Exemple de la région Rhône-Alpes - Certu
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Exemple de la région Rhône-Alpes - Certu
A L’ARTICULATION ENTRE LE RESEAU FERRE ET LE TERRITOIRE : LES SERVICES EN GARE Exemple de la région Rhône-Alpes Claire CHUSSEAU Aménagement et Politiques Urbaines Promotion 59 26 juin 2014 Président du jury : Fabrice BARDET Maître de TFE : Marion CAUHOPE Expert : Roelof VERHAGE NOTICE ANALYTIQUE AUTEUR TITRE DU TFE NOM PRENOM CHUSSEAU Claire A l’articulation entre le réseau ferré et le territoire : les services en gares Exemple de la région Rhône-Alpes ORGANISME D'AFFILIATION ET LOCALISATION MAITRE DE TFE COLLATION MOTS CLES TERMES GEOGRAPHIQUES CAUHOPE Nbre de pages du rapport : 100 CEREMA DIRECTION TECHNIQUE TERRITOIRES ET VILLE 2, RUE ANTOINE CHARIAL 69426 LYON CEDEX 03 Marion Nbre d'annexes : 2 (2 pages) Nbre de réf. Biblio. 37 Service ; commerces ; gares périurbaines ; articulation urbanisme-transport ; quartiers de gare Région Rhône-Alpes ; Vinay (38) ; Saint-Chamond (42) RESUME A l’heure du développement durable, l’articulation entre urbanisme et transports est au cœur des nouvelles politiques d’aménagement et de déplacements. Le train, et le TER en particulier, apparait alors comme une offre adaptée aux déplacements des espaces périurbains vers les villescentres. Dans ce contexte, les gares périurbaines sont les nouveaux points centraux du développement urbain et les services des vecteurs potentiels de leur développement, à l’image de ce qui s’est fait dans les très grandes gares On constate aujourd’hui que les acteurs du ferroviaire et de l’aménagement s’emparent de cette questions et mettent en places des études et des expérimentations. Il s’agit donc de comprendre quels sont les discours et les logiques des différents acteurs qui promeuvent les services en gares et quelles sont les conditions de mise en œuvre des projets, grâce à l’étude de deux exemples rhônalpins. ABSTRACT At the time of sustainable development, the articulation between urban planning and transportation is at the heart of the new urban planning and transport policies. The train, and the TER, appears as an appropriate offer for the movement from suburban areas to city centers. In this context, suburban railway stations are the new focal points of urban development. And services are potential vectors of this development, as in very large railway stations. Today, we see that the actors of the rail and planning take possession of this question and implement studies and experiments. It is therefore essential to understand discourses and logics of the different actors who promote services in railway stations, and what are the conditions for projects implementations, through the study of two examples in RhôneAlpes. Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier très chaleureusement Marion Cauhopé, chargée d’études à la Direction Technique Territoires et Villes du CEREMA, de m’avoir proposé ce sujet d’études sur les gares périurbaines et de m’avoir encadrée avec patience et disponibilité durant ce stage. Ses conseils avisés et ses nombreux retours, toujours constructifs, m’ont été d’une aide précieuse et m’ont permis d’effectuer ce travail dans d’excellentes conditions. Je tiens également à remercier M. Gérard Desportes et M. Marc Morain, respectivement directeur du département « Urbanisme et Habitat » de la Direction Technique Territoires et Villes du CEREMA et responsable du groupe « Planification Stratégies Urbaines et Foncières » de ce même département, de m’avoir accueillie en stage durant 3 mois dans leur équipe. Merci également à toute l’équipe du département « Urbanisme et Habitat » pour son accueil chaleureux et ses réflexions partagées sur mon sujet de recherche. Je souhaite aussi remercier M. Roelof Verhage, directeur de l’Institut d’Urbanisme de Lyon, d’avoir accepté d’être l’expert de ma soutenance et pour son intérêt tout particulier à l’égard de mon travail, malgré ses nombreuses charges. Mes remerciements vont également à M. François Duchêne, responsable de la voie d’approfondissement « Aménagements et Politiques Urbaines » de l’ENTPE qui nous a offert une préparation exceptionnelle à ce travail pendant toute l’année scolaire et qui a été présent, jusqu’aux derniers instants, pour nous orienter au mieux et répondre à nos interrogations. Je remercie aussi l’ensemble des acteurs rencontrés pendant mon enquête qui ont fait preuve d’une grande disponibilité et qui ont accepté d’échanger avec moi sur leur travail ou leur quotidien. Merci, enfin, à mes proches d’avoir accepté de relire avec attention ce travail. Sommaire . Introduction ........................................................................................................................................................- 6 Contexte ..................................................................................................................................................- 6 - Définition de l’objet d’étude.................................................................................................................- 7 - Questionnement .....................................................................................................................................- 8 - Choix du terrain : la région Rhône-Alpes...........................................................................................- 9 - Méthodologie : une enquête de terrain à trois niveaux ................................................................. - 11 - Annonce du plan ................................................................................................................................. - 13 - Chapitre I - Les commerces et services en gares : vecteurs possibles du développement des gares TER ? ........................................................................................................................... - 14 Les gares périurbaines, au croisement des enjeux de déplacements et d’urbanisme ................ - 16 - 1. Modes de vie périurbains et mobilités ............................................................................................. - 16 - Les transports collectifs : enjeu pour la mobilité quotidienne ..................................................... - 17 - Les transports collectifs : enjeu pour l’urbanisme durable ........................................................... - 18 - Les gares périurbaines : des espaces au fort potentiel ................................................................... - 20 - 2. Les « grandes gares » : centres commerciaux et centralités urbaines ............................................... - 22 Naissance des commerces en gare .................................................................................................. - 22 - La transformation des « grandes gares » en centres commerciaux .............................................. - 23 - Espaces de vente ou lieux de vie ?.................................................................................................... - 24 - Après les commerces, les services entrent en gare......................................................................... - 26 Un déploiement des services envisagé sur des gares de plus petites taille ................................. - 28 - 3. SNCF, une volonté de valoriser ses gares ....................................................................................... - 28 - Des acteurs locaux qui s’emparent de la question ......................................................................... - 30 - Chapitre II - Les déploiement des services dans les gares rhônalpines : politique régional et réalité de terrain..................................................................................................................... - 32 1. Une volonté régionale de développer les services pour valoriser le TER ...................................... - 34 Deux chantiers avancés : les services à la mobilité et la rénovation des gares .......................... - 34 - Aller plus loin avec les services aux usagers.................................................................................... - 35 - Quels services ?.................................................................................................................................... - 37 - 2. Une réalité du terrain éloignée des discours ........................................................................................ - 40 Des services et commerces très peu implantés .............................................................................. - 40 - Une difficile adéquation avec les demandes des usagers du TER ............................................... - 42 - 3. Une gestion des gares et de leur foncier très complexe..................................................................... - 44 Une répartition des compétences complexe ................................................................................... - 44 - Une multitude de propriétaires fonciers et immobiliers ............................................................... - 45 - Des acteurs toujours plus nombreux … ......................................................................................... - 47 - … aux objectifs parfois divergents ................................................................................................... - 48 - 4. Un désengagement de la SNCF............................................................................................................. - 50 SNCF-Gares & Connexions, « l’abandon » des bâtiments voyageurs ........................................ - 50 - Les commerces et services, une opportunité financière ? ............................................................ - 51 - Chapitre III - Pour deux projets aboutis : des ambitions plus larges que le train pour les gares .................................................................................................................................................... - 54 1. Vinay : réintégrer le quartier de la gare au centre de la commune ................................................... - 56 Vinay, un pôle rural............................................................................................................................. - 56 - La naissance du projet : réappropriation d’un espace en désuétude ........................................... - 58 - Un projet en 3 temps .......................................................................................................................... - 61 - Une municipalité motrice mais appuyée par des partenaires ....................................................... - 64 - Premier retour d’expérience : un modèle difficile à pérenniser ................................................... - 64 - 2. Saint-Chamond: se réapproprier l’espace abandonné de la gare ......................................................... - 69 Saint-Chamond : 2ème commune de la métropole stéphanoise .................................................... - 69 - La naissance du projet : mettre fin aux usages indésirables et favoriser l’accessibilité............. - 71 - La mise en place du projet : des multiples acteurs à coordonner ................................................ - 73 - Premier retour d’expérience : un équilibre économique précaire ................................................ - 76 - Chapitre IV - Du discours stratégique aux projets locaux : l’épreuve des territoires ........... - 80 1. La nécessité des collectivités locales de prendre le relais de la SNCF ............................................. - 82 La région, moteur d’une reprise en main des gares par les collectivités locales. ....................... - 82 - Les communes et intercommunalités : des acteurs essentiels ...................................................... - 83 - Une substitution pertinente ? ............................................................................................................ - 84 - 2. Lutter contre la déqualification des gares et de leur quartier ............................................................ - 86 La réappropriation de l’espace de la gare par les usagers.............................................................. - 86 - Les commerces et services : assurer une présence humaine ........................................................ - 87 - Une gare attractive, vecteur de report modal ?............................................................................... - 87 - 3. Le service aux voyageurs une utopie ? ................................................................................................. - 88 Les voyageurs périurbains, de faibles consommateurs ................................................................. - 88 - La nécessité de s’intégrer à un tissu commercial global ................................................................ - 88 - Quelle pérennité économique pour ce modèle ?............................................................................ - 89 - 4. La difficile définition d’une politique unique pour des gares périurbaines diverses ..................... - 92 Les gares périurbaines, des objets et des environnements divers................................................ - 92 - Une volonté de créer des outils pour faciliter le déploiement des commerces et services ..... - 93 - Conclusion ........................................................................................................................................................ - 96 Bibliographie .................................................................................................................................................... - 98 Table des illustrations ................................................................................................................................... - 100 - Introduction Contexte Si le développement urbain a, un temps, été influencé par le développement ferroviaire (dès le 19ème siècle le chemin de fer a été un mode de transport fort, favorisant les échanges et l’essor industriel des villes), les années 1970 ont vu la voiture individuelle prendre le pas sur le train, et devenir le moteur de la périurbanisation. Les quartiers de gare ont alors souvent été laissés à l’écart des dynamiques d’urbanisation des villes moyennes et des communes périurbaines. Pour autant, la loi Grenelle II de 2010, dans la droite ligne de la loi SRU, affirme clairement la nécessité de favoriser les modes de déplacements collectifs et de créer des modes d’urbanisation moins consommateurs d’espace. Elle conseille pour cela, de s’appuyer sur les réseaux de transport collectif existants et sur leurs nœuds, afin de contrebalancer le développement résidentiel périurbain et l’utilisation massive de l’automobile pour les déplacements domicile - travail. Ces éléments réglementaires font ainsi du réseau ferré, et des gares, des points d’enjeux majeurs pour une mobilité plus durable. C’est d’autant plus vrai pour les gares TER, implantées en périphérie des villes-centres, qui peuvent venir offrir un mode de transport adapté aux déplacements pendulaires du périurbain vers la ville-centre. Elles sont donc, ainsi que leur quartier, au cœur d’un processus de réappropriation et de revalorisation par les habitants et par les élus. Elles sont aussi des points majeurs pour les collectivités locales, qu’elles soient en charge des politiques de transport ou d’aménagement. De nombreux Schémas de cohérence territoriale (SCoT), prônent ainsi la restructuration de la ville autour des gares et autres points d'accès aux réseaux structurants de transport en commun. L’implantation des services et commerces, dans ces espaces stratégiques s’inscrit donc pleinement dans cette perspective. On observe ce phénomène principalement dans les grands pôles d’échange urbains mais il commence également à toucher les gares périurbaines. Ces services et commerces viennent accompagner les changements de modes de transport et permettent d’optimiser les temps d’attente des voyageurs, en répondant, en temps masqué, à certains de leurs besoins. Ils participent ainsi à rendre le train plus attractif et à revaloriser ce mode de transport. Inversement l’attractivité croissante du train attire les enseignes et les services dans les gares, en leur offrant une clientèle de plus en plus nombreuse. Les gares représentent ainsi un potentiel non négligeable, intéressant à valoriser sur le plan financier par les acteurs ferroviaires (RFF et SNCF) que ce soit par la location ou la vente. Pour ces différentes raisons, l’implantation de commerces et services en gare peut contribuer à faire des gares des lieux de centralité, et plus largement à valoriser les quartiers dans lesquelles elles -6- Introduction s’inscrivent. L’implantation de services et commerces dans les gares interroge donc à la fois les politiques de déplacements et d’aménagement urbain et leur articulation. Définition de l’objet d’étude Les gares françaises sont très hétérogènes. Elles vont des grandes gares parisiennes, aux points d’arrêts non gérés (PANG), signalés par un panneau sur le quai n’accueillant que quelques voyageurs par jour, en passant par les gares de villes moyenne qui possèdent un bâtiment voyageurs avec une salle d’attente. Elles sont donc des objets très variés qui contrastent parfois avec l’unicité du discours sur LA gare. 2- Point d'Arrêt Non Géré (Alaï - 69) 1- Gare moyenne urbaine (Givors ville - 69) Dans cette étude nous nous intéresserons aux gares périurbaines, par différence avec les gares centrales des aires urbaines. Elles sont également de types très variés, avec des fréquentations de niveaux différents, mais globalement en hausse depuis plusieurs années. Si ces gares ne font ne font pas partie des gares d’intérêt national (les 220 plus grandes gares de France) identifiées par la SNCF, elles jouent un rôle clé dans les mobilités quotidiennes en tant que points d’entrée sur le réseau ferré. « Les services » englobe, pour les différents acteurs du transport et de l’aménagement également des réalités très diverses, qu’il s’agisse des services « de base » aux usagers des trains (personnel assurant la vente de billets, salle d’attente chauffée, affichage des horaires de trains, etc.), de services à la mobilité (vélos en libre-service, aires de co-voiturage, parking relais, etc.), ou encore de services marchands ou non marchands implantés dans et aux abords des gares. Nous nous intéresserons, dans cette étude, aux commerces et services non liés strictement à la mobilité, qui sont des services complémentaires permettant à l’usager de réaliser, sur son lieu de transport, des activités, autres qu’un déplacement, et complémentaire à celui-ci : acheter du pain, un -7 - Introduction journal, faire des analyses médicales, envoyer une lettre, faire ou retirer ses courses, laisser son linge au pressing, déposer son enfant à la crèche ou encore récupérer un colis. Questionnement Les nouveaux enjeux de report modal font qu’aujourd’hui, les acteurs du développement des gares et de leurs abords sont nombreux. Du point de vue purement ferroviaire, se retrouvent : le Conseil Régional en tant qu’autorité organisatrice des transports express régionaux (TER), SNCF Proximité en tant qu’exploitant délégué, SNCF-Gares & Connexions en tant que propriétaire des bâtiments voyageurs et RFF en tant que propriétaire des infrastructures de transports proprement dites. Viennent également s’ajouter à cette liste, les communes en charge de l’aménagement des abords extérieurs, les intercommunalités qui assurent le transport urbain ou encore les conseils généraux qui gèrent l’offre de transport interurbain. 3 - Schéma du groupe SNCF et filiales de sa branche "Gares & Connexions" Cependant, on remarque que cette question de l’implantation des services et commerces dans ces espaces stratégiques, que sont les gares, fait l’objet d’un consensus théorique. En effet, nombreux sont les acteurs du ferroviaire et de l’aménagement à les évoquer, à les promouvoir ou même à lancer des études dans ce sens : SNCF-Proximités, SNCF-Gares & Connexions, Région Alsace, Région Rhône-Alpes, Région Picardie, CAUE 63, Grand Lyon, etc. Après la transformation des grandes gares parisiennes en centres commerciaux, les collectivités, et plus particulièrement les régions autorités organisatrices du transport express régional (TER), semblent donc aujourd’hui vouloir intégrer la question des services dans leurs politiques de déplacements et d’aménagement. Dans un premier temps il semble donc pertinent de se pencher sur ces discours de promotion des commerces et des services en gares et de chercher à comprendre les logiques et les objectifs des acteurs du transport ferroviaire et de l’aménagement qui les portent. On peut se demander en quoi -8 - Introduction ce discours « marketing » autour des services en gares est-il intéressant à promouvoir et à mettre en œuvre pour les différents acteurs et comment ces différents enjeux, ces différents objectifs, propres à chacun des acteurs des projets, peuvent-ils s’articuler ? En effet, chacun de ces acteurs met en avant des objectifs différents pour l’implantation de services et commerces en gares TER. Pour le conseil régional et son délégataire de service, SNCF Proximité – TER, il s’agit d’offrir un service supplémentaire aux usagers du train : en accompagnant la rupture de charge et en valorisant le temps d’attente, les services permettant de rendre ce mode de transport plus attractif et d’en fidéliser sa clientèle. Pour SNCF-Gares & Connexions, l’enjeu est plutôt de valoriser son patrimoine immobilier et de le faire vivre alors que les communes cherchent, par l’implantation de services et de commerces, à utiliser cette centralité de passage pour créer une véritable centralité de ville en y assurant la mixité des fonctions urbaines. Pour autant, le discours porté par les institutionnels et relayé par les médias semble mis à l’épreuve du terrain. Les projets réalisés sont pour l’instant peu nombreux et se sont souvent développés dans le cadre d’expérimentations. Pourquoi les projets envisagés et valorisés ne prennent-ils pas plus place sur le terrain. Quels sont les freins et les leviers de leur développement ? Et notamment, la multiplicité d’acteurs et d’objectifs est-elle un frein au développement des services et commerces dans les gares ? En cherchant à comprendre les logiques des différents acteurs qui promeuvent les services en gare et les conditions de réalisation de ces projets, nous nous interrogerons, au regard des enjeux et dynamiques territoriales propre à chaque gare, pour comprendre dans quelles mesures les discours généraux sur l’implantation des commerces et des services dans les gares périurbaines, peuvent-ils se traduire en actes ? Choix du terrain : la région Rhône-Alpes Les conseils régionaux étant les autorités organisatrices du TER, le périmètre régional apparaît donc comme particulièrement pertinent pour une première approche des stratégies institutionnelles. Le premier terrain retenu est celui de la région Rhône-Alpes, permettant un contact avec les institutionnels en charge des services et commerces en gares à cette échelle : SNCF Proximité, Gares & Connexions, Direction des transports du conseil régional. -9 - Introduction La région Rhône-Alpes est, particulièrement intéressante puisqu’elle est la première région ferroviaire française1 et qu’elle porte une politique de développement du TER et des services à la mobilité associés depuis plusieurs mandats. Suite aux rencontres avec ces acteurs régionaux et au recensement des différents services proposés dans les gares périurbaines, voire rurales, de Rhône-Alpes, nous avons pu définir deux projets d’implantation de services en gares à étudier dans le détail. Le premier est celui de la gare de Vinay, en Isère. Située dans une commune de 4000 habitants, au cœur du sillon alpin Sud, entre Grenoble et Valence, cette gare a fait l’objet d’un important projet de réaménagent, et de revitalisation porté par les élus locaux et régionaux. Le bâtiment voyageurs, racheté à SNCF-Gares & Connexions par la commune en 2010, a été complètement réaménagé. S’y est installé un commerce de proximité, faisant à la fois dépôt de pain, petite restauration et dépôt pressing. L’ancienne halle de marchandise voisine a également été achetée par la municipalité qui en a fait une « halle fermière », un espace de vente en direct entre producteurs de la région et consommateurs. Le projet de Vinay combine ainsi différents types de services et commerces, dans et autour de la gare, dans un contexte de « pôle rural ». Le second projet prend place à Saint-Chamond dans la Loire, soit dans une ville de 35 000 habitants, 2nde commune de l’agglomération stéphanoise. La gare de Saint-Chamond a fait l’objet d’une remise en état par SNCF - Gares & Connexions en 2012/2013. Cette réhabilitation a été appuyée par un projet de pôle multimodal porté par l’agglomération de Saint-Etienne et par l’implantation d’un Point Information Médiation Multiservices (PIMMS). La salle des pas perdus accueille également un commerce de restauration et de proximité. Un projet de crèche dans le bâtiment voyageurs a également été envisagé mais semble, aujourd’hui, avoir été laissé de côté. Ces deux sites sont extrêmement différents, que ce soit par la taille des communes, les services et commerces implantés, la fréquentation des gares concernées, mais ils nous permettent, si ce n’est une comparaison exacte de deux facteurs, une prise de conscience des différents acteurs et enjeux pouvant prendre part à un projet de commerces ou services en gares. 