 147-190.
3
Cf. Daniella Merolla, « De la parole aux vidéos. Oralité, écriture et oralité
médiatique ans la production culturelle amazigh (berbère) », op.cit
[29]
l’ethnique ou à la littérature militante et engagée. Bien entendu, c’est
la situation politique de l’amazighité qui est derrière un tel désordre
générique. Mais une réflexion de déconstruction peut sauver la
réception de faux calculs et de préjugés… Le pouvoir ne reçoit pas la
littérature qui a alors des handicaps au niveau de la réception. Les
établissements et les institutions ne la reçoivent pas, autrement dit, elle
vit dans la marge. Utile de noter que la marge n’engendre pas les
catégories et les modèles, mais peut les susurrer dans l’intelligence.
Que faire enfin de la liberté idéologique et de la création si les genres
littéraires imposaient des recettes à suivre ? Les genres ne sont pas des
recettes pour « cuisiner » une œuvre. Nous sommes plutôt du côté de
Maurice Blanchot qui entend parler plutôt du livre « littéraire » à
venir que des genres.1
Bibliographie :
* Banhakeia, Hassan, Introduction à la littérature ancienne de
l’Afrique du Nord, 2015
--, Sur la traduction littéraire, analyse et traduction du poème
amazigh, 2015
* Bentolila, F., Proverbes berbères, Paris, L’Harmattan-Awal, 1993
* Baumgardt, Ursula & Derive, Jean, Littératures orales africaines
(Perspectives théoriques et méthodologiques), Karthala, 2008
* Bougchichel, Lamara, Langues et littératures berbères des origines
à nos jours, Ibis Press, 1997
*Bounfour, Abdellah, Introduction à la littérature berbère, 1.La
poésie, Editions Peeters, Paris/Louvain, 1999
--, Introduction à la littérature berbère, 2.Le récit hagiologique,
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[30]
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[35]
Les genres littéraires Amazighes :
Interaction entre oralité et écriture
---------------------Lhassane ANDAM
Université Ibn Zohr – Agadir, Maroc
Comme dans d’autres littératures, même celles pourvues
d’une longue tradition écrite, en amazighe, il n’est pas sans embûches
de parler de genre littéraire en se référant au cadre littéraire occidental,
et plus particulièrement français. Il est encore trop tôt pour
circonscrire des limites entre les divers genres, car les frontières ne
sont pas étanches. La terminologie créée pour identifier les genres
littéraires (ungal « roman », tullist « nouvelle » tamdyazt« poésie » et
amzgun« théâtre ») a fini par s’imposer. Mais, comme la littérature
amazighe, encore essentiellement orale, concerne un vaste territoire,
les dénominations utilisées diffèrent d’un groupe social à l’autre et ne
recouvrent que des réalités régionales. Aussi la problématique des
genres littéraires amazighes constitue-t-elle une question qui interpelle
un grand nombre de chercheurs.
Dans cette contribution qui s’inscrit dans le cadre du premier
axe du colloque « les genres littéraires et le statut de l’oralité dans les
sociétés amazighes », nous nous proposons d’abord de procéder à
quelques précisions terminologiques relatives à ces genres tout en
présentant l’état des lieux de la littérature amazighe moderne. Nous
examinerons, ensuite, à partir d’exemples, quelques-uns des rapports
qu’entretiennent les genres littéraires avec le statut de l’oralité dans la
société amazighe. Il ne s’agit, bien entendu, que d’un aperçu visant à
mettre en évidence que la littérature écrite s’inspire largement des
formes orales attestées dès les périodes anciennes dans le monde
amazighe. Nous précisons que c’est bien l’aire d’extension du dialecte
tachelhite, à savoir la région du Souss et du Haut Atlas au Maroc, qui
nous servira de référence. Nous souscrivons ainsi à l’idée suivant
laquelle il vaudrait mieux ancrer la description dans les différentes
zones amazighophones avant de procéder à une quelconque
généralisation terminologique.
[36]
1- Les genres littéraires amazighs
La littérature amazighe se présente sous deux formes : la
littérature orale1 et la littérature écrite. En étudiant ce sujet, GalandPernet (1998) se sert du syntagme nominal littératures berbères. Le
choix du pluriel ne semble pas fortuit. Il s’expliquerait par la diversité
géographique et générique. Malgré les parentés enregistrées au niveau
du patrimoine, cette littérature englobe des littératures propres aux
différentes variétés dialectales. Ainsi, la délimitation des genres
demeure une question problématique. Dans son étude, Galand-Pernet
(Ibid. : 14-15) précise « qu’une dénomination commune à une aire
étendue ne peut pas servir à désigner un genre pan-berbère […], même
si l’on peut dégager des éléments communs aux différents types ».
Comment dénommer alors des textes écrits en amazighe dont le
système « universel » des genres ne peut pas rendre compte ? Telle est
l’interrogation à laquelle Galand-Pernet s’est efforcée d’apporter des
éléments de réponse pour statuer enfin sur la difficulté de définir un
genre littéraire pan-amazighe. Mais, loin de nier l’existence des
genres, elle précise seulement que la définition des classes s’opère au
niveau régional.
En adhérant à cette thèse, nous nous proposons dans les
lignes qui suivent de nous contenter du domaine tachelhitophone pour
exposer les différentes étiquettes dont on se sert pour dénommer les
genres narratifs et poétiques traditionnels. Nous passerons également
en revue les genres littéraires modernes2.
1
Il faudrait préciser que la notion de « littérature orale » est délicate et
ambiguë.L’expression elle-même semble inappropriée puisque l’usage commun
ainsi que l’étymologie associent la littérature aux « lettres » et donc à ce qui est écrit
plutôt qu’à ce qui est dit. Nous y recourons ici d’une manière conventionnelle pour
parler de toutes les expressions structurées que sont les contes, les proverbes, les
devinettes, les comptines, les récits, etc.La littérature orale et la littérature écrite
constituent deux modes fondés sur les dichotomies suivantes : rapport
collectif/rapport
individuel,
producteur-auditeur/auteur-lecteur,
acte
de
transmission/acte de création, audition et vision/lecture, réaction immédiate/réaction
décalée, contextualisation/non contextualisation, etc.
2
Signalons que le théâtre ne sera pas abordé ici. La raison la plus simple est que la
production de textes théâtraux connaît une véritable crise dans le Souss.
UssanÃmmiÄnin« Les jours froids » (EssafiMoumen, 1983) reste la seule véritable
œuvre de référence. Le théâtre en tant que genre littéraire peut être indirectement
rattaché à des formes proches consistant en des rites religieux. La fête de l’Achoura
[37]
1.1 Les genres narratifs
Pour nommer les genres narratifs dans l’aire tachelhitophone,
on recourt à des étiquettes variées parmi lesquelles :
a. umiy (plur. umiyn), ce mot fréquemment employé renvoie au
récit imaginaire d’une manière générale, et plus
particulièrement au conte. G d kra n umiyn est la phrase qu’on
utilise pour demander à quelqu’un de raconter des histoires. Le
terme est également utilisé dans le sens de mythe. En témoigne
l’étude faite sur la mythologie amazighe réalisée par Oussous
(2008) ;
b. timiynit(plur. timiynin), étiquette fréquente dans la région de
Taroudant. Elle a le même sens qu’umiy et se présente comme
une forme simplifiée du mot timindit ;
c. timinditen usage dans le Souss et l’Anti-Atlas dérive du
masculinimindi,terme qui serait obtenu par contraction de la
forme imiyn n ndi. Le premier élément renvoie à umiyn et le
second ndi signifie « temps situé dans un passé lointain et
immémorial ». Dans la région d’Essaouira, les contes
s’ouvrent par la formule :
Umiy d umiy n aytndi
Ad avurigËbbi d aytndi
Ulanccatifiyyi n wiydi
Ikka t inn ndi …
À Tafraout, et plus précisément à Tin WaÄu, on commence
une histoire par :
Undi undi
Yattmaccut
Tukrudi
Ma traavu ?
Ma traudi ? …
d. taddmint(plur. taddminin), terme en usage chez les Ipapan. Il
dériverait du masculinddmin. Id Belkacem s’en est servi,en
se caractérise par le port de masques (peaux d’animaux). On parle d’Imocar ou de
Bu ilmawn. Les pratiques théâtrales se rencontrent aussi dans lapalqa.
[38]
1988, pour dénommer les textes de son recueil Imarayn« Les
amoureux » ;
e. lqist 1 (plur. lqsays), emprunt arabe utilisé dans le sens
d’umiy « conte » : ad awnoawdvyatlqist, tga tin yanwazzan
…« Je vais vous raconter une histoire, celle d’un enfant
… » ou encore le début de l’histoire de pmmuunamirracontée
par ËËays2 Omar Wahrouch :
A oawd a iminuyatlqistarabdrtnt
A tin pmmuunamir ad d akÆnbdrlaxbarnns…
f. tanfust (tinfas ou tinfusinau pluriel), mot emprunté au domaine
zénète dans le sens de conte. Il renvoie à un événement épique
ou inhabituel. Il commence à s’imposer dans le milieu des
jeunes écrivains. Ouhamo a publié, en 2008, le recueil Izmaz n
trgin « Temps des braises » qui se présente comme une
composition de contes et de nouvelles, tawckint n tinfas d
tallasin. Il en va de même pour AytJeddi, auteur du recueil
AÇÏÏa s iskkiln « Tissage avec l’alphabet » (2011) qui se veut
une association de nouvelles et de contes,tullisin d umiyn ;
g. tallast (plur. tallasin), terme employé pour la 1re fois par
Azaykou dans le sens de conte. Il dérive du verbe als « (ra)
conter ou redire, répéter » 3 . Ce verbe est concurrencé par
l’emprunt arabe cité dans (e) ci-dessus, à savoir oawd. Le
vocable tallast a le même sens que tullist4 (plur. tullisin). Nous
soulignons ici que, dans le milieu littéraire amazighe, allas est
le mot pris pour parler du récit et que tullist est bien l’étiquette
retenue aujourd’hui pour désigner la nouvelle en tant que
genre littéraire.
Jusqu’ici, nous avons procédé à une brève présentation des
différentes appellations utilisées dans le domaine occupé par
letachelhite pour désigner les récits traditionnels. La transmission de
1
Ce mot n’est pas sans évoquer le terme taneqqistcité dans Salhi (2012 : 102) qui,
en Ahaggar, signifie récit, fable et historiette.
2
Le terme ṛṛays désigne le poète itinérant dans le sud marocain.
3
Ce verbe a la même signification chez les kabyles. Salhi (2012 : 96-97) note que
« c’est […] dans le sens de reprendre et de répéter la tradition qu’il est utilisé (on
relève ce fait dans les expressions kabyles ad d-alesv i teqsidtou ad nales i
lpadityedran. Le sème dominant étant “ reprendre, recommencer, refaire, répéter” ».
4
Tullist est en usage à Ghadamès (Libye). Dans la littérature kabyle, ammud n
tullisin signifie « recueil de nouvelles ».
[39]
ces derniers se faisait depuis toujours de bouche à oreille. Mais, pour
les conserver et les perpétuer, on a pensé à les fixer par le biais de
l’écriture. Ainsi, la littérature traditionnelle des premiers temps
consiste en la transcription des expressions de l’oral. Nous citons à
titre d’exemples, Märchen der Schluh’ vonTazerwalt (1895) de
Stumme, Récits, contes et légendes berbères en tachelhait (1942) de
Roux, Contes berbères du Maroc1 (1949) de Laoust etContes berbères
du Grand Atlas (1985) de Leguil. Il faudrait signaler aussi un bon
nombre de contes, rites et récits divers éparpillés dans différentes
recherches parmi lesquelles Mots et choses berbères (1920) de Laoust.
La fixation des contes par l’écriture a alors commencé par un simple
de travail de transcription ou de traduction2. À ce propos,Salhi (2004)
parle de la technique dedélocalisation3.
D’autres écrivains se sont efforcés de dépasser le stade de
reproduction pure et simple. Ils ont repris les récits ancestraux en
procédant à des remaniements de diverses natures. Nous retenons ici
les textes Umiy n pmmuunamir (1991), Mmuzya (1994) et Mm
iẓula(2009) écrits par Bourass, Zahour et Abernous, respectivement.
Les contesont également fait l’objet de transpositions vers
d’autres formes littéraires écrites. Des éléments propres aux traditions
1
Ce recueil comprend également des contes du Maroc central (domaine du dialecte
tamazighte).
2
Outre la simple transcription des récits oraux amazighes, la littérature soussie s’est
enrichie par la traduction d’œuvres non amazighes, le but étant l’ouverture sur le
patrimoine culturel universel. Nous citons, entre autres, les textes traduits du russe
par Akounad, en l’occurrence Vazilissatafalkayt (1996), Tiddukla(1996),
GartaÅmatt(1998), Umiy n illis n ugllid(2005) et Timillaifrsn (2009) ainsi que les
œuvres tavlavalt n waÄan (1998) et Asaru n umiyn (2004) de Waozzi, et Illis n
waman (2007) et Imnviamggaru (2010) dues à Abenrous.
3
Selon Salhi (2004 : 103), la délocalisation est « le déplacement des textes du lieu de
l’oralité dont la rigidité formelle et la variation sont les caractéristiques les plus
importantes, et dont les performances littéraires sont conditionnées essentiellement
par la voix et les éventuels rites qui les accompagnent, à un autre lieu caractérisé par
la graphie et la fixité ». L’auteur distingue cinq types de délocalisation : a) la
délocalisation graphique qui consiste en la transcription des traditions discursives
orales ; b) la délocalisation linguistique qui porte sur la traduction de cette
production orale ; c) la délocalisation stylistique qui concerne la reprise des textes
issus du domaine de l’oralité, mais avec des remaniements profonds (style,
structures, …) ; d) la délocalisation générique qui étend la transformation des
formes traditionnelles vers des genres littéraires écrits tels la nouvelle et le roman et
e) la délocalisation architextuelle qui consiste à produire de nouveaux textes coulés
dans des moules traditionnels.
[40]
discursives orales quittent ainsi leur territoire pour s’implanter dans
les genres littéraires écrits. Dans ce qui suit, nous allons passer en
revue l’état des lieux de deux genres littéraires modernes, à savoir
tullistet ungal, dans la région qui nous sert de base. Si les écrivains
amazighes se tournent aujourd’hui vers ces nouveaux genres, c’est
qu’ils les trouvent mieux appropriés que les contes pour décrire les
mutations sociales et traduire les préoccupations actuelles des
Amazighes.
Tullist « nouvelle » se définit aujourd’hui comme un genre
qui commence,lentement mais sûrement, à prendre place dans le
champ littéraire amazighe. Après Imarayn (1988), Tivri n tbrat (1993)
et Anzlif (1998) que nous devons, respectivement, aux précurseurs Id
Belkacem, Essafi-Moumen et Achibane, la scène culturelle s’est
enrichie par un nombre assez important de recueils où il n’est plus
question exclusivement du militantisme idéologique identitaire. Les
nouvellistes abordent des questions et des thématiques relatives au
quotidien des gens. Nous présentons ci-après l’essentiel des
productions nées dans le domaine chleuh :
-
Ixfawn d isasan(Oussous, 2006) ;
Amussu n umalu (Zahour, 2008) ;
Izmaz n trgin (Ouhamo, 2008) ;
Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009) ;
Aozriy n tuÇÇumt (Lasri, 2009) ;
Tawgrat (Najib, 2009) ;
IrÇagimmim (M. Garhou, 2010) ;
IsgÅasn n tgrst (Zahour, 2010) ;
Tullisin n Tifa (Sabri, 2010) ;
UdmawnikÄËuËn (Ouhamo, 2010) ;
Tla d ayt mas (D. Garhou, 2010) ;
Aggu n tmÆtit (Arouhal, 2010) ;
AÇÏÏa s iskkiln (AytJddi, 2011) ;
Tacclli d istt mas (Mourabih, 2011) ;
Askarn n tkÃÃad (Amnnou, 2011) ;
AvrumiËÇagn (Lfqih, 2011) …
D’autres écrivains ont opté pour la production d’œuvres
romanesques. Notons que le roman, dit ungal, est un genre nouveau
dans la littérature amazighe. Son émergence est due aux profondes
mutations que connaît le Maroc du XXIe siècle, notamment le
processus de standardisation et de revitalisation de l’amazighe. La
[41]
naissance des premiers romansdans le grand Souss remonte au début
du siècle, et plus précisément à 2002 avec la parution de Imula n
tmÆtit« Ombres de mémoire » et Tawargit d imik« Un rêve et un peu
plus » produits par Aboulkacem et Akounad, respectivement. Il aura
fallu attendre plusieurs années avant que ce dernier ne publie un
second roman intitulé Ijjign n tidi « Fleurs de la sueur » (2007).
D’autres textes sont venusenrichir le champ de la littérature amazighe
dans la région tachelhitophone :
-
Ijawwan n tayri « Les siroccos de l’amour » (Lasri, 2008) ;
Azrfakucam « Droit paralysé » (Sabri, 2009) ;
IgÄaÄ n Wihran « Les oiseaux d’Oran » (Bouyaakoubi, 2010) ;
IsmÄal n tmagit « Les tombes de l’identité » (Lasri, 2012) ;
Tamurt n ilfawn « Le pays des sangliers » (Akounad, 2012).
Le nombre de productions narratives écrites reste encore limité.Mais,
on peut avancer que les nouveaux genres, tullisin et ungaln,
contribuent déjà au rayonnement de la littérature amazighe. Au niveau
thématique, les contenus convenus de la tradition sont délaissés au
profit de thèmes inspirés de la réalité sociale et politique. Le roman et
la nouvelle amazighessont les lieux où l’amour, par exemple, la
politique, la religion, l’identité, l’émigration, les tabous sont traités
avec une grande marge de liberté. Bref, ce sont des genres dont la
caractéristique principale est le réalisme.Après cet aperçu sur les
genres narratifs, nous nous tournons vers un autre genre très productif,
à savoir la poésie.
1.2 Les genres poétiques
Traiter de la poésie dans la zone tachelhitophone nous
conduit à évoquer le plus célèbre poète de la période ancienne, en
l’occurrence sidi pmmuÏÏalb, surnommé bab n umarg« le maître de la
poésie ». Le vocable amarg1 désigne la poésie orale ou plutôt la poésie
1
Le mot peut signifier également : « chagrin d’amour, regret, nostalgie, … ». Il
revient souvent dans des expressions comme yavyyiumarg n tmazirt « J’ai le mal du
pays » ou yavyyiumargnnk « Ton absence me fait souffrir = tu me manques ».
Dans la poésie des ËËways, il peut renvoyer :
(i) à l’amour, mais généralement à un amour insatisfait et douloureux ;
(ii) à un chant lyrique empli de regret et de chagrin, sentiments dus souvent à
l’éloignement de l’être aimé ou à la vie loin du pays natal. Ces poètes itinérants sont
en perpétuelle errance et souffrent de ce fait de la solitude, ce qui se traduit par la
présence d’une émotion mélancolique dans leur poésie amarg. Bref, les différents
[42]
chantée. Par extension de sens, il renvoie même à la musique où cette
poésie est chantée et dansée. À ce propos, nous ferons nôtre la thèse
soutenue par El Mountassir (2004) suivant laquelle l’opposition entre
poésie, chanson et chant n’est pas pertinente dans le domaine
amazighe. Chez nous, on dit nÄmamarg« composer de la poésie » et
non iniamarg « dire la poésie ». La poésie consiste alors en des formes
versifiées appelées nnÄm1. Elle est inséparable de la chanson et de
l’air mélodique, rrip. Il faut souligner la richesse 2 et la variété du
répertoire poétique soussi. On distingue plusieurs formes parmi
lesquelles la poésie chantée pendant les festivités liées aux danses et
aux chants d’apwac et nomméeamarg n upwac 3 , la poésie des
chanteurs itinérants appelée amarg n ËËways, le chant propre au
mariage connu sous le vocabletanggift et la poésie liée aux activités
journalières. Peuvent rentrer dans ce dernier cas tazrrart « poème
chanté par la femme au cours d’une fête d’apwac ou lors
d’occupations domestiques » et tamawact « duel poétique ».
À son tour, Amarir (2003) note la diversité des genres
poétiques dans cette région et les classe en deux types :
a. l’amarg professionnel dans le cas de lqist et taqsidt ou non
professionnel quand il s’agit de l’asallawet de tamarirt qui
comprend tamawact, tazrrart et urar ;
b. lmazviy (la poésie orale religieuse) avec ses genres
constitutifs ttawḥid, lfaṛayḍ, lmawoiḍa, ttulɣa (lmadip),
lpadiyt, etc.).
sens « poésie, chagrin d’amour, regret, nostalgie, etc. » donnés au terme amarg se
révèlent en quelque sorte liées (El Mountassir, 2004).
1
Anḍḍam est celui qui compose des poèmes. On a également amarir « poètechanteur » ; arittirir « Il chante ».
2
Stroomer (2004 : 97) parle de cet amargcomme étant l’un des trésors littéraires du
sud marocain qui « devrait être étudié méthodiquement de plusieurs points de vue :
esthétique, littéraire, politique, social, musical, etc. Les stratégies discursives (choix
lexical, archaïsmes, néologismes, syntaxe des vers, etc.) appliquées par les ËËwayset
les ËËwaysat pour construire leurs mètres sont un champ d’étude fascinant. »
3
Le diminutif féminin tapwactest un distique qui correspond à l’izli du Rif ou du
Moyen Atlas au niveau de la textualité. Mais, sur le plan de la performance vocale,
Bounfour (2008) souligne que tapwact est une production des hommes dans la
plaine du Souss tandis que dans le Haut-Atlas, elle est celle des femmes. Quant à
l’izli, il peut être produit indifféremment par les uns et les autres.
[43]
Les deux types s’opposent non sur le plan structural, mais
diachronique. Selon Bounfour (2009 : 23), « lmazviy s’est constitué
contre l’amarg et il a lutté férocement pour sa disparition comme
symbole du paganisme ». L’indice qui crédibilise cette thèse est la
distinction théologienne entre la science du ventre et la science de la
raison ».
À côté de ce répertoire poétique oral aussi bien abondant que
varié, nous avons un cumul assez important de textes poétiques
écrits.Au Maroc, il a été convenu, dans l’optique de l’unification, de
retenir la dénomination tamdyazt1, emprunt interdialectal qui renvoie
à la poésie publiée sous forme de recueils. De là, il faudrait entendre
par le syntagme nominal tamdyazttatrart la poésie écrite moderne
produite en dehors des espaces culturels traditionnels (asayspar
exemple). Ainsi, ni la poésie chantée lors de l’apwac par inḍḍamn tels
Ajmmao, Ipya, Kuku, Igasi, Ublla …, ni celle produite par les ËËways
(Bloid, Anccad, Janti, Azoriy, Albnsir, Lbaz, Tabaomrant, entre
autres) ne rentrent pas dans le cadre du genre littéraire dit
tamdyazttatrart. Soulignons que les œuvres des grands inddamn et
ËËways, ou du moins une partie de ces œuvres, ont bénéficié de la
transcription. Citons en guise d’exemples :
-
la poésie amazighe attribuée à sidi pmmuÏÏalb (Amarir, 1986) ;
ËËayslpajjMohamedAlbnsir : témoignages et poèmes choisis
(Moustaoui, 1993) ;
ËËayslpajjBloid : vie et poèmes choisis (Moustaoui, 1996) ;
lpajj Mohamed Albnsir : poèmes choisis (Asid&Moustaoui,
1999) ;
Tamgitinu : amarg n Fatima Tabaomrant (Ben Ipya, 2002) ;
Amarg. Chants et poésie amazighs (Sud-Ouest du Maroc) (El
Mountassir, 2004) ;
Urti n umarg :Ajmmao&AÇuliÄ(Asid&Moustaoui, 2006) ;
les poèmes duËËaysLhoucineLbaz (El Hanafi, 2008) ;
Imarirn (Asid, 2011).
On s’accorde pour considérer l’année 1976, date de
publication du premier recueil Iskraf « Entraves » de Moustaoui,
comme indicateur historique de la naissance de la poésie écrite
amazighe moderne. Celle-ci comprend les recueils produits par des
1
Ce mot renvoie aussi bien à la poésie qu’à l’agent féminin singulier « poétesse ». Il
est dérivé du nom d’agent masculin singulier amdyaz « poète ».
[44]
poètes imprégnés de la littérature universelle. Mais, l’ère de la poésie
amazighe moderniste est inaugurée par l’avènement des
œuvresproduites parAzaykou, en l’occurrence Timitar« Signes »
(1988) et Izmuln « Cicatrices » (1995). Le dernier quart du XXe siècle
a connu la parution d’autres travaux dont notamment :
-
TaÄÃa d imÏÏawn(Moustaoui, 1979) ;
TaslitwunÇaË(Id Belkacem, 1986);
Ifrawn (Biyzran, 1987) ;
Tabrat (Akhiyat, 1989) ;
Tayri d unkkid (Hafidi, 1996) ;
TaÄÄangiwin (Moustaoui, 1998).
Le XXIe siècle se caractérise par la prolifération d’œuvres poétiques.
Nous citons entre autres :
-
Tinitin (Ouagrar, 2004) ;
IÇuËan n tudrt (Ajgoun, 2006) ;
Ivd n itran (Aboulkacem, 2006) ;
IÆlan n mggu (Aboulkacem, 2007) ;
Tizlfin n ulili (Ajgoun, 2007) ;
Agad n tidt (Amgroud, 2008) ;
Uraw n umÏÏa(El Mennani, 2008) ;
Tagldit n tiggas (Oussous, 2009) ;
Aylal n iman (Arjdal, 2009),
Ijddign n imal (Ajgoun, 2009) ;
Wissaignwan (Alahyane, 2010) ;
Ifugga n tujjutin (Arjdal, 2010) ;
Inagan(Amgroud, 2010) …
En comparaison avec la littérature narrative, la poésie
amazighe née dans la région tachelhitophone semble enregistrer un
cumul assez important1. Les poètes innovent, non seulement par les
thématiques abordées, mais aussi par un style souple et harmonieux
ainsi que par le travail sur la langue. Mais, signalons-le
immédiatement, ce n’est pas ce volet touchant aux nouveautésde la
littérature amazighe qui va nous préoccuper. Notre souci majeur est de
déceler l’empreinte de l’oralité dans les œuvres écrites. L’apparition
1
Pour plus d’informations bibliographiques relatives à la production littéraire
amazighe contemporaine au Maroc, nous renvoyons le lecteur à Afakir&Mounadi
(2012).
[45]
des traces traditionnelles dans la production écrite contemporaine
prouve que la mémoire s’attache encore aux contes, aux mythes, aux
croyances, bref au patrimoine ancestral dans lequel on veut voir
l’expression des spécificités linguistiques et culturelles.
2 – Echos de l’oralité dans les productions littéraires
amazighes du Souss
L’apparition de données propres aux récits traditionnels dans
la production littéraire écrite contemporaine témoigne du grand attrait
que ceux-ci exercent encore sur les écrivains amazighs. Ces derniers
puisent dans ce legs ancien divers éléments qu’ils introduisent dans
leurs écrits, lesquels éléments sont, tantôt, reproduits tels quels, tantôt
ils obéissent à des transformations diverses. Les contes, les croyances
et les mythes semblent fonctionner comme des éléments fondateurs de
la littérature amazighe. Le phénomène du renouvellement de la
production littéraire traditionnelle transparaît dans beaucoup d’écrits
et sous différentes formes littéraires d’aujourd’hui. Ce qui retiendra
surtout notre attention, c’est le repérage de certaines traces de l’oralité
dans quelques textes littéraires modernes produits dans l’aire
tachelhitophone.
Il faudrait, cependant, noter que les écrivains ne sont pas les
seuls à s’intéresser au patrimoine ancestral. Dans le cadre même de
l’oral, les poètes itinérants (ËËways) y glanent ce dont ils ont besoin.
La figure de pmmuunamir, par exemple, est présente dans un bon
nombre de chansons. Le poète/compositeur et chanteur Omar
Wahrouch a consacré à ce mythe toute une chanson qu’il a intitulée
lqist n pmmuunamir« L’histoire de pmmuunamir ». Bien que le récit
ait de tout temps été oral, l’auteur propose une version de l’histoire
qu’il tient pour vraie parce qu’elle provient, selon lui, des livres. Il
cherche ainsi à conférer à sa parole une dimension autoritaire
indubitable :
A oawd a imi nu yatlqistarabdrtnt
A tin pmmuunamir ad d akÆnbdrlaxbarnns
A vayda s nnanlkutub, mskin, ijËa as …
pmmuunamir est l’image archétypique de la poésie amoureuse chez
les ËËawys. Autrement dit, la figure de ce héros mythique est celle qui
a le plus marqué cette poésie. Selon Nerci (2009 : 184), « les images,
[46]
les métaphores employées dans la poésie amoureuse traditionnelle
amazighe proviennent du récit d’Ounamir sans y faire une référence
explicite. La poésie amazighe a transformé le mythe d’Ounamir en un
langage symbolique riche d’échos mythiques ».
Condamné à errer perpétuellement, le ËËays s’identifie à
pmmuunamir. Tel est le cas de Bu Izmawn qui relate, dans son poème
intitulé Bismllah, une expérience similaire à celle du personnage
légendaire. Il commence par évoquer la scène du henné qui incite
l’amoureux à partir à la recherche de la bien-aimée, tanirt. Celle-ci est
suggérée par le nom inirn, pluriel du mot anir« ange ». La rencontre
de pmmu avec l’aigle à qui il a été contraint de donner des parties de
sa chair est traduite implicitement par la scène où Bu Izmawn
rencontre un autre poète à qui il sollicite de l’assister en échange de sa
main, de son pied et de son cœur. Enfin, l’image de la mère est
également présente dans le poème :
Wannairanlpnna ad t ivmmrbasrsn
Ad as iskrccuËuÄad t urijlu lapt
…
Salam davuoalikum a jjlb n inirn
A tillibÄaninazzar d lucam gr walln
UkinivyusiyanlbaËuÄarÅmmrn
Ukin is rad afinyanutbirijlaasn
Man adrarurnkkinstaraiÇavaËn
SsrmivkulluÏÏlbanssrmiiÅrramn
…
Mnaggarvyanccaoirigabab n umarg
…
Sawlv s lxlqllinkki is as d nniv
Lpubb ad avimlkntasapËgnulinu
Yan utbiribbifllalaxbarnnsn
Ur nssin is usulnv d is igÅzikaln
Ivasntlitasafarbbivak d ulinu
Bbivak d afusnvulaaÄaËnvnhduak t
…
App a tasa n kratusiyyitawdannun
Ariggi n ujarf ad d akÆaÆiv ad ngaman
…
Kkivlbpurstaravignwan d ikaln
A immiinu a immiinujlivam …
[47]
Un autre exemple de cet attachement à cet héritage
traditionnel consiste en l’évocation de sidi pmmuconsidéré comme le
maître de la poésie. La tradition lui attribue beaucoup de poèmes qu’il
a pu composer au cours de ses pérégrinations. Ses trésors sont toujours
vivants et continuent à être récités, surtout par les ËËways. Nombreux
sont ceux qui seréfèrenttoujours à lui.Les vers suivants tirés de la
chanson intitulée BusalmdeHmadAmntag mettent en valeur l’effet
magique des paroles de ce poète de la période ancienne :
Allah irpm k a sidipmmubab n umarg
Arukansulissallawawalnnsnbnadm
À son tour, latroupe Arcaca produitpmmuunamir, une chanson qui
regorge de sagesses :
Irpm k a sidipmmuÏÏalbinnaigllin
Illauzmz v yakkayanillauzmz viqqay
Illauzmz vyufumddaÆln ËËbiÅmatun
…
Irpm k a sidipmmubab n umargnnan
LarzaqinuganibukaÄnurargmmrn
Larzaqinuakal ad myarnimmaignwan
Ivnngisllan a ËËbizzugztn d s akal …
Nous retenons aussiturtit n sidi pmmu, l’intitulé d’une chanson du
ËËaysLbaz. Le poète assimile métaphoriquement les chants
desidipmmu à un champ ou plutôt à un verger où se retrouvent toutes
sortes de fleurs et de richesses. Il n’est donc pas étonnant de voir nos
ËËways y puiser sans cesse.
Turtit n sidi pmmu ma gis illan d ujddig
Ha winlwËÄ ha winlvnbazkulluyujad
À ce niveau, nous voudrions préciser que les trésors de
l’oralité, à savoir les mythes, les contes, la poésie orale, les proverbes
et les dictons, existent dans la mémoire du groupe tachelhite. Souvent
évoquées par bribes dans la communication quotidienne et dans les
joutes oratoires des poètes, ces références incontournables forment le
socle de l’identité culturelle amazighe. Cependant, ces richesses ne
sont pas exclusives au domaine de l’oral, elles sont également
convoquées dans les textes littéraires.
Dans les œuvres produites par des Amazighes, mais dans
d’autres langues, les références au fonds mythologique ne manquent
[48]
pas. Nous nous contentons ici de l’écrivain Khair-Eddine. Ses textes
sont traversés, en filigrane, par des données et pratiques ancestrales, et
d’éléments mythologiques typiquement amazighes. Pour ne nous en
tenir qu’à ces derniers, nous soulignons que l’auteur se réapproprie
par l'écriture des formes de ce matériauconstitué par la culture
populaire orale. Mais, la stratégiescripturale adoptée ne restitue pas
l'oralité telle quelle, elle en fait une transformation. Il s’agit en
quelque sorte d’un détournement par l’écrit des formes héritées de la
culture populaire donnant naissance à leur réactualisation tout en
garantissant leur transmission et leur perpétuation. Khair-Eddine a
exploité les légendes amazighes taÅmart n iÃmÄal et pmmuunamir.
La version « khair-eddinienne » du conte traditionnel pmmuunamirqui
revient dans nombre de ses textes : Corps négatif (1968 : 6), le
Déterreur (1973 : 33-35) et Légende et vie d’Agounchich (1984 : 78)
est souvent associée à la récurrence du thème de l’errance et de la
figure de l’exil.
Pour Khair-Eddine, écrire, c'est également
réactualiser des modèles ancestraux qui dialoguent avec le présent.
Voyage, déplacement et errance renvoient à l’identité, à la quête et à
l’accomplissement de soi. Ce qu’il faut noter à ce niveau, c’est que les
contes et les mythes constituent un monument littéraire oral dont la
littérature maghrébine d’expression française, de manière générale et
les récits de Khair-Eddine en particulier se sont largement inspirés.
Les œuvres écrites et orales connaissent ainsi des rencontres et des
interférences qui tissent entre elles des rapports solides.
Après ce petit détour consacré à l’exploitation des formes
littéraires orales dans le cadre même de l’oralité et dans les textes
littéraires de Khair-Eddine, nous voilà mené vers l’espace de la
littérature soussie produite en amazighe, vers le repérage de quelques
empreintes de l’oralité dans les productions littéraires modernes. Les
textes écrits et les œuvres d’expression orale, même s’ils ont des traits
spécifiques qu’il faut dégager, sont bien moins éloignés les uns des
autres. Afin de mettre en évidence les rapports oralité- écriture, nous
recourons encore à la notion de délocalisation déjà évoquée.
Le rapport oralité/écriture peut se lire au niveau de
l’architecture textuelle propre au conte. On emprunte non le contenu
du texte oral, mais ce que Salhi (2004 : 104) nomme architexte. C’est
le cas de la nouvelle iɣṛm n tusut (Oussous, 2009a : 43-46) où les
formules initiale (i) et finale (ii) du conte sont maintenues dans le
texte cible :
[49]
(i) « Umiy d umiy n aytndi
Ad avurigËbbi d aytndi
Ulanccatifiyyi n wiydi
Ikka t inn ndi…»
(…)
(ii) « lkmvtagara n umiy, ur d tagara n ussaninu. Ivrmannav t inn
flvur t id iwiv, lliv d urriv, artn inn kkatv i iÇËan, aryi d kkatn
s wudi d tammntalliv d lkmv. »
Entre ces deux formules, l’histoire racontée est différente de celle
relatée dans le récit oral. Ainsi, la délocalisation architextuelle permet
de placer un contenu nouveau dans un vieux moule.
La formule d’ouverture des contes amazighes est convoquée
également dans les textes poétiques. Oussous (2009b : 91) emprunte
au conte la formule que nous avons présentée auparavant (cf. 1.1).
Nous la reprenons ici pour commodité.
Umiy d umiy n aytnddi
Yattmaccuttukrudi
Ma mi traavu
Ma mi traudi …
Le lien entre les productions écrites et les traditions orales
s’observe aussi au niveau de la technique narrative utilisée. Certaines
nouvelles revêtent l’aspect de contes connus dans la région du Souss.
C’est le cas de la troisième nouvelle ddmin n tihiya d bumlik du
recueil Imaryan(Id Belkecmn 1988).Mais, il faut souligner que
l’auteur ne se contente pas de la transposition pure et simple du texte
oral à l’écrit, en ce sens qu’il procède à un travail sur la langue et le
style. Il est question dans ce cas de la délocalisation stylistique. Il en
va de même pour les textes sidi bu ugrtil et jmioa d ultmastanafalt tirés
du recueil Izmaz n trgin (Ouhamo, 2008). La deuxième nouvelle du
recueil Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009a) intituléead lahv n’est pas
sans évoquer omtitikrkas, un conte connu dans l’espace
tachelhitophone. Au niveau de la structure narrative, l’auteur a
confectionné son texte par l’adoption de procédés et modèles narratifs
propres aux contes fantastiques connus dans la région sous
l’appellation tikrkasbbrksninmmrksnin. Cescontes se caractérisent
essentiellement par la violation et la remise en question des normes
logiques et habituelles.Il est également important de signaler, ou
plutôt de rappeler, des cas où le conte et la nouvelle cohabitent comme
dans tawckint n tinfas d tallasin n tmazivt dans Izmaz n
[50]
trgin(Ouhamo, 2008) et tullisin d umiyyn dans AÇÏÏa s iskkiln
(AytJddi, 2011).
La délocalisation générique est une autre stratégie qui permet
au patrimoine oral d’être présent dans la littérature moderne. Certains
écrivains transposent des contes en nouvelles. Mais, tout en
conservant la thématique de l’histoire source, ils tâchent de faire en
sorte que le nouveau texte témoigne du vécu. À ce propos, nous
admettons avec Oussous (a-àparaître) que la conversion des contes en
récits écrits constitue un acte intentionnel visant la conservation du
patrimoine et l’enracinement du nouveau genre dans l’espace culturel
amazighe. Ainsi se maintiendraient des passerelles entre les récits
oraux et les textes réécrits.
Les textes littéraires amazighes dialoguent également avec les
œuvres orales par laréférence au fonds mythologique 1 ancestral.
Tamvra n wuccn est la cinquième nouvelle du recueil Imarayn (Id
Belkacem, 1988). Ce titre est emprunté à la mythologie
amazighe2.L’auteur a fait appel à ce mythe pour mettre en évidence
les désillusions et les déceptions sociales à travers l’histoire d’un
jeune homme qui quitte son village natal pour poursuivre ses études à
Casablanca. Il y devient un vrai militant. Après avoir trouvé un
emploi, il décide d’oublier les protestations. Malheureusement, il ne
tardera pas à être arrêté injustement le jour de son mariage qui
coïncide avec le phénomène de tamvra n wuccnet condamné à onze
ans de prison pour replonger dans la misère. Un autre exemple nous
est fourni par la nouvelle awÃaÄ 3 asggan« Le serpent noir »,tirée du
recueil Anzlif (Achibane, 1998).L’auteur a fait appel à ce serpent
mythique pour parler de la route goudronnée qui, parvenue au village
en question, a entraîné des mutations sociales profondes et des
bouleversements catastrophiques qui ont affecté les traditions et les
valeurs ancestrales des habitants.
1
Les données relatives à la mythologie amazighe sont recueillies dans les travaux de
l’expert en la matière, à savoir Mohamed Oussous (Oussous, 2008 ; Oussous, à
paraître).
2
Tamvra n wucn renvoie au phénomène météorologique caractérisé par la pluie au
cours d’une journée ensoleillée. Le mythe raconte qu’un chacal s’est marié avec une
ânesse sans respecter les normes sociales. Cette union contre nature ou plutôt cette
mésalliance a bouleversé l’organisation sociale, ce qui s’est traduit par le
déséquilibre des phénomènes naturels (pluie, soleil et arc-en-ciel).
3
AwÃaÄ est un serpent mythique qui lâche des feux dévastateurs.
[51]
Dans le même cadre, à savoir le « dialogisme » entre les
productions littéraires et les systèmes de l’oralité, nous retenons le
titre du recueil Aytiqqjdr d uxsay (Oussous, 2009a) où l’on trouve des
échos du conte très connu dans le Souss, en l’occurrence FaÄma d
Mupmmad , deux petits enfants abandonnés par leur père à la forêt.
Après avoir accroché à un arbre une citrouille creuse renfermant un
lézard mort, il leur précise qu’il reviendra au moment où le lézard
bougera à l’intérieur de la citrouille. Quand celle-ci se meut sous
l’effet du vent, les enfants croient que leur père ne tardera pas à venir
les chercher. Ils continuent à l’attendre, mais en vain. Oussous critique
les Aytiqqjdr d uxsay, c’est-à-dire les gens dont le grand défaut est la
passivité, ceux qui se nourrissent d’illusions et se soumettent au destin
sans jamais agir.
Les traces de l’oralité s’observent aussi dans les renvois aux
héros légendaires. C’est le cas de pmmuunamir et tanirt dans le texte
intitulé tanirt, dixième nouvelledu recueil Aytiqqjdr d uxsay. Il y est
questionde l’histoire du jeune Idir qui a perdu sa bien-aimée et refuse
d’admettre sa mort. Il la voit et la suit partout. Sous cet angle, son
histoire ressemble à celle de pmmuunamir et de tanirt :
« igaamdyazmqqurn n usays, ininwilli t issnn, tanqqist n tayrinns d
tmayurtissn tt umÇyanulaamqqran g aytubaha, tayri n umiyn, tin
unamir i tanirtnns » (Oussous, 2009a : 20). Nous relevons dans le
texte trois vers qui sont attribués à Idir et par lesquels il s’adresse à sa
bien-aimée :
A tanirtinu, mqqartiwntarwissaignwan
Ra n munv d waÄuyasi yi nn f ufflaijawwan
Gvamnay n tagut, arlssavizlanuÇawan(Oussous, op.cit.: 22)
Le personnage de pmmuunamir est également évoqué dans le premier
texte intitulé anu : « yanwazzanimyarntidgÅatinartidgÅatin ad as
ittals i umiyn n pmmuunamir d nudja, ad t innsulyuÄnn »
(Oussous,op.cit.: 3).
Les traces de l’oralité ne concernent pas seulement les textes
narratifs. La nouvelle poésie amazighe du Souss s’inspire largement
de la littérature traditionnelle. Les poètes reprennent des fragments de
l’oralité qu’ils adaptent à leur propre matière. L’histoire bien connue
de pmmuunamir, évoquée à plusieurs occasions, a été reprise par de
nombreux poètes. Azaykou a choisi pour titre du neuvième poème de
son recueil Izmuln « Cicatrices » (1995 : 38-42) le nom de ce héros
[52]
mythique qu’il reprend avec une interprétation nouvelle. Il y introduit
le système d’écriture amazighe,tifinaghe, probablement suggéré par le
henné sur les mains de pmmuunamir. Après une évocation poétique de
certains faits du conte, la ruse du fqih est démasquée. Pour le poète, ce
qui dérange le ÏÏalb(fqih),ce n’est pas le henné sur les mains de notre
héros, mais le fait que celui-ci découvre les jalons de son identité et le
chemin qui y mène. C’est pourquoi il fera tout pour l’égarer :
pmmumaxx ad urtajjim
lpnna v ufus ?
tajjimitbirn n ljnt
ivrminayyln(p. 39)
(….)
Ur nkkiignwannäë d
Nvrs i wakal
vmklliskrnidammnnnk
A pmmuunamir(p. 40)
(…..)
TÆlaaktifinav
urtssnt ad tasit
tabratnns
ṭṭalbyugiadtkktavaras
ntfinav, urigi wins
iv t tvit, immut
isvalakmadurigi
jlunakavaras… (p. 41)
Azaykou n’est pas le seul à puiser dans le fonds
mythologique pour alimenter ses textes. Le mythe de pmmuunamir a
été repris par Lasri dans Tillila…Ounamir (1994 : 67) et par
Habounne dans Nkin d Ounamir (1994 : 75). En renforçant les idées
de l’égarement individuel et de la recherche de l’amour, ces poètes ont
introduit de nouveaux thèmes, en l’occurrence la liberté, l’identité,
l’attachement à la terre et la quête des racines.
C’est avec l’évocation des racines que nous terminons cette
section consacrée aux traces de l’oralité dans les textes littéraires
amazighes modernes. À notre sens, l’attachement aux racines semble
être l’une des raisons qui incitent les écrivains à actualiser
l’imaginaire collectif enfoui dans la mémoire.
[53]
En guise de conclusion, cette contribution nous a permis de
traiter de quelques-uns des rapports qu’entretiennent les genres
littéraires amazighes avec l’oralité. Après quelques précisions
relatives aux appellations utilisées dans l’espace tachelhitophone pour
dénommer les genres littéraires traditionnels, nous avons mis en
évidence le renouveau de la littérature avec l’introduction de genres
nouveaux, notamment tullist, ungal et tamdyazttatrart. Les nouvelles
œuvres portent dans leur majorité l’empreinte de l’oralité. Les
écrivains s’inspirent largement de la littérature traditionnelle en
reprenant des pans entiers de l’oralité qu’ils adaptent à leur propre
matière. Les contes, les mythes, les proverbes, etc. quittent leur
terraind’origine pour être réactualisés dans le champ de la littérature
écrite moderne qui est en train de se développer. Mais, nous pensons
que le développement de cette littérature exige en parallèle celui de la
critique littéraire et de la recherche académique. Il est également
important que les chercheurs s’ouvrent sur les travaux réalisés dans les
différentes zones amazighophones. Établir des canaux de
communication serait d’un grand apport pour l’amazighe littéraire.
C’est bien le rôle que peuvent jouer les rencontres scientifiques
comme ce colloque international dédié à la question délicate des
genres littéraires amazighes.
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---------------------Rabah TABTI
Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou
Introduction
De nombreux chercheurs s’intéressent davantage aux
traditions orales (collectes et études des matériaux tels que les contes,
les proverbes et les devinettes). Ces chercheurs dits « oralistes »1 n’ont
cessé d’activer en faveur de la littérature orale. Grace à leurs travaux,
ils ont pu démontrer la préexistence de cette dernière par rapport à la
littérature écrite. Ils ont établi avec force d’arguments que la première
sert nécessairement de fondement à la seconde2. Ce que Valéry traduit
en ces termes : « longtemps la voix humaine fut base et condition de la
littérature. C’est la présence de la voix qui explique la littérature
première ». 3 L’oralité puise son existence de la tradition, elle-même
vivante, mouvante, changeante, évolutive et progressive. Elle a pour
moteur fondamental la mémoire collective. Dans ce qui suit, nous
allons tenter d’aborder un pan de cette oralité, et nous allons nous
intéresser aux devinettes Kabyles comme patrimoine oral et genre
littéraire.
En effet, en sus d’élever leurs enfants, entreprendre la famille,
faire manger le bétail, s’occuper du labeur des champs, organiser la
vie villageoise et organiser les affaires de TajemaƐt, les Berbères en
général savaient s’amuser.4Parmi leur passe-temps favori raconter des
histoires, des contes, réciter des poésies, dire des proverbes et jouer
aux énigmes ou aux devinettes. Si pour certains ce n’est qu’un passetemps anodin, pour la culture Berbère, ce loisir représente l’école de la
vie et la pratique du terrain. Tout comme il constitue pour les gens
avertis un immense terreau littéraire oral. « Les berbères connaissent
un si grand nombre de contes que si l’on prenait la peine de tous les
mettre par écrit, on réaliserait des centaines de volumes » disait Ibn
1
Jourdain-Innocent Noah, De la littérature orale négro-africaine et de ses chances
de survie, Etudes littéraires, vol. 7, n° 3, 1974, p. 349-367.
2
Jourdain-Innocent Noah, OP. cit. p.
3
Citation empruntée à M. Houis. Cf. Anthropologie linguistique de l’Afrique Noire.
P.U.F., 1971. P. 48.
4
Drifa KHALFA, 400 Devinettes Kabyles.
[57]
Khaldoun, historien et sociologue du XVème siècle.1 Léo Frobenius,
déclarait lui aussi, « ne point connaître de littérature orale plus fertile
en richesses inattendues et surprenantes que celle des Berbères ».2
De prime abord, nous allons exposer la ou les définitions
relatives à la devinette, les différentes appellations données en Kabylie
et dans le reste du monde berbère, tout comme nous n’oublierons pas
de mentionner ses conditions ainsi que les éléments qui la compose.
Comme deuxième étape, nous allons tenter de traiter la
devinette Kabyle en tant que genre littéraire oral.
Enfin, nous terminerons notre exposé en avançant quelques
causes de son inexorable déclin et quelques propositions
d’exploitation des devinettes Kabyles en classe de berbère afin de les
sauver de l’oubli.
En résumé, notre défi sera d’essayer de répondre aux questions
suivantes :
1/ Qu’est-ce que la devinette ?
2/ Quelles sont ses autres appellations en Kabylie et dans le
reste du monde Berbère ?
3/ Quelles sont les conditions de la devinette Kabyle ?
4/ Pourquoi et comment est-elle considérée comme genre
littéraire oral ?
5/ Pourquoi le sentiment de déperdition (Les causes du
déclin) ?
Mots clés : Devinette, énigme, oralité, culture, Kabylie,
définition, appellation, genre, littérature, rythme, rime, mélodie et
pédagogie.
1- Qu’est-ce que la devinette ?
1
2
Slane : Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, Alger 1852.
L. Fobenius, Les contes Kabyles, T1, Edisud 1995.
[58]
« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa
pensée ». Cette boutade attribuée à Talleyrand, qui n’a fait que la
reprendre sur Molière et Voltaire, pour ne citer qu’eux, s’applique si
bien à la devinette qu’il semble opportun de la placer ici en épigraphe.
Si l’énigme en kabyle s’appelle timsaεraqt, c’est parce qu’elle
égare : le verbe dont elle dérive, eεreq, signifie, en effet, ‘’être égaré,
dérouté, détourné, fourvoyé’’, la forme en –s étant la forme active et
factitive du verbe ‘’ égarer, faire égarer...’’ C’est la même
signification qu’en français où le jeu de l’énigme est appelé aussi
devinette.
L’énigme, dit Le Robert, est :
‘’(Une) chose à deviner d’après une définition ou une
description faite à dessein en termes obscurs, ambigus’’ et, au sens
général ‘’ce qu’il est difficile d’expliquer, de connaître’’1
Quant au Gradus, dictionnaire des termes littéraires, il
envisage l’énigme sous plusieurs angles : celui de l’allégorie et de
l’oracle (il cite les pythies), celui du roman policier, celui du jeu de
société sous la forme de la devinette : bien que chacun de ces types
présente des particularités, ils sont tous placés sous le signe de
l’obscurité ou pour reprendre l’expression de Quintilien de
‘’l’allégorie obscure’’.2
L’opacité fondamentale de l’énigme a déjà été mise en
exergue par Aristote qui la définit ainsi :
‘’Le principe de l’énigme, c’est de dire des choses réelles, par
des associations impossibles’’3
Aristote cite à l’appui de sa définition la fameuse énigme des
ventouses :
‘’J’ai vu un homme couler du bronze sur un homme avec du fer’’.
Il faut exclure l’idée qu’il ne s’agit ni d’un mensonge (parce
que le mensonge est un discours contraire à la vérité) ni d’un fait réel,
1
Dictionnaire Le Robert, Edition 2004, p. 891
B. Dupriez, Gradus, dictionnaire des procédés littéraires, Paris, éd. 10/18, 1977,
p.177
3
Poétique , Revue de théorie et d’analyse littéraire, N° 45, éd du Seuil, Paris 1981,
p.36.
2
[59]
comme une scène au cours de laquelle on torture un homme, en lui
collant sur le corps du bronze avec du fer fondu, ni encore d’un rêve,
le rêve autorisant les faits les plus extravagants. La signification de
l’énigme ne se trouve pas dans sa littéralité mais dans son dispositif
rhétorique. C’est ainsi que dans l’énigme des ventouses couler du
bronze sur un homme, en utilisant du fer signifie poser des ventouses,
c'est-à-dire des objets en forme de verre ou de cloche dans lesquels on
fait le vide, en allumant du feu, et qu’on pose sur le corps pour
provoquer une révulsion qui détend les muscles froissés. Si
aujourd’hui les ventouses sont en verre, elles étaient, autrefois, en fer.
L’énigme est souvent assimilée à un jeu :
‘’L’énigme n’est guère autre chose qu’une devinette.
Contrairement au logographe, à la charade et au rébus où l’esprit est
soutenu et guidé par des définitions, l’énigme doit être trouvée en
partant d’un texte aussi obscure et inattendu que possible dont elle est
le sujet principal.’’1
L’énigme est un jeu mais c’est avant tout un jeu de langue ou,
mieux, un exercice de langue opérant à la fois sur les différents
registres de la langue (phonétique, syntaxique, lexical, sémantique) et
de la connaissance (Contexte et situation) (Connaissance du monde
physique qui nous entoure, des objets usuels utilisés quotidiennement,
des savoirs : rites, traditions, us, habitudes et coutumes). Elle joue sur
les signes et les symboles et révèle les ressources insoupçonnables de
la langue pour décrire les choses les plus simples, voire les plus
banales : aεeqqa uzemmur n’est pas seulement une olive, c’est akli
iɛelleq si tmiṫ, ‘’un esclave noir pendu par le nombril’’,
L’arbitraire des définitions n’est qu’apparent mais quand on
procède à une analyse des définitions, on découvre qu’il y a toujours
une pertinence dans la sélection des termes : on ne retient pas les
sèmes habituels qu’on utilise pour la définition des mots, mais des
caractéristiques secondaires.
Ainsi pour azemmur, “ olive ’’, ce ne sont pas les traits ‘’fruit
comestible’’ et ‘’fruit donnant de l’huile’’ qui sont retenus mais
“couleur noir’’ et “pédoncule’’, traits qui inspirent l’esclave noir et la
suspension par le nombril.
1
Cl. Aveline, le Code des jeux, cité dans le Gradus, p. 178
[60]
Parce que jeu de langue, l’énigme kabyle est aussi un genre
littéraire, voire un genre poétique : il y a d’abord les sonorités,
toujours cherchées pour créer une certaine émotion, il y a ensuite et
surtout les images, qui puisent à un fonds de représentations et de
symboles, parfois universels (les âges de l’homme, par exemple,
représentés par la bête qui marche le matin à quatre pattes, à midi à
deux et le soir à trois), souvent rattachés à la culture berbère, culture
étant prise ici au sens général
de savoirs, d’habitudes, de
comportements sociaux et religieux, de productions symboliques.
Ainsi, l’énigme suivante sur le défunt :
Yuγ luḍu, ur yeẓẓul ara,
Yelsa ur d yeğği ara,
Iṛuḥ ur d yuγal ara.
Fait allusion ici au rituel de préparation du défunt : ablutions et
costume mortuaire, taillé dans le linceul, qui est un rituel musulman.
On peut citer aussi, sur le même thème, l’énigme suivante :
Yiwen iniγem,
Yeççur takufit.
Ici, il est fait allusion à la tombe, un type de tombe particulier
au monde berbère : la bazina, une fosse recouverte d’une dalle et
surmontée d’un tumulus de terre, qui évoque justement la jarre de
terre au ventre bombé pour conserver les figues sèches.
Certaines énigmes font référence à un contexte si précis qu’il
devient difficile, même pour un berbérophone qui ne connaît pas ce
contexte, de les déchiffrer. Il s’agit des énigmes qui font référence aux
objets ou aux institutions anciennes, que les jeunes générations ne
connaissent pas ou connaissent insuffisamment.
Mais heureusement, toutes les énigmes ne sont pas aussi
impénétrables : l’obscurité n’est pas sociale ou culturelle, elle est
d’ordre linguistique et logique, même si, dans sa formulation, elle
semble défier les lois de la logique : l’olive définie comme un esclave
noir accroché par le nombril ne paraît incompréhensible que
lorsqu’on l’énonce, une fois la solution donnée, les rapprochements
paraissent évidents et surtout logiques : olive noir/ esclave noir,
nombril/pédoncule. Il suffit de connaître le code de construction des
énigmes pour pouvoir les déchiffrer, du moins tenter des solutions :
[61]
ainsi, on sait qu’un être humain (un Noir) ne représente pas forcément
un être dans la solution, ni une chose une chose : on jouera sur les
traits de sens secondaires, tels la couleur, la forme, l’usage, pour
parvenir au sens.
Nous disposons aujourd’hui de plusieurs corpus d’énigmes
berbères et même kabyles mais peu d’études ont été consacrées à ce
genre littéraire, considéré comme mineur, voire tout juste bon à
meubler les réunions amicales. En réalité, l’énigme est un mode
d’expression –peut-être le plus ancien dans les cultures humaines : il
pousse l’homme à s’interroger sur les mots et les choses, à envisager
entre eux des rapports autres que ceux qu’on emploie habituellement,
à exploiter les ressources de la langue. Ce genre peut s’avérer un
excellent outil pédagogique pour faire prendre conscience des
procédés d’expression mais aussi pour s’approprier des savoirs
traditionnels que l’on veut, dans un monde submergé par la technique,
inculquer aux jeunes générations. Dans le cadre du berbère, l’énigme
peut servir de point de départ à des exposés sur les institutions
traditionnelles, la famille, la place de la femme, le travail et les tâches
quotidiennes, le calendrier agraire, les conceptions sociales, morales et
religieuses. Il ne s’agit pas de rejeter les savoirs modernes pour
glorifier ces savoirs traditionnels mais
de
transmettre les
expériences et les connaissances du passé, qui constituent ce
patrimoine immatériel dont on parle tant depuis quelques années et qui
constitue notre héritage culturel.
2 - Quelles sont ses autres appellations en Kabylie
et dans le reste du monde Berbère ?
[62]
2.1-Dénominations
2.1.1. En Kabylie
Dans la région où nous avons relevé notre corpus, le nom le
plus répandu de l’énigme est tamsefrut, pluriel timsefra. . C’est le
terme que donne aussi Dallet, mais à la forme masculine : amsefru,
pluriel imsefra1. Le mot est rattaché au verbe efru qui signifie ‘’être
réglé, terminé, résolu. Régler, terminer, résoudre’’, il a pour dérivés
des verbes comme ssefru ‘’exprimer, démêler, spécifier’’, myefru
‘’s’arranger, conclure, terminer réciproquement une affaire’’, msefru
de même sens, des noms comme asefru ‘’couplet, poème, devinette,
énigme, explication d’un rêve’’, amsefru ‘’devinette’’ et tufrat
‘’solution, conclusion, paix’’.
Une seconde dénomination, est timsaεraqt, que nous avons
cité dans l’introduction et qui est, à notre connaissance, le plus
répandu en Kabylie. Il provient, comme nous l’avons signalé du verbe
eεreq, et signifie, ‘’être égaré, dérouté, détourné, fourvoyé’’
Une troisième dénomination est timsbibbit, pluriel
timesbibbay, d’un verbe dérivé sbibb ‘’faire porter sur le dos’’, par
référence à la punition infligée par le sphinx, le poseur d’énigme, à
celui qui ne trouve pas la solution. Par ailleurs, le mot désigne aussi
un jeu d’enfant qui consiste à se porter mutuellement sur le dos.
Dans d’autres régions, on trouve, en plus de ces noms, d’autres
dénominations :
- Tamsalt, pluriel timsalin que Dallet rattache au verbe
d’origine arabe, sal’’ demander, interroger, mettre à la question, à la
torture’’ (le dernier sens fait allusion au questionnement que le mort
subi par l’ange Azrael, la première nuit dans le tombeau). Par ailleurs,
tamsalt a aussi le sens de question, affaire, histoire. A la lumière des
données touarègues, nous pensons à une autre étymologie du mot
tamsalt (voir plus bas).
- Tamεayt, pluriel timεayin, mot auquel Dallet donne le sens
de ‘’anecdote à sens moral, proverbe, parabole’’, sens que le mot
présente dans la plupart des dialectes. Le mot a, par ailleurs un sens
figuré : affaire, grande affaire, affaire troublante etc.
1
Dictionnaire kabyle-français, p. 217
[63]
- Tamacahuţ, pl. timucuha, employé partout au sens de
‘’conte, fable, histoire en général’’.
- Tahağit, pluriel tiḥağiyin, berbérisation de l’arabe dialectal
mḥağya, au sens de ‘’conte’’ et, à Alger, d’énigme. Ce mot est le
pendant exact de tamacahuţ, dont il partage les significations. Il se
retrouve ainsi que nous le verrons plus bas, dans d’autres dialectes
berbères.
2.1.2. Dans d’autres régions berbérophones
Les dénominations recensées plus haut ne se retrouvent pas
dans les autres dialectes berbères, à l’exception du terme taḥağit,
marginal en kabyle, mais répandu ailleurs.
C’est, en effet, la dénomination que l’on retrouve dans les
dialectes marocains du Moyen Atlas, comme c’est le cas chez les Aït
Seghrouchen où on emploie tiḥiğa.1. Ce mot se retrouve chez les
Chaouias de l’Aurès, sous la forme mḥağia, tamḥağit et au Mzab sous
celle de amḥağa.
Les Rifains font usage d’une dénomination berbère, tinfas,
pluriel de tanfust. Ce mot, rapporté à la racine NFS, est attesté dans
plusieurs dialectes, avec des sens plus ou moins proches :
- Tanfust, pl. tynfas
‘’histoire, légende, récit’’ sennefs
‘’raconter des histoires, faire des récits’’ (Touareg Iwlamedden et
Ayr).
- Tanfust, pluriel tinfusin ‘’conte, légende, fable’’ (Ouargla,
Mzab).
- Tanfust, pluriel tinfusin ‘’conte, histoire’’ (Rifain).
- Tanfust, pluriel tinfas, tanfusin ‘’histoire’’ (Chaouia)2.
L’emploi de tanfust pour l’énigme éclaire celui de taḥağit : les
deux termes ont le sens premier de ‘’conte, légende’’ et c’est par
extension de sens qu’ils sont employés pour l’énigme, qui comporte
aussi une forme de narration. Le terme tanfust étant tombé en
1
A. Ardouz et F. Bentolila, Devinettes des Aït Seghrouchen d’Oum Jeniba (Maroc),
in Devinettes berbères, sous la direction de F. Bentolila,, CILF, 1986, p. 76.
2
M.A Haddadou, le vocabulaire berbère commun, thèse de doctorat d’Etat de
linguistique, 2003, glossaire des racines berbères communes, p. 145
[64]
désuétude, il a été remplacé par l’emprunt qui présente le plus
d’analogie avec lui : mḥağya de ḥaia ‘’raconter, dire un conte, faire,
dire des énigmes’’
En tachelhit, Destaing a cité bien quelques verbes signifiant
‘’deviner’’ : ferk, sellek et qaf, tous empruntés à l’arabe, et des noms
pour devin : inqqifi et agezzan, mais pas de mot pour devinette ou
énigme1 Cette absence d’un terme pour ‘’énigme’’ est confirmée par
Chadia Berkaoui, dans l’introduction à sa collecte d’énigmes du
Souss :
‘’ Le correspondant du vocable ‘’devinette’’ en tachelhit pose
un problème. Certains affirment que c’est umiyn (masculin pluriel
sans singulier), tout en précisant que ce terme est polyvalent car il
réfère à deux genres différents : la devinette et le conte. D’autres
considèrent ce terme comme spécifique au conte. Alors, la devinette,
qui n’est pas dotée d’une signification particulière, est identifiée
uniquement par la phrase introductive qui lui est spécifique, à savoir :
bbalḥ ak tt inh ur ak tt inn mmalḥ, littéralement : ‘’verbe, à toi, la, vers
là-bas, je montre’’. Le verbe bbalḥ n’existe pas en dehors de cette
phrase. Dans d’autres régions du Sous, le verbe utilisé est ggalḥ, qui a
le sens de ‘’je jure’’ dans la langue courante. Il s’agit peut-être d’une
transformation gg-bb-. Cette phrase peut être traduite ainsi : ‘’je te la
pose, je ne te la dévoile pas’’. Ainsi, cette phrase peut servir à
désigner la devinette, surtout dans le langage des enfants. On dira
alors : ackid ad ntgga umiyen ‘’viens, on va dire des contes’’, ackid ad
ntaga bbalḥ ak tt inn ‘’viens, on va dire des devinettes’’.2
2.1.3. Dans le monde touareg
Comme ailleurs, les Touaregs utilisent plusieurs termes pour
désigner l’énigme, selon les régions et les parlers (Ahaggar, Ayr, Ghat
etc.). Cependant, de la variété des dénominations, il se dégage un
terme commun à tous les dialectes touaregs : tunẓart au Hoggar,
timzuren et cimzoren au Mali et au Niger. La dénomination dérive du
verbe unẓar qui signifie ‘’poser des énigmes’’.
1
E. Destaing, Vocabulaire français-berbère, étude sur la tachelhit du Sous, Paris,
E. Leroux, 1920, p.95
2
C. Derkaoui, Devinettes du Souss (Maroc), in Devinettes berbères, Sous la
direction de Fernand BENTOLILA, CILF, Paris 1987, T2, p. 182-183.
[65]
La particularité, en touareg, c’est qu’on distingue deux formes
d’énigmes : l’énigme proprement dite et ce que l’on peut proposer
d’appeler devinette.
Les deux genres sont distingués par la
terminologie mais aussi par la forme et la finalité. Chez les
Iwlamedden du Niger, par exemple, on a :
Iggi, pluriel iggiten, énigme proprement dite, du verbe aggu
‘’voir, apercevoir d’une position élevée’’, l’énigme se définissant par
ce que l’on cherche à distinguer d’autres choses, d’autres propos,
c'est-à-dire un sens à découvrir. On annonce son intention de poser
une énigme par une formule spéciale : iggiten ! ‘’Ce sont des
énigmes !’’. Ou iggiten γas ! ‘’Ce ne sont que des énigmes !’’.
- Maslo, pluriel masloten, du verbe esel ‘’entendre’’, et, par
extension de sens ‘’dire, apprendre des nouvelles’’’’, la devinette se
définissant par ce qui est seulement donné à entendre.
La différence
entre les deux types d’énigmes
immédiatement perceptible à leur structure :
est
- La devinette comprend deux énoncés, l’un constituant une
question (bien qu’au plan grammatical on ne pose pas
d’interrogation), l’autre constituant une réponse à cette question. La
formule d’introduction des devinettes est meslan meslan ‘’écoutez,
écoutez’’.
- L’énigme, elle, comporte généralement plusieurs séquences,
et elle est toujours dite dans un langage hermétique qu’il est demandé
de décoder pour connaître la réponse.1
On ne peut s’empêcher, au plan terminologique, de faire un
rapprochement entre le touareg meslo et le kabyle tamsalt : ce
dernier pourrait se rattacher non pas à l’arabe sal ‘’interroger’’,
comme supposé par Dallet mais au verbe berbère sel ‘’entendre’’.
Certes, la devinette ou l’énigme est d’abord une question qu’on pose
mais aussi quelque chose que l’on donne à entendre.
1
Sur ces distinctions, voir J. Drouin, Devinettes des Touaregs Iwlamedden Kel
Dinnig (Niger), in Devinettes berbères, opus cité, p. 250 et s.
[66]
3 - Quelles sont les conditions de la devinette Kabyle ?
La devinette kabyle se caractérise par trois critères essentiels :
3.1 Situation de communication :
La devinette est un jeu d’esprit qui se pratiquait jadis en
Kabylie durant les veillées villageoises, à l’occasion des fêtes et de
cérémonies de mariage (tuqna n lḥeni). Tous les convives : hommes,
femmes, adultes, vieux, jeunes et enfants y participaient. Les uns se
surpassaient en compétence pour poser des devinettes difficiles à
résoudre, d’autres se surpassaient en intelligence en proposant des
solutions et des réponses adéquates et idoines. C’est un moment
particulier de compétence intellectuelle ou chacun a soif de le
remporter sur son prochain. Généralement, la réponse à la devinette
est le fruit d’un exercice intellectuel basé sur le sens.
On peut, pour cela, partir du texte canonique de R. Jakobson,
Essais de linguistique générale, où est défini le circuit de la
communication :
‘’Un destinateur envoie un message à un destinataire. Pour être
opérant, le message requiert d’abord un contexte auquel il renvoie [...]
ensuite [...] un code commun en tout ou au moins en partie au
destinateur et au destinataire [...] enfin le message requiert un contact,
un canal physique et une connexion psychologique entre le destinateur
et le destinataire...’’
Ce circuit est ainsi schématisé :
1-contexte
1(a)-F.référentielle
2-destinateur 3- message 4-destinataire
2(a)-F.émotive 3(a)-F.poétique
4(a)-F.conative
5-contact
5(a) F-phatique
6-code
6(a) F.Métalinguistique
Chacun de ces six éléments de la communication est à
l’origine d’une fonction linguistique différente.
[67]
Le tableau des fonctions linguistiques est superposable à celui
des éléments de la communication, chacun des éléments donnés cidessus correspondant à une fonction :
La fonction référentielle, appelée également dénotative, est
supposée première parce qu’elle entre en jeu dans la plupart des
messages : elle est orientée vers le référent ou ce dont on parle : le
monde des objets, les idées, les événements, les références à l’espace
et au temps, bref les contextes extralinguistiques sans lesquels un
message émis ne serait pas compréhensible.
La fonction émotive ou expressive est centrée sur le
destinateur ou émetteur du message : elle traduit les attitudes du sujet
par rapport à ce dont il parle, ‘’colorant’’ ses propos, par une
intonation, un lexique des structures grammaticales choisies. Le
pronom ‘’je’’ apparaît fréquemment ainsi des interjections, du type
‘’oh’’, ‘’bien entendu’’ etc.
La fonction conative est tournée vers le destinataire ou
récepteur que l’on interpelle : elle se traduit, au plan linguistique par
l’emploi des pronoms de seconde personne, ‘’tu’’ ou ‘’vous’’ et le
recours à l’impératif et au vocatif. Cette fonction est également
appelée impressive parce qu’elle vise à faire impression sur le
récepteur, en exerçant des pressions sur lui (on cherche à l’influencer,
on lui donne des ordres, des conseils etc…).
La fonction phatique porte sur le contact, c’est à dire le canal
de communication, pour maintenir l’attention du récepteur, rétablir la
communication si elle est rompue, bref éviter tout ce qui peut
perturber la communication. Ce sont les expressions du type « allô »,
« dites donc », ou les interjections du type « hem, hem », destinées à
retenir l’attention.
La fonction métalinguistique est tournée vers le code, c'est-àdire la langue, en donnant la signification de mots ou d’expression qui
risquent de ne pas être compris du récepteur. C’est un discours sur le
langage.
Enfin, la fonction poétique est centrée sur le message, sa visée
étant stylistique, c'est-à-dire la manière d’exprimer ses idées, ses
impressions ou ses émotions.
[68]
3.2 Une forme particulière du discours
Si on doit ranger l’énigme dans un genre littéraire on dira
d’emblée qu’elle est un genre poétique : toutes ou presque toutes les
énigmes de notre corpus sont, en effet, rimées. Or, la rime est l’une
des caractéristiques de la poésie traditionnelle kabyle. Il faut ajouter,
cependant, que cette caractéristique n’est pas exclusive aux textes
poétiques puisque le proverbe, que l’on ne classe pas habituellement
parmi les genres poétiques, est, lui aussi, souvent rimé.
Le texte de la devinette est caractéristique et facilement
reconnaissable car il se distingue par :
- Sa forme lapidaire,
- Sa forme périphrastique (c’est toujours une définition,
donnée comme équivalent du mot à retrouver)1,
- Sa disposition en groupes rythmés et/ ou rimés,
- Sa rhétorique (emploi de métaphores).
3.3 La devinette comme référent culturel
L’énigme est intimement liée au milieu qui l’a produite
« Contexte et Situation » : la Kabylie traditionnelle. Appartenant à la
littérature orale, donc sans possibilité de repérage précis dans le
temps, elles relèvent d’une époque que l’on peut qualifier, suivant la
terminologie marxiste de ‘’préindustrielle’’, en tout cas largement
précoloniale. .Les références sont celles d’une vie économique
dominée par l’agriculture, la nature est abondamment présente, les
objets évoqués sont ceux de la vie d’autrefois, aucun objet de la vie
moderne (train, voiture etc.) n’étant cité. Il faut supposer que le fusil,
timegêelt, cité dans une énigme, est le fusil traditionnel kabyle à
pierre. On relève aussi quelques objets manufacturés, comme le
miroir et surtout les allumettes, introduites par les Européens (voir
énigmes à rubrique : objets). Voici, à partir du corpus que nous avons
recueilli, une liste des principaux thèmes.
-La nature : Sont évoqués le ciel, l’eau, les éléments naturels,
tout ce qui fait l’environnement des montagnards.
-La flore : La flore comprend quelques plantes sauvages et
1
Mohand Akli HADDADOU, Introduction à la littérature berbère, HautCommissariat à l’Amazighité 2009, p82
[69]
des plantes cultivées.
-La faune : Plusieurs devinettes ont évoqué les animaux,
domestiques et sauvages, les plus répandus en Kabylie.
-Le corps humain : Les différentes parties du corps humain
font l’objet d’énigmes.
-Objets usuels : beaucoup d’ustensiles comme la lampe, le
tamis etc… ont été traité dans des devinettes.
-Les aliments : Seuls quelques aliments sont évoqués : le pain,
le miel, l’œuf... en fait, il s’agit de produits ayant une valeur
symbolique et que l’on utilise dans des expressions figées (d aéidan
am tament ‘’doux comme le miel) ou alors dans des images (fareémellal ‘’jaune d’œuf’’, quantité de nourriture infime).
-L’habitat : La maison kabyle dans sa composante et dans ses
matériaux, fut l’objet de diverses devinettes.
-L’au-delà, la mort : L’importance accordée à la religion et
aux fins dernières, transparaît dans quelques énigmes ; Dieu est
évoqué à travers un des attributs (en arabe ûûifat) que lui accorde la
religion musulmane : l’unicité.
4 - Pourquoi et comment est-elle considérée comme
genre littéraire oral ?
Dans quel genre situer tamsalt ou timsaeraqt que nous avons
traduit en français par énigme, mais que certains appellent également
‘’devinette’’ ? 1
Les usagers de la langue reconnaissent bien un genre
‘’énigme’’, puisqu’ils le citent nommément quand ils veulent s’y
adonner : ‘’ad nini timsal, nous allons dire des énigmes’’ ou ‘’a nurar
timsal, nous allons jouer au jeu des énigmes’’. Ils le distinguent bien
du conte –tamacahup, du proverbe, lemtel, et de la poésie, isefra, mais
au plan formel, il est difficile d’établir ses frontières, puisque une
énigme peut revêtir l’allure lapidaire d’un proverbe ou la forme d’un
poème.
Si on doit ranger l’énigme dans un genre littéraire on dira
d’emblée qu’elle est un genre poétique : toutes ou presque toutes les
1
C’est le titre générique du recueil
Bentolila, Devinettes berbères,
de textes réunis sous la direction de F.
[70]
énigmes de notre corpus sont, en effet, rimées. Or, la rime est l’une
des caractéristiques de la poésie traditionnelle kabyle. Il faut ajouter,
cependant, que cette caractéristique n’est pas exclusive aux textes
poétiques puisque le proverbe, que l’on ne classe pas habituellement
parmi les genres poétiques, est, lui aussi, souvent rimé.
Ainsi, la rime émaille aussi divers discours : la harangue, le
récit religieux, jusqu’ au conte qui comporte des bouts rimés. Faut-il
comprendre que la rime est un procédé littéraire, ou, pour être plus
précis, une marque du texte littéraire ? Ici, la question reste encore et
toujours posée.
Pour Henri BASSET « […] leur répétition et leur fixité
ordinaire, […] font proprement de ces énigmes un genre littéraire et
pas seulement un passe-temps. Elles ne diffèrent pas, à ce point de
vue, des autres productions de la littérature orale; elles sont soumises
aux mêmes lois de production, de transmission et de conservation… »
On remarque ici, que BASSET a utilisé le mot « énigmes » en place et
lieu de celui « devinettes».
Cependant BENTOLILA, pense (1987 :1-2) qu’«il s’agit bel et
bien d’une forme littéraire, d’un genre poétique et non pas d’un simple
jeu d’enfants ou d’un exercice intellectuel consistant à résoudre un
problème de pure logique» ». Il s’est basé sur les éléments
intrinsèques aux devinettes à savoir la structure métrique, les rimes,
les assonances etc…(cf. II.2.2.)1
Pour D.AZDOUD et M.PEYRON, « Loin d’être un simple
passe-temps, la devinette berbère est considérée comme un genre
littéraire à part entière. C’est une forme de poésie où la rime, le
rythme, la musicalité et le caractère énigmatique aboutissent dans une
sorte d’osmose à un discours littéraire spécifique. Il se différencie des
autres genres par la structure qui le caractérise, par les conditions dans
lesquelles il naît et s’épanouit et par la fonction qu’il occupe dans la
littérature et que les usagers lui ont assignées ».2
1
Cité par Takfarinas BELLACHE dans son mémoire de Magister intitulé :
Contribution à l’étude typologique d’un corpus d’énigmes-devinettes kabyles, 2011.
P11.
2
E.B., D.Azdoud et M.Peyron, « Devinettes », Encyclopédie berbère, 15/
Daphnitae-Djado, Aix-en-Provence, Edisud, 1995, p.2283-2289.
[71]
4.1. Du rôle de la rime
La rime se définit avant tout comme un jeu d’homophonie,
c'est-à-dire de ressemblance phonique entre deux mots qui se
prononcent de la même façon mais qui ont des sens différents
(homonymie) ou de parties de mots : c’est de cette homophonie qu’il
s’agit généralement en poésie :
A yaqcic arras, a yizimer aksas,
Wi b$an taqbaylit, ad yisin tira-s.
(Chanson d’Idir).
Ou dans l’énigme :
Agertil mbla lsas,
Ur nepruz ur netnevfas,
Öebbi fell-as d aεessas.
Les mots qui riment sont, comme en poésie, les derniers mots,
les phonèmes rimant étant
a et s, la rime étant as : lssas,
nevfas, zemr-as.
Le système des rimes peut être plus élaboré, avec des rimes
intérieures qui font écho aux rimes de fin de mots. Ainsi l’énigme de
la barbe et des moustaches :
Amada$ seddaw n wed$a$,
Tizgi seddaw n yifri.
La disposition binaire que nous avons adopté pour cette
énigme est surtout dictée par le besoin de conserver à chaque vers sa
cohésion. En tenant compte de cette ‘’rime intérieure’’ on peut
proposer une disposition quaternaire :
Amada$,
Seddaw n wed$a$;
Tizgi,
Seddaw n yifri.
On n’aurait plus un système à rime unique
système à double rime : a$ et –i
[72]
-a$ mais un
4.2-Qualité des rimes dans l’énigme
Selon les énigmes, la qualité de la rime varie de pauvre (un
seul phonème rimant), à suffisante (deux phonèmes), à riche (trois
phonèmes et à très riche (+ de trois phonèmes).
-
Exemple de rime pauvre :
-
Urti yeççur d aôeman,
Ur d ksse$, aîas d asawen.
rime en n.
Exemple de rime suffisante :
-
Atmaten, d atmanen,
Deg wass n lεid ur ppem$afaren.
rime en en.
Exemple de rime riche :
Tabaqit m yewzan,
F-ayed ur ersen yizan.
rime en –zan.
Dans certains cas, c’est vrai, ils sont rares ; les mots riment
entièrement, à l’exception d’un phonème, ce qui constitue des paires
minimales. Ainsi, la définition de la figue de Barbarie :
S daxel tessefraê,
Sufella tesseqraê.
Tessefôaê,et tesseqôaê ne sont distingués par les phonèmes f
et q.
Il y a aussi des cas ou deux bouts riment alors qu’un autre est
sans rime :
Sin igelliden d atmaten,
Yiwen iteddu s tafat,
Wayev s yemnayen.
Les mots rimant sont séparés par un vers qui ne rime pas.
Signalons qu’il y a des énigmes qui ne riment pas :
Taqecwalt n tmellalin,
Tenegdam ur ten$il.
[73]
Mais il est vrai que ce genre d’énigmes est plutôt rare, la
quasi-totalité des énigmes riment.
Dans la plupart des cas, les rimes sont plates, c'est-à-dire se
suivent, on relève, cependant, des rimes croisées, c'est-à-dire alternant
deux par deux. Exemple de l’énigme de la ruche d’abeilles, rimes en
abab :
Lêess yella,
Irgazen ulac,
Taêbult tebb°a;
Timess blac.
Cependant, des fois, on relève des structures rimiques plus
complexes. Ainsi, dans l’une des définitions de l’argent (devinette N°
36 du corpus), la rime est en –en, mais dans les deux premiers
segments, elle est plus riche : lalaven
D iêlalaven,
D iblalaven,
Sked tammurt ur bb°iven.
Dans la définition de la fumée, les deux mots rimant sont ini et
igenni, le second étant obtenu par l’ajout d’un phonème, g :
l’opposition est donc 0/g, mais dans la chaîne parlée, l’état
d’annexion, transforme l’opposition en opposition y/g : yini/ igenni
Illul-ed ger yini,
Yemdel deg genni.
Les énigmes sont composées de deux ou trois vers, mais on en
relève de plus longues, notamment quand il s’agit de trouver plusieurs
mots. Ainsi, pour la définition du vent, du tonnerre, de l’éclair et de la
pluie, on a huit vers rimant en ur :
A t-aya bu gennur,
S nnefs yeççur,
Di ddunit mechur,
Anda iεedda teqqur,
Bu dderz yemugrit,
Bu îiwej yesser$-it,
Bu ymeîîawen yeslexs-it,
[74]
Deffir nsen ooan-d talwit.
La longueur a, en principe, pour fonction de multiplier les
indices pour faciliter la résolution de l’énigme : mais ici, au contraire,
elle semble la compliquer encore plus. En fait, le seul indice qui
éclaire, est le segment :
S nnefs yeççur,
Les énigmes qui ne riment pas sont en général celles qui sont
composées d’un seul segment :
Aεeqqa yeççur axxam. Ou la suivante :
Akli iεelleq si tmiî.
Mais en moyenne, l’énigme comporte au moins deux
segments, ce qui permet donc l’insertion de rimes.
Ikerri amgeêgeê,
Skud tamurt ur yengeê.
rime en ê.
5 - Pourquoi le sentiment de déperdition (Les causes du
déclin) ?
Que dire de l’énigme ou de la devinette de nos jours ? Si ce
n’est qu’elles sont les seules laissées pour compte. Nous étions tentés
de croire qu’avec l’arrivée des divers systèmes numériques et
technologique, ce genre de littérature connaitrait son apogée, mais
hélas nous fûmes vite déchantés. La radio, la presse, l’édition, la
télévision, la parabole, le portable, le micro-ordinateur, l’appareil
photo digital et surtout enfin la tablette ; tout cet arsenal moderne qui
devrait être utilisé à bon escient pour le bien du savoir, la culture et de
la civilisation, se retrouve détourné de sa vocation fondamentale pour
sombrer dans des utilisations futiles, dévoreuses de temps qui au lieu
de servir son maître, le rendent addict.
Les énigmes ou les devinettes furent autant en honneur en
Kabylie que les contes et les proverbes. La pratique de ces jeux
d’esprit faisaient parties des longues soirées d’hiver du temps ou les
foyers campagnards et montagnards ne connaissaient ni radio,
télévision ou autre média moderne pour embellir leurs veillées
interminables autour du feu qui se voyait le centre le plus choyé ou se
[75]
rassemblaient les enfants, les filles, les femmes et tous les hommes de
la famille. Dans les maisons aisées, même les voisins sont conviés et
font partie de ces rencontres fraternelles, chaleureuses, et cordiales ou
les liens se nouent et se dénouent au gré des contes et devinettes. Ce
trésor oral, littéraire et social, est la mémoire vivante de chaque
individu, chaque famille, de chaque village. Il est gardé jalousement
par les anciens (les vieux et surtout les vieilles). Il est distillé au
compte goute par des orateurs qui diffusent leur savoir savamment, et
une énigme devinée valait au vainqueur honneur, considération,
distinction et respect.
Notre premier souci majeur est de préserver ces devinettes, les
collecter, les transcrire, les analyser et les sauvegarder.
La vie moderne ne cesse de prendre le dessus et tout un pan de
notre civilisation (Kabyle) est en train de disparaître et de fondre sans
laisser de trace comme fond la neige au soleil. Il y va de la pérennité
de ces devinettes. Du fait qu’elles ne sont plus utilisées, elles
disparaissent. Pourtant les moyens technologiques de préservation ne
manquent point. Mouloud Mammeri a dit dans ce sens : «Il était temps
de happer les dernières voix avant que la mort ne les happe ». Le père
de Youcef Allioui l’a si bien illustré en disant à son fils (Youcef)
« Ecris ce que tu peux en kabyle, tes enfants le trouveront »1. Son ami
(l’ami du père d’Allioui) Muḥend Qasi, a abondé dans le même sens,
affirmant et parlant toujours de Mouloud Mammeri : qu’ «un savant
(et sage) digne de ce nom est celui qui écrit dans sa langue».
Du point de vue socioculturel, les devinettes Kabyle sont très
caractéristiques de la société Kabyle. Les Kabyles, gens de la
campagne et de la montagne, vivent en contact permanent avec la
nature, les bêtes et les animaux domestiques. Il fût un temps où ils ont
partagé avec ces animaux familiers le logis et les travaux des champs.
Ce mode de vie rural a influencé considérablement les thèmes
entrepris dans les devinettes. Les mots constituant notre corpus sont le
reflet de ce mode de vie. Ils sont le miroir de cette société. Mais,
même si elles sont encore d’actualité, une question se pose : pour
combien de temps encore ?
Enfin pour préserver la langue, il faut un travail de
mémorisation de ces formes simples, de ces formes brèves. La
1
Allioui Youcef, Timsal, Enigmes berbères de Kabylie, Paris, l’Harmattan 1990.
[76]
question de survie de ce jeu de langue séculaire se ramène à un
problème de conscience, comme l’a noté A. Basset : « il faut que les
sujets-parlants-aient la volonté de maintenir leurs langues ».1
Donc pour les sauver de l’oubli, il y a lieu de les étudier, de les
enseigner, de les inclure dans des programmes radiophoniques et
télévisuels, les rendre d’actualité dans les soirées et veillées familiales,
les remettre au goût du jour dans les fêtes, les cérémonies et les
mariages. Tout comme il est possible d’organiser des concours des
meilleurs orateurs de devinettes, de champions en réponse ou tout
simplement organiser des festivals de devinettes à l’instar des festivals
de chansons et de poésie. Rien ne parait impossible, par moment il
suffit d’une idée, de la volonté, de l’ambition et un zeste de courage et
d’audace, le fruit viendra de lui-même. Les utiliser dans
l’enseignement revêt donc un double intérêt : enseigner les devinettes
et avec les devinettes.
Enseigner les devinettes, c’est les préserver de
l’oubli et de l’extinction. C’est la meilleure forme de sauvegarde de ce
patrimoine littéraire millénaire.
Enseigner avec les devinettes, c’est développer une
nouvelle forme de pédagogie à l’instar des enfants qui vont beaucoup
apprécier. En même temps c’est une nouvelle méthode
d’enseignement tout en jouant (le jeu est fondamental dans la nature
des enfants), tout en redécouvrant le savoir et la culture ancestraux.
1
Basset.A, « l’Avenir de la langue berbère en Afrique du nord », In Entretien sur
l’évolution des pays de civilisation arabe, Centre d’Etude de Pratiques Etrangères »,
Paris, 1938.
[77]
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[79]
• POETIQUE, Revue de théorie et d’analyse littéraire, spécial
énigme, N° 45, Editions
• du Seuil, Paris 1981.
• PONGE, F, Œuvres, notamment Le parti pris des choses, (1942),
Gallimard, 1983
• POTTIER, B, Linguistique générale, Klincksieck, Paris 1974
• QUEMENEUR, J, Enigmes tunisiennes, Tunis, SAPI, Publications
de l’Institut des Belles Lettres Arabes, 2, 1944
• OUMERIEM, Y, Devinettes des Aït Bouzid de Timoulilt (Maroc),
in tome 1 de Devinettes berbères, sous la direction de F. Bentolila,
opus cité.
• RICOEUR, P, La métaphore vive, Seuil, 1977
• RIFFATERRE, M, La surdétermination dans le poème en prose, F.
Ponge, in La production du texte, seuil, 1979
• SEARLE, J.R, Sens et expression, Editions de Minuit, 1982
• SKOUNTI, A, Tineẓra, devinettes des Ayt Merghad (tamazight,
sud-est marocin), Etudes et Documents berbères, 10, 1993
[80]
La poésie orale au Rif : les spécificités esthétiques
Pour une définition du sous-genre poétique
---------------------Abdelmottaleb ZIZAOUI
Université Ibn Zohr -Agadir
Toutes les cultures possèdent, ou ont possédé, une poésie orale.
Celle-ci traduit le vécu du groupe et les moments forts de la vie
communautaire. Dans le cas de l’Afrique du Nord, la tradition orale
nous livre des chants et des poèmes dont certains datent de plus d’un
siècle.
Par ailleurs, la littérature amazighe a fait couler beaucoup
d’encre depuis le début des études dès le 19e siècle avec les
chercheurs étrangers ; surtout les Français 1 . Ces études essayent de
classifier cette littérature et de la comparer avec la littérature
occidentale. Or la projection du cadre théorique occidental et plus
particulièrement français n’est pas toujours évident, surtout que la
poésie amazighe en tant que littérature orale, confond parfois
musique, chant et danse, dont la performance et les procédés
d’exécution tiennent une place primordiale pour que le texte soit une
œuvre poétique.
Dans la région du Rif, le nom qu’on donne souvent à cette
poésie est izri, pluriel : izran. Souvent des distiques chantés lors de
différentes festivités collectives, ou récités hors des cérémonies, lors
des tâches quotidiennes de la communauté.
1
Il fallait attendre l’année 1845 pour la publication proprement dite du premier texte
amazighe en Europe. Cette année même « Un éditeur parisien lithographie la copie
que Jacques-Denis Delaporte a fait exécuter sous le titre « S’aby ou le dévouement
filial. Qasydah ou poème en langue amazigh, autrement dit Chleux, Berbères ou
Kabyles » le texte en caractères arabes figure avec une transcription en caractères
latins, une traduction interlinéaire et une « traduction » libre dans Specimen de la
langue berbère. »
P. Galand-Pernet, La littérature berbère : des voix des lettres, Paris : PUF, coll.
« Islamiques », 1998, p. 13.
[81]
Dans notre communication, différentes réflexions seront
menées : existe-t-il de sous-genres d’izran ? Lesquels ? Dans quelles
circonstances sont-ils produits ? Quelles sont les caractéristiques
formelles et thématiques qui les distinguent ? En plus d’izran, y en at-ils d’autres sous-genres poétiques ? Quelles sont leurs spécificités
qui les distinguent d’izran ? Cette communication va essayer
d’apporter quelques éléments de réponse, et de mener des réflexions
autour de cette problématique peu traitée par les chercheurs.
Pour ce, notre contribution sera focalisée sur deux axes : dans
un premier temps nous allons voir qu’on est-il de la recherche sur la
problématique du genre poétique amazighe en général, dans le
deuxième volet nous allons essayer de voir quelque sous-genres
poétiques au Rif.
I- Problèmes de terminologie générique
Dans cette partie, nous allons mettre l’accent sur la
terminologie liée à la poétique amazighe, nous remarquons à propos
de ce sujet une hétérogénéité des concepts qui est due à deux raisons :
* Absence d’une tradition critique institutionnalisée qui traite
de la poétique amazighe ;
* Insuffisance d’études universitaires poussées à propos de la
poétique amazighe.
Notre dessein est d’essayer de pallier ce problème, en
apportant un ensemble d’éclairages sur la poésie orale rifaine. Tout
d’abord, nous esquisserons ce qui a trait à la terminologie poétique
dans d’autres régions du Maroc et de l’Algérie. Les outils de l’analyse
poétique diffèrent d’une région à une autre, mais le chant et la poésie
sont inséparables2.
Néanmoins, nous avons plusieurs termes qui définissent la
poésie à partir du thème et de la forme. Par exemple : Llàa, tazrart,
tamawayt, tamewwact, tameddaít, tamedyazt, tamelkazt, tamelyazt,
2
« Le nom générique de la poésie reste très flou. Selon les régions, on dispose de
vocables multiples d’autant plus que la poésie est indissociable de la musique, du
chant et de la danse. »
A. Bounfour, Introduction à la littérature berbère : 1. La poésie, Paris-Louvain :
Peeters, 1999, p. 11.
[82]
tayeffart, tazŸayt, taàyult, taneccadt, takezzumt, urar, izlan, arasal,
lemsaq, asalaw, tasukant, ledkar, leíwal et ahellil.3
Si, dans le parler chleuh, nous avons avec plus de fréquence le
terme « amarg », le tamazight « connaît deux termes ; tamedyazt,
désigne la poésie mais aussi un genre de poèmes alors que awal
amazià désignerait la poésie en général. »1 En Kabylie, le terme le
plus fréquent est asefru, qui désigne un type poétique distinctif et la
poésie en général :
« L'asefrou est un poème à forme fixe, qui, ainsi que Mouloud
Feraoun l'a justement noté, rappelle le sonnet. Il est formé de trois strophes
(taseddart) semblables de trois vers (tafirt) chacune. Le 1er et le 3e vers de
chaque tercet ont sept syllabes, le second en a cinq.
L'asefrou est bâti sur deux rimes (amsada): une pour le dernier vers
de chaque strophe, et une pour tous les autres. »5
En ce qui concerne la terminologie poétique, Bounfour arrive
que : « … certains termes désignent à la fois la poésie en général et un
genre poétique spécifique (asefru en kabyle, tamdyazt en tamazight et
amarg en chleuh). »6
Nous constatons que l’auteur ne parle pas de la terminologie
rifaine en la matière où le terme générique de la poésie est izri. Notons
que ce terme n’est pas spécifique au Rif mais il est aussi présent dans
d’autres régions de l’Afrique du Nord.
3
El. Moujahid, « Amarg », Mémorial du Maroc, T. 2, 1989, pp. 667-673.
A. Bounfour, op. cit., p. 17.
5
M. Mammeri, Les isefra, poèmes de si Mohand-ou-Mhand, Paris : François
Maspero, 2ème éd, 1972, p.79.
6
A. Bounfour, op. cit., p. 18.
7
Pour les études menés par des Espagnols la seule étude que nous connaissons et
celle de E. Blanco Izaga, Las danzas rifeñas publié en 1946. A part cet article, un
grand nombre d’études sont consacrée à la géographie, aux structures tribales, à
l’histoire des guerres contre les Rifains, etc. La littérature orale est peut mentionnée.
4
[83]
II- y a t-il des sous-genres poétiques au Rif ?
Tout d’abord, il est à signaler que contrairement aux autres
régions, où on trouve plus ou moins beaucoup de recherches sur la
tradition orale amazighe, ces différentes études menées par des
militaires et des interprètes français, la poésie orale rifaine n’a pas
suscité la curiosité de ces chercheurs ; peut être que cela est liée que
cette zone n’a pas été occupé par la France. Rares sont les recherches
qui traitent cette production littéraire7. Force est de noter que des
études considère que cette poésie est de qualité inférieure en
comparaison avec d’autres régions. C’est par cette constatation que
commence Biarnay son article sur les chants populaires du Rif :
« Les productions poétiques des Rifains semblent être de qualité
notablement inférieure à celles des Berbères du Moyen Atlas et à celles des
Chleuhs du Grand Atlas et du Sous, dont MM. Basset, Boulifa, Luciani,
Johnston et Justinard nous ont donné des aperçus. Nous avons pu recueillir
une soixantaine de morceaux provenant d'informateurs divers, hommes et
femmes, originaires des tribus rifaines des Thamsaman, des Aith-Ouriar'en
et des Ibeqqoïen (6). Dans aucun d'eux nous n'avons trouvé les qualités
littéraires et la richesse d'inspiration qui sont les caractéristiques des poèmes
du Sous ou des Ah'idous (7) de l'Atlas. Les chants du Rif paraissent, en
outre, n'avoir jamais une grande étendue.»8
Sur quelle étude se base-t-il pour avancer une telle
constatation ? Sur quelles statistiques peut-il baser son constat ? La
réception étrangère de la tradition orale
au Rif passe par
l’imprécision : ce territoire demeure fermé à l’occupant français
jusqu’à 1926.
1. Izri : genre poétique général
Au contraire des autres régions où ils existent plusieurs
dénominations pour définir les sous-genres poétiques, le terme le plus
utilisé pour désigner la poésie au Rif c’est izri. Il s’agit de poèmes
courts, chantés en général. Pour l’étymologie du mot, les avis
divergent, mais ce terme est lié principalement à la poésie9. Ce terme
8
S. Biarnay, « Notes sur les chants populaires du Rif », Les archives berbères
(1915-1916), Fasic I, 2ème Edition, Rabat : Al Kalam, 1987, p. 26.
