Tangi Noël - Université de Rennes 1
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Tangi Noël - Université de Rennes 1
Centre d’Histoire du Droit de l’Université Rennes 1 Tangi Noël La pratique du droit de la faillite dans le ressort de la Cour d’appel de Rennes au XIXème siècle. Les prémices du droit économique. Thèse, mention droit (Histoire du droit) soutenue à l’Université Rennes I, le 20 décembre 2003 Directeur de thèse : Professeur Marie-Yvonne Crépin (Université de Rennes 1) Mots-clefs faillite ; droit commercial, droit économique, Code de commerce, commerçants ; comptabilité ; cessation des paiements, procédure amiable ; syndics ; juge-commissaire, créanciers ; revendication, concordat, banqueroute ; jurisprudence, secours. Jury Claude CHAMPAUD, Professeur émérite, Président honoraire de l’Université (Rennes I), Pr. Christian CHÊNE (Paris V), Doyen honoraire de la Faculté de droit de l’Université de Poitiers. Rapporteur, Madame, Sigrid CHOFFÉE- HAROUEL, Paris-Val de Marne (Paris XII). Rapporteur, Pr. Maurice QUÉNET, (Paris II), Recteur de l’Académie de Paris, Chancelier des Universités. Résumé L’étude de la pratique du droit de la faillite au XIXème siècle dans le ressort de la Cour d’appel de Rennes montre très vite les limites des prescriptions du Code de commerce. Qui peut tomber en faillite ? Quand faut-il déclarer la faillite ? Ces questions, aussi élémentaires soient-elles, n’ont pas trouvé une réponse cohérente à la lumière de la méthode exégétique. Les tribunaux de commerce vont alors par une application empirique, faire preuve d’imagination pour dépasser l’absence de définition des concepts élémentaires du droit de la faillite. Retournant les difficultés en avantages, les vides laissés par le Code vont rendre une liberté inattendue aux juridictions pour encadrer la quasi-totalité de la vie des affaires et pour apprécier au mieux les situations complexes que connaissent les entreprises en faillite. En voulant essentiellement réprimer le failli fautif, le législateur a condamné la majorité des faillis, victimes d’événements insurmontables et des dispositions mêmes du Code en matière de comptabilité. Les règles imposées par le Code de 1807 et la loi de 1838 n’auraient fait qu’empirer le sort des commerçants si, grâce à leur longue expérience au service des procédures et leur bonne connaissance du tissu économique local, les acteurs de la procédure (magistrats, agents, syndics, créanciers), ne s’étaient pas affranchis de la 1 lourdeur et de la rigidité d’une procédure essentiellement répressive pour adopter une attitude économique à l’égard des entreprises faillies. Cette pratique économique du droit de la faillite va tout d’abord se traduire, autant que faire se peut, par une protection des créanciers. La pratique va donc faire triompher une protection dynamique des biens de la faillite, la recherche obsessionnelle de la réduction des coûts, la stratégie de clôture de la faillite et la recherche de réalisation des biens au meilleur prix. Cette démarche pragmatique doit aussi se soucier des intérêts du débiteur. Même atténuées par la loi du 28 mai 1838, les dispositions extrêmement rigoureuses mises en place par le législateur de 1807 vont être contournées par la pratique. Plus favorable encore aux créanciers qu’aux débiteurs, cette atténuation de la rigueur aura pour but d’imposer de nouveau le monopole judiciaire du traitement des entreprises en difficulté au détriment d’une pratique bien établie du traitement amiable des difficultés. Abstract The practice of bankruptcy law within the jurisdiction of the court of appeal of Rennes in the nineteenth century : Economic law in the making The study of the practice of bankruptcy law in the nineteenth century within the jurisdiction of the Court of Appeal of Rennes quickly points out to the limitations of the commercial law provisions contained in the Code du commerce. Who could go bankrupt ? When should adjudication of bankruptcy occur? Exegesis had proved unable to provide any consistent answer to such arguably fundamental questions. Commercial courts therefore relied on judicial creativity in their daily practice in order to make up for the lack of definition of the basics of bankruptcy law. What once appeared as a liability now turned into an asset as the courts took advantage of the gaps in commercial law to exercise unprecedented discretion, create a legal framework affecting almost all business activities and provide the best possible judgement regarding the complexities of bankruptcy. By essentially focusing on punishment of the erring bankrupt, the law found the majority of bankrupts guilty, even though they fell victim to insuperable difficulties or the very provisions on matters of accountancy contained in the Code. The rules laid out in the 1807 Code and the 1838 Statute would only have made matters worse for merchants, had not the parties involved (magistrates, agents, receivers and creditors), strong with a long practical experience of proceedings and good knowledge of the local economic fabric, discarded an essentially ponderous, rigid and repressive procedure in favour of an economic approach of corporate bankruptcy. The economic practice of bankruptcy law first resulted, whenever possible, in the protection of creditors. It successfully promoted a dynamic protection of assets in bankruptcy, a relentless drive towards lower costs, a strategy for the closing of bankruptcy proceedings and a search for the realisation of assets at the best possible price. This pragmatic approach also cared about debtors’ interests. Although the May 28th 1838 Statute had somehow mitigated their inflexibility, the exceedingly rigorous 1807 provisions were still circumvented in practice. By making the provisions less stringent, even more favourable in fact to creditors than debtors, the law sought once again to impose a judicial monopoly in the handling of ailing companies at the expense of the then wellestablished practice of amicable settlement. Keywords bankruptcy, commercial law, economic law, Code de commerce, merchant, default, accountancy, receiver, official receiver, creditor, claim, bankrupt’s certificate, amicable settlement, relief, discharge of bankruptcy 2