1 Hors Ile de France, avec 2000 km de lignes exploités et pour une fréquentation de 135 000 voyages par jour en car ou train Source : site du conseil régional Rhône-Alpes ; http://www.rhonealpes.fr/118-reseau-ter-transport-express-regional.htm; et site TER Rhône-Alpes ; http://www.ter-sncf.com/Regions/rhone_alpes/Fr/A_propos_de_TER/Default.aspx ; consultés en juin 2014. - 10 - Introduction Méthodologie : une enquête de terrain à trois niveaux Ce travail de recherche s’est effectué dans le cadre d’un stage de 3 mois au sein du département « Urbanisme et Habitat » de la Direction Technique Territoires et Villes du CEREMA, qui travaille, en partenariat avec les Directions Centre-Est et Nord-Picardie sur l’aménagement autour des gares TER depuis 2011. La première phase de travail, effectuée en amont du stage au CEREMA, a été un travail bibliographique sur les enjeux d’aménagement autour des gares périurbaines et la question des services et commerces dans les pôles de mobilité. Elle a également permis de mieux comprendre le fonctionnement de la SNCF pour la gestion des petites gares et de mieux appréhender sa politique nationale concernant les services et commerces en gares par le biais d’une revue de presse et de l’étude des publications en ligne du groupe. Cette approche générale et théorique a été complétée par la participation à une journée d’échanges organisée par le CAUE du Puy-de-Dôme intitulée « au croisement des chemins : les services » et par la rencontre avec Mme Lucie Verchère-Tortel, chargée d’étude sur les questions de services innovants et de mobilité à la direction de la prospective et du dialogue public du Grand Lyon. Le second temps de l’étude a consisté en l’analyse de la stratégie d’implantation des commerces et des services en gares au niveau régional. Il s’agissait également de pouvoir trouver un ou deux exemples locaux qu’il serait ensuite pertinent d’analyser dans le détail. Un premier recensement des offres disponibles sur Rhône- Alpes a donc été effectué à partir d’un document réalisé en amont par le CEREMA, mais aussi grâce à des données de la presse locale et des informations à destination de clients, transmises par SNCF Proximité, TER Rhône-Alpes ou encore SNCF - Gares & Connexions leurs sites internet. Cette approche « papier » a été complétée par une visite de terrain d’une vingtaine de gares de l’Ouest Lyonnais. Cela a permis d’appréhender la diversité des gares de la région et leurs configurations territoriales. Ça a aussi été l’occasion de se rendre compte des commerces ou des actions de type « retrait de paniers fraîcheur » ainsi que les différents types d’aménagements et de services (à la mobilité ou autres) disponibles selon la taille des gares. La gare de Vienne-Centre, intéressante au premier abord s’est avérée trop centrale, située dans un environnement commercial trop dense pour être traitée comme une gare « périurbaine ». Nous avons ensuite rencontré les différents acteurs institutionnels en charge de la politique de services en gare sur Rhône-Alpes, dans le cadre d’entretiens semi-directifs , afin de comprendre les axes de développement, le fonctionnement des projets, les financements, les liens avec les territoires, etc. Nous avons rencontré différents agents de la direction des transports de la région Rhône-Alpes, et le directeur « services et exploitation » de l’agence gare Centre- Est – Rhône alpin de - 11 - Introduction SNCF-Gares & Connexions, ainsi que le représentant régional de la FNAUT2. Nous avons souhaité rencontrer la personne en charge des politiques servicielles de TER Rhône-Alpes/SNCF-Proximités mais elle n’a malheureusement pas répondu à nos sollicitations. Les informations récoltées auprès des institutionnels ont été riches, à la fois pour comprendre le fonctionnement de la gestion des gares périurbaines, le rôle de chacun, mais aussi leur position sur l’usage attendu des bâtiments voyageurs et leurs attentes envers les services en gare. Ces rencontres ont également permis d’affiner les terrains d’étude et d’apporter des premiers éléments sur les projets choisis, auprès du conseil régional notamment. La dernière partie de l’étude de terrain a consisté en l’analyse des deux projets choisis: Vinay et Saint-Chamond. Pour chacun de ces deux projets, nous avons d’abord réalisé une étude de contexte de la ville, de la place de la gare dans celle-ci, mais aussi du contexte ferroviaire. Cette première approche a été complétée par une revue de presse locale afin retracer l’historique du projet. Nous avons ensuite mené des entretiens semi-directifs avec les différents acteurs locaux des projets afin de comprendre les motivations initiales du projet, ses modes de conduite et de fonctionnement, les difficultés rencontrées et les conditions de sa réussite. A Vinay, nous avons pu rencontrer la directrice générale des services de la municipalité, la commerçante installée en gare, le gestionnaire du magasin de producteurs locaux situé à proximité et échanger par téléphone avec Mme le maire. A Saint-Chamond, nous avons rencontré le commerçant installé en gare et la directrice de l’urbanisme des services techniques de la mairie. Nous avons également pu contacter un ancien élu au développement économique qui nous a transmis les informations dont il disposait. Nous avons eu l’occasion d’échanger de manière informelle avec le directeur du PIMMS implanté dans le bâtiment voyageurs, qui nous a expliqué son fonctionnement et la genèse du projet. Cependant, nous n’avons pas réussi à le rencontrer à nouveau pour un entretien en bonne et due forme. La dernière partie de ce travail a consisté en une analyse comparée des exemples étudiés, et une mise en parallèle du contexte institutionnel général, à partir du matériau récolté et des retranscriptions partielles des entretiens. Cette analyse a été appuyée par des échanges avec le groupe de travail « Valorisation des gares TER» du CEREMA et l’unité « Gares » de la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes. Cela a permis de tirer des premiers enseignements de ces démarches de mise en place de services en gares et permettra de mettre en évidence certains intérêts et conditions de développement des services et commerces dans les gares TER. 2 Fédération Nationale des Associations d’Usagers de Transports - 12 - Introduction Annonce du plan La structure de ce mémoire de recherche, est calquée sur les grandes étapes d’analyse, présentées dans la méthodologie. Dans une première partie, nous présenterons les éléments et enjeux ayant participé à la naissance d’une réflexion sur les services et commerces dans les gares périurbaines. Nous présenterons également la façon dont les institutionnels du ferroviaire s’emparent de ces enjeux pour commencer à travailler à une politique de commerces et services en gare TER. Dans une seconde partie, nous nous pencherons sur l’exemple de la région Rhône-Alpes. Nous analyserons la position des différents acteurs et nous mettrons en évidence la réalité du terrain plus complexe que les discours avancés et les nombreuses dynamiques auxquelles sont soumis les projets. Dans un troisième chapitre, nous étudierons deux exemples plus en détails, les gares de Vinay (38) et de Saint-Chamond (42) dans et autour desquelles des projets de commerces et services se sont développés. Nous mettrons en évidence le contexte local des projets, la façon dont ils ont été portés par les différents acteurs, les enjeux auxquels ils répondent et les difficultés rencontrées pour passer du projet à une mise en œuvre sur le terrain. Enfin, dans une dernière partie, nous présenterons les conclusions et analyses que l’on peut tirer de cette étude, nous chercherons à recontexctualiser la politique globale d’implantation de commerces et services en gares et nous mettrons en évidence l’importance de ne pas se limiter à l’échelle du train ou à celle de la gare pour mettre en place un projet pérenne. - 13 - Chapitre I Les commerces et services en gares : vecteurs possibles du développement des gares TER ? - 14 - Chapitre I A l’heure du développement durable, les questions d’aménagement urbain et de déplacements sont devenues des enjeux majeurs. Face à l’augmentation des mobilités quotidiennes, notamment entre espaces périurbains et villes-centres, le report modal vers le train s’impose comme l’une des pistes privilégiées. Nous mettrons alors en évidence que ces enjeux d’articulation urbanisme/transport font des gares, et plus encore des gares périurbaines, des points centraux des politiques d’aménagement et de déplacements. Puis nous présenterons la façon dont les grandes gares françaises se sont emparées de la question des commerces pour renforcer leur attractivité et leur position de centralités urbaines. Enfin, nous verrons que, à l’image des gares nationales, les gares périurbaines et leurs gestionnaires envisagent d’utiliser les commerces et les services pour se développer. - 15 - Chapitre I 1. Les gares périurbaines, au croisement des enjeux de déplacements et d’urbanisme La mobilité, si elle a toujours existée, est aujourd’hui au cœur de notre société par l’importance des flux qu’elle crée. Comme l’explique François Ascher3, «Aujourd'hui, se déplacer est devenu indispensable pour accéder à la plupart des biens, des services et des relations sociales. La possibilité de se mouvoir, en particulier dans les villes, conditionne en effet l'accès au logement, au travail, à l'éducation, à la culture etc. ». La mobilité est devenue à la fois une possibilité mais également une nécessité. Modes de vie périurbains et mobilités Depuis les années 1990, on a pu observer d’importantes évolutions des mobilités, et notamment des mobilités quotidiennes. En effet, si jusqu’alors, la plupart des actifs travaillaient sur leur lieu de résidence, ce n’est aujourd’hui plus le cas pour 73% d’entre eux4. Ces évolutions sont la conséquence de différents phénomènes urbains et sociaux. Dans un premier temps, on peut constater l’apparition d’un phénomène urbain de dissociation des lieux de résidence et des lieux d’emploi, notamment sous l’effet de la spécialisation sociale et fonctionnelle des territoires5. A cela viennent s’ajouter des contraintes immobilières et foncières fortes dans les agglomérations. La demande étant de plus en plus importante, alors que l’offre ne suit pas, on assiste à une importante croissance des prix de l’immobilier, que ce soit à l’achat ou à la location. Il devient ainsi, pour les ménages travaillant dans les villes, de plus en plus difficile de s’y loger, ce qui a favorisé la résidence hors des centres urbains. Comme l’explique François Ascher6 « Dans des sociétés de plus en plus complexes et diversifiées, l'habitat, l'emploi, les écoles, les loisirs, ne se trouvent plus jamais à proximité immédiate les unes des autres. ». Depuis 40 ans, on peut ainsi observer une dissociation entre les zones de résidences et les zones d’emplois ainsi qu’une augmentation du nombre d’emplois situés à l’extérieur des centres urbains. Les années 1970 ont vu la voiture individuelle prendre le pas sur le train, et devenir le moteur de la périurbanisation. Les progrès industriels dans le domaine de l’automobile et l’amélioration des infrastructures routières ainsi que l’extension du réseau depuis les 30 glorieuses ont permis aux ménages d’aller de plus en plus loin en un minimum de temps. En effet, la limite de trajet tolérable par les voyageurs ne se calcule pas en distance à parcourir mais bien en temps de trajet, et avec les 3 ASCHER François, « Le sens du mouvement, introduction » dans ALLEMAND Sylvain, ASCHER François, LEVY Jacques, Les sens du mouvement. Modernité et mobilité dans les sociétés urbaines contemporaines, Belin, 2004. 4 INSEE, « Les déplacements domicile-travail amplifiés par la périurbanisation » dans Insee Première N° 1129 , 2007. 5 CERTU, « Mettre les gares TER au cœur des stratégies territoriales : pourquoi ? Comment ? », Stratégies foncières aux abords des gares TER- Fiche n°1, 2012. 6 ASCHER François, 2004, op. cit.. - 16 - Chapitre I modes de déplacements modernes, pour une même durée, les distances parcourues ont augmentées. La combinaison de cette difficulté à se loger dans les villes-centres et de la facilité qu’offrent l’automobile et les infrastructures routières et autoroutières d’aller toujours plus loin en un minimum de temps, ont favorisé l’installation des travailleurs urbains en périphérie des villes. Ces changements ont provoqué une augmentation réelle des distances quotidiennes de déplacements et principalement des distances de déplacements domicile/travail que ce soit en moyenne, à l’échelle nationale, avec une augmentation de 22% entre 1994 et 2008, ou à l’échelle des aires urbaines7. On a ainsi vu apparaître les déplacements pendulaires à l’intérieur des pôles urbains et entre ville-centre et périphérie, avec des habitants qui font le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail matin et soir. 52% des actifs se déplacent ainsi tous les jours à l’intérieur d’un pôle urbain pour aller travailler, si on y ajoute à ce périmètre la couronne périurbaine, ils sont alors 68% des actifs français à se déplacer dans ce périmètre8. Plus flexible que les transports en commun et permettant d’accéder plus facilement à des espaces ruraux ou périurbains moins centraux, la voiture particulière s’est rapidement imposée comme le moyen de transport privilégié pour ces déplacements quotidiens. Elle représentait, en 2008, 65% des déplacements quotidiens pour 83% des kilomètres parcourus à l’échelle nationale9 , cette part atteignant même jusqu'à 85% voire 90% des déplacements dans certaines communes périurbaines. Les transports collectifs : enjeu pour la mobilité quotidienne Aujourd’hui, face à cet allongement des distances domicile – travail pour la majorité des ménages français, face au poids de l’automobile dans ces déplacements quotidiens, en particulier pour les habitants et actifs des couronnes périurbaines, il devient urgent d’opérer une prise de conscience des limites de ce modèle. Comme l’ont montré les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les ressources en pétrole ne sont pas illimitées et la raréfaction à venir annonce des difficultés d’accès à la ressource impliquant une hausse du prix des carburants. C’est donc, à des limites énergétiques, mais aussi économiques et écologiques qu’il faut aujourd’hui tenter de remédier. En effet, on a assisté à une augmentation constante des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports (+19% entre 1990 et 2007). Devenu le premier secteur émetteur en France, les transports en représentent aujourd‘hui 27% des émissions globales.10 Les déplacements pendulaires 7 CERTU, 2012, op.cit. 8 INSEE, 2007 op.cit. 9 Commissariat général au développement durable, « La mobilité des français. Panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008 », La revue du CGDD, 2010. 10 Données 2007, Site internet de l’ADEME sur les Plans Climat-Energie ; http://www.pcet-ademe.fr/domainesactions/transports/contexte-et-enjeux; consulté en juin 2014 - 17 - Chapitre I représentant 11,6%11 des déplacements entre le périurbain et les villes-centres, c’est un enjeu national de faire diminuer l’utilisation des véhicules personnels et principalement l’auto-solisme12 sur ces trajets. Il s’agit de favoriser l’utilisation des transports collectifs pour ces déplacements et donc de limiter à la fois la consommation d’énergie et l’émission de polluants. Dans les zones rurales, par définition peu denses, il reste compliqué de mettre en place des transports en commun forts, il s’agira alors de développer des solutions alternatives, moins contraignantes en terme d’investissement et plus adaptées aux modes d’habiter comme les transports à la demande ou le covoiturage. Pour autant, dans les zones périurbaines, plus denses donc avec une aire de chalandise suffisante, et polarisées le long des axes majeurs de transports (routiers ou ferroviaires), il devient « rentable » de mettre en place des transports en commun plus lourds, demandant des infrastructures et des équipements plus importants. Avec un bon niveau de desserte, le TER devient alors une alternative crédible à l’usage de l’automobile pour les trajets quotidiens. Il est, de plus, un mode de transport plus économique et bien moins émetteur de gaz à effet de serre que l’automobile. Les enjeux sociaux et environnementaux sont donc conséquents et incitent à agir au plus vite pour mieux tirer parti des potentialités du transport ferroviaire régional. Mais ce défi majeur de développement du train de proximité, ne peut se faire sans un aménagement des nœuds de transports associés. L’aménagement des gares représente ainsi un enjeu central des politiques de mobilité. Il est aujourd’hui absolument nécessaire de rendre ces espaces accessibles et multimodaux afin de permettre un rabattement maximal vers les lignes TER. En effet, encore plus que dans les centres urbains, où l’aire de chalandise proche est importante, il s’agit ici de toucher les habitants sur une zone plus large qui vont devoir se rendre à la gare en utilisant un autre moyen de transport. Les parkings relais font ainsi partie des incontournables réaménagements des abords de gares périurbaines, tout comme les cheminements modes doux, et les arrêts de transports en commun en zones urbaines. Elles sont ainsi des points majeurs de l’intermodalité en tant que centre d’attraction vers le train. Les transports collectifs : enjeu pour l’urbanisme durable Le réseau ferré, et les gares, sont des points d’enjeux majeurs pour une mobilité plus durable mais également pour l’aménagement urbain. Depuis les années 2000, les enjeux et limites des modèles de développement urbains en cours sont peu à peu pris en compte et occupent aujourd’hui une place non négligeable dans les directives de l’aménagement. Les différents textes d’orientation de l’urbanisme prônent ainsi la densité 11 INSEE, 2007 op.cit. 12 Utilisation d’une automobile par une personne seule pendant un trajet - 18 - Chapitre I urbaine et la limitation de l’artificialisation des espaces agricoles ou naturels, tout en cherchant à favoriser le développement des polarités desservies par les transports en commun. La volonté de lutter contre le mitage de l’espace apparaît dans le droit français, sous la forme d’une règle de constructibilité limitée, dès 1983, avec la loi dite « Defferre »13 « En l'absence de plan d'occupation des sols opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ; 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. » Article L111-1-2 du code de l’urbanisme, Loi n°83-8 du 7 janvier 1983 Elle va être renforcée en 2000 par la loi SRU14 qui introduit la notion d’articulation urbanisme/transports. En 2009-2010, les lois « Grenelle » vont plus loin et affirment clairement la nécessité de créer des modes d’urbanisation moins consommateurs d’espace et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.15 Comme l’explique Francis Beaucitre16 « La voiture particulière stimule la poursuite d’un urbanisme de zonage (…) et rend littéralement irréversible, au moins à l’échéance d’une ou deux générations, la forme urbaine discontinue, à très basse densité ». Favoriser les modes de déplacements collectifs et s’appuyer sur les réseaux de transports existants et leurs nœuds pour organiser le développement urbain, est donc également essentiel lutter contre la consommation d’espace. Cette place des transports collectifs structurants, comme l’un des outils majeurs de l’urbanisme durable, prend petit à petit place dans les documents de planification. Les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), créés en 2000 par la loi SRU17 , imposent aux collectivités de prendre en compte ces enjeux : « Le schéma de cohérence territoriale et les plans d'occupation des sols, entre autres, doivent permettre d'assurer: « La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale (...) dans l']intérêt général, (...) en tenant compte (...) des moyens de transport.