9
« On en reste encore au stade de l’incertitude quand on veut proposer un
étymologie pour les différents termes dont le radical présente une séquence zl et qui
ont un rapport avec la poésie. Pour cette recherche qui reste à poursuivre, on ne peut
que renvoyer au seul point de départ fiable, le travail de K. G. Prasse. Quel est le
rapport entre ëhël « attarder, divertir, entretenir, retenir », ahâl « réunion galante »
[84]
n’est pas attesté seulement au Rif, mais il est présent dans d’autres
régions amazighophones sous le nom d’izli10. Cette forme poétique est
alors panamazighe. Elle est propre à sauvegarder la mémoire de tout
un peuple11.
Comme nous l’avons notés, izri est le genre prédominant au
Rif. Pour exprimer la production de cette poésie,on dit aussi « tirarent
izran » (elles jouent de la poésie, elles chantes) , « ttawin-tt-d izran xef
fran » (litt. elles chantent pour quelqu’un) cette dernière expression
est utilisé surtout quand les poétesses prodiguent des louanges à
quelqu’un.
Au Rif, les femmes sont derrière la création poétique en tant
que sujet tout comme elles le sont en tant qu’objet de la poésie. La
féminité organise les vers et les verses dans la recherche du beau ; le
point de vue redoublé d’une sensibilité forte y prédomine. Ces
créations poétiques animent la vie de la société, elles sont présent lors
des différentes tâches quotidiennes des femmes, mais reste que les
célébrations collectives, surtout les fêtes de mariage sont l’occasion
idéale de la composition poétique. Les études avancent :
de jeunes gens « libres » des deux sexes, où se récitent des poèmes (Hoggar), et äzlu
« distraire, divertir », verbe auquel le lexique de Ghubäyd et Prasse rattache ezäle
« chant, chant de danse » (Niger ; Aïr, Iwellemmeden), ce dernier terme étant une
variante du izli des parlers du Nord et n’étant pas attesté au Hoggar ? » P. Galand
Pernet, op. cit., p. 52.
10
T. Yacine, L’izli ou l’amour chanté en kabyle, Paris : Edition de la maison des
sciences de l’homme, 1988.
« À l’origine la racine zl a probablement servi à désigner le chant. Cette acception
n’est guère demeurée qu’en nefousi où zli veut dire chanter et en mozabite izli (pl.
izlan) signifie poème. » (p. 15)
C.-Motylinski, Adolphe de, Le dialecte berbère de R’édamès, Paris : Ernest Leroux,
1904
« Dans le parler de Ghadames et Nefousa de Lybie on trouve le terme azali/izli qui
signifie chant, le verbe ezli, izli pour chanter. » (p. 140)
« Chanter, ǝdyǝz ; cf. ǝdyiz, n.v adiaz, Sokna ; diz à Ghadamès signifie « danser »,
et ǝzli « chanter » comme à Nefousa » » E. Laoust, Siwa. I Son parler, Paris :
Ernest Leroux, 1931, p. 211.
11
« Aujourd’hui, l’étendue de l’aire de diffusion, la comparaison des sens attestés et
des usages comme on le verra ci-dessous, peut-être aussi la forme du pluriel
permettent de penser qu’on a à faire à un type ancien ; et c’est probablement un des
éléments les plus importants de la poésie berbère. »
Paulette Galand Pernet, Op. cit., p. 52.
[85]
« Le nom d’izran est donné à des morceaux de compositions
diverses qui sont chantés ordinairement en public aux fêtes de nuit données à
l’occasion des mariages. On distingue ceux qui sont chantés par les hommes
et ceux qui sont chantés par les femmes ou les jeunes filles. Tous, d’ailleurs
peuvent être répétés en dehors de ces manifestations publiques. »12
Lors de ces occasions, le duel poétique prend sa place, les
jeunes filles du même clan ou des autres se concurrent pour créer des
vers instantanément :
A cem teswid atay, a necc swià aman
Ffeà àar remraí ad nåar wi àa yarnan!
Toi tu as bu du thé, moi j’ai bu de l’eau
Sors à la cour pour voir qui va vaincre !
Cette production poétique confond parfois chant et danse.
Samuel Biarnay intitule son article par chants populaires, et non pas
de poésies populaires. D’où la remarque qu’izran sont souvent liés
aux chants. Il distingue entre izran composé par des femmes qui porte
le nom de rehwa leur sujet est l’amour et ceux composé par les
chioukh/imedyazen qui porte le non de reârur, qui sont des pièces
satirique13.
D’une manière générale, l’izri au Rif est une composition
poétique souvent de deux vers enfermant une rime interne ou en fin
d’hémistiche et disposant d’un sens complet. Le travail de la forme est
alors primordial par rapport au contenu à développer. L’izri qui est
souvent un distique de deux heptasyllabes et de quatre hémistiches
signifie par extension toute la poésie chantée souvent par les femmes.
La question qui se pose, peut-on distinguer entre des sousgenres d’izran ? La thématique est-elle un critère de définir izri en
sous-genre ? Répondre à cette question n’est évident. Cela nécessite
des années de recherche de terrain dans les différents villages et tribus
12
S. Biarnay, Op. cit., p. 30
« On distingue deux genres principaux d’izran : les pièces qui ont particulièrement
l’amour pour sujet prennent le nom de rhoua : les pièces satiriques, injurieuses ou
grossières sont appelles ra’rour. Les femmes composent surtout des rhoua, les
chioukhs des ra’rour. » Ibid, p. 32
Nous remarquons aujourd’hui que ces dénominations sont tombées dans l’oubli.
13
[86]
et faire des comparaisons, afin de pouvoir délimiter tout les sousgenres poétiques.
2. Ralla Buya
Dans les occasions festives, surtout les cérémonies de mariage,
izran porte souvent le nom izran n buya, et ce pour les distinguer des
autres distiques qui ne respectent pas la mesure musicale:
Aya ralla yaral ///// Aya ralla buya
Pour l’étymologie du mot, les dictionnaires du Rif14 ne disent
rien sur la signification de buya. Mais ce terme est attesté aussi à
Ouargla, il signifie « amie, compagne, demoiselle d’honneur dans une
noce »15, alors ralla buya veut dire « chère compagne » c’est tout à
fait normal car ces vers sont chantés collectivement. Izran n buya sont
partagés lors des festivités collectives, surtout les noces. Les filles se
rassemblent formant deux rangs de quatre à six, en se mettant face-àface. Ces compositions sont liées aux chants et à la danse, ils sont
accompagnés des coups de tambourins16.
Les thèmes de ralla buya sont récurrents dans la vie rifaine : ils
forment une sorte de commentaire sur les histoires, les espoirs, les
aspirations, les frustrations et les triomphes de la vie. C’est un miroir
qui reflète le vécu de la communauté17. Ce n’est pas simplement un
14
P. H Sarrionandia & E. Ibáñez Robledo, Diccionarios español-rifeño rifeñoespañol, Edición facsimil al cuidado de José Megias Aznar & Vicente Moga
Romero, Melilla: Uned, 2007.
Mohamed Serhoual, Dictionnaire tarifit-français, Thèse pour l’obtention de doctorat
ès lettres option : linguistique, T. 1, Université Abdelmalek Essaâdi, Tétouan, Année
universitaire, 2001-2002.
15
J. Delheure, Dictionnaire ouarguli-français, Paris : Selaf, 1987, p. 37.
16
« Elles [les filles] se présentent par deux dans le cercle des spectateurs en agitant
leurs « foulards de soie aux vives couleurs ». Les deux fillettes chantent leur
morceau ou leur couplet à mi-voix, accompagnées du bruit des tambourins agités par
toutes les femmes de l’assistance. Elles ne chantent pas plus de deux ou trois vers,
puis elles regagnent modestement leurs places au milieu des youyous et des coups
de fusil. Deux autres fillettes leur succèdent immédiatement sur la scène improvisée
pour être ensuite remplacées par un nouveau groupe. »
Samuel Biarnay, Op. cit., p. 31-32.
17
D. Montgomery Hart, The Aith Wariaghar of the Moroccan Rif: An ethnography
and History, Arizona: Vicking Fund Publication In Anthropology, 1976.
«Ay-aralla-buya is a highly symbolic if equally highly fragmented, theme running
through most of Rifian life, and in its way it is a commentary on Rifian history,
hopes, and aspirations. In their emphasis on both the frustrations and the triumphs of
[87]
trait culturel, mais une tradition sociale qui a un trait institutionnel. La
tribu qui ne chante pas ralla buya n’est pas considérée comme étant
rifaine18.
Ainsi, cette coutume, propre aux tribus rifaines et de tradition
millénaire, est très productrice. Izran n buya sont souvent sous formes
de distiques. La fille qui est incapable de chanter ralla buya est mal vu
par les autres, elle peut même être méprisée comme le montre l’izri
suivant :
Qqen aqemmum-nnem a teqqn-am-t ict tezra,
Aqemmum d ameqqran war issin i rehwa,
War issin i reànuj ura i ralla buya!
Ferme ta bouche, qu’elle soit fermée par une cordelette
La grande bouche qui ne peut improviser des airs,
Qui ne sait ni aux chants, ni à ralla bouya.
La poétesse tourne en dérision une autre femme car elle ne
peut créer des vers de ralla buya. Nous remarquons dans le deuxième
vers la présence du terme rehwa, sous-genre déjà mentionné par
Biarnay.
Ralla buya est chanté surtout pendant les cérémonies festives,
surtout les veilles de noces. Alors nous constatons que les procédés
d’exécution sont distinctifs dans le cas d’izran n buya. Mais ces
distiques peuvent êtres chantés en dehors des festivités. La question
qui se pose : comment peut-on distinguer izran n buya d’autre izran ?
Est-ce par le mètre ou bien le sujet ou bien les circonstances
d’exécution ?
day-to-day life and love, the izran couplets, if systematically collected year by year
(for they change constantly, and new ones are rapidly invented), would provide the
raw anecdotal material for such a commentary. » (p. 169)
18
« Ay-aralla-buya is much more than a mere culture trait, it is an institution: and i
can safely be said that any tribe in wich it not chanted or sung is not Rifian. In the
west, the Bni Bufrah and the Aith Yittuft, for example, both have it, but the Targuist
and the Sinhaja Srir tribs do not. In the east the Iqar’ayen and the Ixibdanen have it,
and the transhumants of the Ibdarsen and the Aith Bu Yihyi habe a modified version
of it, but the Arabs of Ulad Stut do not. And to the south it is not chanted in either of
the Jbalan tribes of the Branis and the Marnisa. » Ibidem.
[88]
3. Re²yart n tesrit
Pendant la nuit qui précède le départ de la mariée vers le
domicile conjugal, la famille du marié rendent visite à la maison de la
mariée en apportant avec eux amekri∗. Dans la veille commence le
spectacle de re²yart n tesrit « chant de la mariée ». Ce spectacle se
déroule de la manière suivante : la mariée accompagnée de ses
escortes d’honneur se met sur scène azzarg formant deux rangs de
deux-deux ou trois- trois, elles se mettent face-à-face, un rang de la
mariée avec ses escortes, l’autre de ses amies. Les groupes dansent
d’une façon circulaire de la droite à gauche, izran sont accompagné
des coups du tambourin. La mariée chante un morceau ses amies et
ses escortes un autre, cela se fait sous forme d’alternance.
Ces chants dévoilent son chagrin surtout s’elle est mariée
contre sont gré, la douleur de quitter la maison ou il a grandi vers une
autre, elle fait ses adieux avec sa famille, etc.19 Ce genre mêle joie et
tristesse, les larmes coules par la mariée elle-même ou bien parmi les
présents, surtout quand le discours poétique touche les émotions
profondes des invités.
Necc mri àa Ÿerqeà i wur ad iruba,
Aya ta²cart-inu ad àarqen iàarruba!
Si je libère mon coeur pour pleurer,
Ô ma compagne les bateaux vont s’écrouler!
Quant aux escortes, elles prodiguent des louanges à la mariée,
elles le patiente et demande à Dieu de bénir ce mariage, elles
dénoncent la médisance des gens, etc.
∗
Amekri signifie normalement le déjeuner. Ici, le repas est apporté pendant la
journée mais il est consommé la nuit.
19
A ma connaissance la seule étude qui fait mention de ce genre est celle de
Lyamani Qassouh, « baâd al ackal a ttaâbiriya dat attabaâ al ihtifali bi qabilat ayt
uryaghel bi arrif al awçat -tadwin wa dirasa-», Tawiza, N° 112, août 2006.
20
S. Biarnay apporte un long poème d'une mariée de la tribu de Temsaman, mais
selon lui c’est un reârur chanté par une jeune mariée, elle maudit ses parents qui
l’ont mariée à un vieillard. Il ne cite pas reâyart n tesrit. Peut être que ce sous-genre
n’est connu que chez les Aït Ouriaghel mais lui il n’a pas collecté des poèmes de
cette tribu.
Cf. S. Biarnay, Études sur le dialecte berbère du Rif, Paris : Leroux, 1917, p. 342.
[89]
Ralla taslit-nneà war ttru bu ime‚‚awen,
Baba-m aqa ixŸar-am ij n wemcan iqaden.
Notre chère mariée ne verse pas de larmes,
ton père t’a choisie une bonne demeure.
Mais si le poème est long porte-il une autre dénomination ?20
Nous remarquons à partir d’exemples ci-dessus que ces compositions
poétiques sont aussi sous forme d’izran mais ce sont les procédés
d’exécution qui imposent cette dénomination car ile ne peuvent être
chantés en dehors de cette manifestation.
4. Taqessist, critère formel imprécis
Le terme taqessist21 relève d’une imprécision conceptuelle.
Nous pensons que c’est un emprunt arabe, du mot qasida « poème »,
ce mot est proche de taqsit en kabyle22. Il y’a ceux qui pensent que ce
terme n’est apparu qu’aux années soixante-dix du siècle dernier avec
le mouvement associatif23 lorsque les jeunes poètes essayent d’ouvrir
de nouveaux horizons pour la poésie au Rif, ils choisissent ce terme
pour signifier poème plus long qu’izri.
Mais lors des longues discussions menées avec les personnes
âgées de mon village et avec d’autres chercheurs24, j’ai constaté que
21
Le pluriel est tiqessisin: récit (en prose ou versifié); histoire. Mohamed Serhoual,
Op. cit., p. 342.
22
A. Lahlou, « Réflexion sur le neuvain de Si Mohnad U Mhand », Awal, n° 40-41,
Paris : édition de la maison des sciences de l’Homme, 2009-2010
« La poésie kabyle privilégie deux formes poétiques : la forme longue du genre
taqsit, et la forme courte, principalement le sizain à l’exemple de l’izli ou du dikr. La
première, qui peut aller jusqu’à cent vers (…) Réservée habituellement aux récits
légendaires, épiques et hagiographiques, le genre taqsit raconte la vie des saints et
des prophètes : Abraham, Moïse et Joseph, ou encore sert à narrer les exploits du
Prophètes et de ses compagnons (essentiellement les prouesses de son gendre Ali) ;
il est le fait de poètes professionnels à la mémoire exercée. » (p. 75-76)
23
Selon monsieur Hassan Tiydrin, le terme taqessist n’est pas utilisé chez les
monolingues qu’il a rencontrés lors de la collecte de la poésie orale des tribus Aït
Ouriaghel et Ibeqqouyen. La première fois qu’il entend ce terme été lors de sa
participation au 1er festival de la chanson populaire organisé par l’association Al
Intilaqa Attaqafiya à Nador en 1979.
24
Les professeurs Mohamed Serhoual et Abdessalam Khalafi m’ont confirmé que ce
terme été utilisé chez les personnes âgée de la tribu Aït Saïd.
[90]
ce mot existe dans quelques régions et peut avoir le sens de poème.
Mais des fois même si le poème est long il porte le nom d’izran, cela
dépend des tribus et même des villages de la même tribu. Or cette
production est-il une production spécifique aux imedyazen ? Où bien
elle est peut être une production de tout les gens pas spécialement des
professionnels. Par exemple taqessist n Dhar ubaran, poème épique
qui parle de la victoire des Rifains sur les Espagnols dans la bataille
de Dhar ubarran en premier juin 1921.
Aujourd’hui, ce terme est utilisé par les poètes pour signifier la
production poétique écrite. Ainsi, taqessist se veut une réflexion sur
tous les thèmes « modernes ». Les poètes de nos jours préfèrent
utiliser ce concept pour désigner poème.
5. Tanna
Il y a d’autres termes en relation avec la création poétique,
mais qui sont tombés en désuétude. À savoir : tanna, pluriel :
tanniwin, qui signifie poème25. Tanna est un poème sans
accompagnement musical il peut parler : d’un événement historique
ou simplement d’un autre sujet lié à la société. Tanna est plus longue
que l’izri, elle évoque un thème précis, par exemple une histoire qui se
répète de génération en génération comme le rappel d’un fait
historique lointain26.
Aya Mulay Muíend, iàra uca yiàis
A isàim lebraqi, x tà²urar igelles
Isàim Awaryaàer, issen as ad ineyyec
Iwta fargata, iàŸer zzays neññ
Ijja i¨umeyen, íaca ne‚‚wen zzays
Fargata n Uliman, iàaben àar neññ
Izlem itt Ubeqquy, iwta xafs leàŸes
Min d iksi zi lebraqi, d uqar‚as nnes
Min immuten zeg u¨umey a d arruyas nnes.
25
Nous trouvons un terme qui ressemble à tanna en Kabylie. « En kabyle, les dits
poétiques, en vers ou en prose, sont des inan. Mais en milieu kabyle, ce dernier mot
s’applique de préférence à la poésie sérieuse. »
M. Mahfoufi, Chants de femmes en Kabylie, Alger : CNRPAH, 2006, p. 134.
26
La découverte de ce sous-genre poétique est grâce à monsieur Hassan Tiydrin.
Selon lui, cette dénomination est attestée chez Itsouliyen de la tribu d’Ibeqqouyen.
[91]
Ô maître Mohend, comme il est intelligent ?
Il posa les canons sur les collines
Il désigna un Ouriaghli qui sait bien cibler,
Il bombarda le vaisseau, il détruisit sa moitié
Il laissa les chrétiens en train de sauter,
Le vaisseau de l’Allemagne naufragea à midi,
Le Beqqioui l’aperçut et il plongea
Il prit tant des bombes et de des balles,
Tant d’européens et de chefs sont mort.
Ce sous-genre poétique est rare dans la littérature orale, nous
n’avons pas pu collecter un grand nombre de ce sous-genre.
La question qui se pose y a-t-il un critique thématique pour
désigner tanna de taqessist ? Ou bien tanna c’est une simple
confusion terminologique. Est-ce la présence de l’épique et de
l’historique ? Quelle sont les frontières entre les deux sous-genres ?
6. JemmaŸ-jemmaŸ
JemmaŸ-jemmaŸ est dérivé de ajemmaŸ « rive », c’est une
poésie satirique am²aqeb spécialement entre tribus limitrophes. Deux
membres de tribus rivales se mettent debout au sommet de la
montagne frontalière des deux tribus, ou sur les deux rives de la
rivière qui les sépare, ils commencent alors à improviser des vers l’un
à l’encontre de l’autre27. Nous lisons par exemple :
-Araí-d a Ut²mart! Ad c-geà d aŸekkwar.
Ak-wceà caraba, u©mas n uneàzar.
-Awi-d, a a²effan, ara d ula ²ec¨a,
Ad as-geà aíemmar, ad as-sfugeà anexxar,
Ad ak-ttejj ayyawen ad ak-dían zi rexwar.
-Viens ô homme d’Aït Ammart, je te prendrai pour gendre,
Je te donnerai la chienne, sœur de l’amoureux,
- J’en veux, ô maudit, j’en veux même dix,
Je vais être son portefaix, je vais l’assouvir
Elle t’accouchera des neveux qui seront tes oncles.
27
Information donnée par Hassan Tiydrin. En fait c’est grâce à lui que je découvre
ce genre tombé en désuétude. Ce poème fait partie de son corpus.
[92]
Il s’agit d’un poème propre aux tribus d’Aït Ouriaghel contre
Aït Ammart. Les tribus du Rif connaissent ce sous-genre poétique
comme un patrimoine de rivalité. Le critère thématique et pragmatique
est primordial pour distinguer jemmaŸ-jemmaŸ.
Et pour d’autres izran qui ont le même sujet mais pas la même
forme, comment peut-on les définir jemmaŸ-jemmaŸ ou portent-ils
d’autres noms? Voici un exemple qui illustre cette problématique :
Aqc-ayi d Utsidar war Þià d ameååuj,
Aqc-ayi d rebñer war itteggen afeqruj.
Je suis d’Aït Sidar pas de Mezzouja,
Je suis l’oignon sans de bulbe.
Il s’agit d’un izri dévoilant la rivalité entre deux tribus, nous la
fomre d’un izri. Le poète appartenant à Aït Sidal tourne en dérision
celui d‘Imezzoujen. Le poète de la première tribu se considère comme
l’oignon sans bulbe qui signifie son statut supérieur et sa force au
contraire du deuxième poète apparatenant à Imezzoujen.
7. Izran n um²aqeb :
Ce sous-genre est souvent produit par des poètes
professionnels. Am²aqeb ou bien re²rur, est un duel poétique entre
imedyazen. Ces poèmes sont improvisés sur demande d’un homme
lors de la fête. Biarnay décrit avec précision le déroulement de ce
spectacle27. Il s’agit de poèmes satiriques improvisés par les plus
grands poètes. Ces compositions préludent souvent par :
27
« Un jeune homme indique au chikh le morceau qu’il désire que celui-ci chante en
son nom. Après s’être couvert le visage avec le capuchon de sa djellaba, tenant son
fusil de la main droite, le jeune homme saisit le chikh de la main gauche par son
vêtement et l’entraîne dans l’espace resté vide au milieu de la cour. Le chikh chante
son izri pendant que le jeune homme le guide à pas lents et lui fait faire le tour du
cercle des spectateurs. Derrière le chikh suit l’azemmar qui joue de son instrument ;
en général deux ou trois amis du jeune homme, porteur de leurs armes, se joignent à
ce groupe et lui constituent une véritable escorte d’honneur. Le chant terminé, tous
rejoignent leurs places. Les femmes poussent des youyous, les hommes tirent des
coups de fusil. Puis la même scène se reproduit, un autre jeune homme conduisant le
même chikh, ou un autre si plusieurs chioukh ont été loués. »
S. Biarnay, « Notes sur les chants populaires du Rif », Op, cit., p. 31.
[93]
Min x d-ak tt àa inià a ccix inu!
Je te le dirai sur quoi ô mon cheikh.
Ad ak tt inià x
Je te le dirai sur…
Ou bien :
³eyye‚, ³eyye‚, a ccix inu!
Chante, chante, ô mon cheikh !
†ennet, ñennet a ccix inu
Ecoute, écoute, ô mon cheikh !
Nous allons voir deux exemples d’izran n um²aqeb28
Mi x d ak tt àa inià, a ccix inu !
Ad ak tt inià x idferawen n d ittijjan incerawen
D sser²et ta²effant ittíukan akfir i imesrawen.
Je te le dirai sur quoi, ô mon cheikh !
Je te le dirai sur les neiges qui laissent les brins de pailles,
C’est le mauvais genre qui frotte l’aloès pour les cuisses.
La riposte est immédiate :
Mix d ak tt àa, inià a ccix inu !
Je te le dirai sur quoi, ô mon cheikh !
Ad ak tt inià x imendi,
Je te le dirai sur l’orge
D texcebt ammen tendi,
Et la trappe comme elle est dressée
D illis n imes²i,
C’est fille de mendiant
TeŸleq i mmis n urgaz,
Elle a abandonné le fils du brave homme,
Tuwey mmis n weydi.
Elle a épousé le fils de chien.
28
Ces vers font partie du corpus collecté par le chercheur Hassan Tiydrin depuis les
années soixante-dix du siècle dernier.
[94]
Derrière ces deux morceaux il y’a l’histoire suivante : Un
homme atteint de la maladie ajjiŸ ireàman « La gale des chameaux »
il demanda à ses amis le remède, l’un deux lui a proposé de se mêtre à
nu, se vautre dans la paille, puis gratter son corps par l’aloès.
L’homme a fait du conseil de son ami, mais cela lui a aggravé la
douleur, quant à sa femme elle ne voulait plus de lui. Alors il la
divorça, et elle épousa son ami. Dans la noce du mariage de sa femme
amedyaz improvise ce dernier poème pour dénoncer la trahison dont
cet homme été victime.
En guise de conclusion, nous constatons que ce sujet n’est pas
encore achevé ; il nécessite plus d’études et de recherches. La tâche
n’est malheureusement pas facile car ces poèmes sont en voie de
disparition à cause du décès des personnes âgées qui gardent cette
poésie dans leur mémoire en plus des mutations profondes qui
touchent la structure socioculturelle du Rif.
[95]
Références bibliographiques :
• Biarnay S., - « Notes sur les chants populaires du Rif », Les
archives berbères (1915-1916), Fasic I, 2ème Edition, Rabat : Al
Kalam, 1987.
- Études sur le dialecte berbère du Rif, Paris : Leroux, 1917.
• Blanco E. I., Las danzas rifeñas, Africa, n° 49-50, Madrid, 1946.
• Bounfour A., Introduction à la littérature berbère : 1. La poésie,
Paris-Louvain : Peeters, 1999.
• Delheure Jean, Dictionnaire ouarguli-français, Paris : Selaf, 1987.
• Galand-Pernet P., La littérature berbère : des voix des lettres,
Paris : PUF, coll. « Islamiques », 1998.
• Hart D. M., The Aith Wariaghar of the Moroccan Rif: An
ethnography and History, Arizona: Vicking Fund Publication In
Anthropology, 1976.
• Lahlou A., « Réflexion sur le neuvain de Si Mohnad U Mhand »,
Awal, n° 40-41, Paris : édition de la maison des sciences de l’Homme,
2009-2010.
• Mahfoufi M., Chants de femmes en Kabylie, Alger : CNRPAH,
2006.
• Mammeri M., Les isefra, poèmes de si Mohand-ou-Mhand, Paris :
François Maspero, 1972.
• Moujahid El., « Amarg », Mémorial du Maroc, T. 2, 1989.
• Qassouh El., « baâd al ackal a ttaâbiriya dat attabaâ al ihtifali bi
qabilat ayt uryaghel bi arrif al awçat -tadwin wa dirasa-», Tawiza, n°
112, août 2006.
• Sarrionandia P. H. & Ibáñez R. E., Diccionarios español-rifeño
rifeño-español, Edición facsimil al cuidado de José Megias Aznar &
Vicente Moga Romero, Melilla: Uned, 2007.
• Serhoual M., Dictionnaire tarifit-français, Thèse pour l’obtention
de doctorat ès lettres option : linguistique, T. 1, Université
Abdelmalek Essaâdi, Tétouan, Année universitaire, 2001-2002.
• Yacine T., L’izli ou l’amour chanté en kabyle, Paris : Edition de la
maison des sciences de l’homme, 1988.
[96]
TIMΣAYIN
Fabliaux, Sentences, Fablettes
---------------------Moussa IMARAZENE
Université Mouloud MAMMERI - Tizi-Ouzou
Xas negrent tmucuha, ur tent-id-ttawin ara deg yexxamen n
tmurt n leqbayel, mazal timâayin ttidirent di tmetti taqbaylit ula xas
maççi am zik. Acu$er i yella umgarad-agi. Tamâayt am tmacahut,
maca temgarad fell-as ama di tal$a, ama deg umawal, ama deg te$zi…
Awal-inu ad d-yawi $ef temâayin d tulmisin timaélayin i sâant:
anamek-nnsent d wazal-nnsent di tmetti, tal$a-nnsent d umawal i
sseqdacen deg-sent.
Assmi akken zdint twaculin n leqbayel, ttemlilin iâeggalennsent yal ass, ne$ yal tameddit n wass ama mi ara d-zzin $ef terbut n
seksu ad ççen imensi, ama mi ara d-zzin i lkanun ad ssifessen deg
usemmiv n ideflawen n cctawi-nni tiqessêanin. Mi ara qqimen
akkenni, ttawin-d awal $ef temsal i ten-ice$ben d wayen yurzen
tudert-nnsen n yal asss. Imir i ferrun awal akken ad ssifessen
tiâekkmin ééayen $ef yiwen. Deg tesquma am tagi, i lemmden
imecîaê, rennun imeqqranen: imecîaê sellen i tmucuha i d-ttawint
tem$arin, ma d imeqqranen ttleqqimen awal-nnsen s temâayin akken
ad as-fken ugar n wazal: yal tamâayt ad tessiwel i tayev alama ineûûef
yiv ne$ iâedda. Qqaren at-zik: “A taêkayt, a tamâayt, a seksu teçça
t$erdayt”. Timsirin-agi akk i lemden iâeggalen n twacult, ad tentsqedcen deg tudert-nnsen, gar-asen d wiyiv .
Même si les contes ont complètement, ou presque, disparu et
qu’ils ne sont plus contés dans les villages de Kabylie, les gestes sont
toujours présentes dans les pratiques discursives de la communauté
kabyle. Seulement, leur présence n’est pas aussi intense et fréquente
qu’au sein de la société traditionaliste. A quoi est due cette différence
dans la pratique actuelle entre les contes et les gestes ? En d’autres
[97]
termes : qu’est ce qui fait que la geste soit plus présente dans la
société actuelle ? Cela résulte essentiellement des caractéristiques
morphologiques, lexicales, sémantiques et thématiques de la geste,
comparée au conte.
Pour mener ce travail, nous avons analysé un corpus
constitué de 100 gestes traitant des thématiques différentes. Ce corpus
a été recueilli essentiellement dans la région d’Illoula, willaya de TiziOuzou, en Kabylie. Même si les gestes sont dites par les hommes et
les femmes sans distinction, seules quelques-unes, environ une
vingtaine, nous ont été racontées par des femmes.
[98]
A quoi est due cette différence dans la pratique actuelle entre les
contes et les gestes ?
Qu’est ce qui fait que la geste soit plus présente dans la société
actuelle ?
Cette recherche est menée sur un corpus de cent fabliaux
collectés dans la région d’Illoula en Kabylie, à Tizi-Ouzou. Une
région montagneuse assez éloignée des centres urbains et des grandes
villes. C’est pour ainsi dire que cette localité, pareillement à beaucoup
de régions de la Kabylie, a conservé un peu plus son oralité, ses
pratiques littéraires orales, que les zones urbaines ou celles qui y sont
limitrophes. 80% de ces fabliaux ont été racontées par des hommes et
uniquement 20% par des femmes. Mais cela ne veut nullement dire
qu’elles en connaissent moins que les hommes : c’est tout à fait le
contraire car elles connaissent les fabliaux qui leur sont propres et
spécifiques et qui ne peuvent être dits par les hommes et elles
maitrisent parfaitement ceux racontés par les hommes puisqu’elles ont
une bonne oreille et une excellente mémoire pour apprendre un texte
rien qu’en l’écoutant une fois. Ceci est le résultat de la pratique et de
l’exercice de mémorisation.
Spécificités des fabliaux :
1/ Nature du texte :
Les fabliaux se présentent sous forme de petits textes en
prose ; ils peuvent aller de quelques lignes, une à deux minutes à
l’oral, jusqu’à un peu plus de la moitié d’une page, quatre à cinq
minutes. On y retrouve, parfois, un petit texte rimé. Ces textes
contiennent souvent des dialogues ou encore des monologues.
2/ Le temps :
Pour décrire le temps au niveau de ce genre de textes, il
nous semble est essentiel de distinguer entre le temps d’énonciation et
de la narration, d’une part, et celui de l’histoire racontée, d’autre part.
[99]
Le temps d’énonciation des fabliaux est variable et n’est pas
limité à un moment précis du jour ou de la nuit ; Ils peuvent être dits à
n’importe quel moment où le locuteur éprouve la nécessité de les
joindre à son discours. Cependant, ces fabliaux ont, en outre, des
occasions précises où ils sont dits : ce sont les rencontres de
réconciliation entre deux personnes, deux familles ou encore deux
tribus suite à un désaccord ou à un conflit qui n’a pas été solutionné
entre les deux parties. Lors de ces occasions, on invite lejmaâ, un
certains nombre d’hommes sages et respectés par les membres de la
communauté, généralement âgés, pour tenter de trouver une sortie
pacifique voire amiable aux problèmes traités.
Par ailleurs, le temps de l’histoire fait référence au réel et
s’éloigne de l’imaginaire qui est la base du conte merveilleux.
3/ L’espace :
Comme le temps, l’espace est, aussi, à scinder en deux :
l’espace d’énonciation des fabliaux et l’espace où se déroule l’histoire
elle-même.
Il est à préciser que ces fabliaux ne sont pas reliés aux contours
du Canoun ou à l’environnement de la maison traditionnelle
uniquement, même si c’est là qu’ils sont le plus racontés pour être
appréciés et appris par les gens. Ils sont racontés à n’importe quel lieu,
à l’intérieur et/ou à l’extérieur de la maison et/ou du village.
Comme le temps, l’espace des faits racontés aussi est,
généralement, réel ou lié à la réalité.
4/ L’émetteur :
Même si les fabliaux sont racontés par n’importe quelle
personne sans limite d’âge ni de sexe, ils sont surtout dits par des
personnes âgées, notamment les hommes, à des occasions bien
connues.
[100]
5/ Contenus et thématiques traitées :
Les contenus de ces fabliaux ont toujours, si non souvent,
trait avec la réalité que vit la communauté. Ainsi, on y retrouve des
thématiques assez variées allant de la tenue de l’individu et de son
comportement, aux relations entre les individus puis entre les groupes.
Même s’il arrive de se retrouver face à des fabliaux qui tendent plutôt
vers l’humour et la comédie, ils ne sont pas, pour autant rejetés ou
moins intéressants dans le traitement des problèmes sociaux.
6/ Sa valeur argumentative dans le discours :
Grâce aux thèmes qu’ils traitent ou encore à la morale avec
laquelle ils se terminent, les fabliaux servent souvent, en entier ou en
partie, d’appuis et d’argument pour les gens qui savent s’en servir et
les employer à leurs places dans les discours pour les illustrer et les
argumenter. C’est comme si on présentait une expérience déjà vécue
pour confirmer notre propos. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce
sont les hommes qui manient le verbe et manipulent les fabliaux qui
sont conviés à assister à lejmaâ pour régler les problèmes et conflits
entre personnes, entre familles ou encore entre tribus.
7/ La fluidité dans la manipulation de son texte et de sa
longueur :
Les fabliaux se présentent, déjà à l’origine, sous forme de
textes assez courts. Cela facilite à l’auditoire leur mémorisation. En
les racontant encore une fois, on n’est pas tenu de reprendre le texte
initial dans sa totalité puisqu’il y a une fluidité totale dans la
manipulation de leur longueur, de leur lexique et de leur contenu. On
peut même les ramener à leur simple morale on ne citant que le dicton
avec lequel ils finissent. C’est, d’ailleurs, une manière de mettre
l’autre à l’aise car cela peut signifier qu’il connait l’histoire et qu’il
vaut mieux faire l’économie de la reprendre en entier.
[101]
8/ Le rapport avec le réel et la réalité :
Nous avons souligné plus haut que les fabliaux ont une relation
intime avec la réalité spatio-temporelle de la communauté kabyle. Par
ailleurs et dans 40% des cas des fabliaux collectés pour notre corpus,
l’histoire racontée est réelle. Dans la majorité des cas restant, l’histoire
dite apparait comme réelle et le fait qu’on y fasse parler, personnifier,
les animaux, les insectes, les oiseaux et la nature renvoie plutôt à des
symboles qui reprennent cette réalité sous des formes imagées. On ne
fait appel à l’imaginaire ou au surnaturel que très rarement :
D’ailleurs, même les personnages de ces petites histoires sont à 99%
réels ou tirés de l’environnement immédiat de la société.
9/ Les personnages :
Pour poursuivre dans le réel et s’écarter de l’imaginaire et
du merveilleux même si on fait parler de temps à autre les animaux et
la nature en les personnifiant, les personnages cités dans les fabliaux
sont tirés à 99% du réel et de l’environnement immédiat de la
communauté : Humains (am$ar, tam$art, argaz, tameîîut, aqcici,
taqcict), animaux domestiques et sauvages, nature). Par ailleurs, le
nombre de personnages est, souvent, limité dans la majorité des
fabliaux (95%), entre un et deux car le but n’est pas de tarder dans une
histoire ou de la compliquer mais de transmettre un message et une
morale pour orienter l’individu au sein de la société.
Conclusion:
La spécificité la plus pertinente des fabliaux comparés aux
contes c’est certainement ce rapport avec le réel et la réalité. Celui-ci
peut être expliqué par le rapport direct des fabliaux avec la vie
quotidienne des gens car ces textes ciblent les sentiments et l’esprit
des membres de la communauté pour les éduquer, les orienter et les
aider à se remettre dans le droit chemin, mais, aussi et surtout, pour
régler les conflits et les querelles, si nombreux, existant entre les
individus et/ou les groupes.
[102]
Bibliographie :
Bibliographie :
GRIM M., Contes et légendes kabyles du Djurdjura, Librairie
bleue, 1999.
HADDADOU M-A., Introduction à la littérature berbère, Haut
commissariat à l’amazighité, Algérie, 2007.
IMARAZENE M., Timâayin n Leqbayel, Imprimerie les oliviers,
Haut commissariat à l’amazighité, Algérie, 2007.
[103]
Mohia et le renouvellement des genres littéraires amazighs
---------------------Farida HACID
Université Mouloud MAMMERI de Tizi Ouzou
Figure charismatique de la langue et culture amazighes,
Mohia dit « Mohand u Yahia » est d’une humilité exemplaire.
Membre actif de la cause identitaire, il s’engage corps et âme pour
donner un autre visage, radieux cette fois-ci, à sa culture par le kabyle
pour les Kabyles.
Quel est l’apport de Mohia aux genres littéraires amazighs en
traduisant, adaptant et réécrivant des œuvres d’auteurs étrangers ?
Comment renouvelle-t-il la littérature et la culture amazighes
en introduisant de nouvelles réflexions sur les genres théâtral et
poétique ?
Quel est l’impact de l’ensemble de son œuvre sur les genres
littéraires kabyles contemporains ?
Par ses travaux, particulièrement, sur le théâtre et la poésie, il
défie la chronique et bouleverse les genres de la littérature algérienne
d’expression amazighe en adjoignant les subtilités de sa langue
vernaculaire et en usant d’un style où se mêlent sérieux, humour,
ironie, parodie et bien d’autres procédés linguistiques qu’on ne trouve
communément que dans le kabyle, mélange de langues , codes
switching : le langage d’un peuple qui estparfois friand de
multiculturalisme et d’interculturalité où le style imagé ouvre une voie
royale à la création et à la créativité.
Devant cet état de fait, la traduction peut poser des problèmes
de sens sous-jacents à la langue cible. Seule alternative, on adapte le
texte pour éviter des blocages ou on recourt aux emprunts, si
nécessaire. Le kabyle est une langue économe, parfois avare en mots.
Seul son discours poétique peut ouvrir les portes à l’adaptation
Alioui Youssef affirme que parfois « (…) la langue kabyle ou
la langue amazighe en général est très économe de ses mots. C’est
pour cela qu’elle s’entoure d’hapax, de métaphores et de nombreux
stratagèmes linguistiques (apocope, aphérèse, syncope, épenthèse et
[104]
ellipse) qui lui donnent un cachet susceptible d’intéresser des
chercheurs en sciences sociales. »1
Mohia appréhende cette complexité langagière, que certains
considèrent, à tort, vernaculaire, un dialecte sans lendemain et sans
attaches avec la réalité du moment…Il sait qu’il faut ébranler la
machine du simulacre dans lequel est incarcérée la langue de tout un
peuple. Un peuple qui l’a sauvegardée, depuis des millénaires et au
prix de milles sacrifices, de l’oubli, de la désuétude et des conflits
culturels divers et chroniques.
Pour faire taire les mauvaises langues, Mohia s’attelle donc à
mettre à l’épreuve la langue kabyle. Il l’utilise pour traduire les
œuvres d’auteurs étrangers ou pour les adapter au contexte culturel
amazigh.
N’est-ce pas Mohia qui avoue que « Le fait d’adapter des
auteurs contemporains, et d’une manière générale des auteurs
appartenant à des civilisations différentes de la nôtre, revient encore
à situer notre expérience vécue par rapport à celle vécue par d’autres
hommes sous d’autres cieux. A défaut d’en tirer des règles de
conduite, la chose au demeurant ne peut que nous aider à faire
l’économie de certaines erreurs, quand il se trouve que celles-ci ont
déjà été commises par ces autres hommes. Cela revient assurément
aussi, oui, à compléter, sinon à remplacer, nos vieilles références
culturelles par d’autres références moins désuètes.»2
On comprend par-là que la traductionet/ou l’adaptation sont
autant de moyens pour sauver les genres littéraires kabyles du
dépérissement et du ressassement thématiques.
La pratique de l’adaptation, selon toujours Mohia, « offre des
possibilités réellesde tirer profit de l’expérience des autres. »3
Tirer profit, ce n’est pas, bien entendu, mimer stupidement les
autres. L’adaptateur est celui qui s’arme d’outils théoriques inhérents
aux genres littéraires et qui s’intéresse en premier lieu au canevas sur
lequel est construite une œuvre, aux procédés d’élaboration, aux motsclés et à la structure de celle-ci.
1
Alioui Youssef, L’ogresse et l’abeille, L’Harmattan, Paris, 2007, p.7.
Muhand u Yahya, Entretien in revue Tafsut,n° 10 (série normale) avril 1985,Tizi-Ouzou, p.
49.
3
Ibid.p.48.
2
[105]
Une fois le terrain et les données de l’objet à adapter sont
circonscrits, on commence à travailler sur la visée culturelle que
véhiculent les mots d’une langue lorsqu’on les transcrit dans une
autre.
L’adaptateur est un artiste qui voit son œuvre se déconstruire,
se reconstruire jusqu’à atteindre une forme plus ou moins
satisfaisante.
« Ce n’est donc qu’après avoir disséqué une œuvre, afin d’en
percer les secrets, que l’adaptateur procède au travail d’adaptation
proprement dit, c’est-à-dire à la reconstruction de celle-ci au moyen
de matériaux qu’il puise dans son environnement culturel.»1
Une fois le travail d’adaptation ficelé, l’œuvre finale de
l’artiste-adaptateur doit trouver nécessairement une place privilégiée
dans l’univers culturel adoptif. Autrement dit, l’adaptateur doit user
d’outils théoriques appropriés pour ancrer et inscrire son œuvre dans
un système de codes propre à un genre déterminé. (Le théâtre, la
poésie, la fable, par exemple).
L’un des premiers renouvellements des genres amazighs ou de
la littérature traditionnelle amazighe est dû à l’adaptation d’œuvres
d’auteurs étrangers d’époques et d’horizons différents.
La littérature amazighe est revigorée par toutes ces traductions
ou adaptations cosmopolites que Mohia défend : « l’adaptation
d’auteurs étrangers nous donne ainsi le moyen concret de renouveler
notre production, de la revivifier »2
L’adaptation ouvre à notre culture la voie royale de la
poétique et de la transtextualité.
Gérard Genette souligne à ce propos que « l’objet de la
poétique n’est pas le texte (…) mais l’architexte ou si l’on préfère
l’architextualité du texte( comme on dit […] la littérarité de la
littérature), c’est-à-dire l’ensemble des catégories générales ou
transcendantes – types de discours, modes d’énonciation, genres
littéraires, etc. – que cet objet est la transtextualité, ou transcendance
1
2
Ibid.p.48.
Ibid.p.47.
[106]
textuelle du texte que je définissais déjà grossièrement, par tout ce qui
le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes.»1
Partant de ce postulat sur la traduction ou l’adaptation de
productions littéraires d’auteurs étrangers, Mohia acquiert une autre
donnée pour promouvoir le champ de la production littéraire
amazighe, à savoir la création-recréation ou la créativité. L’adaptation
conduitindubitablement à la création et la création à la réécriture.
Chez Mohia, il s’agit en réalité plus de synergies de réécritures ou
d’adaptation de genres d’auteurs étrangers.
De la traduction a l’adaptation
Dans son ensemble, la traduction est un fait herméneutique
plutôt qu’un phénomène linguistique. Dans cette optique, un peu
générale, l’opération traduisante repose sur des faits de discours que
sur des valeurs de langue. Pour être, dans ce cas, d’une efficacité plus
ou moins extrême, elle ne doit pas perdre de vue la culture de départ ;
comme elle aaussi le devoir d’adaptation à la culture d’arrivée. Mohia
gomme les frontières ou délimitations imposées par la traduction. Il
considère que le discours, à traduire, véhicule toujours, et parfois rien
d’autres, que des substrats culturels.
Dans ce sens, la traduction vise donc à supprimer ou à
éradiquer les frontières linguistiques et culturelles entre les différents
publics (dans le genre théâtral) ou lecteurs (dans le genre romanesque
ou sous-genreps : la chanson, la parodie ou le fabliau).
De l’adaptation a la réécriture
Une création théâtrale satisfaisante réside sans doute dans une
bonne traduction ou adaptation. Mohia a adapté en kabyle un grand
nombre de pièces théâtrales écrites par des dramaturges de renommée
mondiale tels que Bertolt Brecht, Samuel Beckett, Molière.
En ouvrant la lucarne de l’adaptation, Mohia éclaire de son
génie novateur et provocateur, les combles dans lesquels est
incarcérée la littérature algérienne d’expression amazighe.
Pionnier dans le domaine du théâtre kabyle moderne, Mohia
« (…) d’adaptations en créations, a, en d’autres termes, fait de ce
théâtre très populaire parmi les émigrés (on y vient en famille), un
1
Gérard Genette, Palimpsestes, (la littérature au second degré, Essais, édition Seuil, 1982, p.7
[107]
véritable laboratoire littéraire. Une langue est une rhétorique
moderne s’y constituent dans la pratique et dans la réflexion, avec une
fonction voulue d’éveil critique et le souci d’une langue évoluée, avec
aussi un passage à l’écrit. »1
Les adaptations de Mohia puisent, dans la plupart des cas, leur
ton typique dans l’investissement de l’ironie et parfois même de la
dérision.
Morella Daniela soutient à ce sujet que « le ton typique de ses
pièces théâtrales est celui de l’ironie,de la dérision qui vise toute
forme de totalitarisme étatique ainsi que, et peut-être encore plus, les
stéréotypes, les idées enracinées, les faiblesses et les illusions du
public kabyle. »2
L’adaptation, qui est un procédé de la traduction, est renforcée
par l’adjonction de l’ironie et de la dérision dans le discours
dramaturgique. La méthode de la traduction par Muhend U Yahia, qui
s’apparente plus à une forme de création que d’adaptation d’œuvres
d’auteurs étrangers, est un peu particulière. Selon Galant-Pernet
Paulette : « (…) Mohia a pris pleinement conscience du fait que la
traduction telle qu’il la conçoit n’est pas une correspondance de mot
à mot, ni de phrase à phrase, mais qu’elle est en même temps et
surtout un exercice de recréation du contexte de situation entre les
personnages, qui aboutit à une formulation vivante dans la langue
cible. »3.
Les deux pièces de théâtre adaptées en kabyle par Mohia,
Tacbaylit 4 et Si Lehlu 5 ,nous éclairent davantage sur les procédés
utilisés. D’abord, il opère un ancrage (actoriel, spatial, temporel) de
1
Galand-Pernet Paulette, Littératures des berbères, des voix et des lettres, Paris, PUF, 1998,
p.226.
2
Morella Daniela, « Amazigh : « La production culturelle entre oralité, écriture, audio-visuel
et Internet » », In La littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives,
IRCAM, 2004, p.293.
3
Galand-Pernet Paulette, « Mohia 1970, quelques notes » in études et documents berbères, N°
24, 2006, p.29.
4
Tacbaylit est l’adaptation de la Jarre de l’Italien Luigi Pirandello (1867-1936). Elle a été,
comme on le sait, traduite en français par Jean Michel Gardair. A l’origine c’est une nouvelle.
Mohand Ouyahia l’a traduite en 1982 et mise en scène par plusieurs troupes théâtrales
kabyles.
5
Si Lehlu est l’adaptation de la comédie « la farce » du dramaturge français Molière, au
XVIIe siècle, intitulée Le Médecin malgré lui ; mise en scène pour la première le 6/08/1666 au
palais royal. Adaptée en kabyle en 1986 parue en deux parties dans la revue Awal n°2 et 3.
[108]
ces deux pièces dans un univers contemporain de chez nous. Elles sont
immédiatement adoptées par le public kabyle.
La réécriture, une forme de création
Si l’adaptation obéit à la réécriture et la réécriture bannit les
frontières linguistiques et culturelles des langues, la création produit
des textes neufs. Des textes qui ont un ancrage social, culturel
nouveau pour s’insérer, sociolinguistiquement parlant, dans le
contexte de la langue et de la culture cibles.
Selon Marc-Emmanuel Melon1, « l’adaptation est une pratique
detransposition d’une œuvre d’un mode d’expression vers un autre ».
Pour Alain Viala,la création« produit des textes neufs. Dans une
acception stricte, création serait à entendre comme écriture d’un texte
à tous égards original »2.
Il va de soi que la création, au même titre que l’adaptation, met
à l’épreuve la langue kabyle. « La langue fellahi » 3 , le kabyle
populaire afin de dire les réalités sociales et culturelles des kabyles et
faire avancer leur société.
L’adaptation et la récriture sont deux procédés largement
utilisés de façon délibérée par Mohia pour faire gagner du temps, de
l’efficacité et de l’énergie aux chercheurs chargés de la promotion et
du renouvellement des genres littéraires amazighs. Comment ? En
profitant des expériences des autres (notamment dans les genres
littéraires).
La littérature a traduit les auteurs de l’Antiquité, soit du grec
ou du latin au français (à l’époque de la Renaissance.
Dans l’interview accordée à la revue Tafsut, Mohia
confirme :« (…), je suis enclin à penser que la pratique courante de
l’adaptation, si elle venait à se répandre chez nous, devrait jouer un
rôle décisif. Ce serait véritablement le raccourci qui nous permettrait
de rattraper des siècles de retard en quelques années »15. Ces deux
pratiques ont été délibérément utilisées par les auteurs depuis
1
Marc-Emmanuel Melon, « Adaptation », In Le dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif
sous la direction de Paul Aron…), PUF, Paris, 2002, p.4.
2
Dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif), PUF, Paris, 2002, p.123.
3
Lounaci Mohand, « Mohia, voix, mots et révolution », In Tifin : revue des
littératures berbères, Mohia, esquisse d’un portrait, Achab, Tizi-Ouzou, Algérie,
2011, p. 74.
[109]
pratiquement le Moyen-âge français à nos jours : par exemple, les
humanistes des 16e et 17e siècles français ont traduit ou adapté des
auteurs de l’Antiquité gréco-romaine (Virgile, Eschyle, Aristote,
Platon, Esope…), Molière ou Racine qui se sont inspirés des auteurs
antiques,le fabuliste Jean De La Fontaine qui s’est intéressé aux fables
d’Esope, etc.S’inspirer de l’expérience des autres n’est pas une honte.
Cette pratique, un peu originale, constitue un trésor et un butin
littéraires dignement gagnés avec moins d’efforts, peu de moyens, et
beaucoup d’imagination et d’intelligibilité.
Pour les genres littéraires amazighs, l’adaptation et la
réécriture sont par conséquent deux pratiques (une sorte de cure de
jouvence) qu’il faut vulgariser pour faire redécouvrir de nouvelles
formes narratives ou théâtrales au lecteur ou spectateur kabyles. Par
exemple, la tragédie, la comédie, le drame (où prédominent
quelquefois l’ironie, la dérision, la parodie, le pastiche et l’imitation)
sont autant de genres pour redynamiser et insuffler une âme nouvelle à
la littérature amazighe en souffrance. Ces deux pratiques ont des
visées multiples :
-
-
-
Le renouvellement et l’enrichissement des genres littéraires
amazighs ;
L’adaptation permet aussi bien la recherche de nouveaux moyens
d’expression que de nouvelles formes de narration pour les genres
littéraires amazighs ;
L’adaptation, en langue kabyle, d’œuvres d’auteurs étrangers, est une
source de nouveaux dispositifs d’expérimentation ;
L’adaptation ouvre des horizons prometteurs et riches en découverte
de nouveaux genres et de nouvelles thématiques littéraires ;
L’adaptation est un exercice de style qui sert à transformer un texte
non dramatique (roman, récit, nouvelle) en texte pour scène (le cas de
Tacbaylit) ;
L’adaptation dépasse le cadre de l’appropriation d’un texte source.
Elle est transposition intelligente, transfert subtile d’une forme
artistique d’un savoir-écrire vers un autre, d’un langage à un autre.
L’inventaire des bienfaits de l’adaptation à la littéraire est long.
C’est un fait inévitable et nécessaire. Pour sortir des sentiers battus,
notre littérature a fortement et forcément besoin de ce type
d’adaptation, à condition qu’elle soit bien entendu prise en charge ou
entreprise par des professionnels et non des amateurs.
[110]
Qu’en est-il de la réécriture ?
La réécriture est considérée comme une nouvelle source
intarissable pour d’éventuelles techniques d’écriture dont a
fiévreusement besoin la littérature amazighe.
La théorie de l’intertextualité, quant à elle, pourrait, à la
longue, ouvrir de nouvelles perspectives sur et pour les genres
amazighs. Adopter et adapter la pratique de l’intertextualité à notre
littératureest un passage obligé dicté par la conjoncture historique
contemporaine : une culture qui n’évolue pas, en évoquant tous les
moyens imaginables, meurt ou finit par disparaître.
La réécriture, comme nous le savons, se rencontre dans toute
littérature, surtout dans celle qui est dite contemporaine. C’est un
travail sur le langage dans le langage et par le langage pratiqué par
une communauté.
Elle fournit aux nouveaux genres littéraires, par exemple le
théâtre (cas de Mohia) et le Nouveau-Roman, une excellente pratique
de subversion des modèles et des formes d’écriture, considérés désuets
ou révolus par les critiques.
Pour sortir de son marasme, de sa stagnation et de sa léthargie
morbides, les chercheurs en herbe doivent s’initier, comme l’a fait
Mohia, aux typologies ou types de réécriture. Beaucoup de chercheurs
les ont bien compris et les ont déjà pratiqués.Les chercheurs en herbe
dans les genres amazighs et pourquoi pas nos écrivains (comme a fait
le français Raymond Queneau dans ses exercices de style) ne
s’efforcent-ils pas, par exemple, à adopter et à adapter la réécriture
intra-textuelle, la réécriture intertextuelle et la réécriture macrotextuelle de façon délibérée et à des fins poétiques ?
Qu’en est-il de l’intertextualité comme perspective et
prospective pour notre littérature et pour nos genres amazighs ?
La notion d’intertextualité, initiée par Julia Kristeva, par ses
adeptes, redéfinie par Gérard Genette est un concept révolutionnaire
qui permet d’ordonner, ou plutôt d’ordonnancer et de catégoriser la
littérature amazighe dans ses moments de débâcle.
Gérard Genette la redéfinit dans Palimpsestes comme « une
relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire
eidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d’un texte
[111]
dans un autre. Sous sa forme la plus explicite et la plus littérale, c’est
la pratique(…) de la citation, (…) du plagiat, (...) de l’allusion. »1
Si nous paraphrasons quelques théoriciens de la littérature,
nous pouvons dire que la notion de genres doit s’inscrire dans un vaste
réseau de transaction de discours sociaux. Elle doit s’inspirer, imiter
d’autres textes, autres que ceux qui lui sont contemporains, pour se
repérer, se positionner, se reconstituer, se reconstruire et s’actualiser
dans le vaste champ de la littérature universelle, sans cesse ébranlé ou
déconstruit.
Il faut partir du principe que tout texte, selon Roland
Barthes, « est un intertexte ; d’autres textes sont présents en lui à des
niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables :
les textes de la culture antérieure, ceux de la culture environnante (…)
tout texte est donc un tissu de citations révolues. »2
Tous les ingrédients sont dans notre culture. Avec un minimum
de volonté et beaucoup d’ingéniosité, on peut créer de nouvelles
recettes d’écriture. Il faut dire qu’il ya beaucoup à dire sur notre
artiste-artisan ;artisan du verbe, artisan du mot, artisan de la phrase,
artisan de la culture.Il sait ciseler, forger, modeler, exhorter les
foules.Il mérite son nom sur la toile, le Net du savoir.Ilest l’une des
constellations dans l’univers culturel kabyle en particulier et amazigh
en général qui illumine le savoir de notre patrimoine littéraire et qui a
éveillé,éveille et éveillera toutes les consciences avides de
connaissances cosmopolites.
En guise de conclusion générale, Mohia insiste sur l’urgence
du renouvellement des genres amazighs. Ce renouveau réside
principalement dans les techniques de la traduction et de l’adaptation
des textes d’auteurs étrangers. Quelques techniques, telles que la
traduction littérale, la réécriture, la transposition, la substitution,
l’équivalence, l’amplification et la réduction, apporteront certainement
de nouvelles “touches” pour mieux appréhender la place de
l’amazighité dans l’universdes littératures universelles. Pour aspirer à
l’universalité, ce passage est donc souhaité pour ne pas dire nécessaire
ou inévitable. Par conséquent, la redynamisation des genres littéraires
sont en corrélation avec trois niveaux de transformation textuelle : la
transformation thématique, la transformation linguistique et la
1
2
Gérard Genette, Op.cit., p. 8.
Roland Barthes, « Théories du texte », In : Encyclopaedia Universalis, Paris, 2011.
[112]
transformation esthétique et/ou poétique. Ces trois transformations
constituent, à elles seules, un gage d’avenir certain et une
consolidation indéfectible du terroir et du patrimoine de la littérature
amazighe contemporaine.
Bibliographie
•
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Alioui Youssef, L’ogresse et l’abeille, L’Harmattan, Paris,
2007.
Barthes
Roland,
« Théories
du
texte »,
In :
EncyclopaediaUniversalis, Paris, 2011.
Galand-Pernet Paulette, Littératures des berbères, des voix et
des lettres, Paris, PUF,
1998.
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études et documents berbères,24,2006,PP.15-39.
Genette Gérard, Palimpsestes, la littérature au second degré,
Essais, édition Seuil, 1982.
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Tifin : revue des littératures berbères, Mohia, esquisse d’un
portrait, Achab, Tizi-Ouzou, Algérie, 2011.
Melon Marc-Emmanuel, « Adaptation », In Le dictionnaire du
littéraire (ouvrage collectif sous la direction de Paul Aron…),
PUF, Paris 2002.
Morella Daniela, « Amazigh : « La production culturelle entre
oralité, écriture, audio-visuel et Internet » », In La littérature
amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives,
IRCAM, 2004.
RevueTafsut, n° 10(série normale) avril 1985, Tizi-Ouzou,
réédité par Timmuzgha, HCA, Alger, octobre 2004.
Dictionnaire du littéraire (ouvrage collectif), PUF, Paris,
2002.
[113]
Tullist kabyle : réflexions préliminaires sur le corpus
---------------------Amar Ameziane
Mohand Akli Salhi
Crb-Lacnad Inalco
Laela-Dlca Ummto
Notre contribution portera sur un genre en construction,
dénommé tullist, et tentera de discuter le corpus qui le compose.
Le terme tullist a été introduit en kabyle en 1973 dans
l’Amawal 1 pour désigner la notion générique équivalente à
« nouvelle » en français. Il a été utilisé comme élément paratextuel
pour la première fois au début des années quatre-vingt, dans le texte
Ablaḍ de Muh Bilek, paru dans la revue Tisuraf 2. Le premier recueil
de tullisin, conçu comme tel, Nekkni d wiyiḍ de Kamal Bouamara3 a
été publié en 1998 par le HCA. Entre ces dates, de nombreux textes
(généralement de deux à une dizaine de pages) ont été publiés sans
précision générique. On relève le même constat pour la période
précédant la première date4 et la période couvrant les quinze dernières
années.
Nos premières observations nous ont conduits à nous
intéresser de prime abord au(x) type(s) de textes et aux limites de ce
corpus. Cette question est d’autant plus importante qu’elle se pose
comme une condition méthodologique essentielle de la suite et de
l’orientation que nous voulons donner à l’étude de tullist. En effet, elle
est déterminante aussi bien de l’évolution de ce qu’on pourrait
considérer comme « le genre de la nouvelle » en kabyle, des types de
textes qui s’y insèrent que des tendances poétiques que l’analyse est
appelée à y définir. Qu’est ce qui compose donc le corpus de cette
catégorie de textes appelée tullist ? C’est à cette problématique que
seront consacrées les lignes suivantes.
1
Ce terme est donné dans la nomenclature des termes néologiques se rapportant à la
vie moderne sous la morphologie tullizt. La nomenclature en question porte le titre
Amawal n tmaziɣt tatrart (sous la responsabilité de Mouloud Mammeri).
2
Tisuraf, n° 7, pp. 72-78. Ce texte est une continuité de Tazwara, un autre texte paru
dans le n° 6 de Tisuraf (pp. 57-59). La mention tullizt n timmalt (nouvelle de fiction)
a servi à qualifier le genre du texte. Le même auteur considère comme une nouvelle
son texte Timlilit, paru dans le même volume (n° 7) de la revue Tisuraf.
3
Ce recueil a été réédité par Tira Editions en 2009.
4
Voir l’étude de Sadi sur le texte Jeddi de Belaid At Ali.
[114]
Les éléments de réponse préliminaires proposés ici seront mis
en relation avec la question de la généricité des textes car le corpus et
le genre sont, pour nous, dans une relation de justification mutuelle.
Nos premières lectures concordent sur deux traits. D’un côté,
nombreux sont les textes qui ne portent pas la mention
architextuelle tullist mais qui contiennent les traits formels les plus
importants de la « nouvelle » (au sens occidental du terme). De
l’autre, certains textes (publiés isolément ou dans un recueil) sont
désignés comme tullist mais leur poétique les rapproche soit du
roman, soit du conte. Parfois, certains textes présentent une poétique
hybride participant à la fois du romanesque et du style oral du conte.
Se pose alors la question de la limite du corpus de cette
catégorie de textes. Doit-on limiter le corpus aux textes désignés
explicitement par la mention tullist ? Doit-on intégrer dans ce corpus
les textes qui ne portent pas cette mention et, éventuellement, ceux qui
portent d’autres mentions génériques mais qui présentent une poétique
proche de la nouvelle ? Ou encore, pour élargir la sphère de cette
problématique, intégrer l’étude de cette catégorie de textes dans une
interrogation globale dédiée à l’étude des récits brefs ?
Borner l’étude au corpus dénommé par le terme tullist a certes
l’immense avantage, et le confort, de la limitation, de la clarté et de la
faisabilité de la recherche. L’histoire du genre est également encadrée
par cette même dénomination et cette même limitation. Ce faisant, on
perd cependant de vue un aspect important de la littérature
contemporaine à savoir que cette dernière est d’émergence récente et
qu’elle est la conséquence d’une confrontation entre deux conceptions
sociales de la pratique littéraire : l’une est liée globalement à la
tradition orale et l’autre tire sa substance de la vie moderne où les
contacts culturels jouent un rôle important. L’analyste doit prendre en
considération les changements littéraires qui se sont produits dans le
passage progressif de l’oralité à l’écriture, autant dire d’un système
littéraire à un autre. Dans ce passage l’émergence de nouveaux textes
a précédé leurs dénominations.
Par ailleurs, très marqués par ce même passage, d’autres textes
portent une identité hybride tirant du patrimoine littéraire ses
matériaux tout en ayant une essence novatrice. Ces faits encouragent
l’analyste à partir de l’interrogation globale des récits brefs et à
[115]
délimiter le corpus de tullist kabyle en se donnant des critères propres
à la nature des textes étudiés. L’entreprise est séduisante car elle
s’inscrit dans une approche analytique (pour dégager la poétique des
textes) et comparative (afin de séparer les genres de textes), encadrée
par une vision ethnolinguistique (pour mieux situer et la conception
littéraire et esthétique des textes et de leur histoire) tout en prenant en
considération les contacts culturels produits dans l’espace kabyle et
qui sont déterminants dans son évolution.
Tout en rappelant le caractère périphérique de la littérature
kabyle et son invisibilité dans le champ littéraire algérien, qui rendent
difficile le recensement des publications, on note du point de vue
bibliographique, près d’une trentaine de recueils édités, dont ceux qui
suivent :
• Abdenbi Ramdane, 2010, Timsirin n tudert akked tullisin nniḍen, Tira
Editions, Béjaia ;
• Abdenbi Ramdane, 2013, Aqcic akked yiɣid akked tullisin nniḍen, Anep,
Alger.
• Achouri Youcef, 2012, Aklan n tayri akked tullisin nniḍen, HCA, Alger.
• Ait Ighil Mohand, [1999], Allen n tayri, tazwart Amar Mezdad, Tiddukla
Tadelsant Tamaziɣt, Bgayet.
• Ait Ighil Mohand, 2000, Atlata. Tullizin, Tiddukla Tadelsant Tamaziɣt,
Bgayet.
• Ait Ighil Mohand, 2003, Tchekhov s teqbaylit. Tullizin, [s.e.], [Béjaia].
• Ait Kaci Mohamed Arab, 2011, Ṭaṭabaṭaṭa. Tullisin, Editions Mehdi,
Tizi-Ouzou.
• Ait Kaci Mohamed Arab, 2014, Idɣaɣen n tefsut. Tullisin, Akma
Editions, Tizi-Ouzou.
• Bessaci Islam, 2011, Azal n tayri akked tullisin nniḍen, HCA, Alger.
• Bessaci Islam, 2014, Daɛwessu n yimawlan, HCA, Alger.
• Bouamara Kamal, 2009, Nekni d wiyiḍ. Tullisin, Tira Editions,
Béjaia.[HCA, 1998, Alger].
• Bouzeboudja Noufel, 2013, Ahya Ssimra! Tullisin, Tira Editions, Béjaia.
• Chemakh Said, 2008, Ger zik ed tura (d tullisin ed yeḍrisen nniḍen),
Editions Baghdadi, Alger.
• Chikhi Mokrane, 2014, Akud n yilem, HCA, Alger.
• Gide André, 1996, Tuɣalin n weqcic ijaḥen, tasuqilt Kamal Bouamara,
Tiddukla tadelsant Tamaziɣt Bgayet.
• Guy de Maupassant, 2009, Amneṭri akked tullisin-niḍen, tasuqilt Ahmed
Hamoum, tazwart
[116]
• Abdennour Abdesselam, Association Culturelle n ‘Imazighen de
Belgique, [Béjaia].
• Halouane Hacene, 2014, Tamekrust akked tulmisin nniḍen, HCA, Alger.
• Ḥud Malek, 2008, Timsirin n yiḍ. Tullisin, Tira Editions, Béjaia.
• Ifsan n tamunt, Tullisin n tmurt n tmazgha, Tira Editions, Béjaia.
• Irnaten Mourad, 2013, Di lǧerra-k ay awal, Lulu.com.
• Mezdad Amar, 2003, Tuɣalin d tullisin nniḍen, [s.ed.], Béjaia.
• Ouslimani Remdane, 2004, Akli ungif, HCA, Alger.
• Tazaghart Brahim, 2003, Lǧeṛṛat, [s. ed.], [Béjaia].
• Zimu Mourad, 2010, Ameddakel d tullisin nniḍen, Tira Editions, Béjaia.
• Zimu Muṛad, 2005, Tikli d tullizin nniḍen, HCA, Alger.
A ces recueils, il faut ajouter la rubrique Tullist dans la revue
Tamaziɣt tura1 du Haut- Commissariat à l’Amazighité. L’inventaire
des textes qui composent la catégorie tullist doit également inclure
tous ceux qui portent cette mention et qui sont publiés dans des
revues, des journaux et des sites Internet2.
Si cette catégorie présentée sous forme de recueil a l’avantage
de la limitation du corpus du fait que les textes sont dénommés
tullisin, par l’auteur ou par l’éditeur, il n’en demeure pas moins que la
question de la généricité de certains d’entre eux mérite d’être soulevée
et étudiée de manière approfondie car la seule mention sur la
couverture, la page de garde ou sur la quatrième de couverture (ou
ailleurs) ne peut être une garantie suffisante de l’identité générique de
ces textes. Il est à notre sens plus important de ne pas perdre de vue
que les nouveaux genres littéraires auxquels ils appartiennent sont en
construction. L’imprécision qui peut caractériser leurs genres semble
significative de ce processus de passage de l’oralité à l’écriture mais
également une conséquence importante de ce processus de
changement. Les exemples sont nombreux : nous pensons ici, entre
autres, aux recueils respectifs de Djamel Arezki3, de Malek Houd1 qui,
1
Cette revue compte présentement 12 numéros. Le numéro 11 a été entièrement
consacré à tullist.
2
Ce travail bibliographique est nécessaire afin non seulement de quantifier les textes
de tullist mais également de bien établir l’histoire du genre. La position périphérique
de la littérature kabyle est une condition qui explique l’invisibilité des textes. Il faut
signaler ici le rôle que joue la cyber-revue Ayamun (74 numéros depuis 2000) entre
autres dans la diffusion des textes.
3
Djamel Arezki est inspecteur de langue amazighe, nouvelliste et collecteur de
contes kabyles qu’il présente en traduction française.
[117]
d’après nos premières lectures, oscillent entre l’écriture de la nouvelle
et le style oral du conte. La narration dans certains de leurs textes est
proche de celle pratiquée dans les contes traditionnels. Dans d’autres
recueils, on remarque également un va-et-vient entre la poétique du
récit bref et celle du roman. Nous pensons plus particulièrement aux
textes de Mohand Arab Ait Kaci et, à un degré moindre, à ceux de
Mourad Zimu. A titre d’illustration, dans ses deux recueils, Ait Kaci
multiplie les personnages dans plusieurs textes, à l’instar de Tanekra,
Taflukt et Arrac n tefsut dans son second recueil, et les amplifie à
volonté par des caractérisations diverses. . Le même auteur se
distingue notamment par la longueur narrative de ses textes, qui incite
à y voir des marques du romanesque.
La constitution des textes en recueil est également
problématique dans la mesure où, suivant l’état présent des recueils en
kabyle, la relation entre les textes qui composent l’ensemble n’obéit
pas, dans plusieurs cas, à un même univers thématique. Une partie de
ces recueils est intitulée par le titre de l’un de ses textes, suivi de la
mention d tullisin nniḍen (et autres nouvelles). Rares sont les recueils
unis par un même univers thématique. Nous pensons plus
particulièrement à Nekni d Wiyiḍ de Kamal Bouamara et à Tuɣalin
d’Amar Mezdad.
Par ailleurs, de nombreux textes sont publiés généralement
dans des revues et des journaux ou dans des ouvrages avec d’autres
types de textes (comme les poèmes par exemple). C’est le cas entre
autres des textes de Mezian U Muh2 et ceux d’Arab Sekhi3. Les textes
en prose de ces derniers se caractérisent par l’hybridation générique.
Les textes du premier revêtent l’apparence de la confidence et du
journal intime. Présentés sous forme de discours onirique, les récits
s’appuient sur la narration des fragments autobiographiques. Ceux du
second se rapprochent de réflexions mises en narration. La mise en
contexte des personnages, par exemple, y participe plus de la
validation des contenus (moral, philosophique, identitaire, etc.) que de
la construction de l’intrigue.
1
Malek Houd est enseignant de la langue amazighe, poète, nouvelliste, traducteur et
transcripteur de contes traditionnels.
2
Mezyan U Muh est auteur de quatre ouvrages : Tirga umedyaz (1987), Lḥif yuran
(2000), Tirga (2014)
3
Arab Sekhi est l’auteur de Abruy…tirect , Trafford, Victoria (Canada), 2009.
[118]
A un autre niveau, celui de l’origine du genre en relation avec
les textes qui l’exemplifient, il est, à notre sens, plus prudent de ne pas
se limiter les horizons d’analyse. Car s’il est facile de soutenir que le
genre tullist (pris comme équivalent exact de la nouvelle dans son
sens occidental) constitue un emprunt à la culture occidentale, cette
explication se heurte au cas des textes issus de la recomposition des
textes oraux. Des auteurs comme Mezdad et Bouamara empruntent
clairement des matériaux traditionnels dont ils font de nouveaux textes
avec une nouvelle poétique1. La mise en relation de certains textes
appelés tullisin avec tiḥkayin (récits oraux traditionnels) et, à degré
moindre, avec timɛayin doit ainsi être prise en considération
notamment dans l’étude des ressemblances au niveau des traits de la
vraisemblance et de la narration2.
Les quelques considérations développées ci-dessus
permettront, nous l’espérons, de baliser l’étude d’un « genre » en
construction dont l’émergence est rendue problématique par son
propre corpus. Plusieurs raisons sont à l’origine du flottement des
limites de ce dernier. Elles sont liées essentiellement liées au contexte
d’apparition des textes (Salhi, 2013) et aux sources de ces derniers. Si
les pratiques de la traduction, au sens premier du terme, permettent à
un genre d’intégrer un espace culturel, l’adaptation, dans toutes ses
formes, constitue une forme de négociation entre l’emprunt littéraire
et les moules culturels et esthétiques de cet espace. Par ailleurs les
relations au patrimoine littéraire y sont multiples et diversifiées. Elles
sont, en dehors des cas de transcriptions, des reprises légèrement
remaniées, des recompositions sensibles des matériaux littéraires et
parfois des attitudes critiques des conceptions esthétiques. En somme,
l’ensemble des connexions (avec soi et avec l’autre) contribuent à
situer la question de la filiation et de l’identité des textes. Par
conséquent, prendre tullist comme un terme qui recouvre les récits de
narration courte, à l’exception des narrations strictement orales, nous
parait un positionnement méthodologique adéquat, tout au moins
recevable.
1
Pour plus de précision sur cette question voir Ameziane (2014, pp. 115-142), Salhi
(2004b et 2011, pp. 97-108).
2
Dans la perspective historique, la catégorie du merveilleux rend la comparaison
avec timucuha moins importante avec tullisin.
[119]
Références bibliographiques
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notes sur les Cahiers de Belaïd ", Le Journal des Africanistes, 83 (1), pp. 92105.
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rapports à l’oralité traditionnelle", La littérature amazighe : oralité et
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2004, pp. 103- 121.
• Salhi Mohand Akli, 2004b, "La délocalisation des textes oraux. Le
cas de deux textes kabyles : Aheddad l-lqalus et taqsit n Aziz d
Âzuzu", Echanges et mutations des modèles littéraires entre Europe
et Algérie, Tome 2, Charles Bonn (dir.), l’Harmattan, Paris, pp. 205211.
• Salhi Mohand Akli, 2011, Etude de littérature kabyle, Enag, Alger.
• Salhi Mohand Akli, 2013, "Les écrits de belaid Ait Ali. Balises
pour une histoire littéraire kabyle", in Les Cahiers de Belaid At-Ali.
Regards sur une œuvre pionnière, Ameziane Amar (dir.), Tira
Editions, Béjaia.
• Titouche Rachid, 2001, Les cahiers de Belaid Ait Ali : du conte à la
nouvelle, Mémoire de Magistère, Univ. de Tizi-Ouzou.
[120]
D’un genre expressif spécifique : les expressions
idiomatiques
---------------------Lydia GUERCHOUH
Université Mouloud MAMMERI - Tizi-Ouzou
I.
Introduction :
Entre ce qui est proverbe et ce qui s’intègre dans les locutions
et les dictons, nous retrouvons un genre particulier : les expressions
idiomatiques. En berbère, ce type d’expressions figées n’a fait l’objet
que de très peud’inventaires et étude en référence aux publications qui
nous sont parvenues dans ce domaine.
Les expressions idiomatiques sont définies comme des
locutions dont le sens est à prendre au figuré : leur sens ne peut être
déterminé par le sens des mots pris un à un. Ce sont des expressions
qui ont du sens dans la langue où elles sont construites et qui, traduites
mot à mot dans une autre langue, peuvent être dénuées de sens. Ceci
s’explique, là encore, par l’arbitraire du signe dans la mesure où le
référant (sémantique) de l’expression n’est pas l’addition /
combinaison des signifiés de ses constituants lexématiques mais
renvoie à un signifié conventionnel qui a induit le figement de
l’énoncé sous forme de locution.
En effet, la signification de ces constructions tient à une
dénomination, à une représentation conceptuelle préalablement
établie, qui doit avoir été antérieurement mémorisée pour pouvoir être
appréhendée dans sa juste valeur sémantique.
La structure syntagmatique des expressions idiomatiques est,
le plus souvent, assortie de certains effets métaphoriques employés par
le locuteur dans un objectif précis, soit pour parasiter ce qui est
communiqué, atténuer le contenu significatif d’une affirmation lourde,
gênante ou désagréable, soit dans un souci purement stylistique visant
à valoriser et appuyer son discours.
A partir de leur reconstitution diachronique, on constate que
certaines expressions sont immémoriales dans la mesure où elles ne
sont plus décryptables puisqu’on a perdu leur trace à travers
l’évolution de la langue mais surtout en conséquence de l’oralité
[121]
comme dans le cas de l’expression : uriyi-ççin ara wanzaren-iw qui
prend le sens de « avoir un fort doute ».
Toutefois, bien que l’origine de naissance de ces expressions
ne soit plus perceptible, leur sens général demeure à la portée des
locuteurs.
D’autres,
par
contre,
restent
analysables
compositionnellement, renvoyant à une ancienne métaphore ou à un
quelconque fait de langue. Ces figures de style mémorisées dans leur
sens figuré devenues routinières et figées, sont entrées dans les mœurs
littéraires pour, finalement, être absorbées par le lexique de la langue
au même titre que les proverbes et autres locutions figées.
Ex : Tu$al di temgervt
Cette expression renvoie à une pratique sociale berbère,
attestée aussi dans d’autres sociétés le plus souvent traditionnelles, qui
consiste à donner sa fille en mariage à une tribu ennemie dans le but
de mettre fin à un litige de sang qui les opposait dans une situation
antérieure.
Qu’elles soient analysables ou pas, la majorité des
expressions que comporte la langue berbère se suffit à elle-même pour
rendre compte de leur sens et se passe fort bien de réactiver le fait
rhétorique et historique dont elles relèvent.
Par ailleurs, bien que l’on parle d’arbitraire de la relation
entre le sens de l’expression et sa composante syntagmatique, cet
arbitraire n’est pas absolu comme on l’identifie dans les monèmes,
dans la mesure où la majorité des expressions sont perceptibles à
travers l’analyse métaphorique qui est, généralement, pris en charge
par le noyau (le plus souvent verbal) de l’expression. Toutefois, cette
analyse n’est opérable que partant du fait que l’on a préalablement
mémorisé ce que l’expression dénomme.
Rappelons à la fin, que les énoncés que nous avons
aujourd’hui répertoriés sous l’étiquette d’expressions idiomatiques,
n’étaient, autrefois, que de simples faits de paroles qui, petit à petit, à
mesure que s’estompe la perception d’un fait de parole originel, à
travers l’énonciation répétitif, finissent par prendre la dimension
d’expressions figées introduites au départ par l’énoncé : akkenyenna
flan …. , puis devenues plus générales en ayant perdu la trace de leur
énonciateur par leur usage habituel et élargi. Ces expressions sont
[122]
aujourd’hui insérées dans les discours au même titre que les autres
unités lexicales qui composent le lexique de la langue.
II. Les expressions idiomatiques et les autres types
d’expressions :
Après avoir défini ce que nous regroupons dans la
dénomination « expression idiomatique », et vu les divers points de
convergence qu’il y a entre ces expressions et les autres construits
plus ou moins de la même manière, nous avons constaté l’intérêt
d’établir des critères de distinction qui permettraient de les isoler des
autres ensembles qui présentent des limites assez difficiles à cerner.
II.1. Expression et locution :
Si l’on se réfère aux dictionnaires, on trouvera des définitions
plus ou moins convergentes. Pourtant, en poussant plus loin l’analyse
des deux genres, les divergences apparaissent de façon spontanée et
nette. Par description générale, l’expression et la locution sont des
« unités fonctionnelles plus longues que le mot graphique, appartenant
au code de la langue en tant que formes stables et soumises aux règles
syntaxiques de manière à assurer la fonction d’intégrant ».
Toutefois, en mettant l’accent sur la genèse de ces deux
concepts littéraires, on dégagera les points qui tracent les frontières de
chacun de ces termes :
La locution est une « manière de dire », ou une manière de
former le discours, d’organiser les éléments disponibles de la langue
pour produire une forme fonctionnelle. Elle se présente le plus
souvent sous une forme courte, moins courte que l’expression.
Ces formes sont en fait, des unités complexes pouvant
appartenir à différentes catégories lexicales et grammaticales,
généralement de par la nature syntaxique de la première unité
composant la locution. Autrement dit, la locution est une
dénomination explicative dans le sens où elle inclut en elle-même une
courte définition du référent auquel renvoie nt les unités combinées :
Bab n tidet (adjectif ou nom d’agent)
Akkacwiya (locution adverbiale) …
Quant à l’expression, bien qu’elle soit aussi considérée
comme une manière d’exprimer une réalité, mais elle implique une
rhétorique et une stylistique : elle suppose le plus souvent le recours à
[123]
une « figure », métaphore, métonymie, … Ainsi, dans l’expression, on
dépasse le stade d’une simple dénomination pour lui donner une forme
de description.
Par ailleurs, locution et expression sont toutes deux des
groupes de mots fixés par la tradition. La première a la valeur
particulière de groupe de mots ayant une fonction grammaticale
donnée qui varie selon la relation qu’elle entretient avec le prédicat et
les autres unités de l’énoncé dans lequel elle est insérée. La seconde,
par contre, a la valeur d’un syntagme descriptif dont les unités
occupent des fonctions diverses.
Du point de vu syntagmatique (combinaison syntaxique), la
locution ne peut, en général, constituer à elle seule un énoncé complet
et dépend justement d’autres unités de la langue pour acquérir une
fonction donnée. Quant à l’expression, elle constitue généralement un
énoncé complet et n’a besoin d’aucun autre élément de consolidation
ou d’actualisation.
Sur le plan flexionnel, les locutions sont plus figées que les
expressions dans la mesure où les possibilités d’intervention sur les
unités composant l’expression sont plus importantes. En effet, dans le
cas de la locution, les seuls changements qu’on peut y opérer
interviennent sur les modalités du genre (masculin-féminin), le
nombre (singulier-pluriel) et état (état libre et état d’annexion). Quant
à l’expression, outre ces aspects, on peut également intervenir sur
l’aspect des verbes, les déictiques, les possessifs, l’ordre des mots
(thématisation ou mise en relief), la forme des verbes, …
Yuli-as lgaz s aqerru.
→ Yessuli-as lgaz s aqerru. (Intervention sur la forme du verbe).
→ Yessuli-yi lgaz s aqerru. (Intervention sur l’affixe du verbe).
→ Yuli-as lgaz almi d aqerru. (Intervention sur le fonctionnel).
Deg wudem-is.
→ £er / arwudem-is.
(Intervention sur la préposition).
→ S udem-is.
(Intervention sur la préposition).
D tazuli$t uqemmuc-is.
→ Aqemmuc-is, d tazuli$t.(Intervention sur l’ordre des mots).
[124]
II.2. Expression et proverbe :
De manière générale, le proverbe est souvent plus long et
plus expressif que l’expression. Il désigne une sentence morale, une
maxime de sagesse. C’est aussi une formule figée, en métaphore, qui
exprime une vérité d’expérience ou une vérité de bon sens, un conseil.
On emploie aussi d’autres termes comme synonymes tel maxime,
dicton, adage, pensée, formule, sentence, devise, …
Bien que plus long que l’expression, le proverbe est une
formulation condensée qui, se passant de l’histoire, véhicule une petite
leçon de morale. Et tout comme les locutions et les expressions, les
proverbes appartiennent à la culture et au patrimoine de la société, ce
qui fait que chaque peuple possède ses propres constructions qu’il
serait erroné d’essayer de traduire mais juste d’en donner les
équivalents les plus rapprochés.
Sur le plan structurel, le proverbe et la locution se rejoignent
dans la mesure où ils apparaissent très souvent sous la forme de petites
énigmes qu’il faut arriver à décoder pour en extraire le sens renfermé.
Par ailleurs, les deux genres divergent au niveau de la
construction syntagmatique/phrastique, puisque le proverbe combine,
le plus souvent, deux énoncés subordonnés ou coordonnés afin de bien
mettre en évidence l’opposition « bien – mal » sur laquelle repose la
majorité des dictons, alors que l’expression se contente de très peu
d’unités allant de la combinaison du comparé, comparant, élément de
comparaison et outil de comparaison à uniquement l’élément de
comparaison ou le comparant actualisé par une prédication
(préposition ou auxiliaire).
Sur le plan sémantique, le proverbe et l’expression
s’opposent à la locution du fait qu’ils se suffisent à eux-mêmes pour
rendre compte de leur signification et qu’ils n’ont pas besoin d’être
consolidés par le contexte ou le co-texte (entourage linguistique)
lorsque la relation métaphorique est saisit et, bien sûr, lorsqu’on
appartient au même groupe culturel.
Quant à la structure formelle et flexionnelle, le proverbe est
bien plus rigide que la locution et l’expression. En effet, la sentence
n’admet pas ou très peu de modifications. Elle est généralement mise
entre guillemets ou entre tirets de séparation comme pour rendre
compte du degré de figement de ces actes de paroles.
[125]
Par ailleurs, tous ces genres d’expressions se distinguent par
des caractéristiques spécifiques que ce soit au niveau de la thématique
ou de la structure proprement linguistique. Certes, des convergences
existent entre eux mais une étude plus approfondie démontrera une
nette divergence.
III. Structure et caractéristiques
idiomatiques en kabyle:
des
expressions
Les expressions idiomatiques en kabyle et probablement en
berbère, prennent des structures courtes où on n’y retrouve en général,
que deux voire trois unités essentielles véhiculant de façon explicite la
métaphore et renfermant délicatement le sens implicite. Ces
métaphores sont bien entendu, en relation étroite avec les
représentations existantes au sein de cette société. En kabyle comme
dans d’autres langues, les expressions idiomatiques relèvent de
plusieurs domaines qui s’expliquent en référence au champ
sémantique des deux unités utilisées ou, plus précisément, au noyau
sémantique de l’énoncé sur lequel est basé la métaphore.
Le plus souvent, les expressions idiomatiques sont construites
autour d’un noyau par exemple les expressions basées sur basées sur
l’anatomie sont portées par le nom d’une partie ou un organe du corps
humain voire deux dans quelques cas, et qui est appuyé par la
référence métaphorique généralement véhiculée par un verbe et
quelque fois par un complément de nom ou un adjectif.
Bien que la majorité se présente sous une structure phrastique
simple, n’impliquant pas de nuance ou n’ayant pas besoin du contexte
pour identifier leur sens, certaines expressions se présentent avec des
caractéristiques assez spécifiques que nous expliquerons dans les
points suivants.
IV.1. Les caractéristiques thématiques :
Parmi les thèmes abordés par les expressions idiomatiques
recueillies, les plus représentatifs sont ceux renvoyant à la santé
physique, aux sentiments et affection et à l’état morale et le caractère
personnel. Dans chacune de ces thématiques, nous retrouvons la
référence à plusieurs parties du corps, alors que dans les autres
thématiques, chaque référence correspond à un, deux voire trois
organes plus ou moins spécifiques.
[126]
On remarquera à partir de cette petite analyse thématique,
qu’il existe une distribution plus ou moins complémentaire où chaque
partie du corps correspond à une thématique précise. Par ailleurs, les
cas où le même organe se retrouve dans deux voire plusieurs thèmes,
révèlent l’existence d’un minimum de sens commun. En outre, nous
constatons une relation logique entre les deux variables dans la mesure
où celle-ci se base sur un rapprochement sémantique et sensationnel.
IV.2. Les caractéristiques linguistiques :
Les expressions idiomatiques présentent des caractéristiques
linguistiques assez particulières les distinguant de façon irrévocable
des proverbes et autres genres d’expressions construits sur la même
structure. Parmi ces caractéristiques, nous en citerons les plus
spécifiques et les plus représentatifs.
IV.2.1. La référence polysémique :
Sur plus de 400 expressions, nous avons recensé plus de 80
dont la référence significative est polysémique. Cette particularité
intervient le plus souvent soit lorsque le verbe ou l’unité avec laquelle
est combinée le nom de l’organe est lui-même polysémique d’où la
polysémie de l’expression contenant cet élément.
Yerwi uqerru/lmux-is.
« Avoir la tête qui tourne ».
- Avoir des maux de tête.
- Etre perturbé par quelque chose.
Irfed / yettawi aqerru-s deg yigenni.
« (Marcher) la tête haute ». « Faire la grosse tête ».
- Etre fier de ce qu’on est, avoir confiance en soi.
- Frimer et être orgueilleux.
Ou lorsque l’organe est partagé par plusieurs thématiques différentes :
Yeîîef aqerru-is.
« Mettre la tête entre les mains ».
Etat physique - Fait référence aux maux de tête.
Etat moral
- Fait référence à la déception.
£ezzif yiles-is.
« Etre une grande gueule ».
Caractère
- Se dit de quelqu’un qui parle trop.
Principes
- se dit d’un menteur.
[127]
Par ailleurs, certains polysèmes sont conditionnés par d’autres
particularités spécifiques à la langue :
Yeréa aqerru-s.
« Casser la tête à quelqu’un », « Casser les pieds », «
Se casser la tête », « Se creuser la cervelle ».
- Ennuyer quelqu’un.
- Se donner à fond.
Cette expression qui renvoie à un double sens ne l’est en fait
que lorsqu’elle est construite sur cette structure. Autrement dit,
lorsqu’il y a une certaine concordance entre le sujet du verbe avec
l’affixe du nom de l’organe, l’expression acquiert cette polysémie car
les deux sujets se confondent. Par contre, cette particularité
polysémique est rompue dès que la confusion entre les deux sujets
(indice de personne et affixe) est interrompue dans le sens où on
pourrait distinguer les deux parties en question sans avoir à recourir au
contexte ou au co texte linguistique :
Réan aqerru-is.
« Casser la tête à quelqu’un »
Ils l’ont ennuyé.
Ou lorsque les deux parties font clairement référence à la même
personne :
Réi$ aqerru-iw
« Se creuser la cervelle ».
Je me suis donné à fond.
Notons par ailleurs, que la polysémie dans les expressions
idiomatiques se manifeste souvent sous deux significations mais elle
peut aussi couvrir trois voire quatre sens différents réunis sous un
minimum de sens commun.
Yebzegwudem-is.
« Avoir le visage enflé ».
- Avoir mal dormi.
- Etre malade.
- Employé avec l’actif, l’expression signifie se faire
tabasser et défigurer.
[128]
IV.2.2. La synonymie :
Comme il existe des expressions douées de plusieurs
significations, il existe aussi des expressions qui convergent au niveau
sémantique. Cette synonymie apparait avec le même organe où sur la
base d’organes différents. Elle est généralement liée à cette relation
révélée à travers les thématiques.
(1)
Sdatwallen-is.
« A vue de nez », « sous les yeux », « ça crève les
yeux ».
Se trouve juste devant (à côté de).
Sdatwanzaren-is.
« A vue de nez », « sous les yeux », « ça crève les
yeux ».
Se trouve juste devant (à côté de).
(2) Teqqurtasa-a.
« Avoir le cœur dur », « Avoir une pierre à la place du
cœur ».
Se dit de quelqu’un qui n’a aucune pitié.
Ur yesiiara n wul.
« Etre sans cœur ».
Etre sans pitié, insensible.
Les significations révélées dans certaines expressions dénotent
toutefois, quelques nuances sémantiques comme celles qu’on pourrait
relever entre les deux organes « cœur » et « foie » qui, bien qu’ils
fassent référence à la même signification au sens général, mais, leurs
emplois est basés sur la répartition sémantique qui fait que la majorité
des emplois de l’organe « foie » dénote en plus du sentiment, le lien
sanguin et familier que le cœur ne prend pas en charge.
[129]
IV.2.3. L’antonymie :
Cette caractéristiques est très restreinte et ne s’affiche qu’à
travers quelques expressions qui incluent des verbes qui ont cette
particularité.
Ff$ent-d wallen-is.
« Sortir par les oreilles », « Avoir les yeux qui brille »
- En avoir mare.
- Etre attiré.
Yebra i uqerru-is
« Baisser la tête ».
- Signe de respect.
- Signe de honte.
IV.2.4. Corrélation syntaxe – sémantique :
Dans ce volet, nous nous sommes intéressés aux phénomènes
syntaxiques qui induisent des changements au niveau sémantique
allant de simples nuances sémantiques à des oppositions totales
(antonymie) en passant par la diversification significatives
(polysémie).
• L’aspect :
Il arrive que le changement de l’aspect du verbe introduisant
le nom de l’organe induise un changement assez pertinent au niveau
sémantique.
(1)
S yivarren i t-yexdem.
« Avoir deux mains gauches ».
Faire un mauvais travail.
S yivarren-is ad t-yexdem.
« Faire quelque chose les doigts dans le nez ». « Faire
quelque chose les bras liés ».
- Se dit de quelque chose qui est facile à faire.
- Se dit pour rendre compte du peu d’effort à fournir.
(2) Yerwa ôôay-is
« Etre farfelu ».
S’être bien amusé, avoir profité de la vie.
Ad yerwu rray-is.
« Récoler le résultat ses actes ».
Subir et assumer les conséquences de ses actes.
[130]
• La particule de direction et les affixes :
Dans quelques expressions, nous avons remarqué que la
substitution d’un seul élément périphérique au verbe conducteur,
induit parfois un changement de sens allant même jusqu’à en former
des antonymes.
(1) Yefka afus.
« Tourner le dos ».
Abandonner quelqu’un qui compte sur notre aide.
Yefka-as afus-is.
« Serrer la main », « Tendre la main ».
Manière de saluer avec les mains.
Yefka-d afus.
« Donner un coup de main / pousse ».
Aider quelqu’un.
(2) Te$li-d gar yifassen-is.
« Une chose m’est tombée sous la main ».
Le hasard a fait que la chose soit arrivée jusqu’à lui.
Ye$li gar yifassen-is
« Tomber dans les bras ».
Trouver quelqu’un qui va nous consoler.
• Les prépositions :
La substitution d’une préposition par une autre induit dans
quelques expressions une diversification sémantique.
(1)
Nnig wul-is.
« Sans y mettre son cœur ».
Faire ou dire quelque chose sans le vouloir mais par
obligation ou désintéressement.
Seg wul.
« Y mettre tout son cœur », « du fond du cœur ».
- Sincèrement.
- Avec/ par amour, par estime.
- Passionnément.
[131]
Eléments bibliographiques :
•
•
•
•
ASHRAF M. et MIANNAY D. (1995), Dictionnaire des
expressions idiomatiques, Librairie Générale Française,
France.
DALLET, J.-M. (1982), Dictionnaire kabyle-français, Parler
des AtMengellat, Paris, SELAF.
EL ADAK, M. (2006). Le figement lexical en rifain : étude des
locutionsrelatives au corps humain. Thèse de doctorat,
INALCO, Paris.
TAIFI, M. (1991). Dictionnaire tamazight-français (Parler du
Maroccentral), Paris, L’Harmattan-Awal.
[132]
La notion du genre littéraire poétique oral
(Paramètres de classification)
---------------------Yasmina FOURALI
Université Akli Mohand OULHADJ - BOUIRA
Introduction :
Cette contribution présente la synthèse ou le bilan des études
faites autour de la problématique du genre poétique kabyle, en
particulier la poésie d’amour « aêiêa, aquli, izli » et relativement
« tizrarin » un terme pas très connu ou employé dans toutes les
régions berbérophones. Elle tente aussi, de mettre en lumière la
relation de ces genres avec la définition extraite du terrain et celles
déjà présentées par certains chercheurs et voir les différences dans le
traitement des paramètres. Ensuite, elle cherche à identifier les raisons
qui entravent la classification de ce genre d’une façon définitive.
Enfin, elle nous permet, d’une part, de voir la place qu’occupe ce
genre dans la société -un genre dit mineur- et d’une autre part de
souligner l’intérêt que doit recevoir ce genre pour d’éventuelle
définition, dénomination et classification adéquates basées sur un
choix méthodologique ou conventionnel !
La littérature berbère se trouvant dans un champ
d’investigation en quête d’une éventuelle classification du genre
seulement elle se trouve devant de diverses difficultés à savoir le peu
de recherches et des études lancées dans ce domaine. Il y’a toujours
lieu de préciser que la littérature berbère n’a été traitée, qu’ à partir du
19e siècle, et ce que comme un champ documentaire souvent sommé
de révéler la mentalité des berbères, leur mode de vie, leurs mythes et
leurs croyances, c’est pour ça qu’elle a perdu de ses valeurs littéraires
et que par conséquence on ne peut jusque là établir une classification
en genres déterminés. Pourtant, déjà au 12e siècle, des sources ibadites
avaient signalé l’existence des genres et catégories de chant berbères
(du moins le genre poétique) par un savant ibadites qui recueilli un
corpus de poésie intitulé « catégorie-genres de poésies et chants chez
les berbères médiévaux. Cela signifie qu’il y’avait une tentative de
théoriser les genres et qu’avec le temps on aurait perdu cette
désignation ou même une grande partie des faits-distinctifs de tous ces
genres qui ont pu existés dans un temps et qu’on ne peut,
[133]
malheureusement, repérer aussi facilement aujourd’hui. Et Si
aujourd’hui cette théorie ne nous a pas été parvenue, c’est parce que
les agents de celle-ci, la pratiquaient et la vivaient dans une oralité
spécifique, sans le moindre souci qu’un jour elle serait égarée dans cet
ensemble d’approches qui essayaient de la définir sans la
spécialisation, alors ils n’ont pas pensé d’établir des règles comme
l’ont déjà souligné H. Basset, M. Mammeri et d’autres. Ces agents
n’ont jamais éprouvé le besoin de la théoriser mais les chercheurs,
aujourd’hui, signalent l’urgence de le faire par souci qu’elle ne
disparaisse complètement, de voir s’estomper les classifications des
genres littéraires oraux qu’elle regorge. Léo-Frobenius écrivait en
1921 : «…autrefois on faisait bien la différence entre les diverses
formes de narration…aujourd’hui les classifications s’estompent. Les
noms des différents genres narratifs sont en partie oubliés d’autres
sont remplacés par des noms arabes, certains se confondent…»1. Ce
chercheur signale bien les difficultés de garantir toute authenticité
pour énumérer les anciens genres « narratifs » et comme le fait
remarquer A. Bounfour, ce problème peut signifier absence ou perte
du système littéraire qui codifie la littérature traditionnelle.
