Y a-t-il un pilote dans l`avion?

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Y a-t-il un pilote dans l`avion?
14.04.2006
16:34 Uhr
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T.T V
Y a-t-il un pilote dans l’avion?
L’arrivée du Suédois Marcus Nylén suffira-t-elle à rétablir l’incroyable crise
de management intervenue au sein de la chaîne de télévision du groupe Tele2?
Un an et demi après le relaunch de Tango TV,
devenu T.TV (voir paperJam novembre 2004, page
16), la chaîne traverse une nouvelle grave crise
dont il n’est pas dit, aujourd’hui, qu’elle puisse
s’en remettre complètement. Antoine Santoni,
son directeur général, est parti en claquant la
porte, fin mars. Depuis, les autres directeurs,
Pascal Adrien (informatique), Claude Nierenberger
(financier) et Robert Schommer (production)
sont également partis, volontairement ou non,
ainsi que d’autres salariés, soit au total près d’un
tiers des 25 employés de la société.
La direction générale a été confiée à Marcus
Nylén, un Suédois de 32 ans, parachuté à un
poste pour lequel il ne dispose d’aucune expérience particulière, puisqu’il n’a évolué, jusqu’à
présent, que dans le cadre d’opérateurs de téléphonie (voir aussi page 89). «Mais il n’est pas nécessaire d’être spécialiste dans le domaine de la télé pour
diriger une chaîne. Marcus a de grandes qualités de
management d’équipe et c’est pourquoi je suis persuadé que ce choix est le meilleur. Il saura recruter et
s’entourer des meilleures personnes», nous a répondu
Per Borgklint, market area director Benelux/UK de
Tele2, qui n’a pas souhaité commenter davantage
les départs successifs au sein de la direction.
Comment en est-on arrivé là? Tout semble
être parti d’une «bévue» des services juridiques
du groupe, ayant omis de déposer une demande
d’autorisation de commerce pour la régie commerciale Media Tele, et qui a suscité de la part
de l’Inspection du Travail et des Mines (ITM)
une intervention pour le moins musclée, avec
moult fonctionnaires des douanes armés… «J’ai
trouvé cette façon de faire très disproportionnée par
rapport à la nature des faits, surtout pour un
groupe actif au Luxembourg depuis une quinzaine
d’années», explique Antoine Santoni, qui s’en
est ému directement auprès du ministre du Travail et de l’Emploi, François Biltgen.
Conséquence directe ou simple coïncidence?
Moins d’un mois plus tard, l’ITM, alertée par
des plaintes concernant les conditions de travail
au sein de la société, les contrats des employés
(régis par le groupe Tele2), le non-paiement
d’heures supplémentaires ou des arriérés de
congés – datant de l’époque Tango TV –, revenait à la charge auprès de T.TV pour une étude
approfondie de la situation.
Près d’un quart des
effectifs de T.TV est parti,
dans la foulée de la
démission du directeur
général Antoine Santoni.
Photo: David Laurent
06_81_TTV
Sur la période 2002-2004, les arriérés d’heures
supplémentaires allaient de 60 à… 900 heures,
pour certains, et les jours de congés jusqu’à 50.
«Financièrement, la mise en ordre de tout cela a été
très lourde à supporter pour la société», précise
Antoine Santoni. Le différend fut, néanmoins
régularisé complètement début février 2006 et
l’ensemble des salariés de T.TV a même signé un
document certifiant que tous les antécédents
étaient effectivement réglés et que les conditions de travail étaient satisfaisantes.
«T.TV n’est pas à vendre»
Mais dans la foulée, le groupe Tele2 commanditait un audit social auprès de KPMG afin de
faire la lumière sur la situation précise au sein de
la société, et, en particulier, d’éclaircir un problème de mails «piratés». Le document final,
remis à la mi-mars, ferait état d'une situation de
quasi-rébellion au sein de la société, puisque la
totalité des 25 employés y aurait indiqué son
opposition farouche au management de T.TV,
sans qu’aucun nom ne soit toutefois cité.
«Le problème avec Antoine Santoni, est qu’il s’est
énormément impliqué dans son travail et qu’il a
laissé Pascal Adrien s’occuper de beaucoup de
choses», témoigne un ancien employé de la société, récemment parti, et qui n’hésite pas à parler de
«harcèlement moral» et de «manipulations» de la
part du directeur informatique, l’un des plus
proches collaborateurs de M. Santoni. Il fut même
question de messageries mails mises sous surveillance… Convoqué par son supérieur direct,
Per Borgklint, Antoine Santoni a donc quitté
T.TV dans un environnement qu'il qualifie de
«hautement politique». «Cela me dépasse complètement et à partir du moment où je n’ai plus été en
mesure de maîtriser la stratégie du groupe, il était logique que je parte de moi-même».
T.TV ne serait-il plus, aujourd’hui, qu’un
grand malade à l’agonie? «Non», tranche Per
Borgklint, qui nous a assurés que les activités de
la chaîne continuaient et que le management
allait se reconstituer petit à petit. Quant à
l’hypothèse d’une éventuelle cession de la chaîne, il n’en n’est pas question non plus. «T.TV
n’est pas à vendre», assure M. Borgklint.
Selon un récent sondage réalisé par l’institut
de sondage allemand Isma, entre novembre et
décembre 2005, sur près de 1.000 ménages, le
taux d’audience semaine moyen de T.TV pour
les 14 ans et plus était de 32% (contre 86% à RTL
et 10% à .dok). || Jean-Michel Gaudron
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