(...) Une utilisation 13 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat *loi Defferre*. 14 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. 15 Article L110 du Code de l’urbanisme, d’après la Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. 16 BEAUCITRE Françis, "Mobilité et territoires ; Contributions au PREDIT", Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques du Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, 2001. 17 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. - 19 - Chapitre I économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ». Art.L-121-1 2 du code de l’urbanisme Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 Les SCoT ont été renforcés par le Grenelle de l’environnement, en 2010,18 qui a renouvelé cette volonté de densification de la ville, de lutte contre la périurbanisation et de diminution des obligations de déplacement. Elle prend clairement en compte les opportunités offertes par les réseaux structurants de transports collectifs, et notamment le rail, pour favoriser une organisation urbaine moins consommatrice d’espace. Les gares périurbaines : des espaces au fort potentiel Dans ce contexte règlementaire de développement des transports collectifs, les gares deviennent aujourd’hui des lieux d’enjeux pour les politiques d’aménagement urbain et non uniquement pour le transport, comme le rappelle la sénatrice du Bas-Rhin, Fabienne Keller dans son rapport sur les gares au premier ministre. « La raison d'être du service de transport est de servir le territoire organisé. Dans la mise en œuvre de cet objectif, deux cultures se font face : celle du transport et celle de l'aménagement urbain. Chacune a son langage propre, ses caractéristiques, son économie, son ingénierie, ses modes de faire et ses rythmes (…) La cohérence du territoire et du transport dépend pourtant de la conjugaison de ces deux univers. » Rapport Keller19 Même si, favoriser un urbanisme orienté vers le rail ne pourra suffire à infléchir les tendances actuelles, les espaces entourant les gares périurbaines sont donc des espaces particulièrement intéressants pour répondre aux attentes d’un urbanisme durable. En effet, si le rail a été un vecteur majeur du développement urbain jusqu’au milieu des années 1900, l’urbanisme moderne lui a ensuite bien souvent tourné le dos. Les quartiers de gare ont alors souvent été laissés à l’écart des dynamiques d’urbanisation des villes moyennes et des communes périurbaines. À l’heure actuelle, ils sont donc souvent, des espaces abandonnés où subsistent de nombreuses friches. Mais ces friches représentent de véritables opportunités de croissance pour la commune, par densification, sans consommation d’espaces périphériques supplémentaires. 18 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement 19 KELLER Fabienne, « La gare contemporaine », Rapport ministériel, 2009. - 20 - Chapitre I L’orientation des densifications à venir autour des axes de transports structurants et de leurs portes d’entrée tels que les gares permet également de répondre de façon pertinente à l’enjeu de transport.. L’urbanisation autour des gares permet, en effet, un report modal simplifié et une utilisation réduite des véhicules personnels puisqu’il devient possible de se rendre à la gare grâce aux modes actifs et d’y prendre ensuite le train jusqu’à la ville-centre. Les gares périurbaines sont souvent à destination de plusieurs communes, et ont donc une aire de chalandise suffisante pour offrir une desserte intéressante par rapport aux véhicules personnels. L’urbanisation dans les communes proches des axes ferroviaires, et plus encore, autour des gares, permet de développer la ville autour des points d’attractions majeurs vers les transports en commun afin de favoriser leur utilisation. Les gares TER, implantées en périphérie des villes- centres, peuvent ainsi offrir un mode de transport adapté aux déplacements pendulaires du périurbain vers la ville-centre. Cette volonté de densification aux abords des gares dans les communes périurbaines se retrouve de plus en plus dans les documents de planification. De nombreux Schémas de cohérence territoriale (SCoT) orientent clairement la restructuration de la ville autour des gares et autres points d'accès aux réseaux structurants de transports en commun. C’est notamment le cas de celui de l'agglomération lyonnaise : « PRIORITÉ À L’URBANISATION DES SECTEURS BIEN DESSERVIS ET BIEN ÉQUIPÉS : Dans la logique du Projet d’Aménagement et de Développement, le Document d’orientation général détermine des secteurs prioritaires pour le développement urbain : les secteurs situés au sein des polarités urbaines, les quartiers desservis par les gares du Réseau express de l’aire métropolitaine lyonnaise ou dont la desserte est programmée, les corridors urbains desservis par le réseau des transports collectifs d’agglomération ou dont la desserte est programmée, les sites de projet à fort potentiel d’accueil. L’objectif des politiques publiques d‘urbanisme est de mobiliser de manière prioritaire le foncier dans les secteurs considérés. » Extrait du Document d’orientation général du SCOT de l’agglomération Lyonnaise A l’heure du développement durable, les gares périurbaines sont donc des points d’enjeux centraux pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie et la consommation d’espaces agricoles et naturels. - 21 - Chapitre I 2. Les « grandes gares » : centres commerciaux et centralités urbaines Pour répondre à la fois aux enjeux d’aménagement et de déplacements, la gare ne doit pas rester un simple maillon du chemin de fer mais bien se transformer en véritable lieu de vie. C’est à la fois un point essentiel pour attirer les usagers vers le train, mais également pour permettre une participation réelle de la gare à la revitalisation du quartier. Pour mieux comprendre comment effectuer cette modification de fonction, on peut regarder l’exemple des gares centrales des grandes agglomérations, « grandes gares », qui sont des nœuds majeurs du transport mais également du maillage urbain. Naissance des commerces en gare La première phase de l’implantation des commerces en gare a débuté avec la création du chemin de fer. Dès le XIXème siècle, on constate une volonté de profiter de l’espace des gares, et du flux de personnes apporté par le chemin de fer pour y développer des commerces. Les années 1840-50 voient apparaître, avec le développement du chemin de fer, des petits commerces de journaux ou de restauration qui prospèrent dans les gares. La restauration, avec la création des cafés de la gare, en face des bâtiments voyageurs et les « buffets de la gare » à l’intérieur de ceux-ci s’empare de ces nouveaux espaces dès la seconde moitié du XIXème. Dans les gares nouvellement construites ces buffets permettent au voyageur qui attend son train ou qui arrive en ville de se restaurer. Ces lieux vont se développer partout, qu’ils soient luxueux et emblématiques comme celui de la gare de Lyon à Paris construit en 1900 pour l’exposition universelle ou l’équivalent de simples bistrots. Ils permettent ainsi le premier développement de la gare comme un espace de vie. Toutefois le véritable commerce au sens strict et à grande échelle naît dans les gares françaises avec Louis Hachette20. En effet, après un voyage à Londres en 1851, il décide d’imiter le libraireéditeur anglais W.H. Smith qui installait alors, sur le réseau ferré anglais, des kiosques permettant la vente de livres, journaux et tout autre objet utile aux voyageurs. En effet, le réseau ferré français rayonne déjà depuis Paris sur tout l'hexagone, les projets sont encore nombreux et le nombre des voyageurs croît très vite. Il crée ainsi en 1854 les « Bibliothèques de gares » qui sont alors des points de vente de la maison d’édition. Si ces officines sont, à l’origine, destinées à vendre la nouvelle collection de la maison d’édition, « Bibliothèques des chemins de fer », adaptée aux voyageurs. Ils obtiennent, dès 1856, l’autorisation de vendre la presse. Cette nouvelle activité devient rapidement la principale source de revenu de ces bibliothèques de gare et fait rapidement d’Hachette, le 20 TAVEAUX Karine, « Réseau de bibliothèques de gare et du métropolitain, et messageries Hachette dans l’aire parisienne (1870-1914) » dans Médias et villes (XVIIIe-XXe siècle) de Christian Delporte, Presses Universitaires François Rabelais, 1999. - 22 - Chapitre I premier revendeur de presse de France. Ces bibliothèques de gare sont les ancêtres des « Relais H » et des « Relay » actuels21. La transformation des « grandes gares » en centres commerciaux La seconde phase importante de développement commercial en gare suit le développement général des centres commerciaux lancé dans les années 1970. En 1986, la première galerie commerciale s’installe en gare. Elle se trouve dans la gare de l’Est, dans le Xe arrondissement de Paris. Le phénomène se poursuit dans les années 2000, sur le modèle des aéroports. Il s’agit d’abord de rendre les gares attractives pour ensuite y faire venir de grandes enseignes. « On a d'abord rendu les gares plus propres, plus sûres, plus claires. C'est comme ça qu'on a attiré des commerces de centre-ville», Pascal Lupo22, directeur des gares et de l'escale et président d'A2C23 2009 Les chantiers des gares du Nord, de l’Est et de Saint Lazare, terminés respectivement en 2002, 2008 et 2012 en sont les exemples les plus parlants. Dans la gare du Nord, la galerie marchande fait plus de 7000m² et des enseignes telles que « Naf-Naf » qui vend des vêtements y réalisent même un chiffre d’affaire supérieur à leur magasin des Champs Elysées24. A Saint Lazare, c’est 10 000m² de boutiques et d’enseignes qui ont été installées dans l’ancienne salle des pas perdus25. La galerie commerçante est ainsi devenue la plus importante dans une gare, passant devant celle de Saint Pancras à Londres qui est un véritable symbole de la gare commerçante. Les gares majeures, situées à Paris et dans les plus grandes villes de province, deviennent ainsi de véritables « centres commerciaux » pour voyageurs en transit, mais pas seulement. Il ne s’agit plus de répondre aux besoins primaires du voyageur qui attend (buvette, restauration) ou d’égayer son voyage (presse, livres) mais bien de permettre au voyageur en transit de valoriser son temps d’attente et de profiter de son passage pour le faire consommer, comme dans n’importe quel autre espace de vente, en lui proposant les services et commerces qui pourraient l’intéresser sans avoir besoin de sortir de la gare et d’attirer vers la gare un public extérieur. 21 Filiale d’Hachette Service Distribution rachetée par Lagardère Services 22 Extrait de l’article « Gares de marchandises », Libération du 3 avril 2009 de Julia Tissier ; http://next.liberation.fr/next/2009/04/03/gares-de-marchandises_559181; consulté en juin 2014. 23 Filiale de la SNCF chargée de la valorisation commerciale des gares 24 Extrait de l’article « Gares de marchandises », Libération du 3 avril 2009 de Julia Tissier ; http://next.liberation.fr/next/2009/04/03/gares-de-marchandises_559181; consulté en juin 2014. 25 BUSALB Aubin, « En un an, la gare Saint-Lazare est devenue un temple de la consommation », pour Mobilicités, 2013 http://www.mobilicites.com/011-1970-En-un-an-la-gare-Saint-Lazare-est-devenue-un-temple-de-la-consommation.html; consulté en juin 2014. - 23 - Chapitre I Cela explique, l’implantation, de très nombreuses boutiques, identiques à toutes celles qu’on peut trouver ailleurs. Leur choix n’est plus guidé par le type d’usagers, voyageurs ferroviaires, mais bien par le flux traversé par l’espace et par l’aire de chalandise offerte. Pour la rénovation de la galerie commerciale de Saint Lazare, les 450 000 voyageurs/ jours ont évidemment compté mais également sa situation, proche du pôle Haussmann/ Opéra qui attire 37 millions de visiteurs par an et accueille 190 000 salariés. Selon Laurent Morel26, Saint Lazare est ainsi devenue le centre commercial « le plus rentable de France » avec un chiffre d’affaire de 120M€ entre mars 2012 et mars 2013 et une étude montre que 55% des voyageurs y réalisent au moins un achat par passage en gare27. L’implantation de commerces en gare est ainsi une véritable opportunité pour le gestionnaire de gare. Il s’agit en effet, pour le propriétaire du bâtiment, de valoriser, en les louant, des espaces immobiliers traversés par un nombre très important de voyageurs par jour, situé au cœur des grandes agglomérations et avec des coûts d’entretien très élevé. Pour la SNCF, il s’agit d’un véritable enjeu commercial auquel une filiale, A2C, est entièrement dédiée. Elle est en effet en charge de la gestion des espaces commerciaux en gares et met en œuvre une réelle stratégie de développement. « Les gares sont des pôles d'attraction exceptionnels : avec 2 milliards de voyageurs par an utilisant le réseau SNCF, elles sont autant, voire plus, fréquentées que certains grands centres commerciaux, et sont ainsi de véritables espaces d'achats. Et cette réalité ne va qu'en s'intensifiant, les gares accueillant de plus en plus de voyageurs d'une année sur l'autre (…) Chaque année c'est le même constat : les français ne veulent plus perdre de temps ni d'argent. Et cela s'en ressent dans leur mode de consommation: entre la hausse du prix de l'essence et le rejet des "samedi après-midi courses", ils préfèrent les commerces de proximité en centre-ville aux hypermarchés et autres centres commerciaux périphériques. La conséquence indirecte de ces changements structurels, c'est que les gares deviennent de vrais espaces stratégiques pour les commerces de demain. » Extraits du site internet d’A2C à destinations des commerçants voulant travailler en gares28 Espaces de vente ou lieux de vie ? Lorsqu’il s’agit d’importants pôles d’échanges, fortement fréquentés, les espaces de transit semblent alors particulièrement rentables pour les commerçants. Marion Tillous29 explique pourtant que les modes de consommation ne sont pas les mêmes dans les pôles d’échange que dans des 26 Président du directoire de Klépierre société ayant investi dans rénovation de la gare de Saint-Lazare à hauteur de 160 millions d'euros 27 BUSALB Aubin, 2013, op. cit 28 Site commercial d’A2C ; http://www.a2c-sncf.com/la-gare-territoire-de-commerces/pourquoi-simplanter-en-gare; consulté en juin 2014 29 TILLOUS Marion et al. « Consommer dans le métro, une question d'engagement dans le temps et l'espace », Espaces et sociétés n° 135, 2008. - 24 - Chapitre I espaces commerciaux habituels et qu’ils sont fortement influencés par l’environnement. En effet, si on retrouve des pratiques présentes dans les espaces commerciaux urbains classiques ceux-ci prennent une importance particulière dans les pôles d’échanges. Dans un pôle d’échanges, les comportements impulsifs (faim par exemple) et les commerces qui y répondent (snack, presse, etc.) sont plus nombreux. Marion Tillous explique néanmoins que la réponse à cette impulsion dépend de l’environnement et qu’« Au-delà de la présence des commerces, c’est l’aisance permise par les lieux qui fonde les comportements de consommation. La luminosité, la propreté perçue, le sentiment de sécurité, la générosité des espaces sont autant de facteurs décisifs dans la manière de s’engager dans un pôle d’échanges et d’y adopter un comportement de consommation. En conséquence, la rentabilité des commerces situés dans des pôles d’échanges ne peut être réduite à une fonction du volume des flux de personnes-passants, mais se compose à partir de l’interaction entre les attributs des lieux et ceux des personnes. » Le bon fonctionnement des commerces et l’attrait de la gare, ne peuvent donc pas se réduire à un nombre de voyageurs par jour, ni même à une situation commerciale intéressante. Le lieu, le bâtiment voyageur doit être aménagé pour être agréable, non perçu comme une contrainte et surtout permettre une facilité d’appréhension des déplacements. L’aspect « commercial » de la gare ne doit pas faire oublier qu’il s’agit avant tout d’un lieu de transport. Etienne Riot30 explique ainsi, que les gestionnaires de gares sont soumis à une double contrainte et qu’ils doivent à la fois « assurer la rentabilité de l’espace tout en maintenant un niveau de service nécessaire que peuvent attendre les usagers ». De la même façon, Fabienne Keller rappelle que cette fonction de production de l’espace ne doit pas devenir le cœur même de la gare. « Il n’y a rien de mieux qu’un commerce, parce que c’est propre, animé et il y a quelqu’un dedans. Donc, dans une gare, avoir des commerces, c’est de manière assez automatique, apporter de la sécurité, apporter de l’apaisement, parce que du coup, quand vous êtes dans une boutique à flâner, ça baisse la pression, ça apporte du service, […] ça change l’ambiance. […] Toute la question c’est l’équilibre […] Les commerces c’est très utile mais une gare n’est pas un grand centre commercial. Il faut trouver un équilibre avec des espaces où il n’y a rien, des espaces avec des services publics, et puis des espaces commerciaux. Les commerces sont aussi de la ville, je ne parle pas des centres commerciaux mais bien des commerces comme ceux qu’on trouve en pied d’immeuble, la baguette, le paquet de cigarette etc., le commerce c’est aussi la normalité, c’est aussi la ville.» 31 Rapport Keller 30 RIOT Etienne, « Vers des gares internationales standardisées ? » dans Journées d'études urbaines « DES MÉTROPOLES HORS-SOL ? La déterritorialisation de la production de l'urbain en question », Lyon, 2011. 31 Sénatrice du Bas-Rhin, auteur en 2009 d’un rapport ministériel sur les gares, dans un entretien à Etienne Riot (op. cit) - 25 - Chapitre I Il s’agit alors plus, de faire des gares, des lieux de vie à part entière dans lesquels les commerces auraient leur rôle à jouer, qu’un véritable centre commercial, de faire des grandes gares, des centralités de passage dans les agglomérations. Après les commerces, les services entrent en gare Pour SNCF-Gares & connexions, en charge de la gestion des gares, les services, sont un vecteur de cette nouvelle approche des gares en tant que lieux de vie. Dans un premier temps, ils permettent, comme compléments aux commerces, d’offrir aux usagers des facilités pour réaliser leurs activités quotidiennes. Selon Bruno Marzloff32 « On a distendu la ville, il faut maintenant aider les personnes qui sont loin et doivent se déplacer (…) l'enjeu du transport [étant aujourd’hui essentiel] c'est autour du déplacement que vont s'organiser les ressources». Les gares offrent alors un véritable potentiel aux services en tant que collecteur de personnes en transit à qui ils peuvent faciliter la vie. Elles sont des espaces permettant au voyageur de valoriser son temps d’attente, de faire des choses en temps masqué pendant ses déplacements. S’implantent ainsi des laboratoires d’analyses médicales33 ou même des antennes de pôle emploi34 dans les gares. Comme l’explique Sylvie Latour « Le modèle de la gare d’aujourd’hui, ce serait plutôt la place du village ou le coeur de la ville.» 35 Les services, et notamment les services innovants, sont également un vecteur de valorisation des gares, et donc du train, et d’augmentation de leur attractivité. Dans les grandes gares, SNCF - Gares & Connexions déploie ainsi d’importants moyens pour faire vivre ses espaces. On peut citer l’installation de pianos en libre-service, l’opération « Art en gare » en 201336 ou le partenariat avec l’office de tourisme de Nantes dans le cadre de la manifestation d’art contemporain « Le voyage à Nantes ». Ces opérations, fortement portées et souvent renouvelées par la SNCF, montrent la nécessité d’aller plus loin que simplement faciliter le déplacement des voyageurs, mais aussi de faire des bâtiments voyageurs, des espaces vivants, agréables, chaleureux et reliés à son environnement. De plus, comme l’évoque Mme Keller précédemment, la présence de commerces et services en gare participe également à l’amélioration de l’ambiance de ces espaces et à une sécurisation pour les usagers. 32 MARZLOFF Bruno, dans « Mobilités.net - Villes, Transports, Technologie face aux nouvelles mobilités », sous la direction de Daniel KAPLAN et Hubert LAFONT, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2004. 33 Paris Gare de Lyon 34 Gare de Dreux (28) 35 Directrice générale de SNCF-Gares & Connexions en 2011, Extrait de l’article « Les gares se muent en centres commerciaux», Le Figaro du 5 septembre 2011 de Valérie Collet, Annelot Huijgen ; http://www.lefigaro.fr/societes/2011/09/05/04015-20110905ARTFIG00639-les-gares-se-muent-en-centrescommerciaux.php; consulté en juin 2014. 