Aujourd’hui, il existe naturellement toute une série de
tentatives de classement et d’interprétation des genres kabylesberbères, elles se fondent sur les plus récentes investigations des
sciences humaines, en proposant de différents modèles d’analyses :
anthropologique, structurale et autres. Seulement, les résultats sont
encore insuffisants car la question se pose toujours et on sent dans
leurs analyses une certaine sensibilité et hésitation quant à l’emploi du
mot « genre ».
1- La notion du genre autour de la poésie d’amour:
D’une façon générale, un genre littéraire est une notion de type
catégoriel qui permet de classer des productions littéraires ; il est une
convention qui donne un cadre, une forme plus au moins précise à
une œuvre donnée. Dans la tradition scripturaire, la notion de « genre
littéraire » a suscité, tout au long de l’histoire, une réflexion et des
débats pour dégager une « théorie des genres ». En effet ce problème
de genre est l’un des plus anciens de la poétique dont le système est
1
Léo-Frobenius, contes kabyles, Tome1, Edisud, Aix, 1995, P. 20, 1921. In :
A.Bounfour, introduction à la littérature berbère, 1-la poésie, Ed. Peeters, Paris,
1999, P. 25
[134]
perpétué depuis Aristote. La recherche d’une classification des classes
de textes en genre s’est trouvé chargée par des diverses disciplines qui
remettent en cause sa validité par l’inévitable évolution des regards
portés sur la production littéraire et sa littérarité. Qu’est ce qu’un
genre? Est une question qui ne semble avoir de réponse claire jusque
là, surtout après l’éclatement des genres au 19e siècle. T. Todorov,
J.M. Schaeffer, Karl Viêtor et d’autres encore ont lancé un débat sur la
question en guise, d’abord d’éclairer la relation qui peut lier entre le
texte et le genre puis d’identifier des paramètres pour classifier une
classe de textes donnés. Ce qui rend la chose difficile est que ces
textes ou ces genres dans leur ensemble s’interpénètrent et les critères
de classification ne sont pas simples et faciles d’autant plus que les
chercheurs eux-mêmes différent dans la conception des critères de
distinctions : selon la nature, la structure des textes, condition de
profération, leur réception…etc. Ce qui parait un problème
fondamental est que, ces paramètres ne peuvent être jusque la
universels (applicables à tous les genres appartenant aux autres
langues du monde).
L’hiérarchisation de la parole traditionnelle berbère en genre
littéraire bien définis, se heurte à ces mêmes difficultés vécues par les
autres littératures depuis des siècles. Sachant que l’aspect littéraire des
« textes berbères » n’a été, réellement abordé qu’au alentour du 20e
siècle et les premières études qui ont essayé de les approcher, ont
employé une terminologie qui n’est pas propre à celle des
autochtones. C’est pour cela que, la désignation de la catégorie
« genre » ou « type » dans cette même littérature ne semble être très
claire.
H. Basset, (1920), Essai sur la littérature des berbères, fut Le
premier chercheur a abordé la question des genres littéraires berbères.
Il a porté l’accent sur les genres littéraires kabyles existants en prose
et en poésie, seulement ses résultats ou ses constats n’ont conduit qu’à
des distorsions de la réalité décrite, il a jugé les deux formes
d’expression que ce soit narrative ou poétique d’expression dénuée de
morale ou d’idée simple. Et si la désignation de cette littérature n’est
pas élaborée, c’est parce qu’il y’a absence de système de valeur
spécialisé et d’institution. Cela a bien suscité l’intérêt et la réaction de
M. Mammeri, P. Galand Pernet A.Bounfour et d’autres encore.
[135]
M. Mammeri, (1980), de sa part, dans « y’a-t-ils des
caractéristiques spécifiques de l’oralité », culture savante, culture
vécue disait qu’une distinction des genres kabyles n’existe pas mais
par contre il y’a des noms pour désigner des types particuliers de
poésie qui sont en nombre de quatre « aquli, izli, asefru, taqsit ». Et
que même s’il y’aurait la possibilité de définir un genre avec une
certaine rigueur cela ne serait être facile devant certaines
entraves…Cela est dû, selon lui, d’abord par le fait de l’inexistence
d’une théorie globale de l’oralité et surtout par le manque de
spécialisation dans le domaine de l’oralité.
Galand-Pernet, (1998), dans littératures berbères des voix des
lettres, n’opère pas la possibilité d’employer le terme « genre », elle
préfère celui de « type ». Pour elle c’est le terme qui répond le mieux
à la réalité dialectale divergente. Les termes existants ne peuvent pas
servir à cette fin, car chaque groupe berbère héberge une classe de
texte propre à lui, même si l’on peut trouver des éléments communs.
Elle continu de dire que même la répartition entre épique, lyrique et
dramatique utilisée dans les classifications des littératures
occidentales, ne peut s’appliquer aux littératures berbères (sans la
moindre explication !). Elle désigna alors, à ce propos, dans son
analyse les types suivants : ahellil, izli et lqist (qui est un genre
narratif)
A. Bounfour, (1999), dans Introduction à la littérature
berbère, 1-poésie, expose lui aussi la difficulté d’établir une
terminologie des genres à cause de la forte dialectalisation et propose
une classification de trois genres majeurs : l’énigme, le genre narratif
et poème. Dans son ouvrage, il évoque un ensemble de genres
poétique berbère dont la terminologie fait défaut d’une définition
claire, parmi « aquli, tamedyazt, tayffert, izli…».
K.Bouamara, (2004), dans Si Lbachir Amellah (1861-1930)
un poète-chanteur célèbre de Kabylie, de sa part a souligné que la
difficulté de définir le genre ne concerne pas que le genre de l’oralité
mais aussi ceux de genres écrits. Il attire l’attention à un point très
important, que pour rendre la configuration poétique possible, il
faudrait d’abord connaitre les critères ou les paramètres du mot genre
en lui même et qui contribueront à l’identification ou la description
des genres poétiques berbères (kabyles) en l’occurrence izli, aquli,
asefru, etc. Il a évoqué dans son travail les efforts consentis par
plusieurs chercheurs tels Karl Viëtor, T. Todorov, Marie-Schaeffer
[136]
pour cerner les paramètres de classification qui peuvent être d’ordres
intra-textuels et extratextuels…
Ces chercheurs soucieux de la situation problématique du
genre littéraire berbère, voient qu’il est urgent de régler l’afflux de
terminologie observé dans la langue berbère, de s’entendre sur des
paramètres scientifiques clairs et d’opérer des définitions possibles
pour les différents genres. Seulement que, cela suscite d’élaborer une
méthode qui permettra de récupérer du terrain le maximum de
descriptions locales possibles pour gérer déjà les différentes
définitions attribuées à un seul et même genre.
C’est dans ce contexte que s’inscrit notre contribution, où nous
avons vu très nécessaire d’évoquer l’ensemble des travaux réalisés
autour d’un genre poétique « la poésie d’amour chantée : aêiêa, izli,
aquli dont se regroupent un ensemble de définitions qui paraissent
conflictuelle déjà pour un seul dialecte « le kabyle ». Cette situation
est due par le fait d’une terminologie abondante et le manque de
description locale.
2- Définition de la poésie d’amour « aêiêa, izli, aquli »
Il eu plusieurs définitions autour de la poésie d’amour dont la
terminologie variée entre aêiêa, izli et aquli. Ces définitions
semblent être moins stables et relativement communes.
2-1- Izli
Un genre qui parait largement diffusé à travers les groupes
berbérophones, vient de la racine « zl » qui signifie « chanter » chez
les mozabites. Ce terme est défini différemment par ces auteurs : H.
Basset, T. Yacine, M. Mammeri, P.G. Pernet, A.Bounfour, F. Ayt
Faroukh et M. Mahfoufi. Il y’a lieu de signaler qu’on ne va pas se
focaliser sur les détails auteur par auteur, juste signaler les différentes
définitions que nous complèteront avec d’autres informations
recueillies du terrain (région de Takerboust -Bouira, et de Tizi
Gheniff-Tizi Ouzou)::
Forme poétique (simple/ importante), poésie d’amour, petits
poèmes, chant, poésie ; ou le verbe chanter, petit poème chanté.
Réservé aux femmes ; chanter ; grande affaire ; joute poétique mais il
n’est pas indiqué dans la plupart que c’est une forme réservée
uniquement aux femmes. La racine semble être repairée dans
plusieurs points de la Kabylie et d‘autres de la Berbérie même en
[137]
Egypte. La forme est variable, courte pour la plupart. Par contre dans
le dictionnaire de J.M.Dallet et dans les deux régions :Tizi Gheniff,
Taqerbust et ces quelques régions avoisinantes ce terme ne révèle
aucune relation avec le chant mais ayant un autre sens : izli du verbe
zlu, il a le sens d’égorger= izlan/ tizli (le dernier sang qui reste sur la
gorge de l’animal égorgé).
Pour certains, il est un genre à part entière sans pour autant
déterminer ce qui fait de lui un genre ; un genre mineur car il est
limité dans son énonciation aux femmes et pour d’autres il ne l’est pas
car sa définition reste inhérente à la variété des cultures locales.
2-2- Aêiêa :
Défini aussi comme poésie chantée à thématique amoureuse et
parfois érotique ; moins diffusé que l’izli. Il a été cité par ces auteurs
Hanoteau, J.M.Dallet, Djellaoui, et étudié F.Ayt Faroukh et
Mahfoufi :
C’est une poésie d’amour ; chant d’amour ; chanson d’amour
libertine ; forme variable, courte dans la plupart. La racine semble
n’être partagée que dans quelques régions de la Kabylie (du moins
celle concernées par les enquêtes). Par le manque d’études, sa
dénomination comme genre reste incertaine et parfois moins
considérée et le débat reste ouvert à fin de réunir d’autres paramètres
constitutifs (les conditions de production, d’énonciation et de
réception et surtout récupérer du terrain le champ sémantique
adéquat). Un travail de master a été fait dernièrement sous notre
direction sur l’aêiêa dans la région de Takerboust ‘Bouira’ dont
l’objectif est de récupérer d’autres descriptions du terrain.
La région de Taqerbust : emploi les deux termes : aêiêa et
aquli pour désigner la poésie d’amour chantée par les femmes en
chœur ou parfois en soliste (solo), accompagné de battement de mains,
de tambours (abendayer) 1 et danse. Elle porte comme thématique
toutes description du sentiment de l’amour et les parties intime du
corps féminin et masculin. Le temps favoris de ce chant est la nuit de
1
Abendayer n’est pas utilisé comme un instrument de musique, mais un outil avec
le quel on étouffe les mots vulgaires proférés- car ces femmes ne peuvent pas
s’abstenir quant à leur prononciation- pour que les hommes ne les entendent pas et
ne reconnaissent pas la voix de la femme qui l’aurait chanté, si non elle serait
battue ; de plus les youyou qui interviennent pour remplir la même fonction
[138]
noce, ou se regroupent uniquement les femmes mariés et celles qui
s’apprêtent à se marier. Ces vers sont employés pour préparer et
rassurer les futurs mariés: Wa nana ma tewwiv-d liéar/ deg yid-agi
ad neméaréar/ cwi meqqar iêa yelha /ahiha d gma-s n lqut
Il porte aussi la signification de chasser les oiseaux : ashahi n
yifrax= asqerqar(êa êa êa, ad afgen yifrax). Dans la région de Tizi
Ghennif, on trouve aussi la même signification : faire fuir les oiseaux
(la yesêaêay tiéiwci ne$ imerga, tisekkrin).
Maintenant, si on fait une connotation du mot aêiêa, on peut
l’interpréter ainsi : il exprime le plaisir refoulé du soi. La lettre «ê »est
un son produit dans deux situations différentes dans la proclamation
de la douleur «aêê » et le plaisir « eêê». Et si on se réfère aussi a la
signification donnée par certaines de non locutrices : ttawint aêiêa
signifie le va et vient, relatif au rapport sexuel axxam n buciêa
relatif à la partie intime de la femme ; ad tent yeçç mmi s seêêa
qui signifie le plaisir sexuel.
Le mot est repéré dans une chansonnette pour enfant : awi,
awi a lhawa/ tisekrin di îîerêa/ la ttawint aêiêa/ fell-ak a sidi
Yeêya; à Tizi gheniff :diwêa, diwêa/ tisekkrin di tterha/ la ttawint
ahiha/ ar uxxam n buciêa/ ad tent-yeçç mmi s sseêêa cela crée
une situation paradoxal pour le sens que peut avoir le mot !
2-3- Aquli :
En comparaison avec les deux premiers genres celui-ci n’est
pas très étudié, mis à part l’étude faites par Bouamara, si non on en
trouvera quelques passages qui tentent de l’expliquer d’ici par là et qui
le mettent en opposition avec aêiêa.
A partir de la, on va conclure que par la diffusion le terme izli
parait le plus répondu par rapport aux deux autres mais si nous nous
appuyons sur le champ sémantique récemment recueilli du terrain on
en déduira que le terme aêiêa parait le plus convenant pour les
caractéristiques déjà citées. Alors la question à poser éventuellement
est : quel est le terme qui pourrait faire un projet d’un genre
panberbère ?
[139]
3-
Les paramètres de classification et réflexion:
A raison d’une oralité et de la non existence de normes ou de
règles préétablies par les ancêtres, on s’y trouve aujourd’hui dans une
situation problématique et dans l’urgence d’établir des paramètres qui
serviront de bases pour une éventuelle « théorie des genres oraux ».
Ce retard est dû par le fait que cette poésie est, dans sa plupart,
féminine, qualifiée de genre mineur et villageoise en opposition à
celle masculine dite noble ; c’est alors, qu’elle n’a pas reçue l’intérêt
qu’elle mérite. Après quelques années de l’indépendance du pays, la
poésie a gagné d’autres espaces de performance avec l’émergence
d’un groupe de poétesse-chanteuse qui ont permet à ce genre poétique
traditionnel une nouvelle dimension surtout sur le plan de la
performance et a suscité ainsi un grand intérêt pour de nombreuses
études. S.M.Akli1, a parlait de l’importance de la poésie féminine dans
la définition de la poétique kabyle, ce qui a accentué l’intérêt et donne
à l’analyse l’opportunité de poser les problèmes relatifs à la notion du
genre poétique réalisé en situation d’oralité…Cependant, ces dernières
décennies, certains chercheurs tentent de lui donner une éventuelle
définition à base de certains paramètres conçus, à voir sa structure,
son énonciation ou sa situation de production. M. Mahfoufi, T.
Yacine, P. G.Pernet, K. Bouamara, A.Bounfour ont soulevé un
ensemble de paramètres possibles qui peuvent servir, éventuellement
de base pour définir et classifier ce genre oral dit poésie d’amour.
Seulement, il y’a lieu de s’arrêter un moment sur l’un des premiers
paramètres « l’écriture » appliqué par l’un des pionniers français dont
H. Basset, qui ont participé à sauvegarder une riche littérature en
corpus et manuscrits.
L’écriture : est un critère adopté par H. Basset. Il disait
que : «…les phrases de poésie…, sont des idées simples,…;
traditionnels,…si bien déformés parfois que leur sens n’apparait plus
clairement…est cela pour la raison de l’absence de l’écriture et que les
berbères n’ont jamais songé à formuler les règles qu’ils suivent tout
naturellement». Il est clair que ce paramètre est spécifique à une
1
- voir Salhi Mohand Akli, « poésie féminine et poétique kabyle », In Des femmes
et des textes dans l’espace maghrébin, Actes du Colloque International, du 21-23
mai 2000, Constantine (Algérie), p. 213.
[140]
communication réalisée à base d’une perception visuelle1 du message.
Ce paramètre adopté par H. Basset pour classifier les genres poétiques
relève d’un principe évolutionniste2.
Ce critère a été remis en cause par M. Mammeri, P.G. Pernet,
A.Bounfour, K. Bouamara,
qui expliquent que les exigences de
l’écriture et ceux de l’oralité sont tout à fait différentes et que, c’est le
résultat de l’influence du romantisme allemand, apparu en France au
19e siècle, qui a mis cette opposition : littérature écrite/ littérature
orale et appliquée sur la littérature berbère.
La métrique : proposée déjà par Mammeri, ayant dégagé la
forme (aab /757) qui pour lui est fixe et qui est une spécificité dans
l’asefru mohandien par contre K.Bouamara voit que ce critère à lui
seul ne suffit pas, car cette forme déclarée dans l’asefru revient dans la
quasi-totalité dans l’aquli (poésie de Si Lbachir Amellah) et reconnait
dans l’izli par T. Yacine
La longueur des poèmes : ce paramètre ne suffit pas, en lui
seul pour définir la structure du poème dit fixe. Si Yacine dit que des
formes tel (quatrains/ quintils/ sizains…ect.) sont localisés dans l’izli,
Bouamara dit que s’est aussi une spécificité dans l’asefru mohandien
et dans l’aquli de Si Lbachir.
La terminologie employée pour dénommer un genre : est
proposée comme l’un des critères de classification du genre poétique
seulement on s’est trouve devant d’autres substituts qui regorgent les
mêmes caractéristiques malgré qu’ils sont dits des genres différents,
tel le cas observé par K. Bouamara dans la poésie de Si Lbachir, et
dans l’asefru mohandien : awal/ lqewla/ aquli/ lfesl/ lherf. Ces
substituts, dans leur globalité, recouvrent pratiquement le même sens
1
- l’écriture évoque la notion d’analphabète qui a son tour se soumet à la
scolarisation, or que cette paire ne ce laisse définir que dans une société de tradition
écrite.
2
- H. Basset était certainement influencé dans son analyse par la théorie darwiniste
des genres reprise par Ferdinand Brunetière. Elle représente l’aboutissement du
paradigme biologique dans la conception du genre apparu au même siècle et qu’il a
conçu en appliquant systématiquement cette théorie à l’histoire de la littérature
française. H. Basset appliquait alors cette même théorie sur la littérature berbère.
Sachant que cette théorie a été remise en cause par Jean-Marie Schaeffer, Gérard
Genette et d’autres encore qui ont démontré la faillite de cette théorie ; son
paramètre n’est ni scientifique ni empirique, il est ethnocentrique
[141]
proche du mot « poème ». Ces substituts « aquli, asefru et awal » sont
aussi retrouvés dans un corpus nouvellement recueilli dans la région
de Taqerbust :
-
s llif n heyya asefru/ lfahem ad t-yaru…
-
A leêbab ad nemsawal/ ad nemrir awal …
-
Ad nebdu aquli $ef lba/ berka lbaîiîa…
M.Dellaoui, Evolution de la poésie kabyle et ses spécificités
entre la tradition et la modernité (2009 :388) de sa part dit que les
termes « aêiêa et izli » sont les plus renommés et que le
rapprochement, fait par Bouamara entre aquli et aêiêa n’est tient pas.
Il explique que le mot aquli- leqwal, vient de l’arabe, qui signifie les
paroles sages. Quant à Mahfoufi, aquli est une poésie chantée par les
imeksawen.
Dans la région de takarboust, le terme aquli 1 fait partie de
ahiha, il est une poésie d’amour non chantée. Il passe au niveau de
l’aêiêa on lui attribuant un rythme de musique ; le mot aquli
correspond dans ce cas à la signification qu’on retrouve en arabe
( elqawl= anchada/ khataba). On a repéré un autre substitut dans la
région de Tizi Gheniff qui est Tizrarin2 qui semble partager les mêmes
caractéristiques que : izli, ahiha et aquli. Ce terme, selon A. Bounfour,
est aussi retrouvé par un jeune chercheur dans l’une des régions
marocaine
Le contenu : la thématique d’amour est une caractéristique
spécifique de l’izli selon T.Yacine seulement Bouamara l’attribua
aussi à l’aquli et l’asefru de SI Mohand ; elle est chantée aussi même
par les « ivebbalen » comme en témoigne déjà Hanoteau au 19e
siècle. Si T .Yacine rajoute l’aspect de l’individualité, K ; Bouamara
l’identifie aussi dans l’aquli, la même chose pour : Le duo ou le duel.
A voir ces similitudes partagées par ces trois genres,
Bouamara conclue de dire qu’il n’est pas impossible que tous ces
1
-ce terme est aussi employé avec le même sens dans les régions avoisinantes de
Takerboust : Selloum/ Imcheddalen/ At Hemdoun/ Iwakouren.
2
- ce terme tizrarin signifie aussi lemdeêet raconter un ensemble de tiêuoay!
Tizrarin au singulier azrar ; il signifie le collier peut signifie la poésie dite en duo
lors des cérémonies de mariage et s’accompagne avec une danse excitante. Un
travail reste à faire pour compléter la signification.
[142]
termes techniques : asefru, aquli, et izli soient des synonymes qui
désigneraient un seul et même « genre » ce qui fait il serait possible de
les classer comme un seul genre, il suffirait juste de choisir un terme
pour le dénommer !
A partir de quelques caractéristiques générales partagées entre
les autres poésies universelles et celles de la poésie d’amour arabe
dite (elghazalia) tout en considérant celles locales. Il transpose les
deux parties essentielles que contient l’arabe à ce qui la corresponde
en tamazight : ghazel εoudri εafif = tamedyazt n tayri tusirt (celle qui
ne révèle que les sentiments sérieux et nobles) et ghazel êissi ibaêi =
tamedyazt n tayri tufviêt (celle qui traite du sexe et contient la
description des parties intimes du corps), même si cela peut être
possible, il reste à trouver les critères sur les quels il y’aurait
possibilité de trier une seule dénomination devant l’afflux d’une
terminologie dialectale.
Il y’eut un autre paramètre qui parait aussi si important évoqué
par Mahfoufi et soutenu par P.G. Pernet, qui est le rythme musical qui
structure le texte dans sa distribution et entrepris dans l’analyse
poétique. Il y’eut d’autres paramètres à prendre aussi en considération,
telle La sphère géographique (la large diffusion) présenté par P.G.
Pernet1 en définissant ahellil et izli. La liste de paramètre ne s’arrête
pas là, il y’eut d’autre proposés tels : La fonction, le rituel par
Mammeri ; le contenu thématique le statut du chanteur, Les conditions
de performance, la langue poétique ; la fonction du poète par
A.Bounfour. Bouamara de sa part expose aussi d’autres, qui sont
étudiés par des chercheurs étrangers tels Karl Vietor, J.M.Scheaffer et
T.Todorov et d’autres proposés par Chréstiane Seydou en travaillant
sur des échantillons de la littérature orale africaine dont le Mali et qui
sont d’ordre intra textuel et extratextuel.
1
- voir : P.G. Pernet, littératures berbères des voix des lettres, presses universitaires
de France, 1998.
[143]
4- Les raisons :
Les raisons qui font que la classification des genres dits
poétiques sont d’ordre général, seulement on ne va citer que certaines
qui paraissent communes aux genres poétiques oraux berbères traités
dans ce travail et que nous n’allons pas les énumérer toutes :
Les genres de la littérature orale s’interpénètrent, ce qui rend
difficile leur classification. Il y’a une liaison intime entre un genre et
un autre comme on la constaté pour aêiêa, izli, aquli et
éventuellement tizrarin. Ce caractère commun répond au contexte, de
la théorie générique d’où la dynamique des genres qui stipule que ces
ressemblances textuelles, formelles et surtout thématiques peuvent
être considérées comme un réinvestissement de cette même
composante textuelle.
La variation constatée au niveau de la terminologie employées
pour désigner la poésie d’amour, comme la souligné beaucoup de
chercheurs entre autre P.G. Pernet et A.Bounfour, est due à la
diversité dialectale et qui certainement rentre en rapport avec les
changements opérés aux niveaux de la société berbère en général dont
le régime colonial, l’influence de l’écrit et surtout l’invasion de la
langue arabe qui s’est faite place dans le domaine littéraire comme
avec l’emprunt d’où l’exemple de « aquli ».
L’influence du religieux, qui a fait naitre une idéologie
officielle du groupe, évoqué par T. Yacine fait que la poésie
amoureuse-féminine vit dans un anonymat et n’acquiert pas de statut
digne d’un genre particulier. Vu sa thématique sensible « le sentiment
d’amour » et le caractère vulgaire qui prime font que, cette poésie vit
longtemps dénué de statut et qualifié de genre mineur par rapport à la
poésie masculine qui elle dite noble. Ce qui fait que cette poésie ne
pouvait pas avoir de système ou l’aurait perdu. Dans ce contexte,
Tzvetan Todorov souligne que : « Chaque époque a son propre
système de genres, qui est en rapport avec l'idéologie dominante. Une
société choisit et codifie les actes qui correspondent au plus près à son
idéologie ; c'est pourquoi l'existence de certains genres dans une
société, leur absence dans une autre, sont révélatrices de cette
idéologie ».
Seulement, il y’a lieu de dire que malgré la marginalisation
imposé par l’implantation du système susdit qui voulait le suffoquer
[144]
par un ensemble d’interdits1, ce genre a tout de même sauvegarder
beaucoup de ces trait performants car on ne pouvait supprimer les
agents de ce genre.
D’autres raisons qui sont d’ordre général et partagées par tous
les autres genres que ce soient poétiques ou narratifs, le manque de
recherches et d’études scientifiques et surtout de spécialisation. Le
penchant vers l’aspect linguistique qui a envahit l’esprit de la
recherche scientifique lancée en Europe, surtout pendant la période
qui s’étalait entre 1870 et la moitié du 20e siècle ou il y’eut des
recherches en Europe sur les langues pour remonter aux langues mères
en linguistique ; ces aspects ont été transposé sur le domaine berbère
mais dans un esprit beaucoup plus historique et colonial. Et vu le
statut sociopolitique de la langue (dit, à l’époque : idiome) était
innommable, durant ce même siècle fait que les études berbères
perdent de ses valeurs littéraires à une époque où ces chercheurs
auraient pu sauver la plupart.
5- Propositions :
Le genre qui aurait mieux gardé son intégrité et qui
présenterait moins de différences d’une région à une autre et dans le
même dialecte et qui répond à l’ensemble des paramètres serait
adopté comme un genre majeur et panberbère. Seulement devant cette
diversité dialectale qui constitue une convergence littéraire, il est
conseillé, dans ce cas, de faire un choix (comme la déjà signalé A.
Bounfour) et qui se résume en deux points : ou se contenter de la
terminologie d’un seul groupe, ce qui ne satisfait pas le critère de
l’exhaustivité ou d’étudier la terminologie de tous les groupes
séparément et tenter ensuite de faire ressortir une sorte de théorie
générique ; ce que nous avons procéder de faire sur le terrain du moins
pour le dialecte kabyle dans les deux régions déjà citées en dessous.
Certes le facteur temps serait une difficulté mais sur le plan de la
recherche elle rapportera beaucoup même à long terme !
1
- dans ce contexte, on fait rappel du même cas qui a concerné le rituel de
« Anéar », H.Genevois notait que les marabouts, au 18e siècle, l’ont frappé
d’interdit. Il y’a eu une tentative d’islamisation du rituel, quand les usagers de ce rite
ont disparu.
[145]
Conclusion :
L’état des lieux des études sur les genres littéraires berbères,
nous l’avons vu ci-dessus, n’est pas aussi maigre qu’on le croyait
seulement il manque de spécialisation et des enquêtes de terrain. Il n’y
a pas d’études qui rendent compte des genres littéraires berbères de
manière claire et systématique par le fait du manque, constaté déjà par
P.G. Pernet, de descriptions locales …
La liste des genres oraux dans la littérature berbère d’une
façon générale ou kabyle d’une façon particulière n’est pas close, le
débat est toujours soulevé et les recherches paraissent très peu
avancées car la convergence y’est toujours.
Cet état de chose, exprime une perspective pour une
théorisation des genres de la littérature orale berbère seulement cela
exige une stratégie, visant sans doute à régler le conflit dialectal qui
semble entraver cette démarche par la richesse terminologique qu’il
propose. Par ce fait il serait aussi judicieux que l’état constitue une
institution scientifique qui permettra de gérer ces différences en vue
d’une théorie générale des genres oraux berbères !
Bibliographie
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poésie orale kabyle, Thèse de doctorat à la sorbonne, sous la direction
du P.m. Arkoun, Paris.
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littérature des berbères, Ibis Press
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France.
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caractéristiques, de la tradition à la modernité, HCA, Alger.
[146]
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• Mammeri. M, 1980, Poèmes kabyles anciens, Maspero, Paris.
• Nacib Y, 1993, Anthologie de la poésie kabyle, Editions Andalouses.
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Corvin, Qu'est-ce que la comédie, Paris, Dunod,
• Todorov.T., 1987, La notion de la littérature, Seuil.
• Yacine.T, 1988, L’Izli ou l’amour chanté en kabyle, La maison des
sciences de l’homme, Paris
• Zumthor.P., 1983, Introduction à la poésie orale, Seuil, Paris
[147]
La poésie historico-légendaire: de l’intergénéricité à la
confusion terminologique
---------------------Mustapha El Adak
Université d’Oujda/Lacnad, Inalco (Paris)
Introduction
Au cours de la dernière décennie, on peut constater que la
question des genres est devenue un débat essentiel dans les études
littéraire amazighes. Chaque fois les mêmes problèmes se posent : on
se trouve inexorablement confronté à la problématique de
l’intergénéricité qui est aussi consubstantielle à celle de la
terminologie. L’une ne peut être envisagée sans l’autre, nous semblet-il. Apparemment, l’intérêt accordé à ce sujetn’a pas encore permis de
déterminer adéquatement les genres littéraires héritées de la tradition
orale et d’éclaircir les différentes formes d’interactions qui soustendent leur structure interne. Il en va sans doute de même pour la
production écrite dite contemporaine où l’ambiguïté n’épargne pas
l’œuvre de nombreux créateurs. De là à dire que seuls la
multiplication et l’approfondissement des études visant la
détermination des genres, leur classification et leur examen dans la
perspective d’une comparaison interdialectale devraient permettre de
remédier aux lacunes constatées.
Il y a à vrai dire des productions qui mériteraient une attention
toute particulière. C’est ce que nous voudrions souligner, dans le cadre
de ce colloque, en abordant la confusion qui entoure la terminologie
d’un type de poésie inspirée de la religion et qui consiste plus
précisément à relater la vie du prophète et les faits héroïques de ses
compagnons. Comme exemple d’illustration, nous avons choisi
d’examiner un texte attesté dans trois dialectes : rifain 1 , kabyle 2 et
1
Le texte qui est donné ici en annexe est recueilli en 2009 auprès d’une femme âgée
de 65 ans à Bouyafar, une tribu des Iqerɛeyyen située à 30 km de Nador. Selon elle,
c’est une ṯḥajit« conte, histoire » sans titre.Il s’agit d’un texte rare qui semble avoir
perdu quelques passages. Il a déjà fait l’objet d’une étude que nous avons publiée
dans Revue des Etudes Berbères, vol. 8, Inalco, 2013, p 35.
2
M. Mammeri, Poèmes kabyles anciens, textes berbères et français, Paris, Maspero,
1980, p. 318.
[148]
touareg 1 , mais avec des variations de nature diverse sur lesquelles
nous reviendrons dans une étude ultérieure. Sans s’attacher aux
détails, il s’agit d’un récit court en vers où le prophète et les mécréants
entrent en conflit au sujet d’une chamelle. L’intervention de l’imam
Ali met fin au conflit et aboutit à une défaite cuisante des opposants
du prophète. Seront ainsi examinés les termes amazighes
(autochtones) et les termes empruntés à la langue française pour
désigner un genre littéraire laissant apparaître un jeu d’interférence et
de fusion entre l’historique, le religieux, le poétique, l’épique, etc.
1. Influence de l’islam et imaginaire religieux
A l’instar d’autres littératures comme c’est le cas en Afrique et
en Asie centrale, la littérature orale amazighe a subi une forte
influence islamique. L’arabisation et l’islamisation rapide de la
majorité des populations amazighes ont eu pour conséquence
d’affecter leur héritage littéraire et culturel en l’orientant vers une
nouvelle voie de valeurs. Ainsi, le renouveau culturel et idéologique
favorisé par l’implantation progressive de l’islam se trouve porté par
une production littéraire riche de l’apport religieux. En fait, dans un
tel contexte, il va de soi que les genres littéraires préexistants se
ramifient et que, dans certains récits comme le conte, des symboles et
des éléments religieux se greffent sur des motifs profanes ancestraux.
De quelque nature qu’elles soient, les nouvelles productions inspirées
de la religion mettent en exergue la grandeur de l’islam et célèbrent
les hauts faits du prophète et de ses compagnons. En voici quelques
exemples :
- récits relatant la vie des personnages ayant un statut
prophétique comme Salomon, Moïse, Joseph, Job, etc. ;
- récits relatant la vie des saints locaux comme Abdeslam
Usalah, un saint de la tribu des Iqerԑiyyen très connu pour ses
miracles, Cheikh Mohand qui a fait l’objet d’une légende
hagiographique kabyle, Sidi Moussa « Boukabrine » dont la légende
touareg rappelle celle de Joseph, etc. ;
1
M. Aghali-Zakara, 1997, « Baghirun, poème étiologique en berbère (touareg) », in
Littérature Orale Arabo-Berbère, 25 (1997), p 231.
[149]
- récits en vers ou en prose relatant la victoire de l’islam et
l’héroïsme d’Ali ;
- zhid, dikr/adekker : poésie (mystico) religieuse axée sur
l’amour de Dieu et du prophète. Elle est récitée aussi bien par les
hommes que les femmes lors de différentes occasions telles que
décès, mariage, baptême, etc.;
- izlan ou poésie chantée et accompagnée de musique à
l’exemple du répertoire de Moudrous (Rif), de Mokrane Agawa
(Kabylie) et de Mehdi ben Mbark (Souss). L’éloge du croyant, la mort
et le jugement dernier sont les principaux thèmes de cette poésie.
- proverbes, adages, anecdotes, etc.
Ce qui inspire essentiellement le genre de poésie qui nous
intéresse ici, c’est l’islam populaire. Bien entendu, il n’est pas aisé
d’identifier son origine et de dater son apparition avec exactitude.
Toutefois, il serait possible de l’attribuer à l’inspiration maraboutique
qui fut une caractéristique de la période de la décadence. C’est en effet
à partir de cette époque que la ferveur religieuse commence à nourrir
l’imaginaire populaire au sein des différentes confréries islamiques et
que les croyances magiques et païennes connaissent leur plein essor en
Afrique du Nord. A titre d’exemple, la vénération des saints est
devenue une pratique désormais répandue dans les milieux populaires.
Sans aucun doute, les pouvoirs politiques qui se sont succédé au cours
des siècles ont joué un rôle déterminant dans l’implantation d’une telle
pratique, ce qui est évidemment en totale contradiction avec l’islam
qui est en principe une religion monothéiste.
On comprend, dans cette perspective, que l'islam populaire a
contribué de façon remarquable au développement d’une littérature
nourrie d’imaginaire religieux. D’ailleurs, les différents récits où le
prophète et ses compagnons s’illustrent par leur grandeur d’âme et
leur bravoure laissent deviner qu’ils sont inspirés des récits al-maɣāzī
« récits des expéditions arabo-musulmanes ». Par leur forme de
diffusion discursive, ces récits - dans leur version écrite ou orale constituent des épopées héroïques qui ont marqué de leur empreinte la
littérature populaire arabe et, par là même, la littérature orale
amazighe et d’autres littératures à travers le monde.
[150]
Rappelons brièvement que les récits al-maɣāzī sont l’œuvre de
l’historien Mohammed ben Omar Al-Wāqidi 1 (745-822). En
s’inscrivant dans l’optique de son prédécesseur Ibn Isḥaq, il a pu faire
de l’ensemble des expéditions militaires menées par le prophète et ses
compagnons un genre littéraire à part. Cependant, les faits rapportés
par al-maɣāzī n’étaient pas forcément bien accueillis par tous ses
contemporains et ses successeurs. Nombreux sont ceux qui lui ont
reproché d’avoir forgé des hadiths ou d’exagérer certains événements.
De même, il n’est pas sans intérêt de souligner aussi que ce qui
caractérise ces récits, c’est qu’ils ont perdu leur précision au fil du
temps. C’est dire que leur contenu a fait sans cesse l’objet
d’amplification et de détournement à caractère merveilleux. Ainsi
voyons-nous se développer au fil du temps une littérature populaire où
le religieux occupe une place majeure.
En fait, il n’y a pas que les confréries islamiques et les récits
al-maɣāzī qui ont insufflé un air de renouveau à la littérature orale
amazighe. Le coran, le hadith et toutes sortes de dogmes nourris par
l’islam populaire ne doivent pas être occultés. Ils ont tous contribué
d’une manière ou d’une autre à faire du prophète et de ses
compagnons des figures de légendes. D’où l’émergence de plusieurs
formes littéraires comme il nous a été donné de le souligner plus haut.
Il n’est pas inutile par ailleurs d’évoquer la tendance chiite du
poème auquel nous nous consacrons ici. C’est d’ailleurs le cas d’une
grande part de la poésie religieuse et mystique amazighe, plus
particulièrement des textes héroïco-religieux. Saïd Doumane (2014 :
276) ne manque pas de souligner cette remarque en abordant les
chants religieux kabyles : « Il existe bel et bien une sédimentation
historique de faits religieux millénaires en Kabylie, même si la strate
islamique est la seule reconnue et légitimée. Dans cette strate, si la
tradition sunnite est affirmée, voire revendiquée, il n’est pas rare de
voir affleurer la tradition chiite à travers des évocations et des faits
relatant l’époque du khalife Ali, de sa femme Fatima fille du Prophète
et de leurs enfants Hassan et Hocein ». En littérature, il est connu que
cette tradition chiite évoquée par Doumane s’exprime essentiellement
dans les récits al-maɣāzī. C’est ce qu’a bien vu déjà Mélikoff (1960 :
299) : « l’inspiration [y] est ostensiblement chiite ».
1
Al-Wāqidi s’est distingué par son ouvrage Kitab Al Tarikh wa Al-maɣāzī « Histoire
et expéditions militaires du Prophète ».
[151]
Mais qu’est-ce qui fait, dans la poésie religieuse amazighe,
qu’Ali acquiert une place importante et devient une figure héroïque
exemplaire ? La réponse à cette question tient à plusieurs raisons.
Outre sa bravoure et ses exploits guerriers contre les infidèles qui le
constituent comme étant héros, il ne faut pas perdre de vue qu’il se
distingue par des atouts majeurs : sa descendance de la lignée de
l’envoyé de Dieu, son alliance avec le prophète en épousant sa fille
Fatima, le fait qu’il est parmi les premiers hommes à être convertis à
l’islam, sa générosité, son impartialité, son érudition, sa passion et sa
capacité à sublimer l’instinct en lui-même, son assassinat, alors qu’il
priait, etc. C’est là autant de vertus et de perfections qui dotent
l’homme d’un grand charisme, un homme qui inspire le désir
d’identification.
Dans l’imaginaire collectif, Ali est donc magnifié grâce à
plusieurs vertus. A l’image du héros des temps antiques, il semble
bénéficier de toutes les qualités pour dépasser la condition humaine et
se situer dans une configuration métaphysique. Que ce soit dans les
représentations fondant les formes littéraires où il s’illustre ou bien
dans les stéréotypes culturels qui se sont forgés à propos de sa
grandeur constamment exaltée, son héroïsme s’avère une faveur
divine. Bref, le statut légendaire de l’homme tient aussi bien à ses
qualités intrinsèques qu’à sa conformité à l’idéal que prône sa
communauté.
La tendance chiite dont il est question ici est apparue
nettement dans les propos de plusieurs informateurs auxquels nous
avons fait appel pour voir ce qu’il en est de l’interprétation du poème.
Certains sont allés jusqu’à entendre certains passages comme un
blasphème envers le Prophète et l’islam sunnite. En effet, ces
personnes reçoivent la parole du chef suprême des musulmans comme
une expression désespérée d’un homme incapable de faire face à ses
ennemis :
Yenna-as: « ahnaci a Faṭima! ruḥ-ayi ɣar Ʃali
In-as aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn.
Il lui dit : « dépêche-toi, ô Fatima ! Va appeler Ali
Dis-lui que mon père est humilié et que personne n’est venu à
son secours ».
Dans cette réplique adressée à Fatima, faisons remarquer
l’usage de l’expression ahnaci « fais vite » qui traduit une situation
[152]
d’extrême urgence et la rhétorique de la syntaxe de la phrase ruḥ-ayi
ɣar Ʃali « litt. va pour moi chez Ali » où l’intercalation du
complément indirect ayi entre le verbe ruḥ et la préposition ɣar est
révélatrice d’un ordre qui émane d’une autorité affaiblie et en
difficulté dans son rapport à l’ennemi.
En somme, il y a de bonnes raisons de soupçonner qu’une
déclaration de ce genre ne peut être attribuée au Prophète. Comment
admettre qu’un envoyé de Dieu, si puissant et si noble, ait pu
s’exprimer de telle façon et reconnaître son humiliation ? A la
différence de notre informatrice auprès de laquelle nous avons
recueilli le poème et de quelques personnes illettrées auxquelles nous
avons proposé de réagir à son contenu et qui n’ont émis aucun
jugement critique, cinq de nos informateurs dont le niveau
d’instruction est moyen ont interprété les propos ci-dessus comme un
outrage au prophète. Pour certains d’eux, il s’agit d’un poème qui
illustre explicitement la tendance au chiisme. Ils y voient, une
glorification d’Ali au détriment de Mahomet. De même, la réplique
suivante est considérée comme une grossièreté qui ne saurait être
proférée par le prophète réputé pour sa décence et sa délicatesse :
Yenna-asn: « llah yenɛer ddin-nwem
Ddin-inu ma am wn nwem ?
Mri xa-s ɣa nexxra, mri xa-s ɣa neyzem
Mri xa-s ɣa narni ra ḏ min nuṛu nessyem ».
Il leur répondit : « maudite soit votre religion
Ma religion est-elle comme la vôtre?
S'il faut s'exiler, nous nous exilerons, s’il faut mourir, nous
mourrons
Et s’il faut sacrifier notre progéniture, nous la sacrifierons ».
En général, ce sont ces deux derniers passages qui sont
interprétés comme une exaltation de l’islam chiite et une déchéance du
Prophète Mahomet.
2. A la croisée des genres
Compte tenu de sa forme et de son contenu, le poème analysé
ici constitue un croisement discursif où la fiction est enrichie par ses
multiples rapports avec la macro-sémiotique littéraire autant amazighe
qu’arabe. Il en résulte un texte intégrant dans son corps plusieurs
genres, à savoir qu’il mélange poésie, narration, histoire, épopée,
[153]
religion, etc., et ce dans le but de construire une vision mythique de la
figure héroïque d’Ali.
Sur le plan historique, on ne peut que constater que le récit met
en scène des personnages constituant deux clans ennemis que la
religion divise et engage dans une forte hostilité. D’un côté, les
musulmans et de l’autre les non musulmans ou les mécréants. Les
premiers sont représentés par trois figures clé de l’islam : le prophète
Mahomet, son cousin et gendre Ali et sa fille Fatima (épouse d’Ali).
Les seconds forment un groupe indéterminé de personnes. En tant que
héros et représentant de sa communauté, Ali est sollicité par le
prophète Mahomet pour lui porter secours et le délivrer d’une
situation désespérée lors du conflit qui l’oppose aux mécréants. On est
donc en présence d’une fiction qui en s’appuyant sur une discorde
imaginaire évoque un conflit réel et bien connu du point de vue
historique et religieux. Mahomet avait pour mission de répandre dans
le monde les lois divines qui lui ont été révélées.
Ce sont justement ces données historiques qui se transposent
dans l’univers d’une création populaire faisant ressortir clairement la
trame narrative d’un conte merveilleux. Une trame où l’on distingue
une structure économe nettement caractérisée par la non multiplication
des épreuves. Cela tient sans doute au fait que les événements
rapportés doivent rester dans la sphère du réel, mais aussi à l’effet
poétique qui a tendance à condenser le contenu de l’histoire et à
confiner son étendue dans la concision et la poéticité des vers. En plus
de cette caractéristique, soulignons aussi l’alternance du récit et du
discours, la répétition des répliques des personnages, la fréquence du
verbe ini « dire » introduisant leurs paroles, etc. Ainsi, les rôles et les
relations régissant le récit répondent parfaitement au schéma actantiel
de Greimas (1966), schéma connu traditionnellement par l’interaction
entre les six actants :
héros : Ali ;
objet de conquête : la chamelle (chamelon) ;
destinateur : le prophète Mahomet ;
destinataire : l’islam qui triomphe et bénéficie de
l’action du héros ;
adjuvant : l’épée sacrée d’Ali ;
opposants : les infidèles.
[154]
Par ailleurs, notons qu’à l’exception d’une narration qui
manque d’envergure, le poème pourrait être reçu comme une épopée
héroïque. A cet égard, il apparaît clairement qu’il réunit les principales
caractéristiques du genre épique : récit rythmé, conflit et fait de
guerre, acte de bravoure et exaltation de l’héroïsme du quatrième
calife de l’islam. Donc, le réel que nous venons d’évoquer est converti
en production anonyme qui ne saurait refléter les faits connus de la vie
du prophète et de ses compagnons, mais elle est fortement ancrée dans
le champ des figurations liées à la littérature orale. C’est en effet dans
cette perspective qu’événements, personnages, lieux, objets, etc.,
servent de prétextes à de nouvelles perceptions du monde. Derrière
l’arrière-plan religieux de l’histoire, apparaissent des représentations
idéalisées et des modèles prototypiques structurant mythes, légendes
et contes merveilleux.
Dans cette perspective, l’action épique ne saurait exister sans
poésie. La mise en forme du message à travers toute une série de
procédés stylistiques suppose que le récepteur doit être aussi attentif à
la sonorité des mots et des phrases qu’à leur signification. Comme
nous l’avons pu constater lors des différentes récitations effectuées par
notre informatrice, la variation de la hauteur et du volume, le
marquage accentuel des syllabes, les pauses, sont autant de moyens
qui visent à susciter l’émotion et l’admiration pour le héros et ses
exploits.Quant aux images, il suffit d’observer les comparaisons mises
en évidence dans la dernière strophe pour voir comment la poésie est
au service d’une scène qui suscite la peur, mais aussi l’admiration
pour l’exploit réalisé.De même, n’oublions pas qu’une forme versifiée
de ce genre facilite la mémorisation et participe, par son rôle
pédagogique, à la diffusion de l’information.
3. Quelle terminologie pour quel genre ?
On aura déjà compris qu’il n’est pas facile d’attribuer à un
poème de ce genre une terminologie non confuse. En effet,
l’imbrication des critères définitionnels remet en question et les
termes amazighs et les termes français qui le désignent dans les études
soulignées plus haut. D’où la question suivante : pour quel classement
opter et quelle dénomination devrait être offerte à un texte de tradition
orale qui tisse un réseau de correspondances entre des
éléments poétiques, contiques, merveilleux, épiques, historiques,
religieux, etc. ? Le problème qui se pose est donc lié, d’abord, aux
termes amazighs qui sont vagues en raison de leur polysémie, ensuite,
[155]
aux dénominations de la langue de travail, en l’occurrence le français,
qui, en plus de leur prolifération, ne s’appliquent pas toujours aux
productions littéraires amazighes.
Commençons par le tarifit pour voir ce qui en est de cette
confusion terminologique. Mais, avant d’en arriver là, il serait
important de souligner que le poème dont il s’agit ici est très peu
connu dans la région où nous l’avons recueilli et sans doute dans tout
le Rif. Nombreuses sont les personnes âgées qui déclarent ne jamais
l’avoir entendu. Parmi elles, figurent des imams et des hommes censés
avoir une bonne connaissance des récits se rapportant à la vie du
Prophète et à celle des grandes figures de l’islam. Lorsque nous
l’avons recueilli auprès de notre informatrice qui dit l’avoir appris de
sa mère dans les années 1950, nous croyions avoir affaire à un genre
oral qui aurait une désignation spécifique. La raison en est qu’il
englobe plusieurs composantes littéraires et qu’il est différent du conte
populaire à plusieurs égards. Or, tel n’était pas le cas. Pour notre
informatrice principale comme pour tous les autres informateurs, les
seules désignations attestées et possibles sont ṯḥajit et ṯaqessist.
D’ailleurs, il suffit d’observer le vers initial du poème pour se rendre
compte que le terme ṯḥajit se manifeste à deux reprises sous forme
verbale à l’impératif :
Siwr siwr a yirs-inu, a mmi ḥaja-ayi-d
Ḥaja-ayi-d x rḥujjaj-nni, iẓurn nnabi.
Parle, parle, ô ma langue ! Raconte-moi
Raconte-moi l’histoire des pèlerins qui rendirent visite au
prophète.
Ce qui laisse penser à une sorte de protocole d’ouverture
consistant à lancer le récit et à attirer l’attention de l’auditeur sur
l’intrigue à laquelle il l’invite. Donc, dès le début, on apprend qu’il
s’agit d’une histoire à raconter et que tout conteur se prépare à cet acte
par un jeu de mots comme s’il n’était pas la personne qui conte. Cette
manière d’inaugurer le récit en s’y impliquant, plus précisément en
parlant à sa « langue » qui est un organe de la parole, et puis en
s’effaçant pour relater les faits et laisser la parole aux personnages est
unique en son genre. On dirait une invitation au témoignage et une
façon de vouloir créer l’effet de surprise.
[156]
En effet, ce qui pose problème dans ṯḥajit et ṯaqessist, c’est
leur caractère générique. Le premier peut désigner un conte
merveilleux ou facétieux, une histoire, une légende, une anecdote, une
blague, etc. Quant au second - qui serait une altération du terme arabe
al-qiṣṣa « histoire » -, il est employé pour signifier aussi bien un récit
qu’un poème ou encore une chanson. Vus sous cet angle, ces deux
termes ne sauraient donc rendre compte de toutes les composantes
d’un poème hybride racontant une action héroïque très peu connue.
Pour ce qui est du kabyle, cette action héroïque est rendue par
le terme taqsiṭ. Mammeri la classe dans la catégorie de tiqsiḍin
« légendes religieuses » où elle figure sous le titre taqsiṭ bbwelɣem
« la légende du chameau », aux côtés d’autres légendes : « le sacrifice
d’Abraham », « histoire de Joseph » et « la mort de Moïse ». Mais,
Mammeri ne se contente pas d’un seul équivalent français pour
traduire taqsiṭ. Dans l’analyse qu’il présente à ce sujet, on peut relever
une cascade de dénominations : « poème religieux », « poème à sujet
religieux », « poème d’inspiration maraboutique », « récit édifiant »,
« épopée », « petite épopée », « anecdote miraculeuse ou épique qui
tient lieu d’histoire » et « geste ». Ce que l’on peut déduire de la
totalité de ces désignations, c’est que taqsiṭ brasse dans son ensemble
plusieurs genres dont il n’est pas facile de tracer les limites.
Cependant, comme le précise Mammeri, dans le champ de la poésie
religieuse auquel elle appartient, elle se distingue clairement des deux
autres composantes que sont la poésie mystique personnelle et dikr.
Précisons qu’en kabyle la forme signifiante de ce terme
emprunté à l’arabe tend à camoufler1 deux notions distinctes : al-qiṣṣa
« histoire » et al-qaṣîḍa « poème ». C’est d’ailleurs ce que montre le
dictionnaire de Dallet (1982) où il apparaît sous les deux racines QSD
et QSṬ, mais la définition à laquelle réfèrent les dénominations
françaises citées par Mammeri est donnée sous la racine QSD :
« taqsiṭ : ar. qaṣîda, tiqsidin // Histoire. Légende chantée : genre
littéraire souvent traité en vers, et souvent réservé à la légende des
saints personnages : taqsiṭ n sidna yebṛahim, la belle histoire de Notre
Seigneur Abraham // Aventure. Evénement, fâcheux ou non. •ixedmay taqsiṭ meqqweṛet, il nous a fait une très grande histoire ! •teḥka-yas
1
Apparemment, il y a lieu de distinguer entre taqsidt<qaṣîḍa « poème » et
taqsiṭ<qiṣṣa « histoire, récit ». En s’intégrant à la morphologie amazighe, taqsidt
s’apparente à taqsiṭ par assimilation des deux phonèmes en contact : « d » et « t ».
D’où, un seul terme qui renvoie à deux notions différentes.
[157]
taqsiṭ akken tella i meṛṛek es wadda, elle lui raconta l’histoire telle
quelle d’un bout à l’autre, depuis le début ».
En désignant essentiellement une forme de poésie religieuse,
taqsiṭ aurait pris en kabyle un sens qui ne semble pas constituer une
dominante sémantique dans le signifiédu terme arabe al-qaṣîḍaqui,
lui, renvoie à toutes sortes de formes littéraires constituant une unité
rythmique. En effet, al-qaṣîḍa comme d’ailleurs al-qiṣṣa 1 peuvent
faire l’objet d’un sujet religieux, mais pas au point de l’évoquer en
premier lieu.
Même constat de confusion dans la version touarègue. M.
Aghali-Zakara nous offre le titre suivant : « Baɣirun : poème
étiologique en berbère (touareg) ». Parler de poème étiologique, c’est
aussi référer à une notion très vague où l’on ne peut distinguer de
prime à bord les composantes principales déjà citées (poésie, histoire,
légende, religion, épopée, etc.). Dans sa présentation du poème,
apparaissent également d’autres désignations comme : « texte
hagiographique » et « poème historico-légendaire », lesquels, selon
lui, relatent les faits et dits prophétiques. En touareg, de tels poèmes
ou textes sont connus sous le nom de temmal n Annabi, voilàune autre
désignation générique qui pose les mêmes difficultés que cellesusitées
en tarifit et en kabyle.
Ainsi, dans les trois variantes dialectales examinées, les termes
utilisés pour désigner le poème en question sont génériques. En cela,
les formes littéraires auxquelles ils renvoient pourraient être des récits
fictifs ou factuels, en prose ou en vers, d’ordre religieux ou autre,
etc.Par ailleurs, s’il n’y avait qu’une dénomination à retenir pour
traduire ce fameux poème qui est tout un poème,nous estimons que
« poème historico-légendaire »2 serait la plus convenable. Cela étant
dit, elle évoque les principales composantes qui l’édifient. C’est
pourquoi nous avons décidé après bien des tâtonnements, de l’adopter
et même de l’utiliser comme titre de cet article.
1
Cf. Khadija Mouhsine, « Lqiṣt : genre narratif et genre poétique », Revue des
Etudes Berbères, n°8, Inalco, Paris, 2013.
2
Comme notre enquête au sujet de la terminologie de ce genre littéraire n’est pas
définitive, nous avons choisi de ne pas utiliser le terme ṯḥajit.
[158]
Conclusion
De cette brève étude, retenons que seuls les termes génériques
ou polysémiques sont employés autant en amazigh qu’en français afin
de désigner le genre de poème abordé ici. Evidemment, ṯḥajit, taqsiṭ et
temmal n Annabi sont tous des termes qui prêtent à confusion, et en
tant que tels, ils ne rendent pas compte immédiatement de la
dynamique générique qui le sous-tend.Cela prouve qu’on ne saurait
reconnaitre la nature d’une forme littéraire en dehors des paramètres
intervenant dans ses conditions d’énonciation et d’une étude
minutieuse de sa structure interne sur tous les plans. Concernant la
pléthore terminologique constatée en français,il semble que les
chercheurs amazighs ont tendance à multiplier des terminologies
abondantes dans le but de mieux expliquer leur sujet, mais peut être
aussi dans le but d’affirmer leur originalité. Or, ces terminologies qui
ne se distinguent parfois que par leur forme ne traduisent pas souvent
adéquatement le référent littéraire concerné. Aujourd’hui, plus que
jamais, la littérature amazighe est à la recherche d’une terminologie
cohérente et sans ambiguïté pour la fixation des différents genres
identifiés et classés au cours des dernières années. En effet, cet
objectif ne sera atteint que si le classement des genres et l’ensemble de
la terminologie en usage dans la littérature amazighe sont réexaminés.
Ce qui signifie que la réflexion sur la terminologie devrait être conçue
en parallèle avec le raffinement de l’analyse des genres et sous-genres
existants.
Annexe
1. Siwr siwr a yirs-inu, a mmi ḥaja-ayi-d
Ḥaja-ayi-d x rḥujjaj-nni, iẓurn nnabi
A ruḥn s umenɣi, arekwḥen-d s ubarqi
Ṯireɣmin n nnabi, war ṯeqqim ra ḏ icten
Ṯeqqim ij n ṯerɣemt, a ṯewsar ṯennehḏem
Ṯejje-d ij n webɛir, beḥra yebḏa aḏ iym
Ṣurn ḏay-s iṣeyyaḍn, bḏan a xa-s irarn
Teggen xa-s ṯiɛurar, n yejḏi s uɛekkem
Yenna arbbi yenna, uḏayn ḍermen-tn
Arami ḏ tameddiṯ, ruḥn aḏ arekwḥen
2. Ṯarɣemt ṯarwer-d ɣar siḏi Nnabi .
Usin-d nnan-as : « siḏi Nnabi a siḏi
Arr-anɣ-d ṯarɣemt nneɣ, ṯenni d ɣar-k yarewren »
[159]
Yenna-asn : « llah yenɛer ddin-nwem
Ddin-inu ma am wn nwem ?
Mri xa-s ɣa nexxra, mri xa-s ɣa neyzem
Mri xa-s ɣa narni ra ḏ min nuṛu nessyem »
Nnan-as : « a siḏi Nnabi ! arr-anɣ ṯarɣemt-nneɣ
Niɣ wc-anɣ Faṭima, umi yiɣɣra yism
Niɣ wc-anɣ siḏna Ɛali, icarf war iḥezzem »
3. Yenna-as : « ahnaci a Faṭima, ruḥ-ayi ɣar Ɛali
In-as aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn
Ḥarcen-d zi bni Weḥjar, ḥarcen-d zi bni Ṣaym
Ḥarcen-d zi bni Cifa, xelli ma ḏ bnaḏm »
4. Umi ṯruḥ Faṭima, ḏeg wenẓar nni ijehḏen
Ṯufa Ɛali yeṭṭes, yegga am wi yenxerɛen
Yenna-as : « min cm-yuɣin a Fatima ! a yeğis n ɛemmi !
In-ayi min cm itaɣn »
Ṯenna-as : « aqqac baba yenḏeğ, war ği wi ṯ-iɣaṯn
Ḥarcen-d zi bni Weḥjar, ḥarcen-d zi bni Ṣaym
Ḥarcen-d zi bni Cifa, xelli ma ḏ bnaḏm »
Yenna-as : « iwa ahnaci a Faṭima ! a yeğis n ɛemmi !
Sarreḥ-ayi-d I ssarḥani, ɛeḏr-as-d aḥezzem
Ssif-inu menzul, itudum am ssem
War ṯ-yeddiz uḥeddaḏ, war ṯ-yeggi remɛeğem »
5. Ṯenna-as umi yuyur Ɛali, yegga am wajjaj xmi yenhem
Umi ḏay-sn yewṯa, am rbaz ḏeg (i)fiğusn
Umi ḏay-sn ifarseɛ, am wuccen ḏeg (i)zmarn
Ḥedd yenɛarq, ḥedd yenneɛreq, ḥedd yeḏwer-d aḏ yesrem
Traduction
1. Parle, parle, ô ma langue ! Raconte-moi
Raconte-moi l’histoire des pèlerins qui rendirent visite au prophète
Ils partirent malgré eux, et rentrèrent déçus
Les chamelles du prophète disparurent toutes
Sauf, une vieille et meurtrie
Elle met bas d’un chamelon qui commençant à peine à grandir
Tomba entre les mains de brigands qui se mirent à le brusquer
En le chargeant d’amas de sable encombrants
Dieu dit que les Juifs les rudoyaient
[160]
Et à la nuit tombée, ils rentraient chez eux
2. La chamelle se réfugia auprès du prophète
Ils vinrent lui dire : « ô notre prophète !
Rendez-nous notre chamelle, celle qui s’est réfugiée auprès de vous »
Il leur répondit : « maudite soit votre religion
Ma religion est-elle comme la vôtre?
S'il faut s'exiler, nous nous exilerons, s’il faut mourir, nous mourrons
Et s’il faut sacrifier notre progéniture, nous la sacrifierons »
Ils lui dirent : « notre prophète ! Rendez-nous notre chamelle
Ou donnez-nous Fatima qui jouit d’une grande réputation
Ou donnez-nous notre seigneur Ali, ligoté et désarmé »
3. Alors, le prophète s’adressa à Fatima : « dépêche-toi, ô Fatima ! Va
appeler Ali !
Dis-lui que mon père est humilié et que personne n’est venu à son
secours
Ils sont accourus de Bni Hjar, ils sont accourus de Bni Saym
Ils sont accourus de Bni Chifa, c’est une véritable marée humaine »
4. Lorsque Fatima fut partie sous une pluie battante
Elle trouva Ali plongé dans son sommeil, l’air effrayé
Il lui dit : « qu’as-tu ô Fatima ! Ô ma cousine !
Dis-moi, qu’est-ce qui te préoccupe ?
Elle répondit : « mon père est humilié et personne n’est venu à son
secours
Ils sont accourus de Bni Hajar, ils sont accourus de Bni Saym
Ils sont accourus de Bni Chifa, c’est une véritable une marée humaine
»
Alors dépêche-toi, ô Fatima ! Ô ma cousine !
Selle bien mon cheval et prépare-le
Mon épée est sacrée, elle dégouline de poison
Elle n’est ni battue par un forgeron, ni conçue par un artisan
5. Alors, Ali partit comme un tonnerre rugissant
Il s’abat sur eux comme le faucon sur les poussins
Il les éparpilla comme le loup terrifiant les agneaux
Certains s’enfuirent, d’autres s’exilèrent et le reste se convertit à
l’islam.
[161]
Bibliographie
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• Roux, A. (2002), Poésies berbères de l’époque héroïque.
Maroc Central (1908-1932), Edisud, Aix-en-Provence.
[162]
Quelques contributions à l’étude du genre hagiographique
Sadek BALA
Université de béjaia
Introduction
L’hagiographie constitue l’un des supports des plus importants
de la vie culturelle, cultuelle, littéraire et anthropologique du monde
amazighe et de son patrimoine. L’un de ses motifs privilégiés est la
littérature, dont le chant mystico-religieux arabo-berbère. Ce constat
est le résultat d’une constatation du champ littéraire amazighe et de
l’exploration du terrain à travers différents matériaux dont des
manuscrits et des enregistrements audio. Il ressort de là, son
imposition en tant que socle important et incontournable de l’un des
soucis des sociétés actuelles en l’occurrence, la question identitaire.
Quel le rapport de façon concrète et pratique entre identité et
hagiographie ? Comment est vécue cette jonction entre ces deux objets
du monde ? Quel est l’éclairage identitaire par ce détour par
l’hagiographie ?
Beaucoup de questions sont à l’œuvre, mais on se contentera
de quelques constatations et lectures de certains matériaux liés à cette
thématique.
1- Eléments factuels
1-1- Introduction à l’hagiographie
Il est important d’éclaircir quelques les notions liés à
l’hagiographie : son essence, son sens, sa manifestation
anthropologique, littéraire et cultuelle. En effet et pour mieux saisir
cette réalité, on reprendra quelques réflexions sur ce genre. La notice
descriptive de Michel de CERTEAU (2001: 364-373), nous introduit
dans cet univers et nous offre le monograhe de ce concept. En effet,
elle lui reconnaît le statut de genre et de genre littéraire de façon
spécifique en disant : ¨L’hagiographie est un genre littéraire qu’au dixseptième siècle on appelait aussi l’hagiologique ou l’hagiologie.
Comme le père Delahaye le précisait en mille neuf cent cinq dans un
ouvrage qui a fait date, Les légendes hagiographiques, elle privilégie
[163]
les acteurs du sacré (les saints) et elle vise l’édification (une
exemplarité)¨1.
Dans cette configuration, l’hagiographie se dessine par sa
pluralité, la spécificité et le parcours de chaque saint.
Par sa reconnaissance en tant que genre littéraire, ce détour par
la littérature se voit ainsi justifié, mais qu’en est-il de sa manifestation
et son contenu façon concrète ? La réponse partielle est donnée quand
il donne des précisions sur les spécificités du discours hagiographique
en disant : ¨L’hagiographie est, à proprement parler, un discours de
vertus¨2.
Le motif de vertus fait jonction avec la thématique religieuse
et islamique de la (walâya) sainteté. Celui-ci traite de la vie, de
l’œuvre et du parcours du personnage de la sainteté.
1-2- Hagiographie et islamologie
L’islamologie fait configurer à partir du Coran et de la
tradition prophétique (al-sunna), l’identité du saint et sa
caractérisation par la notion de faveur divine (karama). Ce rang de
sainteté va de la simple et de la double attestation de la foi (alshâhâda) à la proximité de la mission (al-rissâla) ou la prophétie (alnubuwwa) propre aux Envoyés (al-rûsul) et aux Prophètes (alanbiyya). De la sainteté mineure à la sainteté majeure, les expériences
sont variables et multiples. Il est d’ailleurs très bien explicitée par le
très-docte (al-‘alâma) Sîdî Isma’îl al-Nabahânî dans son illustre
ouvrage tabaqât al-sûfiyya.
Devant la diversité de la littérature hagiographique, nous
reprenons quelques informations d’un des spécialistes de la question
en l’occurrence notre directeur de thèse Eric Geoffroy3 islamologue et
enseignant à l’université de Strasbourg tirées de sa thèse.
Reprenant d’abord le point de vue de Michel de Certeau, il
affirme ensuite : ¨Il est à noter cependant que le genre hagiographique
est pluriel, ce que démontrera l’étude de nos sources. Le saint ne
1
Michel de Certeau, p. 364, ¨Hagiographie¨, in Dictionnaire des Genres et notions
littéraires, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, Paris, 2001, p. 364-373.
2
Ibid.
3
Eric Geoffroy, ¨L’hagiographie¨, in Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les
derniers Mamelouks et les premiers Ottomans, orientations spirituelles et les enjeux
culturels, Institut français à Damas, 1995, p. 29-38.
[164]
représente
donc
pas
toujours
en
Islam
un
modèle
social interchangeable ; il se distingue souvent au contraire d’un autre
walî par sa personnalité spirituelle propre¨1.
Il s’arrête sur la traduction du terme en question en langue
arabe. Il fait partie d’un terme générique de tarjama qui désigne aussi
bien biographie qu’hagiographie. Mais au vu de la spécificité de
l’hagiographie, le terme le plus approprié en arabe à ce concept est le
terme manâqib (vertus et prodiges). Il parle aussi la littérature
hagiographique en tant que genre, tout en citant des exemples
concrets.
Selon son point de vue : ¨L’expression de adâb al-manâqib
constitue un vocable plus précis ; il défini déjà un genre littéraire,
comme l’indique la présence du mot adâb¨2.
Il aborde ensuite le statut et la genèse de ce genre tout en
mettant en valeur son caractère savant à travers le passage
suivant : ¨En Islam, le genre hagiographique ne saurait en effet être
considéré comme une littérature purement populaire et orale ; il se
révèle également de la tradition la plus savante, celle de la ¨défense et
illustration de la sainteté¨. Il faut ici rappeler que la croyance aux
miracles des saints (karamât) fait partie du dogme sunnite officiel
depuis que celui-ci l’a emporté sur le mu‘tazilisme, au III/IV siècle.
La sainteté possédant en Islam des fondements scripturaires solides,
notamment dans le Coran et le hadîth qudsî, il est logique de la
trouver intégrée dans la tradition écrite ; l’hagiographie n’est donc
pas, dans cet espace, culturel, un écrit se contentant de fixer l’oralité il peut l’être à l’occasion-, mais un genre littéraire à part entière. Les
cheikhs qui s’y adonnent sont d’ailleurs des grands ‘ulamâ’ ou des
maîtres reconnus dans le tasawwuf, ou l’un et l’autre. Il faut ici
distinguer entre les répertoires hagiographiques à portée générale et
les textes concernant une voie initiatique ou un personnage
particuliers¨3.
Derrière cette présentation générale, il cite des exemples de ce
qu’il appelle recueils généraux et parle aussi de l’usage pédagogique
de l’hagiographie à base de l’expérience de la voie shâdhili. Et à
propos de cette dernière il dit : ¨La méthode shâdhilî veut autant
1
Ibid., p. 29.
Ibid., p. 30.
3
Abdellah Bounfour, p. 30-31.
2
[165]
éduquer qu’édifier, en mettant à la portée du musulman quelque peu
lettré la doctrine du tasawwuf ¨1.
Concernant l’accès au spirituel, il préconise un regard
intériorisant de cette matière allusive et hermétique dans beaucoup de
cas et qui est l’apanage de gens initiés, contrairement à la masse pour
son ignorance de ses subtilités.
2- L’hagiographie et le domaine amazigh
De la jonction du monde amazighe au religieux à travers
l’hagiographique, est attestée par l’imposition des matériaux littéraires
en langue amazighe à la fois multiples, vastes et variés. Ils sont même
les représentants du premier ordre de la littérature amazighe. Les
textes et les chants légués par des noms comme al-Shâykh Muhand U
Lhûsin, al-Hâj Ssîd Jarrâbî, Ssaîd Amlikash, al-Hâj Shrîf A‘idal, alHâj Mhand at Lhusîn, Si al-Hâj al-Hanafî, al-Shâykh Ben Yahya, pour
ne citer que ces noms en sont la parfaite illustration. A cela s’ajoute
des centaines de poèmes dont on ne connait de qui ils sont. Le sixain
est choisi comme forme privilégiée et irréversible d’expression
hagiographique. De le champ des études berbères par exemple, on
commence à s’intéresser un peu plus au religieux loin de
l’ethnographique, de l’ethnologique, de l’utilitaire, de l’amalgame et
même parfois de l’idéologique souvent à l’œuvre dans ce domaine. Le
travail d’Abdellah Bounfour spécialiste et connaisseur du monde
arabo-berbère, sur le récit hagiologique, nous introduit de façon pus
précise, dans le domaine de la subjectivité dans le discours religieux2.
Dans l’introduction de son ouvrage, il parle de l’hagiographie
en tant que genre et situe sa réapparition en surface. Un genre selon
son affirmation, actualisé faut-il le rappeler, par les historiens au cours
d’une période qui ne dépasse pas une dizaine d’années selon son
témoignage. Il n’est ou ne sera plus le monopole de l’histoire ou de
l’anthropologie, il est ouvert à d’autres perspectives. L’auteur et son
évaluation des faits, expose sa démarche qui en plus des aspects
descriptifs, est inscrite dans une orientation littéraire, vaste et même
pluridisciplinaire.
Néanmoins, il souligne sa complexité et les difficultés qu’il
pose sur l’étude de l’hagiographie, surtout du côté des sentiments et de
1
2
Ibid., p. 34.
Ibid, 2005, Introduction à la littérature berbère 2. Le récit hagiologique.
[166]
la subjectivé qu’il porte. Il ne s’arrête pas à ce constat, mais parle des
outils et des moyens de son approche et son option pour les
paradigmes de la description et de l’analyse. C’est du moins ce que
nous déduisons de l’une de ses interventions suivantes : ¨Le récit
hagiologique a, certes, une construction esthétique descriptible de
manière autonome.
En effet, il peut être l’objet d’analyses
narratologique, sémiotique et rhétorique. Toutefois, il s’adresse à un
lecteur et un auditeur particuliers¨1.
Parmi les paradigmes de son choix théorique, il y a la théorie
de la réception et la sémiolinguistique.
Voyons concrètement ce qui l’on est de la représentation que
fait Abdellah Bounfour des instances et de ces procès de production et
réception.
Nous la résumons dans la configuration suivante :
- L’auteur en tant qu’instance d’origine est variable entre :
clerc, saint, mystique, maître, biographe, collecteur,
- Le texte en tant qu’espace littérarisé ou espace projeté peut
être : genre, manuscrit, document, biographie, autobiographie,
- Le lecteur en tant qu’instance de réception peut être :
croyant, critique, disciple, historien, chercheur, anthropologue.
Le profil le plus dominant de cette instance qu’est Abdellah
Bounfour est celui du littérateur. Son statut de professeur de
littérature berbère à l’Institut National des Langues Orientales à Paris
et ses activités au sein du centre de recherche berbère dirigé par le
professeur, l’académicien et le berbérisant Salem Chaker, le
confirment.
Pour mieux saisir cette articulation entre subjectivité et genre,
il s’est basé sur la relation entre saint et autobiographie.
Il utilise d’abord, le terme de charisme pour préciser ce
concept et le conçoit comme : ¨…l’élément sans lequel il n’y a pas de
sainteté¨2.
Il introduit ensuite le motif de la mystique musulmane la
himma qui (énergie spirituelle/inspiration profonde) comme pièce
1
2
Abdellah Bounfour., p. 9-10.
Ibid., p. 16.
[167]
maîtresse définissant la sainteté et dit : ¨ La himma serait ainsi la
présence de la divinité de l’homme¨1.
Du rapport avec l’autobiographique, il parle d’éléments
autobiographiques et d’autobiographèmes comme modes d’expression
du saint sur sa propre sainteté.
3- Collecte et analyse de textes hagiographiques
Ce programme est constitué de deux éléments importants, le
descriptif et l’analytique dont la théorie sémiotique du sens de Jean
Claude COQUET. Le premier constitue une étape préliminaire
d’accès au matériau. Il permet par les moyens d’enquêtes, de
collectes, d’observations, d’entretiens, des comparaisons,….,
l’obtention de matériaux à l’état brut. Une fois fixé et décrit
convenablement, le matériau est soumis à l’analyse.
Le point de vue descriptif est inspiré de façon précise de celui
développé par Paulette Galand-Pernet. Elle est choisie pour sa
proximité du monde arabo-berbère et sa réflexion sur le monde
littéraire. Une réflexion qui prend en compte les différents aspects de
la confrontation entre matériaux littéraires et linguistiques d’une part,
et réflexions ou études d’autre part. Sa démarche tient aussi compte
de la portée et des limites de ce même paradigme de description.
Elle l’aborde de façon particulière, dans le point relatif à
Critères de définition du genre. Elle part d’un constat relevé sur les
textes qu’elle a elle-même examinée et où elle constate une analogie
entre la situation linguistique et la situation littéraire dans le monde
berbère2.
En plus de la configuration de Tzvetan Todorov sur les genres,
partagée entre genres descriptifs et genres théoriques, nous
empruntons le concept de description à cet article Paulette GalandPernet. L’auteur l’évoque de façon implicite dans ce passage : ¨Pour
ce qui est d’établir des systèmes régionaux, qui existent, on se heurte
encore à l’insuffisance des descriptions locales. La plupart du temps,
les collecteurs de textes se sont contentés du nom générique donné par
le témoin sans s’interroger sur sa place dans le champ lexical local des
productions littéraires, c’est-à-dire sur une possible classification dans
1
2
Ibid., p.101.
Paulette-Galand Pernet, Littératures berbères des voix et des lettres, Puf, Paris,
1998, p.74-78.
[168]
le champ littéraire tel qu’il est conçu dans un groupe social ; ces
insuffisances s’expliquent en partie par les conditions de l’enquête
dans des zones à variation linguistique et par les préjugés
classificatoires, déjà évoqués, d’enquêteurs étrangers au lieu enquêté,
même s’ils sont berbérophones¨.
On a supposé que le concept de système régional concerne la
matière première à l’état brut. Elle peut être d’ordre linguistique,
littéraire ou anthropologique et peut être obtenue par le biais de la
description. Cette dernière à son tour s’obtient par le biais de la
collecte, l’observation et la comparaison. A ces éléments de base,
s’ajoutent les concepts de terminologie locale, de circonstances de
l’énonciation et de labilité dans l’étude et de façon précise la
description du genre.
En effet son examen du travail de l’ethnomusicologue
Mehenna Mahfoufi sur le genre dit ahîha lui fait dire ceci : ¨La
musique structure le texte dans sa distribution ; elle replace le texte
dans les circonstances où il est produit, en dégage la fonction ; elle
établit la relation du type avec l’acteur qui énonce le texte avec le
statut social, féminin ou masculin, de cet acteur. Cet examen des
différents plans de l’acte de communication littéraire inclut la
thématique du message et conduit à une esquisse de champ littéraire
local¨1.
La terminologie locale est un élément important et variable
dans le domaine berbère. Le même genre peut avoir d’une région à un
autre, des dénominations différentes.
Les circonstances de
l’énonciation jouent aussi un rôle important dans l’explication de
l’appartenance d’un même texte à plusieurs genres à la fois. Le texte
à lui seul ne fait pas le genre, c’est beaucoup plus un discours riche et
mouvant.
Elle résume cette pensée en disant : ¨Les circonstances de
l’énonciation et la terminologie locale sont notées, ce type de
document constitue une base pour reprendre l’examen de la question
des genres littéraires berbères¨2 .
L’auteur nous met en garde aussi sur les limites de l’outil
descriptif en parlant de préjugés classificatoires. La description est une
1
2
Ibid., p. 75.
Ibid.
[169]
étape nécessaire pour un meilleur contact avec le matériau brut, mais
non suffisante dans le sens où elle ne permet pas complètement
l’accès réel et effectif au sens. Il est aussi recommandé au collecteur
de chant par exemple, de réaliser son travail en contexte ou en
situation, et en notant tout. Le travail sur la matière textuelle du chant
ne rend pas compte des éléments qui le constituent. En effet, il est
admis que celui-ci est constitue certes de matière textuelle qu’est la
poésie, et de l’air musical ou en d’autres termes accompagné d’une
progression musicale ou mélodique. Le seul travail sur le texte en
littérature berbère tombe automatiquement en désuétude, il doit se
faire conjointement avec l’étude ethnomusicologique et s’inscrire dans
une perspective de recherche interdisciplinaire.
Examinons quelques matériaux collectés. Comment se
configure ce motif de la himma dans ces quelques échantillons ?
En premier lieu nous examinons quelques poésies d’évocation
et d’éloges au saint patron du quinzième siècle Sîdî Yahya al-‘Idlî.
Collectés auprès d’une femme, et les présentons avec des traductions
en langue française, nous allons tirer quelques conclusions.
A Sidi yeḥya liεdli
Ass lğemεa aql-aɤ a d-nas
O Sîdî Yahya laïdlî
Nous allons venir le jour du vendredi
A k-id-naf gg lḥemmam
Nous te retrouverons au bain
A k-d-nezzi d aqewwas
Nous formerons un cercle autour de toi
Caylelleh s lberhan-ik
Gloire à tes pouvoirs
Bab n ddnub teεfiṭ-as
Tu as pardonné au pécheur
……………
A Sîdî yeḥya liεdli
O Sîdî Yahya al-‘Idlî
A win mi semman izem
O celui qui dénommé lion
Tesεiṭ lḥemmam d ajdid
Tu as un bain nouveau
I d-yusan gg bir zemzem
Son eau vient de Bir Zamam
Caylelleh s lberhan-ik
Gloire à tes pouvoirs
Tehyi ṭ azger yemmezlen
Tu as ressuscité le bœuf égorgé
……………
Win ibɤεan ad izur
Celui qui veut effectuer une visite pieuse
[170]
Iruḥ taqerrabt deg giṭ
Qu’il aille au mausolée de nuit
Lembat-is gg lḥemmam
Passant sa nuit au bain
Ad yaf lbila tettfiṭ
Il trouvera débordé le bassin
A Rebbi gg leεnaya-k
Ğeεl-aɤ gg id mi teεfiṭt
O Dieu par Ta protection
Fait de nous de ceux à qui Tu as pardonné
Un autre cas extrait d’un mémoire de licence que nous avons
encadré. Il traite de la collecte et de l’analyse de textes
hagiographiques et concerne le saint patron Sidi Younes de la région
Awzellagen non loin de la vallée de la Soummam.
Voici quelques exemples :
Sidi Yunes Uzaɤar
Ass llexmis ɤur-k a d-nas
Sidi Younes de la forêt
Ne te seront tes hôtes le jour du jeudi
A d-nili gg lxelwa-k
Ne seront dans ta retraite spirituelle
A k-id-nezzi d aqewwas
autour de toiArraw-ik d imnayen
Nous formerons un cercle
Tes descendants sont des cavaliers
Yiwen ur illi d aterras
Aucun n’est piéton
…………………
Lwaleyya gg sidi yunes
Ttrusun-d bḥal ledyur
Les saints à Sidi Younes
Atterrissent comme des oiseaux
Temeddit i d-ttrusun
Atterrissent l’après midi
Amm itbiren gg lkeεba
Tels les pigeons de la kaaba
Sidi yunes gar-asen
Sidi Younes est parmi eux
C’est lui qui noua l’étendard
D netta i ggcudden leεlam
L’examen de ces sixains révèle la présence :
- Des instances suivantes : sujet (je, il, ils,…), le saint.
Leurs identités varient en fonction de la diégèse en œuvre. Le sujet
parlant est sujet croyant et sa foi est énoncée par le ton élogieux
envers le saint (O Sidi Yahya…,), et la glorification de ses pouvoirs
(caylelleh s lberhan-ik). Elle inscrite dans un programme initiatique et
spirituelle, par la projection d’un programme d’une visite pieuse
(ziyâra).
[171]
Du dévoilement de l’identité à l’expression d’un vouloir, le
sujet entame un programme de quête spirituelle.
Concernant le saint, il ne fait rien dans le texte, son identité est
celle dévoilée ou imposée par le sujet.
- Des procès suivants : Eloges, Vertus et Prédications. En
effet, ces sixains commencent ou contiennent des éloges (acekker) au
saint, montrant ensuite ses vertus et ses prodiges, et exprimant enfin
leurs vœux (du‘â’) en faisant de celui-ci leur intercesseur privilégié.
Concernant les éloges, son procès est ponctué de respect,
d’élévation et dans le strict respect des règles de convenances du
novice envers son maître. Pour ce qui est des vertus et prodiges de
saint, les éléments constitutifs de sn identité en sont répertoriés.
Enfin, le sujet exprime son vouloir, partagé entre demande de
pardon, réalisations de vœux et dénouement de situations.
Le personnage de Sidi Yahia est présenté comme un saint
vénéré, pôle d’une circonférence doté de pouvoirs initiatiques
(karamat), dont son bain et son eau sacré venant du puits Birzamzam.
Ce pouvoir de résurrection des morts fait de cet intercesseur un saint
christique.
Concernant le saint Sidi Younes, il se distingue ainsi que ses
descendants de la masse. Cette spécificité est propre saints et qui sont
en général des descendants charnels du Prophète – sur Lui prières et
paix divines-. Ce porteur d’étendard est vénéré, pôle de circonférence
et praticien de la retraite spirituelle.
[172]
Conclusion
L’examen présent de l’hagiographie révèle la forte présence de
ce genre, et son imposition dans le champ littéraire et anthropologique
du monde amazighe. Son étude ne peut être l’apanage d’un seul point
de vue. Sa richesse, sa complexité et sa variation imposent dans
examen un regard pluriel et interdisciplinaire.
La poésie versifiée et le sixain sont la forme d’expression et de
construction de la poésie religieuse et hagiographique sans conteste.
La structuration ternaire éloge, vertus et prodiges et
prédication/intercession en sont les différents procès et les plus
récurrents du présent genre.
La notion de himma, malgré son irréversibilité à elle seule ne
peut dévoiler l’identité spécifique du saint. Les motifs de celui-ci
ponctuent le parcours de chacun d’eux. La faveur divine reste
l’élément définitoire de la sainteté, et la himma varie d’un individu à
un autre.
Plus le corpus est large, plus l’identité du saint se précise.
Enfin, même l’aspect mélodique du chant hagiographique est
un souffle d’invocation que même l’ethnomusicologie, à elle seule ne
peut expliquer. Sa saisie ne peut être dissociée de l’invocation et de
l’initiation surtout.
Les identités spirituelles et hagiographiques ainsi se précisent,
compte tenue de ces deux derniers paramètres.
.
[173]
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[174]
Ahwach (aḥwaš) dans tous ces genres
---------------------Abdelhafid KADDOURI
Université Mohamed Premier – Nador - Maroc
Il n'y a pas d'autres mots que "spectacle" pour désigner aḥwaš.
L'intérêt de ce patrimoine musical et chorégraphique propre à la
communauté amazighe du sud du Maroc réside dans la pluralité des
expressions qui le caractérisent : danses individuelles et collectives, chants,
rythmes, improvisations poétiques, mise en scène, etc. fusionnent
et forment une parfaite symbiose pour le plus grand plaisir du spectateur.
Or, aujourd'hui, force est de constater que les contraintes liées au
marketing tendent de plus en plus à uniformiser cet art et à le vider de ses
composantes artistiques ancestrales. D'où la nécessité de préserver son
authenticité et de réfléchir à sa promotion de façon rationnelle. L'objectif
de cette communication est justement de faire la lumière sur les diverses
manifestations d'aḥwaš. Nous tenterons dans ce qui suit de souligner et de
décrire les différents types qui le définissent en tant que pratique musicale
et poétique variable d'une région à l'autre.
En effet, la dénomination d’«aḥwaš» provient de « ḥuš » en arabe
et d’« asarag » en tachelhit. C’est-à-dire, la cour consacrée aux danses
collectives, accompagnées de la musique et du chant, célébrant toutes les
festivités et événements importants de la vie sociale. C’est un art composé
d’une construction rythmique, d’une danse et d’une poésie. En général, un
spectacle de danses, d’improvisations poétiques, de percussions et de
chants individuels et collectifs qui fait partie intégrante de la culture orale
des chleuhs du Grand Atlas et de la région de Souss Massa Daraa.1
Attendu qu’aḥwaš est une tradition, qui se pratique et se joue
selon un rituel et un espace spécifique et dans des circonstances bien
particulières, elle exige des vêtements et des ornements adéquats. Selon
les habitudes des chleuhs, aḥwaš est conçu et pratiqué par les hommes et
les femmes. C’est une manifestation essentiellement rurale, sa mise en
scène est aussi symbolique que suggestive. Vêtus de djellabas blanches ou
jaunes et coiffés de turbans, les hommes se placent au centre de la scène.
1
Les préfectures et provinces qui composent cette région sont : Agadir, Inzegane Ait
Melloul, Chtouka Ait Baha, Taroudant, Ouarzazate, Zagora, Tiznit.
[175]
Les femmes, ornées de beaux apparats et bijoux berbères authentiques,
forment un cercle.
Les plus importants instruments par lesquels les danses d’aḥwaš
sont instrumentalisées sont les flûtes, les tambourins, le rbab, dderst (tam
tam), luṭar (à quatre cordes), naqus (tube en fer qu'on percute par deux
baguettes de fer) et nwiqsat (cymbalettes en cuivre), les claquements des
mains, les trépignements des pieds contre le sol.
Les rythmes produits sont variés et riches en accentuations. Les
percussionnistes occupent des rôles différents : tous les tambours n’ont pas
le même registre sonore. Celui du chef percussionniste est accordé plus
haut
afin
d’émerger
du
lot.
Pour qu’un aḥwaš soit bien conduit, il est nécessaire d’avoir un ṛayәs
percussionniste, un premier danseur (ou aεәllam) et le musicien joueur de
flûte métallique (awassa). La danse d’aḥwaš comporte des séquences qui
sont principalement de quatre tours : la première phase consiste en
l’ouverture par un chant soliste scandé par le poète chanteur de la troupe,
suivi de la chorale des danseurs et danseuses qui reprennent le refrain du
poème initial. La troisième phase est le sommet de la réussite de la danse
et du chant. La quatrième et dernière étape enchaîne et parachève la
précédente avec accélération du rythme qui entraîne les voix, les
mouvements des corps et les sons des instruments.
ṛwayәs / ṛayәs 1
ṛwayәs est le pluriel de ṛayәs, il désigne des poètes chanteurs et
chorégraphes itinérants. Un genre poético-musical pratiqué par la quasitotalité des tribus du sud du Maroc. La poésie des ṛwayәs est composée
généralement de distiques ; elle exalte la beauté de la nature et la grâce
des femmes, chante l’amour, loue Dieu et son prophète.
Le ṛayәs « chef, maître » s’accompagne au ṛbab « instrument à
plusieurs cordes, que l’on frotte avec un archet monocorde ». Un autre
joueur de ṛbab pourra figurer dans une troupe, à côté de deux joueurs de
luṭar « instrument à plectre à trois ou quatre cordes » et d’un
percussionniste jouant au naqus « tube en fer que l’on percute à l’aide de
deux baguettes de fer » et de quatre danseurs munis chacun de trois
nwiqsat « cymbalettes en cuivre ». A l’aide de son ṛbab, le ṛayәs fait
1
Notons au passage que la tradition des ṛwayəs a fait l’objet de diverses études, des
enquêtes ont été élaborées dans le cadre de l’émergence d’amarg n ṛwayəs et
taṛṛwaysin dans l’art poético-musical des troupes du Souss. Parmi ces études, celles
de Paulette Galand-Pernet, 1972, Henri Basset, 2001 ; aisni que d’autres comme
Chottin, 1999, Roux, 1928, Rovsing Olsen, 1997 ; voir bibliographie.
[176]
accorder les instruments tout en chantant en compagnie d’autres musiciens
de la troupe.
Les grands ṛwayәs de ce genre poético-musical des chleuhs, haj
Belaïd, Boubakr Anchad, Lhousayn Janti (et d’autres ṛwayәs comme
Albensir, Ahrouch, Bounsir, Abdellah ben Driss, ṛaysa Tihihit, ṛaysa
Tabaamrant, …), sont généralement des chanteurs professionnels, qui
avaient animé des soirées dans des cérémonies familiales ou tribales et
avaient parcouru des villages et des villes surtout dans la période des
récoltes.
Le grand artiste de l’amarg «poème chanté», le ṛayәs Lhaj Belaïd
était musicien, compositeur, poète, génie de l’improvisation poétique et
chef de troupe. Il demeure une véritable icône, puisqu’il n’écrivait jamais
ses poèmes, il les improvisait. Il avait chanté les femmes, l’amour, les
guerres tribales et des poèmes nationalistes. Boubaker Anchad et Boubaker
Zaari, qui ont marqué la chanson soussie en tachelhit, étaient ses disciples.
Parmi ses chansons les plus célèbres Atbir Oumlil (la colombe blanche) et
Taleb (le savant). Dans ses poèmes, chaque phrase est une image, dans
laquelle il dénonce la corruption morale et les mœurs dépravées, affiche un
mépris souverain envers l’argent, il chante l’amour, l’émancipation des
femmes et d’autres valeurs de la société. En voici un extrait de « atbir
umlil » :
atbir umlil
atbir umlil, nra adnmun s dar-un ;
iġ yyi trit, nraabdda ng wi nn-un,
adnmun adnzr wanna nra ġ ddunit,
iqqan aġ d usmun, lxyar d kiyyin.
La colombe blanche
Ramier sans tache, je souhaite aller vers toi ;
Si tu voulais de moi, je te suivrais toujours,
Je te suivrais partout voir librement le monde,
D’un ami j’ai besoin, mais je ne veux que toi.
Par ailleurs, en parlant des ṛwayәs, principaux dépositaires du
répertoire de leurs maîtres, Alexis chottin1 évoquait les expressions de
« ballet » et de « science chorégraphique ». En ce sens que les chefs ou
directeurs des troupes se livrent à un spectacle composé de figures
1
Alexis Chottin, Tableau de la musique marocaine, Paris, Geuthner, 1999 (1939),
p.3.
[177]
chorégraphiques très complexes. C’est un art professionnel et complet qui
se distingue aussi bien par la beauté des habits et ornements et l’élégance
du geste que par la maîtrise de la voix, du jeu instrumental et du rythme
exécuté par des trépignements des pieds sur le sol et des applaudissements
des mains ; en outre des percussions rythmées réalisées par le naqus et les
nwiqsat.
Soulignons au passage que les ṛwayes, qui pratiquaient
merveilleusement cet art à la fin du XIXe siècle et jusqu’à l’indépendance,
entamaient dans leurs œuvres plusieurs genres poétiques – nous y
reviendrons ultérieurement- : Boubakr Anchad, à titre d’exemple, abordait
des expressions parémiques imagées dans lesquelles il faisait parler des
oiseaux et d’autres animaux au sujet de la vie, la mort, de l’existence et du
paradis. Dans d’autres thèmes qui relèvent de l’histoire, il entreprenait la
première rencontre des berbères avec les arabes venus d’Orient. Nous
illustrons ceci par les vers suivants :
Tazzwit
immi nu, a yimmi tiḥnint, nga ġmkad
n tazzwit lli f iḍṛ umdlu d usmmid,
ur as isrg aylliġ nn tnsa, ġar ajddig
ġwad s ġwad aylliġ t nn issumm d yiḍ
L’abeille
Maman, bonne maman, j’ai fait
L’abeille, celle que viennent pénétrer brume et fraîcheur
Quand rien ne l’a détournée, jusqu’au soir,
Cette fleur-ci, cette fleur-là, de butiner même dans le noir.
Joutes poétiques ou « l’msaq » :
Comme nous l’avons signalé auparavant, aḥwaš se déroule en
plusieurs phases, la partie la plus difficile à réussir et la plus appréciée dans
le spectacle, est celle des joutes poétiques qui précèdent ladanse.
Ces joutes oratoires, appelées dans la tradition des chleuhs l’msaq, exigent
que le ṛayәs soit doté d’un certain charisme et d’une certaine compétence
d’improvisations poétiques et d’un esprit de répartie. Les spectateurs les
moins initiés la trouveront surprenante grâce à son originalité. Les joutes
nécessitent la participation d'au moins un improvisateur ou deux pour qu'il
y ait une grande émulation.
Pour commencer, un soliste improvise une suite de vers appelée
«répartie». Un groupe de tambourinaires et deux chœurs, l'un féminin et
l'autre masculin se font face. Ces chœurs doivent être denses pour obtenir
[178]
un effet de masse chorale compacte. Sans cet effet essentiel, le chant est
jugé inesthétique. Le chœur masculin répond en premier, suivi par celui des
femmes. Enfin, après un certain nombre de réparties, une fois que les
joutes poétiques atteignent le sommet, le rythme s’accentue et le chant
finit en danse. La parole perd alors sa prééminence et les voix croisées des
chœurs deviennent un simple accompagnement du jeu des tambours qui
prend le dessus sur la chorale et intensifie la puissance des mouvements et
des gestes des danseurs.
Variétés d’aḥwach et sous-genres
aḥwaš vient de la grande vallée du Sous qui est composée d’un très
grand nombre de villes, de villages, de casbahs, de douars et de tribus. Tous
les chleuhs de ces régions le pratiquent, cette tradition les accompagne
tout au long des événements jalonnant leur vie. Il est pratiqué
essentiellement par les villageois et se distingue d’une région à l’autre, que
ce soit au niveau du rythme, de la mélodie ou de la chorégraphie. Cela sousentend que chaque région cultive son propre aḥwaš qui peut être mixte ou
non, avec ou sans chant. On peut dire que chaque tribu possède son
expression et cultive son système rythmique.
Effectivement, avec l’émergence de plusieurs troupes et l’évolution
de cet art poético-musical dans ces deux dernières décennies, de
nombreuses appellations et dénominations hétérogènes et imprécises ont
été forgées pour renvoyer soit à la forme d’aḥwaš, soit à la région ou la
tribu de provenance de cet art, soit encore au genre de la poésie chantée.
Voici quelques « variétés » d’aḥwaš confondues à des « genres » ou « sousgenres » : aglagal, ntfәrxin (Taliouine), ajmak (Chtouka Ait Baha), mizan
Houara, akәllal, ṛukba (Zagora), aḥwaš afella n’dra Agdz (Ouarzazate),
aḥwaš Taourirte, aḥwaš Sidi Daoud, imәġṛan, aḥwaš Telouat, aḥwaš Tikert,
aḥwaš Tissint Tata, aḥwaš Ourika, aḥwaš Taskiouine. aḥwaš Tamanart,
aḥwaš Awlouz, aḥwaš Taourirte (Ouarzazatte), aḥwaš ntfarkhin Imintanout,
aḥwaš bani tata (Tafraout), aḥwaš izuran nwalt (Tata), … etc.
Du coup, la première difficulté à laquelle se heurte le chercheur
pour une éventuelle classification de ces types ou formes d’aḥwaš, réside
dans le fait que la majorité de ces dénominations renvoient à des lieux de
villes, de villages, de vallées, de casbahs, de tribus, etc. Il en ressort que
toutes ses variantes ou formes véhiculent chacune son expression collective
idoine. Elles semblent, d’après les multiples appellations énumérées supra,
que les aḥwaš sont aussi nombreux que les tribus et les différentes troupes
qui les pratiquent. En réalité, elles se distinguent par les diverses
chorégraphies, les rythmes, les genres de poèmes chantés et également
[179]
l’instrumentation. Aussi ont-elles en commun l’appartenance à la même
aire géographique et linguistique.