36 Expositions d’œuvres contemporaines dans une quarantaine de gares à l’occasion des 30 ans de Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC) - 26 - Chapitre I En regardant de plus près les grands projets commerciaux présentés précédemment, tel que celui de la réhabilitation de Saint Lazare, on constate effectivement qu’ils ne se limitent pas à un objectif commercial. Il s’est agi de valoriser la gare dans son ensemble, par une amélioration du bâtiment, de son ambiance, de sa clarté, de sa propreté ou encore de son accessibilité. Ce développement des grandes gares, et l’implantation de services et commerces à l’intérieur, permet au voyageur d’investir positivement son temps d’attente, lui permettant de répondre en temps masqué à certains de ses besoins mais également en lui offrant un lieu agréable à vivre et sécurisé. C’est donc, en créant un lieu de vie, que la rénovation des grandes gares, leur permet de devenir réellement des centralités. La gare devient alors une centralité urbaine par les services et les commerces qu’elle offre, par le dynamisme qu’elle peut apporter à son quartier en plus d’être une centralité de transport. Si les implantations commerciales et de services ont été des vecteurs de développement des « grandes gares » et participent à leur transformation en lieux de vie au cœur des villes. Elles sont toutefois les seules à représenter une telle opportunité commerciale et leur modèle économique n’est pas reproductible pour des gares petites ou moyennes. - 27 - Chapitre I 3. Un déploiement des services envisagé sur des gares de plus petites taille Comme nous l’avons présenté, la transformation des gares principales du réseau français s’opèrent peu à peu. Portées par l’implantation de commerces et de services, elles deviennent des espaces vivants, animés et attractifs. A l’image de ce qui peut se faire dans les grandes gares, on voit aujourd’hui naître une volonté de décliner ce phénomène et d’utiliser ces leviers sur des gares moins importantes. SNCF, une volonté de valoriser ses gares Si pour les acteurs du ferroviaire, gestionnaires de gares, c’est-à-dire SNCF-Gares & Connexions et A2C, l’enjeu de valorisation de bâtiments voyageurs est important, il reste ciblé sur les gares les plus fréquentées. En effet, les contraintes de rentabilité font qu’aujourd’hui l’implantation d’un commerce ne peut être durable qu’à partir d’un certain nombre de montés/descentes par jour. Ce sont donc, les gares principales du réseau qui concentrent leur intérêt et leurs actions, qu’il s’agisse d’implantation de commerces, de services ou d’animation de l’espace. Toutefois, les gares majeures du réseau ne se limitent pas aux gares parisiennes ou à celles des plus grandes agglomérations. Elles sont 220 à être classées en catégorie A, c’est-à-dire reconnues d’intérêt national par le décret de 2012 dit décret « gares » sur les 36 000 gares françaises. « La catégorie A regroupe les gares de voyageurs d’intérêt national. Ces gares sont celles dont la fréquentation par des voyageurs des services nationaux et internationaux de voyageurs est au moins égale à 250 000 voyageurs par an ou dont ces mêmes voyageurs représentent 100% des voyageurs. » Extrait du décret « gares » 37 La volonté de déclinaison de ce levier « commerces /services » à une échelle plus locale se retrouve chez SNCF, et se traduit par la volonté d’étendre la gamme de services et commerces dans à gares de plus petites tailles mais toujours d’intérêt national. On peut, par exemple, citer l’appel à projet « La boutique du quotidien » dans certaines de ces gares de province comme celles d’Annecy (74), Vierzon (18) ou Douai (59). Ces boutiques ont pour but d’associer dans un même espace : restauration sur place ou à emporter, vente de produits de dépannage, presse, livres, tabac (en fonction de la réglementation en vigueur) et d’autres services facilitateurs.38 37 Décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de services du réseau ferroviaire 38 Appel à projet « La boutique du quotidien », A2C, 2012. - 28 - Chapitre I « Gares & Connexions a lancé une consultation pour sélectionner un ou plusieurs opérateurs afin de mettre en place une nouvelle offre conceptuelle, commerciale et de services dans plusieurs gares sur le plan national. Cette offre devra satisfaire les principaux besoins des voyageurs du quotidien, contribuer à l’animation de ces gares et permettre leur ouverture sur le quartier en y attirant la clientèle de proximité. » Appel à projet « La boutique du quotidien »39 Comme pour les gares principales présentées auparavant, le changement majeur se situe au niveau de la clientèle visée par le commerce. Comme pour les galeries commerçantes de Saint Lazare, il ne s’agit plus seulement de répondre aux attentes du voyageur, mais bien d’animer la gare et d’y attirer une clientèle extérieure au train. Le nouveau commerce s’inscrit alors dans une fonction de proximité. Il est en lien avec l’environnement immédiat de la gare et peut ainsi participer à la création d’une centralité à part entière. La SNCF cherche également à étendre au maximum l’offre de presse sur le réseau principal. Mais pour autant, toutes les gares ne sont pas forcément rentables pour un commerce de ce type. Afin de remédier à cette difficulté, l’appel d’offre pour la distribution de presse en gare, remporté à nouveau par « Relay » en 2013, incluait la liste complète des gares où le commerce doit être présent (307 points de vente). Cela permet de maintenir certains points presse peu rentables en lissant les difficultés financières possibles sur l’ensemble des points de vente. Du point de vue de l’animation, les politiques nationales de SNCF - Gares & Connexions sont également exclusivement tournées vers les gares d’intérêt national. Ils cherchent toutefois à étendre leurs partenariats artistiques à des gares de moins grande taille. C’est le cas pour les pianos en libre accès, qui se sont exportés de Montparnasse vers Rennes (35) Limoges (87) ou encore Epernay (51). Le festival « Art en gares » de 2013 a lui touché 40 des 220 gares majeures. Mais des partenariats avec les évènements locaux sont également mis en œuvre afin de faire pénétrer les évènements, et ainsi l’extérieur, dans des gares plus petites et de catégories B ou C. C’est par exemple le cas du festival de photographie « Alerte rouge » qui est venu s’installer dans le souterrain de la gare de Montbard (21), pourtant classée « d’intérêt régional »40, en mai 2014. Si l’intérêt de la SNCF, en tant que gestionnaire de gare, pour développer l’attractivité et la centralité de ses bâtiments voyageurs via les commerces et services est bien réelle, elles se limitent toutefois principalement aux gares majeures, dites de catégorie A. Et si elles sont 220, cela ne représente malgré tout que 6% environ des 3600 gares qui maillent le territoire national. Dans les gares de catégorie B ou C, la SNCF ne porte pas de projets mais elle peut les accompagner ou les soutenir. 39 Appel à projet « La boutique du quotidien », A2C, 2012 40 Catégorie B - 29 - Chapitre I Des acteurs locaux qui s’emparent de la question Face à cette focalisation de la SCNF sur les gares urbaines, on observe une prise en main du développement des plus petites gares, et notamment des gares périurbaines et TER par des acteurs locaux et notamment les régions, autorités organisatrices du transport express régional. Cette volonté d’agir sur le développement du rail et notamment du TER, afin de répondre aux enjeux du développement durable s’est d’abord traduite par une volonté de renforcer l’urbanisation aux abords des gares. On a ainsi vu apparaître de nombreuses études sur les possibilités de développement de la ville autour des gares, d’un point de vue foncier, portées par les communes ou les services de l’Etat41. En parallèle de ces expérimentations se sont développés des projets de recherche et des réflexions sur les « quartiers de gare » dans leur ensemble tels que « POPSU 2 »42 ou « Bahn-ville »43. Ces réflexions plus globales ont permis de replacer le train dans son environnement. L’implantation des services et commerces, dans ces espaces stratégiques, vient pleinement s’inscrire dans cette perspective d’urbanisme tourné vers le rail et on peut envisager que l’implantation d’une offre peut contribuer à faire des gares, même petites, des lieux de centralité. Au vu des projets observés dans les grandes gares internationales, et des compétences que la régionalisation leur a offert, les régions commencent à s’emparer de la question du développement des commerces et services dans les gares périurbaines où elles exploitent le TER. En effet, depuis le 1er janvier 2002 et la loi SRU44, les régions sont Autorités Organisatrices des Transports (AOT) régionaux, et donc en charge du service TER (Transports Express Régionaux). On a pu observer un très important travail d’appropriation de leur part depuis cette délégation de service de la part de l’Etat. Cela se traduit notamment par l’achat du matériel roulant, et l’investissement pour l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, normalement dévolue à RFF, afin de permettre une amélioration de la qualité du service (diminution des temps de trajet, augmentation des fréquences, diminution des retards, etc.) La volonté de travailler sur les gares vient aujourd’hui poursuivre le travail de valorisation et d’amélioration du service TER et du confort des voyageurs. Il s’agit, pour elle, de chercher à valoriser ce mode de transport mais également de répondre aux attentes de leur clientèle et de lui offrir plus 41 Etude de la DDT 38 sur les possibilités foncières de développement urbain autour du Sillon Alpin Sud 42 Plate-forme d'observation des projets et stratégies urbaines ; Programme de recherche-action mettant en partenariat des villes et des chercheurs dont « Gares et pôles d'échanges » est l’un des 5 thèmes de la seconde phase du projet, lancée en 2010 43 Projet franco-allemand de recherche-action qui vise à promouvoir « un urbanisme orienté vers le rail » 44 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains - 30 - Chapitre I de confort. Cela répondrait à une demande des voyageurs puisqu’un sondage45, réalisé auprès des voyageurs franciliens, estime ainsi que 89% des usagers des transports en commun déclarent que plus de commerces et services en gare « changerait leur façon de vivre au quotidien ». Une expérimentation a été lancée sur ce sujet en 2010 par la 27ème région46 afin de réfléchir à l’avenir des gares rurales et aux rôles que les services peuvent y jouer. Il s’agissait d’une résidence dans la gare de Corbigny ponctuée d’expérimentations par des designers de services47. Plusieurs régions48 ont également développé, en parallèle de ce projet, des études et des réflexions prospectives sur le sujet. On peut notamment citer la région Alsace qui a effectué un important travail de recensement de l’offre disponible et des attentes des usagers afin de pouvoir y adapter au mieux sa politique future.49 Le développement des services et commerces dans les gares TER est donc un sujet de questionnements et de réflexions, actuel, pour les acteurs du ferroviaires, qu’ils soient institutionnels ou locaux et apparait comme un vecteur de développement du TER et des quartiers de gares. Se pose alors la question de savoir comment ce développement des gares périurbaines et TER, à l’image de ce qui se fait dans les gares centrales, peut être mis en œuvre dans des contextes, notamment économique, très différents. 45 Sondage CSA effectué pour SNCF-Gares & Connexions sur un panel de voyageurs franciliens, mai 2014 ; http://www.sncf.com/fr/presse/article/158412-gares-quotidien-enquete-csa; consulté en juin 2014.) 46 La 27ème région est une association, liée à l’Association des Régions de France. Elle en est le laboratoire de transformations publiques 47 La 27ème Région, « Corbigny, la gare rurale de demain - résidence n°11 - immersion créative en pays corbigeois », janvier 201. 48 Notamment les régions Rhône-Alpes, Picardie, Bretagne et Alsace 49 Etude en cours menée par le conseil Régional d’Alsace - 31 - Chapitre II Le déploiement des services dans les gares rhônalpines : politique régionale et réalité de terrain - 32 - Chapitre II On commence à observer une volonté des acteurs du ferroviaire d'utiliser le levier des commerces et services pour développer et valoriser leurs gares TER. Afin de mieux comprendre comment peut se décliner cette utilisation des commerces et services pour valoriser les gares périurbaines et développer l'utilisation du train, nous avons choisi de mener une enquête plus approfondie sur certaines de ces gares périurbaines. Les conseils régionaux étant les autorités organisatrices du TER, les régions sont aujourd'hui, les fers de lance de cette politique dans les gares TER, rôle qu’a conforté la loi MAPAM50 les désignant comme chef de file des collectivités sur l’intermodalité. Le périmètre régional nous est donc apparu comme particulièrement pertinent comme échelle d’analyse des stratégies et des discours. Le choix d’une échelle régionale nous permet ainsi un contact avec les institutionnels en charge des services et commerces en gares, à cette échelle: SNCF-Proximités, SNCF - Gares et Connexions, direction des transports du conseil régional. Nous avons retenu la région Rhône-Alpes car elle est la première région ferroviaire française (hors Ile de France) et qu’elle porte une politique de développement du TER et des services à la mobilité associés depuis plusieurs mandats. 50 LOI n°2014-58 du 27 janvier 2014 sur la modernisation de l'action publique territoriale et l'affirmation des métropoles - 33 - Chapitre II 1. Une volonté régionale de développer les services pour valoriser le TER Pour les régions, le développement du TER, au vu de leurs titre d’AOT du TER, est leur entrée première pour répondre aux objectifs nationaux présentés dans le chapitre I. Mais il répond aussi à une volonté des régions d’aller plus loin dans l’offre de services et de commerces en gare pour améliorer le confort de ses usagers du train, en attirer de nouveaux et valoriser l’image des gares. Deux chantiers avancés : les services à la mobilité et la rénovation des gares Le conseil régional de Rhône- Alpes explique clairement que les services à destination des usagers du train sont une de leurs priorités. « On réfléchit aujourd’hui aux services qu’on peut offrir à nos voyageurs, dans les petites gares on regarde quels services on peut proposer et quel va être le devenir du patrimoine aussi » Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes En effet, cela fait maintenant plus de 10 ans que les régions sont autorités organisatrices du transport ferroviaire régional de proximité. Dans un premier temps, elles se sont concentrées sur le transport ferroviaire en lui-même et ont travaillé à une amélioration de la desserte et des services à la mobilité associés. Elles ont retravaillé les dessertes et participé parfois aux investissements de rénovation du réseau, normalement dévolu à RFF via la mise en place des contrats de projet EtatRégion. Elles ont également cherché à favoriser le report modal vers le train pour augmenter l’utilisation du TER. Cela s’est traduit par la mise en place d’une offre complémentaire de services à la mobilité qui permet de faciliter le rabattement des habitants de l’aire de chalandise de la gare vers celle-ci, en mettant notamment en place des itinéraires vélos en partenariat avec les communes, en participant à la création de parking relais, mais aussi en équipant tous les points d’arrêts de stationnement vélos sécurisés. Les gares étant les points d’entrée sur le réseau, elles ont également fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du conseil régional. Après avoir renforcé le service à la mobilité via l’amélioration de l’offre TER, le conseil régional s’est donc attaqué aux « services de bases » offert aux usagers en gares. En effet, si c’est bien SNCF-Gares & Connexions qui est en charge de la gestion des bâtiments voyageurs, le décret « gares »51 ne le contraint qu’à assurer une prestation de base composée notamment d’une information voyageur « papier » et d’un espace d’attente (par forcément abrité ni même couvert). La Région Rhône-Alpes a ainsi développé un service de base 51 Décret n°2012-70 du 20 janvier 2012, relatif aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de services du réseau ferroviaire - 34 - Chapitre II bien supérieur à celui de SNCF - Gares & Connexions dans ses gares. Elle a été pionnière dans le domaine, en finançant, pour le TER, l’implantation de l’affichage dynamique au sein de toutes les points d’arrêt (gares et points d’arrêts non gérés52) et l’installation de nombreux abris afin d’améliorer l’information et le confort des voyageurs dans les gares53. Durant les années 2000, le conseil régional Rhône-Alpes a également mis en place une forte politique d’incitation à la remise en état des gares tombant à l’abandon. On peut même aller jusqu’à parler de véritable plan de rénovation des petites gares TER. «Avant la réduction des budgets, on n’hésitait pas à aller taper à la porte des communes quand on voyait qu’il y avait une gare à l’abandon» Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes Celle-ci s’est traduite par la mise en place de financements spécifiques afin d’aider les communes ou les intercommunalités à acquérir et/ou rénover les bâtiments voyageurs, notamment dans le cadre des Contrats de Plan Etat-Région. Ces gares étant principalement situées dans des petites communes, la région leur offrait également un appui technique, via sa direction des transports, pour la mise en place du projet. Enfin, afin que celui-ci ne se limite pas à l’enceinte de la gare mais puisse réellement s’intégrer dans une rénovation de quartier, les subventions de la direction des transports étaient couplées à d’autres types d’aides (pour la réalisation d’espaces publics par exemple). La restriction des budgets des collectivités territoriales fait que le conseil régional dispose aujourd’hui de moins d’argent à investir dans ce domaine mais continue à apporter son soutien technique en cas de besoin. Aller plus loin avec les services aux usagers Après une très forte appropriation de la régionalisation, maintenant que la prestation minimale (services à la mobilité et services de bases) est assurée, on constate une volonté du conseil régional d’aller encore plus loin dans la valorisation du TER, et par là même, des gares. La région Rhône-Alpes a donc commencé à se pencher sur la question de l’implantation des services « autres » et des commerces dans les gares TER, sur l’exemple des grandes gares déjà évoquées. Dès 2006, le conseil régional a en effet fait apparaître une volonté de développer des services en gare dans son Schéma Régional des Services de Transports sous la forme d’une action à mener dans les gares TER. 52 Point d’arrêt du train, sans présence humaine de la SNCF 53 Entretien avec le directeur de l’exploitation chez SNCF-Gares et Connexions, Agence Centre-Est et un membre de l’unité « Gares » de la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes - 35 - Chapitre II DEVELOPPER LES SERVICES EN GARE S’inscrit dans l’orientation: « II. Faire fonctionner pleinement l’intermodalité et la complémentarité des services » Participe à la finalité: « 5. Un meilleur service grâce à un réseau fonctionnel de gares et de pôles d’échanges » Contribue à l’objectif: « 16. Adapter et hiérarchiser les services en gare » La Région et la SNCF ont défini 10 composantes principales des services en gare intégrant des notions de fonctionnement et d’équipement. Ces composantes font l’objet d’un suivi dans la convention d’exploitation (animation et lieu de vie, image et inscription dans le territoire, prévention et sûreté, accessibilité, intermodalité, confort, accueil, information, propreté, distribution-validation). La Région décide du niveau des services en gare affectés au TER, sur la base d’un inventaire des services en gare. Elle définit les objectifs de développement et les modalités d’évolution des services en gare. SRST Région Rhône-Alpes54 La mise en place de commerces et services « innovants » dans les gares TER permet de répondre à deux enjeux principaux dans le développement de la politique TER de la région. Le premier est de faire des gares périurbaines, qui ne sont desservies que par le TER, de véritables portes d’entrée sur le réseau ferré régional. Il s’agit donc de valoriser le TER en améliorant son image, de rendre le train visible sur le territoire. Pour cela, les gares doivent devenir plus attractives mais aussi pratiques et dynamiques, et ne plus être entaché de l’image de bâtiments fermés et « glauques » à côté desquels on attend debout sous la pluie pour prendre le train. Le second est de réussir à rendre les trajets confortables pour les usagers. En effet, une fois qu’on a réussi à faire venir les usagers potentiels jusqu’à la gare et à les inciter à prendre le train, il faut leur offrir de bonnes conditions de voyage afin que le trajet ne soit pas perçu comme une trop forte contrainte, et compenser ainsi le peu de souplesse que peut offrir le train face à la voiture individuelle par exemple. La région cherche donc à offrir de bonnes conditions de voyage aux usagers et à faciliter leurs trajets en améliorant l’information « voyageurs » et en leur permettant d’optimiser et d’utiliser leurs temps d’attente. La mise en place de services et commerces vient donc pleinement répondre à cette demande en offrant aux usagers la possibilité de réaliser, dans la gare, des actions qu’ils étaient jusque-là obligés de réaliser à un autre moment et en un autre lieu, en s’arrêtant sur leur trajet entre leur domicile et la gare par exemple pour leurs enfants, acheter du pain ou un journal, ou encore faire une analyse médicale. 54 Extrait de la fiche action n°7 - Bilan du Suivi 2009 du SRTS de la région http://www.srt.rhonealpes.fr/documents/Fiche%20action%20BILAN09_7.pdf; consulté en juin 2014. - 36 - Rhône-Alpes ; Chapitre II Quels services ? Afin de s’emparer de ce nouveau champ qui s’ouvre à lui sur les commerces et services en gares, le conseil régional construit aujourd’hui sa politique et accompagne au fur et à mesure les projets qui peuvent s’adresser à lui. Le développement de sa politique passe par la mise en place d’une réflexion partenariale avec SNCF-Gares & Connexions, à deux niveaux. Le premier est une réflexion sur le service minimal demandé à SNCF - Gares & Connexions par la région. En effet, si la réglementation, via le décret « gares », impose un minimum à SNCF-Gares & Connexions, tout transporteur ferroviaire utilisant une gare peut demander à ce que le service offert dans celle-ci soit plus important, moyennant une participation financière. Afin d’améliorer le confort des usagers en gares, une réflexion commune est donc en cours pour définir un niveau d’exigence à atteindre en Rhône-Alpes dans le cadre de la nouvelle convention de gestion des gares avec SNCFGares & Connexions. Après une première étape de réflexions et d’échanges, une rénovation des gares de Charbonnières-les-bains et de la Verpillère a été réalisée. Elle a pour but de servir d’expérimentation et de base de réflexion aux autres projets de rénovation de gares TER par SNCF - Gares & Connexions. Fort de ces premières réalisations, le conseil régional travaille aujourd’hui à la création d’un guide d’aménagement des gares qui prendrait en compte le service de base à assurer et le confort des usagers. 4 - Aménagement de la gare de la Verpillère (69) - 37 - Chapitre II Dans le cadre de la mise à jour de son Schéma Régional des Services de Transport (SRST), le conseil régional travaille également à la création d’une typologie de gares intégrant le niveau de services proposé, en fonction de son positionnement sur le territoire. En effet, aujourd’hui la seule typologie qui existe est celle de la SNCF qui classe les gares en 3 niveaux (d’intérêt national, régional ou local) en fonction du type de trains qui s’y arrêtent et en fonction du nombre de voyageurs qu’elle accueille. Cette typologie, par niveau de voyageur, définie les devoirs de SNCF-Gares & Connexions vis-à-vis des transporteurs ferroviaires le niveau de confort et de services (à la mobilité et autres) elle doit offrir en gare mais ne prend absolument pas en compte le contexte local et l’environnement de celle-ci. La fréquentation de la gare lui permet de décider si un guichet avec un agent d’information doit être installé, quels seront ses horaires et même tout simplement s’il est intéressant et rentable de maintenir un bâtiment voyageur ouvert. Pour la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes, la réflexion ne peut pas se limiter à un nombre de voyageurs en gare et cette typologie n’est pas pertinente dans le cadre de leur politique. Il leur est nécessaire de penser les gares d’une façon plus globale, intégrées dans un réseau et dans un territoire. En effet, si la gare reçoit peu de voyageurs, mais qu’elle est l’une des plus importantes de la ligne , qu’elle se situe dans une petite commune, et que celle-ci est un « pôle rural », une centralité pour le territoire, elle peut proposer des services supérieurs à une autre gare avec la même fréquentation mais n’ayant pas cette position de centralité. Pour le conseil régional, il est nécessaire qu’elle propose alors un guichet et un espace d’attente abrité. Le conseil régional est donc en cours de création d’une autre typologie est destinée à être intégrée au futur SRST et qui prendrait en compte l’environnement des gares dans la politique de transport à venir. Le deuxième niveau de ce travail sur les services en gare, consiste en la participation au développement de services innovants en gare, destinés à faciliter la vie des usagers du train et à dynamiser les gares en en faisant des lieux vivants, multifonctionnels dans les villes. Cette mise en place de services aux usagers du train est clairement affichée dans la politique commerciale du TER Rhône-Alpes. « Des gares et des trains innovants pour faciliter votre mobilité : TER fait tout pour améliorer les services dont vous avez besoin… et invente ceux de demain. Découvrez les dernières innovations mises en place dans votre région » Extrait du site internet TER Rhône-Alpes55 Pourtant cette politique reste relativement restreinte. Seules 4 politiques, d’un niveau national sont, en effet portée et relayée en Rhône-Alpes, par le conseil régional et son délégataire SNCF- 55 Site internet TER Rhône-Alpes, rubrique « Pendant mon déplacement : Services à bord ou en gare » ; http://www.tersncf.com/Regions/rhone_alpes/Fr/Se_deplacer_en_TER/Pendant_mon_voyage/Services_physiques_a_bord_ou_en_gare/De fault.aspx ; consulté en juin 2014 - 38 - Chapitre II Proximités56 : Le service « TER + vélo » qui consiste principalement en l’installation de consignes à vélo en gares, le « panier fraîcheur » qui permet le retrait de panier de légumes frais, l’information voyageur sur le trafic ferroviaire et les points TER. Parmi ces 4 politiques, deux sont toutefois ciblées sur le cœur de métier d’SNCF-Proximités et du TER, c’est-à-dire qu’il s’agit de services à la mobilité. S’il est vrai qu’il s’agit effectivement du développement d’une politique de services supérieure à celle fournie par SNCF-Gares & Connexions, il ne s’agit néanmoins pas d’une politique de développement commerciale et de services en tant que telle. Les deux autres politiques sont, quant à elles, effectivement orientées vers la mise en place de 57 services innovants. L’appel à projet « points TER » a été lancé conjointement en 2009 pour proposer des initiatives commerciales ou associatives destinées à dynamiser 14 gares de la région. Les « points TER » sont des commerces de petite restauration labellisés par la SNCF, qui offrent en plus des petits services, tels que le prêt de parapluies, le Wi-Fi, les appels d’urgence et l’affichage des informations TER et des petites annonces locales, en échange d’un petit soutien financier de la SNCF. Le système de paniers fraicheur a également été soutenu et installé dans certaines gares de la région (Lozanne, Lyon Jean Macé, Annemasse, Grenoble ou encore Chambéry). Il s’agit de paniers de légumes distribués par des producteurs locaux en gare via des accords avec les chambres d’agriculture. L’usager commande son panier sur internet ou s’abonne directement auprès producteur. Un jour par semaine, ce dernier vient livrer les paniers en gare et l’usager n’a plus qu’à récupérer le sien à sa descente du train. Si, pour l’instant, ces politiques de développement des services et des commerces sont récentes et encore en cours, on constate une volonté forte de la région Rhône-Alpes de s’engager sur cette voie. 56 Pour la répartition des compétences voir la partie 3 de ce chapitre II 57 Appel à projet de 2009, porté par SNCF-Proximités et la région Rhône-Alpes sur 14 gares du territoire : Die, Luc-en-Diois, Saint-Chamond, Villefranche-sur-Saône, Saint-Etienne-Carnot, Belleville-sur-Saône, la Tour du Pin, Chassesur-Rhône, Estressin, Thonon-les-Bains, Saint-Gervais-les-Bains-le-Fayet, Voiron, Roanne et Lyon Saint-Paul. - 39 - Chapitre II 2. Une réalité du terrain éloignée des discours Cette volonté affichée de la région de développer les services et commerces dans les gares TER, est une ambition très récente et aujourd’hui éloignée de la réalité observée sur le terrain. Des services et commerces très peu implantés Dans un premier temps on constate que de nombreux bâtiments voyageurs sont aujourd’hui fermés et que le conseil régional cherche à offrir un service de base amélioré aux usagers du TER en s’intéressant notamment à ces bâtiments mis de côté. Plus encore, lorsqu’on fait le panorama des services et commerces qui existent dans les gares de Rhône-Alpes58 , on remarque tout d’abord que ceux-ci sont peu nombreux. En effet, si on laisse de côté les points presse « Relay » qui font partie d’un appel d’offre national, on arrive à une trentaine de gares qui offrent un service marchand spécifique complémentaire aux usagers sur environ 260 gares dans la région. Le deuxième constat est que la plupart des autres services proposés sont des services communs, des services à la mobilité par exemple (espaces dédiés au covoiturage, pôles d’échanges multimodaux par exemple) qui sont, bien évidemment, également en développement mais que nous laisserons de côté pour cette étude. Les autres services ou commerces, plus innovants comme les paniers fraicheurs, les points TER, les PIMMS, ou les crèches, sont quant à eux très peu nombreux. On peut citer, par exemple, la crèche implantée dans le bâtiment voyageur de la gare de Roanne (42) dans le cadre de l’appel à projet de revitalisation de gares en 2009. Cette crèche ouverte en 2011 est composée de 9 berceaux et a été financée par les collectivités locales, la CAF mais aussi la SNCF. Elle a vocation à faciliter la garde de leurs enfants aux usagers pendulaires du TER et à limiter leurs déplacements en leur permettant de laisser et de récupérer leurs enfants à l’endroit même où ils prennent le train. Ce fut la première gare française équipée d’une crèche. D’autres projets de ce type faisait également partie des propositions de dynamisation faites en 2009 (gare de SaintChamond dans la Loire par exemple) Suite à la mise en service de cette première crèche en gare, une étude partenariale a été lancée par le Grand Lyon afin d’en implanter dans des gares de l’agglomération lyonnaise59 , seule la gare de Villefranche sur Saône devrait rapidement voir son projet aboutir. 58 Cf tableau en annexe n°2 59 Projet « Crèche en gares » porté par la mission temps et services innovant, Direction de la Prospective et du dialogue Public du Grand Lyon - POPOVA Svetlana, « L’aménagement serviciel des gares est-il un avancement vers la Gare du Futur? » Mémoire de Master 2, Université Pierre Mendès-France de Grenoble, Institut d’Urbanisme de Grenoble, 2009. - 40 - Chapitre II Les « points TER » sont également restent aujourd’hui très peu nombreux puisqu’ils ne sont aujourd’hui implantés que dans 6 gares sur les 260 que compte la région60. Ce qui peut sembler décevant puisque l’appel à projet portait sur 14 gares et ne devait être qu’une première étape du déploiement, mais qu’il a été mis en côté en 2011. Les paniers fraîcheurs, quant à eux, sont présents dans 14 gares61, même s’ils ne demandent aucun aménagement spécifique et qu’ils sont portés par la chambre d’agriculture de Lyon. D’autres initiatives basées sur le même principe, comme le partenariat TER/Toupargel, permettant de retirer ses courses de surgelés à la descente du train une fois par semaine dans 4 gares de la région, n’ont, quant à elles, pas rencontré les attentes des usagers. Lancé en 2009, ce partenariat semble continuer à exister puisqu’on trouve des flyers présentant l’opération dans certaines gares concernées et que la livraison en gare est proposée à la commande sur le site de Toupargel. Pour autant, les informations ne concordent pas toujours et l’opération n’est pas relayée sur le site du TER Rhône-Alpes Les PIMMS, Points Information Médiation Multi Services, sont eux des espaces de relais de l’information et de médiation des services publics. Leurs équipes de médiateurs accompagnent les personnes qui le désirent dans les démarches de la vie quotidienne (rédaction de lettres officielles, informations sur l’ouverture d’un équipement public ou les modalités de facturation, conseils sur la gestion du budget, etc.) et effectuent un service d’aide à la médiation entre usagers et services publics ou grandes entreprises (impôts, EDF, la poste, etc.). Malgré une présence importante des PIMMS dans la région Rhône-Alpes, par rapport au niveau national, et le fait que la SNCF soit une entreprise partenaire, ils ne sont que deux à avoir été implantés dans des gares, à Donzère dans la Drôme, Saint-Chamond dans la Loire et un troisième est en projet à Amplepuis dans le Rhône. Les politiques récentes portées par le conseil régional et SNCF-Proximités sont pour l’instant peu étendues sur le territoire et les projets restent aujourd’hui marginaux malgré une ambition politique forte de la région. On constate donc une importante différence entre le discours de promotion des commerces et services innovants dans les gares TER et la réalité du terrain. Dans un premier temps, on peut penser que si ces initiatives sont au cœur d’un fort discours marketing de la part de la région et sont même parfois fortement médiatisées, comme la crèche de Roanne, leur implantation n’est tout de même pas le cœur de métier de la direction régionale des transports. En effet, sa préoccupation principale 60 Tableau de recensement des points TER - disponible sur le site TER Rhône-Alpes ; http://telechargement.tersncf.com/Images/Rhone_Alpes/Tridion/nouveau_tableau_liste_gare_+_services_tcm-31-55439.pdf; consulté en juin 2014 61 Liste fournie sur le site de TER-Rhône Alpes ; http://www.ter-sncf.com/Regions/rhone_alpes/Fr/Se_deplacer_en_TER/ Avant_mon_voyage/Flash_actus/DetailsFlash_actus.aspx?URI=tcm%3a31-45836; consulté en juin 2014 - 41 - Chapitre II reste le service de mobilité offert par le train et ceux qui lui sont associés.62 Il ne leur consacre donc qu’un investissement limité et ce sont souvent des offres qui concernent les services dits « de base » et les services à la mobilité qui sont mises en place. Enfin, cette politique du conseil régional RhôneAlpes recette très récente63 et vient également expliquer le petit nombre de projets réalisés. Sur le terrain, la politique du conseil régional pour les commerces et services innovants se traduit donc pour le moment, plus par des expérimentations que par un véritable déploiement de commerces et de services. Une difficile adéquation avec les demandes des usagers du TER On peut également se demander dans quelles mesures ces propositions viennent répondre aux besoins de l’usager. En effet, la difficulté d’implantation pérenne de commerces et services s’explique parfois par la difficulté à faire fonctionner un commerce tout simplement. Que ce soit la direction régionale de SNCF-Gares & Connexions ou la direction de transports de la région Rhône-Alpes, elles évoquent les difficultés à assurer la viabilité économique d’un commerce en gare. Après deux ans de fonctionnement, on constate par exemple que la crèche implantée dans la gare TER de Roanne n’est pas un service utilisé par les usagers du TER. En effet, si elle leur était d’abord destinée, et si, à dossier équivalent la commission d’attribution était chargée de privilégier les parents abonnés du TER, elle est aujourd’hui principalement utilisée par des familles qui n’utilisent pas le train64. Les places en crèches étant très peu nombreuses sur le territoire, elle a ainsi le même fonctionnement que n’importe quel espace de garde d’enfant et sa localisation dans la gare n’influence en rien sa clientèle. La réalité d’un besoin auquel viendraient répondre ces commerces et services doit alors être interrogée. Parmi les enquêtes de satisfaction auprès des usagers incluant la question des commerces et services aux usagers en gare, il n’en existe pas sur le périmètre de Rhône-Alpes mais nous avons pu avoir accès à celle de la région Alsace65 qui a interrogée plus de 3000 personnes en 2013. Il est intéressant de remarquer que, lors de cette enquête traitant des types de commerces et services qui pourraient faciliter le quotidien des usagers et qu’il serait intéressant d’implanter dans les gares TER de la région Alsace, si les usagers se positionnent massivement sur les services à implantés dans les gares certains ont profité de la rubrique « commentaires libres » pour exprimer 62 Orientations général du Schéma Régional de Services de Transport, approuvé par le conseil régional Rhône-Alpes en 2006 ; http://www.srt.rhonealpes.fr/-Les-orientations-du-SRT-.html; consulté en juin 2014. 63 L’appel à projets points TER date de 2009, est n’est donc en place que depuis 5 ans 64 Information de la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes 65 Région Alsace, « La politique d’aménagement des gares de la région Alsace Mode d’emploi », 2014 (en cours) - 42 - Chapitre II leur mécontentement de voir la SCNF se saisir de cette question. Ils ont exprimé que le service ferroviaire est leur priorité et qu’il n’est pas, à ce jour, assez satisfaisant pour permettre de s’intéresser au développement des commerces et services dans les gares. « Je n’ai pas besoin de services complémentaires, le seul service que la SNCF doit nous rendre c’est d’être à l’heure » Extrait de l’enquête de la région Alsace – retour d’usager Ces initiatives, si elles sont innovantes si les usagers y sont majoritairement favorables, elles ne sont toutefois pas leur priorité. Le représentant régional de la fédération nationale des usagers des transports (FNAUT) partage cette position. « Je comprends bien que la SNCF veuille valoriser ses gares, y’a pas de souci là-dessus, mais l’essentiel c’est que le service de gare soit assuré, si on peut faire plus tant mieux, mais une gare doit d’abord rester une gare ! » Représentant régional de la FNAUT Enfin, l’usager du TER ne se comporte pas de la même façon qu’un usager de grandes lignes. Dans le cas d’un long voyage, exceptionnel, en TGV, le voyageur arrive en avance à la gare pour ne pas rater son train. Il attend et, est plus disposé à prendre un café, acheter de quoi agrémenter son voyage ou même faire du shopping en attendant sa correspondance. Dans les gares TER périurbaines, les comportements sont différents. Les usages sont des voyageurs pendulaires, ils prennent chaque jour le même train sur le même quai. Ils arrivent donc quelques minutes66 avant le départ de celui-ci et se contentent de traverser la gare sans s’y arrêter. « On considère que le TGV, ce sont des clients grandes distances et que quand ils viennent en gare ils viennent pas au dernier moment, parce qu’ils ont peur de rater un train longue distance, ou parce qu’ils arrivent, ils vont y rester peut être un peu plus longtemps pour y attendre une correspondance, ou… comparativement au périurbain, où lui c’est un habitué, il arrive 2 minutes avant son train, le train part, et quand il arrive en gare il part tout de suite, il rentre chez lui. C’est pour ça qu’on a peut-être des approches différentes. » Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est SNCF Gares & Connexions Si les services et commerces semblent un vecteur de développement pertinent et fortement mis en avant par le conseil régional de Rhône-Alpes, on constate que sur le terrain la réalité est bien différente. Les projets réalisés sont très peu nombreux et menés à titre expérimental. Plus encore, ils peinent parfois à trouver leur clientèle ou se développent sans lien avec la gare. Cela s’explique notamment par une priorité des usagers du TER pour le service à la mobilité leur permettant de se déplacer en un temps le plus restreint possible. 66 75% des usagers arrivent à la gare moins de 10 minutes avant le départ du train. Enquête du conseil régional d’Alsace « Revitaliser les gares et favoriser leur accessibilité en mobilité alternative », 2014 (en cours) - 43 - Chapitre II 3. Une gestion des gares et de leur foncier très complexe Plus que la difficulté à répondre aux attentes des usagers, la complexité de mise en œuvre des projets est aujourd’hui un frein très fort à l’implantation de nouveaux projets de commerces et services dans les gares et plus encore dans les gares TER. Une répartition des compétences complexe Dans un premier temps, la gestion du transport ferroviaire régional et la répartition de ses compétences associées est elle-même très complexe. Nous l’avons déjà évoqué, les régions sont les autorités organisatrices du transport ferroviaire régional. Depuis la fin du processus de régionalisation en 2002, elles ont pris la suite de l’Etat. A ce titre, ce sont elles qui gèrent le TER et qui définissent les politiques de desserte et les politiques tarifaires du transport régional. Ce sont également elles qui achètent le matériel roulant (i.e. les rames de train). Toutefois, ne disposant pas des moyens techniques, notamment en termes de personnels pour faire circuler ce matériel roulant, elles en délèguent l’exploitation à la SNCF, via sa branche « SNCF-Proximités » sous la marque TER. SNCF-Proximité devient alors délégataire de service public pour la région qui le mandate et qui le finance. C’est donc la direction territoriale correspondante de SNCF-Proximités qui est directement en charge de l’exploitation du TER. Ce modèle est exactement le même pour les AOT urbaines. A Lyon, par exemple, c’est le Sytral qui est AOT et qui définit la politique de transports en commun de l’agglomération. Toutefois, l’exploitation du réseau est confiée à Keolis, délégataire de service public sous la marque TCL. Pour ce qui est des gares, elles sont la propriété67 de la branche SNCF-Gares & Connexions du groupe. Créée en 2009 pour gérer et développer les gares de voyageurs, elle en assure l’entretien, le développement et offre un service minimal aux usagers. Elle a été pensée dans l’optique de l’ouverture future à la concurrence du transport de passagers. Elle est, en partie, financée par une redevance que verse chaque opérateur exploitant de transport qui souhaite s’arrêter dans une gare. Elle est ainsi indirectement financée par la région : la région rémunère la branche régionale de SNCF-Proximités pour qu’elle assure l’exploitation du réseau, et la branche régionale de SNCF-Proximités rémunère SNCF-Gares & Connexions par une redevance pour pouvoir utiliser ses gares. Et si, c’est bien SNCF qui détient la grande majorité de l’exploitation ferroviaire française, on ne peut pas pour autant, considérer que ce n’est qu’un seul et même transporteur : les lignes internationales (Eurostar, Lyria, Thello) sont ainsi des transporteurs à 67 D’un point de vue strictement juridique, c’est bien l’Etat français qui reste le propriétaire de gares mais, par un transfert étendu de prérogatives, c’est SNCF-Gares & Connexions qui en assure la gestion et qui est en charge de toutes les obligations du propriétaire (entretien du patrimoine, encaissement de loyers, mais également possibilité de vendre les bâtiments voyageurs ou de les louer) - 44 - Chapitre II part entière tout comme les différentes délégations régionales de SNCF-Proximités, via les TER des différentes régions. Sur le Périmètre Rhône-Alpes Auvergne, on compte ainsi 18 transporteurs68. SNCF-Gares & Connexions doit offrir un service minimum, appelé « prestation de base » dans ses gares, identique pour chaque opérateur qui l’utilise. Toutefois, lorsqu’un transporteur est majoritaire dans l’utilisation d’une gare, il peut commander des services supplémentaires à SNCF-Gares & Connexions que cette dernière lui facture. Le modèle est ici proche de celui d’un aéroport comme Roissy-Charles de Gaulle. Détenu par une compagnie spécifique « Aéroports de Paris », il accueille toutes les compagnies aériennes moyennant une redevance. Pour compliquer encore les choses, certains bâtiments voyageurs ont parfois été vendus par la SNCF. Si le train continue de s’arrêter à cet endroit, le bâtiment voyageurs ne fait plus partie du dispositif ferroviaire et la « gare » correspond alors au point d’arrêt, appartenant à SNCF-Gares & Connexions, qui est souvent réaménagé à proximité du bâtiment vendu. Les compétences de gestions du TER et des gares sont donc très complexes et impliquent une multitude d’acteurs. Une multitude de propriétaires fonciers et immobiliers De plus, si SNCF-Gares & Connexions est bien le propriétaire des gares et, en charge de leur gestion sur tout le territoire national, la répartition du foncier autour de celles-ci n’est pas si évident. C’est Réseau Ferré de France (RFF) qui est propriétaires des voies de chemin de fer et du foncier associé depuis sa création par scission avec la SNCF en 1997. Il a, en effet, été désigné propriétaire des infrastructures et de tous biens non affectés à l’usage du service de transport au moment de sa création en 1997, SNCF restant propriétaire des biens affectés à l’usage du service de transport et donc des gares. Aux alentours des gares, la question de savoir qui est propriétaire devient alors majeure pour savoir à qui s’adresser dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet. Le CERTU, dans sa fiche sur le foncier ferroviaire69 à destination des collectivités explique qu’ « En première approximation, on peut considérer que: • RFF est propriétaire du « cœur de la gare » (par référence au sens premier de « gare » – permettre aux trains de se « garer » et donc de s’éviter pendant le débarquement et l’embarquement des passagers), c’est-à-dire des voies, des quais et des accès aux quais; 68 Entretien avec le directeur de l’exploitation - SNCF - Gares et Connexions, agence Centre -Est 69 CERTU « Le foncier ferroviaire», Stratégies foncières aux abords des gares TER- Fiche n°3, 2013. - 45 - Chapitre II • Gares & Connexions possède et gère ce que l’on entend par « gare » dans le langage courant, c’est-à-dire le bâtiment-voyageurs et les quais transversaux. Mais RFF est également propriétaire de toutes installations techniques permettant le bon fonctionnement des infrastructures (aiguillage, poste de contrôle, …) même si celles-ci se trouvent dans les bâtiments voyageurs, et des ouvrages de mise en sécurité des infrastructures de transport (souterrains, passerelles, etc.). Les biens non destinés à l’usage du service de transport comportent également les anciennes halles de marchandises, souvent proches des gares. On trouve également, à proximité immédiate des gares, des emprises foncières ou immobilières appartenant à d’autres branches du groupe SNCF (garages à rames, entrepôts de frets, etc.). On peut donc considérer les gares « comme de véritables ‘’copropriétés’’, avec un foncier morcelé entre RFF et les différentes entités du groupe SNCF »70 À cela vient s’ajouter du foncier qui n’appartenait pas à SNCF en 1997 et qui est aujourd’hui propriété des communes, intercommunalités (parvis de la gare, espaces de stationnement) ou qui appartient à des personnes privées. 