Certes, la classification des dénominations en tachelhit comme
aberdag « danse » ; astara « prélude instrumental non mesuré donnant les
notes de base des mélodies qui suivent et permettent aux instrument de
s’accorder sur la vièle » ; amarg « poème chanté » ; tabbayt « cadence
finale caractérisée par l’accélération du rythme et de brusques arrêts
annonçant la fin » ; tamssust « chant intercalaire d’allure vive » ; urar « un
poème long chanté, assonancé et rimé », pose énormément de problèmes.
Si on prend, par exemple, astara et tabbayt, outre que ces deux éléments
ne suivent pas un ordre précis dans le cadre de mélodies et rythmes
propres à la tradition chleuh, leur agencement et leur durée dépend du
choix effectué par le ṛayes qui est chanteur et maître de la poésie. De
même, le genre de poème peut changer suivant le lieu, la tribu, le genre de
cérémonie. La question se complique davantage quand on passe d’un parler
à un autre dans la même aire linguistique, sinon dans l’ensemble du monde
berbérophone.
Parmi les aḥwaš donnés dans la liste plus haut, qui n’est pas
exhaustive d’ailleurs, prenons l’exemple d’aḥwaš de Tamanart. En effet,
cette variété génère d’autres formes ou sous-genres d aḥwach. Deux
facteurs incontournables déterminent les différents genres engendrés
d’aḥwaš de Tamanart : le lieu où se tient le spectacle et la participation ou
non des femmes à côté des hommes. Ces deux éléments (lieu et sexe)
reproduisent une sorte d’arborescence en trois constituants : le premier
genre est appelé ṛṛšuq, il désigne la convivialité et la bonne ambiance. Dans
l’assarag (cour intérieure à ciel ouvert), huit ou dix tambourinaires en
position assise jouent à tallunt (tambourin) ou au ganga (tambour) en vue
d’animer la grande cour au milieu des maisons. Entourés de spectateurs
masculins, ces hommes, qu’on appelle en tachelhit des imḥawšәn (homme
en action) forment un cercle en maintenant le rythme des tambours ; tandis
que les femmes suivent le spectacle à partir des toits ou des cours des
maisons.
Un second genre appelé tamәdwәṛt , qui signifie «cercle» en
tachelhit. Cette appellation provient des formes circulaires que prennent
les danseurs. Six tambourinaires en position assise forment un cercle dans
la cour (assarag). Les danseuses, quant à elles, en règlent les figures en
formant une grande boucle.
Le troisième et dernier genre est appelé aḥwaš n’dderst qui est
exécuté seulement par des hommes, une trentaine d’imḥawšәn dont deux
[180]
chefs d’orchestre et dix musiciens maintiennent le rythme à l’aide des
battements aigus des tambourins, alors que d’autres danseurs servent de
chorale. Ce genre se joue dans l’abaraz (place aménagée pour accueillir les
imḥawšәn) en liesse et à l’honneur des invités étrangers, essentiellement
dans des cérémonies de mariages et joies collectives. Il est à noter que
ṛṛšuq et tamәdwәṛt sont généralement deux genres joués spécialement
pour animer ou divertir particulièrement des espaces familiaux des villages
de Tamanart.
Réellement ces aḥwaš sont presque aussi nombreux que les tribus
de la grande vallée de Massa Daraa. L’examen chorégraphique, symbolique,
acoustique et ethnographique de ces danses a révélé qu’aḥwaš a généré
plusieurs autres types de danses ou sous-genres dont les caractéristiques
diffèrent d’une région à l’autre. Ces différences ont permis de distinguer
différents genres.
Le genre aḥwaš n’isemgan (des nègres) est assimilable à celui des
gnawas au niveau des rythmes et des sonorités. En s’inspirant des gnawas,
musiciens et danseurs africains, les danseurs d’aḥwaš isemgan se
caractérisent par des sauts impressionnants, des trépignements des pieds
contre le sol et des martèlements du sol avec des pieds nus. C’est une
danse à caractère religieux, parfois guerrière, composée d’un ensemble de
chants et de mouvements.
Un autre genre d’aḥwaš très connu dans la province de Tiznit,
appelé aheyyaḍ. Celui-ci est une danse masculine qui reçoit plusieurs sens :
il peut désigner un type de danse qui se distingue des autres dans les
gestes, les mouvements, les mélodies. On le trouve généralement dans les
régions de Haha, Aoulouz et Ida Oukensousse. Il peut encore désigner un
type de rythme, avec des gestes et des mouvements bien déterminés et
distingués. Il est exécuté surtout dans la région de Taskiwine. C’est aussi un
nom donné à une troupe artistique ambulante très populaire au Maroc
appelée Ouled sidi Hmad Oumoussa. C’est une troupe de trapézistes,
d’acrobates qui pratique de la danse, du chant et de l’humour. Par
conséquent, avec le genre ahәyyaḍ, on a plusieurs types : de Haha, de
Tiznit,
de
Taskiwine,
de
Aoulouz,
etc.
Plus qu’une simple danse rythmique, ajmak est un vrai spectacle de joutes
poétiques échangées dans la cour entre deux rangs d’hommes. L’originalité
de cette danse réside dans les paroles et dans l’improvisation poétique. Les
sujets d’ajmak sont la dispute éternelle entre les époux et également les
disputes entre les tribus. C’est une danse masculine exécutée dans la région
de Chtouka Ait Baha et où les danseurs chantent avec précision et
synchronisation en présence du ṛayәs. Celui-ci utilise son tambourin et
[181]
dirige la troupe en émettant des cris caractéristiques qui maintiennent le
rythme et la voix et produisent une harmonie agréable.
Par ailleurs, parmi les poèmes chantés par les imḥawšәn dans les
différents villages chleuhs, on trouve les formes les plus traditionnelles1
comme l’asallaw ou tusugant, des dénominations villageoises par
excellence. Elles renvoient à des poèmes chantés dans les cérémonies des
mariages chez les chleuhs lors du départ de la fiancée vers la demeure de
son futur mari. L’urar, quant à lui, est un poème long, il est assonancé et
rimé et se chante sans accompagnement musical par un double chœur de
femmes. Dans le Sous, la tagezzumt est un autre genre parfaitement
masculin chez les Ayt Mgoun, exécuté particulièrement par deux rangés
d’hommes à l’occasion des mariages, sans accompagnement musical. Un
autre genre appelé imsaq, chanté en commun par les hommes et les
femmes. Il sert de prélude à la danse d’aḥwaš. La tazerrart est un chant
masculin sur registre aigu qui s’exécute en soliste sur la base des tambours
dans des pauses entre les danses d’aḥwaš. Il se joue également
accompagné de la musique lors du déplacement de la fiancée vers sa
nouvelle demeure.
Les chants que produisent ces chorales villageoises des chleuhs
s`inscrivent essentiellement dans une thématique variée et présentent une
grande fraîcheur au niveau de l’improvisation et de l’interprétation.
« L’amarg des ṛwayes est soumis à deux impératifs rythmiques :
celui de la phrase musicale et celui de la percussion. Si la phrase poéticomusicale obéit à différents mètres binaires et ternaires, simples ou
composés, le rythme de la percussion est dominé par un rythme ternaire
simple (3/8). A l’intérieur du chant, on assiste donc à une interpénétration
1
A propos des types poétiques amazighes traditionnels, l’IRCAM avait organisé un
séminaire les 30 septembre et 1 octobre 2005, les types poétiques amazighes
traditionnels, on a dénombré près de 74 termes berbères désignant autant de
genres littéraires. Il est à préciser que ce séminaire n’était pas ouvert sur
l’ensemble des variétés dialectales berbères. Une dénomination comme izli, par
exemple, qui désigne la même chose aussi bien en kabyle qu’en tamazight, est
ignoré par les chleuhs dans la littérature disponible. Aussi se demande-t-on si le
tachelhit possède un item équivalent pour désigner l’izli. En ce sens, les études
élaborées par les chercheurs en tachelhit postulent qu’on peut émettre
l’hypothèse de l’influence du système générique arabe sur le berbère.
[182]
de ces deux modes de division rythmique binaire et ternaire (2/4 et 6/8)
concourant à créer des effets de polyrythmie. »1
L’extrait du poème « taliwin » donné ci-dessous pourra représenter
les effets de polyrythmie créés par la phrase poético-musicale :
taliwin
a Yayt lmakan, i ṛәbbi dduεyt
ad yurri uḍar, imam hann lḥub myarn
ufiġ d lḥub igaljdid, ur ak sul
iri uḍar tawada d lәεql
a ixf inu bidd ad ak nәzzәnz, riġ ak
nara ġ lkiġd i yan uḥbib ufix t.
Taliwin
Hôtes accueillants, il faut, mains vers le ciel, prendre congé,
Mettre entre nous des pas, mais voici que mon cœur flanche
Pour avoir ici flambé. Et que ça ne me
Dit plus de marcher raisonnable …
Rends toi mon âme, contractons : oh
S’inscrire sur les registres en regard de l’aimée !
En général, la poésie d’aḥwaš utilise des images du monde agricole,
de la chasse, des thèmes de l’amour, de la religion ainsi que toutes les
activités de l’homme amazigh : naissance, mariage, cueillette, tissage,
moisson, rites, circoncisions, célébrations de moussems des saints,
concordances des fêtes religieuses sont autant d’occasions de fêtes.
Cependant, le mariage demeure une fête importante, car il renforce les
alliances familiales. Le chant et la danse sont considérés en ce sens comme
une obligation religieuse et sacrée. Cette tradition est aussi un espace où
les jeunes des deux sexes se découvrent, se proposent mutuellement en
vue d’éventuelles fiançailles.
Comme la plupart des danses traditionnelles marocaines, aḥwaš
incarne une référence d’identité, une mémoire collective de l’appartenance
ethnique. Ces danses collectives sont, en effet, des moments de joie et de
1
Anthologies des Rwâyes, Chants et musiques berbères de la vallée du Sous,
éditions, Maison des Cultures du Monde, Centre français du patrimoine culturel
immatériel, Paris,1991, p.6. Publiée sous forme de livret, cette anthologie est
consacrée à la mémoire des rwâyes du XXe siècle : Haj Belaid, Bubakr AmMarrakshi, Mbarek-u-Bulahsen, Lhusayn Janti, Ftuma Talgoursht, interprétés par
leurs héritiers : Mbarek Ammouri, Ahmad Amentag, Raqiya Demseriya,
Muhammad Bunsir et bien d'autres.
[183]
communication. Elles constituent un fondement de l’identité culturelle des
communautés chleuhes du Sous cultivé depuis des siècles comme une
tradition authentique d’un grand raffinement. Pourtant, d’une tradition
authentique, il est banalisé et réduit à un simple spectacle ou danse
folklorique, et ce pour subvenir aux besoins des marchés du tourisme.
Par ailleurs, avec tous les problèmes qui entravent l’évolution de la
littérature amazighe de l’oralité à l’écriture, il s’avère difficile d’asseoir une
définition fiable des genres littéraires basée sur des critères stables pour
toutes les langues amazighes. Ainsi, les définitions des genres littéraires
amazighes élaborées à partir de la typologie présentée par les français ou
encore les européens n’a aucun sens ; puisque ce sont tout simplement des
extrapolations au détriment de la particularité des langues, des cultures et
des sociétés amazighes. Ce qui nous porte à réfléchir sur les questions
générales des définitions récurrentes et du système littéraire général dans
lequel de tels genres sont inscrits. En d’autres termes, y a-t-il un système
littéraire dans lequel on peut reconnaître des genres similaires dans
l’ensemble du monde berbérophone, et ce en dépit des différences
géographiques, socioculturelles et linguistiques.
BIBLIOGRAPHIE
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press / Awal.
• CHOTTIN Alexis, 1999 (1939), Tableau de la musique marocaine, Paris,
Geuthner.
• GALAND-PERNET, Paulette, 1972, Recueil de poèmes chleuhs, I, Chants de
trouveurs, Paris, Klincksieck.
• KADDOURI, Abdelhafid, 2014, « Oralité, écriture et traduction en
amazigh », Actes du 2e Colloque International sur La langue amazighe, de la
traduction orale au champ de la production écrite, (Parcours et défis),
organisé les 17 et 18 Avril 2013 à l’université Akli Mohand Oulhaj- Bouira,
Algérie.
• OLSEN-ROVSING, Miriam, 1997, Chants et danses de l’Atlas (Maroc),
Paris/Arles, Cité de la Musique/Actes Sud.
• ROUX, Arsène, 1928, « Les Imdyazen ou aèdes berbères du groupe
linguistique beraber », Hespéris, n° 8² : 231-251.
• SCHUYLER, Philip Daniel, 1978, « Rwais and Ahwash : opposing tendencies
in Moroccan Berber music and society », The World of Music, 21(1) : 65-80.
[184]
Asehrurey (berceuse): un genre poétique aux frontières
floues
---------------------Mostafa BEN-ABBAS
Université Mohammed Premier
Faculté pluridisciplinaire de Nador.
Introduction
Les études en matière de genre de littérature orale, dans le
contexte amazigh, accusent un retard au regard de celles menées en
linguistique, domaine pour lequel des textes oraux aussi riches que
variés ont été fournis pour être essentiellement exploités dans leur
aspect référentiel et cognitif. De la même manière, la berceuse, qui
l’objet du présent papier, n’a pas suscité autant d’intérêts et de
recherches que les autres formes de l’oraliture ce qui ne permet pas de
l’appréhender dans toute son hétérogénéité et sa variabilité, condition
sine qua non d’une catégorisation qui se veut rigoureuse et objectif.
Ce chant méconnu, si ce n’est ignoré comme l’une des assises de la
littérature orale, est susceptible de modifier profondément notre
compréhension du genre poétique et de livrer une plus grande
visibilité du patrimoine immatériel de la communauté amazighe.
Toutefois, nous n’avons pas la prétention d’épuiser un tel sujet, car sa
nature spécifique dépasse le cadre de la linguistique pure et relève
d’une dimension pluridisciplinaire intéressant des regards différents
couvrant des disciplines dont notamment la psychologie,
l’anthropologie, la sociolinguistique… Notre intention est de
sensibiliser davantage les chercheurs animés par l’exploration d’un
pan jusque-là inexploré de la culture amazighe. Ainsi tenterons-nous
d’examiner, à travers la berceuse, nourrie de la couleur locale, la
problématique de ce genre d’œuvre poétique, qui est aussi celle des
œuvres littéraires, en régime de l’oralité. Il s’agit de comprendre la
manière par laquelle ce chant mélodieux fonctionne et de voir
comment les processus créatifs, performatifs et réceptifs révèlent des
caractéristiques formelles, stylistiques, thématiques et énonciatives qui
[185]
font de ce texte spécifiquement féminin une forme hybride, voire
composite, aux limites floues.
Le nom ‘’berceuse’’ permet de distinguer au sein de
l’ensemble des formes littéraires, qui sont des berceuses de celles qui
ne le sont pas. Qu’est ce qui donc nous autorise à regrouper sous ce
même chapeau dénominatif ou à en écarter tel ou tel texte ? Quels
sont les critères qui décident de l’appartenance d’une espèce au genre
poétique ? Les frontières de la berceuse sont-elles bien arrêtées ou, au
contraire, flottantes ? La réponse à ces questions fera l’objet de notre
étude. Mais, avant tout, il importe de passer en revue quelques
éléments définitoires de la berceuse.
1-Quelques éléments définitoires
1-1-Définition de asehrurey (la berceuse)
asehrurey est un terme d’origine onomatopéique. Il se prête à
deux types d’explication plausibles. La première est que le mot
manifeste une forme de création absolue ne s’appuyant sur aucun
nom préexistant. Il est formé des sons émis par l’enfant ou, plutôt,
par le bébé et repris, lors du processus de l’endormissement, par la
mère, en signe d’entrer dans l’univers du langage enfantin. Celle-ci en
constitue une production vocale non signifiante, forgée d’un
redoublement d’une même consonne [R], suivie et/ou précédée de
la voyelle [a] dont le résultat est une suite syllabique de la forme ara-ra... imitée comme forme mélodique et intonation chantante1.
Cette production vocale est onomatopéique en ce sens qu’elle
stimule le gazouillis2 de l’enfant. En synchronie, le signifiant du mot
comporte l’augment du causatif s- qui a perdu sa productivité et s’est
1
S. Fouad. (2014 ; 141-142) note que ces suites de syllabes généralement légères
entre dans la constitution des vers vides et se trouve parfois encastrées dans les
paroles ou les ‘’jeux vocaux’’.
2
Selon le dictionnaire en ligne, Trésor, le terme gazouillis admet une acception
spéciale :’’ suite de sons variés qu’émet un enfant de un à cinq mois ans’’ (cf.
Ling.1972) ; http://www.cnrtl.fr/
[186]
ossifié dans le radical avec lequel il forme un tout indissociable. Cette
interprétation peut être confortée par le fait que l’onomatopée est
un lot commun entre l’enfant et la mère. Elle est largement associée
au langage enfantin où les termes appropriés par l’usage font encore
défaut, comme par ailleurs, elle constitue un ingrédient favori pour la
mère visant par ce procédé lexical - qui est l’âme de la poésie
imitative - mettre la vie dans sa berceuse. Quant à la deuxième
explication1, on peut interpréter asehrurey comme extension de sens
du terme onomatopéique primitif et préexistant a(s)herher dont le
correspondant en français est ‘’murmure’’ et qui est fait d’une suite
de sons suggérant par imitation phonétique le bruit de l’eau qui coule
à travers les rigoles d’irrigation ou celle des ruisseaux roulant à flots.
Ainsi asehrurey pourrait-il être l’aboutissement d’une évolution
diachronique du terme a(s)herher. Il a impliqué un changement du
signifié avec une légère altération du signifiant, sous l’effet de
l’évolution phonétique ayant porté non pas sur les consonnes
considérées dans tamazight et dans les langues chamito-sémitiques,
en général, comme porteuses de signification primitive, mais sur les
voyelles. Quant à la relation qui s’établit entre le sens primitif et le
sens second, elle est métaphorique et repose sur un composant
sémantique commun à savoir ‘’sons presque inaudible’’, ‘’son fluide
et continu’’. Par ailleurs, il est à noter que, dans l’usage courant, les
deux termes coexistent au sein du même parler local. a(s)herher
admet comme trait inhérent [-humain] alors que asehrurey est
pourvu du trait [+humain].
En synchronie, asehrurey est un terme polysémique dans le
parler de Figuig. Son premier sens renvoie à un nom verbal, dérivé du
verbe sehrurey signifiant ‘’fredonner’’. Il admet comme équivalent
local azuzen, issu du verbe zuzen terme onomatopéique également,
mais dont le sens est plus restreint, impliquant, dans le processus de
1
Cette deuxième interprétation m’a été suggérée par mon collègue Fouad Saâ lors
du troisième colloque international organisé les 04 et 05 novembre 2014 à
l’université Akli Mohand OULHADJ de Bouira .
[187]
l’endormissement, l’idée de tapoter légèrement et régulièrement sur
le dos de l’enfant en accompagnant ce geste d’onomatopées,
d’interjections à peine audibles et non de paroles. Quant au
deuxième sens, il est attribué - par procédé rhétorique de la
métonymie - à la chanson fredonnée par la mère ou la grand-mère
pour faire endormir l’enfant. Son équivalent en français est berceuse.
Enfin, le troisième sens résulte de l’extension ou de l’emploi étendu
de asehrurey, sens plus élargi qui n’est plus limité à l’acte de
fredonner une berceuse, mais à toute fluidité d’expression, lors de
l’émission d’un chant ou d’un discours.
1-2-Berceuse : un genre féminin
La berceuse est le premier monument de la littérature orale
féminine. Elle est douce, simple, sans artifice et n’est accompagnée
d’aucun instrument de musique. Sa fonction consiste à susciter
decrescendo l’endormissement de l’enfant, tâche qui relève du
domaine des activités domestiques, prises en charge exclusivement
par la femme. N’exigeant pas la mobilisation d’un grand public et ne
s’accomplissant pas devant n’importe qui, n’importe comment,
n’importe où et n’importe quand, ce chant a lieu dans une situation
sociale opportune, déterminée par la conjonction de l’endroit, du
moment et de la relation de rôle (Fishman, 1971 :70). Cette
rencontre est réalisée au foyer par la mère en relation avec son fils
qu’elle veut endormir. Pour ce faire, elle l’endort contre elle, sur ses
genoux ou l’enserrant d’un pagne sur le dos ou encore en le
déposant dans son lit. Cette fonction biologique plutôt que culturelle
fait appel à des paroles sécurisantes, à la mélodie, au mouvement
rythmique et à une intonation émotionnelle. De telles manifestations
confortent l’enfant, lui enlèvent le sentiment de solitude et
permettent, au même temps, de tisser des liens affectifs et de
confiance nécessaires à son développement cognitif et à son affect.
Auprès de cette fonction pragmatique et utilitaire, une autre fonction
véhiculée par la berceuse est l’expression consciente ou non de la
[188]
vision du monde propre à la femme. Ce chant constitue, à juste titre,
une sorte d’exutoire de ses émotions et de ses désirs refoulés, la
seule plage où, soustraite du regard patriarcal, elle exprime sa peine,
son angoisse, ses attentes…tout en fredonnant à un rythme simple et
en effectuant des gestes réguliers pour ramener la détente à son enfant
et l’endormir. C’est à cet acte de bercement, à cette fonction même,
que ce chant doit la dénomination de berceuse plutôt qu’à son contenu
thématique, parfois, étrange pour l’enfant.
Cette forme poétique dont la création et la perpétuation ne
peut être imputée à une femme unique ou singulière, est anonyme ou
plutôt collective réalisée et partagée par l’univers féminin. Elle est
transmise de mère en fille avec éventuellement une part de
subjectivité, des modifications et des changements pour s’adapter au
nouvel environnement social et à la sensibilité du moment. A ce titre,
elle est considérée comme une construction à long terme auquel
participent plusieurs architectes. C’est pourquoi une femme berceuse
pour ne pas refaire à l’identique ce qui a été déjà fait, tout en se basant
sur l’héritage antérieur, tente d’y apporter sa propre pierre, ses propres
empreintes, d’où le tissage et le métissage de certains aspects
appartenant aux genres plus ou moins hétéroclites, mais qui
concourent à faire de la berceuse un genre hybride, un chant qui
résiste à tout système de codification.
1-3-Codes investis par la berceuse
La berceuse est une des formes les plus primitives du chant
populaire, un genre poétique où l’importance est accordée à la
musicalité des mots et à leur rythme bien adapté aux capacités
perceptives de l’enfant à vouloir endormir. Comme performance orale,
ancrée dans une situation de face à face, hic et nunc, d’une mère et de
son fils, elle mobilise trois codes différents quant à leur nature mais
qui se complètent et se correspondent en vertu de leur rythmicité. Il
s’agit du mouvement, de la parole et de la musique, qui, dans leur
ensemble, sont très proches du quotidien de l’enfant. Aussi doivent-ils
être cohérents et captivants pour inciter au sommeil.
[189]
Dans le processus communicatif qui s’établit entre l’enfant et
la mère, celle-ci fait appel à une communication non verbalecongruente à la communication verbale- représentée par la gestuelle
aussi riche que variée dont le rôle est si important dans la gouvernance
du bien être émotionnel de l’enfant. Il s’agit de tapotements, de
caresses, de balancement des bras et du corps, de chatouillements qui
sont des activités relaxantes mais aussi sécurisantes du fait qu’elles
favorisent la proximité et la présence rassurante et indispensable de la
mère. Ces liens tactiles bien maintenus jusqu’à l’endormissement
constituent autant de modes primitifs et basiques de communication
qui lient la mère à son enfant pour qui font défaut les autres modes de
communication. En plus de la charge émotionnelle stimulée par ces
gestes multiples, et qui sont secondés par la voix maternelle, vecteur
incontestable d’une gamme affective combinant mélodie, rythme, les
affects passent aussi par la communication vocale. Il s’agit de la
parole de la mère, l’image acoustique de son fort intérieur, servant à
canaliser, à concrétiser sa relation envers son enfant. La musique,
quant à elle, enchante et captive. Elle accompagne un acte rituel, lié à
l’endormissement. Dans ce chant, la femme privilégie une structure
simple, certains patrons sonores : la répétition de syllabes similaires
‘’nunnu’’, de mots, de phrases et de refrains, des diminutifs à
vocation berçante. Ainsi, les gestes, de par leurs effets sur le corps
comme procédé de relaxation, euphorisant et apaisant, ne sont pas
aussi moindres de ceux de la mélodie du texte pour l’oreille et des
paroles douces et confiantes, véhiculées par un langage bien adapté au
langage enfantin, assumant avant tout une fonction phatique, celle de
maintenir et de prolonger une connexion psychologique et affective
entre la mère et son enfant jusqu’à ce que celui-ci s’endorme
paisiblement.
[190]
1-4-Intérêts de la berceuse
La berceuse recèle des potentialités bienfaisantes pour l’enfant
auquel elle est censée adresser dans l’intention de faciliter son
sommeil. Outre qu’elle fonctionne comme vecteur d’émotion
profonde susceptible d’assouvir son besoin de sécurité, elle véhicule
des intérêts multiformes. Elle est conçue comme ses premières leçons
de langue, de littérature, de musique et d’initiation aux valeurs
culturelles. D’ailleurs, elle incarne comme les autres segments de la
littérature orale, la mémoire collective et la référence identitaire du
groupe.
Ce chant est un genre littéraire représentant donc la première
littérature féminine où la femme exprime les sentiments puissants qui
l’attachent à son enfant qui, à son tour, tire profit du genre poétique,
de son rythme et de sa musicalité ce qui laisse dans son esprit des
souvenirs douillets et contribue positivement au développement de ses
capacités d’écoute. De la même manière, le langage utilisé dans la
berceuse est modifié, voire simplifier, de façon à ce qu’il réponde à
une visée pédagogique, celle de l’adapter aux possibilités verbales de
l’enfant en situation d’apprentissage de la langue maternelle. Ce
langage simplifié de la femme foisonne de productions verbales non
signifiantes dont les exclamations, les onomatopées, sorte de petits
mots utilisés comme activité ludique, agrémentent le chant. Le
procédé de réduplication d’une même syllabe, généralement conçu
comme signe avant-coureur de la formation du corps d’un mot y
abonde. Les mots expressifs formés par ce procédé lexical relèvent
soit du langage enfantin (nunnu ’’dormir’’, mummu ‘’enfant’’…) ou
des onomatopées, deux types de formation qui se rapprochent par leur
forme. Ils sont bien adaptés aux capacités perceptives de l’enfant qui
doit d’abord passer, en premier lieu, par la mémorisation syllabique
dans le processus de l’apprentissage. Des diminutifs à valeur
hypocoristique (bajju ‘’probablement une déformation du mot bijou’’)
y gagnent de l’ampleur. Ce bagage linguistique, en plus de sa fonction
expressive et affective, est associé au processus d’apprentissage du
langage des enfants pour qui il constitue la quasi totalité du stock
lexical (bappa ‘’couscous’’, ɣuɣɣu, ’’pain’’, ħaħħa ‘’habit’’, cicci
‘’viande’’, fuffu ‘’feu’’ …). De par sa brièveté, il est aisément perçu,
mémorisé et reproduit progressivement en l’absence de la mère. Son
[191]
rôle est déterminant dans les futurs apprentissages et constitue un
appui infaillible dans le développement de ses compétences
linguistiques.
Grâce à ce chant aussi, l’enfant est mis en contact avec la
musique qui est celle de la voix de la mère. Souvent aigue et lente, elle
est chargée d’une grande qualité émotionnelle visant assoupir l’enfant
et l’endormir non pas tant par les mots ou leur signification qu’il ne
comprend pas encore, mais bien plutôt par une mélodie combinée à un
rythme vocale et gestuel. Dans ce contexte, les premières rencontres
de l’enfant avec son environnement affectif se font via la berceuse,
assurant un échange intime entre la mère et l’enfant et stimulant son
plaisir de la musique et des rythmes. Par ailleurs, elle offre une
occasion précieuse pour l’analyse des premiers éléments de la culture
locale inculqués à l’enfant. Grâce aux possibilités offertes par ce
chant, la femme peut mettre tout ce qu’elle a dans le cœur : amour de
l’enfant, la fatigue des charges domestiques …
De par la simplicité de sa structure, de son vocabulaire réduit,
de sa musicalité apaisante et de son contenu fourni de thèmes, la
berceuse se manifeste comme un outil éducatif richement organisé
auquel s’ajoute la communication gestuelle qui autorise la
construction des liens tactiles et affectifs, la voix de la mère qui rend
audible les émotions et les affects. Par ailleurs, elle peut constituer un
document transmettant des informations sur l’expérience de la
communauté locale dans le cas où elle serait conservée par
enregistrement ou par écrit de manière à être reproduite et traitée par
n’importe quel destinataire.
1-6-textes
Le répertoire du chant asehrurey est très réduit par rapport à
ceux des autres espèces de chants lyriques réalisés par la femme
dans différentes circonstances. Les quelques berceuses1 de notre
étude, couvrent une étendue géographique très restreinte, celle du
1
Je remercie mon collègue Hassane Benamara qui m’a secondé dans l’élaboration
du corpus des berceuses.
[192]
ksar zénaga, un des ksour de Figuig, localité située à proximité de
Béni-ounif algérien. Ces chants sont tenus gardés jalousement par la
femme ksourienne. Leur support linguistique est un parler amazigh,
transfrontalier à travers lequel l’expérience socio-culturelle du milieu
local est véhiculée et transmise. Certains de ces textes manifestent
une existence très ancienne comme le révèlent les mots archaïques,
les toponymes et les anthroponymes qui les truffent et dont on
ignore l’histoire, comme le sens, même en demandant secours aux
personnes les plus averties.
Berceuse n°1
Texte original
Traduction
ammu yella ul in-ux am ujenna yaziza .
merra yṣeħħa merra yemrara d lɣyam .
ammu yella ul inu-x am uɣanim n
uẓẓta ,
iccaln wass aḍirar ittaley al ihekkwa .
iẓwa yuma l tyiwa ;
iεerqi tt umud i tẓiwa ;
iẓwa yuma l tšrumt ;
ibani tt d lluban n teqrunt .
Que mon cœur est comme un ciel bleu
tantôt limpide, tantôt trouble !
Que mon cœur est comme un roseau de
tissage,
toute la journée, montant et descendant !
Mon frère est parti vers le nord,
Je n’ai plus la jouissance du repas.
Mon frère s’en va à Tachroumt,
Il m’est apparu comme une attache d’une
tresse.
Mon cœur en détresse, tel un léopard
égaré, en quête de ses frères.
Ô bien aimé ! quoique tu sois portant,
tu n’as imité ni Ziyan uyus ni Baghdadi
izzullez wul in-ux azillez n uɣilas ,
iccaln i lexla ul yufi aytma-s.
a sidi tellid d l-wafi ;
u-dit tεanded baɣdadi wala ziyan u yus
wala εadi wala εemmar ixedmen i lmrus,
tεanded mmi-s n teyya yellan εad i ljus
.
a helllah d lħett ! a rayi isɣen yyer n
icras !
tehdem di-s tmasext mitten kren atfen di-s
a yul in-ux ! a weldi ! kfa-c tssallid iyi !
may tnewmed zman assu u-da-c illi ;
ni encore Ammar ou Addi défrichant des terres fermes
Tu as hanté le fils de la négresse encore
asservie
Que c’est triste d’avoir acheté un jardin des héritiers !
son mur abattu, il est piétiné par le public.
Ô cœur ! mon fils ! Cesse de me faire
pleurer !
Ce dont tu étais comblé, tu en seras
[193]
frustré aujourd’hui.
ferḍ-as a tazzweyt abrid i mmi .
Ô Eventail ! Fraye le chemin pour mon fils !
Berceuse n°2
mmi d amnay d iri n uɣanim
wis un ɣis d leԑdu a tiqeyyarin
mmi d tsuqqet d yusen si mekka
d l’ħrir d ccenyal adal
Mon fils est un cavalier à long cou !
Celui qui ne l’aime pas est un ennemi, ô
les filles !
Mon fils, c’est une pièce de tissu
apportée de la Mecque !
C’est du tissu fait de soie verte
Berceuse n°3
nunnu ya mummu !
tennud mani tennud !
tennud mani texsed !
innu lxaḍṛ ennec !
iṛaḍa wul ennec !
iẓiḍ wawal ennec !
ibedd leεlam ennec !
tennud jaṛ awmaten !
ad tseεded jaṛ asen !
yili babac ed yemmac !
Endors-toi, mon petit enfant !
Tu dors où tu es !
Tu dors où tu veux !
Ta conscience s’assoupit !
Ton cœur s’apaise !
Ta parole s’adoucit !
Ton drapeau se hisse !
Tu dors entre les frères !
Que tu éprouves du plaisir entre eux !
En présence de ton père et de ta mère !
Berceuse n°4
ԑawn iy a ṛeppi
ammen tεawned sidi sliman
inyu taslemt
am etserdunt
al zzis ikkur.
***
ԑawn iy a ṛeppi
ammen tεawned tileɣmin
Aidez-moi! Ô mon Dieu !
Comme vous avez aidé Sidi Sliman
Il a enfourché un poisson,
comme une jument,
et il continue sa route.
***
Aidez-moi! Ô mon dieu !
comme vous avez aidé les chamelles
[194]
ikkurn i lexla,
ul uḥilent i leħfa.
***
eyy aɣ-dd, a reppi, leεwin
teyyid i lalla ԑica.
teflu yaẓeṭṭa.
ul icli,
ul insi.
teyyu yamensi
isidna ԑali.
***
reppi ad i-dd teyyd elbaṛaket !
wenn tt iyyn i leɣdir !
iswu waεṛab d umaziɣ.
issekker dd εad eṛṛbiε !
qui marchent dans les déserts
sans qu’elles se fatiguent d’être nues
***
Accordez-nous ! ô mon Dieu, l’aide
que vous avez accordée à Lalla Aïcha
Elle a fini le tissage
qui n’a pas dépassé la journée
qui n’a pas dépassé la veille
Elle a préparé le dîner
Pour le Seigneur Ali
***
Dieu que vous m’accordiez votre
bénédiction
Celle que vous avez attribuée à l’eau de
pluie :
l’arabe et l’amazigh en ont bu ;
elle a encore fait pousser l’herbe.
2-Critères d’identification
Un genre littéraire est un ensemble d’œuvres, une classe de
productions textuelles caractérisées par une série de traits formels et
de thèmes communs définis par la tradition. Son rôle est crucial non
seulement parce qu’il introduit l’ordre dans la masse du matériel
littéraire informe, mais aussi il structure la lecture et l’oriente, assure
son caractère intelligible et conditionne l’horizon d’attente. La
berceuse possède un nombre d’attributs en vertu desquels elle est
rangée comme espèce dans la catégorie de genre poétique et se
démarque des autres chants appartenant à la même classe par un
nombre de propriétés qui constituent sa différence spécifique.
Toutefois, à l’aide de ces attributs, on ne peut fignoler une ligne
frontière fixe et entre les différents genres de la littérature orale en
raison de leur chevauchement. Ils ne sont pas tout à fait homogènes
et pertinents sur le plan de la catégorisation,
[195]
2-1- Critère formel
La berceuse, en tant que chanson fonctionnelle, s’adresse à
l’oreille de l’enfant par la mélodie et les sonorités qui sont autant de
valeurs originales qu’elle est censée véhiculées pour remplir sa
fonction de l’endormissement. Nous examinerons quelques aspects
formels qui concourent à ramener la détente pour l’enfant et à
l’endormir.
La berceuse est susurrée à voix basse, intuitivement bien
dosée. Elle renferme des interjections, des onomatopées, des paroles
sécurisantes, des répétitions de syllabes et de strophes, des diminutifs
à valeur hypocoristique, des effets sonores offerts par le parler natif et
qui sont autant de manifestations superficielles des pressions sousjacentes exercées essentiellement par la fonction de l’endormissement.
Comme une ritournelle, l’intonation, mieux que les paroles, exprime
l’émotion, rassure l’enfant et le conduit progressivement de l’état de
veille à l’état de sommeil. Le même effet est déclenché par le rythme
et la musicalité, résultant du fredonnement et de la répétition des sons
constitués de deux syllabes comme le verbe nu-nnu…’’dormir’’, de la
rime, des mots doux, tendres nés dans son imagination et choisis en
fonction de leur musicalité plutôt que de leur sens, des formes
strophiques se composant souvent d’un nombre restreint de modules
mélodiques, d’un refrain, dans la majorité des cas, basé sur des
onomatopées berçantes et, parfois, monotones. La nature musicale de
la berceuse confère au texte une certaine beauté poétique, certes, mais
aussi facilite sa mémorisation et sa persistance comme matériau qui se
propage au sein des mères berceuses. Tous ces procédés à effets
musicaux sont orientés vers l’enfant et remplissent à la fois une
fonction impressive ou conative pour reprendre le terme de R.
Jakobson et une fonction poétique en jouant sur le signifiant phonique
(rime, assonance, allitération) et sur le rythme (rhétorique,
parallélisme …). C’est à ce titre encore qu’elle est un genre musical,
associé au mouvement avec lequel elle s’harmonise parfaitement.
La berceuse est un mélange de matériau de réemploi constitué
partiellement de vers conservés et hérités auquel est combiné d’autres
[196]
vers, comme apport personnel de la femme berceuse ou, simplement,
de tout texte susceptible d’être chanté, cantabile et de remplir la
fonction de l’endormissement et, du même coup, satisfaire le goût
personnel de la berceuse. Cette infraction aux règles du genre poétique
auquel est censé appartenir la berceuse met en cause la pertinence du
critère formel. Comme catégorie, elle inclut différentes espèces de
textes : fragment versifié, des morceaux de prose et le texte poétique
entier, considéré jusqu’aujourd’hui comme la seule forme qui a
intéressée les chercheurs.
2-2-Critère stylistique
Chaque genre littéraire représente une manière particulière
d’utiliser la langue, choisir un genre implique le choix du style, c’està-dire un ensemble de moyens mis en œuvre pout traduire l’intention
et les sentiments de l’auteur. A ce niveau stylistique, la berceuse
recouvre plusieurs registres de langue qu’elle essaie d’imbriquer les
uns aux autres. Il s’agit, d’une part, de ce qui est hérité auquel on ne
peut accéder immédiatement à moins que l’on dispose, en plus du
code linguistique, des codes culturels. Ce type nécessite un art de
préparation, un effort d’encodage comme, par ailleurs, au niveau de la
réception, un effort supplémentaire de décodage. D’autre part, le
registre courant, celui de la communication quotidienne, est le plus
usité. Il est exprimé avec beaucoup de verve et ne présente aucune
difficulté quant à sa compréhension. Aussi est-il difficile de tracer
une ligne de démarcation en se basant sur le critère du niveau de
langue, effectivement hétérogène : registre littéraire et registre courant
qui se distinguent à bien des égards et auxquels s’ajout le registre
enfantin.
Par ailleurs, la berceuse est essentiellement un genre
descriptif : description de l’enfant sous forme d’éléments disséminés
un peu partout dans le texte mais qui répondent à la logique de
l’ensemble, puisqu’ une fois réunies, ils donnent une certaine forme à
la structure du tableau. Cette description se fait selon l’expérience
intérieure et subjective de l’auteure dont elle et reflète l’état d’âme. Ce
qui y est recherché c’est l’aspect expressif plutôt qu’informatif du
[197]
message d’où l’usage du langage symbolique. Les images dont
regorge le chant ne suivent pas une progression logique. Elles se
développent d’une façon décousue et désordonnée dès l’état initial,
celle de veille, jusqu’au-delà du sommeil. Cet entassement d’images
est motivé : la mère se saisit de ce qui vient d’abord à son esprit sans
perdre de vue la succession des sons apaisants. En plus des adjectifs
considérés essentiellement pour leur trait hypocoristique, la femme
berceuse recourt à des procédés rhétoriques et métaphoriques dont le
sens global peut être extrait par référence au contexte pragmatique et
énonciatif. Grâce à ses métaphores, la berceuse déploie sa vertu :
l’endormissement de l’enfant. Par ailleurs, les substantifs, unités
récurrentes, peuvent évoquer à eux seuls l’image de l’enfant. Il ya des
parties du corps: pieds, mains, bouche yeux, qui portent l’empreinte
de la beauté. Cette métonymie occupe une place de choix dans la
description. Les appellations hypocoristiques, chargés d’affectivité,
les objets de valeur selon la communauté (tissu de la Mecque, soie
verte…) sont employés à profusion. Ils représentent l’enfant comme
quelqu’un de précieux.
Chaque espèce de berceuse, en fait, a ses spécificités quant à la
manière d’utiliser la langue, lesquelles sont liées, entre autres, à sa
performance et à la situation sociale de son exécution qui la rend plus
souple et unique. Toutefois, elle partage aussi, avec la catégorie à
laquelle elle appartient, un lot commun qui se manifeste par la mise en
œuvre de toutes les facettes d’harmonie : jeu de sonorité, rime, rythme
et musique. Si l’aspect formel et stylistique de la berceuse remplit la
fonction de l’endormissement de l’enfant, le contenu que cette même
forme véhicule est extrêmement fourni en tonalités et en
renseignements.
[198]
2-3-Critère de tonalité
Au niveau des intérêts ou tonalités servant des fins
thématiques, la berceuse nous en offre plusieurs qui sont enchevêtrés.
Il ya lieu de citer le lyrique, l’épique et le dramatique qui sont
évidemment des genres esthétiques très générales qui n’induisent pas
de forme strictement définies et qui coexistent dans un même chant.
L’intérêt lyrique caractérise l’expression poétique des
émotions de la mère, son amour envers son enfant, son désir pour le
rassurer, sa tristesse poignante, les inégalités sociales qui règnent dans
la communauté locale basée sur l’hégémonie de la structures
patriarcale. Dans cet agrégat thématique, la berceuse est conçue
comme l’expression vocale de tous ces griefs par la parole et les
rythmes musicaux. Cet intérêt domine dans la plupart des berceuses de
notre corpus. Il est favorisé par une fonction expressive très marquée :
prédominance du vocabulaire affectif, la simplicité de la structure, la
réduplication des syllabes ou des vers, exclamations, onomatopées,
invocations, importance des figures de styles, une certaine lenteur, une
série de murmures, une recherche particulière sur les mots. Quant à
l’intérêt épique, il consiste à évoquer quelques personnages masculins
qui ont défriché des terres compactes et qui sont porteurs d’une
morale destinée à exalter la collectivité locale et symboliser la
grandeur de ses hommes. Enfin, l’intérêt dramatique ne dérive pas
d’une fatalité métaphysique mais d’une fatalité sociale dont la
communauté est responsable. Il s’agit des mésententes, des regrets et
des conflits engendrés par les biens communs non entretenus et qui
font l’objet d’empiétement par autrui. D’autre part, la mère,
consolatrice et protectrice, évoque toute une série d’images valorisant
son enfant tout en faisant référence à l’univers des héros qui lui sont
familiers. L’aspect pathétique et élégiaque se manifeste aussi dans le
fait que la mère berceuse est émue par elle-même jusqu’aux larmes
(‘’Ô mon fils ! Mon cœur !cesse de me faire pleurer !’’) par les
privations et les souffrances qu’elle endure ce qui déclenche la
compassion et la pitié de des éventuels récepteurs.
[199]
En somme, la berceuse est truffée de différents intérêts qui
peuvent ou non se chevaucher ce qui lui attribue, parfois, le trait
hybridité des tonalités. Le texte est à la fois descriptif, dialogué,
narratif. Tout ce qui concourt à créer un univers poétique et répondre à
l’esprit du chant : les niveaux de langue, les images, les sonorités, la
prose…y est le bienvenu.
2-4- Critère thématique
La berceuse est assurément liée au sommeil et sa vocation
première est d’induire l’état de somnolence, mais elle offre aussi à la
mère, recluse dans sa case avec son enfant, dans la plus stricte
intimité de la maison, l’occasion d’une réflexion sur elle-même, d’une
ventilation de ses griefs, de certains contenus propres au vécu et au
monde féminin qu’elle exprime d’une façon détournée pour
reprendre la parole publique monopolisée par l’homme. En se
penchant de très près sur le contenu de ce chant, on se rend compte
que son exécution, loin de répondre à une quelconque gratuité,
épouse l’expérience socio-culturelle de la communauté locale en
évoquant des thèmes couvrant la sphère des activités familiales et
sociales ce qui confère au texte une certaine hétérogénéité
sémantique.
La manifestation du bien être est bien récurrente dans le
chant et se dévoile sous forme d’expression comme nunnu (‘’endorstoi’’) plusieurs fois répétée avec une mélodie traînante et
accompagnée de gestes relaxants. Une telle forme de
communication, relevant du langage enfantin favorise l’interaction et
suscite un climat de sécurité. Les intentions affectives imprègnent les
chants. La mère exprime son admiration, son amour pour son enfant
dont la beauté est assimilée à une perle en l’appelant bajju (qui est
probablement un emprunt fait à la langue française du mot bijou).
Elle l’adore et le compare à un objet de valeur, à un ‘’tissu venu de la
Mecque ‘’ou ‘’fait de soie verte’’. Parfois, l’enfant est assimilé à un
[200]
héro, à un cavalier dont elle loue la qualité physique : ‘’long cou’’. Le
chant permet aussi à la femme l’épanchement de ses tentions
psychologiques nées de la frustration. Par des répétitions
d’invocation à Dieu pour qu’il vienne à son secours. Le thème la
procréation, gage de pérennité sociale est évoqué indirectement ;
dans la société patriarcale, la femme doit mettre au monde des
garçons pour profiter d’un niveau de respect et d’un minimum de
droit familial et social ; celui de la faim y est exprimé ; la mère tente
d’apaiser la faim de son enfant en l’encourageant à dormir tant que le
repas n’est pas encore prêt.. D’autre part, la berceuse évoque des
thèmes d’actualité qui suscite, d’ailleurs, la création poétique, tel le
défi des grands personnages comme Baghdadi Zian uyus… et vante
leur mérite d’avoir défriché des terres compactes. Elle évoque
également les malheurs et les conflits de familles qu’animent les
mésententes au sujet des biens communs abandonnés ou délaissés.
Souvent, le chant se métamorphose en un récit sentimental où
les espoirs, les attentes, les déceptions, les angoisses… auxquels des
thèmes habituels du fardeau domestique sont engrangés et savamment
exprimés. Ainsi la berceuse peut-elle être plus ou moins longue
suivant en cela non seulement l’acte de bercer l’enfant qui peut durer
parfois longtemps lorsque celui-ci s’abstient de dormir pour des
raisons inconnues de la mère, mais aussi lorsque celle-ci y éprouve un
plaisir de s’extérioriser et de donner libre cours à son cœur dans un
flot thématique insaisissable. Il est à noter que malgré les
changements intervenus dans l’environnement social et qui ont
contribué à la disparition progressive de la structure mentale et sociale
qui a présidé à la naissance de ces ‘’vers lyriques et épiques’’, ces
derniers n’ont pas disparu de la culture locale. Ils sont conservés par la
mémoire humaine comme témoignage du passé communautaire.
Il ressort de toute cette richesse thématique une hétérogénéité
du contenu et donc manque de cohérence et de convergence
sémantique qui explique la difficulté d’assigner un titre pour chaque
chant, certes, mais aussi de catégoriser la berceuse, du moins dans le
contexte local, à tel ou tel type de texte en se basant uniquement sur
[201]
son contenu. Comme pratique culturelle, loin de suivre les règles
rigides codifiant un genre particulier, la berceuse s’insurge contre la
notion de genre qui essaie de la cloisonner dans le respect de la
convergence thématique. Elle rejette la pertinence de cette notion pour
affirmer sa singularité en tant que mélange au niveau du contenu.
2-5- Critère de l’énonciation
Un autre aspect de la porosité de la frontière de la berceuse est
à lié à l’énonciation et à son caractère rituel. Ce chant est
circonstanciel : sa production assure une fonction précise ;
l’endormissement de l’enfant. En entendant fredonner ce chant,
l’enfant non seulement est sécurisé par la présence de la mère mais
aussi comprend qu’il est temps de dormir. Aussitôt que cette activité
cesse, le chant lui aussi cesse ou se métamorphose pour intégrer
d’autres thèmes, d’autres tonalités ou d’autres genres mais qui ne
peuvent pas être reconnus comme berceuses puisque le contexte du
bercement et les circonstances affectives de son énonciation qui
devraient s’accomplir où le ‘’je’’ de la mère en face d’un ‘’tu’’ de
l’enfant éveillé, sont révolues. En réalité, c’est la situation sociale,
incorporant un ensemble de paramètres (qui chante ? devant qui ?où ?
quand ? pourquoi ? qui décide si l’on a affaire à une berceuse ou non.
Un chant exécuté dans l’activité de tissage, par exemple, peut être
considéré comme berceuse pourvu que les conditions de son exécution
soient celles reconnues pour celle-ci. Aussi le sens qu’il acquiert est
celui conféré par le nouveau contexte. A cet égard, Jean Derive,
Llancan (2008 ) souligne que la perméabilité des frontières est
renforcée en régime d’oralité, en vertu du fait que ‘’les critères de
l’énonciation prennent le pas sur les critères de l’énoncé pour la
détermination des genres. Un énoncé verbal ne suffit pas à définir un
genre. Ce n’est que dans des conditions de communication données
que celui-ci peut être identifié sans confusion possible’’. En se basant
donc sur ce critère de l’énonciation, la mère est autorisée à faire feu
de tout bois dans le processus de l’endormissement de son enfant : en
plus des berceuses proprement dites auxquelles elle adjoint des
morceaux improvisés comme signe d’inspiration du moment, mêlant
[202]
ainsi le bagage hérité et l’expérience personnelle, des poèmes
populaires chantés ailleurs, dans d’autres circonstances, sont réutilisés
dans le nouveau contexte et deviennent de véritables berceuses,
parfois, elle en invente de toute pièce. Ainsi le genre poétique qu’est
la berceuse recèle-t-il une ‘’saveur d’impureté’’ au regard des valeurs
et des normes codifiant le système des genres poétiques en intégrant
une variété de textes, de tons, de registres, utilisés dans d’autres
genres.
Quoiqu’il en soit, la berceuse n’est jamais complètement
fermée dans la catégorie désignée par le genre poétique dont elle fait
partie. La femme en choisissant les thèmes, les tons et les éléments
formels qu’elle souhaite privilégier dans le processus de la
construction de sa berceuse, elle ne postule pas une identification ou
une différentiation par rapport à une ou à plusieurs traditions
génériques d’où la difficulté de la classer, à coup sûr, dans un genre
aux limites bien circonscrites. Cette transgression des frontières du
genre poétique dont le corollaire est le renforcement de l’hybridité est
à la base du renouvellement de la berceuse, de la dynamique de cette
production littéraire en régime de l’oralité.
La berceuse n’échappe pas à la problématique de la
classification en termes de contenu et de forme. Se manifestant par le
passage d’un genre à l’autre ou des formes en vers à des formes en
pose, sorte de paroles entrecoupant le texte qualifié de poétique, elle
ne peut pas être définie par la forme revêtue, et encore moins, sur la
base de son contenu qui regorge de renseignements sur la société qui
les a produits. Elle est souple moins enfermée dans des codifications
sociales d’où le caractère chancelant de ce genre poétique1.
1
Ce chant devient de plus en plus fragile, se raréfie et tend à s’effilocher en tant que
segment précieux du patrimoine oral. Sans doute, les techniques
de
communication moderne dont le corollaire est l’introduction du phénomène
d’acculturation, et le nouveau mode de vie, de par l’introduction des lits montants
sécurisés compliquant ainsi le désir de reprendre l’enfant, le recours à la tétine, au
biberon comme substitut de la chaleur maternelle sont à l’origine du phénomène.
[203]
Conclusion
Si le genre, en tant que notion rigide, reste vital dans la
littérature de masse comme système de classement des textes
littéraires (apparemment hétérogènes) et de leur arrangement dans
des cases (générales et peu précises) et, dans le travail de production
et de réception, comme ligne de démarcation et d’hiérarchisation
générique du matériel textuel de l’espace littéraire, cette notion perd
de sa pertinence dans cas de la berceuse qui transgresse les
barrières entre les genres tout en privilégiant leur hybridation ou leur
chevauchement. Ce chant peut être considéré comme la réalisation
la plus aboutie d’un genre aux frontières floues, voire mouvantes, un
cas illustratif du genre en régime d’oralité, comme notion
problématique. Des critères de nature différents s’y mêlent et
plusieurs traits génériques hétérogènes s’y combinent à la fois :
usage alternant prose et poésie, refus du thème monolithique au
profit d’une pluralité thématique, multiplicité des tonalités, ancrage
dans la situation d’énonciation intégrant tout texte cantabile… Ainsi,
se présentant comme un amalgame de formes, de thèmes, de styles,
de tons constamment variables suivant en cela les conditions sociales
de sa production : le tempérament de la mère, celui de l’enfant, le
temps et l’espace où a lieu le bercement, instaure-elle un espace où
les frontières entre les différents genres de la littérature orale sont
bannies. En termes plus précis, ses frontières sont constituées non
pas de lignes de démarcation bien fixe et pérenne, mais d’une zone
d’interférence malléable plus ou moins large où elle vit en symbiose
avec d’autres genres de la littérature orale et perpétue la mémoire
du passé communautaire tout en l’adaptant aux valeurs du moment.
[204]
Bibliographie
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organisé les
17 et 18 Avril 2013. Publication de l’Université
Akli Mohand Oulhaj. Bouira
[205]
Tawsit n ukacef deg unnar n tsekla d tesnalmudt
---------------------AIT ABBAS Linda et KHERBOUCHE Hassiba
Université Abderrahmane Mira/Bejaïa
Yal tikkelt nettmeslay γef tewsatin, ama d isefra,
timucuha, amezgun, timseɛraq, tullizin…, d tiwsatin yellan deg
tmetti, ttwasemrasent seg zik ar ass-a, lant azal-nsent di
wansayen γas akken ahat ass-a mxalafent kan di tarrayt n usissen
imi yella wayen ibeddlen yella, wayen yeqqimen deg-sent, yerna
annect-a yemgarad sed temnaḍt γer tayeḍ. Maca, tiwsatin-a
daγen ur qqiment ara kan deg teγmert-nni n tmetti acku uγalent
kecment deg uselmed/almad n tutlayt n tmaziγt, d tiwsatin i
yetteqnen anelmad d tmetti-s, maca ur nezmir ad neḥbes da imi
tura llant tewsatin-nniḍen i yessefk γef unelmad ad tent-yissin,
timsal i yessefk ad tent-yegzu iwakken azekka mi ara yeffeγ γer
tmetti ad tent-iqabel s wudem iwatan, d tiwsatin i yellan zik
mazal-itent ar tura gar-asent : tawsit n ukacef iγer nerra lwelhanneɣ iɣef ara ad d-nawi awal, d tawsit ur nettwazrew ara s telqi
deg tutlayt n tmaziɣt iwumi ttwafken waṭas n yinumak, gar-asen
ad d-nebder: “agezzen, i yellan d tririt i d-yettak umkacef” 1 ,
ilmend n tbadut
Tabadut i as-yefka J. M. Dallet deg usegzawal-ines, taqbaylittafransist 1982, i d-yeqqaren dakken
Ma yella ɣer CHARLE DE FAUCAULD “akacef”: anamek-is
“ârid” (asget-is: âriden) d asirem i yeqqnen ɣer sdat ama d ayen
yelhan neɣ dayen n diri.2
-Renet Basset ibder-d akacef s wawal “eller” i d-yekkan seg
tantala tatergit yesɛan anamek “ẓẓar” neɣ “wali”.1
1
J. M. Dallet, 1982, Dictionnaire kabyle-français, SELAF, Paris, asebter 393.
« Prédire (DEVENIR, rendre des oracles).
2
DE FAUCAULD, C., dictionnaire touareg français, dialecte de l’ahagar , tome
IV, imprimerie nationale de France, MDCCCCL II. « arid :pl ariden //souhait qui
renferme un présage ».
[206]
Ma yella nuɣal ɣer usegzawal ISSIN n K.BOUAMARA, ad t-naf
yesbadu-d awal «“Kcef”: sbeyyen-d ayen ur neẓri ara neɣ ayen i
yeffren i medden. ».2
Akken
daɣen
i d-yettwabder wawal “voyantes”
deg
Encyclopédie Bèrbere uṭun wis 15”; imi i d-yettmeslay ɣef lxalat
yettkacafen
ama
d
“tiderwicin”(asuf:
taderwict),
“timkucaf”(asuf: tamkaceft) neɣ d ticewwafin (asuf:tacewwaft).3
Ad naf deg usegzawal-a dakken akacef d ayen yellan seg zik deg
tmetti taqbaylit d ayen i ssemrasent ladɣa tlawin.
Gar wawalen i yettwanefken i tewsit-a nextar awal akacef
imi d win i yuzzlen deg tmetti.
Tabadut n tmiḍrant n ugezzen/ akacef
D tawsit n yiḍrisen i d-ttawin yimkucaf. Qqaren-t-id
yimdanen i yesɛan tazmert iwakken ad d-awin isallen yerzan
tidyanin i d-iteddun. Semrasen-t yimkucaf iwakken ad d-afen
tifrat i wuguren i d-ttmagaren yimdanen deg tudert-nsen.
Akacef yettwassen seg zik, acku d ayen s wayes
ttamnen yimdanen. Ma nuɣal ɣer umezruy n Yimaziɣen, deg
tasut tis tẓa (09) ad d-naf Dihiya, tagellidt n teqbilt n Ǧerrawa
tettwanefk-as tezmert n ukacef, ayen i d-tuder akk yeḍra-d,
akken i d-yenna Ibn Xeldun; d tin yesduklen gar udabu d ukacef,
dɣa s wannect-a i tessaweḍ ad teṭṭef adabu azal n 65 n
yiseggasen, ɣef waya i as-fkan Waɛraben isem n Kahina yesɛan
anamek n temkaceft. Ula d Faḍma n sumer yellan d tamnayt n
Ǧerǧer tettwassen deg taɣult n ukacef.4
1
BASSET R., 1908, Grammaire et Dictionnaire Français-Touareg, imprimerie
orientale Pierre Fontana, asebter 240.
2
BOUAMARA Kamal, 2007, ISSIN Asegzawal n teqbayli s teqbaylit, H.C.A,
asebter 130.
7
VIROLLE-SOUIBÈS M., 1995, « Divination », Encyclopédie Berbère, ut° XV,
France, EDISUD, isebtar 2345-2367.
*Anekmar n tesnilesmettit : approche sociodidactique
*Isensa utlayanen=pratiques langagières
[207]
Tabadut n tewsit
Ma yella nuɣal ɣer tewsit, ad naf dakken tamiḍrant-a
tettwassen seg zik imi deg tallit tagrigit ad naf beṭṭu n yiḍrisen
yella-d ilmend n tewsatin n tsekla, ahat imi ahat deg lawan-nni d
iḍrisen kan n tsekla i yuggten. Maca deg tallit tamirant, ladɣa
ilmend n tesnalmudt tiwsatin mmalent-aɣ-d inawen i
yettwasqedcen deg taɣulin yemgaraden i d-yettbanen s waṭas n
leqwaleb ilmend n ubeddel i d-yettilin seg tmetti ɣer tayeḍ neɣ
seg tegnit ɣer tayeḍ.
Leqdic-a yebded ɣef yiwen n ugnu s wayes nettnadi ad nẓer:
-Ma yella nezmer ad as-nefk adeg i uḍris n ukacef deg
uselmed n tmaziɣt ?
-Dacu-tent tulmisin n yiḍrisen-a ?
Deffir n yisteqsiyen-a nra ad d-nseken yiwet n tewsit i
yesran ad tesɛu udem ussnan;
Akken daɣen nebɣa seg tama ad nesnerni isulal n
uselmed n tutlayt n tmaziɣt, ara icudden anelmad ɣer tmetti-ines,
ara as-d-isseknen ayen i yellan deg-s, ama d ayen yelhan neɣ d
ayen n diri, i yellan ass-a d iswi agejdan n unekmar n
tesnilesmettit* anda anelmad d aferdis agejdan deg tmetti.
Anekmar-a iban-d iwakken ad yessiweḍ anelmad ad yesɛu
tizemmar deg timawit akked tira s tarrayin yemgaraden akked
usdukkel gar wayen akk yellan d timetti akked uɣerbaz. Gar
wayen ara yessiwḍen anelmad γer waya d aseqdec n yisulal
yemgaraden ara d-yilin s yiḍrisen imettiyin iḥeqqaniyin imi d
ayen yessen unelmad deg wayen yerzan tigensas timettiyin
akked yisensa utlayanen* ara yissin unelmad s tewsatin n
yiḍrisen i yellan, ama deg tmetti-ines neɣ deg tmettiyin
tiberraniyin .
Seg tama-nniḍen ad d-nesnekwu, ad d-neglem tulmisin
n yiḍrisen-a (taɣessa d yiferdisen utlayanen) iwakken ad
ttwasqedcen deg uselmed.
*Tasnilest taḍrisant : linguistique textuelle.
8
VIROLLE-SOUIBÈS M., 1995, bdr.ya. isb. 2345-2367.
[208]
Iwakken ad d-nerr ɣef yisteqsiyen i d-nefka deg ugnu,
nga tasatant s wayes i d-negmer ukuẓ n tmerwin d sin (42) n
yiḍrisen n ukacef segmi nerza ɣer kra n yimkucaf akked
yimdanen i yuɣen tanumi ttruḥun ɣur-sen, maca deg wayen
yerzan tasleḍt nefren anagar mraw (10) n yiḍrisen i nwala d
imesbaɣuren i tukksa n yiferdisen n tutlayt ara yilin d tallalt
tagejdant i unelmad deg ufares-ines iwumi nga tasleḍt s ubrid n
tesnilest taḍrisant.
S uḍfar n tarrayt-a, nessaweḍ ad d-nesnekwu akk
imqimen udmawanen, imyagen d yisuraz akked tulmisin n
yiḍrisen-a.
Ma yella d tarrayt i neḍfer iwakken ad d-nessufeɣ
taɣessa n yiḍrisen, nres ɣef tenfaliyin id-yettalsen deg yal aḍris.
Ma d tarrayt s wayes i nessaweḍ ad nẓer ma uklalen yiḍrisen-a
ad sɛun adeg deg uselmed n tmaziɣt, nexdem yiwet n tirmit anda
id-nefren kra n yiḍrisen i nessemres deg tneɣrit, armud n tɣuri d
tegzi n uḍris, i aɣ-yessawḍen ɣer kra n yigemmaḍ.
S tesleḍt n yiḍrisen n wammud i d-negmer nufa-d
dakken imqimen udmawanen i yellan d tulmist n yiḍrisen n
ukacef d wi: nekk d nekkni, ttuɣalen ɣef umkacef mi ara dyettmeslay.
Nekk, nekkni d nkenti, ttuɣalen ɣef yimẓuyar mi ara dttmeslayen.
Kemm, kečč, kunwi d kunemti, ttuɣalen ɣef yimẓuyar
mi ara asen-yettmeslay umkacef.
Talɣiwin timyaganin i yellan d tulmist n yiḍrisen n
ukacef, d izri, urmir s “ad” akked wanaḍ. Azal n yizri ttkeccifend yes-s ayen iɛeddan, asemres n talɣa urmir s “ad” skanayen-d
yes-s ayen ara d-yeḍrun ɣer sdat. Ma yella d anaḍ semrasen-t deg
yiḍrisen-a i usendeh neɣ iwakken ad d-fken iwellihen i tifin n
tifrat i wuguren n yimẓuyar.
Deg wayen yerzan tuddsa n uḍris n ukacef nufa-d
dakken yebna ɣef kraḍ n tegnatin:
[209]
1Tagnit n tazwara: d tanfalit s wayes ibeddu uḍris. M.D*1:
mselxir a Zi Muḥu.
2Tagnit tis snat: d tanfalit id-yeskanen asatal iɣef i d-yella
umeslay.
3Tagnit n taggara: d tanfalit s wayes yettfakka uḍris. M.D:
Ad d-iferreǧ Rebbi fell-am ncallah.
Tasleḍt i nga i yiḍrisen-a, tessaweḍ-aɣ ad d-nessukkes
tulmist yerzan ssenf-a n yiḍrisen: d aseqdec n umqim ameskan
“Atan”s wayes i d-yettili uwehhi d ujbad n lwelha n umẓuru ɣer
wayen ara as-d-yeḍrun ɣer sdat.
Iwakken ad nẓer ma yella aḍris n ukacef yezmer ad yesɛu
adeg deg uselmed n tutlayt n tmaziɣt, nga yiwet n tirmit deg
tneɣrit, segmi i nefren yiwen n uḍris i nwala meẓẓi, yeshel i tegzi
d tesleḍt. S usemres-ines deg urmud n tɣuri d tegzi n uḍris, anda
ara nẓer ma yezmer unelmad ad d-yessufeɣ tulmisin (iferdisen n
tutlayt d tɣessa) iɣef yebded uḍris n ukacef, nessaweḍ ɣer
yigemmaḍ-a:
Deg tazwara ur ufin ara inelmaden uguren, ama deg tɣuri
neɣ deg tegzi n uḍris n ukacef;
Aḍris-a d win i d-ijebden tamuɣli n yinelmaden imi d ayen
yellan d amaynut fell-asen deg tneɣrit,
ɣas akken sɛan timussniwin fell-as deg tmetti.
Ilmend n tesleḍt i gan yinelmaden i uḍris-a, ssawḍen ad
d-kksen iferdisen n tutlayt akked tɣessa iɣef yebded, iten-yeǧǧan
ad d-afen s sshala tawsit-is;
Aḍris-a d win yessawḍen inelmaden ad issinen ayen s wayes
ttamnen kra n yimdanen deg tmetti-nsen.
Ilmend n yigemmaḍ iɣer nessaweḍ ama seg tesleḍt n
wammud i d-negmer, ama deg tirmit i nga deg tneɣrit, nezmer ad
d-nini dakken aḍris n ukacef yesra ad yili amkan deg uselmed n
*M.D : amedya
[210]
tutlayt n tmaziɣt imi d win iten-ittɛawanen deg usenfali s tira neɣ
s timawit.
Leqdic-a, nessaweḍ ad t-id-nessisen ilmend n tmuγli n
tesnalmudt d tesnilesmettit, nessaram iwakken ad yili usismelines di tewsatin n tsekla imi d tawsit yellan seg zik ar ass-a,
akken daγen i llan kra n yiḍrisen i d-ttawin yimkucaf s talɣa n
tmedyazt.
Umuɣ n yidlisen
• BASSET R., 1908, Grammaire et Dictionnaire FrançaisTouareg, imprimerie orientale Pierre Fontana.
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[211]
Tijenṭaḍ
Aḍris : Saɛdia d Ccix Zi Muḥu
Saɛdiya: Mselxir a Zi Muḥu.
Ccix: Ɛeslama a yudem n lxir, a tin yettbuddun lxir ad am-yefk
Rebbi lxir, atan itteddu am-d lxir lumeɛna ssber, tetteddu am-d
lehna. Ad am-yefk Rebbi amlawi a tin yettlawin. ssellaḥ yid-m
lawliya yid-m. Tenɛettabeḍ, tuḍneḍ ad tawḍeḍ ɣer leɛlali ad dasen ad kem-awin, mazal ur tettruḥuḍ ara. Suturen-kem sya u
sya, qerreb ɣer sdat ur ṭallay ara ɣer deffir-m. Ad d-iferreǧ Rebbi
fell-am ncallah.
Tiferret n uselmed
Azwel n uḍris: Saɛdia d Ccix Zi Muḥu
Iswan : -Ad d-iɣer unelmad aḍris akken iwata;
-Ad yegzu anamek-is;
-Ad yessiweḍ ad d-yessufeɣ taɣessa-s;
-Ad d-yaf anaw n uḍris.
Tizza Tiddin n temsirt
Aseṭwi -Dacu-t wanaw i twalam yakan ?
Tafada Tamsirt-nneɣ ass-a, taɣuri d tegzi n uḍris,
ɣer taggara n temsirt-a, ttrajuɣ deg-wen ad
teɣrem aḍris akken iwata, ad tegzum
anamek-is,
Ad d-tessufɣem taɣessa-a, rnu ɣer waya ad
d-tafem anaw n uḍris-a.
Tagnit n tazwara
-Dacu tettwalim deg uḍris ?
-Amek
i
tettwalim
aḍris-a
ma
nessemgared-it d widak twalam yakan ?
-Ilmend n uziḍris, ɣefwacu yezmer ad dTizi
yemmeslay uḍris ?
1ut
-Taɣuri s tsusmi.
Tikti tagejdant: Adiwenni id-yeḍran gar
Saɛdia d Zi Muḥu ɣef tudert d wayen ittyuɣen.
-Taɣuri n uselmad
-Taɣuri n yinelmaden.
[212]
Ayen yessen-ya:
Anelmad
yessen
ullis.
Aktazal
Ullis, anda amaru
iḥekku-d ɣef kra
yellan deg tilawt neɣ
d asugen.
-Azwel, aḍris,…
-Mecṭuḥ,yesḥel
i
tɣuri, d adiwenni.
-Adiwenni
gar
Saɛdia d Zi Muḥu.
-Amlawi: amɛawen.
-Lawliya:imawlan,
Tizi tis
2
-Asegzi n kra n wawalen.
Tagnit n uslaḍ
-Anwa ɣef i d-yella umeslay deg uḍris-a?
-Dacu d awal amezwaru i as-tenna Saɛdia i
Zi Muḥu?
-Amek i as-d-yerra ?
-Dacu d awal i yessemres iwakken ad as-dyesken dakken itteddu-d ɣur-s lxir ?
-Amek i as-qqaren ?
-Γer wacu i ftin tuget n yimyagen deg
uḍris-a ?
-Acuɣer i yuget wurmi s “ad” ?
-Swacu yekfa ameslay-is ?
Tizi tis
3
Tagnit n usemlil
-Amek yebda uḍris ?
-Dacu yellan deg tneflit-is (talemmast)?
-Amek i yekfa ?
-Dacu-ten yiferdisen n tutlayt iɣef yebna ?
Ad cfuɣ: Aḍris n ukacef, d win id
yeskanen ayen yellan deg tmetti, d aḍris
id-ttawin yimkucaf mi ara iruḥ umẓuru
γur-sen s talγa n uḍris amagnu akked d
talγa n tmedyazt.
Yebna ɣef (03) n tegnatin:
1-Tagnit n tazwara: d taneflit s wayes
ibeddu uḍris.
2-Tagnit tis snat: d taneflit i d-yeskanen
asatal iɣef i d-yella umeslay.
3-Tagnit tis kraḍ: d tanfalit s wayes
yettfakka uḍris.
Akken daγen deg uḍris n ukacef yettili
useqdec n umqim ameskan “atan” idyeskanen ayen ara d-yeḍrun γer sdat.
[213]
iɛessasen.
-Saɛdia d Zi Muḥu.
-Mselxir.
-Mselxir.
-Atan.
-Amqim ameskan.
-Izri, urmir ussid,
urmir s “ad”.
-Iwakken
as-dyesken dacu ara
yeḍrun.
-S ddeɛwa n lxir.
Tiwsatin n tmedyazt tamensayt di tira n yinagmayen :
Amgired deg usemmi d usismel d tbaddutin
---------------------Mohamed DJELLAOUI
Université Akli Mohand Oulhadj - Bouira
Deg usaray-agi ad neεrev ad nexdem yiwet n tùuri n
usenqed, deg wayen i d-uran kra n yinagmayen ùef usentel-agi n
tewsatin. Taùuri ideg ara d-nbeggen, amgired i d-yettbanen di
tira-nsen aladùa di temsal yerzan : asemmi d usismel d tbaddutin.
Gar tewsatin-agi n tmedyazt, ùas akken ugtent, awal ad tid-nawi ùef tlata tewsatin tigejdanin i yettemsevfaren s waîas di
tira n yinagmayen :
Izli, aêiêa d uquli
Taùuri-agi ad tt-nebnu ùef kra n yidlisen d yimagraden i d-uran
yimyura yecban : (H.), Basset : 1920(1) - (J.), Delheure : 1984, 1897)(2) (T.), Yacine : 1990)(3) – (M.), Mahfoufi : 1992)(4) – (D.), Abrous : 1992)(5) –
(Y.), Nacib : 1993)(6) – (F.), Ait Ferroukh : 1993)(7) - (A.), Bounfour :
1999)(8) – (K.), Bouamara : 2004)(9) - (S.), Chaker : 1989)(10).
(1)
(H.), Basset, Essai sur la littérature des Berbères, Carbonel, Alger, 1920.
(J.), Delheure, Ageraw n yiwalen Tumzabt t-Tefransist / Dictionnaire Mozabite-français,
SELAF, Paris: 1984. Et Agerraw n iwalen teggargarent-tarumit / Dictionnaire ouarglifrançais, SELAF, Paris, 1987.
(3)
(T.), Yacine, L'izli ou l'amour chanté en kabyle, éd, Bouchène, Awal, Alger, 1990.
(4)
(M.), Mahfoufi , Le répertoire musical d’un village berbère d’Algérie (Kabylie), thèse de
Doctorat, université de Paris, 1992.
(5 )
Abrous, (D.) «Les joutes poétiques du henni : compétition d’honneur et rapt
symbolique », in E.D.B N° 9, 1992, pp. 147-164.
(6)
(Y.), Nacib, Anthologie de la poésie kabyle, éd, Andalouses, Alger, 1993.
(7)
(F.), Ait Ferroukh, « Le chant kabyle et ses genres », in Encyclopédie berbère, N°12, éd,
EDISUD, 1993, pp. 1869-71.
(8)
(A.), Bounfour, Introduction à la littérature berbère, éd, Peeters, Paris – Louvain,
1999.
(9)
(K.), Bouamara, Si Lbachir Amellah(1861-1930), un poète-chanteur célèbre de
Kabylie, éd, Talantikit, Béjaia, Algérie, 2004.
(10)
(S.), Chaker, «Une tradition de résistance et de lutte : la poésie berbère kabyle, un
parcours poétique», in REMM N° 51, Edisud, 1989.
(2)
[214]
$as ma yella nebder-d kan inagmayen-agi d amedya, neêsa
belli llan wiyevnin, acukan akken yebùu yili, ayen uran ùef
tewsatin-agi n tsekla n tmaziùt tamensayt drus mavi. Tira-nsen s
lekmal-nsent ur iwivent ara ad frunt timukrisin i d-icudden s annar
n tewsatin-agi. yal yiwen d tamuùli i d asent-yefka, yal yiwen d
tikta i d asent-yessa. Ad neεrev ad d-nbeggen timuùliwin-agi yiwet
yiwet, syin akin ad d-nefk tamuùli-nneù ùef wayen i d-wwin d
asemmi d usismel akked tbaddutin.
1- Izli
« Izli neù izlan » d awal i d-yettwabedren s waîas di tira n
yinagmayen izzayriyen(1) d yinagmayen n tmurt n lmeruk(2). Ahat
adlis i d-yufraren di ûûenf-agi n tmedyazt, d win tura T. Yasin deg
useggas n tesεin 1990, iwumi tefka azwel : « Izli neù tayri
yettwacnan s teqbaylit - L'izli ou l'amour chanté en kabyle ».
Deg udlis-agi iban-d s ttbut usismel d tbaddut i d as-tefka
tnagmayt i tewsit-agi n tsekla tamensayt, imi di lewhi-s : « Izli d
asefru yettwacnan, yesεan talùa wezzilen, agbur-ines yettwabna
ùef usentel n wafrayen n tayri »(3). Awal « Izli» d awal i d-telqev si
temnavî seg i d-tejmeε ammud n yisefra i d-yettawin di tuget-nsen
ùef wafrayen n tayri. Maca tesqedc-it di tira-s mebùir ma tnuda s
ubrid n tussna ùef laûel n usexdem-is udyiz akked tidet n usismel-is
d tbaddut-ines di temnavin nniven di tmurt n timmuzùa.
(1)
Inagmayen i d-yettwabedren yakan yecban : (Y.), Nacib : 1993, (T.), Yacine : 1990,
(M.), Mahfoufi : 1992, (F.), Ait Ferroukh : 1993.
(2)
Wid yecban : (H.), Jarmuni, Anthologie analytique de la poésie berbère (Tamazight) du
Moyen Atlas, thèse de Doctorat en science du langage, université de Fès, Maroc, 2009. (B.),
Hamri, La poésie amazighe de l’Atlas central marocain : approche culturelle et analytique,
thèse de Doctorat, université de Fès, Maroc, 2005.
(3)
(T.), YACINE, op. cit, p. 15.
[215]
Seg tmuùli-agi nezmer ad d-nefhem tlata n trekkizin
tigejdanin iùef yettwabna usismel d tbaddut n «izli» di lewhi n T.
YASIN : D asefru i d-yettasen s ccnawi, d asefru wezzilen di talùa-s,
abgbur-is yettwabna ùef wafrayen n tayri.
Ma nuùal ùer tira n yingmayen nniven i d-icudden s asismel
d tbaddut n wawal-agi « izli » ad naf amgired yettban-d s lebrez.
S. Caker deg umagrad yura deg useggas n 1992 : «Taεecret
n tezrawin timazùanin - Une décennie d’étude berbère »,
yessenqed-d asismel d tbaddut i d-tefka T. Yasin, imi yettwali
« belli acuddu n « yizli » s iêulfan n tayri yeêwao aεiwed n tmuùli
aladùa seg tama n tsekla d tesnillest »(1)
Di tira n F. Ayt Ferrux, ad naf « izli » yettwabder-d s
unamek n « usefru yettwacnan », mebùir agbur n yiêulfan n tayri
neù talùa wezzilen. Tanagmayt-agi tebna igemmav n tezrawt-ines
ùef wayen i d as-d-yefka unnar n tira n kra yinagmayen, imi dtenna : tban-iyi-d tbaddut d usismel n « yizli » seg tira yecban tid n
H. BASSI i yura ùef waîlas alemmas deg useggas n 1920, d tid n F.
DELHUR ùef yicawiyen n Wregla d yimzabiyen deg yiseggasen n
1984 d 1987. Tira-agi beggnent-iyi-d belli izli d « asefru
yettwacnan »(2).
Ma di tezrawt yexdem M. Maêfufi ùef wammud n yisefra i
d-yejmeε seg unnar n snat tudrin : At Hicem d Ugusim di tmurt n
leqbayel, yessawev ad d-yefk tikta nniven ùef tbaddut d usismel n
wawal « izli neù izlan », imi di lewhi-s : « izli d awal i ssemrasen
imezdaù n tudrin s lmeεna n « umεeéber », i d-yettasen srid neù s
(1)
(S.), Chaker, op. cit, p. 294.
(F.), Ait Ferroukh, Ethnopoétique berbère, le cas de la poésie orale kabyle, Thèse de
doctorat, Soutenue à la Sorbonne, sous la direction du P. M. Arkoun, Paris, 1994, p.294.
(2)
[216]
ccnawi, neù tikwal ssemrasen-t imezdaù-agi s unamek n ccnawi i
d-ttawint tidma di « tegnatin n lferh ».
Yettban-d si tmuùli-agi n M. Maêfufi, amek i d-yella
umgireg d ameqqran deg usismel d tbadut n wawal « izli ».
Asismel d tbaddut ibeεden aîas ùef wayen i d-nnan inagmayen i dnebder yakan. Tamuùli n unagmay-agi ur tebni ara ùef tarrayt
tussnant, yenna-d kan ayen i d as-d-yefka unnar n unadi, mebùir ma
yerra-t deg uùerbal n usenqed, imi amεeéber d tawsit nniven si
tewsatin n tmedyazt tamensayt, tettwabna ùef waîas n tulmisin n
talùa akked ugbur d tid n tegnatin n usevru i tt-yeooan temgarad s
waîas ùef yizlan. Am wakken tiwsatin n tegnatin n lferê (urar,
tibuùarin d uzenzi n lêenni) yebεed wassaù-nsent ùef yizli.
Amek ihi ara d-yili usismel d usbaddu n yizli s userwes-ines
ùer tewsatin yemgaraden fell-as deg waîas n tulmisin aladùa
amεeéber d tbuùarin?!
Ma d M. Mεemmri si tama-s, ibder-d snat tulmisin iùef
yettwabna usismel d tbaddut n yizli, tulmisin-agi i d-yessugzel deg
yiwet n tefyirt wezzilen ideg d-yenna : « Izli neù izlan d isefra
wezzilen yettwacnan di tuget n tegnatin»(1).
$er tama n yinagmayen-agi i d-nebder ad naf tuget n
tezrawin nniven ttbegginent-d belli asismel-agi d tbadutin i asyettewmudden i yizli yettemgirid si tantallit ùer tayev, u tikkwal
yettemgirid ula deg yiwet n tentallit. Ma neddem-d amedya seg
waîlas alemmas ad naf izli yettewsemres s unamek n « usefru
(1)
M. Mammeri, Poèmes kabyles anciens, éd, Maspéro, Paris, 1980.Poèmes kabyles
anciens, p. 209.
[217]
wezzilen », ùer Yiméabiyen yedda-d s lmeεna n « usefru », di
Nfusa ad naf yettmagar-it-id « Ccna ».
Seg wayen akka i d-nebder di tira n yinagmayen iban-aù-d
belli yella waîas n usexlev, tikta ur mûavant ara. Aferdis-nni n
tbaddut d usismel i d-yeqqaren belli izli yettwabna ugbur-ines ùef
usentel n yiêulfan n tayri ur d-yettwabder ara mavi di tira n
yinagmayen, yettuùal-d kan uferdis n talùa yerzan tewzel akked
ccnawi i swayed yettawev s amseflid.
Ihi ma nessugzel-d awal deg wayen i d-nnan yimyura-agi ad
naf belli : « Izli » d awal amatwan yettewsemres s tewseε di
temnavin timazùanin. Anamek-ines d asefru wezzilen yettwabna
ugbur-ines ùef tuget n yisental, yettas-d d usrid neù s ccnawi ».
2- Aêiêa
D ûûenf wis sin si leûnaf n tmedyazt tamensayt, drus n
tezrawin i t-id-ibedren, di tuget ttakken-as tabaddut n tmedyazt n
tayri d wayen akk i d-icudden ùer-s n yiêulfan d wafrayen.
Gar yinagmayen i t-id-ibedren s wudem ubriz ad d-nebder
M. Maêfufi deg yiwet n tezrawt yura deg useggas n 1992. Di
tezrawt-agi yewwi fell-as awal s telqayt deg yiwen n yixef s
lekmal-is.
Di lewhi n unagmay-agi : « Aêiêa d ccnawi d-ttawint tidma
n At Yesseεd, yettwabna ugbur-ines ùef usentel n tayri (leêmala)
neù n uùucu (lkerh) … Aêiêa yettbeggin-d akken iwata iêulfan n
tayri yezdin gar urgaz d temîîut-is neù gar tmeîîut d uεciq-is uffir i s
ur yeεlim êedd mebùir-is »(1).
(1)
(M.), Mahfoufi, op. cit, p. 211-212.
[218]
Tabaddut-agi d usismel n uêiêa i d-yefka M. Maêfufi, ad ttnaf tuùal-d di tira n F. Ayt Ferrux, imi ula d nettat tebna asismel n
uêiêa ùef ugbur n yiêulfan d wafrayen n tayri. Di lewhi-s : « Abgur
n uêiêa yettwabna ùef yisental n wafrayen n tayri, aladùa wid n
tayri tufviêt, deg-s i d-ttwacnayen isefra-nni imeqqranen widak-nni
n lεib, ùef waya, aêiêa ttawin-t-id imeksawen deg yikusa, ttawinttt-id tidma mi ara xedmen kra n lecùal, am unejruv n uûaùur, timlilit
di tala, lcùal n uxxam, di tegnatin n lferê ma yella ulac irgazen »(1).
Deg umawal n J. M. Dalli yettwabder-d wawal n uêiêa s
tbaddut n ccnawi n tayri neù ccna ufviê(2)
$as akken imyura-agi fkan i wawal “aêiêa” tabaddut d
usismel yettwabnan ùef wafrayen n tayri, maca nitni s timad-nsen
ad ten-naf ur reûûant-ara tmuùliwin-nsen ùef tbaddut d usismel
aêeqqani n wawal-agi. Amedya d anagmay M. Maêfufi i d-yennan:
« Awal « aêiêa » ùas ma yella nefka-as tabaddut n ccnawi n tayri i
d aù-d-yekkan seg unnar n unadi, maca tabddut-ines taêeqqanit
ahat mazal ur tt-nufi ara, awal ad yuùal ùer yimussnawen n tutlayin
i izemren ad d-segzin inumak n tidet n uêiêa d wayen i d-icudden
ùer-s n yisefra »(3).
Anagmay-agi ikemmel yefka-d kra n tbaddutin nniven i dyeqqnen s awal-agi n uêiêa, tibaddutin-agi sbeεdent-tt ùef
yinumak-nni imenza i d as-yefka. Deg wayen i d-yenna : « Awalagi n uêiêa yella-d usemres-ines s yinumak nniven di teqbaylit, imi
aêaêi neù asêaêi ssexdament medden mi ara ûvawen afrux ùef
lerzaq d lùellat»(4).
(1)
(F.), Ait Ferroukh, op. cit, p. 295.
(J. M.), Dallet, Dictionnaire kabyle-français, éd, SELLAF, Algr, 1982.p. 298.
(3)
(M.), Mahfoufi, op. cit, p. 211.
(4)
Ibid, p. 209.
(2)
[219]
Tabaddut-agi tebder-tt-id daùen tnagmayt F. Ayt Ferrux di
tira-s, ideg d-tenna : « Gar wawalen i d-yefrurin seg wawal
«aêiêa», ad naf «asêaêi», i yesεan anamek n uûvaw n yifrax ùef
lùellat (ad nruê ad nesêaêi afrux) s leûwat εlayen»(1).
Ayen icuban tabaddut-agi ad tt-naf di tira n A. Hanutu, imi
ula d netta iwala belli « awal-agi “aêiêa” yesεa anamek n ccnawi dttawin medden s ûûut εlayen … Di kra n temnavin n unéul azzayri
sseqdacen-t imezdaù s unamek n leûwat-nni n usêahi i ssexdamen
iûeyyaden mi ara ttûeyyiven iwetlan akked yilfan »(2).
Seg wayen akka i d-nebder ùef wawal “Aêiêa” iban-aù-d
amek i mgaradent tmuùliwin n yinagmayen, yal yiwen d tabaddut d
usismel i d as-yefka, yal yiwen tiùbula iseg d-yugem : kra qqnen
agbur-ines ùer wafrayen d iêulfan n tayri tuûûirt neù tufviêt, kra
walan-t d ccnawi d-ttawin medden s ûûut εlayen di tegnatin
yemgaraden, kra ssufùen inumak-ines s asêaêi i d-yettilin deg
unnar n ûyada n yiwetlan d yilfan.
Timuùliwin-agi merra ur bnint ara ùef lsas ussnan: Ma yella
aêiêa d ccnawi i d-yettasen s ûûut εlayen, amek i yezmer ad yili
ugbur-ines d tayri tuûûirt neù tufviêt, aladùa di tmetti tamensayt i
yettwarzen leεwayed d wansayen, ideg ur yezmir umdan ad dyenîeq s wafrayen-is d yiêulfan-is n tayri?!.
(1)
(F.), Ait Ferroukh, op. cit, p. 295.
(A.), Hanoteau, Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura, Imprimerie
impériale, 1867, p.325.
(2)
[220]
3 - Aquli
« Aquli » d awal wis tlata i d-yettwabren di kra n tira n
yinagmayen, acukan drus mavi i yellan. Ibder-t-id M. Maêfufi deg
udlis-ines (1992 : 213), maca mebla kra n telqayt di tezrawt. Di
lewhi-s «aquli» d ûûenf nniven n tsekla taqburt, yettwabna ugburines ùef yiêulfan n tayri, ttawin-t-id yirgazen s wawal usrid neù s
ccnawi, maççi am uêiêa i d-ttawint tidma.
Awal-agi n uquli yettwabder-d daùen di tira F. Ayt Ferrux
(1994 : 294), ùas ma ur tessuget ara awal fell-as, di cwiî-nni i dtenna tefka-as tabaddut n yisefra i d-yettawin ùef wafrayen d
iêulfan yezdin gar urgaz d tmeîîut.
Asismel d tbaddut i d-bedren inagmayen-agi ur yebni ara
daùen ùef lsas ussnan. Imi aquli d awal i d-yekkan si tutlayt n
taεrabt «El-aqwal» s teqbaylit «Innan». Sin wawalen-agi mmalen-d
inumak n rzana d leεqel d lmeεqul yeççuren d tikta tilqayanin, i dteslal tirmit n umdan, ur tesεiv iten-yezdin d wafrayen n tayri.
Qqaren di teqbaylit « leflani d aquli», s unamek n umdan
yettfeûilen awal, i wumi qaεden yinnan. $ef waya iban-d amek i
yebεed wassaù n uquli s unamek n rzana, ùef uquli s unamek n
wafrayen n tayri tufviêt!?
Seg wayen akk i d-nebder deg umagrad-agi yettban-d belli
tibaddutin d usismel i fkant tira n yinagmayen i tlata n leûnaf-agi n
tmedyazt tamensayt, ur mûavant ara, ur bnint ara ùef lsas ussnan. D
izli neù d aêiêa neù d aquli yiwen ur d-tban tbaddut d usismel-ines
akken iwata.$as ma llan wid i sen-yefkan inumek n ccnawi i dyettawin ùef wafrayen n tayri, maca tibaddutin d usismel aêeqqani
n yal ûûenf mazal yettraou tizrawin tisdawanin ara yeùzen s telqayt,
ilmend n usekfel n yinumak ussnanen iùef ireûûa lsas n yal yiwen si
tlata n wawalen-agi.
[221]
Tiùbula :
• Abrous, (D.),
«Les joutes poétiques du henni : compétition d’honneur et rapt
symbolique », in E.D.B N° 9, 1992, pp. 147-164.
• Ait Ferroukh, (F.),
Ethnopoétique berbère, le cas de la poésie orale kabyle, Thèse
pour le doctorat, Soutenue à la Sorbonne, sous la direction du
P. M. Arkoun, Paris, 1994.
« Le chant kabyle et ses genres », in Encyclopédie berbère,
N°12, éd, EDISUD, 1993, pp. 1869-71.,
• Basset, (H),
Essai sur la littérature des Berbères, Carbonel, Alger, 1920.
• Bouamara, (K.),
(Si Lbachir Amellah(1861-1930), un poète-chanteur célèbre de
Kabylie, éd, Talantikit, Béjaia, Algérie, 2004..
• Bounfour, (A.),
Introduction à la littérature berbère, éd, Peeters, Paris –
Louvain, 1999.
• Chaker, (S.),
«Une tradition de résistance et de lutte : la poésie berbère
kabyle, un parcours poétique», in REMM N° 51, Edisud,
1989.
• Dallet, (J. M.),
Dictionnaire kabyle-français, éd, SELLAF, Alger, 1982.
• Delheure, (J.),
Ageraw n yiwalen Tumzabt t-Tefransist / Dictionnaire Mozabitefrançais, SELAF, Paris: 1984. Et Agerraw n imawalen
teggargarent-tarumit / Dictionnaire ouargli-français, SELAF,
Paris, 1987.
• Djellaoui, (M.),
Poésie kabyle d’antan, retranscription, commentaires et
lecture critique de l’ouvrage de Hanoteau, éd, Zyriab, Alger,
2004.
• Hanoteau, (A.),
Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura, Imprimerie
impériale, 1867.
• Mahfoufi, (M.),
- Le répertoire musical d’un village berbère d’Algérie
(Kabylie), thèse de Doctorat, université de Paris, 1992.
• Mammeri, (M.),
Poèmes kabyles anciens, éd, Maspéro, Paris, 1980.
• Nacib, (Y.),
- Anthologie de la poésie kabyle, éd. Andalouses, Alger, 1993.
• Yacine , (T.),
- L'izli ou l'amour chanté en kabyle, éd, Bouchène, Awal,
Alger, 1990.
• Zumthor, (P.),
Introduction à la poésie orale, éd, du Seuil, Paris, 1983.
[222]
La structure canonique du genre poétique ahellel
---------------------Mustapha AOUINE
Université de Fes – Maroc
1- Introduction
Traiter la question des genres poétiques dans un domaine
littéraire oral, tel que celui de l’amazighe, c’est s’aventurer dans les
méandres d’un immense chantier où les résultats probants sont
difficiles à escompter. Plusieurs chercheurs ont essayé de cerner cette
problématique à l’image d’A. Roux qui, force est de le souligner, a été
le premier à s’être intéressé à la poésie du Moyen Atlas. A emboîté le
pas au précurseur susmentionné J. Drouin qui a eu le mérite, et non
des moindres, d’avoir entrepris de s’y frayer un petit chemin en
traçant la distinction entre quatre genres, à savoir : tamdyazt, tayfffart,
izli et lmayt 1.
Après J. Drouin, c’est au tour de M. Peyron d’apporter sa
contribution dans ce domaine en portant son intérêt plus
particulièrement à izli et à tamawayt. Pour notre part, nous allons
centrer notre attention surtout sur le genre poétique ahellel qui se
présente comme le genre poétique majeur de la poésie orale amazighe
du Moyen Atlas.
2- Essai de définition
Plusieurs appellations peuvent être prises en considération
pour désigner ce genre poétique. On peut trouver tayffart, tamdyazt et
ahellel. Ces trois appellations renvoient toutes à la longueur du
poème.
Il faut dire tout d’abord que le mot tayeffart désigne à
l’origine une chaîne dont les maillons sont attachés les uns aux autres
pour former un tout. tayeffart est donc un long poème mais qui est
caractérisé par la présence de plusieurs couplets. Dans une tayeffart,
on peut trouver le sujet de l’amour, de la guerre, des vices sociaux,
etc.
1
lmayt est un emprunt arabe de al maya puisé dans le répertoire d’Al Malhoun.
[223]
Le déclamateur des poèmes formant tamedyazt est
généralement accompagné d’une autre personne qui joue d’une flûte
appelée bu-yġanimn. Néanmoins, la flûte n’est pas le seul instrument
utilisé, le violon peut intervenir dans ce répertoire instrumental. On
trouve tamedyazt chantée dans les foires, les marchés ou les arènes.
Cela montre que tamedyazt a subi des changements. Dans ce sens, M.
Taifi affirme que :
« Le genre tamedyazt a subi des évolutions qui ont
abouti à des transformations du genre tant au niveau
de la forme poétique qu’au niveau du contenu. Les
poèmes chantés n’étaient plus, d’abord, accompagnés
de supports musicaux, ensuite les textes sont émis non
seulement par un seul chanteur mais par plusieurs qui
alternent en se donnant la réplique ».2
Le troisième terme qu’il nous revient de discuter est ahellel. La
racine est hl ou hll qui a le sens de la récitation, de la déclamation ou
de la psalmodie. P. Paulette-Galland affirme :
« L’étude de la racine renvoie à des termes arabes, de
groupes musulmans ou juifs qui désignent des
récitations ou des chants de louange à Dieu. Cette
parenté chamito-sémitique n’implique pas une origine
orale ni du mot ni de la chose, on pourrait être tenté de
croire à une création due à l’Islam, mais la diversité
des réalisations et des usages indiquerait plutôt une
islamisation de quelque chose de plus ancien, les
chants de moulin, de moisson, de pèlerinage, de
confrérie.»1
Mais il faut dire qu’au début, ce genre était réservé à la
religion, avant de subir des changements surtout au niveau du contenu.
En abordant le même sujet, M. Taifi ajoute :
« ahellel était d’abord un genre poétique religieux ». 2
De son côté, E. Laoust définissait ahellel comme suit :
1
Taifi, (M), « la transcription de la poésie orale : de la transcription orale à
l’opacité scripturale ». Etudes et documents berbères 11, 2006, pp.133-147
1 Galand-pernet, (Paulette), littératures berbères. Des voix, des lettres, Paris : Puf,
1998.
2
Taifi, (M), op, cit, pp, 133-147.
[224]
« ahellel, chant, souvent d’impétration religieuse, dont
s’accompagne un groupe d’individus appartenant à un
même corps de métiers : moissonneurs, tondeurs de
moutons, pèlerins se rendant en pèlerinage, tireurs,
membres d’une confrérie se livrant à leurs exercices,
ou par une femme seule qui moud ou endort son
enfant».1
Il nous semble intéressant de signaler que ce genre ne traite pas
seulement du religieux en ce sens qu’il est passé du sacré au profane.
D’ailleurs, une telle caractéristique lui donne plus de force et
d’expressivité. S’il est vrai que le thème de la religion est fortement
présent, il n’en reste pas moins qu’ahellel a abordé aussi les
préoccupations des gens, leurs souffrances et leur spleen, leurs
ambitions et leurs convoitises.
Nous remarquons que le poète amazighe du Moyen Atlas est
capable de discuter n’importe quel sujet sans aucune difficulté. Ce
genre poétique, semblable à un serpent qui se mord la queue, s’ouvre
par des formules et se ferme par d’autres. C’est un cycle qui se
manifeste à ce niveau. Les expressions utilisées présentent un soutien
psychique pour le poète voulant entamer la discussion. Notre approche
cernera les trois parties qui composent ce genre de poèmes, à savoir :
le prologue, la matière du texte et enfin la morale ou l’épilogue. Tout
poème ne mettant pas en évidence ces trois éléments n’est jamais
apprécié par le public. Le souci majeur du poète est de satisfaire
l’auditeur, un auditeur critique, attentif et perspicace.