5 - Partage du foncier sur un site ferroviaire (source - publication CERTU) 70 CERTU, 2013, op. cit. - 46 - Chapitre II Des acteurs toujours plus nombreux … Les acteurs du ferroviaires sont donc aujourd’hui très nombreux, même à l’échelle régionale ce qui rend la mise en œuvre des projets difficile. En effet, la gouvernance des projets d’aménagement et de valorisation des gares nécessite des accords entre acteurs institutionnels en charge, SNCF-Gares & Connexions, SCNF-Proximité et le conseil régional Rhône-Alpes, dans le cas qui nous intéresse. Et s’il semble, dans un premier temps, que les rôles sont ceux d’un commanditaire et d’un prestataire, les liens entre SNCF-Gares & Connexions et le conseil régional ne sont pas si évidents. La limite entre prestation intégrée et prestation supplémentaire, par exemple, n’est pas toujours très claire. Par exemple, si, dans certaines des gares suffisamment fréquentées, SNCF-Gares & Connexions maintient des toilettes publiques ouvertes, ce n’est pas le cas dans toutes. Mais viennent également s’ajouter à cette liste et à ce premier niveau de gouvernance institutionnelle, les communes en charge de l’aménagement des abords extérieurs, les intercommunalités qui assurent le transport urbain ou encore les conseils généraux qui gèrent l’offre de transport interurbain. Les communes, et parfois les intercommunalités sont, en effet, également intégrées au processus de décision, quand le projet d’aménagement est plus large que la seule enceinte de la gare. Et à cela viennent également s’ajouter les acteurs directement concernés par le projet par exemple : le commerçant qui va s’installer, ou la CAF dans le cas d’une crèche. La gouvernance est alors difficile à instaurer puisque que ces différents acteurs n’ont pas d’espace officiel et règlementé leur permettant de travailler ensemble. C’est parfois lors du lancement d’un projet de réhabilitation de gare, porté par SNCF - Gares & Connexions ou le conseil régional que les acteurs concernés sont invités à se rassembler pour discuter ensemble de l’aménagement du pôle d’échange. Ce sont également, à l’occasion, communes et intercommunalités, souhaitant revitaliser un quartier de gare en désuétude, qui lancent les échanges. Mais ces procédures ne sont absolument pas obligatoires ni même formalisées. Juliette Maulat et Arnaud Passalacqua71 illustrent cette difficulté de gouvernance et les tensions qui peuvent en découler : « Les régions critiquent ainsi la dégradation de la qualité du service, le manque de transparence de la SNCF sur les coûts réels d’exploitation ou encore l’état de l’infrastructure qui, en dépit des efforts réalisés, pénalise la bonne réalisation des services régionaux. Elles dénoncent aussi les tentatives récurrentes de l’État de faire payer aux régions le déficit du système (…). Face à ce désinvestissement de l’État, elles revendiquent 71 MAULAT Juliette et PASSALAQUA Arnaud « Les collectivités locales prises dans la nouvelle «bataille du rail», 2014 ; http://www.metropolitiques.eu; consulté en juin 2014. - 47 - Chapitre II des ressources financières propres, la propriété du matériel roulant, la maîtrise de leur politique tarifaire et l’ouverture à la concurrence (GART 2013). Les villes et intercommunalités critiquent de leur côté l’absence de clarté et de visibilité concernant la politique de RFF et de la SNCF, voire des Régions. (…). Elles critiquent l’absence d’interlocuteur ferroviaire unique, le prix de cession du foncier ou encore le financement insuffisant des gares. » Sur le plan des services à la mobilité, cette difficulté de gouvernance des gares et des pôles d’échanges qui lui sont associés est flagrante. Nombreux sont ainsi les pôles d’échanges autour des gares où la gestion des services à la mobilité n’est pas coordonnée, où chaque AOT a son arrêt de car (car TER, cars départementaux, bus urbains) et son affichage. Il en est de même pour les services commerciaux, notamment les paniers fraîcheurs. Il existe, en effet, une politique nationale partenariale entre les chambres d’agriculture et SNCF Proximités – TER pour mettre en place des points de retrait de paniers de légumes dans les gares. Ceux-ci sont alors implantés dans les halls de gare. Toutefois, dans certaines communes, comme à Ambérieu-en-Bugey, dans l’Ain, le point de retrait a été implanté, hors du partenariat avec la SNCF, et prend place dans la cour de la gare, propriété communale, via une autorisation d’occupation temporaire de l’espace public, et non dans le hall, propriété de SNCF – Gares & Connexions. Il n’apparaît donc pas dans les informations communiquées par TER – Rhône Alpes. La répartition du foncier et cet effet de « copropriété » dans et autour des gares créent également des grosses difficultés pour les porteur de projet. Qu’il s’agisse de la commune, de l’intercommunalité, d’un gestionnaire de service ou d’un commerçant, il doit traiter avec de nombreux propriétaires, ayant chacun des politiques immobilières ou foncières différentes, ce qui implique des contraintes juridiques, opérationnelles et temporelles importantes et vient compliquer le montage financier des projets. … aux objectifs parfois divergents Plus encore, les objectifs de ces différents acteurs pour le développement des services et commerces en gare ne sont pas toujours convergents. Pour le conseil régional et son délégataire de service, SNCF Proximité – TER, il s’agit tout d’abord d’offrir un service supplémentaire aux usagers du train : en accompagnant la rupture de charge et en valorisant le temps d’attente. Les services permettent de rendre ce mode de transport plus attractif et d’en fidéliser sa clientèle. Ils sont donc un élément à part entière de la politique du développement du TER mené par les régions. Pour SNCF-Gares & Connexions. Il s’agit d’abord, de pouvoir valoriser le patrimoine immobilier, souvent dégradé(en premier lieu les bâtiments voyageurs), dont il dispose afin de s’assurer des - 48 - Chapitre II recettes financières stables et de participer à sa remise en état. Ils permettent également d’apporter une présence dans les gares et ainsi de faire diminuer les coûts de personnel pour le gestionnaire. Pour les communes, l’enjeu est avant tout urbain : il s’agit de revitaliser les quartiers de gares souvent désertés ou déqualifiés, et de valoriser ces espaces, nœuds du report modal, en recréant une centralité de services complémentaires à ceux proposés ailleurs dans la ville. Ces communes cherchent ainsi, par l’implantation de services et de commerces, à utiliser cette centralité de passage pour créer une véritable centralité de ville en assurant la mixité des fonctions urbaines. Pour s’implanter en gare, les projets de commerces ou de services doivent donc répondre au plus grand nombre de ces enjeux pour obtenir le soutien des acteurs concernés. Mais ceux-ci sont divers et parfois contradictoires, les objectifs d’économie de SNCF-Gares & Connexions par la vente des bâtiments voyageurs allant parfois à l’encontre de la politique d’amélioration du service disponible dans tous les points d’arrêts du conseil régional. On observe ainsi des tensions naître entre les différentes collectivités par exemple et les institutions ferroviaires. Si des tentatives de discussion sont mises en place petit à petit (signature d’une charte entre l’association des maires de France, SNCF et RFF) afin d’essayer de clarifier la situation et la définition du rôle de chacun, la gouvernance reste aujourd’hui très complexe, avec de nombreux acteurs aux objectifs divergents. Ce qui crée des tensions venant freiner la réalisation des projets. Enfin, la création de la branche « Gares & Connexions » de la SNCF en 2011, si elle était destinée à clarifier les attributions de chacun (et à mettre la SNCF aux normes européennes), a également remis en cause certaines des politiques régionales, portées jusque-là par le conseil régional et SNCFProximités. C’est notamment sur le cas de la politique de services en gare, dont la compétence leur a été retirée pour être transférée au nouveau gestionnaire de gares. En Rhône-Alpes, on peut ainsi citer l’appel à projet « Point TER » lancé en 2009 et abandonné en 2011 suite à la création de SNCFGares& Connexions qui a repris en mains la gestion de toutes les gares du réseau. Nombreux sont donc les projets envisagés n’ayant pas abouti pour cause de désaccord sur les objectifs, mais également sur le montage (projet de crèche de Saint-Chamond ou de Givors par exemple). - 49 - Chapitre II 4. Un désengagement de la SNCF Comme nous l’avons montré dans la partie précédente, en plus d’être très nombreux, les différents acteurs en charge des projets d’aménagement des gares et du développement des services et commerces dans celles-ci n’ont pas forcément de vision commune à ce sujet. A cela vient s’ajouter la position spécifique de SNCF-Gares & Connexions sur la gestion des bâtiments voyageurs. SNCF-Gares & Connexions, « l’abandon » des bâtiments voyageurs Dans un premier temps, le propriétaire des gares, SNCF-Gares & Connexions, fait face à une difficulté de gestion et d’entretien de tous les bâtiments voyageurs de la région. Ceux-ci datant souvent du XIXème, n’ont pas toujours été correctement entretenus jusque-là et sont actuellement souvent en mauvais état. Ils représentent donc un patrimoine très important et dégradé demandant des coûts d’entretien, voire de rénovation élevés. SNCF- Gares & Connexions, n’ayant pas le budget pour financer ces travaux de restauration de tout son patrimoine, fait le choix de se concentrer sur les gares les plus rentables, celles où les investissements profiteront au maximum de personnes et surtout où les recettes futures pourront venir rééquilibrer la balance. Si les investissements de SNCF-Gares & Connexions ont représentés 2,3Mds d’euros l’an passé, cet argent a principalement été investi dans les opérations de financement des grandes gares du réseau. A l’échelle régionale, ce choix de la rentabilité est également appliqué, certaines gares sont très peu fréquentées, principalement par des abonnés qui arrivent juste avant le départ. La nécessité d’un espace d’attente, en comparaison des montants à investir, implique que SNCF-Gares & Connexions préfère souvent fermer les bâtiments voyageurs anciens dans les gares peu fréquentées. De la même façon, les bâtiments voyageurs, où le guichet a été supprimé par SNCF-Proximités faute de rentabilité, ont souvent été fermés à cette occasion, de façon à réduire les coûts d’entretien, mais également de personnel, car, pour qu’il ne soit pas détérioré, un espace d’attente doit être accompagné d’une présence humaine. Pour autant, même fermés, les bâtiments voyageurs restent une véritable charge pour SNCFGares & Connexions. On n’observe donc pas d’engagement sur ces petites gares mais plutôt une volonté de se débarrasser de ce poids pour SNCF - Gares & Connexions, qui n’hésite pas à les vendre si l’occasion se présente. « Moi si je peux vendre le bâtiment voyageur fermé et le remplacer par un petit abri neuf sur le quai et construire un local technique propre sur le quai, ça me va très bien ! » Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est SNCF Gares & Connexions - 50 - Chapitre II La vente peut se faire à destination de particuliers qui vont utiliser le bâtiment comme habitation ou par une entreprise qui recherche un local. Les bâtiments voyageurs mis en vente, peuvent également être rachetés par les communes qui souhaitent y implanter un équipement public ou tout simplement éviter que ce symbole de la commune, qu’est la gare, ne disparaisse en attendant d’avoir pour elle un projet particulier. Toutefois cette solution de vente n’est pas si simple, elle ne peut avoir lieu lorsque le bâtiment contient des installations techniques nécessaires au fonctionnement du service de transport, même s’il est fermé. Et l’aménagement d’un ancien bâtiment voyageur est soumis à certaines contraintes de sécurité, de par sa situation en bordure de voie ferrée. Enfin, sur ces questions d’utilisation des bâtiments voyageurs, et surtout de leurs financements, les attentes sont aussi parfois divergentes entres acteurs. SNCF-Gares & Connexions souhaite, par exemple, parfois vendre un bâtiment voyageur en mauvais état qu’elle a déjà fermé et qu’elle ne voit que comme un gouffre financier, alors que la commune souhaite le garder ouvert pour en faire une centralité, sans toujours avoir les moyens de l’acheter. Les commerces et services, une opportunité financière ? De la même façon, si SNCF-Gares & Connexions a bien perçu que le développement des commerces et des services en gare peut être intéressant financièrement dans les plus grandes gares (espaces attractifs, présence de voyageurs de grandes lignes qui passent du temps et sont prêts à dépenser plus d’argent), dans les plus petites gares, et notamment les gares TER périurbaines, l’équation reste difficile à mettre en œuvre. « Moi aujourd’hui je suis pas contre le développement des services nouveaux, mais je ne peux pas contribuer financièrement à un nouveau service, c'est-à-dire que ce service qui doit arriver en gare, moi dessus je gagne pas forcément d’argent ! Si j’en gagne, tant mieux, ça me permettra de rénover mon patrimoine mais je ne veux pas en perdre. Qui dit nouveau service, c’est plutôt un service pour moi, au coût zéro » Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est SNCF Gares & Connexions « Pour Gares &Connexions, en dessous de 5000 montées descentes par jour c’est pas rentable. » Membre de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes Lorsqu’il s’agit de gares périurbaines fréquentées, potentiellement plus « rentable », il devient pertinent pour le gestionnaire de gares de pouvoir y installer des commerces. Pour autant, s’il semble intéressant, au premier abord, pour les commerçants de venir s’implanter dans un espace fréquenté et de profiter de la clientèle mise à disposition par le train, les échanges avec l’agence - 51 - Chapitre II Rhône-Alpes-Auvergne de SNCF-Gares & Connexions font écho d’une véritable difficulté à faire venir des occupants dans leurs espaces vacants. «Installer des commerces c’est bien, mais encore faut-il trouver des commerçants qui veulent venir… parce que ce n’est pas forcément le jackpot pour eux ! A Vienne par exemple ça n’a pas l’air de marcher très très bien son truc… » Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est SNCF Gares & Connexions Cette difficulté s’explique en partie, par leur politique de recensement des espaces vacants et de communication autour des espaces à louer aujourd’hui balbutiante et par le manque de procédure figée et claire à suivre pour les commerçants désireux de s’implanter en gare. Pour être viables, les commerces et services doivent trouver une clientèle adaptée, autrement dit, des usagers, en quantité suffisante pour faire face au loyer, aux contraintes financières d’installation et pouvoir vivre. Or, le public de voyageurs pendulaires, comme nous l’avons déjà évoqué, est une clientèle peu disposé à faire des achats. Malgré la rentrée d’argent que les commerces et services, pouvant s’implanter dans les gares, peuvent représenter, celle-ci n’est pas suffisante face au poids de l’entretien du patrimoine pour que SNCF - Gares & Connexions se lance dans une véritable politique de leur développement. Il s’agit plutôt aujourd’hui de profiter des opportunités qui peuvent se présenter, au cas par cas, dans les gares qui sont déjà rentables. Ce sont également souvent, les gares où le commerce sera le plus viable pour le propriétaire. Les bâtiments voyageurs des petites gares TER, ne sont donc absolument pas perçus par SNCF-Gares & Connexions comme une opportunité de développement de leur activité mais bien comme une charge, un gouffre financier que la mise en place de commerces et de services ne peut suffire à absorber. Ce qui explique leur désengagement sur les bâtiments voyageurs des plus petites gares et la volonté de vendre, plutôt que de louer, là où ils estiment la rentabilité faible. On constate un désengagement global de la SNCF sur les bâtiments voyageurs des gares TER de faible fréquentation. Pour ces gares, l’opportunité financière n’existe plus et la question du développement des commerces des services n’est plus envisagée par SNCF-Gares & Connexions. Ces bâtiments voyageurs sont aujourd’hui de plus en plus souvent fermés, voire même vendus, au vu des coûts exigés par leur entretien. - 52 - Chapitre II - 53 - Chapitre III Pour deux projets aboutis : Des ambitions plus larges que le train pour les gares - 54 - Chapitre III Les commerces et les services apparaissent comme un vecteur possible, et aujourd’hui en cours de réflexion et d’expérimentation, de déploiement du TER. Toutefois, la multiplicité des acteurs concernés et leurs différentes attentes rendent cette mise en œuvre difficile. Afin de mieux comprendre comment peuvent effectivement se développer les commerces et services dans les gares périurbaines, nous avons choisi d’étudier des exemples concrets de gares périurbaines de la région Rhône-Alpes où se sont implantés des commerces et des services dans le bâtiment voyageur de la gare ou à proximité immédiate. Suite aux rencontres avec les acteurs régionaux et au recensement des différents services proposés dans les gares périurbaines, voire rurales, de Rhône-Alpes, nous avons retenu deux projets à étudier : celui de la gare de Vinay dans l’Isère et celui de la gare Saint-Chamond dans la Loire. Pour chacun de ces exemples, nous présenterons le conteste dans lequel le projet a été porté, ses modalités de mise en œuvre et de fonctionnement, ainsi que les acteurs impliqués dans les différentes étapes du projet (de son lancement à son fonctionnement quotidien). - 55 - Chapitre III 1. Vinay : réintégrer le quartier de la gare au centre de la commune La première gare sur laquelle nous nous sommes penchés est celle de Vinay, en Isère. Elle a fait l’objet d’un important projet de réaménagement et de revitalisation, depuis 2009. Le bâtiment voyageur a été rénové et abrite aujourd’hui un commerce de petite restauration. L’ancienne halle marchandises a également été réhabilitée pour permettre l’implantation d’une « halle fermière », un espace de vente en direct entre producteurs de la région et consommateurs. Vinay, un pôle rural La commune de Vinay est située dans le Sud Grésivaudan, le long du Sillon Alpin Sud, à mi-chemin entre Grenoble et Valence. 