1-2
Le prologue
Le prologue, comme le souligne M. Taifi :
« Est réservé à l’invocation de Dieu, du prophète et des
saints patrons. Cet acte énonciatif de soumission et
d’assujettissement est un préalable à toute prise de
parole car, pour les poètes, l’inspiration se perd de la
volonté divine.»2
1
Laoust, E., « Chant berbère contre l’occupation française. » Mémorial Henri
Basset, Paris, Gurthner, 1928,pp. 9-20.
2
Taifi, (Miloud), « Poésie, don de Dieu, consigné dans de la ferraille » Actes du
colloque international sur la littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et
perspectives, IRCAM, Rabat. 2004, pp.200-215.
[225]
D’après le corpus que nous avons recueilli, nous constatons
que le premier mot prononcé par le poète est généralement zzurx de la
racine zwr qui veut dire précéder, passer devant, prendre les devants.
Ce verbe se présente sous cinq formes :
27 occurrences
8 occurrences
6 occurrences
2 occurrences
1 occurrence
zzurx š
nezzur š
aš zzurx
akk nezzur
zzurx wenna
Ce verbe est utilisé soit au singulier, soit au pluriel, suivi ou
précédé d’un complément d’objet direct. Il faut signaler que le
complément d’objet direct renvoie à Dieu. Généralement, on remarque
l’apparition du nom de Dieu après le verbe zwr. Il ne s’agit pas d’une
répétition mais il s’agit plutôt d’une affirmation qui met en évidence
l’attachement du poète à son créateur. Le poète peut utiliser d’autres
termes qui renvoient au créateur et qui caractérisent sa grâce, sa pitié,
sa générosité et son pouvoir extrême. En voici des exemples :
Terme
Traduction
Poème
Strophe
Vers
bu lefḍel
Gracieux
1
A
A
Lžid
Généreux
3
A
B
ism imeqqurr
nom suprême
3
A
B
yat i lxir
couvre-moi de tes richesses
4
A
A
bu lfeḍl
possesseur de la grâce
7
A
A
bu lḥeq
vrai juge
7
A
E
bu lemxazin
possesseur des magasins
7
B
A
ur ġur s babas
Il n’a pas de père
7
B
H
[226]
ur ġurs adžarr
Il n’a pas de voisin
7
B
I
ḍḍamn
Garant
8
A
A
aḥnin
Gracieux
10
A
A
Amezwaru
Le premier
12
A
A
Mulana
Notre patron
13
A
A
ḍḍamn
Le garant
14
A
A
war ašriš
Il n’a pas d’associé
14
A
A
ḍḍamn
Le garant
15
A
A
bu rzeq
Le possesseur des biens
15
B
A
šeg agg
žžužuyn
C’est toi le vrai praticien
15
B
B
la yubeṭṭu
larzaq
C’est toi qui partages les
biens
16
B
A
wenna ur
yuyir ša
Personne ne t’est supérieur
18
A
A
Mulana
Notre Patron
18
A
A
Sidi
Seigneur
19
A
A
wenna islalan
Il nous donne la vie
20
A
A
iša ax kulši
Il nous a donné tout
20
A
A
Mulana
Notre patron
21
B
A
Les qualificatifs sont d’une représentation assez
importante. Il ne s’agit pas de faire l’inventaire de tous les mots et
expressions qui renvoient à Dieu, il s’agit seulement de montrer un
critère assez important qui caractérise le prologue, celui de
[227]
l’imploration, de l’invocation et de la supplication. Prenons la strophe1
qui peut illustrer ce propos :
a)
b)
c)
d)
e)
nezwur wenna da islalan i dduniyt iy ax kulši
nezwur wenna ax išan allen iy ax afud ad nteddu
iy ax aksum izayd ax iġṣan iyer žaž nx rruḥ
iy ax udem iy imežžan ad selx i wenna ax iqqarr
iy ax aqmu nna as nsawal sebḥan lžid itfeḍḍall
a) Je te précède, ô Toi qui nous donnes la vie et tout ce qu’on
désire.
b) Je te précède, ô Toi qui as donné les yeux et les pieds pour
marcher.
c) Nous a couverts les os par la chair. Nous a soufflé l’âme.
d) As dessiné un beau visage et des oreilles pour entendre.
e) A donné la bouche pour parler. Louange à lui qui nous a tout
donné.
Il s’agit d’un exemple introduit par le poète où il cite les
parties du corps. C’est Lui qui nous a donné les yeux, les genoux, les
os, l’âme, le visage, les oreilles et la bouche. Reste à dire que le poète
peut entamer son poème par des formes autres que zzurx–š. Les voici
avec le pourcentage d’apparition:
1
À la question, comment distinguer les strophes et les vers dans la poésie berbère
du Moyen Atlas ? On peut répondre en disant que le vers est marqué par une pause
qui se repère dans les enregistrements même si nous ne sommes pas sur scène. Pour
la strophe, elle se marque par la reprise des répétiteurs du dernier vers. Une fois les
répétiteurs répètent le dernier vers, on est sûr que le poète va entamer une deuxième
strophe et ainsi de suite. Reste à dire que la fin du poème est identifiée par la reprise
de la dernière strophe. Cette reprise se fait par le poète et les répétiteurs. Sinon, on
peut reprendre ensemble le dernier vers.
[228]
Expression
Traduction
Nombre
Pourcentage
ad ikk rzemx
C’est par vous que j’ouvre
3
ad ikk bdux
C’est par toi que je
commence
2
18,18 %
bdix ikn
C’est par vous que je
commence
2
18,18 %
adž adˆnini
Disons au nom de Dieu
2
18,18 %
O patron qui n’a pas
d’associé
1
9,1 %
C’est toi qui prends notre
âme
1
9,1 %
27,27%
bismillah
a ḍḍamn a war
ašriš
šeg ay d ineqqan
1-3
La matière du texte
La matière du texte constitue par excellence la clé de voûte du
poème. L’auditoire privilégie cette partie du poème, étant donné
qu’elle en représente la quintessence. Le passage du prologue à la
matière du texte est, généralement, indiqué au moyen de formules
linguistiques diverses. Nous avons tout d’abord un verbe qui introduit
cette transition1, ensuite le terme awal qui veut dire la parole et enfin
la mention de l’organe nous permettant de parler, à savoir la bouche
qui peut avoir deux variantes : aqmu et imi. Présentons les expressions
qui assurent un tel passage.
1
Les poètes usent des verbes smuttey, xellef, sinf, εawd, beddel qui se partagent de
par leur champ sémantique, des traits afférents aux notions de mouvement.
[229]
Expression
Emplacement
3
B
A
8
C
A
12
E
A
13
C
A
14
B
A
15
C
A
rix ad kwn weṣṣax a wenna i durrin
Ô auditoire, je voudrais vous donner des
recommandations.
16
F
A
adž i aš wažebex a aneššad akk laḥḍex ad nemlamma
17
C
A
xellef wad zayd a imi nw lužab šḥal aš isull ur iffiġ
Ô ma bouche, change de parole, abondants sont les
sujets.
18
D
A
adž ad nales i lexbar ad nini ma awn nnix
Laissez-moi répéter l’information que j’ai déjà annoncée.
a imi nw smuttey wad uždid ag ḥdadža užemmuε
Ô ma bouche, change la discussion. L’auditoire attend
de nouvelles informations.
xellef d a imi i lleġa awal ggudin
Change de parole, ô ma bouche, les paroles sont
diverses.
adž ad smutteyx wa ad nasey ša iḍ nin ran imferrežn
19
B
A
20
B
A
21
D
A
22
C
A
23
C
A
a wa a imi nw ssinf awal a inat ša n iḍ
nin
Ô ma bouche ! Change de paroles, entame un autre
sujet.
a imi nw ssinf ad neddu i lεilm
Ô ma bouche, change cela, j’aimerais parler du savoir.
ssinf aztta a imi amezwaru
Ô ma bouche, change ce premier tissage.
nšemmel wad neffeġd ur nsula
Achevons cela et passons à autre chose.
adž ad nesmuttey lleġa a imi rix ad d asyex way ḍ
nin
Change de paroles, ô ma bouche, prends une deuxième.
adž ad smuttix wad ad d nεawed wis-sin
Changeons celle-ci, prenons une deuxième.
Ô poète, accorde-moi l’occasion de répondre et
d’échanger des idées.
anna iẓiln
Laisse-moi changer celle-ci, l’auditoire demande le plus
beau.
sires wad iqnax nn ad nasey wis-sin
Laissons celle-ci, une autre nous attend.
[230]
a imaziġen d ad awen inix
Ô les Amazighes, je vous dirai
xellef a aqmu wad illa ubrid iqn iyi nn
Change, ô bouche, celle-ci. Le chemin est encore long.
25
C
A
26
B
A
27
B
A
28
B
A
29
B
A
adž ad smuttix wad a imi εedl as i lleġa nna iḍeffur lġaši
Que ma bouche change de parole. L’auditoire demande
une poésie.
30
B
A
a imi nw ad smuttix is illa lleġa yaḍ n
Ô ma bouche, change celle-ci et entame une autre.
ad aš xellefx awal idd is da itsula lewḥid imez ufus
Changeons de parole, celui qui n’a pas d’associé pourrat-il croiser les bras ?
31
C
A
32
C
A
adž ad smuttix wad a imi hezza d altu wis-sin ad t blasax
Ô ma bouche, change cette parole, j’ai de quoi parler.
adž ad nsemuttey lleġa a imi ur sulax
Je suis occupé, alors change la parole, ô ma bouche.
adž ad smuttex zey wa illa yun iya ax iġ n ša gg ul
Change cette parole, j’en ai plusieurs qui affligent le
cœur.
ssinf a imi awal a ggafyat i wis-sin
Change, ô ma bouche, cette parole,il existera une
deuxième.
a wa sires a aqmu nw wad hezza d ša iḍnin
Ô ma bouche, dépose celle-ci et entame une deuxième.
33
D
A
34
C
A
35
C
A
36
B
A
37
B
A
adž ad smuttex zey wa rix ad nebdu wi n lmalik ami
nḥtal
Changeons cette parole pour prendre celle du roi qui
nous intéresse.
38
B
A
adž ad smuttix wad a imi hezza d dix wenna iḍnin ggudin
Changeons de parole, ô ma bouche, les informations
sont abondantes.
adž ad xellefx awal ur idd amm wa aš ttinix
Change de parole, je prendrai une, autre que celle-là.
rix ad smuttix wad a imi tebdud i lleġa
Ô ma bouche, change cette parole. Je veux entamer un
autre discours.
ad nessinf azṭṭa a ad d nasey wis-sin iya ax tiqett gg ul
39
D
A
40
B
A
41
D
A
42
B
A
a imi nw ssinef wad ad nasey wenna iḍn lla ax ityanay
Ô ma bouche, change celle-ci et prends une deuxième
qui nous attend.
adž ad nesmuttey awal arra šfat d wis-sin
Changeons cette parole. Prenons une deuxième.
adž ad smuttix wad a imi nw rix
Ô ma bouche, laissons cette parole, je désire
[231]
Changeons ce tissage, entamons une deuxième parole
qui nous afflige le cœur.
adž ad smuttix zey wad ad nasey wa ax ibrin
Changeons cette parole et prenons celle qui nous
chagrine.
43
B
A
adž ad smuttix ad nawweḍ ġer ayenna ax ibrin ul
Chagerons de paroles pour dire ce qui nous afflige le
cœur.
ssinfat ax wa hezzat ax wis-sin
Change cette parole et prends une deuxième.
44
C
A
45
E
A
ad aš xellefx awal ḍfarex ayenna itežrun a xef aš nsawal
Je changerai de parole pour te dire de nouvelles
informations.
a imi nw smuttey aneġmis illa maġra qqisx iεedda
Ô ma bouche, change cette information, il y en a
plusieurs qui nous affligent.
adž ad nberrem wa yan iwaliwn i idmarr inw rray n
umettar
Changeons de paroles. Sont semblables dans ma
poitrine au tas sur l’aire.
da nsers wad isul wa i ̣nin
Posons celui-ci, il y a d’autres choses à dire.
ssinef a imi nw lleġa a
Ô ma bouche, change ce rythme.
46
C
A
47
B
A
48
B
A
49
B
A
50
B
A
51
B
A
52
C
A
53
B
A
54
B
A
55
C
A
adž ad smuttix lleġa nusey wis-sin ad t id bdux
Changeons ce refrain, commençons un deuxième.
ad smuttix awal a imi nw wenna mi illa wul ad itru imeṭṭi
Ô ma bouche, je changerai la parole. Ce qui se passe
afflige le cœur.
a imi ssinef wad ur sulax ad naweḍ wis-sin
Ô ma bouche, change de parole pour passer à une
deuxième.
adž ad nsmutty wa ddex adž ad bdux i wis-sin
Change cette parole, commence une deuxième.
sires wad asyat ax wenna yaḍ n adž ad ten smuttix is
gudin
Change cette parole, prends une deuxième.
Il nous est loisible de dire que ce changement, permettant de
passer de l’invocation de Dieu à la matière du texte, se fait dans le
premier vers de la 2 ème, de la 3ème, de la 4ème, de la 5ème ou de la 6ème
strophe. Maintenant, nous montrerons la strophe ou les strophes
considérées comme les plus propices pour marquer un tel passage.
[232]
La strophe
Le nombre
Pourcentage
2ème = B
22
48,89 %
3ème = C
15
33,33 %
4ème = D
5
11,12 %
5ème = E
2
4,45 %
6ème = F
1
2,23 %
Dans les poèmes 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 24, le poète passe, à
partir de la deuxième strophe à la matière du texte. Cela permet au
poète de ne pas ennuyer son auditoire. Sinon, ce passage peut
s’effectuer à partir de la 3ème strophe. Il est rare que la matière du texte
commence à partir des strophes 4 ou 5. Cela représente un
pourcentage de 18%.
Après avoir mobilisé diverses formules linguistiques pour réussir
un tel passage, le poète entame la thématique du texte qui développe
des questions récurrentes ou contingentes : la mort, l’amour, la fierté,
le social, le politique, le menu événement, etc. En effet, cette poésie
prend en charge toutes les valeurs humaines qu’elle reprend
constamment pour les faire revenir comme un leitmotiv dans une
dimension spatio-temporelle sans limite. Le tableau suivant peut
éclaircir nos propos :
[233]
Thème
religieux
Nbre
8
social
13
poésie
13
politique
21
%
14,55
%
23,64
%
23,64
%
38,18
%
Les points discutés
Nbre
La puissance divine.
La clémence paternelle.
La mort.
La mauvaise foi.
Les prophètes.
Les vices sociaux : la corruption.
Les vices sociaux : la jalousie.
Les vices sociaux : perte de
valeurs.
Tremblement d’Al Hocima.
Les droits de la femme.
Les immigrés.
L’analphabétisme.
Les Amazighes.
Le mariage.
La vieillesse des poètes.
La concurrence entre les poètes.
La description de la vie du poète.
L’immigration des poètes.
2
1
3
1
1
2
2
1
La dynastie alaouite. La mort
d’Hassan II.
La dynastie alaouite : le roi
Mohamed VI.
La dynastie alaouite : le discours
royal.
Le Sahara marocain.
Le terrorisme.
La guerre contre l’islam.
Palestine.
L’Irak.
1
3
1
1
1
1
2
2
3
2
2
2
4
2
2
1
2
6
D’après le tableau ci-dessus, nous constatons que la thématique
traditionnelle de l’amazighe s’enrichit par d’autres thèmes face aux
bouleversements que subit la société par son ouverture au monde et
les exigences des temps modernes. Dans sa modernité, cette
thématique ne se limite plus à l’homme amazighe, ni au Marocain en
[234]
général, elle se veut universelle et universaliste via le traitement de
sujets internationaux tels que le terrorisme, l’occupation de l’Irak, etc.
1-4
L’épilogue
Généralement, l’épilogue prend la forme d’une morale qui résume le
sujet qu’on a cerné dans le développement. Il s’agit de présenter un certain
nombre de règles, d’actions et de valeurs qui fonctionnent comme normes
dans la société. La morale est véhiculée sous forme de rappels aux
instructions divines, au droit, à l’éthique, aux bouleversements des valeurs et
des habitudes, etc. La morale peut aussi épouser les allures d’une critique.
L’épilogue constitue donc la charpente de chaque poème. Assurément,
la morale peut être véhiculée tout au long du texte poétique ; cependant,
force est de constater que le poète utilise des vers spécifiques assurant le
passage de la matière du texte à l’épilogue. Il serait donc opportun de
présenter quelques vers annonçant l’introduction de la morale avant de
discuter les formes que peut prendre cette morale.
1-4-1 Les vers annonçant l’introduction de la morale
a wi lḥasul niwweḍ s iġil n wubuy šemmell ifilan
Arrivé à la fin, on n’a plus quoi tisser.
neεlat iblis ad temsasam i rray nna da tḥerrim
Chassons le diable, arrangez-vous pour être unis.
ad i tsameḥm a mag durn imun mnid ax
Ô vous qui m’entourez, je vous demande pardon.
adž ad nesyir i užemmuε awal izill ad ur d nadž aḥraq
Que la fin soit embellie par de belles paroles. Que personne ne se
fâche de ce discours.
a ayt wammas wenna d imunn mnid anx s iširran a ixatarr
Ô auditoire qui nous entoure. Vous, jeunes et vieux.
a ayt awal rix ad qqisx diy un ša
Ô hommes de parole, je voudrais vous dire une telle chose.
naḍr a ažemmuε na itsemaεen ġur i ma xef d iwix
Ô auditoire, as-tu compris ce que je vise par mon discours ?
a ažemmuε a ġrat ad neġer i wenna da ibṭṭun ussan d yiḍan
Ô auditoire ! Invoquons celui qui a séparé le jour et la nuit.
[235]
ad tεalmem a midden nna iqqimen ġur i
Soyez sûrs, ô mes chers amateurs, que j’ai improvisé
a wenna žmeεnin han ddunit ur diy s may tsaεafem
Ô attentifs, de nos jours, la vie ne vaut rien.
1-4-2 Les formes que peut prendre la morale
Les poètes affirment que la morale doit être ciblée. Elle doit avoir
un objectif très précis qui peut résumer tout un ensemble de doctrines et
d’expériences. Elle peut se décliner à travers des conseils ou de critiques.
Prenons chacune de ces formes et essayons de les illustrer par des exemples.
1-4-2-1-
L’éthique
L’éthique établit les critères pour agir librement dans une situation
pratique et faire le choix d’un comportement dans le respect de soi-même et
d’autrui. Il ne faut pas comprendre par l’éthique un ensemble de règles qu’on
laisse sans exécution, mais la nécessité d’agir d’une certaine manière pour
assumer la responsabilité vis-à-vis des actes vécus. La strophe suivante parle
de la corruption qui reflète la violation outrageante de l’éthique.
a) a ay d izzenzan ṣṣut ay d ur neḥmil
b) wenna ur iṣṣerġan aswen ay d ifeḍḍan
c) wenna ġur izdeġ ad irḥel iddeġ ur ḥlin
d) a bu šrad imizar aš ixzu rebbi
a) Je déteste ceux qui vendent leurs votes.
b) Ils ne suivent que des lâches et des vilains.
c) Ils doivent décamper parce qu’il est sujet de moquerie.
d) Dieu t’a châtié et tu n’as plus d’asile.
Un deuxième exemple ne peut qu’éclaircir nos propos :
leḥlib n tassaεta d ad ixser ur iġudi ur ax ittenfaε
a) teššard t a amsaġ ikžem asaray isswa t i leġšim
b) uma šeg a bu tfunast tiwi t id ur aš ittusum
c) iya leḥlal aġrib iεeffa t wenna ur yufi liman
d) idda leḥram ikker as ušenεi illa gg wansa axatar
[236]
a) Le lait de nos jours ne tiendra pas pour longtemps.
b) Dommage pour toi, ô acheteur, tu n’es qu’un débutant.
c) Ô vendeur de vaches ! Personne ne négocie avec toi le prix.
d) Ce qui est légitime n’est jamais cherché par les incroyants.
e) Tandis que l’illicite est bien placé dans un endroit privilégié.
L’éthique nous oblige aussi à respecter les autres, à protéger les
proches et à leur rendre visite. Dans la strophe suivante, le poète essaie de
nous rappeler ce que représente la fraternité pour l’individu :
a) taymat nš ad iwfu lqul inyer aš is-s
b) ammi tyid lḥiḍ s llesas tyim as lbuṭun
c) ṣṣeḥuyat ddala ns ad teqqimim ddaw as
d) mġar da ikkat unzar ula ma zey d ikka
a) Que tes paroles soient bonnes envers ta grande famille.
b) C’est comme si tu fondais la base d’un mur en béton armé.
c) Fortifie le toit pour que vous conserviez tous.
d) Même si la pluie tombe, vous ne serez plus dans l‘embarras.
1-4-2-2-
Les conseils
Dans son épilogue, le poète peut donner un certain nombre de
conseils indispensables pour la vie tout entière. L’exemple suivant nous
incite à surmonter tous les obstacles et à être solidaires et unis :
a) neεlat iblis ad temsasam i rray nna da tḥerrim
b) beṭṭu n taymatt ur izill agwed agwa iḥdadža imεiwann
c) kku ad šfen tiġerḍin i yma as mḥadžan izill
d) usar itġara uġbalu nx ad as gwdin waman
a) Chassons le diable, arrangez-vous pour être unis.
b) Tout projet nécessite une entraide sublime.
c) Qu’on se donne la main pour franchir les obstacles.
[237]
d) Que notre source soit pleine d’eau. Jamais elle ne se tarira.
Nous voyons clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’un homme qui
casse la parole, il s’agit aussi d’un homme plein de sagesse qui veut
endiguer les conflits entre les gens :
a) a ayt awal rix ad qqisx diy un ša
b) rix ad ynux s umlil ax iya rebbi i uqmu
c) neεlat ššitan ḥidat ax i ubrid n šwaš
d) wenna ixdan inhert uneššad nna d itmun
a) Ô hommes de parole, je voudrais vous dire une chose.
b) Dans ma bouche, Dieu n’a soufflé que de bonnes paroles.
c) Chassez Satan, laissez de côté vos conflits.
d) Que le poète freine son accompagnant s’il a tort.
1-4-2-3-
Les critiques
Il s’agit d’attaquer l’ensemble des gens à cause des comportements et
des vices que le poète voit se propager dans la société. La poésie produite
par nos aèdes vit dans une certaine ébullition, elle est très émotive et
attentive à tout ce qui se passe autour d’elle. Elle est le reflet d’une
sensibilité, elle ne laisse passer inaperçu nul événement, nul fait si futile
soit-il.
Dans la strophe suivante, le poète parle de la convoitise de gens peu
scrupuleux qui ne cessent de perturber la quiétude de cette vie :
a)
a wa aš tt iqqisn a muḥand is nn ufix εeqqa tama n lbaṭu
b)
idr afus i išeffarr ar as ttinin bariz ay netemlaqa
c)
sikkent id i lḥusima rarent i tanža lla ttiġall iyya aṣaḍ
d)
alliy nn yufa ġas lluġa nna as isawal εad agg inna težra as
e)
lla ḍemεen ad izzeε tamara tenna yeḍr tuyer tamezwarut.
a) Ô Mohammed ! Tu as assisté à Akka à côté du bateau.
b) Se donnant aux voleurs, lui disant qu’on se verra à Paris.
c) Se croyant brave, le pauvre est passé par El Hoceima puis par
Tanger.
[238]
d) Ecoutant l’Arabe, il est conscient d’une telle trahison.
e) Tu as ajouté une deuxième misère en voulant échapper à la
première.
Nous avons déjà signalé supra que toute entreprise poétique
commence par un couplet ou même par un ensemble de vers où est évoqué
Dieu auquel on demande la bénédiction et l’aide pour que la soirée démarre
bien. Dans un épilogue, nous pouvons parler du respect du Coran, d’une
conduite fidèle aux recommandations de Dieu et de son prophète, comme
nous allons le constater ci-desous :
a) neεla mur neḍfar ġas ddin ad ten neḥḍu
b) ad niẓil kku ad ney afus s afus
c) tili taḍfi awd lšerh ur itġima
d) kku lžil hat inn yurew yits ax yurun
e) kku rruḥ n bnadem iqedda is-s rebbi
a) Dommage qu’on n’ait pas bien suivi cette religion.
b) Dommage qu’on n’ait pas mis la main dans la main.
c) Dommage que la haine ait vaincu l’amour.
d) Chaque génération donnera naissance à une autre.
e) Chaque âme, de la part de Dieu, est contrôlée.
[239]
Conclusion
Il faut signaler que les travaux inhérents au sujet des genres poétiques
ne cessent de connaître un nouvel essor ces dernières années. Cela est dû
tout d’abord à une nécessité extrême, imposée par un besoin urgent, de
pouvoir mener des études exhaustives dans ce domaine. Par ailleurs, les
productions littéraires sont abondantes et, du coup, des classifications et des
regroupements sont indispensables, ce qui va donner naissance à des
recherches plus avancées. Enfin, nous constatons qu’il y a une
dégénérescence importante d’un patrimoine qui reflète la civilisation des
amazighes. De tels travaux peuvent mettre en exergue la richesse et la
diversité de la culture amazighe.
Disons enfin que les études qui se sont penchées sur les genres
poétiques sont rares. Elles ne couvrent pas tous les genres. Plusieurs
paramètres peuvent être pris en considération, mais le parent le plus pauvre,
c’est le niveau prosodique qui reste déterminatif dans la distinction des
genres, sans oublier la multitude des nomenclatures adaptées à chacun
d’entre eux.
Reste à dire que la structure canonique du genre poétique ahellel est
respectée par les poètes. Cette observance stricte des normes donne une
netteté à l’identité de ce genre et, partant, le met à l’abri de toute confusion
avec les autres genres. Cette conformité structurelle ou formelle est illustrée,
entre autres, par la définition précise des vers de transition assurant le
passage du sacré au profane.
[240]
Bibiographie
•
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Bounfour, A., 1999 : Introduction à la littérature berbère.1 La poésie,
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2004 : « Langue poétique littéraire : Enjeux et
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transcription orale A l’opacité scripturale ». Etudes et documents
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Taifi, M.,
2004 : « Poésie, don de Dieu, consigné dans de la
ferraille », Actes du colloque international sur la littérature
amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives, IRCAM,
Rabat.
[241]
Redéfinition et caractérisation d’Ahellel, à travers une
lecture de Poésie, don de Dieu, consignée dans de la
ferraille, de Miloud Taifi
---------------------Imane LAHMIL
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Saïs-Fès – Maroc
L’expression littéraire amazighe, ou les expressions littéraires
amazighes, sont d’une grande diversité. Essentiellement orales, elles
comprennent une panoplie de genres autonomes, dont la prose et la
poésie. D’autres genres appartiennent à des expressions artistiques
diverses comme les danses chorégraphiques traditionnelles, ou des
rites, traditions ou habitudes parrallèles au mode de vie de telle ou
telle région.
La littérature amazighe, d’une beauté et d’une richesse
extraordinaires, est toujours un terrain fertile, n’ayant pas encore été
exploré à fond et qui suscite encore aujourd’hui plein d’interrogations
et de défis à relever. C’est, en effet, un domaine passionnant, où plus
on trouve de réponses à nos questions, plus on avance dans la
désambiguisation et la compréhension d’un grand volet de notre
histoire.
Ce sur quoi va porter ma contribution c’est la poésie
traditionnelle orale dite ahellel dont j’essaierai de revoir les grandes
lignes en faisant la lecture d’un article m’ayant interpellée à plus d’un
titre. Cette poésie traite de thèmes universels et philosophiques, de
questions existentielles et humaines, dont la nostalgie, la paix,
l’amour, la prise de conscience de l’identité amazighe, etc. A travers
l’article de Miloud Taifi Poésie, don de Dieu, consignée dans de la
ferraille1, je tenterai de revisiter le genre littéraire dit ahellel, voir ce
qui le caractérise et tenter de le redéfinir bien que plusieurs l’ont fait
avant, soit en dressant des définitions classiques du genre, ou bien en
en caractérisant le fonctionnement et les mécanismes, ce qui nous
permet (à nous, personnes intéressées par le domaine mais qui
1
Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in La
littérature amazighe, oralité et écriture, spécificités et perspectives, Rabat 2004
[242]
sommes loin d’en être spécialites) de rassembler les pièces du puzzle
pour aboutir à des résultats concrets.
Un intellectuel comme Brahim Baouch dira en parlant du
groupe Ihinajen « Tayffart ou ahellel d’Ihinajen se base sur un
ensemble de tiwan (au singulier tiwent) (des refains). Le fait marquant
dans la poésie d’Ihinajen, c’est qu’elle est basée sur le style du récit et
du dialogue, elle traite un thème sous forme d’une histoire ou d’un
dialogue » 1 . Brahim Baouch a évoqué le cas d’Ihinajen, mais le
fonctionnement de l’ahellel, tel qu’il en parle, est propre à plusieurs
auteurs imhelleln.
Le deuxième point sur lequel Brahim Baouch rejoint Taifi est
la perte de cette production ahellel « Les poètes amazighs ne se
fatiguent pas de satisfaire le public sans penser au sort de leurs
poèmes qui se perdent dans les méandres de la langue »2.
Tel que présenté par Taifi, le prologue d’ahellel est la partie (début du
poème) où Dieu et le prophète sont invoqués. Ces derniers sont les
« facilitateurs » de la parole, ceux qui lui ordonnent de s’élancer, ceux
qui la fluidifient et en permettent l’abondance, la qualité et la
régularité. Voilà, nous avons là une définition du prologue de
l’ahellel, sans avoir de définition du genre littéraire en soi puisque
l’auteur ne souhaite, en aucun cas, redire ce que d’autres ont déjà dit
auparavant.
« Inutile de présenter ici une définition du genre littéraire dit
« ahellel», plusieurs travaux en ont déjà proposé des contours
définitionnels, quoi que grossiers, qui permettent de le distinguer,
relativement, à la typologie locale des genre littéraires »3.
En revanche, la définition du prologue de l’ahellel, celle qui
figure dans l’article, s’applique à tous les poèmes que nous
connaissons. Voici quelques prologues d’ahellel que le lecteur
reconnaîtra peut-être, et qui remplissent tout à fait leur fonction.
1
Baouch, Brahim « La poésie comme élément de promotion des valeurs
authentiques »
2
Ibid
3
Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », article publié
dans Littérature amazighe, Oralité et perspectives, Spécificités et écriture, Rabat
2004, p. 202
[243]
Prologue 1
Slla Ɛla mulay mohmmad alƐers axatar
n-lislam smalun xes udayn urttamun
Traduction française (approximative)
Louanges au prophète Mohamed, trône suprême de l’islam
Seuls les mécréants ne seront pas couverts de son ombre
Prologue 2
Zzurexs a-unna dayssakkan isa ksen isa
Adi-y tyidh a-rbi gganssa-nna ghur ayth liqin
Traduction française (approximative)
Je m’adresse à vous, vous qui donnez aux uns et enlevez aux autres
(vous qui privilégiez les uns ou bien les autres).
Prologue 3
Slla Ɛla mulay Mohmmad aƐrinnun ay-ayth tallwahine ayin-Ɛbadine
lqoran.
Louanges au prophète Mohamed, vous êtes enviés, porteurs d’ardoises
qui apprenez le coran.
Adis-kh rzmegh imi agzzuregh amulana
AyachfiƐ arasul allah ahduth ayimi
Slla Ɛla mulay mohmmad as t-kregh al-is-gganegh
mes digh g-brid altnttini
Traduction française (approximative)
Dieu, c’est en vous invoquant que je commence mon discours. Les
prières sur Mohamed ne me quittent ni dans mon réveil ni dans mon
sommeil, et quand je marche dans la rue je les répète.
[244]
Ce qui dérange les imhelleln, c’est le fait d’assister à la
consignation de leurs voix et de leurs textes dans de la ferraille. Si cela
peut contribuer à la définition d’ahellel, nous dirons d’abord que
celui-ci est un genre littéraire amazigh qui a en horreur la consignation
et qui se veut d’être pratiqué en pleine nature. Voilà le premier
constat, tout simple, que nous livre l’article. Quant à la contradiction
qui y apparaît, et qui a été soulevée par Taifi, c’est que cette ferraille
meprisée est le seul gage ou la seule garantie de perennité des poèmes
chantés par imhelleln. La production ahellel ne risque-t-elle pas de se
perdre si elle reste livrée à elle-même ?
Le prologue du poème choisi par Taifi s’étend sur 5 strophes.
Comme la première strophe, la cinquième n’en est pas moins
invocatrice du prophète dans son rôle primordial d’intercesseur. Le
prophète de l’islam est tantôt intercesseur pour fluidifier la parole,
tantôt intermédiaire auprès de Dieu pour faire accéder au paradis.
« le poète confirme tout d’abord sa foi en le messager de Dieu,
bien qu’il ne soit jamais allé en pèlerinage en lieux saints ; il sollicite
ensuite l’intercession et l’assistance du prophète pour faciliter son
ultime transhumance vers l’au-delà »1
Comme nous pouvons le constater, à travers le texte choisi par
Taifi et ceux qu’on a eu la générosité de me faire découvrir, le
prologue de l’ahellel est une sorte de préparation ou de demande
d’assistance à un pouvoir suprême, assistance sans laquelle le poète ne
saurait accéder aux sens et à l’esthétique recherchés. Dans ce sens, la
définition de Taifi est complète et s’applique à l’ensemble des
prologues ahellel consultés sur internet ou entendus en direct lors de
quelques évènements « le prologue est un prélude incantatoire à la
prise de parole, car, pour les poètes, le fait de casser (rez) la langue
pour en extraire la quintessence poétique dans ce qu’elle a de lyrique,
de sensible, d’imagé et de beau, ne relève pas seulement du pouvoir
des hommes »2
Ce qui est extraordinaire dans l’explication de Taifi, c’est
qu’elle met en avant la beauté esthétique des ihellilen, en rappelant
qu’elle est conditionnée par la volonté divine. Il est donc une
1
Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in Littérature
amazighe Oralité et perspectives, Spécificités et écriture, Rabat 2004, p. 208
2
Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in Littérature
amazighe, Oralité et perspectives, spécificités et écriture, Rabat 2004, p.209
[245]
conscience voire une conviction de la part des imhelleln qu’il ne peut
y avoir de beauté, ni de création, ni de plaisir donné par l’art, sans que
la divinité n’en autorise l’élan. Ainsi, amhellel demande à cette
autorité suprême son accompagnement dans tout ce qu’il entretient, et
parmi ses entreprises bien évidemment figure la parole. Donc, si l’on
reprend les 5 étapes du prologue étudié dans Poésie, don de Dieu,
consignée dans de la ferraille, ça va correspondre à ce qui suit :
Première strophe: invocation du créateur, pourvoyeur de la
subsistance.
Deuxième strophe: la prépondérance divine est sollicitée face au
pouvoir précaire et aléatoire des hommes.
Troisième strophe : necessité de la soumission à Dieu
dernière strophe : invocation du prophète dans son rôle primordial
d’intercesseur. Et c’est dans cette strophe que la foi prend tout son
sens.
Acmé du prologue, la dernière strophe de celui-ci marque une
confirmation de la cassure de la parole en vue de l’entrée en matière.
Donc, effectivement, la matière du texte où se fait la recherche de
l’essence poétique voit apparaître ses prémisses dans la cinquième
strophe. C’est une transition énonciatrice du corps de l’ahellel. Taifi
explique que le passage du prologue à la matière du texte se fait, dans
le genre ahellel, par le biais de moyens linguistiques divers.
« dans le texte qui nous intéresse ici, le premier jouteur annonce ce
passage par :
a imi-nw ssurf tiwan-a ( littéralement ô ma bouche, enjambe ces
noeufs) »1
Juste après, le poète fait son entrée en matière en annonçant sa
tristesse à l’auditoire. Son inspiration a tari, il pense n’avoir plus rien
d’intéressant à dire, il manque d’assurance en lui dans le cercle des
poètes et fait montre de son angoisse, de son inquiétude d’être voué à
la marge en étant mis à l’écart, banni de la communauté des poètes à
1
Ibid
[246]
laquelle il s’adresse en lui rappellant qu’il est impératif que la
situation change sinon cela entraînera la décadence des imhelleln que
l’auditoire réclame.
« A imi-nw ssurf tiwan (a)
Ur nannay a n lexbar ad t nteqqis (a)
Teḥfa-i ula ma ttinix (a)
ddan imferzen all ax Ɛeffan (a)
awal uzdid ur ten ufix (a)
unna nrza ibda la tyacharn (a)
(…)
zem3at ixf-nes urtsulad (a)
a llan imferzen la tsaln gif-un (a) »1
Traduction française (approximative)
O ma bouche, enjambe ces nœuds
Il n’y a pas de nouvelles choses à dire
j’ai beau chercher quelque chose à dire, en vain
Nos auditeurs seront bientôt dégoûtés de nous, ils partiront
Je ne trouve plus de parole sage, qui vaille la peine
La parole que nous cherchons se fait voler (par autrui)
Si tu vois que mon répertoire (répertoire de poèmes) a été vidé, c’est
que l’ennemi est parmi nous
O ma bouche, ressaisis-toi, apprête-toi à la reprise ! Les spectateurs te
réclament.
Juste après le prologue, l’entrée en matière est une annonce de
détresse où l’amhellel se parle à lui-même en essayant de se redonner
une énergie, de s’encourager et de s’inciter à perseverer pour
renouveller le répertoire artistique et le sauver des redites. Le corps de
la production ahellel, qui peut être un chant de la patrie, des paysages,
de l’amour, de divers sujets sociaux, est ici, nous l’avons vu, un chant
1
Partie du poème analysé par Taifi dans son article « Poésie, don de Dieu, consignée
dans de la ferraille »
[247]
du spleen du poète et de sa réduction au silence, lui que la providence
n’a pas encore doté d’une inspiration nouvelle, et dont les vieilles
productions ont été volées.
Dans l’ahellel choisi par Taifi, deux éléments sont à la base de
l’inquiétude du poète.
1- Il n’a plus de poèmes à déclamer.
2- Son œuvre, qu’il a consenti à soumettre à l’appréciation
générale des auditeurs, a été l’objet d’un vol, d’un
détournement, d’un pillage, et par conséquent, le répertoire
poétique du poète s’en retrouve dépourvu.
Ainsi, la problématique générale de l’ahellel soumis à
l’analyse par Taifi fait-elle se confronter des faits culturels et
artistiques complexes et étroitement liés à la dichotomie
orature/écriture puisque les ihellilen, dans la civilisation de l’orature à
laquelle ils appartiennent, se fait un plaisir de briser la parole ordinaire
et de la remplacer par des vers sages et rimés, déclamés en plein air,
mais que l’esprit de la consignation dans de la ferraille change
complètement.
L’un des points importants soulevés dans l’article, est que la
consignation première des poèmes, celle faite par les poètes euxmêmes par le seul biais de la mémoire, est la seule consignation
acceptable par les imhelleln, autrement dit l’apprentissage des textes
en vue de les sauvegarder pour des déclamations ultérieures a toujours
été la seule consignation envisagée… Un chant n’est donc unique et
éphémère (à un seul usage) que quand c’est voulu par les poètes.
Si l’on essaie de redéfinir ce genre littéraire amazigh à travers
les données de l’article, nous dirons que d’abord , 1-Ahellel est fondé
sur le paramètre de la voix, puisque faisant partie de l’orature. 2-Il a,
grâce à sa transmission de génération en génération, pu se maintenir,
survivre, assurer sa perennité par les seules « mémorisation » et
« transmission ».
[248]
Pour en venir au mot « ferraille », présent dans l’intitulé de
l’article et expliqué comme suit « La nomenclature lexicale employée
par les poètes pour désigner les moyens d’enregistrement est diverse
et est généralement investie d’une nuance péjorative. On relève ainsi,
à titre d’exemple, izaluqn (ustensiles), attasn (seaux), attawatn
(chaudrons), igherrafn (gobelets) »1, cette ferraille que dédaignent les
imhelleln, paradoxalement, fait partie de la biographie de l’ahellel et
l’on pourrait l’intégrer à la caractérisation de celui-ci, car malgré la
volonté des imhelleln de preserver l’authenticité de leur production,
leurs chants n’ont pu échapper à la « ferraille », l’acte de piraterie
croise le chemin des imhelleln et la configuration de leur voix dans la
cassette la dénature et ôte à la production ahellel ce qu’elle a de plus
précieux, son identité et sa liberté.
Parmi les caractéristiques du genre ahellel, figure cette nature
du genre fondé sur la tradition orale et la communication réelle,
directe et immédiate, non altérée par une quelconque machine
d’enregistrement ou de transmission. Cette communication a lieu entre
les chanteurs-compositeurs et les auditeurs-spectateurs à l’instant
même où les poèmes sont déclamés. L’instantaneité est donc l’une des
caractéristiques premières du genre ahellel. La deuxième
caractéristique est la représentation théâtrale qui expose, à travers des
gestes et des mouvements, des manières particulières de se tenir, un
fragment d’histoire ou une histoire complète, tout en mettant en avant
la qualité de la voix.
Donc, une fois la cassette introduite en tant que moyen de
consignation et de transmission des textes appris et déclamés, c’est
tout l’aspect naturel spontané de l’ahellel qui se retrouve altéré. Une
fois altéré, c’est tout un processus de travail forcé qui commence chez
les imhelleln. Taifi explique comment, après parution d’un premier
album, les poètes se doivent de produire pour ne pas sombrer dans la
marge et l’oubli et assurer leur survie en tant qu’artistes. La
1
Taifi, Miloud « Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille », in La
littérature amazighe Oralité et écriture, spécificités et perspectives, Rabat 2004,
p.201
[249]
déclamation des ahellel prend alors une autre forme. Elle passe d’un
plaisir ressenti, recherché au fin fond de soi et puisé dans sa propre
inspiration, à un travail qu’on doit préparer pour assurer sa perennité
sur le marché de l’art.
Les imhelleln sont dépouvrus d’une législation pour les
protéger. Les droits d’auteur sont donc inexistants et les ahellel
deviennent l’objet d’un commerce florissant dont les créateurs ne
profitent guere. Ce sont ceux qui procèdent aux enregistrements de la
production poétique qui en empochent les gains.
La continuité et la survie de la poésie des imhelleln a toujours
reposé sur le paramètre de la voix. C’est de cette manière que la
production poétique fut transmise à la postérité et cela continue de nos
jours. Cela n’est certes pas la technique la plus efficace pour la
perennisation de ce legs poétique voué, un jour ou l’autre, à la
disparition. Si les poètes et auditeurs ne souhaitent pas se voir voler
leur production, ils ne souhaitent pas non plus qu’on la consigne par
un quelconque moyen d’enregistrement qui enfermerait leur voix
ayant toujours résonné en plein air.
L’accent est mis, dans l’article, sur le fait que l’authenticité et
la liberté des ahellel réside dans la non consignation de ces derniers
dans des appareils d’enregistrement. Cette opération est désignée par
le mot « écriture » car elle repose sur la captation de la voix et la
dissimulation de la scène, du mouvement et de la théâtralisation. Elle
étouffe ou tait carrément la « liberté énonciative initiale » qui en fait
l’originalité et dont Taifi rappelle l’importance pour la simple raison
qu’elle permet aux poètes de disposer de leurs productions comme
bon leur semble. Le mot « écriture » utilisé par Taifi renvoyant à
l’enregistrement, à la transcription et à la production orale dans des
supports pour l’immortaliser, est expliqué par une inscription sur des
supports matériels de la production phonatoire.
Avant l’avènement du CD, c’était « lmuszzala », là où on
mettait la cassette pour écouter de la musique, qui régnait. Et si la
[250]
cassette, elle, a dû avoir plus de mal à conquérir les artistes par rapport
à un CD qui s’est imposé par une rapidité extraordinaire et que l’on
retrouve partout dans les marchés, souks etc, alors que les premières
consignations se faisaient dans des cassettes ! Quelle découverte pour
ces imhelleln habitués à s’entendre instantanément en pleine nature ou
dans une surface assez vaste ! Cassette, enregistreuse, CD à
enregistrer le son ou l’entièreté de la prestation (son et image), ce sont
là des ennemis des imhelleln mais qui se sont imposés par la force des
choses. S’ils altèrent l’originalité et le charme des productions
poétiques, ils permettent à d’autres d’en tirer profit.
L’intrusion de la cassette est évoquée dans l’article comme un
premier effet néfaste de la praterie puisque la consignation via cassette
va à l’encontre de la nature des Ahellel et de la tradition orale
perpetuée jusque là de bouche à oreille. L’incapacité de capter la
performance théâtrale (aujourd’hui possible grâce au CD) tronque
jusqu’à la « situation » ou la sphère de ce dernier.
Le genre ahellel, dénaturalisé par les moyens d’enregistrement
à en perdre son charme et sa profondeur, l’a été paradoxalement pour
être maintenu, pour ne pas que s’en privent les générations futures.
Mais les responsables de cette conservation, étant tombés dans le
piège de l’excès à trop vouloir maintenir la tradition orale en vie, la
confinent dans une « ferraille » qui lui est étrangère.
Finalement, dans l’amas de définitions du genre ahellel,
définitions données par les intellectuels ou simplement par les
personnes intéressées par la langue et la littérature amazighes, le genre
ahellel a-t-il été totalement et entièrement défini ? Et les productions
ahellel que d’aucuns ont transposées sur le papier et dans de la
« ferraille », ne leur a-t-on pas imposé, par effraction, un mode
d’existence qui ne leur ressemble pas ? Il paraît que le genre ahellel,
comme la majorité des productions amazighes, comme l’esprit même
du poète sensible et tiraillé, est condamné à vivre avec ses propres
contradictions. Dans sa conclusion, Taifi évoque la conscience des
poètes-compositeurs de l’effet de l’écriture sur l’orature. L’état des
[251]
lieux de cette situation, comme l’explique le linguiste, est parfois
retrouvé dans la matière de la production ahellel.
Poésie, don de Dieu, consignée dans de la ferraille, explique
en profondeur la situation des Imhelleln, des sujets traités par les
ahellel, ainsi que les raisons et les conséquences du recours à des
techniques (en vue de la consignation) intruses à l’esprit des ihellilen,
ce qui affecte évidemment la liberté de la production ahellel faite pour
être déclamée loin des chaines et de toute sorte d’emprisonnement.
[252]
De la problématique générique dans l’œuvre
de Belaid At Ali
---------------------Hakima BELLAL
Université Mouloud Mammeri – Tizi Ouzou
L’histoire de la littérature kabyle témoigne d’une longue
tradition de collecte de textes oraux entamée depuis les débuts de la
conquête française de l’Algérie et menée quasi-exclusivement par des
chercheurs français. L’apport des kabyles à ce travail de sauvegarde et
de transcription du patrimoine littéraire intervient un peu plus tard,
notamment avec les travaux de Boulifa qui publie en 1904, son
« Recueil de poésies kabyles » composé essentiellement des textes du
poète Si Mohand Ou Mhend. « Dès le début du siècle, la volonté
d'opérer le passage à l'écrit se traduit par la publication d'importants
corpus littéraires ou de textes sur la vie quotidienne par les premiers
instituteurs et membres des élites formées par l'Ecole française.
Boulifa peut être considéré comme le premier prosateur kabyle : sa
Méthode de langue kabyle(1913) (cours de deuxième année) étude
linguistique et sociologique sur la Kabylie du Djurdjura comporte
plus de 350 pages imprimées de textes berbères non traduits,
composés directement à l'écrit par l'auteur ».1
D.Abrous, décrit ces textes et remet en cause leur littérarité.
Elle écrit à ce sujet : « ce sont, en effet, des textes à caractère
ethnographique qui s’inscrivent parfaitement dans la mouvance
intellectuelle de l’époque : Boulifa y décrit la vie quotidienne en
Kabylie avec ses différents temps, ses différents rites(…)»2, elles les
trouvent « (…) relativement courts et descriptifs et ne contiennent pas
d’intrigue ni processus de narration »3. Les textes de Boulifa servaient,
au même titre que les fables écrites par Ben Sedira, de supports
didactiques à leurs méthodes de langue kabyle.
1
Salem Chaker, « La naissance d’une littérature écrite. Le cas berbère (Kabylie) »,
in : Bulletin des Etudes Africaines (Inalco) : IX (17/18), 1992, p.2.
2
Dehbia Abrous, La production romanesque kabyle : une expérience de passage à
l’écrit, Mémoire de DEA, S.Chaker (dir.), Université de Provence, Novembre 1989,
p 28.
3
Ibid.
[253]
L’œuvre de Belaid At Ali (1909-1950) est produite à une
époque charnière du passage à l’écrit. Elle est caractérisée, entre
autres, par l’abondance et la diversification générique des textes qui
la composent. Ces écrits ont aussi la particularité de combiner dans
le fond et dans la forme, une conception poétique traditionnelle et une
aspiration moderne. Si certains récits de son corpus sont facilement
identifiables dans le système générique traditionnel, d’autres le sont
moins, soit parce qu’ils s’apparentent à des genres dits écrits (roman,
nouvelle), ou se présentent sous des formes « hybrides » qu’il faudrait
définir.
L’objet de cette étude est la problématique du genre dans
l’œuvre de Belaid At Ali. Il s’agit plus exactement de relever et de
confronter les écarts entre la classification générique des textes de
Belaid At Ali faite par leur auteur dans son manuscrit et celle que ses
éditeurs, les Pères Dallet et Degezelle, proposent dans la version
finale de cette œuvre publié par le FDB.
Rédigé entre 1945 et 1946 et publié en version intégrale en
19631, le manuscrit de Belaid At Ali se présente sous forme de neuf
(09) cahiers contenant un ou plusieurs textes. L’ensemble de ces
cahiers constitue l’œuvre complète de l’auteur.
Initialement inscrit dans un projet de collecte et de transcription
de textes oraux dirigé par les Pères Dallet et Degezelle, le travail de
Belaid At Ali donne naissance à une œuvre édifiante et personnelle.
Comparée à celle du manuscrit, l’organisation des textes dans la
version éditée a subit de multiples transformations, brouillant ainsi
l’identité générique initialement attribuée par Belaid At Ali à ses récits
à travers quelques marques. Nous tenterons dans ce qui suit de mettre
en exergue certains de ces écarts et d’en expliquer les raisons.
Organisation des textes dans la version éditée
Editée à titre posthume, l’œuvre de Belaid At Ali a été soumise
aux choix classificatoires de ses éditeurs. La catégorisation générique
qu’il est possible de retrouver dans la version originale (Kabyle)
publiée en 1963 est l’ouvrage exclusif des Pères J.M.Dallet et
J.L.Degezelle.
1
La première parution de l’œuvre de Belaid At Ali dans le Fichier de
Documentation Berbère remonte à 1946, la majeure partie de ses textes a été éditée
en parties ou en versions complètes dans plusieurs numéros de cette revue.
[254]
La table des matières dans la version éditée contient _ en plus
de la dernière partie consacrée exclusivement à l’œuvre poétique de
Belaid At Ali_ ses textes en prose, réparties en deux catégories
distinctes. La première porte le titre « Timucuha » traduit dans le
tome II des Cahiers par « Contes et nouvelles ». Composée de 11
titres1, les éditeurs semblent regrouper dans cette partie tous les textes
qui, de par leur contenu, reprennent des contes traditionnels
notoires, ou ceux que le paratexte identifie comme tel. Ce sont les
récits qui portent la mention architextuelle « Tamacahut ». Certains
récits sont alignés dans cette catégorie sur la base de quelques
marqueurs2 insérés dans le corps du texte.
Cependant, les études qui se sont penchées sur l’analyse de
l’appartenance générique de l’œuvre de Belaid At Ali ont conclut que
l’ensemble des récits regroupés dans cette catégorie est loin de
constituer une entité homogène. S’il est vrai que la majeure partie de
ces récits est en effet des reprises ou des versions plus ou moins
recomposées des contes oraux, il n’en demeure pas moins que les
modifications portées par l’auteur à ces textes ont affecté leur
appartenance générique.
Dans une intéressante étude consacrée à l’œuvre de Belaid At
Ali, Rachid Titouche3 décrit le comportement de l’auteur vis-à-vis de
la tradition littéraire orale. Il distingue trois attitudes : 1-fidélité à la
tradition, 2- raffinement et révision de la tradition, 3- création
individuelle.
Ainsi, certains textes de la première catégorie intitulée « Contes
et nouvelles » s’identifient facilement au genre dit conte. C’est le cas
selon lui, des récits « Aɛeqqa yessawalen » et « Tamacahut
1
Certains titres de la table des matières regroupent plusieurs textes, c’est le cas de
« At Zik », « Sut taddart » et «D ayen i d-hekkun ».
2
Il s’agit de tous les indices qui renvoient de manière directe ou indirecte au genre.
Les récits de Belaid At Ali sont parsemés d’expressions du genre : « win la dyettawin tamacahut-agi ur yessin ara ad tt-yedbeɛ am usaru » (Tafunast
igujilen),p.118, « yerna, mačči d nekk i ugin : d tamacahut »(Tamacahut
uwaγzeniw),p.15, « Teqqim teqcict… (di tmacahut ur d-qqaren ara isem-is, lameɛna
ad as-nsemmi…Fadma) »(Bu Yidmimen),p.78.
3
R. Titouche, Les cahiers de Belɛid At ɛli : Du conte à la nouvelle, Mémoire de
Magister, B.Riche (dir.), Université Tizi Ozou, 2001.
[255]
uwaγniw ». Belaid At Ali ayant reproduit fidèlement ou presque, les
versions orales.
La classification des autres récits de cette catégorie est plus
problématique. D.Abrous écrit à propos du texte « Bu Yidmimen » :
« ce conte, tel qu’il apparait dans le recueil de Belaid, perd la formule
d’ouverture, mais il garde la formule de fermeture. La structure du
conte avec tout son arrière-plan symbolique (…) est également
conservée ; mais le processus de narration, lui, change, il est plus
dépouillé, en disparaissent toutes les figures de style, images,
métaphores qui font la spécificité et le merveilleux du conte. Enfin, le
texte est parsemé de digressions dans lesquelles l’auteur insère des
commentaires qui lui sont personnels».1
Belaid va jusqu’à bouleverser la structure de quelques récits
comme « Tafunast igujilen », « Tamacahut uwaγniw » et « Aɛeqqa
yessawalen », en
introduisant de nouvelles séquences et en
supprimant quelques unes, ainsi qu’en modifiant l’ordre et le nombre
des épreuves. Certains récits se voient même attribués des prologues
à la place des formules d’ouverture. L’auteur donne des noms à tous
ses personnages même secondaires et introduit des références sociohistoriques et religieuses et de longs passages descriptifs.2
Sur le plan paratextuel, il est aisé de constater que sur les 11
textes figurant dans la première catégorie de la table des matières,
seuls les quatre (4) premiers textes portent clairement la mention
générique « Tamacahut » , ce qui justifie à notre sens leur
classification par les éditeurs dans cette catégorie. Mais qu’en est-il
des autres textes qui ne portent pas cette mention ? En effet, deux
textes seulement s’ouvrent avec une formule traditionnelle et trois
seulement se terminent par une formule de clôture, dont deux avec la
phrase « mon conte (histoire) et finie ». Ainsi, en supprimant les
formules d’ouverture et de clôture qui caractérisent le conte en
situation d’oralité, Belaid At Ali brouille un peu l’identité générique
de ses récits.
En analysant le récit « Lwali n udrar »,
Amar Ameziane
soutient que le texte qui, à priori, se donne à lire comme une légende
hagiologique (ou hagiographique selon Bounfour), n’est plutôt qu’une
1
2
Dehbia Abrous, op.cit., p.30.
Voir à ce sujet R.Titouche, op. cit.
[256]
version parodique et satirique de la légende. Le classement de ce
texte dans la première catégorie est vraisemblablement justifié par le
recours de l’auteur à des marqueurs textuels et paratextuels tels que :
« ssebba n tmacahut » et « yewwi-y-id tamacahut… ». A l’exception,
donc, de ces marques génériques intégrées dans le corps du texte,
aucun autre élément ne rapproche le texte « Lwali n udrar » de la
catégorie de conte.
Les récits publiés sous le titre « D ayen i d hekkun », de part
leur contenu humoristique sont appelés dans la configuration
générique traditionnelle « Tahkayt » ou « Taqsit (n Jehha) », genre
qu’en désigne dans la littérature occidentale par contes plaisants.
C’est ce qui explique, donc, leur insertion dans cette catégorie
(conte).
La dissemblance des cultures de l’auteur et de ses éditeurs
ainsi que leurs intentions se dégagent de manière explicite de la
classification de certains récits. La littérature kabyle, à cette époque,
était confinée dans le caractère folklorique cher aux berbérisants
français, comme en témoigne les extraits suivants, tirés d’un échange
épistolaire entre le Père Degezelle et Belaid At Ali à propos de la
conclusion du texte « Tafunast igujilen ».
Dans une lettre adressée au Père Degezelle, Belaid At Ali
explique les raisons qui l’ont poussé à amputer la fin classique du
récit traditionnel, il écrit à ce sujet: « je sais que vous devez connaitre
« tafunast igujilen » autant que toutes les autres et vous devez voir,
donc, que je l’achève ,moi, un peu avant la fin véritable, classique.
(…) Mais, cependant, il me faut avouer le petit plaisir que j’ai éprouvé
en inventant, et en adaptant ce dénouement à Tafunast ». En écrivain
conscient de son acte d’écartement de la tradition, il précise : « (…)
Je sais que vous tenez surtout au folklore( ?) Et je ne sais même pas
s’il y en a ou pas dans ma ‘‘Tafunast’’ ». Degezelle lui répond :
« Cette belle histoire fort bien narrée aurait gagné à l’être exactement
à la façon kabyle. Mettez vous, cher conteur, dans la peau d’une
vieille grand-mère kabyle racontant des histoires à ses petits-enfants.
Ça sera parfait, et le folklore y gagnera en authenticité ». Le passage
suivant de Paulette Galand- Pernet résume parfaitement cette
situation, elle écrit : « (…) la critique occidentale de l’époque, formée
par les études classiques, ne pouvait que s’émouvoir d’un archaïsme
qui reléguait la littérature berbère dans un folklore à oublier, mais qui,
[257]
dans une contradiction inconsciente, exaltait la pureté de la tradition
du Berbère »1.
Curieusement, les mêmes éditeurs traduisent le titre
« Timucuha » par « Contes et nouvelles », faisant par là apparaitre une
autre catégorie générique qui ne figure pas dans la table des matières
du premier volume, et qui ne constitue pas une catégorie à part. La
différence entre les deux volumes s’arrêtent aux nivaux des titres ;
aucun texte classé dans la première catégorie de la table des matières
n’est explicitement désigné par la mention « nouvelle ». Est-ce parce
qu’elle n’a pas d’équivalent en kabyle ? Nous ne pouvons répondre à
cette question, mais il est permis de supposer que les éditeurs n’étaient
pas si indifférents au remarquable travail de réécriture mené par
l’auteur.
La critique littéraire universitaire menée sur l’œuvre de Belaid
At Ali depuis plus d’une décennie, conclut que certains récits de
l’auteur s’apparentent bel et bien au genre de la « nouvelle ». C’est le
cas entre autres de « Tafunast igujilen »2 et « Jeddi »3 .
La deuxième catégorie qu’il est possible de retrouver dans la
table des matières de la version éditée s’intitule « Amexlud » traduit
par « Mélanges ». Ce qualificatif tel que présenté dans la version de
1963 prête à confusion. Il se donne à lire comme étant un genre
hybride. Sont classés sous cette catégorie, tous les autres récits de
Belaid At Ali qui, de l’avis des éditeurs, ne répondent pas aux critères
du genre « conte ».
Cependant, le terme « Amexlud » ne renvoie dans le système
générique traditionnel à aucun architexte défini. L’ensemble des
pièces littéraires alignées sous cette catégorie, forme un vrai mélange
de récits en prose qui n’ont en commun que de décrire des scènes de
la vie quotidienne, sous forme dialoguée pour certains. Dehbia
Abrous aborde le caractère ambigu et équivoque de ce terme, elle
écrit :« fait significatif : les deux genres classiques dans la littérature
Kabyle que sont le conte et la poésie sont clairement dénommés ; ce
1
Paulette Galand pernet , « La notion de littérature. Essai d’analyse et de
classification », in Asinag, n 3-4, 2010, pp.15-56.
2
S. Mohand- Saidi , Tafunast igujilen de Belaid Ait Ali : du conte à la nouvelle,
Mémoire de Magister, M.Djellaoui (dir.),2011,
3
N.Sadi, « Poétique du récit « Jeddi » de Belaid At Ali » in : Les Cahiers de Belaid
At-Ali. Regars sur une œuvre pionnière (A.Ameziane, dir.), Tira, 2013, pp.49-76.
[258]
genre que nous appelons provisoirement et approximativement
‘nouvelle’_ et qui sont des tableaux de la vie quotidienne en Kabylie_
est un genre tout à fait inconnu dans la littérature Kabyle : il porte le
nom de ‘amexlud’ qui signifie au sens premier du terme : mélange (un
peu confus) d’éléments divers. La difficulté d’une dénomination
précise rend bien compte du caractère nouveau et intermédiaire de ce
genre. »1
Ce vocable, au sens métissé est en fait une création de Belaid At Ali
qui le choisit comme titre à son dernier cahier rédigé en Décembre
1946. Ce dernier contient une lettre adressée au Père Degezelle lui
expliquant les motifs de l’emploi du terme « Amexlud » qu’il traduit
par « mélange » ou « panachage » pour désigner les trois récits
intitulés « Sut udrar », « Sut taddart » dans le manuscrit.
Qu’en est-il de la classification dans le manuscrit ?
Sur les neuf cahiers rédigés par Belaid At Ali et qui composent
son manuscrit, trois seulement portent une marque générique sur la
page de couverture. Les deux premiers cahiers sont intitulés
‘Timucuha’. Le troisième cahier qui regroupe l’œuvre poétique de
l’auteur est désigné par la mention architextuelle ‘Isefra’. Les intitulés
des pages de couverture des autres cahiers de Belaid At Ali sont des
reproductions de (ou des) titre(s) des textes qui les constituent. C’est
le cas entre autres du cahier (V) comportant le récit « Tafunast
igujilen » et le cahier (VII) consacré au récit « Lwali n udrar ».
Il faut signaler que la disposition des textes de Belaid At Ali
dans la table des matières de la version intégrale n’a pas respecté
l’ordre chronologique dans lequel l’auteur a rédigé ses textes. C’est
ainsi que, à titre d’exemple, le récit « Bu yidmimen » qui vient en
troisième position dans la version éditée, est en fait le premier texte
rédigé par l’auteur.
Il n’est pas aisé d’identifier tous les marqueurs génériques que
comportent les textes de Belaid At Ali. Nous avons constaté qu’ils
se situent moins sur le plan paratextuel que dans le corps des textes.
Si certains titres de récits, à l’image de « Tamacahut uwaγezniw » et
« Tamacahut inisi d wuccen », arborent explicitement la mention
architextuelle « conte », l’identification générique des autres textes
requiert une lecture et souvent une analyse approfondie de leur
1
D. Abrous, op. cit., p.29.
[259]
poétique. La tendance chez Belaid At Ali à la rupture avec la
tradition littéraire orale et sa volonté de s’inscrire dans des genres
nouveaux est telle qu’il est difficile de situer ces marqueurs
génériques. Notons toutefois qu’à travers certaines pièces, il a soulevé
la problématique du genre en littérature kabyle.
Estimant que les résultats des analyses menées par les
chercheurs universitaires (Titouche, Mohand Saidi, Ameziane,
Sadi…) pour déterminer les catégories génériques des récits de Belaid
At Ali sont assez concluants, nous nous contenterons de soulever deux
points ayant trait à cette question.
Le premier concerne les prologues qui servent d’introductions à
certains récits de Belaid At Ali et qui n’existent dans aucun texte
appartenant à la configuration générique traditionnelle. L’auteur
avoue son hésitation quant à la classification de certains récits qu’il
livre au lecteur, à travers des prologues de ce genre : « Tagi mačči d
tamacahut, mačči d taqsiṭ : D ayen yeḍran : d yiwen ‘wawal’ »1. Ou
encore ce long passage introductif au texte « Taneggarut » dans le
manuscrit et dont les éditeurs n’ont publié que les deux premières
pages amputées de cette introduction: « Mačči d tamacahut, mačči d
taqsiṭ, mačči d taḥkayt, mačči n At zik, mačči d lekdeb, mačči d nekk
i tt-id-ibudɛen deg uqerruy-iw, mačči …Lameɛna ad awen-d-iniγ axir
d acu-tt : d targit ».
Le deuxième point concerne la catégorie et plus exactement le
terme « amexlud ».
L’usage qu’en fait les
éditeurs de Belaid At Ali est loin de refléter le sens que lui donne son
créateur. Si, pour des raisons éditoriales ou par méconnaissance de la
valeur et de la richesse générique de l’œuvre de l’auteur, les Pères ont
fini par ranger tous ses textes qui ne rentrent pas dans le cadre de la
poétique du conte sous cette catégorie, l’extrait suivant, tiré de sa
lettre au Père rédigée la nuit du 24 et 25 décembre 1946 et qui ouvre
son dernier cahier, enlève définitivement l’amalgame suscité par
l’emploi de ce terme. Il écrit : « Sincèrement, quand j’ai donné à ce
cahier le titre de ‘amexlud’, je n’avais absolument aucune idée de ce
que ce mot s’appliquerait à ‘un mélange’, ou… ‘panachage’ de kabyle
et français. Je comptais simplement l’emplir de ‘dialogues’ entre « sut
1
J.M. Dallet & J.L. Degezelle (édit.), Les cahiers de Belaid ou la Kabylie d’antan,
t.I, FDB, Fort-National. 1963, p. 372.
[260]
udrar », et exclusivement en langue kabyle_
…voulut autrement ».
Mais…Mais il s’en
Il en ressort que le titre en question n’a rien d’un marqueur de la
généricité des textes, et qu’il se réduit à un critère qu’on retrouve dans
un seul texte de Belaid At Ali, il s’agit de« ttbitar »inclut sous le titre
« Sut taddart » dans la version éditée.
Conclusion
Les études consacrées à l’œuvre de Belaid At Ali révèlent
l’aspect créatif du travail de l’auteur mesuré en termes d’écartement
à la tradition. Cet acte est conscient, volontaire et parfaitement assumé
par Belaid At Ali. Cependant, les résultats de ces analyses restent à
ce jour partiels.
La majeure partie de ces recherches pose un problème de taille,
celui de situer les textes de Belaid At Ali par rapport à un système
générique conçue pour une littérature d’une longue tradition écrite.
En bon lecteur de la littérature française qu’il était, Belaid At
Ali a dû acquérir une maitrise assez parfaite de sa configuration
générique. Il pouvait à ce titre, facilement distinguer un conte ou une
nouvelle et désigner ses récits par des mentions architextuelles
empruntées, mais il ne l’a pas fait. Etait-il conscient que cette
configuration ne correspondait pas à cette nouvelle forme de
littérature dont il était le pionnier ? Voici une question sur laquelle la
critique littéraire devrait se pencher inéluctablement.
[261]
Bibliographie
• Abrous D., (1989), La production romanesque kabyle : une
expérience de passage à l'écrit, Mémoire de DEA, ILGEOS,
Université de Provence.
• Ameziane A., (2008), Tradition et renouvellement dans la
littérature kabyle Thèse de doctorat de 3ème cycle Etudes africaines,
(s.dir.Bounfour), INALCO, Paris.
• Ben Sedira B., (1887), Cours de langues kabyle : grammaire et
versions, A. Jourdan, Alger.
• Boulifa M. S., (1913), Méthode de langue kabyle (cours de
deuxième année), Alger, Jourdan.
• Boulifa S., (1990), Recueil de poésies kabyles, Alger, AWAL
[1904].
• Chaker S., (1992) «La Naissance d’une littérature écrite : le cas du
Berbère (Kabylie) », in Bulletins d’Etudes Africaines N°17/18 ;
Paris.pp.1-7
• Dallet J.M. & Degezelle J.L. (édit.), (1963), Les cahiers de Belaid
ou la Kabylie d’antan, FDB, Fort-National.
• Sadi N., « Poétique du récit « Jeddi » de Belaid At Ali » in : Les
Cahiers de Belaid At-Ali. Regards sur une œuvre pionnière
(A.Ameziane, dir.), Tira, 2013, pp.49-76.
• Salhi M.A., (2011), Etudes de littérature kabyle, ENAG Editions,
Alger.
• Salhi M.A., (2004), « La nouvelle littérature kabyle et ses rapports
à l’oralité traditionnelle», Actes du colloque International : la
littérature amazighe : oralité et écriture, spécificités et perspectives,
(éd) Aziz Kich, pp.103-121.
• Mohand-Saidi S., (2011), Tafunast igujilen de Belaid Ait Ali : du
conte à la nouvelle, Mémoire de Magister, M.Djellaoui (dir.), 209 p.
• Titouche R., (2001), Les cahiers de Bélaid : du conte à la nouvelle,
Mémoire de magister (s.dir.Riche), Univ.Tizi Ouzou.
[262]
Les principaux genres littéraires amazighs
Comparaison interdialectale : kabyle/chaoui
---------------------Abdenacer GUEDJIBA
Université Abbas Laghrour Khenchela
Résumé
La littérature orale est l’une des formes multiples de la culture
populaire. Elleest l'ensemble de tout ce qui a été dit, généralement, de
façon esthétique, conservé et transmis verbalement, à travers des
générations. Elle est composée d’une multitude d’éléments qu’on
nomme, communément, les genres littéraires: le conte, le proverbe, le
dicton, la poésie, la chanson etc. Ce patrimoine littéraire est,
foncièrement, le produit des sociétés rurales. Cette littérature est très
chargée de valeurs spécifiques de la société qui la sécrète.
Dans ce texte, notre problématique est bâtie sur la question des
genres littéraires d’expression chaouie. Ces genres littéraires
présentent-ils des spécificités qui les distinguent ou plutôt des
recoupements qui les rapprochent des autres genres littéraires
d’autres aires berbérophones ? Pour répondre à cette question,nous
essayerons, dans un premier temps, de mettre en exergue les genres
littéraires les plus saillants dans le parler chaoui. Nous établirons
ensuite une comparaison inter-dialectale : kabyle/chaoui.
Mots clés : Tradition orale- genres littéraires- comparaison
interdialectale- portée éducative- valeurs sociales
[263]
Introduction
La littérature amazighe est, par essence, une littérature orale.
Elle est l’une des multiples formes de la culture populaire.Cette
littérature estl'expression esthétique des valeurs sociales conservées et
transmises, verbalement, à travers des générations. Elle privilégie le
bien dire, le bonheur de l’expression. Son contenu touche la société
entière dans tous ses aspects. Sa mise en forme diffère, naturellement,
d’un groupe social à un autre et d’une langue à une autre.
La littérature orale se définit, communément, comme second
terme d’une dichotomie connue : littérature orale /littérature écrite.
Dans les recherches en littérature écrite, le texte est considéré, à la
fois, comme point de départ et comme point d’aboutissement.Un
point de vue qui empêche de voir comme essentiels les éléments qui
ne sont pas contenus dans le discours. En littérature orale, en plus du
texte, sont pris aussi en ligne de compte, les circonstances de
l’énonciation, c’est-à-dire,l’intonation, les mimiques, le mouvement
du corps, les gestes, … Des éléments qui aident à guider la
compréhension et à orienter l’interprétation de l’oralité.
Traditionnellement, l’oralité caractérise toute société humaine
qui n'écrit pas et qui ne recourt pas à l’écrit, pour la transmission des
traditions culturelles, selon diverses modalités d’expression, ou pour
inscrire réflexions, pensées et émotions de ses membres.Elle est,
foncièrement, le produit dessociétés rurales où elle se développe et
s’épanouit. Le milieu rural est, d’ailleurs, connu pour être le principal
détenteur des cultures non scripturaires et leur ultime transmetteur et
protecteur.
«L’oralité, écrit M. Djellaoui caractéristique des sociétés
traditionnelles, dites orales, a permis à ces sociétés de maintenir leurs
organisations et de transmettre leurs cultures et leurs patrimoines
littéraires à travers le temps et l’espace.»1Elle est à considérer, écrit
M. Ben Abbas,«comme un mode de civilisation où les informations
générationnelles, les plus pertinentes pour la survie de la
communauté, n’ont besoin que de la mémoire humaine, (…) où les
échanges oraux sont conçus comme élément essentiel de ce qui fonde
1
M.Djellaoui, (2014) : Introduction, in Actes du 2eme Colloque international sur La
langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et
défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 7
[264]
la cohésion communautaire» 1 ;où chaque membre participe,
activement, àla pérennité des traditions culturelles et à leur
préservation et contribue intensément,par-là même, à la sauvegarde de
l’unité du groupe et de sa cohésion sociale.
Ce patrimoine culturel relève de contextes divers qu’on nomme,
communément, les genres littéraires: le conte, le proverbe, le dicton, la
poésie, le chant, les devinettes, etc. Il engrange dans ces genres
l’expérience commune accumulée au fil des siècles et constitue ainsi
le principal moyen de restitution de la mémoire collective. «La parole
mémorisée, souligneG. Grandguillaume, tient lieu d’écrit et elle est
l’objet d’une transmission comme un dépôt.» 2Cette littérature est, à
lafois, transmetteuse de l'histoire du groupe, et porteuse de ses
représentations symboliques et sa vision du monde en référence à un
fonds culturel commun. Chaque genre est, chargé de valeurs
spécifiques riches en informations sur les mentalités, les modes de vie,
les mythes et les croyances de la société qui la sécrète.
La littérature orale a aussi une portée didactique et une valeur
éducative.«Elle comporte toujours, souligne M. Ben Abbas, une
valeur,un enseignement ou une leçon de morale à tirer, unevaleur à
inculquer à l’enfant comme à l’adulte.» 3 Une part importante de
l'éducation, notamment, la transmission des valeurs et des savoirs
s'effectue à travers la parole. Fortement imprégnée de valeurs
spécifiques de la société, cette littérature sert, souvent, de base à cet
enseignement.
C’est un peu le cas des devinettes, des contes, des récits
mythologiques… Les scènes ont lieu, généralement, dans le monde
rural, pendant les veillées nocturnes autour d’un feu, en saison
hivernale ; ou à la belle étoile ou au clair de lune, en saison estivale.
Les enfants et les adultes se retrouvent tous les soirs autour du
locuteur/conteur,non seulement, pour partager des moments de
bonheur et de distraction, mais aussi, sinon surtout, pour acquérir des
valeurs et des savoirs.
1
M. Ben Abbas, (2014) : « Oralité et tradition », in Actes du 2eme Colloque
international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de la production
écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 34
2
G. Granguillaume, (2010) : «Langue arabe et langue berbère : quelle
complémentarité ?» Iles d Imesli n° 2, Revue du LAELA, UMMTO. p. 125
3
M. Ben Abbas, Op cité, p. 46
[265]
Bien qu’il tende, aujourd’hui, à une disparition de plus en plus
précipitée, à cause, d’une part, de l’extinction des générations qui le
détiennent et d’autre part, en raison des mutations rapides des sociétés
traditionnelles; ce patrimoine culturel connaît, tout de même, depuis
quelques années, un engouement,de plus en plus, grandissant à
l’échelle planétaire en milieu de la recherche scientifique comme objet
d’étude et de connaissance. Beaucoup de chercheurs, issus d’horizons
divers, font de ce patrimoine littéraire un champ documentaire
inépuisable.Ce colloque sur la littérature berbère, qui selon Camille
Lacoste-Dujardin«mérite de figurer au premier rang des littératures
orales du monde entier»en est un exemple très édifiant.
Méthodologie
Dans ce texte, nous nous intéressons à la littérature orale
d’expression chaouie. La société auressienne, à l’instar des autres
groupes berbérophones, possède unpatrimoine littérature qui regorge
d’une immense richesse. Une richesse qui va de pair avec les
mutations historiques, sociales et économiques de la société en
question.
Notre problématique est bâtie sur la question des genres
littéraires d’expression chaouie. Ces genres littéraires présentent-ils
des spécificités qui les distinguent ou plutôt des recoupements qui les
rapprochent des autres genres littéraires d’autres aires
berbérophones ?
Pour répondre à cette question,nous essayons, dans un premier
temps, de mettre en exergue les genres littéraires les plus saillants
dans le parler chaoui. Nous établissons ensuite une comparaison interdialectale : kabyle/chaoui. L’idée qui nous a été, en réalité, suggérée
par notre ami Pr. Djellaoui, que nous nous tenons, d’ailleurs, à
remercier vivement pour cette suggestion.
Dans cette contribution, dans laquelle nous rendons compte de
notre modeste expérience de l’enseignement de la littérature orale à
des étudiants de 3èmeannée de licence au département de français ;nous
nous penchons, particulièrement, sur trois genres littéraires à savoir la
poésie/le chant et le conte.
Pourquoi la comparaison avec le kabyle ? D’abord, parce que
c’est le parler le plus proche, géographiquement, du pays chaoui.
[266]
Ensuite parce que c’est le parler que nous maitrisons, relativement, le
mieux, comparativement, aux autres parlers berbères. Le choix du
chant, de la poésie et du conte s’explique, d’abord, par le fait qu’ils
représentent les genres qui ont donné lieu à la production la plus
abondanteen matière de littérature orale dans ces deux aires berbérophones.
Ensuite, parce que dans la documentation existante sur la littérature
auressienne, ces trois genres se taillent une place importante.
En l’absence d’une collecte exhaustive de cette littérature, nous
avons travaillé sur un corpus que nous avons puisé dans des ouvrages
et des articles connus. Les textes relèvent desépoques différentes : de
l’avant-guerre, de la guerre et de l’après-guerre.
Résultats de l’analyse
Au terme de cette étude comparative interdialectale sur les
genres littéraires chaoui/kabyle, nous avons dégagé un certain nombre
de remarques. Nous n’avons rapporté ici que les principales :
La première remarquese rapporte à la masse documentaire sur
la littérature orale dans les deux aires berbérophones en l’occurrence
l’Aurès et la Kabylie. Même si l’intérêt pour la littérature berbère,
dans ses variétés régionales et dans ses différents genres,remonte, en
général, à l’époque coloniale (E. Masqueray, R.Basset, J.
Servier,) ;« toutes les régions et toutes les variétés dialectales ne
jouissent pas de masses documentaires équivalentes au niveau
quantitatif et qualitatif»1écriventBounfour& Meziane.
En effet, il nous a été donné de constater, au cours de la
réalisation de notre cours,que le pays chaoui est l’un des parents
pauvres de la documentation publiée, comparativement à d’autres
aires berbérophones, démographiquement, importantes. Il en résulte
ainsi que la littérature orale de l’Aurès est presque inconnue du monde
berbère et que nos connaissances sont encore rudimentaires et très
lacunaires en la matière. La remarque est faite, principalement, dans
l’intention de sensibiliser nos étudiants à procéder, urgemment, à des
1
A. BOUNFOUR & A. MEZIANE, (2010) : Anthologie de poésie berbère
traditionnelle(Tachelhit, taqbaylit, tarifit, tamazight), Paris, l’Harmattan.
[267]
collectes de ce patrimoine littéraire afin de le protéger contre la
menace de disparition.
La documentation qui date de l’époque coloniale peut être
comptée sur les doigts d’une seule main. R. Basset a publié en 1896
dans le Journal Asiatique un article intitulé « Notes sur le Chaouia de
la province de Constantine » dans lequel il nous livre des contes dans
le parler des Hrakta. G. Mercier a publié la même année son livre(Le
Chaouïa de l’Aurès) dans lequel, l’auteur nous rapporte une collecte
importante de contes chaouis de la région de T’kout. Le même auteur
fait sortir un autre livre(Cinq textes berbères en dialecte chaouia)
début1900. Ces trois études sont suivies, quelques années plus tard,
par la thèse de M. Gaudry sur la femme chaouia, 1929) dans laquelle
ellenous rapporte des extraits de chants de femmes. Et enfin la thèse
de J. Servier sur les chants de femmes de l’Aurès publiée dans les
années 50.
Après l’indépendance, les natifs de la région ont à leur tour écrit
sur leur littérature. Nous citons en premier les travaux
d’universitaires :
L.Dahou a préparé, à la fin des années 70, un mémoire de DEA
sur la littérature berbère de l’Aurès. A notre connaissance, il est le
premier, sauf erreur, à avoir colligé un corpus important de chants et
de poèmes de la guerre de libération. On lui reproche d’avoir publié
ces textes en langue arabe sans avoir livré leur version originale.
N. Hamouda est une chercheureauressienne décédée très jeune.
Sociologue de formation, elle s’est intéressée principalement à la
situation de la femme dans la société chaouie. Dans un article publié
en 1983 dansFemmes de la Méditerranée, peuples Méditerranéens,
l’auteure met l’accent sur la production poétique féminine.
A. Djarellah, lui s’est intéressé particulièrement au conte. Il a
publié un conte chaoui « Hendutevyult » dans Awal en 1985. Puis
deux textes dans Etudes et documents berbères. Un conte dans le
parler n At Abdi en 1988. Le second est publié dans le parler des
Harkta en 1993.
M. Azoui un chercheur universitaire a publié, il y a quelques
années, au Caire, sa thèse de doctorat sur Le conte populaire algérien
dans la région des Aurès, (2006).
[268]
Amina Boudjellal -Meghari, a soutenu en 2008 une thèse de
doctorat en deux tomes à l’université Aix-Marseille sur l’analyse et la
structure du conte chaoui.
Les efforts des amateurs ont, eux aussi, marqué leur présence
dans ces publications. Nous faisons, ici, allusion, principalement, aux
travaux de M.S. Ounissi, et de T Fakihani.
La deuxième remarque concernele chant et la poésie
traditionnels dans les deux aires berbérophones. Ces deux genres
sontauthentiquement oraux. Ils épousent tous les évènements de leur
temps et recouvrent toutes les préoccupations sociales qui leur sont
contemporaines. Ne dit-on pas, d’ailleurs, que le chant et la poésie
sont le reflet et le miroir de leurs époques ? D’ailleurs, en chaoui, les
frontières entre ces deux genres sont souvent difficiles à établir.
Le chant, tout comme d’ailleurs, la poésie sont liés à la parole
agréable,généralement, rythmée et toujours fluide Ils recherchent
constamment des affinités sonores du langage. Ces caractéristiques
ont la particularité de faciliter la mémorisation de ce patrimoine
littéraire et de contribuer largement à sa conservation au fil des temps,
dans une société à tradition non scripturaire. Un processus rendu
possible grâce aux personnes âgées et aux illettrés, notamment, en
milieu de la gente féminine. « Pratiquement toutes les femmes de
l’Aurès, écrit N. Hamouda à ce propos, sont concernées par la
production et la transmission de la poésie et, ce faisant, elles
participent pour une grande part à maintenir et à perpétuer
l’homogénéité du corps social et de la culture. Elles portent la
responsabilité du patrimoine culturel, elles l’enrichissent, le font
circuler et vivre.»1
Ils représentent le moyen le plus efficace pour diffuser
l’expression du vécu populaire et le support favori de la morale du
groupe. C’est également à travers ces deux genres que les discours
interdits et les pratiques non tolérées trouvent l’occasion d’être
verbalisées et poétisées.
1
Cité par S. Lounissi, (2014) : « L’Aurès, un trésor de l’oralité qui nécessite une
transmission par la voie d’écrit» in Actes du 2ème colloque international sur La
langue amazighe de la tradition orale au champ de la production écrite. Parcours et
défis) Organisé les 17 et 18 avril 2013. p. 296
[269]
Néanmoins la société auressienne semble se démarquer quelque
peu de la société kabyle, notamment, en ce qui concerne la production
dans ces deux genres. Dans l’Aurès, la production poétique tout
comme la production de la poésie est anonyme. Nous n’avons pas de
poètes connusà l’image de Si Muhend U Mhend, Si Muhend U
Lhusine, Yusef U qasi ... Dans le pays chaoui, le chant est plus riche
que la production poétique parce qu’il est d’un usage très fréquent
dans la vie courante. La poésie, quant à elle, tombe, très vite, en
désuétude, en raison, justement, de son faible usage dans le quotidien
des gens.
En effet, dans la société traditionnellechaouie, tout comme en
kabylie d’ailleurs, le chant meuble les grands moments de la vie du
monde traditionnel et accompagne tous les actes de la vie quotidienne
des individus et du groupe. Il est porteur d'émotion. Le chant sert aussi
à rythmer un travail, à parler d'un métier, d'une spécificité
communautaire, à endormir les enfants, à faire danser.Il assistedonc le
geste de la femme devant son métier à tisser, devant son moulin de
pierre. Il l’accompagne dans le balancement du berceau de son enfant
et dans le travail de l’argile. Le chant soutient l’homme dans son
travail dans les champs et dans les jardins, allège sa solitude dans sa
vie pastorale, dans ses voyages et soulage ses souffrances. Il rythme
aussi les cérémonies et les rituels du groupe et des individus, exprime
leurs réjouissances et leur bonheur, leurs souffrances et leurs
malheurs.
La troisième remarque dans notre étude comparative interdialectaleest relative auxthèmes abordés dans le chant et la poésie de
l’Aurès et de Kabylie. Des thèmes qu’ils puisent dans un fonds
commun d’images et de formules et qui recouvrent une diversité
impressionnante. Le découpage de cette littérature en thèmes est
quelque peu artificiel. Car souvent ils s'interpénètrent et s'associent
pour servir le sens véhiculé par le texte.
Les deux aires berbérophones affichent à ce niveau beaucoup de
convergences et de recoupements. Mais faute de temps et d’espace,
nous nous contentons, dans ce bref exposé, de n’approcher que
troisdomaines à savoir: la religion, la résistance et la revendication
identitaire. Notons toutefois qu’il existe bien d’autres, plus ou moins
importants, qui méritent aussi examen et réflexion.
[270]
- Le domaine de la religion :en milieu chaoui, tout comme en
milieu kabyle, la religion occupe une place importante dans la vie
sociale traditionnelle. Les fêtes religieuses sont nombreuses. Certaines
d’entre elles relèvent du calendrier hégirien que les chaouis et les
kabylesobservent largement : L3id amezyan l3id ameqran, 3chura,
Lmulud n nnbi. Leur célébration, chez les chaouis, est enrichie et
entachée de pratiques et de cérémoniales préislamiques notamment le
Achoura et le Mawlid.
D’autres suivent le calendrier julien et sont déterminées par les
grandes étapes du cycle annuel de la végétation et des variations
météorologiques. Elles consistent en les pèlerinages et le culte des
mzara, endroits sanctifiés par le passage ou l’enterrement d’un wali.
Toutes ces fêtes et toutes ces festivités sont célébrées avec
beaucoup de ferveur et d’enthousiasme à différents moments de
l’année et donnent lieu à des périodes de répits et de réjouissances à
toute la société. Ces fêtes sont, naturellement, accompagnées de
chants religieux de circonstance.
Si l’on se réfère aux corpus recueillis dans les deux aires
berbérophones, en matière du chant religieux, la remarque pertinente
que l’on peut retenir est que dans le pays chaoui, contrairement, à la
Kabylie, le corpus est quasiment exprimé en langue arabe. Un
phénomène qui à notre avis s’explique, par deux facteurs qui ne
s’excluent pas mutuellement : l’influence de la langue de la religion
sur la langue du culte et par voie de conséquence sur la production
poétique religieuse. Le processus de l’arabisation, plus ou moins
significatif, de l’aire chaouiophone comparativement à l’aire
kabylophone, représente le second facteur.
- Le domaine de la résistance : Qu’appelle-t-on poésie et chant
de résistance ? Par poésie et chant de résistance, on entend ici la
production littéraire qui exprime le mécontentement et la colère de
toute une société ayant longuement vécu sous le joug colonial et
beaucoup souffert des mesures répressives et d’injustice du
colonisateur.« C’est donc une poésie historique écrit M. Benbrahim,
non pas parce qu’elle a été faite dans le but de servir de source
[271]
d’histoire mais parce qu’elle prend son origine dans une historicité
certaine, elle est née d’évènements historiques vécus.»1
La résistance est menée par toute la société et à tous les niveaux
contre l’occupant tout au long de la présence coloniale. Dans l’Aurès
la résistance a commencé dès le début de la colonisation sous l’égide
d’Ahmed Bey qui s’est réfugié dans la région après la chute de
Constantine, pour s’étendre à l’insurrection de 1859 de Sidi Sadek Ul
Hadj à Tibermacine, à celle de 1879 d’Ujarella à El Hamam n’Ah
Lahlouh, au soulèvement populaire contre la conscription de 1916,au
large mouvement de banditisme qui s’en est suivi jusqu’au
déclenchement de la guerre de 1954. Tous ces soulèvements
populaires étaient autant des évènements glorifiés par les poètes et les
chanteurs de ces différentes époques.
Cette littérature exprime le rejet du colonisateur et le malaise
que cause ce dernier à la société autochtone. Voici à titre d’exemple
ce que dit une femme des At Soltane de la région de Belzma, à qui les
autorités coloniales ont enlevé son unique fils insoumis à la
conscription. Des vers qui exprimentle désarroi et la douleur de cette
mère.
Xir a sseltan xir a yalus
Zenz agel amenhus
Ternid l3uda n uqerbus
Serg-ed memmi anehbus
Yeww-it urumi amenjus
Ggin-as tisegal deg fus
Yekref ùer uyis d aberkan
S ineglaf d ame3sus
Azzel azzel a yalus
Awi-d lfuci n umesmar
Ul inu yeccur d ddemmar
1
M.Benbrahin, (1982) : « La poésie orale kabyle de résistance » Littérature orale,
Actes de la table ronde, Alger OPU. p. 34
[272]
Azzel azzel a sseltan
Awi-d lfuci n uqertas
Ddemmar hat yenùay
Segur umi idin aferdas.
Cette littérature a glorifié aussi les bandits d’honneur pendant
leur activisme et après leur mort. Comme cela fut le cas d’Ahmed
Umerri et de Arezki Ul Bachir en Kabylie,de Lmes3ud Ugzelmad et
de ses compagnons dans l’Aurès. Voilà ce qu’on dit à propos du
fameux Benzelmat :
Lmes3ud d aqeyyas
D lqedd uqertas
D mi3ziz n yemma-s
La glorification de SalahUbumesrane un compagnon de
Benzelmat.
Gaga d lfesyan
Dahad aqebtan
Sidi Ali iherrez s lburhan
Yus-ed lexber s Saleh
Yexla Mrici deg-umecwar
Quant à la glorification des martyrs et des moudjahidines de la
guerre de 1954, la mémoire collective, aussi bien en Kabylie que dans
l’Aurès, regorge de chants et de poèmes qui rendent hommages à ces
braves hommes.
- Le domaine de la revendication identitaire : La
revendication identitaire est la devise chère des jeunes poètes et
chanteurs des trois dernières décennies du siècle passé. Si en Kabylie,
ce domaine a fait son apparition dans le chant et la poésie dès les
années 30, ce qui coïncide un peu avec la montée de la prise de
conscience berbère en milieu des intellectuels kabyles, sa
représentation dans la production littéraire chaouie ne remonte qu’aux
années 70.
Ce thème consiste, dans les deux aires berbérophones, en la
revendication identitaire à travers la revendication culturelle et
[273]
linguistique. Il abonde dans la production littéraire de ce qu’on
appelle, communément, dans le mouvement berbère, « les poètes et
les chanteurs engagés » à l’image de L. Maatoub, de L. Ait
Menguellat pour ne citer que ces deux monuments de la chanson
kabyle. Dihia, Nedjahi, Mihoub, Ajroud, Sahbi… pour le cas de
l’Aurès.
A leurs yeux, l’indépendance de l’Algérie ne saurait être
complète sans la dimension amazighe. Dans leur production littéraire,
ils dénoncent l’injustice et l’oppression qui pèsent sur la langue et la
culture amazighes. Une dénonciation véhiculée notamment par la
chanson et la poésie moderne.Nous citons, à titre d’exemple, la diva
de la chanson chaouie :Dihya
Kkr-ed a yelli
Ad nawi tilelli
Idammen uzzlen deg ucal
Idurar di-m trajan
Et SahebChafei qui dit
Melmi ad yali wass
F ugujil, tiwdi d usallas
Lem3ac d amessas
Ou encore Mihoub qui chante
Kker a y argaz
Bedd rfed a3ukkaz
Tutlakt nneù di wùerbaz
[274]
Le conte
Le choix du conte s’explique, d’abord, par son caractère
universel. «Aujourd’hui, écrit Hddadou, il n’y a pas de culture, il n’y
a pas de langue qui ne possède pas ses contes.»1Ce choix s’explique
aussi par la prépondérance du rôle de ce récit merveilleux dans la vie
des sociétés rurales auressiennes. Un rôle que le même auteur résume
sur la même page en ces termes : «Loin d’être un divertissement pour
enfant, le conte a été longtemps un véhicule de croyances et de
mythes, un moyen d’enseignement de règles et de lois, ou encore le
canal par lequel un peuple consigne les évènements les plus
marquants de son histoire.»2
Au terme de l’analyse de notre corpus sur les contes dans les
deux aires berbérophones, nous avons réalisé que cette littérature
narrative est anonyme. Elle transmet oralement des récits merveilleux.
Des récits certes variables dans leur forme; mais dans leurs fonds, ils
présentent beaucoup de convergences. Nous faisons allusion, ici, aux
contes « Tafunatigoujilen » en kabyle, connu dans le massif de
l’Aurès sous le titre « Dbira d 3li Izerzer »ou encore «Louandja »
dans les deux aires berbérophones. Le conte commence et se termine,
aussi bien dans l’Aurès qu’en Kabylie, par des formules consacrées.
Nous avons subdivisé les contes recueillis en deux catégories.
Une catégorie destinée aux enfants et une autre destinéeaussi bien aux
enfants qu’aux adultes.
Au niveau de la première, une édification morale est assignée au
message du conteur qui prend le soin de baliser les bonnes conduites
aux jeunes afin de contribuer à leur plein épanouissement. Ces contes
ont pour fonction de préparer les enfants, sur le planpsychologique, à
la vie adulte, à faire d’eux des hommes et des femmes mûrs en les
amenant à distinguer entre le mal et le bien et à accepter la douleur et
la souffranceau sein du monde social.
Les textes de la seconde catégorie sont construits autour d'un
conflit ou d'un méfait assorti d'un dénouement. Ils s'inscrivent dans la
veine de la morale sociale en vigueur au sein de la société et se
terminent,souvent, par une sanction infligée à toute infraction à la
norme admise par la communauté.
1
2
M. A. Haddadou, (2009) : Introduction à la littérature berbère, Alger HCA. p. 111
Ibid p. 111
[275]
Conclusion
Ce que l'on peut affirmer, au terme de cette contribution, en se
référant aux études et aux recueils publiés, c’est qu’il existe un
système littéraire commun, ou au moins similaire, dans l’aire
chaouiophone et l’aire kabylophone.
Seulement dans l’Aurès, contrairement à la Kabylie, ce
patrimoine culturel n’a pas réussi à susciter l’intérêt des chercheurs.
Le travail sur le chant et la poésie orale d’expression chaouie nécessite
une collecte exhaustive de ce patrimoine littéraire menacé « de
disparaître à une vitesse qui dépasse celles des recherches.» 1 Une
disparition à laquelle concourent, à notre avis, au moins, troisfacteurs:
- La disparition de ce qu’on appelle communément les
« bibliothèques vivantes», c’est-à-dire les générations qui détiennent
dans leurs mémoires ce patrimoine culturel.
- L’exode rural massif et l’impact de l’urbanisation sur les zones
rurales contribuent, largement, à l’effritement du milieu traditionnel,
principal producteur et détenteur de la littérature orale.
- Le désintérêt quasi-total des jeunes générations à l’égard de
cette production littéraire. Un désintérêt, que certains, parmi nos
enquêtés, expliquent par le fait que cette littérature se caractérise par
des maladresses et des gaucheries qui ne lui permettent pas de s’élever
au rang de véritables œuvres poétiques, à proprement parler, eu égard
« aux normes académiques » et du coup elle ne suscite pas leur intérêt
et n’éveille pas leur curiosité. Une vision qui résulte, en réalité, de leur
attitude négative envers la langue et la culture du terroir qu’ils
abandonnent au profit d’autres langues et d’autrescultures qu’ils
jugent plus prestigieuses.
Pour sauver ce patrimoine culturel de la disparition et contribuer
à sa conservation, il est nécessaire de changer, d’abord, ces attitudes
négatives qui ne reposent sur aucun fondement scientifique, avant de
procéder à des collectes d’envergure auprès des sujets qui le
détiennent encore dans leurs mémoires. Aux universitaires,
1
A. BOUDJELLAL MEGHARI, (2008) :Analyse de la structure et des procédés de
narration et de contage : approche comparative des contes de Perrault et des contes
chaouis. Thèse de doctorat FridrunRinner, Université Aix-Marseille, p. 7
[276]
notamment, des départements de langues et culture amazighes,
incombent la responsabilité d’en faire des sujets de recherche de leurs
travaux ou de ceux de leurs étudiants.La protection de cette littérature
signifie, conséquemment, la protection de la langue et de la culture.
Car la langue vit aussi dans la littérature orale. Sans cela, paraît-il,
aucune prise en charge de ce patrimoine littéraire ne saurait être
efficace et fructueusedans l’Aurès.
Bibliographie
• Ben Abbas, M. (2014) : « Oralité et tradition », in Actes du 2ème
colloque international sur La langue amazighe de la tradition orale
au champ de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17
et 18 avril 2013. p. 33-50
• Benbrahin, M. (1982) : « La poésie orale kabyle de résistance »
Littérature orale, Actes de la table ronde, Alger OPU. p. 34-37
• Boudjellal-Meghari, A. (2008) : Analyse de la structure et des
procédés de narration et de contage : approche comparative des contes
de Perrault et des contes chaouis. Thèse de doctorat, Université AixMarseille.