6 - Situation géographique de Vinay (source - OpenStreetMap) Le Sud Grésivaudan, coincé entre le plateau de Chambaran et les contreforts du massif du Vercors, est un ancien espace rural qui est aujourd’hui en voie de périurbanisation. L’INSEE caractérise cette périurbanisation du territoire par deux phénomènes : « l'accroissement de sa population est surtout le fait d'un solde migratoire positif [et] les nouveaux arrivants occupent souvent un emploi à l'extérieur de la zone »72. Comme présenté dans le chapitre I, ces nouveaux modes de vie provoquent des déplacements croissants, notamment vers Grenoble via l’A49. La commune de Saint Marcellin (environ 8000 habitants) est la centralité la plus importante du territoire et concentre la majorité des équipements dits « de gamme supérieure » (hypermarché, cinéma, lycée, etc.). Le Sud-Grésivaudan est intégré au SCoT de la région urbaine de Grenoble, dont il 72 INSEE - La Lettre Analyses n°199, juin 2013 - 56 - Chapitre III est l’un des 7 territoires. Dans le cadre de la réflexion de territoire autour de la mise en place du SCoT, les élus ont exprimé la volonté de faire de cet espace, un territoire de connexion entre le cœur des Alpes et la vallée du Rhône et d’affirmer la centralité de Saint-Marcellin, dans la région urbaine de Grenoble. « Faire reconnaître et partager le positionnement et la fonction stratégiques du SudGrésivaudan au sein du SCOT, de par sa connexion avec l’agglomération romano-valentinoise et le département de la Drôme. Valoriser le positionnement du bassin de Saint-Marcellin dans la hiérarchie des pôles de la région urbaine afin de jouer pleinement une fonction de relais entre deux dynamiques urbaines et métropolitaines » Extrait de la contribution du Sud-Grésivaudan au SCoT de la région urbaine grenobloise73 Vinay est la seconde polarité du territoire et compte 4070 habitants74. S’il s’agit d’une petite commune, sa place, dans un espace où toutes les communes du territoire comptent moins de 2500 habitants (excepté Saint Marcellin) est celle d’un véritable pôle rural qui se revendique même comme un « pôle urbain » du Sud Grésivaudan75. L’analyse du territoire, effectuée par la commune, fait également ressortir l’aspect agricole de Vinay de par sa position de « capitale de la noix ». Elle abrite en effet d’importantes noyeraies classées AOP « Noix de Grenoble » ainsi que le patrimoine bâti, le paysage et l’activité agricole qui y est liée. Vinay en chiffres : 4 049 habitants 16km² Nombre d’emplois : 1 837 Taux de chômage des 15/64 ans : 9,8% (Moyenne nationale = 11,7%) Revenu net déclaré moyen par foyer fiscal en 2009 = 19 850 € (Moyenne nationale = 23 230 €) Source: Recensement INSEE 2009 Secteurs activités : Vinay Référence France 73 Contribution au Scot de la région urbaine de Grenoble, Document réalisé et approuvé par les élus du Pays du SudGrésivaudan, 5 juillet 2010 74 Recensement INSEE 2010 75 Mairie de Vinay, synthèse de présentation du PLU, 2011 - 57 - Chapitre III Sur le plan ferroviaire, la gare de Vinay est située sur la ligne Grenoble/Valence et, est desservie par plus d’une trentaine de trains par jour-. Elle est classée, par SNCF et RFF, comme une gare d’intérêt régional, c’est-à-dire de catégorie « B ». C’est une halte, puisqu’elle ne possède pas de guichet ni d’agent de la SNCF présents sur le site. Elle est aujourd’hui fréquentée par environ 150 voyageurs par jour76. Pour la SNCF, cette gare est trop petite et pas assez fréquentée y maintenir un guichet de façon rentable, toutefois à l’échelle du territoire, compte tenu de sa position de pôle rural, elle reste une commune importante, et donc une gare forte sur la ligne. Cette ligne a fait l’objet d’importants travaux de la part d’RFF au cours de la dernière décennie, l’axe Valence-Grenoble-Chambéry étant, en effet, un axe ferroviaire stratégique pour la région, desservant un bassin de vie de 900 000 habitants, pour un potentiel de 2,5 millions de déplacements par jour77.La portion Saint-Marcellin-Moirans a, tout d’abord, été doublée entre 2007 et 2011, puis la ligne a été totalement électrifiée, entre 2011 et 2013, subissant même un arrêt complet d’exploitation durant l’année 2013. La naissance du projet : réappropriation d’un espace en désuétude Le bâtiment voyageurs de la gare de Vinay a été fermé par la SNCF et mis en vente en 2005 afin de mettre fin aux coûts d’entretien et de personnel devenus trop lourds. A ce moment, la municipalité en place a décidé de le racheter, sans avoir de véritable projet, mais pour maîtriser la future utilisation de ce patrimoine historique de la commune. En 2008, une nouvelle équipe arrive à la tête de la commune et Mme le maire exprime rapidement la nécessité de faire quelque chose pour le quartier de la gare, alors complètement en friches. « Avant d’être élue j’étais médecin, je sillonnais parfois Vinay la nuit pendant mes gardes, c’était un quartier désert, abandonné, glauque » Mme le maire de Vinay La voie ferrée vient couper la commune de Vinay en deux et l’urbanisation de la commune s’est ensuite développée en tournant le dos au chemin de fer, des 2 côtés. Le quartier de la gare est donc un quartier peu urbanisé et peu fréquenté, même si on peut noter la présence d’un supermarché, le seul de la commune, à proximité immédiate de la gare. 76 300 montées/descentes, Comptages SNCF pour la direction des transports de la région Rhône-Alpes, 2012 77 CABIRON Christine, « Valence-Grenoble-Chambéry : le sillon ferroviaire alpin enfin électrifié » pour Mobilicites, février 2014 ; http://www.mobilicites.com/011-2633-Valence-Grenoble-Chambery-le-sillon-ferroviaire-alpin-enfin-electrifie.html - 58 - Chapitre III 7 - Plan de la ville de Vinay (source - OpenStreetMap) Cette réflexion sur la réhabilitation du quartier de la gare s’est effectuée dans le cadre de la mise en place du PLU de la commune qui a également été lancé par l’équipe arrivée en 2008. Il était alors important pour la municipalité de chercher à relier les deux parties de Vinay séparées par la voie ferrée. Le quartier de la gare, en désuétude, était à la fois une limite à estomper pour essayer de « recoudre» les deux parties de la commune, mais c’était également une opportunité de développement urbain au vu des friches et des espaces non construits qui s’y trouvaient. Cet espace permet donc d’envisager de nouvelles constructions et une augmentation du nombre d’habitants sans étendre l’espace urbanisé au-delà de ses limites actuelles. « La gare et son environnement apparaît aujourd’hui comme centre d’un territoire urbain avec un fort potentiel. Il s’agit de développer un vrai quartier de village » Notice de présentation du projet réalisée par les services techniques de la ville78 De plus, la gare de Vinay a vu son activité prendre de l’ampleur au cours des années 2000. En effet, avec le phénomène de périurbanisation, le TER avait multiplié sa fréquentation par 4 entre 2003 et 2008, pour atteindre 400 montées/ descentes par jour environ. Ce lieu, jusque-là très peu fréquenté et non aménagé, commençait donc à prendre de l’ampleur. Pour les acteurs locaux, la gare de Vinay a effectivement un rôle à jouer dans l’organisation des déplacements sur le territoire79. La municipalité a donc voté la création d’un pôle multimodal aux abords de la gare 78 Services techniques de la mairie de Vinay, Notice explicative du projet pour présentation au conseil municipal, 2009 79 Id. - 59 - et le Chapitre III réaménagement des voiries du quartier pour permettre un accès facilité et sécurisé à la gare par tous les modes. Dans le cadre de ce projet de revitalisation du quartier de gare et de développement de la commune, Mme le maire a exprimé sa volonté de réhabiliter le bâtiment voyageurs de la gare, parce qu’il ne lui semblait pas pertinent de laisser cette « verrue », destinée à être un équipement public, dans un quartier en rénovation et parce qu’elle souhaitait redonner à cet espace une image attractive qui inciterait les voyageurs à venir prendre le train. « L’idée était de faire ressembler la gare à une ‘’vraie’’ gare » Directrice Générale des Services de Vinay La réhabilitation de la gare de Vinay s’inscrit donc à l’articulation des enjeux d’urbanisme et de transport. « Il était nécessaire d’améliorer l’accueil des usagers, de proposer certains services et d’avoir une offre de transport plus attractive dans une perspective de développement durable. […] Cette future gare contemporaine ne constitue pas seulement une solution en matière de transport mais aussi une opportunité pour transformer, développer et embellir le quartier » Notice de présentation du projet réalisée par les services techniques de la ville80 L’objectif clairement affiché par Mme le maire était donc le suivant : « Faire de la gare un pôle multimodal et un pôle de services, nœud entre les transports et le tissu urbain »81 8- Gare de Vinay en 2007 ( source - direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes) 80 Services techniques de la mairie de Vinay, 2009, op. cit. 81 Id. - 60 - Chapitre III Comme nous l’avons évoqué, cette vision d’articulation urbanisme/transport s’est effectuée dans le cadre de la mise en place du PLU sur la commune, mais aussi dans le cadre de la réflexion global du Scot de la région Urbaine de Grenoble, qui réaffirme la nécessité de penser l’articulation urbanismetransport et de développer les pôles urbains autour des gares existantes et notamment en intégrant la participation du pays du Sud Grésivaudan à cette réflexion82. C’est donc une réflexion globale, sur le développement urbain à l’heure du développement durable, qui a conduit la municipalité à mettre le quartier de la gare, en en premier lieu la gare elle-même et son bâtiment voyageurs, au cœur du projet communal. Un projet en 3 temps Avant même le lancement du projet par la mairie, RFF a profité des travaux de doublement de la ligne pour sécuriser les traversées en construisant une passerelle et ainsi, initier les travaux de rénovation de la gare. Le projet municipal en lui-même, a été lancé en 2009 et s’est déroulé en plusieurs phases. Le premier acte du projet municipal a été la création du pôle multimodal afin de permettre l’accès de tous les modes à la gare. Les travaux ont consisté en la création et la jonction de cheminements piétons et cyclables ; la rénovation des voiries d’accès et en l’aménagement d’un parking relais (140 places gratuites). Ils ont eu lieu d’avril à septembre 2010. La seconde phase a été la transformation du bâtiment voyageurs abandonné en « une gare contemporaine ». C’est à dire en un espace offrant de nombreux services aux usagers. « Le pari de l’acte 2 est de s’appuyer sur le concept de ‘’gare contemporaine’’ qui offre à la fois une information multimodale et un panel de ‘’petits services’’ pour faciliter le quotidien des usagers » Notice de présentation du projet réalisée par les services techniques de la ville83 En effet, l’augmentation de la fréquentation de la gare étant aujourd’hui un constat et non une espérance de la part de la municipalité, elle a souhaité utiliser le bâtiment pour proposer une activité commerciale conjuguée à une offre de services gratuits pour les usagers. Il s’agissait, pour elle, d’offrir à la fois, un service aux usagers leur permettant plus de confort lors de leurs déplacements mais également d’implanter une présence humaine, inexistante depuis la fermeture du guichet. 82 Contribution au Scot de la région urbaine de Grenoble, op. cit. 83 Services techniques de la mairie de Vinay, 2009, op. cit. - 61 - Chapitre III « Le voyageur doit pouvoir se repérer dans cet espace vaste et y trouver un ‘’cœur’’ » Notice de présentation du projet réalisée par les services techniques de la ville84 9 - Gare de Vinay en mai 2014 La municipalité, en tant propriétaire du bâtiment voyageurs, s’est alors positionnée comme le porteur de projet d’un « point TER85 » dans l’espace vacant de la gare et a développé ce projet en partenariat avec une commerçante locale, souhaitant s’implanter dans la gare et prête à offrir des services complémentaires aux usagers, et SNCF-Proximité, porteuse de la politique « point TER » nationale et de sa déclinaison régionale. C’est la mairie qui a rénové le bâtiment, suite à une réflexion commune aux trois partenaires, pour proposer un espace commerçant de petite restauration et un espace d’attente pour les usagers du train. Les travaux ont eu lieu de décembre 2009 à novembre 2010 et ont coûté environ 2M€. La mairie est donc toujours propriétaire du bâtiment qu’elle a réaménagé. Elle le loue à la commerçante pour son activité, suite à la signature d’une convention tripartite SNCF-Commune-Commerçante. Le bâtiment voyageurs rénové a été ouvert au public en décembre 2010, en même temps que le commerce baptisé « Gourmand’Nine ». Il s’agit d’un commerce de petite restauration, proposant des plats sur place et à emporter ainsi que la presse locale. Afin de créer une véritable centralité autour de la gare, la municipalité a lancé un projet d’implantation d’un magasin de producteurs locaux. Ce projet venait aussi répondre à une volonté de la municipalité de proposer une offre complémentaire à la grande surface et de soutenir l’économie locale. L’implantation, à proximité, de la gare s’est faite en fonction de 3 critères : un quartier en 84 Id. 85 Pour l’explication du « point TER », se référer au chapitre II - 62 - Chapitre III rénovation, un espace disponible, puisqu’il existait une halle marchandises abandonnée appartenant à RFF en face de la gare, et la volonté de constituer un pôle de commerces autour de la gare et au cœur du futur quartier. La commune a donc racheté la halle marchandises à RFF en 2012 et l’a réaménagée en partenariat avec un groupement d’agriculteurs locaux. Leur bâtiment rénové a ouvert au printemps 2013. Il appartient toujours à la commune et est loué par le groupement d’agriculteurs. Il s’agit d’un espace de vente de produits locaux (fruits, légumes, viande de bœuf, de porc, volailles, fromages), la « halle fermière », gérée par les producteurs eux-mêmes est ouverte du jeudi matin au samedi midi. « L’ouverture de ce magasin de producteurs donne un nouvel élan au quartier de la gare » Extrait du bulletin municipal86 10 - Halle fermière, mai 2014 En parallèle de ces deux actes, les espaces disponibles autour de la gare ont été inscrits comme zone à urbaniser dans le futur, sur le PLU de la commune. Le troisième temps du projet est aujourd’hui en cours. Il s’agit d’une réflexion complémentaire visant à créer un mail piéton, bordé de noyers, qui permettrait de relier le bourg de Vinay à la gare, grâce à la passerelle piétonne installée par RFF. Les études préalables ont été menées mais le tracé envisagé traverse du parcellaire privé et les premières négociations font état de propriétaires non vendeurs pour le moment. Ceci impliquerait des expropriations pour que le projet soit mené à son terme. Mme le maire, réélue en mars 2014, présente ce projet comme un des chantiers de son second mandat. 86 Mairie de Vinay, Journal d’information municipal n*19, mai 2013 - 63 - Chapitre III Une municipalité motrice mais appuyée par des partenaires Sur ce projet de revitalisation du quartier de la gare et de rénovation du bâtiment voyageurs, la municipalité a donc été le principal moteur. Cela a notamment été possible grâce aux convictions profondes de l’équipe en place depuis 2008. « Quand on a commencé à travailler sur le quartier, à vouloir rénover la gare, on m’a prise pour une folle ! » Directrice Générale des Services de Vinay Mais, en s’inscrivant dans un projet plus global de valorisation du train et des transports en commun, cela lui a permis d’obtenir des aides et de toucher des financements de la part de l’Etat et des autres collectivités locales : région, département. Dans le cadre de son programme de rénovation des abords des gares, la région a, en effet, participé à hauteur de 30% du financement de l’aménagement du pôle intermodal. Elle a également soutenu, à hauteur de 30%, l’acquisition de la halle marchandises RFF et sa rénovation en « halle fermière » au titre de sa politique de développement local et de soutien à l’agriculture. En tout, c’est environ 50% du projet qui a, ainsi, été financé par des subventions institutionnelles. La région a également apporté une expertise technique forte, notamment sur le projet de pôle multimodal et de réhabilitation des abords de la gare, du fait de son importante expérience dans le domaine. Mais elle a également choisi de soutenir le projet de création de la halle fermière, convaincue par le projet novateur et la volonté de participer à ces expérimentations sur les services et commerces, dans et aux abords des gares TER. La SNCF, quant à elle, en tant que simple transporteur exploitant du TER n’a pas été concernée ni même consultée dans le cadre de la mise en place du projet global de réhabilitation de la gare. Il s’agissait, en effet, pour la commune, de venir combler un défaut de services créé par la fermeture du guichet et du bâtiment voyageurs. SNCF-Proximité a toutefois participé à la mise en place du « point TER », afin notamment, de faire part de ses exigences de services à assurer par la commerçante, pour être labellisée, et apparaître dans les listes nationales et régionales des « points TER ». Premier retour d’expérience : un modèle difficile à pérenniser Aujourd’hui, 4 ans après le lancement du projet, on peut proposer un premier retour d’expérience. La rencontre avec la commerçante, nous a permis de prendre conscience de la difficulté économique à laquelle elle est confrontée. A son installation, sa clientèle potentielle était composée principalement d’usagers du train, pour laquelle elle avait développé une gamme de services - 64 - Chapitre III spécifiques, en partenariat avec la commune et SNCF-Proximités : vente de pain, presse, dépôt pressing, en plus de la restauration composée de cafés, sandwichs, glaces, etc. La boutique était ouverte de 7h à 19h afin d’être présente le matin aux départs des trains et le soir à leur arrivée. Mais, elle explique que ces services n’ont pas réussi à trouver leur public et que les usagers du train de Vinay ne sont pas disposer à faire des achats lorsqu’ils viennent prendre le train et qu’ils ne lui permettaient pas de faire fonctionner son commerce. Petit à petit, sa situation financière devenant très difficile87, elle a choisi d’abandonner les services destinés aux usagers comme le dépôt de pain ou le pressing qui lui coûtaient plus qu’ils ne lui rapportaient. « Le pressing c’était pas possible, il n’y avait pas assez de linge, et au début la société88 venait le chercher mais après c’est moi qui devait aller le porter à Saint-Marcellin. Ça prend du temps et ça coute cher en essence… » Commerçante en gare de Vinay Pour faire face et maintenir son activité, elle a donc décidé de développer une restauration chaude du midi, composée de pizzas et d’un plat du jour, aidée bénévolement par son père. Sa situation géographique lui est favorable, non pas par la proximité de la gare, mais parce qu’elle se situe dans un quartier de Vinay qui abrite quelques chantiers et qui n’offre pas d’autre restauration de ce type. De plus, elle est très accessible, proche de la départementale reliant Vinay à SaintMarcellin et avec, à proximité, le parking de la gare. Elle touche ainsi une clientèle d’ouvriers qui en ont fait leur cantine et qui lui permettent de se maintenir financièrement, contrairement aux usagers du train. « C’est surtout des ouvriers, ils viennent des chantiers aux alentours. Ils font parfois 15km pour venir, parce que c’est sympa ici, et puis c’est toujours des bons produits, frais» Commerçante en gare de Vinay Les gestionnaires de la halle fermière expriment cette même déconvenue face à la faible fréquentation de leur magasin par les usagers du TER, qu’ils espéraient pourtant pouvoir toucher en étant ouverts le soir, aux heures d’arrivée des trains. « On pensait que les gens qui prennent le train s’arrêteraient en rentrant, qu’ils en profiteraient pour faire quelques courses mais non » Gestionnaire de la Halle fermière Pour autant, la municipalité et Mme le maire ne semblent pas conscientes de cette difficulté pour les commerçants à toucher les usagers du train et semblent plutôt satisfaites de l’implantation de ces commerces et des retours faits par les administrés. 87 La commerçante explique qu’elle ne se verse pas de salaire depuis l’ouverture 88 La commerçante travaillait en partenariat avec un pressing de Saint-Marcellin, les clients déposaient leur linge sale le matin et pouvaient le récupérer un autre jour de la semaine, elle prélevait une petite commission sur le service. - 65 - Chapitre III « On a des bons retours des gens, il sont contents, ils les utilisent » Mme le maire de Vinay Ces retours positifs sont également entendus par la commerçante, mais elle explique que si le service offert et sa présence sont appréciés par les usagers du train, ceux-ci ne lui permettent pas de vivre. « Tout le monde dit ‘’c’est bien d’avoir quelqu’un’’, ‘’elle est sympa Virginie89’’,’’ tu vas pas partir Virginie’’, à ça pour demander un verre d’eau ou aller aux toilettes ils sont contents, mais moi je fais comment ? » Commerçante en gare de Vinay La SNCF a évoqué la possibilité de supprimer la machine extérieure de vente des titres de transport pour confier cette tâche à la commerçante. Pour eux, cela permet une économie financière d’entretien de l’automate et le maintien d’un projet qu’ils ont soutenu. Cette perspective apparait à la commerçante comme une bonne piste qui permettrait de « faire entrer » les usagers du train dans son commerce, ce qui ne se fait pas actuellement et de lui fournir un petit apport financier supplémentaire. Un dispositif similaire a déjà été mis en place dans une dizaine de commerces en Rhône-Alpes, avec un bilan mitigé puisque les opérations à effectuer et les grilles tarifaires sont parfois complexes. Cela demande aussi du temps au commerçant alors que le revenu apporté est très faible90. La pérennité économique du commerce est donc difficile à trouver, et surtout, semble ne pas pouvoir reposer sur les usagers du train qui, s’ils apprécient la présence humaine ne lui permettent pas de vivre. La rencontre avec la commerçante et la mairie, nous a permis de mettre le doigt sur une autre difficulté. Le bâtiment voyageurs rénové appartient à la commune. Il se compose de deux parties : l’une est louée à la commerçante en tant que cuisine et local technique, et l’autre est dédiée à l’attente et n’est pas mise en location. Les deux espaces sont séparés par le comptoir et l’espace de vente de la commerçante. 11- Schéma de principe du bâtiment voyageurs de la gare de Vinay 89 Prénom de la commerçante 90 Informations données par l’unité « Gares » de la direction de transports du conseil régional Région Rhône-Alpes - 66 - Chapitre III La commerçante s’occupe de l’entretien de l’espace d’attente situé dans le même bâtiment et des toilettes associées installées par la commune. Pour autant, la gestion de cet espace reste floue. En effet, la mairie explique que la commerçante est chargée de l’entretien de la salle d’attente et des toilettes, qui sont publiques, en échange d’une modération de son loyer. Mais pour la commerçante, il s’agit d’un espace qu’elle entretient de façon bénévole, sur ses propres revenus, pour le bien-être de ses clients mais également de tous les usagers du train, sans contrepartie de la municipalité. Compte tenu de cette ambiguïté, la commerçante a décidé, afin de développer une activité de restauration assise lui permettant de « survivre » financièrement, d’installer des tables et des chaises dans l’espace d’attente, qu’elle ne loue pas officiellement à la mairie mais qu’elle entretient. Pour elle, cet espace reste une salle d’attente publique mais dans laquelle ses clients peuvent aujourd’hui s’installer correctement pour manger. « Moi j’ai décidé de pas me laisser abattre, de me battre pour continuer à exister et donc de développer de nouvelles choses » Commerçante en gare de Vinay Cependant, pour la mairie, cette situation pose un problème. En effet, la directrice générale des services techniques explique que cette installation de tables et de chaises dans la salle d’attente, en lieu et place des simples bancs de type « gare », originellement installés par la mairie, fait que cet espace ressemble aujourd’hui à un véritable café ou snack. Les usagers ne savent plus que cet espace est public. Ils n’osent plus l’utiliser sans consommer. «On trouve qu’elle s’étale un peu trop dans l’espace d’attente, elle a mis des tables partout, les gens n’osent plus renter, ils pensent qu’il s’agit d’un café normal où ils devraient consommer.» Directrice Générale des Services de Vinay Le statut de cet espace, et ses conditions de gestion et d’occupation, posent donc un problème qui ne semble pas avoir été traité dans la convention d’origine. Cela montre, l’importance du traitement de ces questions, dès le conventionnement original, pour clarifier le rôle de chacun, et donner plus de lisibilité à leur engagement réciproque (la gestion d’un espace public en échange d’une modération de loyer). Enfin, la dernière difficulté se situe au niveau de la labellisation du « point TER ». En effet, si le commerce de la gare de Vinay est référencé comme tel dans le tableau du site TER-Rhône Alpes91 , et si SNCF-Proximités confirme avoir participé à sa création, sur place, rien ne l’indique. Le label « point TER » n’est pas affiché, et la commerçante explique n’assurer, comme service aux usagers, que 91 Site internet de TER Rhône-Alpes ; http://telechargement.ter-sncf.com/Images/Rhone_Alpes/Tridion/nouveau_tableau_liste_gare_+_services_tcm-3155439.pdf; consulté en juin 2014 - 67 - Chapitre III l’information sur les lignes, grâce aux prospectus que lui remettent le personnel SNCF quand il passe92, mais rien de plus. Elle explique également, ne pas recevoir d’informations particulières en cas de perturbations sur la ligne et ne fait pas allusion aux services typiques des points TER (prêt de parapluie, petites annonces, etc.). Elle signale également ne pas recevoir de rémunération spécifique pour cette information voyageurs de la part d’SNCF-Proximités et l’effectuer bénévolement. Ce flou, sur le statut du commerce en tant qu’espace de services aux usagers, rémunéré pour cela, pose également question et nécessiterait une animation et un suivi plus fort de la part d’SNCFProximités pour les commerces qu’elle souhaite soutenir. Le projet de Vinay est donc particulièrement intéressant puisqu’il combine différentes sortes de services et commerces, dans et autour de la gare, dans un contexte de « pôle rural », mais il montre aussi la difficulté économique à implanter ce type de commerces en gare, en se basant sur la clientèle du train. Il met également en évidence la nécessité d’un suivi du projet par ses initiateurs, après sa mise en œuvre, et d’une répartition très claire des services fournis, des obligations et des gratifications pour le commerçant. La tâche de ce dernier étant aujourd’hui rendue difficile par la complexité de la répartition des compétences, la place des nombreux acteurs, comme si le commerçant était l’oublié du dispositif, alors même que c’est lui qui en assure le risque financier. 