• Bounfour A. &Ameziane, A. (2010) : Anthologie de poésie berbère
traditionnelle (Tachelhit, taqbaylit, tarifit, tamazight), Paris,
l’Harmattan – Inalco.
• Djellaoui, M. (2014) : Introduction, in Actes du 2ème colloque
international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ
de la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril
2013. p. 7- 8
• Granguillaume, G. (2010) : «Langue arabe et langue berbère :
quelle complémentarité ?» Iles d Imesli n° 2, Revue du LAELA,
UMMTO.
• Haddadou, M. A. (2009) : Introduction à la littérature berbère,
Alger HCA.
• HammoudaN. (1983) : «Les femmes rurales de l’Aurès et la
production poétique», in, Femmes de la Méditerranée, peuples
Méditerranéens, n°22-23 Janv-Juin 1983, p.267- 279.
• Lacoste-Dujardin, C. (2003) :Le conte kabyle, Paris, La
Découverte, 2003 (3eme ed.)
• Lounissi, S. (2014) : «L’Aurès, un trésor de l’oralité qui nécessite
une transmission par la voie d’écrit »», in Actes du 2ème colloque
international sur La langue amazighe de la tradition orale au champ de
la production écrite. Parcours et défis) Organisé les 17 et 18 avril
2013. p. 295-310
[277]
Fusion des genres littéraires dans la poésie rifaine :
cas d’Imeţţawen n tamja d’Abdellah El Manchouri*
---------------------Omar El YAHYAOUI
Université Mohamed 1er, Oujda - Maroc
Introduction :
Peut-on raisonner en matière de production littéraire, orale ou
écrite, en termes de genres littéraires autarciques et typiquement
homogènes ? Le syncrétisme des genres littéraires ne permet t-il pas
de définir une certaine fécondité artistique des littératures du monde ?
Le droit à la mémoire et à la liberté d’expression exige-t-il d’obéir à la
loi des frontières entre les genres littéraires ? Telles sont quelques
interrogations en fonction desquelles nous essayerons de mener une
réflexion sur le flux de l’écriture et l’extension rhétorique qui
caractérisent la poésie rifaine d’Abdellah El Manchouri en général, et
en particulier, son recueil de poèmes libres : Imeţţawen n tamja ou Les
pleurs du fifre pour la traduction française1.
La poésie amazighe est un espace littéraire riche en matière de
méditations poétiques et de représentation de cultures traditionnelles
orales. Elle est perçue dans son aptitude à cultiver une pluralité
interprétative, un foisonnement herméneutique qui inhibent
l’univocité et l’autarcie littéraires. A la fois polyvalente et informelle,
cette poésie offre un champ propice à l’étude de sa structure génétique
et de son dispositif rhétorico-stylistique. Le poète amazigh se veut
ainsi un trésor de patrimoine socioculturel intarissable. Dans sa diction
s’entrecroisent incessamment une prose truculente et une liberté
d’expression artistique amazighe, celles qui confèrent au dispositif
textuel produit un statut de « Muse » réfractaire à tout genre poétique
qui se veut constamment mesurable et classable. Le poète use, en ce
sens, non seulement du pouvoir rhétorique de sa langue pour
*Présenté par Omar EL YAHYAOUI, Université Mohamed Premier, Faculté
pluridisciplinaire de Nador, département de Langue et Littérature Françaises.
1
- Le recueil d’Abdellah El Manchouri est composé de 40 poèmes à formes libres. Il
est écrit en langue amazighe (le tarifit), en adoptant la graphie latine. Le recueil est
aussi traduit en français par Mohamed SERHOUAL en 2006 (Tanger, éditions
« Slaiki Frères »).
[278]
transfigurer la réalité, mais puise aussi dans d’autres genres littéraires
et s’inspire, évidemment, d’autres visions du monde pour assurer à sa
diction le cachet d’ " un tout culturel plus vaste". Cette richesse de
création artistique est un trait esthétique fondamental dans les poèmes
d’El Manchouri. A lire Imeţţawen n tamja du poète, on s’aperçoit que
la structure rhétorico-stylistique du recueil dépasse de loin "le joug
des règles de versification" (strophes, césures, coupe, syllabes
accentuées du rythme linguistique…) et expérimente un mode de
création en rupture avec l’héritage du "vers figé". Chaque poème du
recueil se veut, dans sa composition rhétorique amazighe originale (le
tarifit), un lieu de rencontre entre les genres littéraires, une espèce
d’ouvroir potentiel de littératures dialogiques, celles qui raisonnent en
termes de brassage, de compatibilité et de perméabilité artistiques et
culturelles. Eu égard à cette combinatoire de créations littéraires, le
mythe, le conte, l’épistolaire, le voyage, le dramatique voire même
l’autobiographique, cessent d’être des genres littéraires démarcatifs
indépendants, et font parties intégrantes d’Imeţţawen n tamja. Ils
participent largement à l’enrichissement de la structure poétique du
recueil, à sa tonalité pathétique et contribuent, subséquemment, à la
construction d’un sens pluriel et inépuisable des poèmes. Tamja, le
fifre, devient chez El Manchouri un canal lacrymal susceptible
d’émouvoir et de sensibiliser le lecteur à la spécificité de la littérature
amazighe extrêmement fournie et riche en genres. Les sonorités
larmoyantes qui s’écoulent abondamment à travers le roseau semblent
correspondre à l’écoulement d’une encre poétique susceptible de dire
et d’affirmer sur la page blanche l’identité culturelle amazighe. En
d’autres termes, le roseau-fifre permet d’inspirer le genre poétique
fusionnel du poète, et appelle à défendre le patrimoine socioculturel
amazigh, lequel patrimoine est digne de lecture, d’hommage et de
valorisation. C’est là une raison pour laquelle nous voudrions préciser
qu’il ne suffirait pas d’accorder énormément d’importance à la
réception des poèmes d’Abdellah El Manchouri dans leur structure
scripturale (l’art de l’écriture) pour saisir et déguster davantage les
tréfonds de la poéticité amazighe qui ne cesse de se dégager de son
recueil ; mais il faut aussi et surtout s’intéresser à entendre le poète
lui-même lire à haute voix ses textes, et jouer son fifre, c’est-à-dire qui
fait pleurer son roseau-tamja en y insufflant sa voix pour l’amener
ainsi à verser son flux de sonorités lyriques.
A titre d’illustration, et pour mettre en valeur cette richesse de
l’art poétique extensif dans Imeţţawen n tamja d’Abdellah El
[279]
Manchouri, nous nous intéresserons à l’étude de la structure génétique
de quelques poèmes du recueil en question. Ces poèmes seront
évidemment cités conformément à leur composition originale
amazighe.
1 - Imeţţawen n tamja : le premier poème éponyme du
recueil :
Teftuttusen wussan-inu, 1
Ttawen am bumarγud, 2
Ig iketsi wadu. 3
Tfawt tugi ad tessij. 4
Tağest tarennu… tarennu…5
Tawengint tessara-d amadal, 6
Tufi-t εad isneddu. 7
Aγi ur dag-s teswi. 8
Trussi ur dag-s tecci. 9
Ma dhen yuğeγ yuğeγ yendu. 10
Yusi-d kid-ek wareq-inek, 11
Ammi-s n tmurrt-inu. 12
Yebsissq-ak uγembub, 13
Arrimet-inek tiru, 14
Ussan-inek reqhen, 15
Tamejjat-inek tečirru, 16
Mcca arr-d x useqsi-a : 17
Swizzed s ufus-inek. 18
Mmer-ayi mani yeğa 19
W-areq-inu? 20
Traduction française de Mohamed SERHOUAL :
Mes jours que le vent emporte s’effritent,
S’envolent comme la poussière.
La Lumière s’entête de poindre.
Ténèbres tentaculaires !
La lucidité fait le tour du monde,
Embryon en pulsation.
Le lait, elle n’en a pas bu.
Beure rance égarée.
Ces lieux te conviennent à merveille,
Ô Concitoyen ! Au visage auréolé.
Stature de grande envergure, jours épanouis.
[280]
Gorge enrouée, voix ratatinée.
Mais répond donc à ce questionnement !
Aie la main tendue !
Montre-moi un endroit où je peux me tailler
Une place au Soleil !
La lecture de ce premier poème permet de souligner que le
poète se soucie, dès l’ouverture de son recueil, de conférer à son vers
une liberté d’expression autonome. Son travail sur sa langue amazighe
maternelle, plus précisément sur le tarifit, pour produire ses poèmes,
n’est soumis à aucune règle de versification préétablie. La
composition rhétorique du poème s’insurge plutôt contre l’usage
conformiste d’un langage mesurable habituel ; plus encore, le poète
semble être tenté par l’élaboration d’une rhétorique, à la fois libre et
libératrice, de la prose 1 amazighe pour écrire ses vers. Le profil
typographique même du poème, notamment dans sa production
amazighe originale, échappe aux exigences de toute caractérisation
formelle préalable : aucune strophe, aucune rime riche, aucune coupe,
aucun hémistiche, aucun retour anaphorique ni même épiphorique,
aucun rythme linguistique régulier, au sens de l’alexandrin français
classique, ne régit la configuration du poème. Outre ces traits
informels qui caractérisent ce poème, et qui s’inscrivent aux antipodes
d’une prosodie normative, il y a lieu de souligner que le poème se
confond avec le récit laconique d’une mémoire traumatisée2, celle du
« je » du poète qui ne cesse de partir à la recherche de son identité
amazighe3, et de s’interroger ainsi, sur son statut de citoyen digne de
respect, de reconnaissance et d’une personnalité honorable au sein
d’une société hétérogène et polyglotte. Dans ce cadre de confusion et
de fusion des genres littéraires, rien n’empêche de prendre le même
1
- On rappelle que Paul Claudel, le poète français (1868-1955, et l’auteur de L’Art
poétique (1904), souligne que « Tout ce qu’il ya en français d’invention, de force, de
passion, d’éloquence, de rêve, de verve…chez nous ne se trouve pas dans la poésie,
mais dans la prose. » in Le Petit Robert, éditions Dictionnaires Le Robert, 1987, p.
p. 1551, 1552.
2
- Le poème épouse dès le premier vers, l’allure d’un récit autobiographique qui
avance par description. En fait, l’effet traumatisant qui semble surgir du récit de
mémoire du poète, est rendu sensible dans le poème par le recours à "la parataxe",
procédé de construction syntaxique consistant à juxtaposer des phrases sans
expliciter par une particule de subordination le rapport de dépendance qui existe
entre elles.
3
- Les vers 6, 7, 8, 9 et 10 le soulignent parfaitement.
[281]
poème pour une tirade de théâtre : le « je » du poète se permet de se
déguiser en acteur, il prend ainsi en charge sa tirade-monologue pour
valoriser, interroger et faire agir et réagir son cher spectateur
concitoyen amazigh. Explicitement, ce sont les vers 12, 17, 18, 19 et
20 qui expriment ce raisonnement théâtral.
2 - Hammadi d Σbesram
L’investissement du genre narratif, dans sa forme dialogique et
dramatique, apparaît clairement dans le neuvième poème : Hammadi d
Σbesram1. Dans sa structure rhétorico-linguistique originale, ce poème
narrativo-dramatique s’étale sur trois pages, soit au total une
composition de 121 vers libres. Nous ne nous contenterons de citer
que les 38 vers de la première page :
Yeqqim Hammadi d Σbesram, 1
Ssawaren x wemcum-a n zman. 2
Yenna-s Hammadi: 3
“A Σbesram a Yuma! 4
Ussan trahen εeddan. 5
Isegwasen tasen-d xwan. 6
Ur ttiwin xayli taqebbit n yewzan.” 7
Hammadi yessawar. 8
Σbesram yetxemmam. 9
Yenna-s Hammadi : 10
“Rbar-inek ur da yeği. 11
Nec ssawareγ akid-k. 12
Cek trahed ur ssineγ mani?” 13
Yenna-s Σbesram: 14
“Ur x-i taγ a Hammadi a Yuma! 15
Tufid-ayi txemmameγ. 16
Deg wemcum-a n zman. 17
Imerek-ayi baba, 18
Nac εad d amezyan. 19
Nessenta netmenγa, 20
Yessufrγ-ayi zeg wexxam, 21
Ad bniγ ur γar-i. 22
Ad qqimeγ d iγufan. 23
Ijj n rbar yeqqar-ayi, 24
Ad ksiγ aqrab-inu, 25
1
- "Le poème-récit-dialogue" figure aux pages 27, 28 et 29 du recueil.
[282]
Ad kkeγ mani ci. 26
Ijj n rbar yeqqar-ayi, 27
Qim gi tmurt-inek. 28
Xayli ad tecced car. 29
Ad yehna wur-inek.” 30
Yenna-s Hammadi : 31
“Amnus Yuza γar-i. 32
Ad ksiγ aqrab-inu, 33
Ad uwceγ irefyafi. 34
Ad raheγ ad ddarreγ, 35
Xayli gi tmurt n urumi. 36
Yenna-s Σbsram: 37
Qim a Hammadi! 38
Traduction :
Hammadi et Abdeslam, déçus par les déconvenues du temps,
Se mirent à causer.
Ô ! Abdeslam ! Ô ! mon frère ! les jours passent sans retour,
Que d’années stériles vécues !
Même pas une brassée d’orge, dit Hammadi.
Abdeslam plongé dans ses pensées :
Et Hammadi de poursuivre :
La présence d’esprit te fait défaut ;
C’est a toi que je m’adresse, sois donc bien attentif !
Tu es parti, je ne sais où.
Abdeslam rétorque :
Il ne faut pas m’en vouloir, Ô Hammadi ! Ô mon frère !
Tu me rappelle cette époque maudite.
Jeune et pour me plier a la volonté du patriarche, j’ai pris
femme.
Ce fut un début d’altercations,
Je fus expulsé de la demeure paternelle.
Construire un logis, il n’en est pas question ;
Vivre sous le toit paternel est un désagrément.
Je fus hanté par l’idée de plier bagage, de prendre mon sac,
Aller quelque part, n’importe où.
Une voix intérieure me contredit et me retient.
Ne vas nulle part, tu es chez toi, c’est ton pays !
Quitte a se nourrir de terre comme pitance,
Et Hammadi de lui répondre :
[283]
Je n’en peux plus, je vais plier bagage,
J’irai par monts et vaux, j’irai vivre ailleurs, là-bas,
En Europe, ma terre d’élection
Abdeslam reprend de nouveau :
Hammadi tu dois rester !
Ta terre natale est préférable à l « Europe.
Nombreux ceux qui sont partis, et sont revenus,
Séduits par ce voyage bien avant toi et moi.
Ils ont regagné leur pays, ils ont retrouvé les leurs.
Page tournée pour toujours.
En lisant la totalité des vers qui composent ce neuvième
poème, on s’aperçoit bien que le poète adopte la position d’un
narrateur omniscient qui s’ingénie à rapporter le dialogue dramatique
de ses personnages. Plongés dans leurs pensées, les personnages en
question, Hammadi d Σbesram, dans leur lexique populaire amazigh,
dialoguent et discutent entre eux le destin de leur situation familiale et
le grand problème à affronter seuls les aléas du temps et à mener une
vie de dépaysés à jamais désabusés. Le fait de confier et de conférer à
ces vers libres ce mode de "focalisation zéro" ou de "vision par
derrière les personnages", témoigne du grand intérêt de l’auteur féru à
sonder, à embrasser et à réhabiliter les témoignages d’une littérature
ancestrale amazighe 1 , inspiratrice de l’écrivain poète. Hammadi d
Σbesram est d’une facture particulièrement riche. Tant par sa manière
de communication folklorique, celle qui se rapporte aux témoignages
des deux personnages qui racontent, à tour de rôle, que par sa
composition poétique, celle qui renvoie au travail de la
communication écrite du poète-scripteur, le poème parvient à exciter
la curiosité du lecteur, à faire adhérer ce dernier au discours rapporté
du poète, un discours qui émane notamment des recoins les plus
oubliés du Rif du Maroc, et qui s’évertue à mettre l’accent sur le droit
des concitoyens à la vie équitable au sein de leur terre natale.
Si les deux poèmes analysés ci-dessus, le premier et le
neuvième, sont élaborés en fonction d’une articulation rhétorique qui
1
- Cet engagement du poète à défendre l’identité culturelle amazighe et à réhabiliter
le patrimoine socio-culturel de ses ancêtres, est très sensible dans son seizième
poème intitulé « Tiggaz n tmaziγt deg waği n imaziγen » traduit en français par :
«Tatouages indélébiles dans l’imaginaire des Amazighe ». (Ce poème est composé
de 46 vers. Il figure à la page 54 du recueil).
[284]
prête à confusion, et ce, en abolissant les frontières1 entre le poétique,
l’autobiographique, le narratif et le dramatique, Imeţţawen n tamja, le
recueil, offre aussi chance à d’autres poèmes pour régénérer le conte,
le genre du voyage et celui de l’épistolaire.
3 - Tumat-nni iεarqen
Dans le quinzième poème intitulé Tumat-nni iεarqen/« Nos
frères immigrés » (composé de 98 vers et figurant à la page 48 du
recueil), il arrive au poète de raisonner en termes d’un sage-conteur. Il
suggère que le conte est un héritage populaire indispensable à toute
société. Cet héritage permet d’instaurer entre les gens la solidarité,
l’altruisme, l’échange psycho-verbal et participe à déterminer leur
dignité culturelle. Aux yeux du poète, une société sans contes est une
société déjà morte. Ainsi, usant d’une figure de prosopopée, va-t-il
jusqu'à faire du concept « Azul » le portrait moral d’un pédagogueformateur qui enseigne à ses élèves une didactique de conte oral
amazigh :
[…],
Maca "Az-u-u-u-ul,"(vers 58)
D wenni i da-k izedγen ur. 59
D wenni d amezgaru, 60
I d-ak yddfen aği. 61
D wenni i d-ak yarezmen aqemmum. 62
Yudef-ak reεwin, 63
Γar tura d agemmum. 64
Ynnejbed-ak yri! 65
Issermed-ak tawarin, 66
Σad ira teğid deg whsi. 67
Iεawed-ak tihuja, 68
Γar tfawt n taziri. 69
Ou encore, en s’dressant à Numidia2 :
Iketsi-ayi ci n wecεad,(vers 1)
1
- On rappelle que dans Le livre à venir (1959), Maurice Blanchot écrit : « Seul
importe le livre, tel qu’il est, loin des genres, en dehors des rubriques sous lesquelles
il refuse de se ranger et auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et de
déterminer sa forme. Un livre n’appartient plus à un genre, tout livre relève de la
seule littérature. (Cité dans Introduction à la littérature fantastique de Todorov,
édité chez Seuil en 1970, p. 12)
2
- Le poème rifain s’intitule Numidya taΣεqqayt n unina. Il est composé de 23 vers
(voir p. 57 du recueil)
[285]
Yessawad-ayi γar Beyya. 2
Ad γraγ ict thijit
3
Zdat i Numidia.
4
[…]
Ad ksiγ ifassen γar ujenna. 15
Ad raγiγ:
16
A Nuuuu-miiii-dia-aaaaaaaa !17
Traduction :
[…],
Quand à "Azuu-uu-uul",
Profondément enraciné dans ton cœur.
Il s’est accaparé ton imaginaire depuis l’enfance ;
Il fut au commencement de tes balbutiements d’enfant.
La brise s’est engouffrée au sein de tes entrailles ;
C’est lui qui t’a vu grandir, il fut au commencement de la
parole ;
Tu étais alors dans le giron maternel.
Il t’a raconté des contes, au clair de lune ;
Ou encore dans le poème Numidia sonnant le glas1 :
Une agitation confuse,
Une saute d’humeur subite me prend ;
Elle me transporte vers Beyya,
Pour narrer un conte à Numidia.
[…]
A voix haute :
Je crierai de toutes mes forces et j’appellerai
Nuuuu-miiii-dia-aaaaaaaa
1
- le poème figure à la page 58 du recueil. Sa version française se compose de 16
vers.
[286]
4 - Tabrat γar umezruy
Le genre épistolaire fait, lui aussi, partie intégrante de la
structure génétique de la poésie libre d’El Manchouri. Dans son dixhuitième poème, Tabrat γar umezruy 1 /« Lettre pour l’histoire »,
composé de 43 vers, le poète, homme du devoir, se consacre à
l’écriture d’une lettre indélébile en hommage à la mémoire de ses
ancêtres amazighs, mais aussi à toute la jeune génération descendante.
Le message est clair dans la lettre : le poète, tout en s’adressant
métonymiquement aux Historiens2 du monde, se dresse contre toute
idéologie raciale qui s’ingénie à faire de l’Homme Amazigh,
originaire de son pays, un simple indigène relégué au second plan.
Plus précisément, il s’élève contre le fait de marginaliser son statut
social, son droit à la liberté d’expression, à lire et à écrire dans sa
langue amazighe, sans oublier, bien entendu, de défier et de prévenir
contre ceux qui cherchent derrière les coulisses à porter atteinte et à
effacer son passé historique vraiment chargé. En effet, dans sa lettre,
le poète ne se contente pas uniquement d’écrire et de décrire à titre de
rappels, mais il s’engage à fonder une Ecole d’Azul capable
d’enseigner l’Histoire Vraie des Imazighen, les amoureux de la terre,
d’amener la jeune génération amazighe à prendre conscience de son
identité culturelle, et d’encourager ainsi, l’élan dynamique de la plume
à dénoncer toute forme d’exclusion et de marginalisation :
[…],(vers1)
Ad awyγ tanekkayt,
Γar umezruy ad-as iniγ,18
Qa teqqimed ur tarid.
Xayli min ur k-nniγ,
Xayli d awar-inu.
Jjin-ayi ur t-γriγ
Xayli tira-inu.
Jjin-ayi ur tent-uriγ.
Ţa.. tudart n-yehsaren, 25
Derqem-ayi ad dewreγ tfuyt.
Adfer ad t-ssefsiγ. 32
[…], 33
Ads sesweγ ddemnet.
1
2
- Voir pages 59 et 60 du recueil.
- Voir le vers 18 du poème.
[287]
Min yemmuten ad t-sseγmiγ.
Ad t-mjareγ d tidet,
I ysgman ad asent ariγ.
Ad assent jjeγ d tabrat, 41
Ad assen iniγ :
"Ha min zriγ!" (vers 43)
Traduction :
[…]
Je dirai à l’Histoire, haut et fort :
L’amnésie est impardonnable,
L’oubli, l’omission sont inadmissibles,
Même si j’ai des trous de mémoire ;
Surtout ma langue et ma culture en jachère, Exclues de
l’école ;
La graphie millénaire des Ancêtres,
Non consignée par écrit ;
Libérez-moi, j’ai envie de m’exprimer,
De dire l’indicible.
[…],
Je raviverai les lettres incultes ;
La moisson sera abondante.
J’écrirai pour les générations montantes,
Je leur laisserai une lettre ;
Témoin d’une époque,
Je dirai ce que je fus.
Ce que j’ai vu
Ce que j’ai vécu.
[288]
5 -Tamassint
Le caractère variétal et extensif d’Imeţţawen n tamja est
appuyé aussi par le style du voyage adopté par le poète. En fait,
Tamassint, le vingtième poème 1 du recueil, est révélateur de sens.
Dans son mouvement rhétorique global, le poème en question se veut
une sorte de dédicace apologétique à la bien-aimée du poète. Cette
Dulcinée 2 , digne d’amour, d’éloge et d’apologie, n’est autre que
l’entourage socioculturel amazigh où l’auteur du recueil a grandi.
Autrement dit, Tamassint, le titre du poème, est aussi le nom du
village natal d’El Manchouri. Après avoir présenté ses compliments à
sa Princesse Amazighe3, et évoqué les qualités de celle-ci, le poète,
usant d’une métaphore filée, se lance hardiment dans une sorte
d’invitation au voyage baudelairien pour partir à la découverte d’un
Soleil Amazigh, Le Soleil des Indépendances. La bien-aimée tend au
poète sa main enluminée de henné4, et le voyage s’effectue ensemble
comme le soulignent bien les seize derniers vers5 du poème dans sa
graphie latine :
[…].
Uca-yi-d fus-inem!(Vers 29)
Arwah ad negg iij n uratar.
Ad nessij x tmura
Ur netγimi deg igendar.
Ad nemmuti ad neεda.
Ad nari ad neddar.
Ad nessuref ad nugur.
S twengint ad nenneεgar.
1
- Dans son articulation rhétorico-lexicale amazighe, le poème s’étale sur une
longueur de 44 vers. Sa version française ne comporte que 37 vers. (Voir le recueil,
p. p. 65, 66, 67 et 68)
2
-Nous nous référons ici à la femme aimée de Don Quichotte. Pour Abdellah El
Manchouri, il s’agit bien de son village natal qui lui a inspiré ce poème.
3
- On rappelle que Siham Bouhlal, une écrivaine marocaine casablancaise
d’expression française, et qui vit à Paris depuis vingt-cinq ans, a écrit un roman qui
s’intitule La Princesse Amazighe (voir Le Magazine Littéraire du Maroc, « Les
Ecrivains de la diaspora marocaine », Numéro Hors-série, été 2010, P. 7 et p. 111.
4
- Plante naturelle des régions tropicales dont les feuilles sèches fournissent une
poudre colorante, jaune ou rouge, utilisée par les femmes amazighes pour enluminer
leurs mains et pieds, et teinter leurs chevelures.
5
- L’invitation au voyage est manifeste dès le vers 29 et continue jusqu’au derniers
vers, le vers 44.
[289]
Mummu-nneγ d rağaγ,
Γar tiysi n rebhar.
Aği-nneγ ttarayt.
Aked itran ad nemzar.
Tikri-nneγ timahaγ.
A may-s d yeccab tya.
Char ma yenned webrid,
Char ma yeğa d azegrar. (vers 44)
Traduction :
[…]
Tends-toi la main ! (vers 22)
Viens par là, cheminons ensemble !
Nous irons à la conquête des contrées lointaines,
Détachons les entraves ! (vers 25)
Nous cheminerons,
Nous irons en deçà,
Nous irons par monts et vaux,
Nous ferons une longue marche, lucide et digne.
Nos regards pénétreront l’intimité des choses, (vers 30)
Scrutant les profondeurs maritimes,
La pensée en ascension,
Nous échangerons un regard dans la galaxie.
Notre voyage n’est qu’un départ,
Vers des lieux baignés de Soleil.
Même si le chemin est tortueux,
Même si le chemin est si long. (vers 37)
[290]
Conclusion :
Au terme de cette modeste réflexion sur la rencontre et la
fusion des genres littéraires dans Imeţţawen n tamja, et qui fait partie
intégrante de la problématique des genres littéraires amazighs, il
importe de retenir que chez Abdellah El Manchouri la poésie ne doit
pas signifier impérativement en termes d’une métrique préétablie, ni
même, non plus, obéir aux exigences d’une théorie des frontières entre
les genres littéraires. Aux yeux du poète amazigh rifain, tant qu’il y a
effort de style, il y a poésie, et par conséquent, cette Muse est à
définir, en premier lieu, en fonction de la question de vocation
artistique. Elle est à concevoir comme un travail d’articulation
rhétorique à la fois libre et libérateur, une sorte de "tout-culturel plus
vaste" au service d’une fusion, d’une synthèse et d’une neutralisation
des limites entre les genres littéraires. C’est à plus forte raison, le cas
de ses vers libres1, mais aussi de son livre intitulé TTeqsiret γar tfawt
n taziri2 où il essaie de montrer qu’il n’y a aucune nécessité qu’une
œuvre littéraire incarne fidèlement tel ou tel genre littéraire, et qu’à
vrai dire, l’essentiel n’existe pas dans la catégorie littéraire, mais dans
le but et le souci d’avoir quelque chose à dire et à transmettre au
lecteur. Autrement dit, la richesse de la poéticité, ou encore, la
littérarité poétique d’un texte écrit en vers est à chercher, avant tout,
dans l’investissement d’un mélange de "faires émissifs" et de
représentations culturelles fondateur d’une synergie de ce texte
poétisé.
Du reste, espace de fécondités artistiques où viennent se
croiser une variété de voix et de voies autobiographique, narrative,
dramatique, épistolaire, d’effets de voyage…, Imeţţawen n tamja, loin
de tout découpage syllabique, est aussi une sorte de lecture
doublement significative : une lecture historique et évaluative du
patrimoine socioculturel amazigh, lequel patrimoine est digne
d’hommage et d’enseignement/apprentissage, mais aussi une lecture
qui prend conscience de se redéfinir en fonction de l’importance d’une
création littéraire, notamment en matière de poésie amazighe rifaine,
en rupture avec toute exigence métrique et toute conception qui vise à
établir des frontières étanches entre les genres littéraires.
1
- Pour Abdellah EL MANCHOURI, le choix d’un hexasyllabe, d’un octosyllabe,
d’un décasyllabe ou d’un alexandrin est un choix subjectif, il n’obéit à aucun critère
scientifique. Le vers, au contraire, ne doit pas avoir de limite métrique, il est, par sa
nature de diction rhétorique, insaturable, et il est inutile de s’ingénier à l’arrêter, sur
le plan de découpage syllabique, ici plutôt que là.
2
- Le livre est traduit en arabe sous le titre de
‫ءا‬
, Tanger : Editions
Slaiki frères, 2011.
[291]
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[293]
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[294]
[295]
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‫‪ -‬اﻷﺳﺘﺎذ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺑﺪاري ﻛﻤﺎل رﺋﻴﺲ ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺑﺎﻟﺒﻮﻳﺮة‬
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‫ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻃﻬﺮاوي ﺑﻮﻋﻼم‬‫ اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻣﻠﻮك راﺑﺢ‬‫‪ -‬اﻟﺪﻛﺘﻮرة دﺣﻤﻮن ﻛﻬﻴﻨﺔ‬
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‫ ﺑﻮدراع ﺣﺒﻴﺒﺔ‬‫ ﳎﺎدي ﺟﺠﻴﻘﺔ‬‫ دوﻳﻚ رزﻳﻘﺔ‬‫‪ -‬ﺑﻮدﻳﺔ ﻋﺒﺪ اﻟﺮزاق‬
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‫ﻳﻮﺳﻒ ﻧﺴﻴﺐ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ اﳉﺰاﺋﺮ‬
‫ﺑﻮراﻳﻮ ﻋﺒﺪ اﳊﻤﻴﺪ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ اﳉﺰاﺋﺮ‬
‫أﻋﻤﺎروش أﳏﻨﺪ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺒﻮﻳﺮة‬
‫ﺑﻦ ﺣﺎﻛﻴﺔ ﺣﺴﻦ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ وﺟﺪة‪ ،‬اﳌﻐﺮب‬
‫ﺣﺪادو ﳏﻨﺪ أﻛﻠﻲ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو‬
‫ﺗﻘﺰﻳﺮي ﻧﻮرة‪ ،‬أﺳﺘﺎذة اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو‬
‫ﻧﺎﻳﺖ زراد ﻛﻤﺎل‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺑﺎرﻳﺲ‪ ،‬ﻓﺮﻧﺴﺎ‬
‫دﻣﻘﻠﻴﻮ آﻻن‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻛﻮرس‪ ،‬ﻓﺮﻧﺴﺎ‬
‫ﺑﻮﻋﻤﺎرة ﻛﻤﺎل‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ‬
‫اﻷدك ﻣﺼﻄﻔﻰ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ وﺟﺪة‪ ،‬اﳌﻐﺮب‬
‫ﻧﺎﺑﱵ أﻋﻤﺮ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو‬
‫]‪[296‬‬
‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‬‫‪-‬‬
‫ﺟﻼوي ﳏﻤﺪ‪ ،‬أﺳﺘﺎذ اﻟﺘﻌﻠﻴﻢ اﻟﻌﺎﱄ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺒﻮﻳﺮة‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر اﳋﻄﲑ أﺑﻮ اﻟﻘﺎﺳﻢ أﻓﻮﻻي‪ ،‬اﳌﻌﻬﺪ اﳌﻠﻜﻠﻲ ﻟﻠﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ ،‬اﳌﻐﺮب‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر أﻣﺰﻳﺎن ﻋﻤﺮ‪ ،‬ﻣﻌﻬﺪ اﻟﻠﻐﺎت و اﳊﻀﺎرات اﻟﺸﺮﻗﻴﺔ ﺑﺒﺎرﻳﺲ‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺳﺎﻋﺔ ﻓﺆاد‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس‪ ،‬اﳌﻐﺮب‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺟﺮﻣﻮﱐ ﻫﺎﺷﻢ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس‪ ،‬اﳌﻐﺮب‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺑﻦ ﻋﺒﺎس ﻣﺼﻄﻔﻰ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﳏﻤﺪ اﻷول‪ ،‬وﺟﺪة ﺑﺎﳌﻐﺮب‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻗﺠﻴﺒﺔ ﻧﺎﺻﺮ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻋﺒﺎس ﻟﻐﺮور‪ ،‬ﺧﻨﺸﻠﺔ‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﺻﺎﳊﻲ ﳏﻨﺪ أﻛﻠﻲ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر إﻣﺮازن ﻣﻮﺳﻰ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺗﻴﺰي وزو‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﻣﻜﺴﻢ زﻫﲑ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ‬
‫اﻟﺪﻛﺘﻮر ﳏﺮازي ﳏﻨﺪ‪ ،‬ﺟﺎﻣﻌﺔ ﲜﺎﻳﺔ‬
‫]‪[297‬‬
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‫‪@Êì™ì½a‬‬
‫‪òzЖÛa‬‬
‫اﻟﻤﻘـ ـ ـ ـ ـ ـ ـ ـ ــﺪﻣ ـ ـ ــﺔ‬
‫‪05‬‬
‫• اﻷﻧﻤﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻓﻲ واﺣﺔ ﻓﮕﻴﮓ‬
‫د‪ .‬ﻓﺆاد ﺳﺎﻋﺔ‬
‫‪11‬‬
‫ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻓﺎس ‪ -‬اﻟﻤﻐﺮب‬
‫ﻌﺮي )دراﺳﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ‬
‫• ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ اﻟﺠﻨﺲ اﻟ ّ‬
‫ﺸ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ ﺑﻴﻦ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ(‬
‫أﻏﺮاض اﻟ ّ‬
‫‪21‬‬
‫ﺑﻠﻮﻟﻲ ﻓﺮﺣﺎت‬
‫ﺟﺎﻣﻌﺔ آﻛﻠﻲ ﻣﺤﻨﺪ أوﻟﺤﺎج ﺑﺎﻟﺒﻮﻳﺮة‬
‫• اﻷﻧﻤﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺑﺎﻷﻃﻠﺲ اﻟﻤﺘﻮﺳﻂ‬
‫)وﺳﻂ اﻟﻤﻐﺮب(‬
‫ﻣـﺤـ ـﻨـ ــﺪ اﻟﺮ ـ‬
‫ﻛﻠﻴ ـ ــﺔ اﻵداب واﻟﻌﻠـ ــﻮم اﻹﻧﺴﺎﻧﻴــﺔ‬
‫ﺳﺎﻳ ـ ــﺲ‪ -‬ﻓـ ـ ــﺎس‬
‫]‪[298‬‬
‫‪35‬‬
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[299]
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[303]
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‫ﺟﺎﻣﻌﺔ ﺳﻴﺪي ﻣﺤﻤﺪ ﺑﻦ ﻋﺒﺪ اﷲ ‪ -‬ﺳﺎﻳﺲ ﻓﺎس – اﻟﻤﻐﺮب‬
‫‪* (+‬‬
‫ﺗﺮوم ﻫﺬﻩ اﳌﺪاﺧﻠﺔ إﻋﻄﺎء ﺻﻮرة ﻣﺘﻜﺎﻣﻠﺔ ﻋﻦ اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ أو‬
‫اﻟﻘﺪﳝﺔ ﰲ واﺣﺔ ﻓﮕﻴﮓ‪ .‬وﰲ اﻟﺒﺪاﻳﺔ ﳝﻜﻦ ﺗﻘﺴﻴﻢ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴﺔ اﳌﺘﻮاﺟﺪة ﰲ‬
‫ﻓﻴﮕﻴﮓ وﻋﻠﻰ ﻏﺮار اﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﺴﺎﺋﺪة إﱃ ﻗﺴﻤﲔ ﻣﺘﻤﺎﻳﺰﻳﻦ ﳘﺎ اﻟﺸﻌﺮ واﻟﻨﺜﺮ‪.‬‬
‫وﺑﺎﻻرﺗﻜﺎز ﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ﺳﻨﻌﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﺟﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮ إﱃ ﻓﺮوﻋﻪ ﺑﻨﺎء ﻋﻠﻰ‬
‫ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻫﺬﻩ اﻟﻔﺮوع ﳏﻠﻴﺎ وﻋﻠﻰ ﲰﺎ‪‬ﺎ اﳌﻤﻴﺰة ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻟﺸﻜﻞ واﳌﻀﻤﻮن واﻷداء‪.‬‬
‫وذﻟﻚ ﻗﺼﺪ ﲢﺪﻳﺪﻫﺎ ﻣﻦ ﺟﻬﺔ وﻗﺼﺪ رﺻﺪ اﳌﺨﺘﻠﻒ واﳌﺸﱰك ﺑﻴﻨﻬﺎ وﺑﲔ اﻷﺟﻨﺎس‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﰲ ﻣﻨﺎﻃﻖ أﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ أﺧﺮى‪.‬‬
‫اﺧﺘﻠﻔﺖ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﱵ ﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﻌﺮ وأﺻﻨﺎﻓﻪ ﺑﺎﺧﺘﻼف اﳌﻨﺎﻃﻖ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ واﳌﻮاﺿﻴﻊ واﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﻳﺆدى ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻘﻮل اﳌﻨﻈﻮم‪ ،‬وﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت‬
‫ﻣﺎ ﻫﻮ ﺧﺎص ﲟﻨﻄﻘﺔ دون أﺧﺮى وﻣﻨﻬﺎ ﻣﺎ ﻫﻮ ﻣﺸﱰك ﺑﲔ اﳌﻨﺎﻃﻖ ﺑﺄﺳﺮﻫﺎ أو ﲟﺠﻤﻠﻬﺎ‪.‬‬
‫واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﳌﻼﺣﻈﺔ ﻫﻨﺎ أﻻ ﻣﻌﺮﻓﺔ ﻷﻫﻞ ﺑﻔﮕﻴﮓ ﲟﺼﻄﻠﺤﺎت ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ إﻳﺴﻔﺮا‬
‫وأﻣﺎرگ‪ ،‬وإﻳﺰﻻن‪ ،‬وﺗﺎﻣﺎواﻳﺖ‪ ،‬وﺗﺎﻳﻔﺎرت‪ ،‬وﺗﻴﻤﺪﻳﺎزﻳﻦ وﻏﲑﻫﺎ ﻣﻦ اﳌﺴﻤﻴﺎت‬
‫اﳌﺘﺪاوﻟﺔ واﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ أﻏﻠﺐ اﳉﻬﺎت‪ .‬وﳑﺎ ﻳﺜﲑ اﻻﻧﺘﺒﺎﻩ ﻛﺬﻟﻚ أن ﻣﻨﻄﻘﺔ ﻓﮕﻴﮓ ورﲟﺎ‬
‫ا‪‬ﺘﻤﻌﺎت اﻟﻮاﺣﻴﺔ ﺑﺼﻔﺔ ﻋﺎﻣﺔ ﱂ ﺗﻌﺮف ﻇﺎﻫﺮة اﻟﺸﻌﺮاء اﳌﺘﻨﻘﻠﲔ ﺑﲔ اﻟﺮﺑﻮع اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‬
‫ا‪‬ﺎورة‪ .‬وﻻ ﳜﻔﻰ ﻣﺎ ﻛﺎن ﳍﺬﻩ اﻟﻈﺎﻫﺮة ﻣﻦ أﺛﺮ ﺑﺎﻟﻎ ﰲ اﻧﺘﺸﺎر اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺨﺘﻠﻔﺔ‬
‫اﳌﺸﺎرب وﰲ ﺻﻘﻞ اﻟﻘﺼﻴﺪة وإﺗﻘﺎ‪‬ﺎ ﺣﱴ أن اﻟﺘﻔﺎوت ﺑﲔ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﺘﺒﺎﻋﺪة‬
‫أﺻﺒﺢ ﺟﻠﻴﺎ ﻋﻠﻰ ﲨﻴﻊ اﳌﺴﺘﻮﻳﺎت وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻨﻬﺎ وزن اﻟﻘﺼﻴﺪة وأداﺋﻬﺎ‪ .‬ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ‬
‫]‪[304‬‬
‫اﻟﻘﻮل إن ا‪‬ﺘﻤﻌﺎت اﻟﻮاﺣﻴﺔ ﳎﺘﻤﻌﺎت اﻧﻜﻔﺎﺋﻴﺔ‪ ،‬وﻣﻦ ﰎ ﻻ ﻏﺮو أن ﺗﻨﻔﺮد ﺑﺬا‪‬ﺎ وأن‬
‫ﺗﺘﻤﻴﺰ ﲞﺼﻮﺻﻴﺎ‪‬ﺎ ﻋﻦ ﻏﲑﻫﺎ ﰲ ﳎﺎل اﻹﺑﺪاع اﻷدﰊ واﻟﻔﲏ‪.‬‬
‫إن أول ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻳﺼﺎدﻓﻨﺎ ﰲ واﺣﺔ ﻓﮕﻴﮓ ﰲ ﳎﺎل اﻟﺸﻌﺮ ﻫﻮ ﻣﺼﻄﻠﺢ‬
‫أﺳﻬﺮوري اﻟﺬي ﻳﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﻟﺼﻮت اﻟﺸﺠﻲ وﺧﺎﺻﺔ اﻟﺬي ﲢﺪﺛﻪ اﻟﻨﺴﻮة ﻋﻨﺪ أداﺋﻬﻦ‬
‫ﻟﻠﻤﻘﻄﻮﻋﺎت اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺸﺠﻮ‪‬ﻦ‪ ،‬إذ ﻣﻦ ﺧﻼﻟﻪ ﻳﻌﱪن ﻋﻦ ﻟﻮاﻋﺠﻬﻦ وأﺣﺰا‪‬ﻦ‬
‫وﺑﻪ ﻳﻌﻤﺪن إﱃ ﻫﺪﻫﺪة أﻃﻔﺎﳍﻦ ﳑﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﺄزوزن وﻣﺪاﻋﺒﺘﻬﻢ وﺗﻨﺸﻴﻄﻬﻢ ﻣﻦ ﺧﻼل‬
‫"أﺳﺮﻛﺾ" أو أﺳﺮﻗﺺ ﻛﻤﺎ ﻳﻘﺎل ﰲ اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻴﺔ‪ .‬ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﻳﻌﺘﱪ أﺳﻬﺮوري ﺷﻌﺮا ﻧﺴﺎﺋﻴﺎ‬
‫ﺑﺎﻣﺘﻴﺎز‪ ،‬ﻳﺘﻄﺮﻗﻦ ﻓﻴﻪ ﳌﺨﺘﻠﻒ اﻷﻏﺮاض اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﲟﺸﺎﻋﺮ اﻷﻣﻮﻣﺔ واﻟﺸﻮق‬
‫واﻻﻓﺘﺨﺎر واﳌﺪح واﻟﻐﺰل اﻟﻌﻔﻴﻒ إﱁ‪ .‬أﻣﺎ ﻋﻦ اﳌﺼﻄﻠﺢ أﺳﻬﺮوري اﻟﺬي ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ ﰲ‬
‫اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻴﺔ أﺳﻬﻮل‪ ‬ﻓﻬﻮ ﻣﺼﺪر ﻣﺸﺘﻖ ﺑﺰﻳﺎدة اﻟﺴﲔ اﻟﺪاﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﳉﻌﻠﻴﺔ‪ ،‬وﺑﺎﻟﻨﻈﺮ ﻣﻦ‬
‫اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺼﺮﻓﻴﺔ إﱃ اﳉﺬر اﻟﺬي ﻳﺘﻜﻮن ﻣﻨﻪ‪ ،‬ﳒﺪ أن اﳊﺮوف اﻷﺻﻮل ﰲ ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ‬
‫ﻫﻲ اﳍﺎء واﻟﺮاء اﳌﻜﺮرة أو اﳌﻀﻌﻔﺔ واﻟﻴﺎء ﺑﺎﻋﺘﺒﺎر أن اﻟﻀﻤﺔ ﺗﺘﻐﲑ ﺣﺴﺐ اﻟﺼﻴﻐﺔ ﻛﻤﺎ‬
‫ﻫﻮ اﳊﺎل ﰲ اﳌﺆﻧﺚ أي ﺗﺎﺳﻬﺮاراﻳﺖ ﲟﻌﲎ اﻟﺒﻴﺖ اﻟﺸﻌﺮي أو اﻟﻘﺼﻴﺪة وﻟﻴﺲ‬
‫ﺗﺎﺳﻬﺮورﻳﺖ‪ ،‬وﳒﺪ ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﺼﻴﻐﺔ ﰲ أﻣﺜﻠﺔ ﻛﺜﲑة ﻣﺜﻞ اﳌﺼﺪر أﺳﻘﻨﻮﻧﻲ "دﺣﺮﺟﺔ"‬
‫واﻟﺼﻔﺔ أﻗﻨﺎﻧَﺎي "ﻛﺮوي"‪ .‬أﻣﺎ ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﱃ اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﳌﻌﺠﻤﻴﺔ وﺑﺎﻟﺮﺟﻮع إﱃ‬
‫ﻣﻌﺠﻢ ﻣﻴﻠﻮد اﻟﻄﺎﻳﻔﻲ ﺣﻮل ﻓﺮع ﺗﺎﻣﺎزﻳﻐﺖ ﻣﺜﻼ ﻓﺈﻧﻨﺎ ﳒﺪ ﺛﻼﺛﺔ ﻣﺪاﺧﻞ ﻣﻌﺠﻤﻴﺔ‬
‫ﻫﺮ" ﺑﺘﻀﻌﻴﻒ اﻟﺮاء‬
‫ﺗﺘﻘﺎﺳﻢ اﳊﺮﻓﲔ اﻷﺻﻠﻴﲔ ‪ :‬اﳍﺎء واﻟﺮاء‪ .‬وﻳﻔﻴﺪ اﳌﺪﺧﻞ اﻷول " َ‬
‫ﻣﻌﺎﱐ اﻟﺪﻏﺪﻏﺔ واﳌﺪاﻋﺒﺔ واﻹﺛﺎرة واﻟﺘﻤﻠﻖ واﻹﻃﺮاب وﻟﻌﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﻮﻇﺎﺋﻒ ﻫﻲ اﻟﱵ‬
‫ﺗﺆدﻳﻬﺎ ﺗﺎﺳﻬﺮاراﻳﺖ‪ .‬أﻣﺎ اﳌﺪﺧﻞ اﳌﻌﺠﻤﻲ اﻟﺜﺎﱐ اﻳﻬﻴﺮي ﻓﻴﻔﻴﺪ اﻟﻔﺮس ذي اﳋﻄﻰ‬
‫ﻫﻮرك" ﻳﺮﺗﺒﻂ ﻛﺬﻟﻚ‬
‫اﳌﻮزوﻧﺔ واﻟﻮﻗﻊ اﳌﺘﻨﺎﻏﻢ‪ ،‬واﳌﺪﺧﻞ اﻟﺜﺎﻟﺚ "ﻫﺮك" وﻣﻨﻪ اﻟﻔﻌﻞ " ُ‬
‫ﺑﺎﻟﻔﺮس وﻳﻔﻴﺪ اﳋﺒﺐ‪ .‬اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﳋﻠﻔﻴﺔ اﻟﻠﻐﻮﻳﺔ ﻟﻠﻜﻠﻤﺔ ﻧﻼﺣﻆ أن اﳌﺼﻄﻠﺢ‬
‫ﻗﺪ اﺷﺘﻖ ﻣﻦ ﻛﻠﻤﺔ أم‪ ،‬أﻛﺜﺮ ﻣﺎ ﺗﻜﻮن ﳏﺎﻛﺎة ﻟﻠﻄﺒﻴﻌﺔ‪ ،‬وداﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﻮل اﳌﻮزون ﺑﺼﻔﺔ‬
‫]‪[305‬‬
‫ﻋﺎﻣﺔ‪ .‬وﳒﺪ إﱃ ﺟﺎﻧﺐ ﻫﺬا اﻻﺻﻄﻼح ﻛﻠﻤﺔ ﻫﺮﻫﺮ وأﺳﻬﺮﻫﺮ اﻟﱵ ﲢﻴﻞ ﻋﻠﻰ ﻫﺪﻳﺮ‬
‫اﻟﻨﻬﺮ‪ ،‬وﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ ﻛﻞ ﻗﻮل ﻣﺴﱰﺳﻞ وﻣﺆﻧﺲ ﺻﺎدر ﺑﻮﺟﻪ اﳋﺼﻮص ﻣﻦ ﺻﻮت‬
‫رﺟﺎﱄ‪ .‬وﻗﺪ ﺗﻜﺮس اﺻﻄﻼح أﺳﻬﺮوري وورد ﰲ اﻟﺸﻌﺮ اﶈﻠﻲ ﲟﻌﻨﺎﻩ ﻛﻤﺎ ﰲ ﻫﺬﻩ‬
‫اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ‪:‬‬
‫‪ara ya rara rara; aš asehrurey si lћeËË‬‬
‫‪may zzeg sad dd yaγ nnum ; wikk ifËqen wikk innum‬‬
‫أرا ﻳﺎ رارا رارا‪ ،‬ﻓﻤﺎ ﺑﺚ اﻟﺸﻜﻮى إﻻ ﻟﻠﻮﻋﺔ‬
‫وﻣﻦ أﻳﻦ اﻟﺴﺒﻴﻞ ﻟﺪﻋﺔ ﺑﻌﺪ ﻓﺮاق اﳊﺒﻴﺐ‪.‬‬
‫إﻻ أﻧﻪ إذا ﺧﺮﺟﻨﺎ ﻣﻦ اﳌﻌﲎ اﳌﻮﺳﻊ ﻷﺳﻬﺮوري ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ دﻓﻘﺎ ﻣﻮزوﻧﺎ ﻣﻦ اﻟﻘﻮل‬
‫اﻟﺸﻌﺮي اﳌﻨﻈﻮم‪ ،‬إﱃ ﻣﻌﻨﺎﻩ اﻟﻀﻴﻖ اﳌﺒﲏ ﻋﻠﻰ وﻇﻴﻔﺘﻪ ﻛﻤﺎ ﺣﺪدﻧﺎﻫﺎ ﺳﺎﺑﻘﺎ ﰲ اﻟﺘﻨﺸﻴﻂ‬
‫أو أﺳﺮﻛﺾ واﳍﺪﻫﺪة أزوزن‪ ،‬ﻓﺈن اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻳﻨﺴﺤﺐ ‪‬ﺬا اﳌﻌﲎ ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻠﻰ أﳕﺎط ﻣﻦ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻨﺴﺎﺋﻲ اﻟﺬي ﳛﺪد ﲟﻨﺎﺳﺒﺘﻪ وﺑﺎﳌﻮﺿﻮﻋﺎت اﻟﱵ ﻳﺘﻄﺮق إﻟﻴﻬﺎ‪ .‬وﻣﻦ ﰒ ﳒﺪ‬
‫ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻣﺮﻛﺒﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ أﺳﻬﺮوري ن ْرﺷﻞ‪ ،‬وأﺳﻬﺮوري ن وزﻃﺎ‪ ،‬وأﺳﻬﺮوري ن‬
‫اﻟﺤﺠﺎج‪ .‬ﻛﻤﺎ أن اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻳﺸﻤﻞ إﱃ ﺟﺎﻧﺐ ذﻟﻚ ﻛﻞ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺗﺘﻨﺎول‬
‫َ‬
‫ﻣﻮﺿﻮﻋﺎت ﳘﻮم اﳌﺮأة اﻟﻌﺎﻃﻔﻴﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ واﻟﻮﺟﻮدﻳﺔ‪ .‬واﳌﻼﺣﻆ ﰲ ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ‬
‫اﻟﺸﻌﺮي ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻟﺸﻜﻞ أﻧﻪ ﻳﺄﰐ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺑﻴﺘﲔ ﻣﺘﻜﺎﻣﻠﻲ اﳌﻌﲎ‪ ،‬ﻛﻤﺎ‬
‫ﻗﺪ ﻳﺘﻌﺪاﳘﺎ إﱃ ﲬﺴﺔ أﺑﻴﺎت أو أﻛﺜﺮ‪ ،‬وﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن اﳌﺼﻄﻠﺢ اﻟﻌﺎم‬
‫أﺳﻬﺮوري ﻳﻔﺼﺢ ﻋﻦ ﻧﻮع ﻣﻦ اﻷداء ﺑﻐﺾ اﻟﻨﻈﺮ ﻋﻦ اﳌﻮﺿﻮع واﻟﺸﻜﻞ‪ .‬وﺑﺎﻟﺘﺎﱄ‬
‫ﻳﺼﻌﺐ ﻣﻘﺎرﻧﺘﻪ ﺑﺈﻳﺰﱄ أو ﺗﺎﻣﺎواﻳﺖ‪.‬‬
‫وﻣﻦ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﺎ ﻳﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﳋﺼﻮص ﺑﻌﻤﻞ اﻟﻨﺴﻴﺞ اﻟﺬي ﻳﺸﻜﻞ ﻣﻮردا ﻣﻦ اﳌﻮارد‬
‫اﳌﺎدﻳﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ اﻟﱵ ﺗﺴﻬﻢ ‪‬ﺎ اﳌﺮأة ﰲ اﻗﺘﺼﺎد اﻷﺳﺮة‪ .‬وﻗﺪ ﳜﺘﻠﻒ ﻋﻦ ﺳﺎﺑﻘﻪ ﻣﻦ‬
‫ﺣﻴﺚ اﻷداء واﻟﺘﻴﻤﺎت واﻟﺴﻴﺎق‪ ،‬إذ ﻳﻠﻘﻰ ﺑﲔ اﻟﻨﺴﻮة ﺑﺸﻜﻞ ﻓﺮدي أو ﲨﺎﻋﻲ أﺛﻨﺎء‬
‫اﺷﺘﻐﺎﳍﻦ ﺑﺎﻟﻐﺰل واﻟﻨﺴﺞ‪ .‬وﻳﺘﻨﺎول ﻣﻮاﺿﻴﻊ ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ وﻓﻮاﺋﺪﻩ وﻻ ﳜﻠﻮا‬
‫]‪[306‬‬
‫ﻣﻦ اﻟﺼﻼة واﻟﺴﻼم ﻋﻠﻰ اﻟﻨﱯ واﻟﺘﻀﺮع إﱃ اﷲ واﻻﺳﺘﻌﺎﻧﺔ ﺑﺎﻷوﻟﻴﺎء‪ .‬و ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ‬
‫اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻳﺆدى ﺑﲔ اﳉﻤﺎﻋﺔ أﺛﻨﺎء اﻟﻌﻤﻞ ﳝﻜﻦ ﺗﻘﺴﻴﻤﻪ إﱃ ﻗﺴﻤﲔ‪ .‬ﻗﺴﻢ ﻻ ﳒﺪ‬
‫ﻟﻪ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎ ﺧﺎﺻﺎ وﻫﻮ اﳌﺘﻌﻠﻖ ﺑﺎﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ وﻣﺜﺎل ذﻟﻚ ‪:‬‬
‫‪ahamt ahamt a lhlat inux ; llmemt ibubaš inux‬‬
‫‪ad tsεed teqbilt nšemt ; ad imlel umγaË1 nšmt‬‬
‫وﻗﺴﻢ آﺧﺮ ذو ﻃﺎﺑﻊ دﻳﲏ ﺑﺎﻷﺳﺎس‪.‬‬
‫إﻻ أن اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ اﻟﱵ ﻫﻲ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻣﻨﻈﻮﻣﺎت ﻋﺮﺑﻴﺔ ﺗﺘﺨﺬ ﳍﺎ‬
‫ﻣﺴﻤﻴﺎت ﻧﺎﺑﻌﺔ إﻣﺎ ﻣﻦ أداﺋﻬﺎ أو ﻣﻦ ﻣﻮﺿﻮﻋﺎ‪‬ﺎ وﻣﻦ ﰎ ﳒﺪ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت ﻣﺜﻞ أﻣﺪح‬
‫أﺷﻮق‪ .‬واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﻘﻮل ﻫﻨﺎ إن أﺷﺮگ ﻳﻄﻠﻖ ﺑﺼﻔﺔ ﺧﺎﺻﺔ ﻋﻠﻰ اﻷﺷﻌﺎر‬
‫وأﺷﺮگ و َ‬
‫اﻟﱵ ﺗﻠﻘﻴﻬﺎ إﺣﺪى اﳌﺴﻨﺎت اﳊﺎﻓﻈﺎت ﰲ ﺣﻔﻞ اﻟﺰواج أو ﻋﻨﺪ ﺗﻮدﻳﻊ اﳊﺠﺎج ﺑﺼﻮت‬
‫ﺣﺎد وﻣﺮﺗﻔﻊ‪ ،‬ﳑﺎ ﳝﻴﺰﻩ ﻋﻦ أداء أﺳﻬﺮوري اﳍﺎدئ‪ .‬ﻓﺎﳌﺼﻄﻠﺢ ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ إذن ﳛﻴﻞ‬
‫ﻣﻦ ﺟﻬﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﺮخ اﻟﺬي ﳛﺪﺛﻪ اﻟﺼﻮت ﰲ اﳍﻮاء أﺛﻨﺎء اﻷداء‪ ،‬ﻛﻤﺎ ﻳﺪل ﻣﻦ ﺟﻬﺔ‬
‫أﺧﺮى ﻋﻠﻰ اﻷﺛﺮ اﻟﺒﺎﻟﻎ اﻟﺬي ﳜﻠﻔﻪ اﳌﻌﲎ ﰲ اﻟﻘﻠﻮب اﳌﻨﻔﻄﺮة‪ ،‬ذﻟﻚ ﻷن ﻣﻀﻤﻮﻧﻪ‬
‫ﳚﻤﻊ ﺑﲔ اﻟﺪﻧﻴﺎ واﻵﺧﺮة‪ ،‬اﻷﻧﺲ واﻟﻔﺮاق‪ .‬وﻳﻌﺪ أﺷﺮگ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ أﺧﺬت‬
‫ﺗﻨﻘﺮض ﲟﻮت ﺣﻔﺎﻇﻬﺎ وﺑﺘﻐﲑ اﻟﻄﻘﻮس واﻟﺘﻘﺎﻟﻴﺪ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ‪‬ﺎ‪ .‬أﻣﺎ أﺷﻮق ﻓﻴﺨﺘﻠﻒ ﻋﻦ‬
‫ﺻﻨﻮﻩ أﺷﺮگ ﰲ ﻛﻮﻧﻪ ﺧﺎﺻﺎ ﺑﺎﻟﺮﺟﺎل اﻟﺬﻳﻦ ﻛﺎﻧﻮا ﻳﺼﺪﺣﻮن ﻛﺬﻟﻚ ﺑﺎﻟﺼﻼة ﻋﻠﻰ‬
‫اﻟﺮﺳﻮل ﰲ ﻣﺴﺘﻬﻞ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﻳﺒﺘﻬﻠﻮن ﻓﻴﻬﺎ وﻳﺘﻀﺮﻋﻮن ﺗﻮﺳﻼ ﻟﻠﻌﻮن أﺛﻨﺎء ﳑﺎرﺳﺘﻬﻢ‬
‫ﻟﻸﺷﻐﺎل اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﻣﺜﻞ دق أرﺿﻴﺔ اﻟﺼﻬﺎرﻳﺞ‪ ،‬واﻷﺷﻐﺎل اﻟﻜﱪى ﻟﻠﺒﻨﺎء اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻘﺎم‬
‫ﺑﺸﻜﻞ ﲨﺎﻋﻲ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﻌﻤﻠﻴﺔ ﺗﻮﻳﺰا‪ .‬وﻫﻲ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ‬
‫واﻟﱵ ﺗﻼﺷﺖ ﻣﻊ ﺗﻼﺷﻲ أﺳﺲ وﻃﻘﻮس اﻷﻋﻤﺎل اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ اﻟﺘﺂزرﻳﺔ‪ .‬واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ‬
‫‪1‬‬
‫ﺗﻄﻠﻖ ﻛﻠﻤﺔ أﻣﻐﺎر ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻠﻰ ﻗﻄﻌﺔ ﻣﻦ اﻟﺼﻮف اﳌﻤﺸﻮط ﺑﻠﺒﺎﻗﺔ‪.‬‬
‫]‪[307‬‬
‫ﻫﻨﺎ إن ﻣﺼﻄﻠﺢ أﺷﻮق ﻗﺪ ﻳﻔﻴﺪ ﺣﺎﻟﺔ اﻟﻮﺟﺪ اﻟﱵ ﺗﻮﺟﺪ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﺆدﻳﺔ وﺻﻠﺔ‬
‫أﺷﺮگ‪.‬‬
‫وﻏﲑ ﺑﻌﻴﺪ ﻋﻦ ﻣﻮﺿﻮع ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ ﻣﺎ ﻳﻌﺮف ﺑﺄﻫﻠﻞ اﻟﺬي ﻳﻨﺤﺼﺮ‬
‫ﳏﻠﻴﺎ ﰲ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺴﺘﺔ اﻟﱵ ﻳﱰﱎ ‪‬ﺎ اﳌﺆذن ﺛﻼث ﻣﺮات ﻣﺴﺎء ﻛﻞ ﻳﻮم ﲬﻴﺲ ﰲ وﻗﺖ‬
‫اﻟﻌﺸﺎء إﻳﺬاﻧﺎ ﺑﻴﻮم اﳉﻤﻌﺔ‪ .‬وﻫﻲ أﺑﻴﺎت ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﰲ ﻣﺪح اﻟﺮﺳﻮل‪ .‬وﻣﻦ‬
‫اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻮاﻛﺒﻬﺎ اﻷﺷﻌﺎر اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ ﻛﺬﻟﻚ ﻋﻤﻠﻴﺔ ﺗﻠﻘﻴﺢ اﻟﻨﺨﻴﻞ‬
‫أدك َ◌ ُ◌ر"‪ ،‬وﻫﻲ ﺣﺴﺐ ﻣﺎ ﺗﻮاﻓﺮ ﻟﺪﻳﻨﺎ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻗﺼﻴﺪة ﻋﺮﺑﻴﺔ أورد ﺗﺮﲨﺘﻬﺎ إﱃ‬
‫" َ‬
‫اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ روﺳﻮ )أﻧﻈﺮ اﳌﺮاﺟﻊ( وﱂ ﺗﺘﻮارث ﻣﻨﻬﺎ اﻷﺟﻴﺎل ﺑﻌﺪ ذﻟﻚ ﺳﻮى ﺑﻌﺾ‬
‫اﻷﺑﻴﺎت‪ ،‬وﻻ ﳜﺘﻠﻒ ﳊﻦ إﻧﺸﺎد ﻫﺬﻩ اﻷﺑﻴﺎت ﻋﻦ اﻟﻠﺤﻦ أو اﻹﻳﻘﺎع اﻟﺬي ﻳﺘﺨﺬﻩ‬
‫أﻫﻠﻞ‪.‬‬
‫وﻣﻦ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﺗﻜﻮن ﺳﺎﳓﺔ ﺑﺎﻣﺘﻴﺎز ﻹﻟﻘﺎء اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﺰواج‬
‫واﻻﺣﺘﻔﺎء ﺑﺎﳊﺠﺎج ﰲ ذﻫﺎ‪‬ﻢ وإﻳﺎ‪‬ﻢ‪ .‬وﻗﺪ ﺗﺘﺨﺬ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻃﺎﺑﻌﺎ دﻳﻨﻴﺎ أو دﻧﻴﻮﻳﺎ‬
‫أو ﳘﺎ ﻣﻌﺎ‪ .‬واﳌﺼﻄﻠﺢ اﻟﺬي ﻳﻨﺴﺤﺐ ﻋﻠﻰ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻻﺣﺘﻔﺎﻟﻴﺔ ﻫﻮ ﻣﺼﻄﻠﺢ‬
‫أورار )ﺑﺘﻔﺨﻴﻢ اﻟﺮاء(‪ .‬ورﻏﻢ أن اﻟﻜﻠﻤﺔ ﺗﻄﻠﻖ ﻋﻠﻰ اﳊﻔﻞ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻛﻜﻞ وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻨﻪ‬
‫ﺣﻔﻞ اﻟﺰواج‪ ،‬ﻓﺈن اﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ إن اﻟﻜﻠﻤﺔ ﺗﻔﻴﺪ اﻟﻠﻌﺐ واﻟﱰﻓﻴﻪ‪ ،‬واﻟﻜﻠﻤﺔ ذا‪‬ﺎ ﳒﺪﻫﺎ‬
‫ﻏﲑ ﻣﻔﺨﻤﺔ ﰲ ﺗﺎﺷﻠﺤﻴﺖ ﺑﺎﳌﻌﲎ ذاﺗﻪ وﻣﻨﻬﺎ إﺳﻢ إﻣﺎرﻳﺮن اﻟﺬي ﻳﻔﻴﺪ اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﺬﻳﻦ‬
‫ﻳﺘﻌﺎﻃﻮن اﻟﺸﻌﺮ اﳊﻮاري ﰲ أﺣﻮاش أو أﺣﻴﺪوس‪ .1‬ﻫﺬا ﰲ اﳊﲔ اﻟﺬي ﻳﻔﻴﺪ ﻓﻴﻪ ﺟﺬر‬
‫ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ ﻏﲑ اﳌﻔﺨﻢ ﳏﻠﻴﺎ ﻣﻌﲎ اﻟﺮد‪ ،‬وﻣﻨﻪ ﺗﺮارﻳﺖ ن واوال ﲟﻌﲎ اﻟﺘﻌﻘﻴﺐ ﻋﻠﻰ‬
‫اﻟﻘﻮل‪ ،‬واﻟﺬي ﻳﻘﺘﻀﻲ ﺑﻄﺒﻴﻌﺔ اﳊﺎل وﺟﻮد ﺣﻮار ﺷﻌﺮي أﻣﺮارا ﺑﲔ ﻓﺮدﻳﻦ أو ﲨﺎﻋﺘﲔ‪.‬‬
‫وﺧﻼﻓﺎ ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ﻳﺪل ﳏﻠﻴﺎ إﺳﻢ أﻣﺮارا ﺑﺎﻟﺘﻔﺨﻴﻢ اﻟﱰاﺷﻖ ﺑﺎﳊﺠﺎرة‪ ،‬واﳌﺮاﻗﺒﺔ اﳌﺘﺒﺎدﻟﺔ‪.‬‬
‫‪ 1‬أﻧﻈﺮ أﲪﺪ ﻋﺼﻴﺪ‪ ،2011 ،‬ص ‪.6‬‬
‫]‪[308‬‬
‫ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن ﺷﻌﺮ أورار ﻫﻮ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻮﺣﻴﺪ اﻟﺬي ﺗﺴﺘﻌﻤﻞ ﰲ أداﺋﻪ‬
‫آﻻت اﻟﻨﻘﺮ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﺪﻋﻲ اﻟﺮﻗﺺ أﺣﻴﺎﻧﺎ‪ .‬وﻫﻮ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻋﺪة أﺑﻴﺎت ﻣﺘﻮارﺛﺔ ﺗﻨﺸﺪﻫﺎ‬
‫اﻟﻨﺴﻮة ﲨﺎﻋﻴﺎ ﰲ ﻛﻞ ﻋﺮس ﻣﻊ ﺑﻌﺾ اﻟﺘﻐﻴﲑات اﻟﻄﻔﻴﻔﺔ ﺣﺴﺐ اﻟﺴﻴﺎق‪ .‬وﻣﻦ ﺷﻌﺮ‬
‫ﺑﻮارو ﰲ اﳉﻨﻮب اﻟﺸﺮﻗﻲ )ﺗﺎﻓﻴﻼﻟﺖ( ﻧﺬﻛﺮ‬
‫أورار اﳋﺎص ﲝﻔﻞ اﻟﺰﻓﺎف واﻟﺬي ﻳﻌﺮف َ‬
‫ﻫﺬﻩ اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ‪:‬‬
‫‪zzin illa da wiss ala nškË ; zzin illa da oiša d omË‬‬
‫‪fËpmt teslulimt a tizednan ; oiša d omË llan mtawan‬‬
‫اﳉﻤﺎل ﺑﺎد ﳌﻦ ﻳﺘﻐﲎ ﺑﻪ‪ ،‬اﳉﻤﺎل ﲨﻊ ﺑﲔ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻤﺮو‬
‫اﻓﺮﺣﻦ وزﻏﺮدن ﻳﺎ ﻧﺴﺎء ﻓﻘﺪ اﻟﺘﺄم ﴰﻞ ﻋﺎﺋﺸﺔ وﻋﻤﺮو‬
‫أﺷﺮگ‪،‬‬
‫ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل إن ﺟﻞ ﻫﺬﻩ اﳌﺼﻄﻠﺤﺎت ‪ :‬أﺳﻬﺮوري‪ ،‬و َ‬
‫أﺷﻮق‪ ،‬وأﻫﻠَﻞ ﲢﻴﻞ ﰲ اﻟﻐﺎﻟﺐ ﻋﻠﻰ اﻟﻠﺤﻦ واﻹﻳﻘﺎع وﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷداء اﻟﺼﻮﰐ اﻟﺬي‬
‫و َ‬
‫ﺗﻨﺸﺪ ﺑﻪ ﺗﻠﻚ اﻷﺻﻨﺎف ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر‪ ،‬وﺑﻪ ﺗﻌﺮف‪ .‬وﻫﺬا ﻳﺴﺘﻮﺟﺐ ﻣﻨﺎ أﺧﺬ ﻋﻠﻢ‬
‫اﳌﻮﺳﻴﻘﻰ ﺑﻌﲔ اﻻﻋﺘﺒﺎر ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻋﻠﻤﺎ ﺑﺄ‪‬ﺎ ﺗﻨﺸﺪ ﻛﻠَﻬﺎ وﻻ ﺗﻘﺮأ‬
‫ﺑﺸﻜﻞ ﻋﺎدي‪.‬‬
‫اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺪﻳﲏ اﻵﺧﺮ واﻟﺬي ﻛﺎن ﻳﻠﻘﻰ ﰲ ﺟﻠﺴﺎت اﻟﺬﻛﺮ واﳌﻨﺎﺳﺒﺎت‬
‫ﻛﻌﻴﺪ اﳌﻮﻟﺪ اﻟﻨﺒﻮي ﻳﺪﻋﻰ أﻣ َﺪح وﻫﻮ ﺷﻌﺮ ﰲ ﻣﺪح اﻟﺮﺳﻮل ﺗﻠﻘﻴﻪ اﻟﺰاﻫﺪات‬
‫"ﺗﻴﻔﻘﻴﺮﻳﻦ" وﻛﺬا اﻟﺮﺟﺎل إﻣﺎ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ أو اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ .‬وﱂ ﺗﻜﻦ اﻟﻨﺴﺎء ﲡﺪن ﺣﺮﺟﺎ ﰲ‬
‫إﻟﻘﺎء اﻟﺒﻌﺾ ﻣﻨﻪ ﰲ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﻜﱪى ﻛﺎﻟﺰواج‪ .‬وﻧﻮرد ﻣﺜﺎﻻ ﻋﻦ ذﻟﻚ ﻫﺬﻳﻦ اﻟﺒﻴﺘﲔ‪.‬‬
‫‪ÃÃlat usslam olik a sidi ya Ësul lleh‬‬
‫‪Jmio lxlq ndh bik ššfaoa ya Ësul lleh‬‬
‫ﻣﻦ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﱵ ﲢﻈﻰ ﲟﻜﺎﻧﺔ ﺧﺎﺻﺔ ﰲ ﺣﻴﺎة اﻟﻔﮕﻴﮕﻴﲔ ﻛﺬﻟﻚ‪ ،‬اﳌﺂﰎ اﻟﱵ‬
‫ﺗﻌﻘﺪﻫﺎ اﻟﻨﺴﺎء ﻟﻠﻌﺰاء وﻟﺮﺛﺎء اﻟﻔﻘﻴﺪ وذﻛﺮ ﻣﻨﺎﻗﺒﻪ‪ ،‬وﻣﻦ ﰎ ﻳﻄﻠﻖ إﺳﻢ أﻧﺒﺰي ﻋﻠﻰ‬
‫اﳌﻨﺎﺳﺒﺔ ﰲ ﺣﺪ ذا‪‬ﺎ ﻛﻤﺎ ﻗﺪ ﻳﻄﻠﻖ ﺗﻮﺳﻌﺎ ﻟﻠﺪﻻﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺬي ﻳﻠﻘﻰ ﻓﻴﻬﺎ‪.‬‬
‫]‪[309‬‬
‫وﻳﺘﻤﺜﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺮﺛﺎﺋﻲ اﻟﺬي ﻳﺴﻤﻰ أﻋ َﺪد ﺑﻮﺳﻂ اﳌﻐﺮب ﰲ ﺳﻠﺴﻠﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت‬
‫اﳌﺘﻤﺎﺳﻜﺔ اﻟﱵ ﻗﺪ ﺗﻄﻮل أو ﺗﻘﺼﺮ ﻟﺘﺸﻜﻞ اﳌﺮﺛﻴﺔ‪ .‬وﻳﻌﺪ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ ﻛﺬﻟﻚ ﻣﻦ‬
‫اﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺣﺎﻓﻈﺖ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ وﻣﻀﻤﻮن ﻗﻠﻤﺎ ﺗﻐﲑ ﺣﱴ أن ﻛﻠﻤﺎت ﻣﺜﻞ أم‪ ،‬وأب‪،‬‬
‫وإﺑﻦ‪ ،‬وأخ وأﺧﺖ وإﺑﻨﺔ ﻳﺘﺴﻊ ﻣﻌﻨﺎﻫﺎ ﻟﺘﺸﻤﻞ ﻛﻞ ﻓﻘﻴﺪ‪ .‬وﺗﺘﺨﺬ اﳌﺮﺛﻴﺔ ﻛﻤﺎ ﻳﺒﺪو ﻣﻦ‬
‫ﺗﻘﻄﻴﻌﻬﺎ ﺷﻜﻼ ﻫﺮﻣﻴﺎ‪ ،‬ﻋﻠﻰ ﺧﻼف اﻷﺷﻌﺎر اﻷﺧﺮى‪ ،‬إذ ﺗﺒﺪأ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﺑﻨﺪاء اﻟﻔﻘﻴﺪ‬
‫ﺣﺴﺐ ﻗﺮاﺑﺘﻪ وﻳﻠﻲ ذﻟﻚ إﻋﻼن اﳊﺪث واﻷﺛﺮ اﻟﺬي ﺧﻠﻔﻪ وﻛﻞ ذﻟﻚ ﰲ أﺑﻴﺎت ﻗﺪ‬
‫ﺗﻨﻴﻒ ﻋﻠﻰ ﻋﺸﺮة ﻣﻘﺎﻃﻊ ﰲ اﻟﺒﺪاﻳﺔ ﻟﺘﺘﺴﻊ ﺗﺪرﳚﻴﺎ وﺗﺼﻞ ﰲ اﻟﻘﺎﻋﺪة إﱃ ﲦﺎﻧﻴﺔ ﻋﺸﺮ‬
‫ﻣﻘﻄﻌﺎ ﰲ اﻟﺒﻴﺖ اﻟﻮاﺣﺪ‪ .‬وﻟﻌﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻜﻞ اﳍﺮﻣﻲ ﻳﺬﻛﺮﻧﺎ ﲟﺪاﻓﻦ اﻟﻌﻬﻮد اﻟﻮﺛﻨﻴﺔ‬
‫ﺗﻴﻜﺮﻛﺎرﻳﻦ اﻟﺸﺒﻴﻬﺔ ﺑﺄﻫﺮاﻣﺎت ﻣﺼﺮ اﻟﻘﺪﳝﺔ‪ .‬وﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ ﳕﻮذج ﰲ رﺛﺎء اﻷم‪.‬‬
‫‪A yemma, a yemma ; d arra nnem‬‬
‫‪9‬‬
‫‪A yemma, a yemma ; d uÃaËay nnem‬‬
‫‪11‬‬
‫‪A yemm, a yemma ; d rrkizet nuÃaËay nnem‬‬
‫‪13‬‬
‫‪14‬‬
‫‪A yemma, a yemma ; wila njmeo tirkft ennem‬‬
‫‪16‬‬
‫‪A yemma, a yemma ; wikk ala nkemml aseymi wkk arra nnem‬‬
‫ﻗﺪ ﺗﺘﻨﻮع أﳕﺎط اﻷﺷﻌﺎر ﺣﺴﺐ ﻣﻮاﺿﻴﻌﻬﺎ أو ﻣﻨﺎﺳﺒﺘﻬﺎ ﻛﺄﺷﻌﺎر اﻻﺳﺘﺴﻘﺎء‬
‫واﻷﺷﻌﺎر اﻟﱵ ﺗﻘﺎل ﻋﻠﻰ ﻟﺴﺎن اﻷﻃﻔﺎل واﻟﻄﻴﻮر وﻏﲑﻫﺎ ﳑﺎ ﻻ ﻳﺪﺧﻞ ﲢﺖ ﻣﺴﻤﻴﺎت‬
‫واﺿﺤﺔ‪ ،‬إﻻ أن ﺷﻌﺮ اﳍﺠﺎء أو اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ ﻗﺪ ﺣﻀﻲ ﲟﺼﻄﻠﺢ ﺧﺎص ﻳﺪﻋﻰ أﻣﻨﺎﻛﺎ‬
‫اﻟﺬي ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ إﱃ ﺣﺪ ﻣﺎ أﻧﻌﻴﺒﺎر ﰲ ﺗﺎﺷﻠﺤﻴﺖ وﺗﻴﻤﻨﺎﺿﻴﻦ ﰲ وﺳﻂ اﳌﻐﺮب وأﻣﺰﻋﺒﺮ‬
‫ﻋﻨﺪ اﻟﻘﺒﺎﻳﻞ‪ 1‬وإزران ن َرﺑﻮﻳﺰ ﰲ اﻟﺮﻳﻒ‪ .‬وإن اﺧﺘﻠﻔﺖ اﻟﺘﺴﻤﻴﺔ وﻣﻨﺎﺳﺒﺎت ووﺿﻌﻴﺎت‬
‫اﻷداء ﺑﲔ ﻫﺬﻩ اﳉﻬﺎت‪ ،‬ﳑﺎ ﲤﻠﻴﻪ اﻟﻈﺮوف اﳋﺎﺻﺔ ﺑﻜﻞ ﻣﻨﻄﻘﺔ‪ ،‬ﻓﺈن ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ ﻻ‬
‫ﻳﺰال ﺣﺎﺿﺮا ﳑﺎ ﻳﺪل ﻋﻠﻰ ﲡﺪرﻩ ﰲ ﻫﺬﻩ اﻟﺘﺠﻤﻌﺎت‪ .‬وﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ ﻣﻦ اﻟﺸﻌﺮ اﳌﻮروث‬
‫ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ أﺑﻴﺎت ﻻ ﺗﺰال ﺗﺘﻨﺎﻗﻠﻬﺎ اﻟﻨﺴﺎء وﺗُﻌﺪن إﻧﺘﺎﺟﻪ ﰲ ﲡﻤﻌﺎ‪‬ﻦ‪ ،‬واﻟﻐﺮض ﻣﻨﻪ‬
‫‪ 1‬أﻧﻈﺮ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي ‪.2009‬‬
‫]‪[310‬‬
‫ﺷﺤﺬ اﻟﻘﺮﳛﺔ وﺗﺼﻴﺪ اﳌﻌﺎﱐ واﻷوﺻﺎف ﻻﻧﺘﻘﺎد اﻟﻐﺮﱘ‪ ،‬واﳊﺚ ﻋﻠﻰ اﻟﻌﻤﻞ ﻛﺬﻟﻚ‪.‬‬
‫وﺗﺘﻢ ﻫﺬﻩ اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ ﻋﻨﺪ اﻟﻨﺴﺎء ﺑﺸﻜﻞ ﺛﻨﺎﺋﻲ ﺑﲔ ﻓﺮدﻳﻦ أو ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ‪ ،‬ﰲ‬
‫اﻟﺘﺠﻤﻌﺎت اﻟﱵ ﻳﻌﻘﺪ‪‬ﺎ ﻟﻠﻌﻤﻞ ﻛﺎﻟﻨﺴﺞ أو ﰲ أورار‪ .‬أﻣﺎ ﻋﻨﺪ اﻟﺮﺟﺎل ﻓﻠﻢ ﻳﺼﻠﻨﺎ ﺳﻮى‬
‫اﻟﻘﻠﻴﻞ ﻣﻨﻪ ﳑﺎ ﻳﺪل ﻋﻠﻰ اﻧﻘﺮاﺿﻪ ﻛﻤﻤﺎرﺳﺔ ﺣﻠﺖ ﳏﻠﻬﺎ ﻣﺎ ﻳﺪﻋﻰ ﺗﻮﻣﺰﻳﺎ اﻟﱵ اﲣﺬت‬
‫ﳍﺎ اﻟﻨﺜﺮ ﺳﺒﻴﻼ واﺗﺴﻌﺖ ﻟﺘﺨﺮج ﻣﻦ ﳎﺎل اﳍﺠﺎء إﱃ ﺗﺼﻴﺪ اﳌﻔﺎرﻗﺎت واﻟﺘﻌﺒﲑ ﻋﻨﻬﺎ ﰲ‬
‫أﺣﻠﻰ اﻟﺼﻮر‪ .‬وﻣﻦ أﺷﻌﺎر أﻣﻨﺎﻛﺎ ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ ﻣﻦ اﻟﻨﺴﺎء ﻫﺬا اﳌﺜﺎل‪:1‬‬
‫‪utšu nnex iÇiä utšu nšemt aËaћ a siwt wawiË‬‬
‫‪tasirt nnex teäËeћ tasirt nšemt aËaћ a siwt wawiË‬‬
‫وﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﳌﻨﻮال وﻏﲑﻩ ﳒﺪ ﻣﻦ اﻷﺻﻮات اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ ﲡﻤﻊ ﺑﲔ‬
‫ﻫﺠﺎء اﻟﺒﻌﺾ وﻣﺪح اﻟﺒﻌﺾ اﻵﺧﺮ وﻫﻲ ﻣﻨﺴﻮﺑﺔ ﻟﻠﺸﺎﻋﺮ اﻟﻌﺮﰊ أوﺣﺎﺟﺎ‪ 2‬واﻷرﺟﺢ أن‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ ﳝﺘﺢ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻨﺴﺐ إﻟﻴﻪ ﻣﻦ اﳌﻮروث اﳉﻤﻌﻲ ﻟﻠﻮاﺣﺔ‪ ،‬وﻧﺬﻛﺮ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻷﺷﻌﺎر ﻣﺎ‬
‫ﻳﻠﻲ‪:3‬‬
‫‪a brahim u lebbuz a tmart n uojluz‬‬
‫‪aš lebda yili yelluÇ aš loqab niwdan‬‬
‫‪a nanna tageddat a yibliwn n tγrdayt‬‬
‫‪a yakkay n tudayt, a loqab n tzednan‬‬
‫‪a yayniw n txabiyt a lxyar i tsellamin‬‬
‫‪a isbћ it ššnbir am tnqlt n ujdir ittËaoan i lγdir‬‬
‫واﻟﻘﺼﺎﺋﺪ اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ رﻏﻢ ﻗﻠﺘﻬﺎ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻣﻊ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻨﺴﺎﺋﻲ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﻐﲎ ﰲ‬
‫إﻳﻘﺴﻴﺮن‪ ،‬ﻣﺮﻓﻮﻗﺔ ﺑﺎﻵﻻت اﳌﻮﺳﻴﻘﻴﺔ‬
‫ﺣﻔﻼ‪‬ﻢ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮس اﻟﺘﻘﺴﺎﻳﺮ أو أﲰﺎرﻫﻢ َ‬
‫‪ 1‬أﻧﻈﺮ ﺣﺴﻦ ﺑﻦ ﻋﻤﺎرة‪ ،2013 ،‬ص ‪ 516‬و ‪.517‬‬
‫‪ 2‬ﺷﺎﻋﺮ ﻋﺎش ﰲ أواﺧﺮ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﻳﻦ‪ ،‬ﻋﺮف ﺑﺄﺷﻌﺎرﻩ اﳍﺰﻟﻴﺔ واﻟﻨﻘﺪﻳﺔ اﻟﺴﺎﺧﺮة‪.‬‬
‫‪ 3‬واﻓﺎﱐ ‪‬ﺬﻩ اﻷﺑﻴﺎت اﻷﺳﺘﺎذ ﻋﺒﺪ اﳉﺒﺎر ﺣﺎﺟﺎ اﻟﺬي أﺷﻜﺮﻩ ‪‬ﺬﻩ اﳌﻨﺎﺳﺒﺔ‪.‬‬
‫]‪[311‬‬
‫اﻟﻮﺗﺮﻳﺔ واﻟﻨﻘﺮﻳﺔ‪ .‬وﳜﺼﺺ ﰲ ﺣﻔﻼت اﻟﺰواج ﺑﻮﺟﻪ ﺧﺎص ﺣﻴﺰ ﻟﻠﺮﻗﺺ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع‬
‫اﳌﻮﺳﻴﻘﻰ دون اﻟﻜﻠﻤﺎت ﳑﺎ ﻳﺪﻋﻰ اﻟﻤﺎﻳﺖ‪ ،‬أو ﻟﺮﻗﺼﺔ اﻟﻌﻼوي اﻟﱵ ﺗﺘﻢ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع‬
‫اﻟﺪف واﻟﻐﺎﻳﻄﺔ‪ .‬ﻛﻤﺎ ﳜﺼﺺ ﻓﻴﻬﺎ أﻳﻀﺎ ﺣﻴﺰ ﻟﻼﺳﱰاﺣﺔ ﻳﻨﱪي ﻓﻴﻬﺎ ﺟﻬﺎﺑﺬة ﺗﻮﻣﺰﻳﺎ‬
‫ﻹﺳﻌﺎد اﶈﻴﻄﲔ ‪‬ﻢ ﺑﺘﺸﺒﻴﻬﺎت واﺳﺘﻌﺎرات ﺑﻠﻴﻐﺔ وﺳﺎﺧﺮة‪ ،‬ﻳﺴﺘﻘﻮ‪‬ﺎ ﻣﻦ ﳏﻴﻄﻬﻢ‬
‫وﺧﺎﺻﺔ ﻣﻦ ﺳﻠﻮك اﻷﺷﺨﺎص اﳊﺎﺿﺮﻳﻦ وﺧﻠﻘﺘﻬﻢ وﺗﺼﺮﻓﺎ‪‬ﻢ‪ .‬ﻣﻦ ﻫﻨﺎ ﻧﻼﺣﻆ وﻓﺮة‬
‫ﺷﻌﺮ اﳌﺒﺎرزة ﰲ ﻣﻨﺎﻃﻖ أﺧﺮى وﺑﺮوز ﺷﻌﺮاء ﰲ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ‪ ،‬ﻳﻘﺎﺑﻠﻪ اﻫﺘﻤﺎم ﺑﺎﻟﻎ ﰲ‬
‫ﻓﮕﻴﮓ ﺑﺎﻟﺘﺸﺒﻴﻬﺎت اﻟﻨﺜﺮﻳﺔ اﳌﻮﺟﺰة ﻛﻤﺎ ذﻛﺮﻧﺎ ﻋﻦ ﺗﻮﻣﮋﻳﺎ‪.‬‬
‫وﻣﻦ أﺷﻬﺮ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺮﺟﺎﻟﻴﺔ اﳌﻐﻨﺎة ﻗﺼﻴﺪة ﻣﺎﻣﺎ َﻳﺰا اﳊﻜﺎﺋﻴﺔ إذ ﺗﺴﺘﺤﻀﺮ‬
‫ﻫﺠﺮة اﻷب وﻗﺼﺔ ﺳﻴﺪﻧﺎ ﻳﻮﺳﻒ‪ ،‬وﻗﺼﻴﺪة وﺗﻴﺦ ﺗﺎزﻛﻮرت "اﺳﺘﻬﺪﻓﺖ ﺣﺠﻠﺔ"‪ ،‬وﻫﻲ‬
‫ﻗﺼﻴﺪة ﻏﺰﻟﻴﺔ ﺗﺄﻧﻒ اﻟﻨﺴﺎء ﻋﻦ ﲰﺎﻋﻬﺎ‪ ،‬وﻣﻄﻠﻌﻬﻤﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﺘﻮاﱄ‪:‬‬
‫‪A mamma yezza, uš ax dd aziza ; llah llah‬‬
‫‪Ad ss nawy i baba, baba w da yelli ; llah llah‬‬
‫‪Utix tazekkurt ukk urtu n beËËa, llah llah‬‬
‫‪Ifay ul tufiy, ifaddn ul llin ; llah llah‬‬
‫ﺧﺘﺎﻣﺎ ﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل‪ ،‬إن ﻣﺎ ﲢﻔﻈﻪ اﻟﺬاﻛﺮة اﳉﻤﻌﻴﺔ ﻣﻦ اﻷﺷﻌﺎر اﶈﻠﻴﺔ ﻻ ﻳﺰال‬
‫ﰲ ﺣﺎﺟﺔ إﱃ اﳉﻤﻊ واﻟﺪراﺳﺔ ﻗﺒﻞ ﻓﻮات اﻷوان ﺣﱴ ﺗﻜﺘﻤﻞ اﻟﺼﻮرة ﻋﻦ ﻫﺬا اﳌﻮروث‬
‫اﻟﺬي ﻳﺘﻘﺎﺳﻢ اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ اﳌﻼﻣﺢ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﻷداء واﻟﺸﻜﻞ واﳌﻀﻤﻮن ﻣﻊ ﺑﺎﻗﻲ اﳌﻨﺎﻃﻖ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ ،‬وﺣﱴ ﻳﺘﺴﲎ ﻟﻠﺒﺎﺣﺜﲔ اﻟﻌﻤﻞ ﻋﻠﻰ ﻋﻘﺪ اﳌﻘﺎرﻧﺎت اﳍﺎدﻓﺔ‪ ،‬وﺗﻮﺣﻴﺪ‬
‫اﻟﺘﺼﻨﻴﻒ‪ ،‬وﺗﺼﺮﻳﻒ اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت اﳌﺘﻌﺪدة إﱃ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت وﻣﻔﺎﻫﻴﻢ ﺗﺴﺘﺠﻴﺐ ﳌﺘﻄﻠﺒﺎت‬
‫اﻟﻮﺻﻒ اﻟﺘﻘﲏ اﳌﺄﻣﻮل‪.‬‬
‫]‪[312‬‬
‫ﺑﻴﺒﻠﻴﻮﻏﺮاﻓﻴﺎ‬
‫ ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف‬،‫ أﻧﻄﻮﻟﻮﺟﻴﺎ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‬،2011 ،‫إدرﻳﺲ أزﺿﻮض‬
.‫ اﻟﺮﺑﺎط‬،‫اﳉﺪﻳﺪة‬
‫ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺒﺎﺋﻠﻲ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪي )أﺟﻨﺎس وأﺷﻜﺎل‬،2009 ،‫ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي‬
‫ ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف‬،"‫ ﻣﻨﺸﻮر ﺿﻤﻦ "اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ‬،(‫وﻣﻮﺿﻮﻋﺎت‬
.‫ اﻟﺮﺑﺎط‬،‫اﳉﺪﻳﺪة‬
،‫ ﻣﺸﺎﻫﲑ ﺷﻌﺮاء أﺣﻮاش ﰲ اﻟﻘﺮن اﻟﻌﺸﺮﻳﻦ‬،‫ إﻣﺎرﻳﺮن‬،2011 ،‫أﲪﺪ ﻋﺼﻴﺪ‬
.‫ﻣﻄﺒﻌﺔ اﳌﻌﺎرف اﳉﺪﻳﺪة –اﻟﺮﺑﺎط‬
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[313]
‫@‪@ČðŠÈČ’Ûa@ä¦a@bîÏaŠÌu‬‬
‫@…‪òČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛa@´i@ŠÈČ’Ûa@āaŠËc@Ñîä–nÛ@òã‰bÔß@òa‰‬‬
‫‪----------------------‬‬
‫د‪ .‬ﻓﺮﺣـ ـ ـ ـﺎت ﺑﻠـ ـ ـ ـ ـﻮﻟﻲ‪.‬‬
‫ﺟﺎﻣﻌﺔ أﻛﻠﻲ ﻣﺤﻨﺪ أوﻟﺤﺎج – اﻟﺒﻮﻳﺮة‬
‫‪: ,* ,‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ أﻗﺪم اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﰲ أﻏﻠﺐ اﻟﻠّﻐﺎت‪ ،‬وﻫﻮ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس‬
‫ﻳُﻌﺪ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ أن ﻳُﺆدى أﻣﺎم اﳌﻸ‪،‬‬
‫ﻔﻮي ﻟﻠّﻐﺔ؛ ﻷ ّن اﻷﺻﻞ ﰲ ّ‬
‫اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ أّﳝﺎ ارﺗﺒﺎط ﺑﺎﻟﻄّﺎﺑﻊ ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫وﻧﻈﺮا ِﻟﻘﺪﻣﻪ‪ ،‬ﻓﻘﺪ اﺳﺘﻘﺮت اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ اﻟﻠّﻐﺎت ﻋﻠﻰ‬
‫وﰲ ﺑﻌﺾ اﻷﺣﻮال ﻳﺮﲡﻞ ارﲡﺎﻻ‪ً ،‬‬
‫ﻟﻜﻦ اﳌﻼﺣﻆ أ ّن ﺗﻠﻚ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت ﻟﻴﺴﺖ إﻻ ﲢﺪﻳﺪات آﻧﻴّﺔ‬
‫ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ﻷﻏﺮاﺿﻪ؛ ّ‬
‫ﺑﺘﻐﲑ اﻷوﺿﺎع واﻷﺻﻘﺎع واﻷوﻗﺎت‪ ،‬وﻳـَﺘ‪‬ﺒﻊ ﻓﻴﻬﺎ اﳌﺼﻨﻔﻮن ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻛﺜﲑة‬
‫ﺗﺘﻐﲑ ‪‬‬
‫ورﺧﻮة؛ ‪‬‬
‫ُ‬
‫وﻣﺘﻌﺪدة‪ ،‬وﻟﻴﺴﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ وﻻ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﺳﺘﺜﻨﺎءً ﰲ ذﻟﻚ‪ ،‬ﻓﻠﺪﻳﻬﻤﺎ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ﺗُﻨﻌﺖ‬
‫ﻋﻠﻰ ّأ‪‬ﺎ ﻗﺪﳝﺔ ﻣﺜﻞ‪ :‬اﻟﻐﺰل واﻟﻔﺨﺮ واﻟﺮﺛﺎء ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ‪ ،‬ﻛﻤﺎ ﳒﺪ ﰲ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ ﻣﺜﻞ‪) :‬أﺷﻮﻳﻖ‪ (Acewwiq-‬و)ﺛﻴﺒﻮﻏﺎرﻳﻦ‪-‬‬
‫ﻳﻐﻲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ‬
‫اﻟﻨّﻘﺪ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﲢﺮﻛﺖ ﺣﺪودﻫﺎ ﰲ ﻋﺼﺮﻧﺎ‪ ،‬ورّﲟﺎ ﻣﻨﻬﺎ‬
‫‪ ...(Tibugharin‬وﻫﻲ ﻛﻠّﻬﺎ أﺻﻨﺎف ﻣﻦ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ؛ إن ﻗﻠﻴﻼ أو ﻛﺜﲑا‪ ،‬وﰲ ﻫﺬا اﻻﲡﺎﻩ‪،‬‬
‫ﻣﺎ ﱂ ﻳﻌﺪ ﻣﻮﺟﻮدا‪ ،‬‬
‫ﻓﺘﻐﲑت ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ﺟﻨﺲ ّ‬
‫اﻟﺖ ّ◌ﻗﺎﻃﻊ ﺑﲔ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻠّﻐﺘﲔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ‬
‫ﺳﻨﺤﺎول ﰲ ﻋﻤﻠﻨﺎ ﻫﺬا اﻟﺒﺤﺚ ﻋﻦ أﻣﺎﻛﻦ ّ‬
‫اﻟﺖ ّ◌ﺷﺎﺑﻪ ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ‬
‫واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﻟﻠﺠﻨﺲ ّ‬
‫ﻌﺮي؛ ﻓﻤﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫اﻻﺧﺘﻼف؟ وﻣﺎذا ﻳُﻔﺴﺮ ﻛﻼ اﳊﺎﻟﺘﲔ؟‬
‫]‪[314‬‬
‫‪@ @@ZH|Üİ–½a@¿@ñõaŠÓI@Čïi…c@äv×@ŠÈČ’Ûa M@ 1‬‬
‫اﻷدﰊ ﳎﻤﻮﻋﺔ ﻛﺒﲑة ﻣﻦ اﻟﻨّﺼﻮص اﻟﱵ ﲡﻤﻌﻬﺎ ﺻﻼت‬
‫ﻳُﺸﻜﻞ اﻟﻔﻀﺎء‬
‫ّ‬
‫ﻟﻜﻦ‬
‫ﻋﻲ واﻟ ّﺬاﰐّ اﻟﺬي ﳝﻴّﺰﻫﺎ ﻋﻦ ﻏﲑﻫﺎ ﻣﻦ اﻟﻨّﺼﻮص‪ّ ،‬‬
‫ﻃﻔﻴﻔﺔ ﻣﺘﻤﺜﻠﺔ ﰲ اﳊﺲ اﻹﺑﺪا ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‪...‬‬
‫ﻫﺬا اﻟﻔﻀﺎء ﻗﺎﺑﻞ ﻟﻠﺘّﺼﻨﻴﻒ إﱃ ﳎﻤﻮﻋﺎت أﺻﻐﺮ ﺣﺠﻤﺎ ﻛﺎﻟﻘﺼﺔ واﳌﺴﺮﺣﻴّﺔ و ّ‬
‫وﻫﺬا ﻣﺎ ﻧﺴﻤﻴﻪ ﻋﺎدة ﺑﺎﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ‪ ،‬ﻓﻤﺎذا ﻧﻌﲏ ‪‬ﺎ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ ﳏﺘﻮﻳﺎت اﳉﻨﺲ‬
‫ﺑﺎﻟﻀﺒﻂ ‪-‬ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ ﻣﻮﺿﻮع ﻫﺬا اﻟﻌﻤﻞ‪-‬؟‬
‫ّ‬
‫ﻌﺮي ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫اﻷدﺑﻲ‪ :‬ﳝﺜﻞ اﳉﻨﺲ‬
‫‪ :1.1‬اﻟﺠﻨﺲ‬
‫اﻷدﰊ ﰲ ﻣﺎﻫﻴﺘﻪ ﻋﻤﻼ ﺗﺼﻨﻴﻔﻴّﺎ‪ 1‬ﻤﻮﻋﺔ ﻣﻦ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻨّﺼﻮص‪ ،‬وﻗﺪ ﻋﺮﻓﺖ أﻏﻠﺐ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت‪ ،‬وﻣﺎ ﳝﻜﻦ ﻣﻼﺣﻈﺘﻪ‬
‫ﺑﺸﻜﻞ ﻋﺎم ﻫﻮ‪:‬‬
‫ﻗِﺪم ﺗﻔﻄﻦ اﻹﻧﺴﺎن إﱃ وﺟﻮد ﻫﺬﻩ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﺣﻴﺚ ﻋﺮﻓﻬﺎ اﻟﻌﺮب ﻣﻨﺬ‬
‫‬‫اﳉﺎﻫﻠﻴّﺔ‪ ،‬ﻛﻤﺎ ﻋﺮﻓﻬﺎ اﻟﻐﺮب ﻣﻨﺬ اﳊﻀﺎرة اﻹﻏﺮﻳﻘﻴّﺔ واﻟﻴﻮﻧﺎﻧﻴّﺔ‪...‬‬
‫ ﻋﺪم وﺿﻮح اﻻﻋﺘﺒﺎرات اﻟﱵ ﺗﻘﻮم ﻋﻠﻴﻬﺎ ﺗﻠﻚ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت‪.2‬‬‫وﻗﺪ ذﻛﺮ )ﻣﻌﺠﻢ ﲢﻠﻴﻞ اﳋﻄﺎب‪ 3(Dictionnaire d'analyse-‬ﰲ ﻣﻌﺮض ﺣﺪﻳﺜﻪ ﻋﻦ‬
‫أﺟﻨﺎس اﳋﻄﺎب∗ أ ّن ﻣﻌﺎﻳﲑ ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ‪ ،‬ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ ﻋﻨﺪ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ‪،‬‬
‫ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ ﻣﻨﻈﻮر إﱃ آﺧﺮ‪ ،‬وﻗﺪ ذﻛﺮ ﺛﻼﺛﺔ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻫﻲ‪:‬‬
‫اﻷﺴﺎﺴﻴﺔ ﻓﻲ ﺘﺤﻠﻴل اﻝﺨطﺎب‪ ،‬ﺴﻠﺴﻠﺔ ﻤﻘﺎرﺒﺎت آداب وﻝﻐﺎت‪ ،‬ط ‪ .02‬اﻝﺠزاﺌر‪:‬‬
‫ ﻤوﺴﺎوي ﻓرﻴدة‪ ،‬اﻝﻤﻔﺎﻫﻴم‬‫ّ‬
‫‪ 2010‬م‪ ،‬ﻋﺎﻝم اﻝﻜﺘب‪ ،‬ص ‪.44‬‬
‫‪2‬‬
‫‪- Patrick Charaudeau, Dominique Maingueneau, Dictionnaire d'analyse, du‬‬
‫‪discours, Paris: 2002, Ed. le Seuil, Genre de discours.‬‬
‫‪ -3‬ﻨﻔﺴﻪ‪.‬‬
‫ﺼﻨﻴﻔﻴﺔ –داﺌﻤﺎ‪ -‬ﻝﻠﺨطﺎب‪ ،‬ﺒﺸﻜل ﻋﺎم؛‬
‫اﻷدﺒﻴﺔ؛ ﻝﻜن ﻴﻨﺒﻨﻲ ﻋﻠﻰ‬
‫∗‪ -‬وﻫو ﻤﻔﻬوم أﺸﻤل ﻤن اﻷﺠﻨﺎس‬
‫اﻝﻌﻤﻠﻴﺔ اﻝﺘّ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻷدﺒﻲ‪.‬‬
‫اﻝﻌﻠﻤﻲ‪ ...‬ﺒﻤﺎ ﻓﻴﻪ اﻝﺨطﺎب‬
‫ﺤﺎﻓﻲ و‬
‫ﻜﺎﻝﺨطﺎب ّ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻝﺼ ّ‬
‫‪1‬‬
‫]‪[315‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ واﳌﺴﺮح ‪..‬‬
‫ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت اﻟ ّ‬
‫ﺸﻜﻞ واﻟﻤﺤﺘﻮى واﻟﻨّﻈﻢ ‪ :‬ﳝﻴﺰون ﺑﲔ ّ‬
‫ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت ﺗﺼﻮر اﻟﻮاﻗﻊ واﻟﻌﺎﻟﻢ‪ :‬ﻗُﺴﻤﺖ اﻟﻨّﺼﻮص‪ ،‬وﻓﻘﺎ ﳍﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ‪ ،‬إﱃ‬
‫ﻧﺼﻮص واﻗﻌﻴّﺔ وﻧﺼﻮص ﺳﺮﻳﺎﻟﻴّﺔ‪...‬‬
‫ﻣﻨﻄﻠﻘﺎت اﻟﺘّﻨﻈﻴﻢ اﻟﺘّﻠﻔﻈﻲ‪ :‬ﻫﻨﺎك‪ ،‬وﻓﻘﺎ ﳍﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ‪ ،‬أﻧﻮاع ﻟﻠﻨّﺼﻮص اﻷدﺑﻴّﺔ‬
‫اﻟﺴﲑة اﻟ ّﺬاﺗﻴّﺔ‪...‬‬
‫ﻣﺜﻞ ‪ّ :‬‬
‫اﻟﺮواﻳّﺔ اﻟﺘّﺎرﳜﻴّﺔ‪ّ ،‬‬
‫وﻟﻌﻞ ﻣﻨﺘﻬﻰ وأﺷﻬﺮ ﻫﺬﻩ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻘﺪﳝﺔ ﻟﻸدب ﻫﻮ اﻟﺘّﻤﻴﻴﺰ ﺑﲔ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ واﻟﻨّﺜﺮ‪ ،‬وﻫﻮ اﳌﻨﻄﻠﻖ اﻟﺬي ﻧﺘﺨﺬﻩ ﰲ ﻫﺬﻩ‬
‫ﻃﺎﺋﻔﺘﲔ ﻛﺒﲑﺗﲔ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس؛ وﳘﺎ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ دون اﻟﻨّﺜﺮ‪ ،‬ﻓﻤﺎ‬
‫اﻟ ّﺪراﺳﺔ ﺣﻴﺚ ﺳﻨﺪرس ﺟﺎﻧﺒﺎ واﺣﺪا ﻣﻦ اﻷدب‪ ،‬وﻫﻮ ﺟﻨﺲ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ؟ أو ﺑﺎﻷﺣﺮى ﻣﺎ اﳌﻘﺼﻮد ﺑﻪ؟‬
‫ﻫﻮ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺬ ﻣﺮاﺣﻠﻬﺎ اﻷوﱃ‪ ،‬وﻟﻜﻦ‬
‫‪ :2.1‬ﻣﺎﻫﻴّﺔ اﻟ ّ‬
‫ﻛﻞ اﻷﺟﻨﺎس اﻟﺒّﺸﺮﻳّﺔ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ‪ :‬ﻋﺮﻓﺖ ّ‬
‫ﻣﺮاﺣﻞ اﻟﺘّﻨﻈﲑ ﻟﻪ ﱂ ﺗﻜﻦ إﻻ ﰲ ﻣﺮاﺣﻞ ﺑﻌﺪﻳّﺔ؛ وﻫﺬا ﻣﻦ ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷﺷﻴﺎء‪ ،‬وﳝﻜﻦ اﻟﻘﻮل‬
‫ﻐﻮي‪ ،‬وﻳﺘﻤﻴّﺰ‬
‫إ ّن ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﺟﻨﺲ ﻣﻦ اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴّﺔ ﻳﻌﺘﻤﺪ ﰲ ﺟﻮﻫﺮﻩ ﻋﻠﻰ اﻹﺑﺪاع اﻟﻠّ ّ‬
‫ﻛﻞ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻧﺎﻗﺸﺖ ﻣﺎﻫﻴﺘﻪ‬
‫اﻟﺼﻮﺗﻴّﺔ اﻟﱵ ﻳﻠﺘﺰﻣﻬﺎ ّ‬
‫ﺑﺎﻹﻳﻘﺎﻋﺎت ّ‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ‪ ،‬وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن ّ‬
‫‪‬ﺎﺋﻲ ﻋﻦ ﺗﻌﺮﻳﻔﻪ‪.‬‬
‫دون أن ﺗﺼﻞ إﱃ اﺗﻔﺎق ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﺣﺪﻳﺚ اﻟﻌﻬﺪ؛ ﻻ ﻳﺘﻌﺪى اﻟﻘﺮن‬
‫ﻳُﻌﺪ اﻟﺘّﻨﻈﲑ ﳌﺎﻫﻴﺔ ّ‬
‫اﳌﺎﺿﻲ‪ ،‬وﻗﺪ اﺧﺘﻠﻒ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ ﺗﺴﻤﻴﺔ اﳉﻨﺲ ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ‪ ،‬ﻓﺮﺻﺪ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﳏﻤﺪ‬
‫ّ‬
‫ﺟﻼوي اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﺘّﺴﻤﻴﺎت ﻣﻨﻬﺎ‪):‬آﺳﻔﺮو‪ (Asefru-‬و)أﺣﻴﺤﺎ‪ (Aḥiḥa-‬و)أﻗﻮﱄ‪-‬‬
‫‪ (Aquli‬و)ﺛﺎﻓﺼﻴﺤﺚ‪ (Tafsiḥt-‬و)ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزث‪ ...1(Tamedyazt-‬وﻳﺼﻌﺐ‪ ،‬ﺗﺒﻌﺎ ﳍﺬا‬
‫ﻌﺮي ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ‪ ،‬وﻗﺪ‬
‫اﻻﺧﺘﻼف ﰲ اﻟﺘّﺴﻤﻴّﺔ‪ ،‬إﳚﺎد ﻣﻨﻄﻠﻖ ﻟﺘﻌﺮﻳﻒ اﳉﻨﺲ ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫درﺟﺖ اﻷﲝﺎث اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺴﻤﻴﺔ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ﲟﺴﻤﻰ‬
‫ﻘﻠﻴدي‪،‬‬
‫ ﺠﻼوي ﻤﺤﻤد‪ ،‬ﺘطور اﻝ ّﺸﻌر‬‫اﻝﻘﺒﺎﺌﻠﻲ وﺨﺼﺎﺌﺼﻪ )ﺒﻴن اﻝﺘّﻘﻠﻴد واﻝﺤداﺜﺔ(‪ ،‬اﻝﺠزء اﻷول‪ :‬اﻝ ّﺸﻌر اﻝﺘّ ّ‬
‫ّ‬
‫ﻴﻐﻴﺔ‪ ،‬اﻝﺠزاﺌر‪2009 ،‬م‪ ،‬ص ‪.380‬‬
‫ﺎﻤﻴﺔ ﻝﻸﻤﺎز ّ‬
‫اﻝﺴ ّ‬
‫اﻝﻤﺤﺎﻓظﺔ ّ‬
‫‪1‬‬
‫]‪[316‬‬
‫اﻟﺸﻲء اﻟﻜﺜﲑ ﺣﻴﺚ‬
‫)ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت‪ (Tamedyazt-‬ﻟﻜﻦ ﺑﺎﻟﻌﻮدة إﱃ ﻣﻌﻨﺎﻩ‪ ،‬ﻓﻼ ﳒﺪ ّ‬
‫ﻳُﻌ‪‬ﺮف ﻫﺬا اﳌﺼﻄﻠﺢ ﻋﻠﻰ أﻧّﻪ » ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ ﻣﻐﻨﺎة«‪ 1‬وﻫﻨﺎ ﻧﻼﺣﻆ أ ّن اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻣﺮﺗﺒﻄﺎ ﺑﺎﻟﻐﻨﺎء ﻓﻘﻂ‪ ،‬ﻟﻜﻦ )اﳌﻮﺳﻮﻋﺔ اﻟﱪﺑﺮﻳّﺔ‪-‬‬
‫ﻳﺘﻀﻤﻦ ﻛﻠﻤﺔ "ﻣﻐﻨﺎة"؛ ﳑﺎ ﳚﻌﻞ ّ‬
‫‪ (Encyclopédie berbère‬ﺗﻠﻐﻲ ﻫﺬﻩ اﻟﻜﻠﻤﺔ‪ ،‬وﺗﻀﻴﻒ أﺷﻴﺎء أﺧﺮى؛ ﻓﺠﺎء ﺗﻌﺮﻳﻔﻬﺎ‬
‫ﺎﱄ‪ »:‬ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪) ...‬ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت‪-‬‬
‫ﳌﺼﻄﻠﺢ )ﺛﺎﻣﺬﻳﺎزت‪ (Tamedyazt-‬ﻛﺎﻟﺘّ ّ‬
‫ﻛﻞ أﻧﻮاع اﳌﻮاﺿﻴﻊ اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ اﻟﻨّﻘﺪ‬
‫‪ (Tamedyazt‬ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻗﺼﻴﺪة ﻃﻮﻳﻠﺔ‪ ...‬ﺗﺘﻀﻤﻦ ّ‬
‫اﻟﺴﻴﺎﺳﺔ ﻣﺮورا ﺑﺎﻷﺧﻼق واﻟﺘّﺤﻠﻴﻠﻴّﺔ‪ ،‬وﻳُﻨﺘﺠﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮ ﳏﱰف‪ 2«...‬ﻓﻼ‬
‫ﺎﻋﻲ إﱃ ّ‬
‫اﻻﺟﺘﻤ ّ‬
‫ﺑﺪ ﻣﻦ اﳌﻼﺣﻈﺔ –ﻫﺎﻫﻨﺎ‪ -‬أ ّن اﳌﻮﺳﻮﻋﺔ ﺗﺮﺑﻂ ﻫﺬا اﳌﻔﻬﻮم ﲟﻌﻨﺎﻩ ﰲ اﻟﻠّﻬﺠﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‬
‫اﳌﻮﺟﻮدة ﰲ اﳌﻐﺮب دون اﻟﻠّﻬﺠﺎت اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻷﺧﺮى‪ ،‬ﻟﻜﻦ ﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن ﻫﺬا اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ‬
‫ﻫﻮ اﻷﻗﺮب ﳌﺎ ﻫﻮ ﻣﺘﻌﺎرف ﻋﻠﻴﻪ ﰲ اﻟﻠّﻐﺎت اﻷﺧﺮى‪.‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ دﻳﻮا‪‬ﻢ و»ﻋﻠﻢ ﻗﻮم ﱂ ﻳﻜﻦ ﳍﻢ ﻋﻠﻢ أﺻﺢ ﻣﻨﻪ«‪،‬‬
‫وﻗﺪ اﻋﺘﱪ اﻟﻌﺮب ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻴﺰان اﻟﻘﻮم«‪ 3‬وﻫﺬا ﻣﺎ ﻳﺜﺒﺖ اﳌﻜﺎﻧﺔ‬
‫ﻛﻤﺎ ﻗﺎل اﻹﻣﺎم ﻋﻠﻲ )ﻛﺮم اﷲ وﺟﻬﻪ( » ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‪،‬‬
‫اﳌﺮﻣﻮﻗﺔ اﻟﱵ اﺣﺘﻠﻬﺎ ﰲ ﻓﻜﺮﻫﻢ‪ ،‬وﻗﺪ اﺧﺘﻠﻒ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﰲ ﺗﻌﺮﻳﻒ ّ‬
‫ﻟﻜﻦ أﺷﻬﺮ اﻟﺘّﻌﺎرﻳﻒ اﻟﱵ ﺗﺘﺪاوﳍﺎ اﻷدﺑﻴﺎت ﻫﻮ ﺗﻌﺮﻳﻒ ﻗﺪاﻣﺔ ﺑﻦ ﺟﻌﻔﺮ )ت ‪337‬ﻫـ(‬
‫‪4‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻣﺜﻠﺚ ﳝﻜﻦ اﻟﺘّﻤﺜﻴﻞ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻛﻼم ﻟﻪ ﻣﻌﲎ‪ ،‬ﻣﻮزون وﻣﻘﻔﻰ« ﻓﻜﺄن ّ‬
‫» ّ‬
‫ﺎﱄ‪:‬‬
‫ﻟﻪ ّ‬
‫ﺑﺎﻟﺸﻜﻞ اﻟﺘّ ّ‬
‫‪@ ُ -1‬‬
‫‪- Berkai A., Lexique de linguistique berbère, Poétique. :H+‬‬
‫‪- http://ahmed.omari.ifrance.com‬‬
‫‪2‬‬
‫‪- http://encyclopedieberbere.revues.org/355‬‬
‫) ا اق )درا‪ -D ) I‬ى ا‪B ،( 0 -I,‬‬
‫ر‪ 5 L ،‬ا ّ‪ 2‬ا ‪ ّ 0‬ا‬
‫‪ -3‬س دة‬
‫ا ‪ N‬ة‪ >D ،‬ا ّ ا ‪ ، ّ 0‬ا اق‪2008 ،‬م‪ ،‬ص ‪.11‬‬
‫ا > ‪ 0 ، B *u‬وت‪ /‬ن‪ ،‬دار ا ‪ v-‬ا ّ ‪ ،‬د‪.‬ت‪ ،‬ص ‪.64‬‬
‫‪ -4‬ا ‪ 5( ، * B 0‬ا ّ‪: L ، 2‬‬
‫]‪[317‬‬
‫اﻝﻤﻌﻨﻰ‬
‫اﻝوزن‬
‫اﻝﻘﺎﻓﻴﺔ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻟﻴﺲ ﻋﻠﻰ‬
‫ﻳﺘﺒﲔ أ ّن اﻟﺘّﻨﻈﲑ ّ‬
‫وﻣﻦ ﺧﻼل ذﻟﻚ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ ﻳﺘﻔﻖ ﻣﻊ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ؛ ّ‬
‫اﻟﻨّﻈﺮة ﻧﻔﺴﻬﺎ‪ ،‬ﻟﻜﻦ إذا ﻧﻈﺮﻧﺎ إﱃ اﳌﻤﺎرﺳﺔ ّ‬
‫ﻓﺎﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫ﻳﻐﻲ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻛﻮﻧﻪ ﻛﻼم ذو ﻣﻌﲎ وﻗﺎﻓﻴّﺔ‪ ،‬أﻣﺎ ﻗﻀﻴﺔ اﻟﻮزن‪ ،‬ﻓﻬﻲ ﻣﺘﻔﻖ ﻋﻠﻴﻬﺎ‬
‫اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى اﻟﻌﺎم ﻣﻦ ﺣﻴﺚ إ ّن ﺷﻌﺮ اﻟﻠّﻐﺘﲔ ﻟﻪ أوزان‪ ،‬ﻟﻜﻦ ﻃﺒﻴﻌﺔ ﺗﻠﻚ اﻷوزان‬
‫ودراﺳﺘﻬﺎ ُﳐﺘﻠَﻒ ﻓﻴﻬﺎ ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﺣﻴﺚ ﺗﻌﺘﻤﺪ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﺎ ﻳﺴﻤﻰ ﺑﺎﻟﺒﺤﻮر ﰒ اﻟﺘّﻔﻌﻴﻠﺔ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﳊﺪﻳﺚ‪ ...‬أﻣﺎ ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ ،‬ﻓﻴﻤﻴﻞ أﻏﻠﺐ اﻟ ّﺪارﺳﲔ ﻟﻠﻘﻮل إﻧّﻪ ﻧﻈﺎم‬
‫ﰲ ّ‬
‫اﳌﻘﺎﻃﻊ‪.‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ –ﻋﺎدة‪ -‬ﰲ أﺷﻜﺎل ﳐﺘﻠﻔﺔ‬
‫‪ :3.1‬أﻏﺮاض اﻟ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء ﻣﻮادﻫﻢ ّ‬
‫ﺐ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ‪ :‬ﻳَ ُ‬
‫ﺼُ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ وﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ )‪،(Tiwsatin n tmedyazt‬‬
‫درﺟﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺴﻤﻴﺘﻬﺎ اﻷﻏﺮاض ّ‬
‫وﳝﻜﻦ ﺗﻌﺮﻳﻒ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض ﻋﻠﻰ أ ّ‪‬ﺎ‪ ...»:‬اﻟﻘﻮاﻟﺐ اﻟﻌﺎﻣﺔ اﻟﱵ اﺳﺘﻘﺮ اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻠﻴﻬﺎ‬
‫ﻣﻨﺬ ﻧﺸﺄﺗﻪ‪ ،‬أو ﺑﻌﺒﺎرة أﺧﺮى ﻫﻲ اﻷﺷﻜﺎل اﻷدﺑﻴﺔ اﻟﱵ ﻳﻌﱪ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮاء ﻋﻦ‬
‫‪1‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‪ ،‬ﰲ ﺣﺪ ذاﺗﻪ‪ ،‬إﱃ أﺻﻨﺎف‬
‫ﺑﺎﻟﺘ‬
‫ﻴﻤﻜﻦ‬
‫ﻓ‬
‫ﻣﺸﺎﻋﺮﻫﻢ وأﻓﻜﺎرﻫﻢ‪«...‬‬
‫ﺎﱄ ﺗﺼﻨﻴﻒ ّ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺮﺛﺎء أو )اﻷﺷﻮﻳﻖ( و)أزوزن(‪ ...‬وﻫﻲ ﻛﻠّﻬﺎ ﻃُﺮق‬
‫أﻗﻞ ﻋﻤﻮﻣﻴّﺔ ﻣﻨﻪ؛ ﻣﺜﻞ اﻟﻐﺰل واﳌﺪح و ّ‬
‫‪1‬‬
‫‪- http://mawdoo3.com/‬‬
‫]‪[318‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ‪-‬ﻛﻤﺎ ﺣﺪدﻧﺎﻩ ﰲ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ؛ ﻟﻜﻨّﻬﺎ ﻻ ﲣﺮج ﻋﻦ ﻣﺎﻫﻴﺔ ﺟﻨﺲ ّ‬
‫ﻓﺮﻳﺪة ﻟﻘﺮض ّ‬
‫اﻟﺴﺎﺑﻖ‪.-‬‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ﻛﻞ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻋﻠﻰ ﲤﻴﻴﺰ أﻧﻮاع ّ‬
‫وﻟﻌﻞ ﻣﻔﻬﻮم اﻷﻏﺮاض ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﻳﺴﺎﻋﺪ ّ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ؛ ﻳﺴﺘﻌﻤﻠﻪ اﻟ ّﺪارس واﻟﻘﺎرئ‬
‫ﰲ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﺑﻌﻴﻨﻬﺎ‪ ،‬ﻓﻬﺬﻩ اﻷﻏﺮاض ﻣﺒﺪأ‬
‫ﺗﺼﻨﻴﻔﻲ ّ‬
‫ّ‬
‫ﻟﻜﻦ اﳌﻼﺣﻆ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﻬﺎ ُﳐﺘﻠﻒ ﻓﻴﻪ داﺧﻞ‬
‫اﻟﺴﺎﻣﻊ ﻟﺘﻤﻴﻴﺰ أﻟﻮان ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻦ ﺑﻌﻀﻬﺎ‪ّ ،‬‬
‫و ّ‬
‫ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﰲ ﺣﺪ ذا‪‬ﺎ‪ ،‬وﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت أﻳﻀﺎ‪ ،‬ﻏﲑ أ ّن ﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ ﻋﺪم وﺟﻮد ﻧﻘﺎط‬
‫ّ‬
‫ﻛﻞ اﻟﺘّﺤﺎﻟﻴﻞ؛ وﰲ ﻫﺬا اﻻﲡﺎﻩ‪ ،‬ﺳﻴﻬﺘﻢ ﻋﻤﻠﻨﺎ ﻫﺬا ﺑﺎﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ ﻣﻨﻈﻮر‬
‫ﻟﻠﺘّﻘﺎﻃﻊ ﺑﲔ ّ‬
‫أدﰊ∗؛ ﻓﻤﺎ ﻫﻲ ﺣﺪود‬
‫اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ّ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻫﻮ ﺟﻨﺲ ّ‬
‫اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ؟ وﻣﺎ ﻫﻲ أوﺟﻪ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ واﻻﺧﺘﻼف ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ؟ وﻗﺒﻞ اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻠﻰ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ‬
‫اﻟﺴﺆاﻟﲔ ﻻ ﺑﺪ ﻣﻦ اﻹﺷﺎرة إﱃ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ‬
‫ﻫﺬﻳﻦ ّ‬
‫ﺗﺘﻐﲑ ﻣﻦ ﺣﻘﺒﺔ إﱃ أﺧﺮى‪ ،‬وﺳﻨﻤﻴّﺰ ﰲ ﻫﺬا اﻟﻌﻤﻞ‬
‫ﻛﻞ اﻟﺜﻘﺎﻓﺎت ّ‬
‫واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ ،‬ورﲟﺎ ﰲ ّ‬
‫ﺑﲔ ﻓﱰﺗﲔ ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ؛ ﳘﺎ اﻟﻔﱰة اﻟﻘﺪﳝﺔ واﻟﻔﱰة اﳌﻌﺎﺻﺮة؛ وﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﻨّﺤﻮ ﺳﻴﺴﲑ‬
‫ﲝﺜﻨﺎ‪.‬‬
‫‪Zb¹†Ó@ČðŠÈČ’Ûa@ävÜÛ@HòČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛaI@´nÌNÜÛa@Ñîä–m@´i@òã‰bÔß@M@ 2‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻨﺬ زﻣﻦ ﺑﻌﻴﺪ‪ ،‬وﻳﻌﻮد أﻗﺪم ﺷﻌﺮ‪ ،‬وﺻﻠﻨﺎ أﺛﺮﻩ‪ ،‬ﻷﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺎﺋﺔ‬
‫ﻋﺮﻓﺖ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ّ‬
‫ﲬﺴﲔ )‪ (150‬ﺳﻨﺔ ﻗﺒﻞ اﳍﺠﺮة اﻟﻨّﺒﻮﻳّﺔ؛ أي ﺣﻮاﱄ ‪ 400‬ﻟﻠﻤﻴﻼد‪ ،‬أﻣﺎ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ ،‬ﻓﻘﺪ‬
‫اﻧﺪﺛﺮ ﺷﻌﺮﻫﺎ اﻟﻘﺪﱘ‪ ،‬وﱂ ﻳﺼﻠﻨﺎ ﻣﻨﻪ اﻟﻜﺜﲑ إﻻ ﻣﺎ ﻳﻌﻮد إﱃ ﻣﺎ ﻳﻘﺎرب ﺛﻼﺛﺔ )‪ (03‬ﻗﺮون؛‬
‫أي ﻣﻨﺬ ﺣﻮاﱄ‬
‫‪1700‬م‬
‫♣‬
‫ﺗﻘﺮﻳﺒﺎ‪ ،‬وﻗﺪ اﻗﱰﺣﺖ اﳌﻤﺎرﺳﺎت اﻟﻨّﻘﺪﻳّﺔ اﻷدﺑﻴّﺔ اﻟﱵ ﺗﺒﻨﻴﻨﺎﻫﺎ‬
‫∗‬
‫اﻝدارﺴﻴن ﻓﻲ ﻜ ّل ﻝﻐﺔ ﻋﻠﻰ ﺤدة‪ ،‬ﻓﻬذا ﻝﻴس‬
‫ ﻨﺸﻴر –ﻫﺎﻫﻨﺎ‪ -‬إﻝﻰ ّأﻨﻨﺎ ﻝن ﻨدﺨل ﻓﻲ ﺘﻔﺎﺼﻴل اﻻﺨﺘﻼﻓﺎت ﺒﻴن ّ‬‫ﺎﻝﻲ ﺴﻨﻜﺘﻔﻲ ﻓﻲ ﺘﺼﻨﻴف‬
‫ﻫدف د ارﺴﺘﻨﺎ؛ ﺒل ﻨرﻤﻲ إﻝﻰ ﻤﻌرﻓﺔ ﺤدود اﻷﻏراض ﺒﻴن اﻷﻤﺎز ّ‬
‫ﻴﻐﻴﺔ واﻝﻌر ّﺒﻴﺔ؛ وﺒﺎﻝﺘّ ّ‬
‫ﻴﻐﻴﺔ‬
‫ﻴﻐﻴﺔ واﻝﻌر ّﺒﻴﺔ ﻋﻠﻰ ﻨﻤوذج واﺤد ﻋﻠﻰ ّأﻨﻪ ﻨظرّﻴﺎ ﻴﻤﺜل اﻝﺜّﻘﺎﻓﺔ ﻜﻜل‪ ،‬وﺴﻨﻌﺘﻤد ﻓﻲ اﻷﻤﺎز ّ‬
‫اﻷﻏراض ﻓﻲ اﻷﻤﺎز ّ‬
‫اﻝﻘﺒﺎﺌﻠﻲ وﺨﺼﺎﺌﺼﻪ )ﺒﻴن‬
‫ﻌر‬
‫ﺸ‬
‫اﻝ‬
‫ور‬
‫ﺘط‬
‫)‬
‫ﺴﺎﺒﻘﺎ‬
‫اﻝﻤذﻜور‬
‫ﻜﺘﺎﺒﻪ‬
‫ﺨﻼل‬
‫ﻤن‬
‫ﺠﻼوي‬
‫ﻤﺤﻤد‬
‫ﻋﻠﻰ ﺘﺼﻨﻴف اﻝﺒﺎﺤث‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫ﺒﻲ‪ ،‬ط ‪ ،24‬اﻝﻘﺎﻫرة‪2003 ،‬م‪ ،‬دار اﻝﻤﻌﺎرف(‪.‬‬
‫ر‬
‫اﻝﻌ‬
‫اﻷدب‬
‫ﻴﺦ‬
‫ر‬
‫ﺘﺎ‬
‫)‬
‫ﻀﻴف‬
‫ﺸوﻗﻲ‬
‫وﻜﺘﺎب‬
‫اﻝﺘّﻘﻠﻴد واﻝﺤداﺜﺔ((‬
‫ّ‬
‫اﻝﺴﺎﺒق‪.‬‬
‫اﻝﻬﺎﻤش‬
‫♣‪ -‬اﻝﻤذﻜورة ﻓﻲ‬
‫ّ‬
‫]‪[319‬‬
‫ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﺑﻄﺮﻳﻘﺔ ﻣﺘﻔﺮدة‪ ،‬وﺳﻨﺤﺎول ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ‬
‫ﺗﺼﻨﻴﻒ ذﻟﻚ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﺣﺴﺐ ﻣﻨﻈﻮر ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ ﺑﲔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ واﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ‪.‬‬
‫ﻋﺮض أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف واﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت ّ‬
‫ﺸﻌﺮ‪ :‬ﻻﺣﻈﻨﺎ أﺛﻨﺎء ﻓﺤﺺ اﳌﺼﺪرﻳﻦ‬
‫‪ :1.2‬أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ ﻟﻠ ّ‬
‫اﳌﺬﻛﻮرﻳﻦ أ ّن ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮب واﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ ﲣﺘﻠﻒ ﰲ ﻣﻮاﻗﻊ ﻛﺜﲑة‪ ،‬وﻫﻮ ﻣﺎ‬
‫ﺳﻨﻌﺮض ﻟﺒﻌﺾ ﺣﻴﺜﻴﺎﺗﻪ ﻓﻴﻤﺎ ﻳﻠﻲ‪.‬‬
‫ﻳﻐﻲ اﻟﻘﺪﻳﻢ‪ :‬ﻳﻘﺪم ﻟﻨﺎ اﻟﻨّﺎﻗﺪ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي ﳎﻤﻮﻋﺔ‬
‫‪ :1.1.2‬ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻟ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻳﻐﻲ اﻟﱵ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ ﳑﺎﺛﻼ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت‬
‫ﻣﻦ اﻷﻏﺮاض اﻟﻘﺪﳝﺔ ﰲ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ؛ ﻣﻨﻬﺎ ﻣﺎ ﻳﻠﻲ‪:‬‬
‫اﳍﺪﻫﺪة‪AZUZEN-‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﺗﻘﻮﻟﻪ اﻷم ﳌﺴﺎﻋﺪة اﻟﻄّﻔﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﻮم‪...‬‬
‫اﳌﺪاﻋﺒﺔ‪ASERQES -‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﺗﻘﻮﻟﻪ اﻷم أﺛﻨﺎء اﻟﻠّﻌﺐ ﺑﺎﻟﻄّﻔﻞ ﻛﺘﻮاﺟﺪﻩ ﺑﲔ‬
‫ﻳﺪي اﻷم‪ ،‬وﻫﻲ ﺗﺮﻓﻌﻪ إﱃ اﻷﻋﻠﻰ‪...‬‬
‫أﺷﻮﻳﻖ‪ACEWWIQ -‬‬
‫اﻟﺸﻐﻞ‪.‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى ﰲ ﻋﺎﱂ ّ‬
‫أورار‪URAR -‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﻌﺎﱂ اﻷﻋﺮاس؛ ﻳﻜﻮن ﰲ ﺣﻠﻘﺔ رﻗﺺ‪،‬‬
‫وﺗﻜﻮن ﻫﻨﺎك آﻻت‪...‬‬
‫ﺛﻴﺒﻮﻏﺎرﻳﻦ‪-‬‬
‫ﺑﻴﻊ‬
‫‪TIBUҐARIN‬‬
‫اﳊﻨﺎء‪AZENZI -‬‬
‫‪LHENNI‬‬
‫ﻧﺴﺎﺋﻲ ﻣﻠﺤﻦ ﻳﺆدى دون آﻻت ﰲ ﻣﻨﺎﺳﺒﺎت‬
‫ﺷﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫ﻋﺪة ﻛﻔﺮز اﳊﺒﻮب‪ ،‬وﻓﱰات ﻣﻦ اﻷﻋﺮاس‪...‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى دون أﳊﺎن أﻳﺎم ﺧﻀﺐ اﳊﻨﺎء ﻟﻠﻌﺮﺳﺎن أو‬
‫ﻟﻠﺨﺘﺎن‪...‬‬
‫]‪[320‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫وﻟﻌﻞ ﺗﺮﲨﺔ ﺗﺴﻤﻴﺎت ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض اﻟﱵ ﳍﺎ ﺗﻮاﺟﺪ راﺳﺦ ﰲ ّ‬
‫ﻳﻐﻲ ﲢﻴﻞ إﱃ ﻋﺪم ﻣﻌﺮﻓﺔ اﻟﻌﺮب ﳌﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض )ﻣﻦ ﺣﻴﺚ ﻫﻲ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﰲ‬
‫اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ‪ ،‬ﻓﻠﻢ ﻳﻔﻜﺮ‬
‫اﻟﻠّﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ(‪ ،‬ﻓﻐﺮض ك"ﺑﻴﻊ اﳊﻨﺎء" ﻟﻴﺲ ﻟﻪ أي ﻣﻌﲎ ﰲ ّ‬
‫اﻟﱰاث ّ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ ﺻﻨﻔﺎ ﻣﺎ ﻳﺆدى أﺛﻨﺎء ﺧﻀﺐ اﳊﻨﺎء‪ ...‬ﻟﻜﻦ اﻟﻌﺮب‬
‫اﻟﻌﺮﰊ ﻗﺪﳝﺎ أن ﳚﻌﻞ ّ‬
‫اﻟﻨّﺎﻗﺪ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﺪﱘ؛ ﻗﺪ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ ‪-‬أﻳﻀﺎ‪ -‬ﻣﻘﺎﺑﻼ ﰲ‬
‫ﻓﻜﺮوا ﰲ ﻃُﺮق أﺧﺮى ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ ّ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪.‬‬
‫ﺑﻲ اﻟﻘﺪﻳﻢ )أﻏﺮاﺿﻪ(‪ :‬ﻳﺬﻛﺮ )ﺷﻮﻗﻲ ﺿﻴﻒ( اﻟﻜﺜﲑ ﻣﻦ‬
‫‪ :2.1.2‬ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻟ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ اﻟﻌﺮ ّ‬
‫اﳉﺎﻫﻠﻲ وﺣﺪﻩ؛ واﻟﱵ ﻻ ﳒﺪ ﳍﺎ أﺛﺮا ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻷﻣﺎزﻳﻎ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫اﻷﻏﺮاض اﳌﻮﺟﻮدة ﰲ ّ‬
‫ّ‬
‫ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ اﻟﻘﺪﱘ؛ وﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض‪:‬‬
‫اﻟﻔﺨﺮ واﳊﻤﺎﺳﺔ‬
‫اﻟﺼﺪق واﻟﻌﻔﺎف‪.‬‬
‫ﺷﻌﺮ ﻳﺘﻐﲎ ﺑ ّ‬
‫ﺎﻟﺸﺠﺎﻋﺔ واﻟﻜﺮم و ّ‬
‫اﻟﻮﺻﻒ‬
‫ﺷﻌﺮ ﻳﻬﺘﻢ ﺑﻨﻘﻞ ﺣﻴﺜﻴﺎت اﳊﻴﺎة‪ ،‬وﺧﺎﺻﺔ اﳋﻴﻤﺔ وﻣﺎ ﳛﻴﻂ ‪‬ﺎ؛‬
‫ﻳﺘﻤﻴّﺰ ﺑﺎﳊﺴﻴّﺔ‪.‬‬
‫اﳌﺪح‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﺬﻳﻦ ﺧﺎﻟﻄﻮا اﻟﻘﺼﻮر‬
‫ﺷﻌﺮ اﻟﺘّﻐﲏ ﺑﻔﻀﺎﺋﻞ اﻟﻐﲑ؛ وﻫﻮ ﲰﺔ ّ‬
‫واﳌﻠﻮك‪.‬‬
‫وﻧﻼﺣﻆ‪ ،‬ﻣﻦ ﺧﻼل ﻫﺬا اﳉﺪول‪ ،‬أ ّن اﻟﻌﺮب ﻗﺪ ﺻﻨﻔﻮا أﺷﻌﺎرﻫﻢ ﺑﻄﺮق‬
‫ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﻛﺒﲑ ﻋﻦ اﻷﻣﺎزﻳﻎ؛ ﻓﻐﺮض ﻛﺎﻟﻮﺻﻒ ﱂ ﻳﺄت ذﻛﺮﻩ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻘﺪﳝﺔ‬
‫ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ‪ ،‬وﻛﺬﻟﻚ اﻷﻣﺮ ﻣﻊ اﳌﺪح‪...‬‬
‫]‪[321‬‬
‫‪ :3.1.2‬أﺳﺒﺎب اﻻﺧﺘﻼف اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﻴﻦ ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ‪ :‬ﻳﻌﻮد أﻣﺮ اﺧﺘﻼف‬
‫ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻌﺮب واﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻟﺸﻌﺮﻫﻢ اﻟﻘﺪﱘ إﱃ اﺧﺘﻼف اﳌﻌﺎﻳﲑ اﳌﻌﺘﻤﺪة ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ‪،‬‬
‫ﺎﱄ‪:‬‬
‫وﳝﻜﻦ ﺗﻔﺴﲑ ذﻟﻚ ﻛﺎﻟﺘّ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻋﻠﻰ اﳌﻌﺎﻳﲑ اﻟﺘّﺎﻟﻴّﺔ‪:‬‬
‫ ﻓﻲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ :‬ﻳﻌﺘﻤﺪ اﻟﻨّﻘﺎد اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻒ أﻏﺮاض ّ‬‫اﻷﺷﻌﺎر‪ ،‬أدوار‬
‫اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت‪ ،‬اﻟﻮﺳﺎﺋﻞ اﻷداﺋﻴّﺔ‪ ،‬اﳉﻨﺲ اﳌﻤﺎرس ﻟﻪ‪ ،‬ﻣﻀﻤﻮن‬
‫ووﻇﺎﺋﻒ ﺗﻠﻚ اﻷﺷﻌﺎر‪.‬‬
‫ ﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ‪ :‬ﻳﺮﺗﻜﺰ اﻟ ّﺪارﺳﻮن ﰲ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎ‪‬ﻢ ﻋﻠﻰ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﻛﺜﲑة ﻛﺎﳌﻀﺎﻣﲔ وأﻫﺪاف‬‫اﻷﺷﻌﺎر‪...‬‬
‫وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ‪ ،‬ﻣﻦ ﺧﻼل ﻣﺎ ﻋﺮﺿﻨﺎﻩ‪ ،‬أ ّن اﺧﺘﻼف اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ ﺑﲔ اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﲔ ﻣﺮدﻩ‬
‫ﻳﻐﻲ؛‬
‫ﻫﻮ ﻣﻌﺎﻳﲑ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ؛ وﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ ﻋﺪم ورود "اﻟﻮﺻﻒ" ﻣﺜﻼ ﰲ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻓﻠﻴﺲ ﻣﺴﺘﺒﻌﺪا أن ﺗﻜﻮن ﺑﻌﺾ اﻟﻘﺼﺎﺋﺪ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ "وﺻﻔﺎ"؛ ﻟﻜﻦ ﱂ ﺗﺼﻨﻒ‬
‫اﻧﻄﻼﻗﺎ ﻣﻦ ﻫﺬا اﳌﻨﻈﻮر؛ ﺑﻞ أُدرﺟﺖ رﲟﺎ ﰲ )اﳍﺪﻫﺪة( أو ﰲ أي ﻏﺮض آﺧﺮ‪،‬‬
‫واﻟﻌﻜﺲ ﺻﺤﻴﺢ ‪-‬أﻳﻀﺎ‪ -‬ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ ﻟﻠﻌﺮﺑﻴّﺔ اﻟﱵ ﲣﺘﻠﻒ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﻋﻦ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‬
‫ﻛﻞ اﻷﻏﺮاض ﺑﱰﺗﻴﺐ‬
‫ﻟﻜﻞ اﻷﻏﺮاض‪ ،‬ﻓﺎﳌﻌﻠﻘﺎت ﻳﻘﺪم ﻓﻴﻬﺎ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء ّ‬
‫ﺑﻜﻮ‪‬ﺎ ﻣﺘﻀﻤﻨﺔ ّ‬
‫ﻣﻌﲔ‪ 1‬ﻋﻜﺲ اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﱵ ﺗﺘﻤﻴّﺰ –ﻋﺎدة‪ -‬ﺑﻮﺣﺪة اﳌﻮﺿﻮع‪.‬‬
‫ّ‬
‫ﺑﻲ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‪:‬‬
‫‪ :2.2‬أوﺟﻪ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ ﻓﻲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ اﻟﻘﺪﻳﻢ ﻟﻠ ّ‬
‫ﺸﻌﺮ ﻓﻲ اﻟﻨّﻘﺪ اﻟﻌﺮ ّ‬
‫ﻳﻐﻲ‬
‫وﻗﻔﻨﺎ ﰲ اﻟﻨّﻘﻄﺔ ّ‬
‫اﻟﺴﺎﺑﻘﺔ ﻋﻠﻰ ﲨﻠﺔ اﻻﺧﺘﻼﻓﺎت اﳌﻮﺟﻮدة ﺑﲔ اﳌﻨﻈﻮر ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‪ ،‬وﻟﻜﻦ ﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﺪم وﺟﻮد ﺑﻌﺾ ﻧﻘﺎط اﻟﺘّﻘﺎﻃﻊ ﺑﲔ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ‬
‫ﻷﻏﺮاض ّ‬
‫ﺎﱄ‪:‬‬
‫اﻟﻘﺪﳝﲔ ﻟﺘﻠﻚ اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ‪ ،‬وﳝﻜﻦ ﻣﻼﺣﻈﺔ ذﻟﻚ ﻣﻦ ﺧﻼل اﳉﺪول اﻟﺘّ ّ‬
‫‪1‬‬
‫ﺒﻲ‪ ،‬ج‪ ،01‬ص ‪.212‬‬
‫‪ -‬ﺸوﻗﻲ ﻀﻴف‪ ،‬ﺘﺎرﻴﺦ اﻷدب اﻝﻌر ّ‬
‫]‪[322‬‬
‫ﻳﻐﻲ اﻟﻘﺪﱘ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﺷﻌﺮ اﻟﻨّﻘﺎﺋﺾ‬
‫‪AMΣEZBER‬‬
‫اﻟﻌﺮﰊ اﻟﻘﺪﱘ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫ﺗﺒﺎري‬
‫ﺑﲔ‬
‫ﺑﺎﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء‪ ،‬وﻟﻪ أﺻﻨﺎف‬
‫ّ‬
‫ﻛﺜﲑة‬
‫اﻻﻳﻘﺎف‪،‬‬
‫ﻣﺜﻞ‬
‫اﻟﻨّﻘﺎﺋﺾ‪،‬‬
‫اﳍﺠﺎء‬
‫أورار‬
‫دون‬
‫ﺗﻮﻳﺰة‪،‬‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻷﺧﺮى‪،‬‬
‫ﻗﺪ ﻳﻜﻮن ﺟﺰء ﻣﻨﻪ‪.‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء‪...‬‬
‫ّ‬
‫ﻳﲏ‬
‫اﻟ ّﺬﻛﺮ اﻟ ّﺪ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء ﻫﻮ‬
‫ﺗﺒﺎري ّ‬
‫اﻷﺷﻬﺮ ﻋﻨﺪ اﻟﻌﺮب‬
‫اﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎت‬
‫ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﳉﻨﺎﺋﺰ –أﺳﺎﺳﺎ‪-‬‬
‫‪ADEKKER‬‬
‫واﳊﺞ وزﻳﺎرة اﻷﺿﺮﺣﺔ‪...‬‬
‫اﻟﺮﺛﺎء‬
‫ّ‬
‫اﻟﺮﺛﺎء ﺟﺰء ﻣﻦ اﻟ ّﺬﻛﺮ‬
‫ّ‬
‫ﻳﲏ‪.‬‬
‫اﻟ ّﺪ ّ‬
‫ﻳﲏ‬
‫اﻟ ّﺪ ّ‬
‫أﺷﻌﺎر ﺗﻘﺎل ﰲ اﻟﻮﺳﻂ‬
‫ﻳﲏ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟ ّﺪ ّ‬
‫اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ‪.‬‬
‫اﻟﻘﺼﺺ‬
‫‪TIQSIDIN N‬‬
‫‪DDIN‬‬
‫واﻷﺳﻮاق‪...‬‬
‫اﻟﻌﺎﺋﻠﻲ‬
‫ّ‬
‫ﻟﻜﻨّﻬﺎ ﳏﺪودة اﻻﻧﺘﺸﺎر‬
‫ﻟﻄﻮﳍﺎ‪...‬‬
‫ﻮﰲ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫اﻟﺼ ّ‬
‫‪TASUFIT‬‬
‫ﺗﺄﻣﻠﻲ ﻳﺆدﻳﻪ اﻟﻨّﺨﺒﺔ‬
‫ﺷﻌﺮ ّ‬
‫وﻳﻌﺮض ﻋﻠﻰ اﻟﻨّﺨﺒﺔ‬
‫اﻟﺼﻮﻓﻴّﺔ‪...‬‬
‫ّ‬
‫ﻮﰲ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺼ ّ‬
‫ﻳﲏ‬
‫اﳌﺪﻳﺢ اﻟ ّﺪ ّ‬
‫ﺷﻌﺮ ﻳﺆدى ﰲ اﻷﻋﻴﺎد‬
‫اﳌﺪاﺋﺢ‬
‫اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ واﻟﻌﺎﺷﻮراء‪...‬‬
‫اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ‬
‫‪TAMEDYAZT‬‬
‫‪LMADH‬‬
‫‪ADIYANI‬‬
‫]‪[323‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ‪.‬‬
‫اﻟﺘّﻌﺮﻳﻒ ﻧﻔﺴﻪ‪.‬‬
‫ﻳﻐﻲ ﻳﺘﻘﻄﻌﺎن ﺑﻄﺮق ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺣﻴﺚ ﳒﺪ‬
‫ﻧﻼﺣﻆ أ ّن اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﲔ ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ‪ ،‬ﻓﻐﺮض‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ﻳﻐﻲ ّ‬
‫ﺑﻌﺾ أﺻﻨﺎف ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ ﻛﺄﺟﺰاء ﻣﻦ ﺗﺼﻨﻴﻔﺎت اﻟﻨّﻘﺪ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻳﻐﻲ‪ ،‬وﻳﺒﺪو ﻟﻨﺎ أ ّن‬
‫ّ‬
‫ﻛﺎﻟﺮﺛﺎء ﻣﺎ ﻫﻮ ﰲ اﳊﻘﻴﻘﺔ إﻻ ﺟﺰء ﻣﻦ ﻏﺮض )‪ (ADEKKER‬اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ ﻻرﺗﺒﺎط اﻟﻐﺮض اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺑﺄوﺿﺎع‬
‫ﻳﻐﻲ أوﺳﻊ ﺑﻘﻠﻴﻞ ﻣﻦ اﻟﻐﺮض‬
‫ّ‬
‫اﻟﻐﺮض اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻛﺜﲑة∗ ﻛﺎﳉﻨﺎﺋﺰ واﳊﺞ‪ ...‬ﰲ ﺣﲔ أ ّن اﻟﺮﺛﺎء ﻋﻨﺪ اﻟﻌﺮب ﻣﺮﺗﺒﻂ ﺑﺎﻟﻮﻓﻴﺎت ﻓﻘﻂ‪.‬‬
‫وﳝﻜﻦ اﻟﻮﻗﻮف ﻋﻠﻰ ﻧﻮع آﺧﺮ ﻣﻦ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ؛ وﻫﻮ ﻣﺎ ﳝﻜﻦ اﻋﺘﺒﺎرﻩ اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ‬
‫اﳌﻄﻠﻖ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻒ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﺗﻮﺟﺪ أﻏﺮاض ﻣﺘﻔﻖ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﺣﺪا واﻣﺘﺪادا؛ ﻣﺜﻞ اﳌﺪاﺋﺢ‬
‫اﻟ ّﺪﻳﻨﻴّﺔ‪ ،‬ورﲟﺎ ﻫﺬﻩ اﻷﻏﺮاض اﳌﺸﱰﻛﺔ ﻫﻲ ﳑﺎ ﻇﻬﺮ ﰲ ﻓﱰات ﻣﺘﺄﺧﺮة ﻣﻦ ﺣﻴﺎة اﻟﺜﻘﺎﻓﺘﲔ‬
‫اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ ،‬وﻫﻲ ﻓﱰات ﺣﺼﻞ ﻓﻴﻬﺎ اﻻﺣﺘﻜﺎك ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﺑﻔﻌﻞ اﻟﻔﺘﻮﺣﺎت‬
‫اﻹﺳﻼﻣﻴّﺔ‪ .‬وﳝﻜﻦ رد ﻫﺬا اﻟﺘّﺸﺎﺑﻪ إﱃ اﺷﱰاك اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ ﰲ اﳌﻤﺎرﺳﺎت اﻟﱵ ﲤﺜﻠﻬﺎ ﺗﻠﻚ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ‪ ،‬ﻟﻸﺳﺒﺎب اﻟﺘّﺎﻟﻴّﺔ‪:‬‬
‫اﻷﻏﺮاض ّ‬
‫أ‪ -‬اﻟﻄّﺒﻴﻌﺔ اﻟﻘﺒﻠﻴّﺔ ﻟﻠﻤﺠﺘﻤﻌﺎت اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ‪.‬‬
‫اﻹﺳﻼﻣﻲ ﰲ اﻟﺒﻴﺌﺘﲔ‪.‬‬
‫ب‪ -‬اﻧﺘﺸﺎر اﻟ ّﺪﻳﻦ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺴﻴﺎﺳﻴّﺔ واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳّﺔ ِﻣﻌﻮل ﺗﻮﺣﻴﺪ ﻟﺘﺼﻨﻴﻒ‬
‫ﻓﻜﺎﻧﺖ ﻫﺬﻩ اﳋﻠﻔﻴﺎت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ و ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‪ ،‬وﻋﻨﺼﺮ ﺗﺮﺟﻴﺢ ﳌﻴﻼد أﻏﺮاض ﻣﺸﱰﻛﺔ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ‪.‬‬
‫أﻏﺮاض ّ‬
‫‪Zbrí†y@ČðŠÈČ’Ûa@ävÜÛ@HòČîÌí‹bßþaë@òČîiŠÈÛaI@´nÌNÜÛa@Ñîä–m@´i@òã‰bÔß@M@ 3‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮاء واﻟﻨّﻘﺎد‬
‫وﺗﻐﲑ ﻣﻌﻪ ﻣﻨﻈﻮر ّ‬
‫ﺗﻄﻮر ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ ﻣﻜﺎﻧﺔ وﻣﺴﺘﻮى‪ّ ،‬‬
‫ﻟﺘﺼﻨﻴﻔﺎﺗﻪ وﻣﻮﺿﻮﻋﺎﺗﻪ؛ وذﻟﻚ ﺣﺴﺐ اﻟﺘّﻄﻮر اﳌﺬﻫﻞ اﻟﺬي ﻋﺮﻓﺘﻪ اﻹﻧﺴﺎﻧﻴّﺔ ﺣﻴﺚ ﱂ‬
‫ﺗﻌﺪ اﳊﻴﺎة ﻋﻠﻰ ﺑﺴﺎﻃﺘﻬﺎ اﻷوﱃ؛ ﰲ اﻟﺒﺎدﻳّﺔ ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ ﻟﻠﻌﺮب‪ ،‬وﻻ ﰲ اﳉﺒﺎل ﺑﺎﻟﻨّﺴﺒﺔ‬
‫ﻌﺮي؛ ﻓﻠﻢ ﻧﻌﺪ ﻧﺘﺤﺪث ﻋﻦ‬
‫ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ‪ ،‬وﻫﺬا ﻣﺎ ﻟﻪ أﺛﺮ واﺿﺢ ﰲ ﺗﻘﺴﻴﻤﺎت اﳉﻨﺲ ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫∗‪ -‬ﻋﻠﻰ اﻷﻗل ﺤﺴب ﺘﻌرﻴف ﻤﺤﻤد ﺠﻼوي ﻓﻲ ﻜﺘﺎﺒﻪ اﻝذي ذﻜرﻨﺎﻩ ﺴﺎﺒﻘﺎ‪.‬‬
‫]‪[324‬‬
‫اﳌﺪح ﻟﻸﺷﺨﺎص إﻻ ﻧﺎدرا؛ ﺑﻞ ﻟﻸﻣﻢ واﻟ ّﺪول ﻣﺜﻼ‪ ...‬ﻛﻤﺎ ﱂ ﻳﺒﻖ أي ﺣﺪﻳﺚ‬
‫ﻟﻸﻣﺎزﻳﻎ ﻋﻦ اﻷﺷﻮﻳﻖ؛ وﻧﻼﺣﻆ‪ ،‬إﺿﺎﻓﺔ إﱃ ذﻟﻚ‪ ،‬اﻧﺪﺛﺎر ﺑﻌﺾ اﳊﺮف اﳌﺼﺎﺣﺒﺔ‬
‫ﻳﻐﻲ‬
‫ﻟﺘﻠﻚ اﻷﻏﺮاض اﻟﻘﺪﳝﺔ ﻛﺎﳌﺪاح اﻟﺬي ﻛﺎن ﻟﻪ دور ﺧﻄﲑ ﰲ ﺗﺮﺳﻴﺦ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﻔﻮي‪ ،‬ﺑﻞ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﻛﻠﻐﺔ‪ ،‬ﻓﻠﻢ ﻧﻌﺪ ﻧﺴﻤﻊ اﻵن ‪‬ﺆﻻء اﻷﺷﺨﺎص إﻻ ﻧﺎدرا‪،‬‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸ ّ‬
‫ﻳﻐﻲ‪ ،‬ﰲ اﻟﻮﻗﺖ‬
‫وﳝﻜﻦ إﻋﻄﺎء ﻧﻈﺮة ﻋﺎﻣﺔ ﻋﻦ اﻷﻏﺮاض اﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ‬
‫ﺎﱄ‪:‬‬
‫اﳊﺎﱄ‪ ،‬ﻣﻦ ﺧﻼل اﳉﺪول اﻟﺘّ ّ‬
‫ّ‬
‫ﻳﻐﻲ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻲ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫ﻗﻀﺎﻳﺎ اﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ‪ :‬اﻟﻐﺮﺑﺔ‪،‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫ﻗﻀﺎﻳﺎ اﻹﻧﺴﺎن ﻋﻠﻰ‬
‫ﲢﺮر اﳌﺮأة‪..‬‬
‫اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻲ‬
‫ّ‬
‫ﺗﻌﺪدﻫﺎ‪.‬‬
‫اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ‬
‫ﺗﻄﻮر ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻘﺪﱘ )إزﱄ‪(...‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫اﻟﻐﺰل ) ّ‬
‫اﻟﻌﺎﻃﻔﻲ(‬
‫ّ‬
‫ﻏﻨﺎﺋﻲ دﺧﻠﺘﻪ ﻧﺰﻋﺔ‬
‫ﺷﻌﺮ ّ‬
‫اﻟﻠّﺠﻮء إﱃ اﻟﻄّﺒﻴﻌﺔ‪...‬‬
‫ﻮري‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺜّ ّ‬
‫اﳌﺘﻌﻠﻖ ﺑﺎﻟﺜّﻮرة اﻟﺘّﺤﺮﻳﺮﻳّﺔ ‪.‬‬
‫ﻮري‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﺜّ ّ‬
‫اﻟﺸﻌﻮب‬
‫ﻣﺘﻌﻠﻖ ﺑﺘﺤﺮر ّ‬
‫ﺤﺮري‬
‫اﻟﺘّ ّ‬
‫اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﻛﺸﻌﺮ ﻣﻔﺪي‬
‫زﻛﺮﻳﺎ ﻋﻦ اﻟﺜّﻮرة‬
‫اﳉﺰاﺋﺮﻳّﺔ‪.‬‬
‫ﻴﺎﺳﻲ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫اﻟﺴ ّ‬
‫اﻟﻘﻀﻴّﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪...‬‬
‫]‪[325‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ‬
‫ّ‬
‫ﻗﻀﺎﻳﺎ اﻻﺳﺘﺒﺪاد‬
‫ﻴﺎﺳﻲ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺴ ّ‬
‫وﺿﺮورة اﻟﺘّﺤﺮر‪.‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ‪ ،‬ﺳﻮاء ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ أو اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪،‬‬
‫وﻏﲏ ﻋﻦ اﻟﺒﻴﺎن أ ّن أﻏﺮاض ّ‬
‫ﻣﺘﺸﺎ‪‬ﺔ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﳊﺪود واﻻﻣﺘﺪاد‪ ،‬وﻳﻌﻮد ذﻟﻚ ‪-‬ﰲ رأﻳﻨﺎ‪ -‬إﱃ‪:‬‬
‫‪ -1‬ﺗﺄﺛﲑ اﻟﻌﻮﳌﺔ ﻋﻠﻰ ﺗﺼﻨﻴﻒ اﻷﻏﺮاض ﰲ ﻛﻼ اﻟﻠّﻐﺘﲔ‪ ،‬ﻓﺪﺧﻠﺖ أﻧﻮاع ﺷﻌﺮﻳّﺔ ذات‬
‫ﻣﻌﺎ؛ ﻣﺜﻞ اﳌﺴﺮﺣﻴﺎت‬
‫ﳌﻠﺤﻤﻲ و‬
‫ﻛﺎﻟﺸﻌﺮ ا‬
‫أﺻﻮل ﻏﺮﺑﻴّﺔ ّ‬
‫اﳌﺴﺮﺣﻲ إﱃ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ ً‬
‫ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﻷﲪﺪ ﺷﻮﻗﻲ ﰲ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ أو ﻣﻠﺤﻤﺔ )اﳉﺒﺎل اﳌﺰرﻛﺸﺔ "ﺻﻮﻓﻮﻧﻴﺴﺐ"‪Idurar -‬‬
‫ّ‬
‫)‪ (iṛeqmanen (Sofonisbe‬ﻟﻠﺤﺴﲔ ﻋﺮﺑﺎوي ﰲ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪...‬‬
‫ﺎﻟﺸﺎﻋﺮ‬
‫‪ -2‬ارﺗﻘﺎء ﻣﺴﺘﻮى اﻹﻧﺴﺎن‬
‫ﻳﻐﻲ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ‪ ،‬ﻓ ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ واﻷﻣﺎز ّ‬
‫واﻟﻨّﺎﻗﺪ اﻟﻌﺮﺑﻴﲔ‪ ،‬ﰲ اﻟﻘﺪﱘ‪ ،‬ﻛﺎﻧﺎ ﻣﻨﻜﻔﺌﲔ ﻋﻠﻰ ﻧﻔﺴﻬﻤﺎ ﰲ اﳉﺎﻫﻠﻴّﺔ أو ﻣﺘﻔﺘﺤﲔ ﻧﻮﻋﺎ‬
‫ﻛﻞ‬
‫ﻣﺎ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ‬
‫اﻟﻌﺒﺎﺳﻲ‪ ،‬ﻟﻜﻦ دون ﻳﺼﻞ ﻣﺴﺘﻮاﳘﺎ إﱃ ﻣﺎ وﺻﻠﻪ ﺷﻌﺮاء اﻟﻴﻮم؛ ﻟﺘﻮﻓﺮ ّ‬
‫ّ‬
‫ﻳﻐﻲ‪ ،‬ﻓﻨﻈﻦ أ ّن ﻧﻘﻠﺘﻪ أﻛﱪ ﻣﻦ ﺣﻴﺚ اﳌﺪى؛‬
‫ﻗﻲ‪ ،‬أﻣﺎ ﺣﺎل ّ‬
‫وﺳﺎﺋﻞ ّ‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻷﻣﺎز ّ‬
‫اﻟﺮ ّ‬
‫اﻟﻌﺮﰊ‪،‬‬
‫ﻷﻧّﻪ اﻧﺘﻘﻞ ﻣﻦ ﻟﻐﺔ ﺷﻔﻮﻳّﺔ إﱃ ﻟﻐﺔ ﻣﻜﺘﻮﺑﺔ‪ ،‬ﰒ اﺳﺘﻔﺎد ﳑﺎ اﺳﺘﻔﺎد ﻣﻨﻪ ّ‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ ّ‬
‫ﻏﲑ ﰲ ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻷﻏﺮاض ﰲ اﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪.‬‬
‫وﻫﺬا ﻣﺎ ‪‬‬
‫ﻟﻠﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ‬
‫وﳝﻜﻦ ﺣﺼﺮ أوﺟﻪ اﻻﺧﺘﻼف ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت اﳊﺪﻳﺜﺔ ّ‬
‫ﻋﻠﻰ ﻣﺴﺘﻮى اﳌﻮﺿﻮﻋﺎت ﻓﻘﻂ‪ ،‬وﻫﻲ أﻣﻮر ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻣﻦ ﳎﺘﻤﻊ إﱃ آﺧﺮ‪ ،‬وﻫﺬا ﻳﻌﻮد إﱃ‬
‫ﻛﻞ ﻟﻐﺔ‪ ،‬ﻓﻄﻤﻮح اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻫﻮ اﻻﻋﱰاف ﻣﺜﻼ‬
‫ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ و ّ‬
‫ﻃﺒﻴﻌﺔ اﻟﺘّﺤﺪﻳﺎت اﻟﱵ ﺗﻮاﺟﻬﻬﺎ ّ‬
‫ﻴﺎﺳﻲ‬
‫ﺑﺎﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ ،‬ﻓﺄﺻﺒﺢ ﺷﻌﺮ اﻟﻘﻀﻴّﺔ ﻛﺜﲑا ﰲ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ و ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ّ‬
‫اﻟﺴ ّ‬
‫ﺑﺸﻜﻞ ﺧﺎص‪ ،‬أﻣﺎ ﻃﻤﻮح ﺷﻌﺮاء اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ‪ ،‬ﻓﻠﻢ ﻳﻜﻦ اﻻﻋﱰاف ﺑﻠﻐﺘﻬﻢ ﻣﺜﻼ؛ ﻷ ّن دول‬
‫اﻻﺳﺘﻘﻼل اﻋﱰﻓﺖ ‪‬ﺎ‪ ،‬ﻟﻜﻦ أﻣﻠﻬﻢ ﻛﺎن ﻣﺘﺠﻬﺎ ﳓﻮ ﳏﺎرﺑﺔ ﻗﻴﻮد اﻻﺳﺘﺒﺪاد ﰲ ﺑﻌﺾ‬
‫اﻟ ّﺪول‪...‬‬
‫]‪[326‬‬
‫‪: +‬‬‫وﻗﻔﻨﺎ ﰲ اﻟﺒﺤﺚ اﻟﺬي ﻗﺪﻣﻨﺎﻩ ﻋﻠﻰ دراﺳﺔ اﳊﺪود اﳌﻮﺟﻮدة ﺑﲔ اﻷﻏﺮاض‬
‫ﻛﻞ ﺛﻘﺎﻓﺔ‬
‫اﻟﺸﻌﺮﻳّﺔ ﰲ اﻟﻠّﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ واﻟﻠّﻐﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ‪ ،‬ﻓﺤﺎوﻟﻨﺎ ﲢﺪﻳﺪ ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ّ‬
‫ّ‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ّ‬
‫أﺳﺎﺳﻲ‪ -‬ﺑﺎﳌﻘﺎرﻧﺔ ﺑﲔ ﺗﺼﻨﻴﻔﻲ اﻟﻠّﻐﺘﲔ‪ ،‬وﻗﺪ ﺧﻠﺼﻨﺎ‬
‫ﻋﻠﻰ ﺣﺪة ﻣﻊ اﻻﻫﺘﻤﺎم ‪-‬ﺑﺸﻜﻞ‬
‫ّ‬
‫إﱃ ﻧﺘﻴﺠﺘﲔ أﺳﺎﺳﻴﺘﲔ ﳘﺎ‪:‬‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴّﺔ واﻟﻌﺮﺑﻴّﺔ ﰲ اﻟﺘّﺼﻨﻴﻔﺎت‬
‫‪ -1‬اﺧﺘﻼف ﺟﻐﺮاﻓﻴﺎ ﺗﺼﻨﻴﻒ ّ‬
‫اﻟﻘﺪﳝﺔ‪ ،‬وﻫﺬا ﻳﻌﻮد إﱃ ﻋﺪة أﺳﺒﺎب؛ ﻗﺪ ﻧﺬﻛﺮ ﻣﻨﻬﺎ‪:‬‬
‫ اﻧﻐﻼق ا‪‬ﺘﻤﻌﺎت واﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﻗﺪﳝﺎ‪.‬‬‫ اﻻﻧﻄﻼق ﻣﻦ ﻣﻌﺎﻳﲑ ﺗﺼﻨﻴﻒ ﳐﺘﻠﻔﺔ ﺑﲔ اﻟﺜّﻘﺎﻓﺘﲔ‪.‬‬‫اﻟﺸﻌﺮ ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ‪ ،‬وﻫﺬا ﻳﻌﻮد –أﺳﺎﺳﺎ‪ -‬إﱃ‬
‫‪ -2‬ﺗﻨﻤﻴﻂ ﺗﺼﻨﻴﻒ أﻏﺮاض ّ‬
‫ﺳﺒﺒﲔ –أﻳﻀﺎ‪ -‬ﳘﺎ‪:‬‬
‫ﻛﻞ اﻟﻠّﻐﺎت واﻟﺜّﻘﺎﻓﺎت ﰲ اﻟﻌﺎﱂ‪.‬‬
‫ ﺗﺄﺛﲑ اﻟﻌﻮﳌﺔ واﻟﺘّﺜﺎﻗﻒ ﺑﲔ ّ‬‫ ارﺗﻘﺎء اﳌﺴﺘﻮﻳﺎت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴّﺔ واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳّﺔ‪ ...‬ﻟﻺﻧﺴﺎن ﰲ اﻟﻌﺼﺮ اﳊﺪﻳﺚ‪.‬‬‫وﻧﺄﻣﻞ‪ ،‬ﰲ اﻷﺧﲑ‪ ،‬أﻧّﻨﺎ ﻗﺪ ﻗﺪﻣﻨﺎ ﻗﺮاءة أوﻟﻴّﺔ ﻟﻠﻤﻮﺿﻮع ﻋﻠﻰ أ ّن ﻫﺬﻩ اﻟ ّﺪراﺳﺎت اﳌﻘﺎرﻧﺔ‬
‫ﻣﺘﻐﲑات‬
‫ﲢﺘﺎج إﱃ ﺟﻬﻮد أﻛﱪ ﻟﻔﻬﻢ أﻋﻤﺎق اﻻﺧﺘﻼﻓﺎت واﻻﺗﻔﺎﻗﺎت؛ ﳌﺎ ﺗﺘﻮﻓﺮﻩ ﻣﻦ ّ‬
‫ﻗﺪ ﻻ ﳝﻜﻦ ﻟﻌﻤﻞ واﺣﺪ أن ﳛﺼﺮﻫﺎ‪.‬‬
‫]‪[327‬‬
‫‪@ @@Áìn½a@Üþbi@òîÌí‹bßþa@òíŠÈ’Ûa@Âb¸þa‬‬
‫‪HlŠÌ½a@ÁëI‬‬
‫‪----------------------‬‬
‫ﻣـﺤ ـﻨـ ــﺪ اﻟﺮ ـ‬
‫ﻛﻠﻴـ ــﺔ اﻵداب واﻟﻌﻠـ ــﻮم اﻹﻧﺴﺎﻧﻴــﺔ ﺳﺎﻳـ ــﺲ‪ -‬ﻓـ ـ ــﺎس – اﻟﻤﻐﺮب‬
‫‪: ', '''# ',* ', -0‬‬
‫ﳛﺘﺎج اﻟﺒﺤﺚ اﻷﻛﺎدﳝﻲ ﰲ اﻷدب اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‪ ،‬ﺑﻮﺻﻔﻪ ﳎﺎﻻ ﺑﻜﺮا‪ ،‬إﱃ‬
‫ﺑﺪل ﳎﻬﻮدات ﻛﺒﲑة ﳉﻤﻊ اﳌﱳ وﺗﺪوﻳﻨﻪ وﺗﺼﻨﻴﻔﻪ ودراﺳﺘﻪ‪ ،‬وﺑﺎﻟﺘﺎﱄ‪ ،‬ﲢﺪﻳﺪ أﺟﻨﺎﺳﻪ‬
‫وأﻏﺮاﺿﻪ‪ ،‬ﰒ إﺑﺮاز ﺗﻴﻤﺎﺗﻪ وﻣﻘﻮﻣﺎﺗﻪ اﻹﻳﻘﺎﻋﻴﺔ واﻟﻔﻨﻴﺔ واﳉﻤﺎﻟﻴﺔ‪ .‬إن اﻟﻘﻴﺎم ‪‬ﺬا اﻟﻌﻤﻞ‬
‫اﻟﻄﻤﻮح ﻳﻘﺘﻀﻲ ﻣﻦ اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺘﻨﻘﻞ ﻋﱪ اﳉﺒﺎل واﻷودﻳﺔ واﻟﻮاﺣﺎت ﻟﻴﺘﻠﻘﻒ اﳌﺘﻮن ﻣﻦ‬
‫أﻓﻮاﻩ "إﻣﺪﻳﺎزن" اﻟﺬﻳﻦ دأﺑﻮا ﻋﻠﻰ ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﺑﺎﻟﻔﻄﺮة واﻟﺴﻠﻴﻘﺔ دوﳕﺎ ﺗﻜﻠﻒ أو ﺗﺼﻨﻊ‬
‫ﻛﻤﺎ ﻋﻮدﻧﺎ ﺑﻪ ﺑﻌﺾ أﺷﺒﺎﻩ "اﻟﺸﻌﺮاء"‪ .‬وﻻ ﺷﻚ أن إﳒﺎز ﻣﺜﻞ ﻫﺬا اﻟﺒﺤﺚ اﳉﺎد‬
‫ﻳﺘﻄﻠﺐ إﻣﻜﺎﻧﺎت ﻣﺎدﻳﺔ وﻣﻌﻨﻮﻳﺔ‪ .‬رﻏﻢ ا‪‬ﻬﻮدات اﻟﱵ ﻳﻘﻮم ‪‬ﺎ إﻳﺮﻛﺎم‪ ،‬اﻟﺬي أوﻛﻠﺖ‬
‫إﻟﻴﻪ‪-‬رﲰﻴﺎ‪ -‬ﻣﻬﻤﺔ اﻟﻨﻬﻮض ﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ ،‬ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻻزﻟﻨﺎ ﰲ ﺣﺎﺟﺔ ﻣﺎﺳﺔ إﱃ ﺑﺎﺣﺜﲔ‬
‫ﻣﺘﺨﺼﺼﲔ ﻛﺜﺮ؛ ﻷن إﳒﺎز ﻣﺜﻞ ﻫﺬﻩ اﳌﺸﺎرﻳﻊ اﻟﻌﻠﻤﻴﺔ اﻟﻀﺨﻤﺔ وﺗﺪوﻳﻦ ﺛﻘﺎﻓﺔ ﻋﺮﻳﻘﺔ‬
‫ﻋﺎﻧﺖ ﻣﻦ اﻟﺘﻬﻤﻴﺶ ﻗﺮوﻧﺎ ﳛﺘﺎج إﱃ ﺗﻀﺎﻓﺮ ﺟﻬﻮد ﲨﻴﻊ اﳉﻬﺎت‪ .‬إن إﻧﺼﺎف ﻫﺬﻩ‬
‫اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻟﺮاﺋﻌﺔ‪-‬ﺑﺘﻌﺒﲑ اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺴﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻲ ﺑﻮل ﺑﺎﺳﻜﻮن‪-‬وإﻋﺎدة اﻻﻋﺘﺒﺎر إﻟﻴﻬﺎ‬
‫أﺻﺒﺢ ﺿﺮورة ﺣﻀﺎرﻳﺔ ﻣﻠﺤﺔ وﻣﺴﺆوﻟﻴﺔ ﻋﻠﻤﻴﺔ وﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻣﻠﻘﺎة ﻋﻠﻰ ﻋﺎﺗﻖ اﻟﺒﺎﺣﺚ‬
‫اﳌﻐﺮﰊ ﺳﻮاء ﻛﺎن ﻧﺎﻃﻘﺎ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ أو ﺑﺎﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ .‬ﻛﻤﺎ أن اﻟﻨﻬﻮض ‪‬ﺬا اﳌﻜﻮن اﻟﺬي‬
‫ﻳﺸﻜﻞ اﻟﻌﻤﻮد اﻟﻔﻘﺮي ﰲ اﻟﻨﺴﻴﺞ اﻟﺜﻘﺎﰲ اﳌﻐﺮﰊ ﻣﺴﺆوﻟﻴﺔ وﻃﻨﻴﺔ‪ :‬ذﻟﻚ أن اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‬
‫ﻟﻐﺔ وﺛﻘﺎﻓﺔ وﻫﻮﻳﺔ ﻫﻲ ﻣﻠﻚ ﳉﻤﻴﻊ اﳌﻐﺎرﺑﺔ وإرث رﻣﺰي ﻧﺘﻘﺎﲰﻪ ﲨﻴﻌﺎ‪ ،‬وﻫﻲ ﺟﺰء ﻣﻦ‬
‫اﳌﺨﻴﺎل اﳉﻤﺎﻋﻲ اﳌﻐﺮﰊ‪.‬ﻓﺎﻟﺸﺨﺼﻴﺔ اﳌﻐﺮﺑﻴﺔ اﻟﺴﻮﻳﺔ واﻟﺴﻠﻴﻤﺔ ﺗﺘﺠﻠﻰ أﺳﺎﺳﺎ‪ ،‬ﰲ ﻫﺬا‬
‫اﳌﻐﺮب اﳌﺘﻌﺪد واﳌﺨﺘﻠﻒ واﳌﻨﺼﻬﺮ ﰲ ﺑﻮﺗﻘﺔ اﻟﻮﺣﺪة اﻟﻮﻃﻨﻴﺔ‪.‬‬
‫]‪[328‬‬
‫‪0$ %1 -1‬‬
‫‪6, :. /‬‬
‫)‪5‬‬
‫‪34‬‬
‫‪2‬‬
‫‪:‬‬
‫رﻏﻢ اﻟﻄﺎﺑﻊ اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ ﻟﻸدب اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺑﺼﻔﺔ ﻋﺎﻣﺔ وﻟﺸﻌﺮ اﻷﻃﻠﺲ‬
‫اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺑﺼﻔﺔ ﺧﺎﺻﺔ‪،‬ﻓﺈن اﻟﺒﺎﺣﺚ اﻟﺬي ﻳﺮوم إﳒﺎز دراﺳﺔ ﻋﻠﻤﻴﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻮﺿﻮع‬
‫ﺳﻴﻜﺘﺸﻒ أﺟﻨﺎﺳﺎ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﺗﻜﺎد اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺗﻨﻔﺮد ‪‬ﺎ؛ ﻛﻤﺎ أن اﳌﺘﺄﻣﻞ ﰲ‬
‫اﳊﻀﺎرة اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﺳﻴﻼﺣﻆ اﳊﻀﻮر اﻟﻘﻮي ﳌﻔﻜﺮﻳﻦ أﻣﺎزﻳﻎ ﻛﺘﺒﻮا ﺑﻠﻐﺎت اﻟﻐﲑ وﱂ‬
‫ﻳﻜﺘﺒﻮا ﺑﻠﻐﺘﻬﻢ اﻷﺻﻠﻴﺔ‪ .‬اﻧﺴﺠﺎﻣﺎ ﻣﻊ ﻫﺬا اﻟﺘﺼﻮر ﺗﺴﻌﻰ ﻫﺬﻩ اﻟﻮرﻗﺔ إﱃ إﺑﺮاز ﳎﻤﻮﻋﺔ‬
‫ﻣﻦ اﻷﳕﺎط اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﱵ ﻳﺰﺧﺮ ‪‬ﺎ ﺷﻌﺮ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ‪.‬ﻟﻘﺪ ﻛﺎن ﻣﻦ اﻟﻄﺒﻴﻌﻲ أن‬
‫ﳛﺘﻮي ﻋﻠﻰ ﻫﺬﻩ اﻷﺻﻨﺎف‪-‬اﻟﱵ ﺳﻨﺄﰐ ﻋﻞ ذﻛﺮﻫﺎ‪-‬ﻟﻜﻮن اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﳉﻨﺲ‬
‫اﻟﺬي ﺷﻐﻞ اﳊﻴﺰ اﻷﻛﱪ ﰲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﻟﻀﺎرﺑﺔ ﻋﻤﻘﻬﺎ ﰲ ﺗﺎرﻳﺦ ﴰﺎل إﻓﺮﻳﻘﻴﺎ‬
‫وﺣﻮض اﻟﺒﺤﺮ اﻷﺑﻴﺾ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺣﻴﺚ ﺗﺘﻘﺎﺳﻢ ﻣﻊ ﺛﻘﺎﻓﺎت ﻣﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﺧﺼﺎﺋﺺ‬
‫ﻋﺪﻳﺪة‪.‬وﻗﺪ ﻟﻔﺖ اﻧﺘﺒﺎﻩ اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﺪارﺳﲔ اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﲔ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ )ﻓﺮاﻧﺼﻮا رﻳﻨﻴﻲ‪،‬‬
‫وأرﺳﲔ روو‪ ،‬وإﻣﻴﻞ ﻻووﺳﺖ( إﱃ ﺧﺎﺻﻴﺔ "اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ " اﻟﱵ ﻳﺸﱰك ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻣﻊ اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻴﻮﻧﺎﱐ اﻟﻘﺪﱘ‪.‬‬
‫ﻟﻘﺪ ﺳﺎﳘﺖ اﳊﻀﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ ،‬ﻣﻨﺬ أﻗﺪم اﻟﻌﺼﻮر‪،‬ﰲ ﺑﻨﺎء اﳊﻀﺎرات‬
‫اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ‪ ،‬وﺗﺒﺎدل اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻟﺘﺄﺛﲑ واﻟﺘﺄﺛﺮ ﻣﻊ اﻷﻣﻢ اﻟﻘﺪﳝﺔ ا‪‬ﺎورة )اﻟﻔﺮﻋﻮﻧﻴﺔ‪،‬‬
‫اﻟﻜﻮﺷﻴﺔ‪ ،‬اﻹﻏﺮﻳﻘﻴﺔ‪،‬اﻟﻔﻨﻴﻘﻴﺔ‪ ،‬اﻟﺮوﻣﺎﻧﻴﺔ‪(...‬؛ وﺑﺮزﻣﻔﻜﺮون وﻣﺒﺪﻋﻮن ﰲ ﳐﺘﻠﻒ ﳎﺎﻻت‬
‫ﺣﻘﻮل اﳌﻌﺮﻓﺔ اﻟﺒﺸﺮﻳﺔ ﻧﺬﻛﺮ ﻣﻨﻬﻢ ﻋﻠﻰ ﺳﺒﻴﻞ اﳌﺜﺎل ﻻ اﳊﺼﺮ‪ :‬اﻟﻘﺪﻳﺲ أوﻛﺴﺘﲔ‬
‫)‪augustin‬‬
‫‪ (Saint‬اﻟﺬي أرﺳﻰ دﻋﺎﺋﻢ اﻟﻔﻜﺮ اﳌﺴﻴﺤﻲ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻛﺘﺎﺑﻪ‬
‫اﻟﺸﻬﲑ"ﻣﺪﻳﻨﺔ اﷲ"‪ ،‬ﰒ اﻟﻘﺎص اﳌﻌﺮوف أﺑﻮﻟﻴﻮس )أﻓﻮﻻي( ﺻﺎﺣﺐ اﻟﺮواﻳﺔ اﳌﺸﻬﻮرة‬
‫"اﳊﻤﺎر اﻟﺬﻫﱯ")أﺳﻨﻮس ن ورغ( اﻟﺬي ﻗﺎل ﻣﻌﺘﺰا ﺑﻮﻃﻨﻪ ﻣﺘﺤﺪﻳﺎ اﻟﻐﻄﺮﺳﺔ اﻟﺮوﻣﺎﻧﻴﺔ‬
‫"ﻻ ﻳﺘﻤﻠﻜﻨﻲ ﻓﻲ ﻳﻮم ﻣﻦ اﻷﻳﺎم أي ﻧﻮع ﻣﻦ اﻟﺸﻌﻮر واﻟﺨﺠﻞ ﻣﻦ ﻫﻮﻳﺘﻲ ووﻃﻨﻲ"‬
‫وﻏﲑﻫﻢ ﻣﻦ اﳌﻔﻜﺮﻳﻦ واﻟﻔﻼﺳﻔﺔ واﳌﺒﺪﻋﲔ اﻟﺬﻳﻦ ﺳﺎﳘﻮا ﰲ إﻏﻨﺎء اﻟﻔﻜﺮ اﻹﻧﺴﺎﱐ وﺑﻨﺎء‬
‫اﳊﻀﺎرات اﳌﺘﻮﺳﻄﻴﺔ ﻗﺪﳝﺎ وﺣﺪﻳﺜﺎ )أوﻛﺴﺘﲔ‪ ،‬أﺑﻮﻟﻴﻮس ﳏﻤﺪﺧﲑاﻟﺪﻳﻦ‪ ،‬ﳏﻤﺪ‬
‫]‪[329‬‬
‫أرﻛﻮن‪ (...‬ﺣﻴﻨﻤﺎ ﻧﻘﺮأ ﻟﻜﻞ أوﻟﺌﻚ اﳌﻔﻜﺮﻳﻦ ﳒﺪ أﻧﻔﺴﻨﺎ أﻣﺎم ذﻫﻨﻴﺔ وﻋﻘﻼﻧﻴﺔ ﳍﺎ‬
‫ﺧﺼﻮﺻﻴﺎت ﴰﺎل إﻓﺮﻳﻘﻴﺔ وﻣﺘﺨﻴﻞ أﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺻﺮف‪ .‬اﺳﺘﻨﺎدا إﱃ ﺗﻠﻚ اﳌﻌﻄﻴﺎت اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ‬
‫واﻟﺴﻮﺳﻴﻮﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻣﻦ اﻟﻌﺒﺚ أن ﳔﺘﺰل اﳊﻀﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻮروث اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ‬
‫اﻟﺬي ﺑﲔ أﻳﺪﻧﺎ اﻟﻴﻮم‪ .‬إن ﻋﺼﺎرة اﻟﻔﻜﺮ واﻹﺑﺪاع اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﲔ ﻛﺘﺒﻪ ﻣﻔﻜﺮون وﻓﻼﺳﻔﺔ‬
‫أﻣﺎزﻳﻎ ﺑﻠﻐﺎت اﻟﻐﲑ‪ .‬وﳎﻤﻞ اﻟﻘﻮل إن اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﱂ ﺗﻮﻟﺪ ﻣﻦ اﻟﻔﺮاغ وﱂ ﺗﺒﺘﺪئ‬
‫ﻣﻊ ﻗﺪوم إدرﻳﺲ اﻷول اﻟﺬي اﺣﺘﻤﻰ ‪‬ﻢ ﻫﺮﺑﺎ ﻣﻦ ﺑﻄﺶ اﻟﻌﺒﺎﺳﻴﲔ‪ ،‬ﺑﻞ إن اﳊﻀﺎرة‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺗﻌﻮد إﱃ ﻣﺎﻗﺒﻞ اﻟﺘﺎرﻳﺦ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﻋﺎش اﻷﻣﺎزﻳﻎ ﻋﻬﺪ اﻟﱪوﻧﺰ؛ إذ ﺗﺪل اﻟﻨﻘﻮش‬
‫واﻷﲝﺎث اﻷرﻛﻴﻮﻟﻮﺟﻴﺔ ﻋﻠﻰ اﻻﻣﺘﺪاد اﳊﻀﺎري اﻟﻌﻤﻴﻖ ﳍﺬا اﻹﻧﺴﺎن اﻻﻣﺎزﻳﻐﻲ اﻟﺬي‬
‫ﻳﻌﺘﱪ أول ﻣﻦ اﺳﺘﻌﻤﻞ اﻟﻌﺮﺑﺔ وأﺳﺲ اﳌﺪرﺟﺎت اﻟﺰراﻋﻴﺔ واﺑﺘﻜﺮ اﻟﻨﻈﺎم اﻷﲜﺪي‬
‫"ﺗﻴﻔﻴﻨﺎغ "اﻟﱵ ﺗﻌﲏ‪" :‬اﺧﱰاﻋﻨﺎ" ﻣﻨﺬ وﻗﺖ ﻣﺒﻜﺮ ﻻﺗﺰال ﻓﻴﻪ أﻏﻠﺐ اﻷﻣﻢ واﻟﺸﻌﻮب ﱂ‬
‫ﺗﻌﺮف اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ و اﻟﺘﺪوﻳﻦ ﺑﻌﺪ‪.‬‬
‫إذا ﻛﺎن اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﲟﻨﻄﻘﺔ ﺳﻮس ﻗﺪ ﲣﻠﺺ ﻧﺴﺒﻴﺎ ﻣﻦ اﻟﺸﻔﻮﻳﺔ‪ ،‬وأﺻﺒﺢ‬
‫ﻳﺘﺠﻪ ﻣﻨﺬ ﻣﻨﺘﺼﻒ اﻟﺴﺒﻌﻴﻨﺎت ﳓﻮ اﻟﺘﺪوﻳﻦ‪ ،1‬ﻓﺈن ﻧﻈﲑﻩ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ‪،‬ورﻏﻢ‬
‫اﻧﺘﺸﺎرﻩ اﻟﻮاﺳﻊ وﲡﺎوزﻩ ﺣﺪود ﳎﺎﻟﻪ اﳉﻐﺮاﰲ‪ ،‬ﻣﺎزال ﻳﺸﻖ ﻃﺮﻳﻘﻪ ﳓﻮ اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ؛ وﻣﺎزال‬
‫ﻣﻌﻈﻤﻪ ﺣﺒﻴﺲ ذاﻛﺮة اﻟﺸﻌﺮاء ﺑﺎﺳﺘﺜﻨﺎء ﺑﻌﺾ اﻷﻋﻤﺎل اﻷﻛﺎدﳝﻴﺔ اﻟﻘﻠﻴﻠﺔ اﻟﱵ ﺳﻌﺖ‬
‫إﱃ ﺗﺪوﻳﻨﻪ ودراﺳﺘﻪ‪ .2‬وﻟﻦ ﻧﺒﺎﻟﻎ إذا ﻗﻠﻨﺎ إن اﻟﺴﺮ ﰲ اﺳﺘﻤﺮارﻳﺔ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ﻫﺬﻩ‬
‫اﳌﻨﻄﻘﺔ اﻟﱵ ﻋﺎﻧﺖ ﻣﻦ اﻟﺘﻬﻤﻴﺶ واﻟﺘﻌﺘﻴﻢ اﻹﻋﻼﻣﻲ‪ ،‬ﻳﻌﻮد إﱃ ﻗﻮة ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ ﻧﻔﺴﻪ‬
‫اﻟﺬي اﺳﺘﻄﺎع أن ﻳﻨﻔﺬ ﺣﱴ إﱃ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻟﻨﺎﻃﻘﺔ ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﻴﺔ؛ ﺣﻴﺚ ﺗﻌﺘﱪ ﻗﺒﺎﺋﻞ‪" :‬زﻳﺎن"‬
‫وﻳﺮا " و"ﻛﺮوان" و"آﻳﺖ ﻳﻮﺳﻲ" و" آﻳﺖ‬
‫و"آﻳﺖ ﻣﻜﻴﻞ" و"إﻳﺸﻘﺮن" و"آﻳﺖ ّ‬
‫ﻋﻴﺎش " ﻣﻦ أﻛﺜﺮ اﳌﻨﺎﻃﻖ اﳌﻐﺮﺑﻴﺔ إﳒﺎﺑﺎ ﻟﻠﺸﻌﺮاء‪ .‬دون أن ﻧﻨﺴﻰ أن ﺑﻌﺾ ﻣﺪن‬
‫أ‪ u‬ى ‪2‬‬
‫‪ ) @ -1‬ھ‪w‬ا ا ‪ N‬د د ان ‪" %‬ء ‪ D‬اف )‪ (1976‬ودواو‬
‫أزا )‪ - L‬ر(‪ ،‬و‪ D8‬إد ‪ 4 I L) >I 5‬أو( ار(‪.‬‬
‫* }‪ ،‬وأط و‪ 8‬ر‬
‫‪ 2‬ـ @ ) ھ‪w‬ا ا ‪G2‬ن أ ل ‪ 0 { 2‬ون )‪ (93‬و)‪ (2005‬و)‪ (2006‬و ‪, 5‬ت ‪%‬‬
‫ت‬
‫ا ‪Hu 42 ( -‬ل ا ‪ D‬ات ا‪ u:‬ة ) ‪ ~ 0‬ا‬
‫)‪ ~ 0 H#) ،(2003‬ا ‪ {Q I‬ا‬
‫أ‬
‫ا ‪. 0‬‬
‫]‪[330‬‬
‫وا ‪z‬رخ ا‬
‫‪ 8‬م‬
‫اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ )ﺧﻨﻴﻔﺮة‪ ،‬أزرو‪ ،‬ﻋﲔ اﻟﻠﻮح اﻟﻘﺒﺎب ـ إدزر( ﺗﻌﺘﱪ اﳋﺰان اﻟﺸﻌﺮي‬
‫وﻣﻠﺘﻘﻰ اﻟﻌﺪﻳﺪ ﻣﻦ اﻟﻔﻨﺎﻧﲔ واﳌﻐﻨﻴﲔ اﳌﻮﻫﻮﺑﲔ )ﲪﻮ اﻟﻴﺰﻳﺪ‪ ،‬ﳏﻤﺪ ﻣﻐﲏ‪ ،‬ﻳﺎﻣﻨﺔ ن ﻋﻘﺎ‪،‬‬
‫روﻳﺸﺔ‪ ،‬ﺣﺎدة أوﻋﻜﻲ‪ ،‬ﻣﻮﺣﻰ أوﻣﻮزون‪ ،‬أزﳌﺎض‪ ،‬ﺷﺮﻳﻔﺔ‪ ،(...‬ﻛﻤﺎ أن اﻟﺬاﻛﺮة‬
‫اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﻻزاﻟﺖ ﲢﻔﻆ ﻋﻦ ﻇﻬﺮ ﻗﻠﺐ أﺷﻌﺎرا ﻟﺸﻌﺮاء ﻣﻐﻤﻮرﻳﻦ إذ ﻏﺎﻟﺒﺎ‪ ،‬ﻣﺎ ﻳﻨﺴﺐ‬
‫ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﳋﺎﻟﺪ إﱃ اﻷﻧﺎ اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ ﺣﻴﺚ ﻻ ﻳﻌﺮف ﻻ اﺳﻢ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳊﻘﻴﻘﻲ و ﻻ‬
‫اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ اﻟﱵ ﻳﻨﺘﻤﻲ إﻟﻴﻬﺎ‪.‬‬
‫ﻳﻌﺘﱪ اﻟﺸﻌﺮ ﻣﻦ أﻗﺪم اﻷﺟﻨﺎس اﻷدﺑﻴﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻹﻧﺴﺎن‪ ،‬وﻫﻮ اﻟﻐﺬاء‬
‫اﻟﻮﺟﺪاﱐ واﻟﻌﺎﻃﻔﻲ واﻟﺮوﺣﻲ ﻟﻠﻔﺮد واﳉﻤﺎﻋﺔ ﻻﺳﻴﻤﺎ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ ذات ﻃﺒﻴﻌﺔ ﺧﻼﺑﺔ ﻣﺜﻞ‬
‫اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ‪.‬ﻟﻘﺪ ﻇﻞ ﻫﺬا اﻟﺸﻜﻞ اﻟﺘﻌﺒﲑي ﻣﻼزﻣﺎ ﻟﻺﻧﺴﺎن اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺣﻴﺚ ﻋﱪ‬
‫ﻣﻦ ﺧﻼﻟﻪ ﻋﻦ ﳘﻮﻣﻪ وﻣﺸﺎﻋﺮﻩ وأﺣﺎﺳﻴﺴﻪ‪ ،‬واﻟﺸﻌﺮ ﻣﻦ أﻫﻢ اﻷﺟﻨﺎس اﻟﱵ رﺻﺪت‬
‫وﻣﺎزاﻟﺖ ﺗﺮﺻﺪ ﳕﻂ ﻋﻴﺶ اﻹﻧﺴﺎن وﺗﻨﻘﻞ ﲡﺎرﺑﻪ وأﻓﺮاﺣﻪ وﻛﺒﻮاﺗﻪ وآﻻﻣﻪ‪ ،‬وﺑﻌﺒﺎرة أﺧﺮى‬
‫اﻟﺸﻌﺮ ﻫﻮ ذﻟﻚ اﳌﺮﺟﻊ اﻟﺘﺎرﳜﻲ واﳊﻀﺎري واﻟﺴﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻲ واﻟﺴﻴﻜﻮﻟﻮﺟﻲ ﻟﻠﻔﺮد‬
‫واﳉﻤﺎﻋﺔ‪ .‬وﻟﻌﻞ ﻗﺼﺎﺋﺪ ﻓﺤﻮل ﺷﻌﺮاء اﻷﻃﻠﺲ اﳌﻮﺳﻂ ﺧﲑ ﻣﺜﺎل ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ‪،‬ﻓﻬﻲ‬
‫ﲟﺜﺎﺑﺔ اﻟﻮﺛﻴﻘﺔ اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ وﺳﺠﻞ ﳌﺎ ﻋﺎﺷﺘﻪ اﳌﻨﻄﻘﺔ ﻣﻦ أﺣﺪاث وﻗﻼﻗﻞ‪ .‬إن‬
‫اﳌﺘﺄﻣﻞ ﰲ "ﺗﻴﻔﺎر"‪-‬ﲨﻊ ﺗﺎﻳﻔﺎرت‪) -‬ﻗﺼﺎﺋﺪ( اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺳﻴﺪرك أن اﻟﺸﻌﺮ‪-‬‬
‫وﻋﻠﻰ ﻏﺮار ﳎﺘﻤﻊ ﺷﺒﻪ اﳉﺰﻳﺮة اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ ﻛﺎن دﻳﻮان اﻷﻣﺎزﻳﻎ وإﻟﻴﻪ ﻳﺮﺟﻌﻮن ﰲ ﺗﺪوﻳﻦ ﻛﻞ‬
‫اﻷﺣﺪاث اﻟﱵ ﻋﺮﻓﺘﻬﺎ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﳋﺼﺒﺔ واﻟﻐﻨﻴﺔ‪ .‬ﻣﻦ ﻫﺬا اﳌﻨﻄﻠﻖ ﳛﻖ ﻟﻨﺎ أن ﻧﻘﻮل‬
‫إن اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﻟﻮﺛﻴﻘﺔ اﻟﺘﺎرﳜﻴﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ اﻟﺬي ﻳﻨﺒﻐﻲ اﻻﺳﺘﻨﺎد إﻟﻴﻪ ﻹﻋﺎدة ﻛﺘﺎﺑﺔ‬
‫ﺗﺎرﻳﺦ اﳌﻨﻄﻘﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﻋﻠﻤﻲ وﺻﺤﻴﺢ ﺑﻌﻴﺪا ﻋﻦ أي ﺗﺰوﻳﺮ وﲢﺮﻳﻒ وﲢﺎﻣﻞ‪" .‬إذا ﻛﺎن‬
‫اﻟﺘﺎرﻳﺦ ﺳﺠﻼ ﻟﻨﺸﺎﻃﺎت اﻹﻧﺴﺎن ﻋﻠﻰ ﻣﺪى اﻟﺰﻣﻦ‪ ،‬ورﺻﺪا ﻟﻤﻈﺎﻫﺮ ﺗﺴﻠﺴﻬﺎ‬
‫وﺗﻄﻮرﻫﺎ‪ ،‬وﻣﺎ ﻳﻄﺮأ ﻋﻠﻴﻬﺎ ﻣﻦ ﺗﻐﻴﺮات‪،‬ﻓﺈن اﻷدب ﻳﻤﺘﺢ ﻣﻦ ﻫﺬﻩ اﻟﺴﻤﺔ‪،‬ﺑﺸﻜﻞ‬
‫ﻣﻦ اﻷﺷﻜﺎل‪ ،‬وﻓﻖ ﻣﺎ ﺗﺘﻴﺤﻪ ﻟﻪ إﻣﻜﺎﻧﺎﺗﻪ‪ ،‬ووﺳﺎﺋﻞ إﻧﺘﺎﺟﻪ‪ ،‬ﻏﻴﺮ أن اﻟﺘﻘﺎﻃﻊ‬
‫اﻟﻤﺤﺘﻤﻞ‪ ،‬ﻻ ﻳﻌﻨﻲ أن اﻟﺒﻮاﻋﺚ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﺮك أو ﺗﻮﺟﻪ أﻳﺎ ﻣﻨﻬﻤﺎ واﺣﺪة‪ ،‬ﻷن‬
‫اﻷدب ﻋﻠﻰ ﻣﺴﺘﻮى آﺧﺮ ﻫﻮ ﺗﺎرﻳﺦ ﻣﻀﺎف إﻟﻴﻪ أﺣﺎﺳﻴﺲ وﻣﺸﺎﻋﺮ‪ ،‬وﻗﺪرات‬
‫]‪[331‬‬
‫إﺑﺪاﻋﻴﺔ ﻣﺨﺘﻠﻔﺔ‪ ،‬ﻣﻦ اﻟﻤﻔﺘﺮض أن ﺗﻌﻜﺲ ﺑﺼﻴﻐﺔ أو أﺧﺮى ﻛﻞ أﺷﻜﺎل اﻟﺘﺠﺮﺑﺔ‬
‫‪1‬‬
‫اﻹﻧﺴﺎﻧﻴﺔ"‪.‬‬
‫إن اﻟﺒﺪء ﰲ ﺗﺪوﻳﻦ اﻟﺸﻌﺮ ‪‬ﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﻟﺬي ﺑﺪأ ﻳﺘﺤﻘﻖ ﻋﻠﻰ ﻳﺪ أﺑﻨﺎﺋﻪ ﺧﻼل‬
‫اﻟﻌﻘﻮد اﻷﺧﲑة‪-‬ﺑﻌﺪ أن ﻛﺎﻧﺖ ﻫﺬﻩ اﳌﻬﻤﺔ ﳏﺘﻜﺮة ﻣﻦ ﻗﺒﻞ اﻟﺒﺎﺣﺜﲔ اﻟﻐﺮﺑﻴﲔ‬
‫اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﲔ‪-‬ﺳﻴﻌﺰز ﻣﻦ ﻣﻜﺎﻧﺘﻪ وﻳﻀﻤﻦ اﺳﺘﻤﺮارﻳﺘﻪ‪.‬ﻛﻤﺎ أن اﻟﻄﺎﺑﻊ اﻟﺸﻔﺎﻫﻲ ﻟﻠﺸﻌﺮ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‪،‬ﺑﻮﺻﻔﻪ ﺗﻌﺒﲑا ﻋﻦ اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ واﻟﻌﻔﻮﻳﺔ اﻟﻔﻄﺮﻳﺔ‪،‬ﻫﻮ ﻧﻘﻄﺔ ﻗﻮة ﻳﻨﺒﻐﻲ‬
‫اﺳﺘﺜﻤﺎرﻫﺎ ﰲ اﲡﺎﻩ اﻟﺘﺪوﻳﻦ‪ ،‬ﻷن اﳌﻮﻫﺒﺔ اﻟﺸﻔﺎﻫﻴﺔ اﳌﺮﺗﺒﻄﺔ ﺑﺎﻟﺸﻌﺮ اﻟﻌﻔﻮي اﻟﻔﻄﺮي‬
‫اﻟﺒﻌﻴﺪة ﻋﻦ اﻟﺘﻜﻠﻒ ﻣﻦ ﺷﺄ‪‬ﺎ أن ﺗﺸﻜﻞ ﻣﺼﺪر إﳍﺎم اﻟﺸﺎﻋﺮ‪ .‬وﻣﻦ ﺟﻬﺔ أﺧﺮى‪،‬‬
‫ﳝﻜﻦ ﳊﺮﻛﺔ اﻟﺘﺪوﻳﻦ‪ ،‬ﺑﻮﺻﻔﻬﺎ "اﻟﺮﻳﺒﺮﺗﻮار" اﻟﺬي ﳛﻤﻲ اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻣﻦ اﻟﻀﻴﺎع‬
‫واﻟﻨﺴﻴﺎن‪ ،‬أن ﺗﻀﻄﻠﻊ ﺑﺎﻟﺪور اﳌﺆﺳﺴﺎﰐ اﻟﺬي ﻳﻌﻴﺪ اﻻﻋﺘﺒﺎر ﻟﻠﺸﺎﻋﺮ وﻳﺸﺠﻌﻪ وﻳﻀﻤﻦ‬
‫ﻟﻪ ﺣﻘﻮﻗﻪ‪ .‬أﺿﻒ إﱃ ذﻟﻚ أن ﺗﺪوﻳﻦ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ وﻧﻘﻠﻪ ﻣﻦ اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ اﻟﺸﻔﺎﻫﻴﺔ‬
‫اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ إﱃ اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ واﳌﺆﺳﺴﺎت اﳉﺎﻣﻌﻴﺔ ﺳﻴﺠﻌﻞ ﻣﻨﻪ ﻣﺎدة ﻗﺎﺑﻠﺔ ﻟﻠﺪراﺳﺔ واﻟﺒﺤﺚ‬
‫اﻷﻛﺎدﳝﻲ؛ ﻛﻤﺎ أن ﲢﻮﻳﻠﻬﺎ إﱃ ﻧﺺ ﻣﻜﺘﻮب ﺳﻴﺴﻬﻞ ﻣﻦ ﻣﺄﻣﻮرﻳﺔ اﻟﺪارس اﻟﺬي ﻳﺮوم‬
‫دراﺳﺔ ﻗﻴﻤﻪ اﳉﻤﺎﻟﻴﺔ وﺧﺼﺎﺋﺼﻪ اﻷﺳﻠﻮﺑﻴﺔ وﺻﻮرﻩ اﻟﺒﻼﻏﻴﺔ وا‪‬ﺎزﻳﺔ وﻣﺴﺘﻮاﻩ اﻹﻳﻘﺎﻋﻲ‪.‬‬
‫ﳑﺎ ﻻ ﺷﻚ ﻓﻴﻪ أن اﻟﺘﺠﺮﺑﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﻜﺘﻮﺑﺔ ﺳﺘﺠﻌﻞ ﻣﻦ اﻟﺸﺎﻋﺮ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﺣﺎﻣﻼ ﻟﺼﻔﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻟﺘﻠﻘﺎﺋﻲ اﻟﺸﻌﱯ اﳌﺮﲡﻞ واﳌﻌﱪ ﻋﻦ أﺻﺎﻟﺔ اﻟﺸﻌﺮ‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﰲ ﺻﻮرﺗﻪ اﻟﺘﻘﻠﻴﺪﻳﺔ اﻟﻔﻄﺮﻳﺔ اﻟﻌﻔﻮﻳﺔ اﻟﱵ ﻻ ﲣﻠﻮ ﻣﻦ ﻗﻴﻢ وﻣﺒﺎدئ إﻧﺴﺎﻧﻴﺔ‬
‫ﺣﻴﺚ ﲣﺘﻔﻲ اﻷﻧﺎ اﻟﻔﺮدﻳﺔ و‪‬ﻴﻤﻦ اﻷﻧﺎ اﳉﻤﺎﻋﻴﺔ‪،‬أي أﻧﻪ ﺷﻌﺮ ﻣﻌﱪ ﻋﻦ اﳌﺘﺨﻴﻞ‬
‫اﳉﻤﺎﻋﻲ وﻋﻦ ﳘﻮم اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ‪-‬اﻷﻣﺔ وﺣﺎﻣﻞ أﻳﻀﺎ ﻟﺼﻔﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳊﺪاﺛﻲ‪ ،‬اﻟﺬي ﻳﻮﻓﺮ‬
‫اﳌﺎدة إﱃ اﻟﻨﻘﺎد ﻗﺼﺪ اﻟﺪراﺳﺔ واﻟﺘﺤﻠﻴﻞ‪ ،‬ﻫﺬﻩ اﳌﺎدة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﱵ ﺳﺘﺴﺘﻔﻴﺪ‪ ،‬ﺑﺪروﻫﺎ‪،‬‬
‫ﻣﻦ ﻣﻔﺎﻫﻴﻢ ﻧﻈﺮﻳﺔ اﻷدب وﻣﻨﺎﻫﺞ اﳊﺮﻛﺔ اﻟﻨﻘﺪﻳﺔ اﻟﻌﺎﳌﻴﺔ‪.‬‬
‫دي )‪5 "(2006‬‬
‫‪1‬ـ ‪ I‬ي ا‬
‫‪ ) 5+‬ا‪ :‬ز‬
‫‪ 2‬رات ا = ا‬
‫(@‬
‫‪,‬ص‪72:‬‬
‫‪ -‬ر • ا‪:‬دب ا‪ :‬ز‬
‫]‪[332‬‬
‫" ‪DI‬‬
‫ا‪Q‬‬
‫‪-D‬‬
‫ة ر >‪،1‬‬
‫‪8/(), 9/: -2‬‬
‫‪#‬‬
‫‪7‬‬
‫‪:‬‬
‫‪; ,$‬‬
‫إن اﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻳﻘﻮدﻧﺎ ﺑﺎﻟﻀﺮورة إﱃ اﳊﺪﻳﺚ ﻋﻦ ﻣﻔﻬﻮم‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ ﰲ اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﺑﺎﻋﺘﺒﺎرﻩ ﻃﺮف رﺋﻴﺴﻴﺎ ﰲ اﻟﻌﻤﻠﻴﺔ اﻹﺑﺪاﻋﻴﺔ‪ .‬أول ﻣﺎ‬
‫ﻳﺼﺎدﻓﻨﺎ‪،‬وﳓﻦ ﻧﺘﻮﺧﻰ ﲢﺪﻳﺪ ﻣﺎﻫﻴﺔ اﻟﺸﺎﻋﺮ ووﻇﻴﻔﺘﻪ‪ ،‬ﻫﻮ ﺗﻌﺪد اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت اﻟﱵ أﻋﻄﻴﺖ‬
‫ﻟﻪ‪ .‬ﺣﻴﺚ ﻳﺴﻤﻴﻪ اﳌﺴﺘﻤﺰغ‬
‫‪1‬‬
‫"‪ "Michael Peyron‬ﺑـ"‪barde‬‬
‫اﻟﻤﻐﻨﻲ اﻟﺬي ﻳﻨﻀﻢ ﺷﻌﺮا ﺑﻄﻮﻟﻴﺎ ﻣﻠﺤﻤﻴﺎ‪ .‬أﻣﺎ "‬
‫"اﻟﺸﺎﻋﺮ‬
‫اﻟﻤﻨﺸﺪ"‪berbère‬‬
‫‪ "Le‬أي اﻟﺸﺎﻋﺮ‬
‫‪Arsène Roux‬‬
‫‪ ،aède‬ﰲ ﺣﲔ أﻃﻠﻖ ﻋﻠﻴﻪ‬
‫‪3‬‬
‫"‪ 2‬ﻓﻘﺪ أﲰﺎﻩ ﺑـ‬
‫"‪Laouste‬‬
‫‪"Emile‬‬
‫ﺗﺴﻤﻴﺔ "‪ "le trouvère‬أي "اﻟﺸﺎﻋﺮ اﻟﻤﻐﻨﻲ اﻟﺠﻮال" ﲟﻌﲎ "اﻟﺘﺮوﺑﺎدور" ﺑﺎﳌﻔﻬﻮم‬
‫اﳌﺘﺪاول ﺧﻼل اﻟﻘﺮﻧﲔ اﻟﺜﺎﱐ واﻟﺜﺎﻟﺚ ﻋﺸﺮ ﰲ ﺟﻨﻮب ﻓﺮﺳﻨﺎ وإﺳﺒﺎﻧﻴﺎ وﻳﻘﺎﺑﻠﻪ "أﻣﺪﻳﺎز"‬
‫ﰲ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ اﳌﻌﺮوف ﺑﺎﻟﱰﺣﺎل واﻻﻧﺘﻘﺎل ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻠﺔ إﱃ أﺧﺮى‪ ،‬ﺑﻞ أن ﻣﺎ‬
‫ﻳﺴﻤﻰ"ﺑﻮﻏﺎﻧﻴﻢ" ﺗﻨﻄﺒﻖ ﻋﻠﻴﻪ أوﺻﺎف "إﻣﻴﻞ ﻻووﺳﺖ" اﻟﺬي ﺗﻨﻔﺮد ﺑﻪ ﻣﻨﻄﻘﺔ آﻳﺖ‬
‫ﺑﻮﻛﻤﺎز وإﻧﺘﻴﻔﻦ )اﻧﺘﻴﻔﺔ( وﻣﻨﻄﻘﺔ ﺗﻮﻧﻔﻴﺖ‪ .‬رﻏﻢ ﺷﻴﻮع اﺳﻢ "أﻣﺪﻳﺎز" ﰲ ﺟﻞ ﻣﻨﺎﻃﻖ‬
‫اﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ واﳌﺘﻮﺳﻂ ﻓﻘﺪ ﻇﻬﺮت ﰲ اﻟﻌﻘﻮد اﻷﺧﲑة ﺗﺴﻤﻴﺎت ﺟﺪﻳﺪة ﻣﻦ ﻗﺒﻴﻞ‪:‬‬
‫أﻧﺸﺎد‪ ،‬أﻣﻬﻠﻞ‪ ...‬وﻣﻬﻤﺎﺗﻌﺪدت اﻟﺘﺴﻤﻴﺎت‪ ،‬ﻳﺒﻘﻰ "أﻣﺪﻳﺎز" اﻷﻛﺜﺮ اﻧﺘﺸﺎرا ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ‬
‫اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ واﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ‪ .‬ﻳﻀﻄﻠﻊ ﲟﻬﺎم ﻋﺪﻳﺪة ﻣﻦ ﺑﻴﻨﻬﺎ اﻟﺪﻓﺎع ﻋﻦ اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ‪.‬‬
‫ﻓﻬﻮ ﻟﺴﺎ‪‬ﺎ واﳌﻌﱪ ﻋﻦ ﳘﻮﻣﻬﺎ اﻻﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ واﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ واﻟﺴﻴﺎﺳﻴﺔ‪ ،‬ﻓﻀﻼ ﻋﻦ ﻛﻮﻧﻪ‬
‫اﻟﺼﺤﻔﻲ اﻟﻨﺎﻗﻞ ﻷﺧﺒﺎر اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ واﻟﻀﻤﲑ اﳉﻤﻌﻲ ﻟﻌﺸﲑﺗﻪ‪ ،‬وﻫﻮ اﶈﺮك واﶈﺮض‬
‫واﻟﺜﺎﺋﺮ واﳌﻬﺪئ واﳊﻜﻴﻢ‪.‬‬
‫ـ ‪1‬‬
‫)‪Michael Peyron » (93‬‬
‫» ‪« Isaffen ghbanin » «rivières profondes‬‬
‫‪wallada,casablanca,et voir aussi Peyron(2005) « Procédés de la poésie amazigh de la‬‬
‫‪culture marocaine, actes du colloque nationale organisé au palais des congrès à Fès‬‬
‫‪les10-11-et 12-2005.‬‬
‫‪ A,Roux « poésie berbère de l’équipe héroïque dans l’atlas central »1912-1935‬ـ‪2‬‬
‫‪ E, Laouste (1928)« chants berbères contre l’occupation française »Paris.‬ـ‪3‬‬
‫]‪[333‬‬
‫إن ﻗﻮة "أﻣﺪﻳﺎز" وﻧﻔﻮذﻩ ﰲ اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ ﻗﺪ ﺗﺘﺠﺎوز‪ ،‬أﺣﻴﺎﻧﺎ‪ ،‬ﺳﻠﻄﺔ أﻣﻐﺎر اﻟﻘﺒﻴﻠﺔ‬
‫وأﻋﻴﺎ‪‬ﺎ‪.‬ﻟﻘﺪ اﺳﺘﻄﺎﻋﺖ اﻟﺸﺎﻋﺮة اﻟﺜﺎﺋﺮة واﳌﻘﺎوﻣﺔ "ﺗﺎورﻛﺮات وﻟﺖ ﻋﻴﺴﻰ" اﺳﺘﻨﻔﺎر‬
‫أﻣﺎزﻳﻎ آﻳﺖ ﺳﺨﻤﺎن وآﻳﺖ ﳛﲕ وﺷﺤﺬ ﳘﻤﻬﻢ وإﻳﻘﺎظ ﻋﺰﻣﻬﻢ ﺑﺸﻌﺮﻫﺎ اﳌﻠﺤﻤﻲ‬
‫اﳌﻨﺎﻫﺾ ﻟﻼﺳﺘﻌﻤﺎر اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﻋﻤﻠﺖ ﻋﻠﻰ ﺗﻌﻄﻴﻞ اﻵﻟﺔ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎرﻳﺔ ﻟﺴﻨﻮات‬
‫ﻃﻮﻳﻠﺔ‪ ،‬وﱂ ﻳﺘﻤﻜﻦ ﻣﻦ اﺣﺘﻼل ﻫﺬﻩ اﳌﻨﺎﻃﻖ إﻻ ﺑﻌﺪ ﻣﻌﺮﻛﺔ "ﺗﺎزﻛﺰاوت" اﻟﺸﻬﲑة‬
‫ﺳﻨﺔ ‪ 1933‬اﻟﱵ اﺳﺘﺸﻬﺪت ﻓﻴﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮﺗﻨﺎ اﳌﻘﺎوﻣﺔ‪ .‬إن اﻟﺴﺮ ﰲ اﺳﺘﻤﺮار ﻫﺬﻩ‬
‫اﳌﻘﺎوﻣﺔ اﻟﺸﺮﺳﺔ ﻷﻛﱪ ﻗﻮة إﻣﱪﻳﺎﻟﻴﺔ ﻳﻌﻮد أﺳﺎﺳﺎ‪ ،‬إﱃ ﻗﻮة "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ‬
‫ﺗﻄﻠﻘﻬﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮة اﻟﻔﺬة "ﺗﺎوﻛﺮات أوﻟﺖ ﻋﻴﺴﻰ" ﰲ ﺳﺎﺣﺔ اﻟﻮﻏﻰ ﻣﺪوﻳﺔ ﰲ وﺟﻪ‬
‫اﳌﻘﺎوﻣﲔ اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻷﺷﺎوش اﻟﺬﻳﻦ ﻻ ﳝﻜﻠﻮن إﻻ أﺳﻠﺤﺔ ﺑﺴﻴﻄﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻣﻊ اﻟﻘﻮات‬
‫اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ اﳌﺪﺟﺠﺔ ﺑﺄﺣﺪث اﻷﺳﻠﺤﺔ اﳌﺘﻄﻮرة‪،‬إﱃ درﺟﺔ أن "ﻓﺮاﻧﺼﻮا رﻳﻨﻴﻲ" ﻛﺎن‬
‫ﻳﺸﻌﺮ اﲡﺎﻩ ﺷﺎﻋﺮﺗﻨﺎ اﻟﻀﺮﻳﺮة ﺑﺈﺣﺴﺎس ﻣﺰدوج ﳑﺰوج ﺑﺎﳊﻘﺪ واﻹﻋﺠﺎب ﰲ آن واﺣﺪ‪.‬‬
‫ﻟﻨﺴﺘﻤﻊ إﻟﻴﻪ وﻫﻮ ﻳﺘﺤﺪث ﻋﻦ ﻫﺬﻩ اﻟﺸﺎﻋﺮة‪/‬اﻷﺳﻄﻮرة ‪:‬‬
‫"ﻟﻘﺪ ﻛﺎﻧﺖ ﻋﺪوﺗﻨﺎ "ﺗﺎوﻛﺮات"‪ 1‬ﻏﻴﺮ ﻣﺎ ﻣﺮة‪،‬ﻫﻲ اﻟﺘﻲ أﺣﻴﺖ اﻟﺤﻤﺎس‬
‫واﻟﺸﺠﺎﻋﺔ ﻓﻲ ﻧﻔﻮس ﺳﻜﺎن أﻏﺒﺎﻻ‪ ...‬وﺑﻤﺠﺮد ﻣﺎ دﺧﻞ اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﻮن "أﻏﺒﺎﻻ"‬
‫ﻏﺎدرﺗﻪ "ﺗﺎوﻛﺮات" واﻟﺘﺠﺄت إﻟﻰ"ﺗﻮﻧﻔﻴﺖ" ﻋﻠﻰ اﻟﻌﺪوة اﻷﺧﺮى ﻟﻨﻬﺮ "ﺋﻮرﻳﻦ"‪...‬‬
‫ﻟﻘﺪ ﻇﻞ ﻧﻔﻮذﻫﺎ ﻛﺒﻴﺮا ﻫﻨﺎك‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﻛﺎن اﻟﻨﺎس ﻳﻘﺪﻣﻮن ﻟﻬﺎ اﻟﻬﺪاﻳﺎ‪ ...‬إﻧﻬﺎ ﺷﺎﻋﺮة‬
‫ﻣﻦ ﻃﺒﻘﺔ اﻟﺸﻌﺮاء اﻟﻴﻮﻧﺎﻧﻴﻴﻦ اﻷواﺋﻞ اﻟﺬﻳﻦ اﺗﺨﺬﻫﻢ"ﻫﻮﻣﻴﺮوس" ﻧﻤﻮذﺟﺎ ﻟﻪ‪...‬‬
‫ﺷﻌﺮﻫﺎ ﻣﻠﺤﻤﻲ ﺗﺎرة‪ ،‬وﻛﺄﻧﻪ ﺗﻌﺎزﻳﻢ‪ ،‬وﻏﻨﺎﺋﻲ ﺗﺎرة‪ ،‬ﻓﻴﻪ رﻗﺔ وﺣﻨﺎن وﻃﺮب‪ ...‬وﻫﻮ‬
‫ﻓﻲ ﺑﻌﺾ اﻷﺣﻴﺎن ﺷﺒﻴﻪ ﺑﺄﻗﺎﺻﻴﺼﻨﺎ اﻷﺳﻄﻮرﻳﺔ اﻟﻘﺪﻳﻤﺔ‪ ،‬ﻟﻤﺎ ﻳﺘﺴﻢ ﺑﻪ ﻣﻦ ﺑﺪاﻫﺔ‬
‫وﻣﺎ ﻳﺘﻀﻤﻨﻪ ﻣﻦ ﺗﻬﻜﻢ وﺳﺨﺮﻳﺔ… ﻛﻠﻪ ﺷﺘﻢ ﻣﻘﺬع ﻟﻠﻨﺼﺎرى وﻷﺗﺒﺎﻋﻬﻢ‬
‫‪1‬ـ ھ ‪ L‬و? ات أو ‪ OD 4‬ن آ ‪ ‚I 4‬ن (‪G2‬ت ‪، -‬‬
‫ر ‪ N‬ت أ‪ 8‬وس‪ ،‬ا‪w‚L‬ت ھ‪ =-‬ز = و) „‪=- N‚ 4‬‬
‫? ‪ L‬ز اوت ‪.1933 I‬‬
‫ا * (‪ D‬إ ‪ O‬أن ا‪ =2-I‬ت )‬
‫]‪[334‬‬
‫ء‪ -L > ،‬وج؛ ) ‪ = 4) -8‬ا‪ 2(E‬د )‬
‫‪ O‬أ ر‪ =0‬و ‪ ، =0 ƒ %‬و ‪ 4‬ا ‪-D‬‬
‫ﻣﻦ"ﻣﺨﺎزﻧﻴﺔ" و"ﻛﻮم" و"ﻣﺠﻨﺪي اﻟﺤـﺮﻛﺔ" وﻟﻘﺪ اﻣﺘﻨﻊ ﻣﺨﺒﺮﻧﺎ اﻷول ﻋﻦ ]ﻋﻦ‬
‫وﺟﻮد ﺷﻌﺮﻫﺎ[ رواﻳﺔ ﻫﺠﻮﻫﺎ ﻟﻨﺎ‪ ،‬ﻟﻜﻦ ﻣﺨﺒﺮا أﺧﺮ ﻛﺎن أﻛﺜﺮ ﺻﺮاﺣﺔ وأﺟﺪر أن‬
‫ﻳﻮﺛﻖ ﺑﻪ‪ ،‬أﻃﻠﻌﻨﺎ ﻋﻠﻰ ﻣﺤﺘﻮى ذﻟﻚ اﻟﺸﻌﺮ‪ .‬وﻛﺮد ﻓﻌﻞ ﻋﻠﻰ ﻫﺬا اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻘﻮي اﻟﺬي‬
‫رﻓﻊ ﻣﻦ ﳘﻢ اﻷﻣﺎزﻳﻎ اﻷﺷﻮاش ‪،‬وﺳﺨﺮ ﻣﻦ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎر اﻟﻐﺎﺷﻢ واﺻﻔﺎ إﻳﺎﻫﻢ ﺑﺄﻗﺒﺢ‬
‫اﻟﻨﻌﻮت‪ ،‬أﻃﻠﻖ رﻳﻨﻴﻲ)‪ (Reyniers‬اﻟﻌﻨﺎن ﻟﺤﻘﺪﻩ ﻋﻠﻰ اﻷﻣﺎزﻳﻎ وأﺧﺬ ﻳﻨﻌﺘﻬﻢ ﺑﻜﻞ‬
‫ﻧﻌﺖ ﺷﺎﺋﻦ‪ .‬ﺛﻢ ﻳﻀﻴﻒ وﻛﺄﻧﻪ أﺣﺲ ﺑﻮﺧﺰة ﺿﻤﻴﺮ‪" :‬وﻟﻜﻦ ﻣﺎذا ﻳﺎﺗﺮى ﻧﺆاﺧﺬ ﺑﻪ‬
‫ﻫﺆﻻء "اﻟﺒﺮﺑﺮ" ؟ ﻓﻠﻨﺴﺘﻤﻊ إﻟﻴﻬﻢ‪ ،"...‬وﻳﺘﻜﺮم ﺑﻌﺪ ذﻟﻚ ﻋﻠﻰ اﻷﻣﺎزﻳﻎ" ﺑﺬﻛﺮ ﻣﺎ ﻛﺎن‬
‫ﻳﺮاﻩ ﻓﻴﻬﻢ ﻣﻦ اﻟﺨﺼﺎل اﻟﺤﻤﻴﺪة اﻟﺘﻲ ﻳﻮد ﻟﻮ أن اﻹﻧﺴﺎن اﻷوروﺑﻲ ﻇﻞ ﻳﺤﺎﻓﻆ‬
‫ﻋﻠﻰ ﻣﺜﻠﻬﺎ"‪.‬‬
‫‪1‬‬
‫‪$ -3‬‬
‫=‬
‫‪%‬‬
‫< ‪0$‬‬
‫‪:. /‬‬
‫إن أول ﻣﺎ ﻳﻮﺟﻬﻪ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﰲ اﻟﺸﻌﺮ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‪ ،‬ﻻﺳﻴﻤﺎ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ‬
‫اﳌﺘﻮﺳﻂ‪،‬ﻫﻮ ﺻﻌﻮﺑﺔ ﲢﺪﻳﺪ أﺻﻨﺎﻓﻪ ﲢﺪﻳﺪا ﻓﻨﻴﺎ دﻗﻴﻘﺎ ﻧﻈﺮا ﻟﺘﺪاﺧﻠﻬﺎ وﺗﺸﺎ‪‬ﻬﺎ ﺷﻜﻼ‬
‫وﻣﻀﻤﻮﻧﺎ‪ .‬أﺿﻒ ذﻟﻚ إﱃ ﺻﻌﻮﺑﺔ ﺣﺼﺮ ا‪‬ﺎل اﳉﻐﺮاﰲ ﻟﻜﻞ ﺻﻨﻒ ﻋﻠﻰ ﺣﺪة‪.‬‬
‫ذﻟﻚ أن ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ اﳌﱰاﻣﻴﺔ اﻷﻃﺮاف اﻟﱵ ﺗﺒﺘﺪئ ﻣﻦ ﺗﺎزة إﱃ أزﻳﻼل‪ .‬و‬
‫ﻳﺰﻳﺪ ﻣﻦ ﺗﻌﻘﻴﺪ ﻫﺬﻩ اﳌﺸﻜﻠﺔ اﳌﺼﻄﻠﺤﻴﺔ‪ .‬اﻷﻣﺮ اﻟﺬي ﺟﻌﻠﻨﺎ ﻧﺼﺎدف أﻛﺜﺮ ﻣﻦ‬
‫ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻟﻠﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي ﻟﻮاﺣﺪ‪ .‬وإذا ﻛﺎن ﻣﻦ ﺷﺮوط اﻟﺒﺤﺚ اﻟﻌﻠﻤﻲ ﲢﺪﻳﺪ‬
‫اﳌﻔﺎﻫﻴﻢ ﲢﺪﻳﺪا ﻋﻠﻤﻴﺎ‪-‬إﳝﺎﻧﺎ ﻣﻨﺎ أن ﺿﺒﻄﻬﺎ ﻫﻮ ﻧﺼﻒ اﻟﻌﻠﻢ إن ﱂ ﻧﻘﻞ ﻛﻠﻪ‪ -‬ﻓﺈﻧﻨﺎ‬
‫ﻧﺴﻌﻰ ﰲ اﻟﻮرﻗﺔ إﱃ اﻟﺘﺪﻗﻴﻖ ﰲ أﻫﻢ اﻷﺻﻨﺎف اﻟﱵ ﺗﺘﺸﻜﻞ ﻣﻨﻬﺎ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‬
‫ﻣﻨﻄﻠﻘﲔ ﻣﻦ اﻟﺪراﺳﺔ اﻟﻮﺻﻔﻴﺔ واﳌﻌﺎﻳﻨﺔ اﳌﻴﺪاﻧﻴﺔ‪ ،‬وﻣﺴﺘﻔﻴﺪﻳﻦ ﻣﻦ ﺑﺎﺣﺜﲔ ﺟﺎدﻳﻦ ﻗﺪﻣﻮا‬
‫أﲝﺎﺛﺎ‪-‬رﻏﻢ أﻧﻪ ﻣﻌﺪودة ﻋﻠﻰ رؤوس اﻷﺻﺎﺑﻊ‪-‬رﺻﻴﻨﺔ ﰲ ﻫﺬا اﳌﻴﺪان‪.‬‬
‫‪ 1‬ـ (‪H5‬‬
‫‪%‬‬
‫* })‪"(2000‬‬
‫أ‪{B‬‬
‫رب‬
‫]‪[335‬‬
‫ر‪: 0 0‬و‬
‫"ص‪110:‬‬
‫‪1.3‬‬
‫‪IZLI : ïÛŒö‬‬
‫" ﺋـ ـﺰﻟــﻲ"‪ ،‬أو "ﺋـﺰري "ﺑﺘﺎرﻳﻔﻴﺖ"‪-‬اﻟﻼم ﺗﺘﺤﻮل راء ﰲ ﺗﺎرﻳﻔﻴﺖ‪ "-‬ﲨﻌﻪ‬
‫ﺋﺰﻻن‪ ،‬ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﻣﻘﻄﻊ ﻏﻨﺎﺋﻲ ذي إﻳﻘﺎع ﻣﻮزون ﻣﺘﻜﻮن ﻣﻦ ﺑﻴﺘﲔ إﺛﻨﲔ وﻻزﻣﺔ‬
‫)‪ (refrain‬ﺗﺮاﻓﻖ ﻫﺬا اﳌﻘﻄﻊ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ )ﺋﺰﱄ( اﻟﺬي ﻳﻨﻘﺴﻢ إﱃ ﺷﻄﺮﻳﻦ‬
‫)‪ (hémistiches‬ﻣﻜﺮرﻳﻦ ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة ﺑﲔ ﳎﻤﻮﻋﺘﲔ ﻏﻨﺎﺋﻴﺘﲔ‪ .‬ﻳﻀﻢ اﻟﺸﻖ اﻷول‬
‫ﻓﻜﺮة ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺳﺆال‪ ،‬أﻣﺎ اﻟﺸﻖ اﻟﺜﺎﱐ ﻓﻬﻮ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﺟﻮاب ورد ﻋﻦ اﻟﺴﺆال‬
‫اﳌﻄﺮوح‪ .‬ﻳﻘﱰح " ‪) "Bu llegha‬اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳌﻐﲏ( ﻻزﻣﺔ ﻣﻨﺴﺠﻤﺔ وﻣﻼﺋﻤﺔ ﻣﻊ اﻹﻳﻘﺎع؛‬
‫وﻳﺸﻤﻞ ﻫﺬا اﻷداء "ﺋﺰﻻن ن أﺣﻴﺪوس"ﺑﺮﻣﺘﻬﺎ‪ .‬وﺗﺰاﻣﻨﺎ ﻣﻊ ذﻟﻚ وﻳﺮدد اﻟﻌﺎزﻓﻮن‬
‫ﻋﻠﻰ"أﻟﻮن" ﻫﺬﻩ اﻟﻼزﻣﺔ؛ وﺑﲔ اﻟﻔﻴﻨﺔ واﻷﺧﺮى ﻳﺘﺪﺧﻞ اﻟﺸﺎﻋﺮ‪-‬اﳌﻐﲏ ﻟﺘﺼﺮﻳﻒ‬
‫"ﺋﺰﻻن" وﲤﺮﻳﺮﻫﺎ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﺗﺘﺨﺬ ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن ﻃﺎﺑﻌﺎ ﺣﻮارﻳﺎ ﻳﺘﻤﺤﻮر ﺣﻮل ﻓﻜﺮة أو‬
‫ﻗﻀﻴﺔ ﻳﺘﻨﺎﻇﺮ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻄﺮﻓﺎن ﻛﻞ ﻣﻦ ﻣﻮﻗﻌﻪ اﳋﺎص‪ 1.‬ﺑﻌﺪ أداء اﻛﱪ ﻋﺪد ﻣﻦ "ﺋﺰﻻن"‬
‫اﳌﺒﺘﺪﺋﺔ واﳌﻨﺘﻬﻴﺔ ﺑﻼزﻣﺔ ﺗﻌﺎد ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة ﻃﻮال ﻣﺴﺎر اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﻐﻨﺎﺋﻴﺔ‪ ،‬ﻳﻐﲑ اﻟﺸﺎﻋﺮ‬
‫اﳌﻐﲏ )اﳌﻐﲏ اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ( اﻹﻳﻘﺎع ﻟﻴﻠﺞ ﺗﻴﻤﺔ ﺟﺪﻳﺪة‪ .‬ﻳﺘﻤﻴﺰ "ﺋﺰﻻن ن ﺗﻤﻨﺎﺿﻴﻦ"ﻋﻦ‬
‫"ﺋﺰﻟﻲ ن أﺣﻴﺪوس" ﰲ ﻛﻮن اﻷول ﻳﻜﻮن‪ ،‬داﺋﻤﺎ‪ ،‬ﻃﻮﻳﻼ وذا ﻃﺎﺑﻊ ﺛﻨﺎﺋﻲ‬
‫وﺣﻮاري‪،‬ﻋﻼوة ﻋﻠﻰ ﺗﻮاﻓﺮﻩ ﻋﻠﻰ ﺑﻴﺖ ﻣﺴﺘﻘﻞ ﻳﺼﻄﻠﺢ ﻋﻠﻴﻪ "أﻓﺮادي"‪ .‬ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى‬
‫اﻹﻳﻘﺎﻋﻲ ﺗﻔﺮض اﻟﻄﺒﻴﻌﺔ اﳊﻮارﻳﺔ ﳍﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي إﻳﻘﺎﻋﺎت ﺗﺘﺄرﺟﺢ ﺑﲔ اﻟﺴﺮﻋﺔ و‬
‫اﻟﺒﻂء‪ .‬أﺛﻨﺎء وﻟﻮﺟﻪ اﳊﻮار اﻟﺸﻌﺮي ﻳﻀﻄﺮ اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳌﻐﲏ إﱃ اﻻﻧﻀﺒﺎط إﱃ اﻹﻳﻘﺎع‬
‫اﻟﺬي ﻳﻔﺮﺿﻪ ﻣﻨﺎﻓﺴﻪ‪ ،‬إذ ﳝﻜﻦ ﳍﺬا اﻹﻳﻘﺎع أن ﻳﻜﻮن ﻃﻮﻳﻼ أو ﻗﺼﲑا‪ .‬ﻟﻜﻲ ﻳﺘﺄﺗﻰ‬
‫ﳍﻤﺎ اﳊﻔﺎظ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع ﻣﻨﺴﺠﻢ وﻣﻮزون ﻳﻨﺒﻐﻲ ﻋﻠﻰ ﻛﻞ واﺣﺪ ﻣﻨﻬﻤﺎ أن ﻳﺮد ﻋﻠﻰ‬
‫‪2‬‬
‫ﺧﺼﻤﺔ ﺑﺸﻜﻞ ﺳﺮﻳﻊ ﻳﺘﻤﺎﺷﻰ ﻣﻊ إﻳﻘﺎﻋﻪ‪.‬‬
‫‪1- Faiza jamali (97)«tyimnadin ou poésie dialogique chez les ichqirn au moyen‬‬
‫‪atlas»pp:21-22‬‬
‫‪2- Faiza jamali (97) ibid,pp:22-23‬‬
‫]‪[336‬‬
‫ﻳﺪﻋﻢ اﻷﺳﺘﺎذ ﻣﺤﻤﺪ ﺷﻔﻴﻖ ﻫﺬا اﻟﺮأي‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﻳﺮى " أن "ﺋﺰﻟﻲ" ﻫﻮ‬
‫اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺬي ﻳﺘﺒﺎرى ﻓﻴﻪ اﻟﺸﻌﺮاء ﻋﺎدة وﻳﺠﺮﺑﻮن ﺣﻈﻮﻇﻬﻢ ﻓﻲ اﻟﻘﺪرة ﻋﻠﻰ‬
‫اﻻرﺗﺠﺎل وﻋﻠﻰ اﻟﺮد اﻟﺴﺮﻳﻊ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﺗﻘﻮم ﻓﻴﻪ اﻟﻼزﻣﺔ ﺑﺪور اﻟﺬاﻛﺮة اﻟﺠﻤﺎﻋﻴﺔ‬
‫اﻟﻤﻮﻛﻮل إﻟﻴﻬﺎ ﺑﻤﻬﻤﺔ ﺗﺴﺠﻴﻞ اﻹﺣﺪاث اﻟﺘﻲ ﺗﻤﺮ ﺑﺎﻷﻣﺔ واﻟﻘﺒﻴﻠﺔ‪ ،‬ﺗﻈﻞ اﻟﻼزﻣﺔ‬
‫ﻣﻌﺘﻤﺪة ﻟﻤﺪة ﺗﻄﻮل وﺗﻘﺼﺮ ﺣﺴﺐ اﻟﻈﺮوف وﺣﺴﺐ أﻫﻤﻴﺔ اﻟﺤﺪث اﻟﺬي"‬
‫ﺗﺆرخ" ﻟﻪ‪ ،‬وﻛﺎن اﻟﻨﺎس ﻳﻌﺘﻘﺪون أن ﻟﻮازم "ﺋﺰﻻن" ﻣﻦ ﻗﻮل ﺟﻨﻲ ﻳﺴﻜﻦ إﺣﺪى‬
‫ﻣﻐﺎرات اﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﻴﺮ ﻋﻠﻰ ﻣﻘﺮﺑﺔ ﻣﻦ زاوﻳﺔ"ﺳﻴﺪي أوﻋﻴﺎش"‪ ،‬ﻳﻌﺘﺒﺮ "ﺋﺰﻟﻲ" أﻛﺜﺮ‬
‫اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻧﺘﺸﺎرا‪ ،‬ﺗﻠﻴﻪ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ"‪ ،‬وﺗﻠﻴﻬﺎ "ﺗﺎﻳﻔﺎرت""‪.‬‬
‫‪1‬‬
‫أﻣﺎ ‪ Henri Basset‬ﻓﻴﻌﺘﱪ "ﺋﺰﻟﻲ" ﳕﻄﺎ ﺷﻌﺮﻳﺎ ﺷﺎﻣﻼ ﻣﺘﺪاوﻻ وﻣﺸﱰﻛﺎ ﻟﺪى‬
‫ﺟﻞ إﳝﺎزﻳﻐﻦ‪ .‬وﻳﻌﺮﻓﻪ ﺑﻮﺻﻔﻪ ﻣﻘﻄﻮﻋﺔ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻗﺼﲑة ﻣﺘﻌﺪدة اﳌﻮﺿﻮﻋﺎت‪ .‬وﻣﻦ ﳑﻴﺰات‬
‫ﻫﺬا اﻟﻨﻤﻂ اﻟﺸﻌﺮي أﻧﻪ ﻗﺪ ﻳﻠﻘﻰ أو ﻳﻐﲎ‪ .‬ﻣﻦ ﺟﻬﺘﻪ‪ ،‬ﺣﺪدﻩ اﻟﻌﻼﻣﺔ ﻣﻮﻟﻮد ﻣﻌﻤﺮي‬
‫"ﺋﺰﻻن" ﺑﻜﻮ‪‬ﺎ‪ :‬أﺷﻌﺎرا ﻗﺼﲑة ﺗﺆدى ﻣﺼﺤﻮﺑﺔ ﺑﺎﻟﻐﻨﺎء"‪.‬‬
‫‪2.3‬‬
‫‪Tamawat : oíëbßbm‬‬
‫"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" أو "ﳌﺎﻳﺖ" ﲨﻌﻬﺎ "ﺗﻴﻤﺎواوﻳﻦ" ﻣﺸﺘﻘﺔ ﻣﻦ ﻓﻌﻞ "أوي "‪"AWI‬‬
‫أي‪ :‬راﻓﻖ واﺻﻄﺤﺐ‪ ،‬وﻣﻌﻨﺎﻫﺎ‪ ،‬ﻟﻐﻮﻳﺎ‪" ،‬اﻟﺮﻓﻴﻘﺔ" أو "اﳌﺮاﻓﻘﺔ" اﻟﱵ ﺗﺮاﻓﻖ اﳌﺴﺎﻓﺮ ﰲ‬
‫ﺳﻔﺮﻩ اﻟﺸﺎق ﻋﱪ اﳉﺒﺎل واﻟﻮﻫﺎد‪ ،‬وﻗﺪ ﻳﺮاد‪‬ﺎ "اﳊﺎﻣﻠﺔ" و"اﻟﻨﺎﻗﻠﺔ" ﳋﱪ أو ﻟﺸﻲء‪.‬‬
‫ﻳﺮاد ‪‬ﺎ اﺻﻄﻼﺣﻴﺎ "ﺗﻠﻚ اﻟﻤﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﻤﻐﻨﺎة اﻟﻘﺼﻴﺮة اﻟﺤﺰﻳﻨﺔ‬
‫اﻟﻤﺘﺒﺎدﻟﺔ‪ ،‬ﻓﻲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن‪ ،‬ﺑﻴﻦ ﻋﺎﺷﻘﻴﻦ" ﻳﺘﻢ ﺗﺒﺎدﳍﺎ ﻋﺎدة ﺑﲔ اﻟﻄﺮﻓﲔ أﺛﻨﺎء‬
‫ﻗﻴﺎﻣﻬﻤﺎ ﺑﻌﻤﻠﻬﻤﺎ اﻟﺸﺎق ﰲ اﳊﻘﻞ أو أﺛﻨﺎء ﺷﻘﻬﻤﺎ ﻃﺮﻳﻘﻬﻤﺎ ﻋﺎﺋﺪﻳﻦ إﱃ ﻗﺮﻳﺘﻬﻤﺎ‪.‬وﻟﻌﻞ‬
‫اﻟﺘﻴﻤﺔ اﻷﻛﺜﺮ إﻃﺮادا واﺳﺘﻌﻤﺎﻻ ﰲ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ ﺗﻴﻤﺎت‪ :‬اﻟﺘﻮﺳﻞ‬
‫واﻻﺳﺘﻌﻄﺎف واﳌﻨﺎﺟﺎة ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ ﺳﺎءت اﻷﺣﻮال ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ أو ﺗﻔﺼﻠﻬﻤﺎ ﻣﺴﺎﻓﺔ‬
‫‪1‬ـ ‪%‬‬
‫* } )‪"(2000‬ا‬
‫‪ SB‬ا ‪"}0 D‬‬
‫*‪99-98: -%‬‬
‫]‪[337‬‬
‫ﻣﻜﺎﻧﻴﺔ وزﻣﺎﻧﻴﺔ‪ ،‬أو ﺑﺴﺒﺐ وﺟﻮد ﺣﻮاﺟﺰ اﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ أو أﺳﺮﻳﺔ أو ﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﲢﻮل ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ‪.‬‬
‫ﻧﻈﺮا ﻻرﺗﺒﺎﻃﻬﺎ ﺑﺘﻴﻤﺎت اﳊﺐ واﻟﻌﺸﻖ واﻟﺸﻮق ﻓﻘﺪ ﲰﻴﺖ ﺑـ "ﺗﺎﻫﻮاوﻳﺖ" ﻟﺪى ﻗﺒﺎﺋﻞ‬
‫آﻳﺖ ﺣﺪﻳﺪو‪ .‬وﺣﺴﺐ ﺗﻘﺪﻳﺮي ﻓـ "أﺷﻮﻳﻖ" أو "ﺗﺸﻮﻳﻘﺖ" اﳌﻌﺮوﻓﺔ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ‬
‫ﺗﺮادف "ﲤﺎوﻳﺖ"‪ .‬وﻻ ﺷﻚ أن ﲢﺪﻳﺪ ﳏﻤﺪ ﺟﻼوي‪ 1‬ﳍﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺬي ﻳﺸﱰك ﻣﻊ‬
‫اﻟﺘﻌﺎرﻳﻒ اﻟﺴﺎﺑﻘﺔ ﻟـ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﻳﺪﻓﻌﲏ إﱃ اﻋﺘﺒﺎر "أﺷﻮﻳﻖ" ﺷﺒﻴﻬﺎ وﻧﻈﲑا ﻟـ "ﲤﺎوﻳﺖ"‬
‫ﺗﺘﻤﻴﺰ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﲞﺼﺎﺋﺺ ﻓﻨﻴﺔ ﻻ ﻳﺘﺴﻊ ا‪‬ﺎل ﻟﺬﻛﺮﻫﺎ ﰲ ﻫﺬا‬
‫اﳌﻘﺎم‪,‬ﻟﻘﺪﻗﺎﻣﺖ اﻟﺒﺎﺣﺜﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﻴﺔ اﳌﺴﺘﻤﺰﻏﺔ‬
‫"‪"Jeanine Drouin‬‬
‫ﺑﺪراﺳﺔ ﻫﺬا‬
‫اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي وﲢﺪﺛﺖ ﺑﺘﻔﺼﻴﻞ ﻋﻦ اﳌﻘﻮﻣﺎت اﻟﻔﻨﻴﺔ اﻟﱵ ﲤﻴﺰ ﻫﺬا اﻟﻔﻦ ﻟﺪى ﻗﺒﻴﻠﺔ‬
‫"إﻳﺸﻘﺮن" )اﻟﻘﺒﺎب(‪ .‬إن أﻫﻢ ﻣﺎ ﻳﻠﻔﺖ اﻧﺘﺒﺎﻩ اﻟﺒﺎﺣﺚ ﰲ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﻫﻮ اﻋﺘﻤﺎدﻫﺎ‬
‫ﻋﻠﻰ اﳊﻮارﻳﺔ اﻟﺜﻨﺎﺋﻴﺔ ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ ﳚﻤﻌﻬﺎ‪ ،‬ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن‪ ،‬ﺣﺐ ﻋﺬري ﺟﻨﻮﱐ‬
‫ﻳﺸﺒﻪ ﻋﺸﻖ ﲨﻴﻞ‪-‬ﺑﺜﻴﻨﺔ وﻋﺸﻖ روﻣﻴﻮ‪-‬ﺟﻮﻟﻴﻴﺖ‪ .‬ﻟﻘﺪ وﺟﺪت ﻣﻐﻨﻴﺎت وﻣﻐﻨﻮ ﲤﺎواﻳﺖ‬
‫ﰲ اﻟﻄﺒﻴﻌﺔ اﳋﻼﺑﺔ ﻟﻸﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﺗﺮﺑﺔ ﺧﺼﺒﺔ وﻓﻀﺎء ﲨﻴﻼ ﻹﻃﻼق اﻟﻌﻨﺎن ﻟﻠﺤﻨﺠﺮة‬
‫اﻟﱵ ﻳﺰﻳﺪﻫﺎ ﺋﺪات وأﺻﺪاء اﳉﺒﺎل روﻧﻘﺎ وﲨﺎﻻ‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﻳﺴﺘﻤﺘﻊ اﳌﻐﲏ واﳌﻐﻨﻴﺔ ﺑﺼﻮ‪‬ﻤﺎ‬
‫اﻟﺬي ﺗﺴﻤﻊ أﺻﺪاؤﻩ ﰲ اﻟﻀﻔﺔ اﻷﺧﺮى ﻟﻠﺠﺒﻞ‪ .‬ﻷن "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺗﻄﻠﻖ‪ ،‬ﻋﺎدة‪ ،‬ﻣﻦ "‬
‫أدرار" )اﳉﺒﻞ( أو ﻣﻦ " أورﰐ )اﻟﺒﺴﺘﺎن( أو "إﻛﺮ" )اﳊﻘﻞ(‪ ،‬او ﻣﻦ "أﻛﻤﺎض" اﻟﻀﻔﺔ‬
‫اﻷﺧﺮى ﻟﻠﺴﺎﻗﻴﺔ أو اﻟﻮاد أو اﳉﺒﻞ‪ .‬ﺗﺘﻤﻴﺰ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﺑﻘﻮة اﻟﺼﻮت وﻋﺬوﺑﺘﻪ‪،‬وﻃﻮل‬
‫اﻟﻨﻔﺲ‪ .‬ﻳﻨﻔﺮد اﻟﺸﻜﻞ اﻟﻨﻐﻤﻲ واﻹﻳﻘﺎﻋﻲ ﻟـ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺑﻄﻮل اﳌﻘﺎﻃﻊ ﻣﻊ اﺳﺘﻬﻼل‬
‫ﻣﻄﻠﻌﻬﺎ ﺑـ‪ ./aya/،/ata/ ،/awa/:‬وإﻟﻴﻜﻢ ﳕﻮذﺟﺎ ﻣﻦ "ﺗﻤﺎوﻳﺖ" ﺑﲔ ﻋﺎﺷﻘﲔ‪:‬‬
‫اﻟﺤﺒﻴﺐ‪:‬‬
‫إس ؤﻛﺪ ْخ أ ْد ْﻣﺘ ـ ـ ْﺦ ﻏﻴﻔ ـ ـ ـ ـ ـ ْـﻢ‬
‫ﺑﻌﻴﺖ‬
‫أﺗﺎِ ؤر ْﻳﺒﻌ ْﺪ ؤزﻏﺎر ؤرﻳﺪ أﺑﺮﻳ ْﺪ أﻳﻤﻲ ﻧِﻮي ْ‬
‫ﻏﺎس ْ‬
‫ْ‬
‫اﻟﺤﺒﻴﺒﺔ‪:‬‬
‫‪% -1‬‬
‫† ز‬
‫‪HB‬وي )‪ !L" (2009‬ر ا ‪2‬‬
‫‪ ،‬ص‪.144 -145‬‬
‫ا‪Q 5‬‬
‫و‪0) …NQ Nu‬‬
‫]‪[338‬‬
‫ا ‪5-‬‬
‫وا ‪ %‬ا‪ ( K‬ا ‪ @) %‬ا ‪D‬‬
‫ﺎﻣﺲ إي وﻟْﻴﻨ ــﻮ‬
‫ؤدﻓﻞ أ ّد ْ‬
‫أوا أزﻧﺎﺧ ْﺪ ﺷﺎ ْن ْ‬
‫اي ﺗﻨّ ْ‬
‫اﻟﺘﻌﺮﻳﺐ‪:‬‬
‫أ ْد ْﺧﺴﻴ ْﻦ إﻣﻮراي ؤﺳﻤﻮﻧﻴـﻨ ـ ـ ـﻮ‬
‫اﻟﺤﺒﻴﺐ‪:‬‬
‫ﻻ اﻟﻔﻴﺎﻓﻲ وﻻ اﻟﻄﺮﻳﻖ اﻟﻄﻮﻳﻞ ﻳﺒﻌﺪاﻧﻲ ﻋﻨـﻚ ﻓﻘﻂ أﺧﺸﻰ أن اﻗﻀﻲ ﻧﺤﺒﻲ ﻟﻮﻋﺔ أنٍ رأﻳﺘﻚ‬
‫اﻟﺤﺒﻴﺒﺔ ‪:‬‬
‫ﻫﻼ ﺑﻌﺚ ﻟﻲ ﻗﻄﻌﺔ ﺛﻠﺞ ﻷﺿﻌﻬﺎ ﻓﻮق ﻗﻠﺒـ ــﻲ ﻋﺴﺎﻫﺎ ﺗﻄﻔﺊ ﻧـ ـ ـ ـ ــﺎر ﻋﺸـﻖ اﻟﺤﺒﻴــﺐ‬
‫ﺗﺆدى"ﺗﻤﺎوﻳﺖ"ﺑﺼﻮت ﺷﺠﻲ ﻳﺜﲑ اﻹﺣﺴﺎس واﻟﺸﻔﻘﺔ وﻳﺴﺘﻬﻮي اﳌﺘﻠﻘﻲ‪-‬‬
‫اﳌﺴﺘﻤﻊ وﳚﻌﻠﻪ ﺗﺎﺋﻬﺎ ﻣﻊ ذﻟﻚ اﻟﺼﻮت اﳉﻤﻴﻞ اﳌﻨﺒﻌﺚ ﻣﻦ ﺗﻠﻚ اﳊﻨﺠﺮة اﻟﺬﻫﺒﻴﺔ ﻃﻴﻠﺔ‬
‫ﻓﱰة اﳌﻮال‪.‬ﻳﻌﺘﱪ اﻟﺼﻮت اﻟﻨﺴﻮي اﻷﻛﺜﺮ إﺛﺎرة وﺟﺎذﺑﻴﺔ وﺗﻮﻏﻼ ﰲ ﻧﻔﺲ اﳌﺴﺘﻤﻊ‪.‬وﻗﺪ‬
‫اﺳﺘﻄﺎﻋﺖ ﻣﻐﻨﻴﺎت ﻣﻮﻫﺒﺎت أن ﻳﺒﺪﻋﻦ ﰲ ﻫﺬا اﳉﻨﺲ اﻟﺸﻌﺮي ﺻﻮﺗﺎ وأداء أﻣﺜﺎل‪:‬‬
‫ﺗﻤﻬﺎوﺷﺖ‪ ،‬ﺷﺮﻳﻔﺔ ﺗﺎﻛﺮﺳﻴﺖ‪ ،‬ﻓﺎﺿﻤﺔ أوﻟﺖ ﺣﺪﻳﺪو‪ ،‬وﻗﺒﻠﻬﻦ ﻳﺎﻣﻨﺔ ن ﻋﺰﻳﺰ…‬
‫وﻫﺬا ﻻ ﻳﻌﲏ أن ﻓﻦ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﻛﺎن ﻣﻘﺘﺼﺮا ﻋﻠﻰ اﻟﻨﺴﺎء ﻓﻘﻂ‪،‬ﻓﻠﻠﺮﺟﺎل‬
‫‪،‬أﻳﻀﺎ‪،‬ﻧﺼﻴﺐ أوﻓﺮ ﺧﺎﺻﺔ ﻣﻦ ﻗﺒﻞ ﺑﻌﺾ اﻟﻔﺮﺳﺎن؛ ﺣﻴﺚ ﻳﻀﻄﻠﻊ "أﻣﻨﺎي" اﻟﻔﺎرس‬
‫ﲟﻬﻤﺔ ﺗﻨﻈﻴﻢ اﻟﺴﺒﺎق وﺿﺒﻄﻪ ﲟﻘﺎﻃﻊ ﻣﻦ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ"‪ .‬ﻳﺘﺤﺪث ﻓﻴﻬﺎ ﻋﻦ اﻟﺸﻬﺎﻣﺔ‬
‫واﻟﺸﺠﺎﻋﺔ واﻻﻓﺘﺨﺎر ﺑﻘﺒﻴﻠﺘﻪ وﺷﻬﺮ‪‬ﺎ ﰲ ﳎﺎل اﻟﻔﺮوﺳﻴﺔ واﻟﻜﺮم‪ .‬وﻣﺎ ﻳﻀﻔﻲ ﻋﻠﻰ ﻫﺬا‬
‫اﻟﻔﻦ اﻟﺸﻌﺮي اﳉﻤﻴﻞ ﲨﺎﻻ وروﻣﺎﻧﺴﻴﺔ ﻛﻮ‪‬ﺎ ﺗﻐﲎ ﰲ ﳍﻮاء اﻟﻄﻠﻖ ﺑﺼﻮت ﻣﺮﺗﻔﻊ‬
‫ورﺧﻴﻢ‪.‬ﻳﺸﱰط ﰲ اﳌﻐﲏ أو اﳌﻐﻨﻴﺔ أن ﻳﻜﻮن ذا ﻧﻔﺲ ﻃﻮﻳﻞ وﺻﻮت ﻋﺬب وﲨﻴﻞ‪.‬‬
‫واﳌﻼﺣﻆ أن ﺟﻞ اﻟﺬﻳﻦ أﺑﺪﻋﻮا وأﻇﻬﺮوا ﻋﻦ ﻣﺆﻫﻼت ﺧﻼﻗﺔ ﻫﻢ ﻓﻨﺎﻧﻮن ﻋﺼﺎﻣﻴﻮن‬
‫وﻣﻮﻫﻮﺑﻮن أدووا ﻫﺬا اﻟﻔﻦ ﺑﺘﻠﻘﺎﺋﻴﺔ وﻋﻔﻮﻳﺔ ﺑﻌﻴﺪا ﻋﻦ اﻟﺘﺼﻨﻊ واﻟﺘﻜﻠﻒ‪ .‬وﻣﻬﻤﺎ ﻛﺎﻧﺖ‬
‫اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻮاﺻﻔﺔ اﻟﱵ ﳓﻠﻞ ‪‬ﺎ‪،‬ﻫﻨﺎ‪ ،‬ﻟﺘﻘﺮﻳﺐ ﻫﺬا اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺮاﺋﻊ إﱃ اﳌﻠﺘﻘﻲ‪ ،‬ﻓﺈن‬
‫ﲨﺎﻟﻴﺔ "ﺗﻤﺎوﻳﺎت" وﻣﺎ ﺗﺘﻤﻴﺰ ﺑﻪ ﻣﻦ ﻋﺒﻘﺮﻳﺔ ﻓﻨﻴﺔ أﺛﻨﺎء أداﺋﻬﺎ ﻧﻌﺠﺰ ﻋﻦ إﻋﻄﺎء وﺻﻒ‬
‫ﺷﺎﻣﻞ وﺟﺎﻣﻊ ﳍﺎ‪ .‬إن ﲰﺎع ﻫﺬﻩ اﳌﻘﻄﻮﻋﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﻘﺼﲑة ﰲ ﻗﺎﻟﺒﻬﺎ اﻟﻔﲏ اﻟﻄﺒﻴﻌﻲ‬
‫اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ ﻫﻮ اﳌﻌﻴﺎر اﻟﻮﺣﻴﺪ اﻟﺬي ﻳﻌﺘﺪ ﺑﻪ ﻟﻮﺻﻒ ﻫﺬا اﻟﻔﻦ اﻟﻐﻨﺎﺋﻲ اﻟﺮاﺋﻊ‪.‬ﻓﻬﻲ ﻏﲑ ﻗﺎﺑﻠﺔ‬
‫]‪[339‬‬
‫ﻟﺘﺤﻮﻳﻠﻬﺎ إﱃ ﻧﺺ ﻣﻜﺘﻮب ﻛﻤﺎ ﻫﻮ اﳊﺎل ﰲ "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"اﻟﱵ ﺗﺘﻮﻓﺮ ﻓﻴﻬﺎ ﺷﺮوط‬
‫اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻟﻜﻮ‪‬ﺎ ذات ﻧﻔﺲ ﻃﻮﻳﻞ ﻋﻜﺲ "ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" و"ﺋﺰﻟﻲ"‪.‬‬
‫‪3.3‬‬
‫‪:p‹bí†ßbm -‬‬
‫ﺗﻌﺘﱪ "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻣﻦ أﻫﻢ اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪ .‬ﺗﺴﺘﻤﺪ ﻋﻠﻰ ﻏﺮار‬
‫اﻟﺸﻌﺮ اﻟﻌﺎﳌﻲ واﻹﻧﺴﺎﱐ‪ ،‬ﺗﻴﻤﺎ‪‬ﺎ ﻣﻦ ﺗﻘﻠﺒﺎت اﻟﺰﻣﻦ واﻟﺘﺤﻮﻻت اﻻﺟﺘﻤﺎﻋﻴﺔ‬
‫واﻻﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ واﻟﺴﻴﺎﺳﻴﺔ واﻟﺸﺮوط اﻟﺬاﺗﻴﺔ واﳊﻴﺎة اﻟﻴﻮﻣﻴﺔ ﻟـ"أﻣﺪﻳﺎز" اﻟﺸﺎﻋﺮ اﳉﻮال اﻟﺸﺒﻴﻪ‬
‫ﺑﺎﳊﻜﻴﻢ واﻟﻔﻴﻠﺴﻮف اﻟﺬي ﻳﺸﺪ اﻟﺮﺣﺎل ﻣﻦ ﻣﻨﻄﻘﺔ إﱃ أﺧﺮى ﳏﺮﺿﺎ وواﻋﺪا‬
‫وﻧﺎﺻﺤﺎ‪،‬ﻛﻞ ﺣﻞ وارﲢﻞ ﻳﻠﺘﻒ اﻟﻨﺎس ﺣﻮﻟﻪ ﻟﻴﺘﻠﻘﻔﻮا اﳊﻜﻢ واﻟﻨﺼﺎﺋﺢ ﰲ ﻗﺎﻟﺐ ﻓﲏ‬
‫ﺷﻌﺮي راﺋﻊ ﻋﻠﻰ إﻳﻘﺎع"أﻟﻮن"‪ .‬ﺗﻌﺘﱪ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" اﻟﻔﻦ اﻷﻛﺜﺮ ﺗﻌﺒﲑا ﻋﻦ ﳘﻮم‬
‫اﻟﻨﺎس؛ﺣﻴﺚ ﲤﺘﻠﻚ ﻣﺆﻫﻼت ﻓﻨﻴﺔ وﲨﺎﻟﻴﺔ ﲡﻌﻠﻬﺎ أرﻗﻰ ﺻﻨﻒ ﰲ اﳌﻮروث اﻟﺸﻌﺮي‬
‫اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ ﻟﻴﺲ ﰲ ﻣﻨﻄﻘﺔ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻓﺤﺴﺐ ﺑﻞ ﰲ رﺑﻮع اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‪.‬‬
‫ﲤﺘﺎز"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻋﻦ"ﺋﺰﻟﻲ "و"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" ﺑﻄﻮل اﻟﻨﻔﺲ وﺑﺘﻨﺎوﳍﺎ ﳌﻮاﺿﻴﻊ‬
‫ﻣﺘﻌﺪدة‪.‬وﳎﻤﻞ اﻟﻘﻮل إن" ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﺻﻨﻒ ﺷﻌﺮي ﻳﻌﺎﰿ ﻗﻀﺎﻳﺎ ﻓﻜﺮﻳﺔ ودﻳﻨﻴﺔ‬
‫واﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ‪.‬ﻋﻜﺲ‬
‫"ﺋـ ـﺰﻟﻲ"اﻟﺬي‬
‫ﻳﺘﺴﻢ‪،‬ﰲ‬
‫واﻟﱰﻓﻴﻪ؛أو"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ"اﻟﱵ ‪‬ﻴﻤﻦ ﻓﻴﻬﺎﺗﻴﻤﺔ‬
‫ﻏﺎﻟﺐ‬
‫اﻷﺣﻴﺎن‪،‬ﺑﺎﳍﺰل‬
‫اﳊﺐ واﳍﻴﺎم واﳌﻨﺎﺟﺎة واﻟﺘﻮﺳﻞ‪،‬أو‬
‫"ﺗﻴﻤﻨﺎﺿﻴﻦ"اﻟﱵ ﺗﻘﺘﺼﺮ ﻋﻠﻰ اﳍﺠﺎءو اﻷﻟﻐﺎز واﻟﺴﺨﺮﻳﺔ ‪.‬ﻓﻀﻼ ﻋﻦ ﻛﻮن "أﻣﺪﻳﺎز"‬
‫ﳜﺘﻠﻒ ﻋﻦ ﻧﺎﻇﻢ"ﺗﺎﻣﺎوﻳﺖ" و"ﺋﺰﻟﻲ"ﰲ ﺛﻘﺎﻓﺘﻪ اﳌﻮﺳﻮﻋﻴﺔ وﺣﻜﻤﺘﻪ اﻟﱵ اﻛﺘﺴﺒﻬﺎ ﻣﻦ‬
‫ﺗﺮﺣﺎﻟﻪ وﺳﻔﺮﻩ اﻟﺪاﺋﻢ‪.‬‬
‫ﻋﻠﻰ اﳌﺴﺘﻮى اﻟﺸﻜﻠﻲ ﺗﺘﺄﻟﻒ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"ﻣﻦ ﻋﺸﺮات اﻷﺑﻴﺎت ﻗﺪ ﺗﻔﻮق‬
‫اﳌﺎﺋﺔ‪.‬وﺗﺒﻌﺎ ﻟﺬﻟﻚ‪،‬ﻓﻬﻲ ﻣﺮادﻓﺔ"ﻟﻠﻘﺼﻴﺪة"‪ " poème‬ﰲ اﻟﺘﺪاوﻟﻴﲔ اﻟﻌﺮﰊ‬
‫واﻟﻔﺮﻧﺴﻲ‪.‬اﻷﻣﺮ اﻟﺬي ﳚﻌﻠﻨﺎ ﻧﺘﺴﺎءل ﻋﻦ ﺣﺪود اﻻﻟﺘﻘﺎء واﻻﺧﺘﻼف‬
‫ﺑﲔ"ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت"و"ﺗﺎﻳﻔﺎرت" ﻫﻞ اﻟﻔﺮق ﺑﲔ ﻫﺬﻳﻦ اﳌﻔﻬﻮﻣﲔ ﻳﻜﻤﻦ ﰲ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎل‬
‫]‪[340‬‬
‫اﻟﻠﻐﻮي اﻟﺬي ﳜﺘﻠﻒ ﺑﺎﺧﺘﻼف اﳌﻨﺎﻃﻖ اﳉﻐﺮاﻓﻴﺔ‪،‬أم أن اﻻﺧﺘﻼف ﺑﻴﻨﻬﻤﺎ ﻫﻮ اﺧﺘﻼف‬
‫ﰲ اﳉﻮﻫﺮ واﳌﻀﻤﻮن؟إن اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ ﻫﺬا اﻟﺴﺆال ﺗﻘﺘﻀﻲ ﻣﻨﺎ اﻟﺘﻄﺮق إﱃ ﻣﻔﻬﻮم‬
‫"ﺗﻴﻔﺎرت"‪.‬‬
‫‪Tayffart: žp‰bNÐîm – 4.3‬‬
‫ﺎرت "ﻣﻦ اﳉﺬر اﻟﺜﻼﺛﻲ"‪"TFR‬ﲟﻌﲎ‪:‬‬
‫‪ -‬اﻟﺪﻻﻟﺔ اﻟﻠﻐﻮﻳﺔ‪ :‬اﺷﺘﻘﺖ ﻛﻠﻤﺔ"ﺗ ْﻴـ ّﻔ ْ‬
‫ﻔﺎرت"‪:"Tamatfarte‬أي اﳌﺘﺘﺎﺑﻌﺔ واﳌﺘﺘﺎﻟﻴﺔ‪،‬‬
‫ﺗﺒﻊ"وﺗﻼ‪.‬وﻗﻊ ﻓﻴﻬﺎ ﻷن أﺻﻠﻬﺎ ﻫﻮ "ﺗﻤﺎﺗْ ْ‬
‫وﻣﺎ ﳚﻌﻠﻨﺎ ﻧﺮﺟﺢ ﺻﺤﺔ ﻫﺬﻩ اﻟﺘﺴﻤﻴﺔ ﻫﻮ أ‪‬ﺎ ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ ﺳﻠﺴﻠﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت اﳌﻨﻀﻤﺔ‬
‫ﺑﺸﻜﻞ ﻣﺘﺴﻠﺴﻞ ﳐﺘﻠﻔﺔ ﻋﻦ"أﻓﺮادي" أﻗﺮب اﻷﺻﻨﺎف اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﺼﻐﺮى إﻟﻴﻬﺎ‬
‫‪1‬‬
‫ﺎرت" ﻋﻠﻰ‬
‫‪-‬اﻟﺪﻻﻟﺔ اﻻﺻﻄﻼﺣﻴﺔ‪:‬ﻳﻔﻬﻢ ﻣﻦ ﺧﻼل اﻻﺷﺘﻘﺎق اﻟﻠﻐﻮي ل" ْﺗﻴﻔ ْ‬
‫أ‪‬ﺎ ﻣﺘﺘﺎﻟﻴﺔ ﻣﻦ اﻷﺑﻴﺎت اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ ﻣﻨﻈﻮﻣﺔ ﰲ ﻗﺎﻟﺐ ﻓﲏ ﻳﻔﻬﻢ ﻣﻦ ذﻟﻚ أن"ﺗﻴﻔﺎرت"‬
‫أو"ﺗﻤﺎﺗﻔﺎرت" ﺗﻘﺎﺑﻠﻬﺎ "اﻟﻘﺼﻴﺪة" ﰲ اﻻﺻﻄﻼﺣﲔ اﻟﻌﺮﰊ واﻟﻔﺮﻧﺴﻲ‬
‫ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺴﺘﻮى اﻟﺒﻨﺎﺋﻲ‪ :‬ﺗﺘﺄﻟﻒ ﻣﻦ ﻋﺸﺮات اﻷﺑﻴﺎت ‪،‬وﻗﺪ ﺗﺘﺠﺎوز اﳌﺎﺋﺔ‪،‬‬‫ﺗﺘﻤﻴﺰ ﺑﻮﺣﺪة اﳌﻮﺿﻮع‪ ،‬وﺑﺈﻳﻘﺎع داﺧﻠﻲ‪،‬وﻗﺎﻓﻴﺔﺧﺎﺻﺔ‪.‬ﺗﻨﻘﺴﻢ‪،‬ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺘﻴﻤﺎﺗﻴﺔ‪،‬إﱃ‬
‫ﺛﻼﺛﺔ أﻗﺴﺎم‪:‬‬
‫‪ -1‬اﻟﻤﻘﺪﻣﺔ اﻟﺪﻳﻨﻴﺔ‪ :‬ﲞﻼف اﻟﻘﺼﻴﺪة اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ اﻟﻘﺪﳝﺔ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﻬﻞ ﺑﺎﳌﻘﺪﻣﺔ‬
‫اﻟﻄﻠﻠﻴﺔ أو اﻟﻐﺰﻟﻴﺔ ﺗﻨﻔﺮد " ْﺗﻴﻔﺎرت" ﲟﻘﺪﻣﺔ دﻳﻨﻴﺔ ﻳﺒﺪأﻫﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮ ﺑﺎﺳﺘﻬﻼل دﻳﲏ‪ ،‬ﻳﺬﻛﺮ‬
‫ﻓﻴﻪ اﺳﻢ اﷲ وﻳﱰﺟﺎﻩ وﻳﻄﻠﺐ ﻣﻨﻪ اﻟﺼﻔﺢ واﳌﻐﻔﺮة‪ .‬ﻳﺘﺨﺬ ﻣﻄﻠﻊ "ﺗﻴﻔﺎرت ﻃﺎﺑﻌﺎ دﻳﻨﻴﺎ‬
‫ﻣﺘﻀﺮﻋﺎ ﻓﻴﻪ إﱃ اﷲ ﻟﻴﺸﻤﻠﻪ ﺑﻌﻔﻮﻩ وﳛﻔﻈﻪ ﻣﻦ ﻛﻞ ﻣﻜﺮوﻩ وﻳﻠﻬﻤﻪ اﻟﺼﻮاب وﻳﻬﺪﻳﻪ إﱃ‬
‫اﻟﻄﺮﻳﻖ اﳌﺴﺘﻘﻴﻢ وﳚﻨﺒﻪ اﻟﺴﻬﻮ واﳋﻄﺄ؛ ذاﻛﺮا ﻓﻀﺎﺋﻞ اﷲ وﻧﻌﻤﻪ اﻟﱵ أﺳﺒﻐﻬﺎ ﻋﻠﻰ‬
‫ﻋﺒﺎدﻩ‪.‬‬
‫‪: 0‬ط ‡ ا ‪:ƒI -‬ا‪:‬‬
‫‪1‬ـ ) أو ! " اءة ) ا ‪ 2‬ا‪ :‬ز‬
‫ز‪2005‬ا ا)‪ > 5- {5‬ا‪ :‬ز‬
‫‪ B‬ة "ا > ا‪ :‬ز "‪ ،‬د‪62:‬‬
‫]‪[341‬‬
‫و (@‬
‫ف ا‪2‬‬
‫‪15: %* ،2955 :‬‬
‫ا ‪ !-‬ر"„‬
‫‪ -2‬اﻟﻤﻮﺿﻮع اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ‪ :‬ﻳﺘﻨﺎول ﻓﻴﻪ "أﻣﺪﻳﺎز" اﻟﻘﻀﻴﺔ اﻟﱵ ﺗﺸﻐﻞ ﺑﺎﻟﻪ وﺑﺎل‬
‫ا‪‬ﺘﻤﻊ وﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﻳﺘﻄﺮق إﱃ ﻣﻮاﺿﻴﻊ اﻟﺴﺎﻋﺔ ﻣﻊ إﻣﻜﺎﻧﻴﺔ إﺛﺎرة ﻣﻮاﺿﻴﻊ ﻓﺮﻋﻴﺔ ذات‬
‫ارﺗﺒﺎط ﻣﺒﺎﺷﺮ أو ﻏﲑ ﻣﺒﺎﺷﺮ ﺑﺎﻟﻘﻀﻴﺔ اﻷﺳﺎﺳﻴﺔ‪.‬‬
‫‪ 3‬ـ اﻟﺨﺎﺗﻤﺔ‪ :‬ﻋﺒﺎرة ﻋﻦ اﺳﺘﻨﺘﺎج وﺧﻼﺻﺔ ﻟﻠﻤﻮﺿﻊ اﻟﺮﺋﻴﺴﻲ اﻟﺬي ﺗﻨﺎوﻟﻪ‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ ﰲ ﻗﺼﻴﺪﺗﻪ‪ .‬ﺗﺘﺨﺬ ﻫﺬﻩ اﳋﺎﲤﺔ‪ ،‬ﰲ ﻏﺎﻟﺐ اﻷﺣﻴﺎن‪،‬ﺷﻜﻞ ﻧﺼﻴﺤﺔ أو دﻋﻮة أو‬
‫ﺗﻘﺪﱘ ﺣﻞ ﻟﻠﻘﻀﻴﺔ اﳌﻄﺮوﺣﺔ ﰲ "ﺗﻴﻔﺎرت"‪ .‬وﻗﺪ ﺗﺄﰐ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﺧﻼﺻﺔ ﻳﻔﺮغ ﻓﻴﻬﺎ‬
‫اﻟﺸﺎﻋﺮ ﲡﺮﺑﺘﻪ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ‪.‬‬
‫ﻳﺘﻀﺢ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻋﺮﺿﻨﺎ ﳌﻔﻬﻮﻣﻲ "ﺗﻤﺪﻳﺎزت" و"ﺗﻴﻔﺎرت" أن اﻟﻔﺮق ﺑﲔ‬
‫ﻫﺬﻳﻦ اﻟﺼﻨﻔﲔ اﻟﺸﻌﺮﻳﲔ ﻻ ﻳﻌﺪو أن ﻳﻜﻮن ﳎﺮد اﺧﺘﻼف اﺷﺘﻘﺎﻗﻲ وﻟﻐﻮي‪ .‬ذﻟﻚ أن‬
‫اﳌﻔﻬﻮﻣﲔ ﻳﺪﻻن ﻋﻠﻰ اﻟﻘﺼﻴﺪة ﺑﺎﳌﻔﻬﻮم اﳌﻌﺮوف‪ .‬ﻳﻌﻮد ﺳﺒﺐ اﻻﺧﺘﻼف ﰲ ﺗﻘﺪﻳﺮﻧﺎ‬
‫إﱃ ﻛﻮن " ْﺗﻴﻔﺎرت" ﺗﺴﺘﻌﻤﻞ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ اﻷوﺳﻂ اﻟﺸﺮﻗﻲ واﻷﻃﻠﺲ اﻟﻜﺒﲑ‬
‫اﻟﺸﺮﻗﻲ‪ ،‬ﺑﻴﻨﻤﺎ ﻳﺴﺘﻌﻤﻞ اﳌﻔﻬﻮﻣﺎن "ﺗﻤﺪﻳﺎزت" و"ﺗﻴﻔﺎرت" ﻣﻌﺎ ﰲ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ‬
‫اﻷوﺳﻂ )زﻳﺎن‪ ،‬إﻳﺸﻘﺮن‪ ،‬أﻳﺘﻤﻜﻴﻞ‪ ،‬زاوﻳﺔ اﻟﺸﻴﺦ‪ ،‬اﻟﻘﺼﻴﺒﺔ‪ (...‬واﻟﻮاﺣﺎت )آﻳﺖ‬
‫ﻣﺮﻏﺎد‪ ،‬آﻳﺖ ﻋﻄﺎ(‪ .‬ﻏﲑ أن ﻣﻔﻬﻮم "ﺗﺎﻣﺪﻳﺎزت" ﻳﺒﻘﻰ اﳌﻔﻬﻮم اﻷﻛﺜﺮ اﻧﺘﺸﺎرا ﰲ ﲨﻴﻊ‬
‫اﳌﻨﺎﻃﻖ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ ﲟﺎ ﰲ ذﻟﻚ اﻟﺮﻳﻒ وﺳﻮس وﻣﻨﻄﻘﺔ اﻟﻘﺒﺎﺋﻞ اﳉﺰاﺋﺮﻳﺔ‪.‬‬
‫‪Timnadin : ´™bäàîm -5.3‬‬
‫ﲨﻊ ﻣﻔﺮد "ﺗﻤﻨﺎط"‪ ،‬وﻳﺮاد ‪‬ﺎ‪" :‬اﳉﻬﺔ"اﳌﻜﺎن"‪ ،‬وﻗﺪ ﺗﺪل ﻋﻠﻰ "اﻟﻀﻔﺔ"‪.‬‬
‫ﻳﻘﺼﺪ ﺑـ "ﺗﻤﻨﺎﺿﻴﻦ"‪ ،‬اﺻﻄﻼﺣﺎ‪ ،‬ذﻟﻚ اﻟﺼﻨﻒ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻳﻌﺘﻤﺪ اﳌﻮاﺟﻬﺔ‬
‫ﺧﺼﻤﲔ‪ .‬ﺗﻨﺪرج "ﲤﻨﺎﺿﲔ"‪ ،‬أﺷﻜﺎل ﺷﻌﺮﻳﺔ ﳑﺎﺛﻠﺔ ﻟـ‬
‫واﳌﻨﺎﻗﻀﺔ واﻟﺘﺒﺎري ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ‬
‫ْ‬
‫"أﺳﺎﻳﺲ"‪" ،‬ﺗﺎﻛﻮري"‪" ،‬إﻣﻌﻴﺎر" أو"إﻧﻌﻴﺒﺎر"‪ ،‬و"إﻣﺰﻳﻮار"‪ ،‬و"ﺋﻤﻨﻐﻲ" و"إﳝﻮات" ﺿﻤﻦ‬
‫ﻣﺎ ﻳﺴﻤﻰ ﰲ اﻻﺻﻄﻼح اﻟﻌﺮﰊ اﻟﻘﺪﱘ ﺑـ"اﻟﻨﻘﺎﺋﺾ" اﻟﱵ ﻇﻬﺮت إﺑﺎن اﻟﻌﺼﺮ اﻷﻣﻮي‬
‫وارﺗﺒﻄﺖ ﺑﺎﻟﺜﻼﺛﻲ‪:‬اﻷﺧﻄﻞ‪،‬ﺟﺮﻳﺮ‪،‬اﻟﻔﺮزدق‪.‬ﺗﻌﺘﻤﺪ "ﲤﻨﺎﺿﲔ" ﻋﻠﻰ اﳊﻮارﻳﺔ واﳌﻨﺎﻇﺮة‬
‫]‪[342‬‬
‫واﳌﻮاﺟﻬﺔ اﳊﺎﻣﻴﺔ ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ‪،‬ﻣﺘﺨﺬة ﺷﻜﻞ ﻣﻌﺮﻛﺔ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﻳﺴﺘﻌﻤﻞ ﻓﻴﻬﺎ اﻟﺸﺎﻋﺮان ﻛﻞ‬
‫أﺳﺎﻟﻴﺐ اﻟﺴﺨﺮﻳﺔ واﻟﺘﻬﻜﻢ واﳍﺠﺎء‪،‬ﳛﺎول ﻛﻞ واﺣﺪ ﻣﻨﻬﻤﺎ اﻟﻨﻴﻞ ﻣﻦ اﻵﺧﺮ‪.‬‬
‫‪Tighouniouin : æì[ îãìÌčm - 6.3‬‬
‫ﻫﻲ أﻟﻐﺎز وأﺣﺠﻴﺔ "‪ "énigmes‬ﺗﺆدى ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻗﺎﻟﺐ ﺷﻌﺮي ﻣﻮزون‬
‫ﻣﻘﻔﻰ ﺗﻐﲎ ﰲ "أﺣﻴﺪوس"‪ ،‬وﻫﻲ ﲟﺜﺎﺑﺔ ﻟﻌﺒﺔ أورﻫﺎن ﺑﲔ ﺷﺎﻋﺮﻳﻦ ﻳﻔﻀﻲ إﱃ ﺗﻔﻮق‬
‫اﻟﺬﻛﻲ ‪-‬ﻓﻜﺮﻳﺎ‪ -‬واﳌﻮﻫﻮب –ﺷﻌﺮﻳﺎ‪ ،-‬ﻷن ﺗﻘﺪﱘ ﺣﻠﻮل ﻟﻸﻟﻐﺎز اﳌﻄﺮوﺣﺔ ﻳﻘﺘﻀﻲ‬
‫اﳌﻮﻫﺒﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ واﳊﻜﻤﺔ واﳊﺬق‪.‬وﻋﻤﻮﻣﺎ ف"ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ"‪،‬ﻣﻦ اﻟﻨﺎﺣﻴﺔ اﻟﺸﻜﻠﻴﺔ‪ ،‬ﺗﻜﺎد‬
‫ﺗﻜﻮن ﻋﻠﻰ ﺷﺎﻛﻠﺔ "ﺋﺰﻻن ن وﺣﻴﺪوس"‪ ،‬ﺣﻴﺚ ﺗﺘﺸﻜﻞ ﻣﻦ ﺑﻴﺘﲔ ﰲ ﺻﻴﻐﺔ‪:‬‬
‫ﺳﺆال‪/‬ﺟﻮاب‪ 1.‬ﺣﻴﻨﻤﺎ ﻧﻜﻮن إزاء "ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" داﺧﻞ رﻗﺼﺔ "أﺣﻴﺪوس" ﺗﺆدى اﻟﻼزﻣﺔ‬
‫ﻣﺮات ﻋﺪﻳﺪة‪ ،‬ﺧﻼل ﺗﺮدﻳﺪ ﻫﺬﻩ اﻟﻼزﻣﺔ ﻳﻐﺘﻨﻢ اﻟﺸﺎﻋﺮ‪/‬اﳌﻐﲏ اﻟﻔﺮﺻﺔ ﻟﻠﺘﻔﻜﲑ ﰲ إﳚﺎد‬
‫ﺣﻞ ﻟﻸﻟﻐﺎز اﻟﱵ ﺗﻄﺮح ﻋﻠﻴﻪ؛وﻳﺸﱰط أن ﻻ ﺗﺘﺠﺎوز ﻫﺬﻩ اﳌﺪة اﻟﺰﻣﻨﻴﺔ ﺛﻼث دﻗﺎﺋﻖ‪.‬‬
‫ِ‬
‫ﻳﻦ" ﻫﻲ ﻋﻘﺪة أو ﻋﻘﺒﺔ أو ﻃﻠﺴﻢ ﻳﻨﺒﻐﻲ‬
‫ﺑﺎﺧﺘﺼﺎر ﺷﺪﻳﺪ‪ ،‬ﻓـ"ﺗﻐُﻮﻧﻴ ِﻮ ْ‬
‫ﺣﻠﻪ)ﻫﺎ(‪ ،‬ﻳﻨﺒﻐﻲ ﻋﻠﻰ اﻟﺸﺎﻋﺮ أن ﻳﻘﺪم ﳍﺎ ﺣﻼ ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻣﻘﻄﻊ ﺷﻌﺮي ﻣﻮزون‬
‫وﻣﻐﲎ ‪.‬‬
‫ﻳﺴﺘﻬﻞ اﳌﺮﲡﻠﻮن أﻟﻐﺎزﻫﻢ ﺑﺎﳉﻤﻠﺔ اﻵﺗﻴﺔ‪" :‬ﻗﻨﻐﺎﺷﺘﻦ أﺑﻮﻟّﻐﻰ" )أﺑﻮ اﻟﻠﺤﻦ("‪،‬‬
‫ﻳﺖ أﺑﻮ‬
‫ﰒ ﻳﻄﺮح ﻟﻐﺰﻩ‪ .‬أﻣﺎ اﳉﻮاب ﻓﻴﺒﺪأ ﺑـ ‪ :‬أدرزﻣﺦ إﻳﻮاوال ﻧﺶ‪ ،‬إواﻫﺎن أﻳْﻨﺎ ﺗﺮ ْ‬
‫اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ"‪ ،‬ﰒ ﻳﺮدف ﻫﺬﻩ اﳌﻘﺪﻣﺔ ﺑﺘﻘﺪﱘ ﺟﻮاب ﻋﻠﻰ ﺷﻜﻞ ﻣﻘﻄﻊ ﺷﻌﺮي ﻣﻐﲎ‪.‬‬
‫واﳉﺪﻳﺮ ﺑﺎﻟﺬﻛﺮ أن ﻫﺬﻩ اﻟﻠﻌﺒﺔ اﻟﺬﻫﻨﻴﺔ اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﺑﺘﻜﺮت‪ ،‬أﺳﺎﺳﺎ‪ ،‬ﳋﻠﻖ ﻣﻨﺎﻓﺴﺔ‬
‫وﻣﻨﺎﻇﺮة ﺑﲔ اﻟﺸﻌﺮاء وﺗﺸﺠﻴﻊ ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﻻﻧﺘﻘﺎء أﺟﻮدﻫﻢ وأﻛﺜﺮﻫﻢ ﻗﺪرة ﻋﻠﻰ اﳉﻤﻊ‬
‫ﺑﲔ اﻹﺑﺪاع اﻟﺸﻌﺮي واﻟﺬﻛﺎء اﻟﻔﻜﺮي‪.‬اﻧﺴﺠﺎﻣﺎ ﻣﻊ ﻣﻨﻄﻖ ﻫﺬﻩ اﻟﻠﻌﺒﺔ‪ ،‬ﻳﻨﻈﺮ إﱃ ﻓﻦ‬
‫"ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" ﺑﻮﺻﻔﻬﺎ اﻣﺘﺤﺎﻧﺎ ﻳﻔﻮز ﻓﻴﻬﺎ اﳌﺘﻔﻮق واﳌﻮﻫﻮب وﳜﺴﺮ ﻓﻴﻬﺎ اﻷﻗﻞ ﻣﻮﻫﺒﺔ‬
‫‪1‬ـ ) ‪ Q‬ة ‪" (2005) B‬ا ‪ 2‬ا ‪Q‬‬
‫د‪ N-0) B L ،62:‬ف( ‪ %‬ا ? ‪V‬‬
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‫]‪[343‬‬
‫( ذ‪B " B‬‬
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‫‪،‬‬
‫وذﻛﺎء‪ ،‬ﻓﻴﺼﺒﺢ ﻓﺸﻞ ﻫﺬا اﻷﺧﲑ ﺧﱪا ﺷﺎﺋﻌﺎ ﻋﻠﻰ أﻟﺴﻨﺔ اﻟﻨﺎس وﻳﻀﺤﻰ ﺑﺎﻟﺘﺎﱄ‬
‫ﻋﺮﺿﺔ ﻟﺴﺨﺮﻳﺘﻬﻢ‪.‬‬
‫اﳌﻼﺣﻆ أن اﻟﺸﻜﻞ اﳍﻨﺪﺳﻲ اﻟﺬي ﻳﺆدى ﻓﻴﻪ ﻓﻦ "ﺗﻐﻮﻧﻴ ِﻮﻳﻦ" داﺋﺮي وﺷﺒﻪ‬
‫ﻣﻨﻐﻠﻖ ﺷﺄﻧﻪ ﰲ ذﻟﻚ ﺷﺄن رﻗﺼﺔ أﺣﻴﺪوس اﻟﱵ ﻛﺎﻧﺖ ﺗﺘﺨﺬ اﻟﺸﻜﻞ اﻟﺪاﺋﺮي ﺷﺒﻪ‬
‫اﳌﺴﺪود‪ .‬وﻧﺸﲑ إﱃ أن اﻟﺪاﺋﺮﻳﺔ ﺷﺒﻪ اﳌﻨﻐﻠﻘﺔ ﺧﺎﺻﻴﺔ أﻧﻄﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﻴﺔ وﺳﻮﺳﻴﻮﻟﻮﺟﻴﺔ ﻣﻴﺰت‬
‫اﻟﺜﻘﺎﻓﺔ واﻟﻌﻤﺎرة اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺘﲔ‪ .‬وﻇﲏ أن ﻫﺬﻩ اﳋﺎﺻﻴﺔ ﻣﺮﺗﺒﻄﺔ أﺳﺎﺳﺎ ﺑﺎﻟﺬﻫﻨﻴﺔ اﻷﻣﺎزﻳﻐﻴﺔ‬
‫اﻟﱵ ﺗﺮﻓﺾ اﻟﺬوﺑﺎن ﰲ اﻵﺧﺮ‪ ،‬وﺗﺘﻮق داﺋﻤﺎ إﱃ اﻻﺳﺘﻘﻼل واﳊﺮﻳﺔ‪ .‬وﻓﻴﻤﺎ ﻳﺘﻌﻠﻖ‬
‫ﺑﺎﻟﺸﻜﻞ اﳋﻄﻲ اﳌﻤﺘﺪ ﻷﺣﻴﺪوس اﻟﺬي ﻳﻘﺪم ﰲ اﳌﻨﺎﺳﺒﺎت اﻟﺮﲰﻴﺔ واﳌﻬﺮﺟﺎﻧﺎت‬
‫اﻟﺴﻴﺎﺣﻴﺔ ﻓﻘﺪ أﻣﻠﺘﻪ ﺷﺮوط اﻟﻔﺮﺟﺔ واﳉﻤﻬﻮر‪.‬‬
‫‪: ''' '''> - -4‬‬
‫إذا ﻛﺎن ﻻﺑﺪ ﻣﻦ ﺧﺎﲤﺔ ﳍﺬﻩ اﻟﻮرﻗﺔ ‪ -‬اﻟﱵ ﱂ ﺗﻘﻢ ﺑﺴﻮى ﺗﻘﺪﱘ ﻋﺮض‬
‫ﻣﻘﺘﻀﺐ ﻟﻸﺟﻨﺎس اﻟﺸﻌﺮﻳﺔ اﻟﺴﺘﺔ اﻟﺴﺎﻟﻔﺔ اﻟﺬﻛﺮ اﻟﱵ ﺗﺴﺘﺤﻖ ﺑﺎﻟﻨﻈﺮ إﱃ أﳘﻴﺘﻬﺎ أن‬
‫ﺗﻜﻮن ﻣﻮﺿﻮع ﻛﺘﺎب ﺧﺎص‪ -‬ﻓﺈن أﻫﻢ ﻣﺎ ﳝﻜﻦ أن ﳔﺘﻢ ﺑﻪ ﻫﻮ أن اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ‬
‫ﻳﺒﻘﻰ اﳌﻌﲔ اﻟﺸﻌﺮي اﻟﺬي ﻻ ﻳﻨﻀﺐ؛ ﻷن ﻗﺮض اﻟﺸﻌﺮ ﰲ ﻫﺬﻩ اﳌﻨﻄﻘﺔ اﳉﻤﻴﻠﺔ ﻣﻮﻫﺒﺔ‬
‫ﻓﺮدﻳﺔ وﺗﻘﻠﻴﺪ ﲨﺎﻋﻲ وﻇﺎﻫﺮة ﺛﻘﺎﻓﻴﺔ ﻻزﻣﺖ أﻣﺎزﻳﻎ اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻣﻨﺬ ﻗﺮون ﺧﻠﺖ؛‬
‫وﻻ أدل ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ﻛﻮن اﳌﻨﻄﻘﺔ ﺗﻌﺞ ﲟﺌﺎت اﻟﺸﻌﺮاء واﺣﺘﻔﺎﻇﻬﺎ ﻋﻠﻰ ﺗﻌﺎﺑﲑ ﲨﺎﻋﻴﺔ‬
‫ﺿﺎرﺑﺔ ﺟﺬورﻫﺎ ﰲ ﻋﻤﻖ اﻟﺘﺎرﻳﺦ )رﻗﺼﺔ أﺣﻴﺪوس‪ ،‬ﲤﺎوﻳﺖ‪ ،‬ﺗﻴﻐﻮﻧﻮﻳﻦ‪ ،‬ﺑﻮﻏﺎﻧﻴﻢ أو‬
‫اﻟﱰوﺑﺎدور اﻷﻣﺎزﻳﻐﻲ‪ (...‬دون أن ﻧﻨﺴﻰ أن اﻷﻃﻠﺲ اﳌﺘﻮﺳﻂ ﻣﻦ أﻛﺜﺮ اﳌﻨﺎﻃﻖ إﳒﺎﺑﺎ‬
‫ﻟﺸﻌﺮاء ﻛﺒﺎر ﻣﻦ أﻣﺜﺎل اﳌﺮﺣﻮم ﳊﺴﻦ واﻋﺮاب وﻓﻨﺎﻧﲔ‪-‬ﻣﻮﺳﻴﻘﻴﲔ رواد ﰲ ﺣﺠﻢ ﲪﻮ‬
‫اﻟﻴﺰﻳﺪ‪ ،‬ﻣﻮﺣﻰ أوﻣﻮزون‪ ،‬ﺑﻨﺎﺻﺮ اوﺧﻮﻳﺎ‪ ،‬ﳏﻤﺪ روﻳﺸﺔ‪ ،‬ﳏﻤﺪ ﻣﻐﲏ‪ ،‬ﻋﺒﺪ اﻟﻮاﺣﺪ‬
‫ﺣﺠﺎوي‪...‬‬
‫]‪[344‬‬