92 Pour l’entretien des automates à billets par exemple - 68 - Chapitre III 2. Saint-Chamond: se réapproprier l’espace abandonné de la gare93 La seconde gare étudiée est celle de Saint-Chamond dans la Loire. La gare a fait l’objet d’une remise en état par SNCF-Gares & Connexions en 2012/2013. Cette réhabilitation a été appuyée par un projet de pôle multimodal, l’implantation d’un Point Information Médiation Multiservices (PIMMS) et d’un commerce de petite restauration dans le hall. Saint-Chamond : 2ème commune de la métropole stéphanoise Saint-Chamond est une ville de 35 000 habitants de la banlieue de Saint-Etienne, composée autour de plusieurs pôles puisqu’issu de la fusion de 4 communes indépendantes dans les années 1960. 12 - Situation géographique de Saint-Chamond (source - OpenStreetMap) C’est la deuxième plus importante commune de l’agglomération stéphanoise. Sa position sur l’axe Saint-Etienne/Lyon, au cœur d’une des plus importantes centralités de la région, fait de SaintChamond une polarité secondaire de l’agglomération stéphanoise et du futur pôle métropolitain. 93 Compte tenu de la durée du stage les deux exemples n’ont pas pu être creusés de la même façon. Pour différentes raisons (recommandation du conseil régional, changement d’équipe municipale à Saint-Chamond en avril 2014, antériorité du projet) il a été décidé de mettre l’accent sur le projet de Vinay - 69 - Chapitre III Saint-Chamond en chiffres : 35 891 habitants 55km² Nombre d’emplois : 12 725 Taux de chômage des 15/64 ans : 14,2% (Moyenne nationale = 11,7%) Revenu net déclaré moyen par foyer fiscal en 2009 = 19 079 € (Moyenne nationale = 23 230 €) Source: Recensement INSEE 2009 Secteurs activités : Saint-Chamond Chamond Référence France C’est un ancien bassin industriel dont l’emploi était massivement fourni par les aciéries. Ce secteur tente aujourd’hui de se relever des difficultés économiques de la fin du XXème siècle et de la fermeture de ses industries lourdes. Sur le plan ferroviaire, la gare de Saint-Chamond est située sur la ligne Firminy/Lyon et, est desservie par plus d’une centaine de trains par jour. Elle est classée par SNCF et RFF comme une gare d’intérêt régional, c’est-à-dire de catégorie « B », comme la gare de Vinay. C’est toutefois une gare relativement importante au niveau régional, puisqu’elle ferait partie du TOP 20 des plus grandes gares de Rhône-Alpes, selon le conseil régional, et qu’elle est aujourd’hui fréquentée par environ 1600 voyageurs par jour94. Pour la SNCF, il s’agit effectivement d’une gare forte, comme le montre la présence d’un guichet avec une très importante amplitude horaire (ouverture de 5h20 à 20h20 en semaine95). Cette gare est un vecteur de nombreux déplacements pendulaires puisqu’elle permet de rejoindre les pôles d’emploi de Saint-Etienne et de l’agglomération lyonnaise, en étant située sur une ligne majeure, la plus fréquentée du réseau ferroviaire régional. Il s’agit donc d’une porte d’entrée importante sur le réseau. 94 Comptages SNCF pour la direction des transports de la région Rhône-Alpes, données 2012 95 Site internet de SNCF-Gares & Connexions ; http://www.gares-en-mouvement.com/fr/frhho/votre-gare/; consulté en juin 2014 - 70 - Chapitre III La naissance du projet : mettre fin aux usages indésirables et favoriser l’accessibilité La gare de Saint-Chamond a été identifiée comme étant en mauvais état et nécessitant une réhabilitation par le conseil régional, dans le cadre de la préparation du Contrat Plan Etat Région de rénovation des gares TER en mauvais état, dès 2009. Le projet de rénovation de la gare et du bâtiment voyageurs a également été appuyé, auprès de la municipalité nouvellement élue mais également de la SNCF et de la région, par les plaintes des usagers, via les comités de lignes, mécontents du service alors proposé. Le bâtiment voyageurs était, en effet, en mauvais état, occupé par des usages non désirés (squats, dégradations, jeux de ballon dans le bâtiment gare, etc.) et situé dans un quartier composé de quelques friches industrielles et de bâtiments à l’abandon, peu avenants et peu accessibles. « Là avant c’était n’importe quoi ! Les gamins jouaient au ballon dans la gare, y’avait même des scooters ! » Commerçant en gare de Saint-Chamond La nécessité d’une réhabilitation a donc été un projet commun porté par la région, la municipalité, l’Etat et la communauté d’agglomération. Ce projet s’est traduit par l’inscription de la gare de Saint-Chamond, en tant que gare prioritaire, dans le nouveau Contrat de Plan Etat Région pour la période 2009-2013. « L’Etat et le Conseil régional, en accord avec Saint-Etienne Métropole, ont décidé d’inscrire dans le cadre du CPER 2009-2013 Saint-Chamond comme gare prioritaire à améliorer, après avoir traité les gares de la Vallée de l’Ondaine dans le précédent CPER. » Extrait du dossier de presse pour l’inauguration de la gare96 Cette volonté de réhabilitation de la gare a été appuyée par une réflexion globale menée par la municipalité sur son territoire, dans le cadre de la mise en place de son PLU. Le quartier de la gare est en effet situé à l’écart du centre-ville, proche de l’ancien quartier industriel des aciéries aujourd’hui fermées et laissé peu à peu à l’abandon dans cet entre-deux. Il offre un potentiel foncier important composé de fiches industrielles, ferroviaires, de terrains privés non bâtis et de bâtiment vacants. Il s’agissait donc, pour la municipalité, d’inscrire la réhabilitation de ce secteur et son potentiel foncier dans les axes du développement urbain futur. Dans ce but elle soutient aujourd’hui un programme immobilier sur le secteur de la gare qui comptera une cinquantaine de logements ainsi que des services et commerces en rez-de-chaussée. 96 Dossier de presse pour l’inauguration de la gare de Saint-Chamond, publié par Saint-Etienne métropole, 9 septembre 2013 ; http://www.agglo-st-etienne.fr/uploads/tx_egestiondoc/DP_InaugPEMStCham090913.pdf; consulté en juin 2014 - 71 - Chapitre III « Il y avait une opportunité, une partie du bâtiment voyageurs pas affectée et des friches libres autour. » Directrice de l’urbanisme des services techniques de Saint-Chamond 13 - Plan du quartier de la gare de Saint-Chamond (source - OpenStreetMap) Dans le cadre de cette réflexion, la municipalité et la communauté d’agglomération ont exprimé la nécessité de revoir l’accessibilité de ce quartier et de mettre fin au stationnement ventouse qui venait pénaliser le parking de la gare. Elle souhaite ainsi faciliter les pratiques de rabattement et offrir un véritable pôle de mobilité, incitant les voyageurs à prendre le train. - 72 - Chapitre III La mise en place du projet : des multiples acteurs à coordonner La volonté d’améliorer l’accessibilité de la gare s’est traduite par la mise en place de nombreuses actions, intégrées au CPER et portées par des acteurs différents, qu’on peut toutefois regrouper en deux projets majeurs. Le premier enjeu de la rénovation de la gare consistait à améliorer son accessibilité. La première action a donc été la création d’un pôle d’échange multimodal porté et financé par la communauté d’agglomération de « Saint Etienne métropole ». Il s’est traduit par l’aménagement d’un parking relais payant, la mise en place d’un service de vélos en libre-service et l’installation d’une gare routière. Il a également permis le réaménagement des accès à la gare, des voiries et de son parvis. La seconde action a été, la mise en accessibilité de la gare pour les personnes à mobilité réduite par RFF. Elle a consisté en la rénovation des quais et de leur hauteur, le réaménagement du passage souterrain et l’installation d’ascenseurs. Les deux projets ont été lancés fin 2012, bien que portés et financés par des maîtres d’ouvrage différents, et se sont terminés mi-2013. 14 - Gare de Saint-Chamond rénovée, avril 2014 L’enjeu de réappropriation de l’espace a, lui, été porté par SNCF - Gares & Connexions qui a été maître d’ouvrage de la rénovation du bâtiment voyageurs, avec la participation du conseil régional Rhône-Alpes. Cette rénovation a été un vecteur de réappropriation de ce bâtiment voyageurs en le rendant plus propre, plus lumineux, plus pratique, et donc plus confortable, attractif et agréable à vivre pour les usagers. - 73 - Chapitre III La réappropriation du bâtiment passant aussi par l’animation de la salle des pas perdus, alors immense et occupé uniquement par le guichet SNCF, les acteurs locaux ont exprimé la volonté de créer de nouveaux services dans le pôle d’échanges de la gare de Saint-Chamond. Ils souhaitaient ainsi créer une centralité dans ce quartier en devenir, et offrir de nouveaux services aux usagers du train, pour plus de confort et de sécurité. « Il fallait occuper cette gare, c’est une cathédrale ! » Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes Deux projets se sont alors développés, l’implantation dans le bâtiment voyageurs d’un espace de petite restauration labellisé « point TER » et celle d’un PIMMS. Le projet de « point TER » permet d’offrir des services supplémentaires gratuits aux usagers. Il faisait partie de l’appel à projet « Points TER »97 lancé par SCNF-Proximités appuyé par le conseil régional, en 2009, sur 14 gares de la région Rhône-Alpes., contrairement à Vinay. En effet, la gare de Saint-Chamond avait été identifiée, dès ce moment, comme un espace à retravailler où l’implantation d’un commerce et de services aux usagers pouvait être pertinente. SNCF-Gares et Connexion loue donc une partie du hall d’attente à un commerçant, qui y a ouvert, en 2011, une sandwicherie baptisée « Gare à l’appétit ». 15 - Commerce "Gare à l'appétit" en gare de Saint-Chamond Le PIMMS, quant à lui, est une association financée par des grandes entreprises, souvent des exentreprises publiques, et par les pouvoirs publics pour faciliter l’accès des habitants aux services publics. Une association des PIMMS de Saint-Etienne existe depuis les années 2000 et comptait jusqu’alors 3 PIMMS sur l’agglomération. En partenariat avec la municipalité de Saint-Chamond qui 97 Se référer au chapitre II - 74 - Chapitre III souhaitait l’implantation d’un relais de service public sur son territoire, il avait été envisagé dès 2010 d’en ouvrir un 4ème à cet endroit. L’implantation, dans le bâtiment voyageurs de la gare, s’est alors imposée pour plusieurs raisons : le bâtiment voyageurs était grand, inoccupé et offrait donc de l’espace disponible, il existait une réelle volonté des acteurs ferroviaires et locaux de les occuper par des activités « vivantes », et enfin, la SNCF est l’un des partenaires-financeurs de l’union nationale des PIMMS. Le projet d’une implantation d’un PIMMS dans le bâtiment voyageurs de la gare de Saint-Chamond a donc été proposé par un partenariat entre la commune, la SNCF, l’union nationale des PIMMS et l’association de PIMMS de l’agglomération stéphanoise en 2010. Il a reçu le soutien du conseil régional Rhône-Alpes qui a participé à hauteur de 30% au financement de l’aménagement, en complément de la SNCF et de la ville de Saint-Chamond. Celui-ci participe également au financement du fonctionnement. Le PIMMS est donc implanté depuis juin 2013 dans le bâtiment voyageurs de la gare et est ainsi locataires de SNCF-Gares & Connexions. Le PIMMS a également mis en place une mission de médiation dans le hall d’attente en lui-même. Ce sont des éducateurs formés, chargés d’apaiser les conflits d’usages, d’apporter une présence et un sentiment de sécurité aux usagers de la gare et de mettre fin aux usages non désirés qui avaient pu y prendre place auparavant. « Les gares ont vocation à devenir de véritables lieux de vie pour les voyageurs. L’installation récente du PIMMS dans les locaux de la gare amène une forte dimension humaine au projet, en proposant différents services de proximité à la population et avec la présence d’agents de médiation. » Extrait du dossier de presse pour l’inauguration de la gare98 Ces différents services ont été pensés en synergie, dans un projet d’aménagement global, pour venir répondre aux multiples enjeux de ce lieu et lui redonner une place de centralité, dans son quartier futur, dans la ville et sur la ligne. Cet aménagement global et l’apport de services permettent ainsi d’augmenter l’attractivité du quartier de la gare et son inscription dans la commune, tout en répondant aux besoins des usagers du train mais également des habitants. Dans le cadre de cette synergie d’équipements publics et de services aux usagers, tournés à la fois vers la gare et vers la ville, un projet de micro-crèche a été étudié pour l’aile ouest du bâtiment, aujourd’hui inoccupée. Celle-ci devait offrir quelques berceaux, sur le principe de la crèche en gare de Roanne99, et permettre aux usagers du train de déposer leurs enfants sans détour, tout en créant un service public manquant sur la commune. Pour autant, le projet a été abandonné à cause des difficultés pour les différents partenaires (SNCF-Gares & Connexions, SNCF-Proximité, la commune, la région, la CAF, la communauté 98 Dossier de presse pour l’inauguration de la gare de Saint-Chamond, op. cit. 99 Projet présenté dans le chapitre II - 75 - Chapitre III d’agglomération) à trouver un accord sur le portage et la répartition des financements. Faute d’accord et de financements suffisants de la part de SNCF-Gares & Connexions, l’aile ouest de la gare a été laissée de côté et n’est toujours pas rénovée, ni utilisée à l’heure actuelle. Toutefois, lors de notre rencontre avec les services techniques de la mairie, ceux-ci ont fait état d’un nouveau lancement du projet de crèche dans cette aile, pour lequel les réflexions avec la SNCF redémarrent. Pour ce projet de réhabilitation, la municipalité est donc sans prise directe les actions menées (excepté un soutien financier aux services publics de type PIMMS ou gare) mais reste porteuse d’un projet global et d’une volonté de développement futur pour le quartier. Elle a donc été en charge d’un travail de coordination des différentes actions pour qu’elles s’intègrent dans sa réflexion globale autour ce quartier. Elle s’est attachée à faire le lien entre les différents acteurs, à mettre en place des espaces d’échanges d’informations et de réflexions communes entre les différents acteurs et à faire intervenir des experts extérieurs comme l’agence d’urbanisme de Saint-Etienne, afin d’apporter de la cohérence à la réalisation finale et de faciliter son intégration au projet de territoire. Premier retour d’expérience : un équilibre économique précaire Comme pour Vinay, le commerçant exprime une véritable difficulté à trouver un équilibre économique à son activité. S’il est, installé au cœur d’une gare plus importante et plus passante que celle de Vinay, il exprime toutefois la même difficulté à toucher les usagers du train. « Les gens qui prennent le train ne consomment pas, parfois un petit café par-ci, par-là, mais dans l’ensemble ils passent juste pour traverser la gare » Commerçant en gare de Saint-Chamond Il exprime sa difficulté à se dégager un salaire et même à maintenir son activité à flot, compte tenu du peu de consommation de la part des voyageurs. Il a ainsi été obligé de demander des reports de loyer à SNCF-Gares & Connexions. De la même façon que pour la commerçante de Vinay, il cherche aujourd’hui à s’ouvrir vers l’extérieur de la gare pour toucher une clientèle plus importante, mais se trouve confronté à un quartier, pour l’instant, encore en attente de rénovation, qui accueille encore peu d’actifs et est peu attractif. « Moi ma clientèle c’est surtout les gens de passage occasionnel, quelques habitués, et puis les taxis aussi, ils en profitent pour faire un pause ici » Commerçant en gare de Saint-Chamond Il compte donc sur le développement futur du quartier, et notamment sur la construction de bureaux pour attirer un nouveau public et se créer une véritable place de « café/brasserie du quartier » et non de « buffet de la gare » - 76 - Chapitre III « Y’a aussi des gens de l’extérieur, qui bosse dans le coin qui viennent parfois manger là ou prendre un café… Et puis ils vont construire un nouveau bâtiment là, avec des bureaux…» Commerçant en gare de Saint-Chamond On constate également que les services demandés pour la labellisation et le référencement en tant que « point TER » sont effectivement assurés et clairement affichés. Le commerçant touche ici une rémunération en échange de ces services gratuits aux usagers. Ces services (Wi-Fi, prêt de parapluies, appels d’urgence ou appels à un taxi gratuits, petites annonces) sont beaucoup utilisés par les usagers. « Ah oui les services ils sont demandés, y’a souvent des gens qui me demandent d’appeler un taxi ou de charger leur téléphone. Vous avez vu tout à l’heure la dame ? Elle est venue me porter un affiche pour le panneau d’annonces » Commerçant en gare de Saint-Chamond Toutefois, si cette rémunération est effectivement un complément intéressant pour le commerçant, elle ne lui permet pas de se maintenir économiquement et vient remettre en question l’existence même de ces services qui pourraient disparaître si le commerçant cessait son activité. Concernant le PIMMS, il nous a été difficile de savoir s’il était utilisé par les voyageurs, mais le directeur a plutôt fait allusion à un service tourné en priorité vers les habitants en difficulté et non vers les usagers du train. Le lien avec la gare se fait alors plus par l’action des médiateurs en place sur les quais et dans le hall d’attente. Le gestionnaire de « Gare à l’appétit » ne fait toutefois pas état d’une clientèle qui viendrait du PIMMS. Ce manque de lien avec la gare et ses usagers, peut notamment s’expliquer par l’organisation spatiale du bâtiment voyageurs. En effet, le PIMMS se situe à l’extrémité du bâtiment voyageurs et dispose d’une entrée séparée sans lien avec la gare en ellemême, le hall, son « point TER » et son guichet. 16 - Positionnement des activités dans le bâtiment voyageurs (source de la photo - Google maps) - 77 - Chapitre III Les deux sites étudiés, Vinay et Saint-Chamond, sont donc extrêmement différents, que ce soit par la taille des communes, les offres proposées, la fréquentation des gares concernées, mais également par le mode d’action. Dans le premier cas, il s’agit d’un portage et d’un financement par la municipalité, accompagnée de la région, dans l’autre, c’est SNCF-Gares & Connexions qui reste propriétaire du bâtiment et le portage se fait à une échelle plus large (Communauté d’agglomération, union nationale des PIMMS, etc.), coordonné par la municipalité et le conseil régional. Pour autant, les deux retours d’expérience montre l’intégration d’un projet de gare dans un contexte global de développement ou de renouvellement urbain du quartier de la gare et une difficulté à trouver un équilibre économique pour les commerçants implantés en gare. - 78 - Chapitre III - 79 - Chapitre IV Du discours stratégique aux projets locaux : l’épreuve des territoires - 80 - Chapitre IV En mettant en parallèle le discours national en faveur du développement du TER et des quartiers de gare avec la politique portée en Rhône-Alpes par le conseil régional et par les directions territoriales de SNCF-Gares & Connexions et SNCF-Proximités et avec la réalité des commerces et services dans les gares rhônalpines, on observe un véritable décalage. Si la question de l’articulation urbanisme-transport et d’un urbanisme tourné vers le rail semble aujourd’hui faire consensus, elle a de réelles difficultés à se mettre en place et plus encore à se pérenniser dans le temps. Le chapitre 2 a permis de commencer à expliquer les difficultés opérationnelles auxquelles se heurtent les politiques pourtant volontaristes des régions. On a pu constater le nombre très important d’acteurs participant aux projets et la difficulté à les coordonner, notamment sur la répartition des financements. Ces difficultés, auxquelles s’ajoute le morcellement du foncier sur les espaces des gares, peuvent conduire à l’abandon des projets. Après avoir étudié deux projets aboutis et analysé leur fonctionnement, cette dernière partie vise à tirer des enseignements plus globaux et à recontextualiser les politiques régionales et nationales. - 81 - Chapitre IV 1. La nécessité des collectivités locales de prendre le relais de la SNCF Face au désengagement de la SNCF sur les gares périurbaines100, le premier bilan qu’on peut tirer, de notre étude, est la reprise en main de leur gestion et de leur devenir par les collectivités locales. En effet, sur certaines gares, le coût de l’entretien d’un bâtiment voyageurs ou du maintien d’un guichet étant jugé trop élevé par la SNCF, elle assure son obligation de service public auprès des clients par un service réduit au strict minimum101. Les collectivités prennent ainsi le relais de la SNCF, pour assurer un service public, qu’elles considèrent comme nécessaire en gare et dont la SNCF s’est désengagée102. Dans les discours locaux, comme dans les projets réalisés étudiés, on constate l’importante place des collectivités, comme porteurs et financeurs principaux des projets de réhabilitation de bâtiments voyageurs et d’implantation de commerces et services en leur sein. La région, moteur d’une reprise en main des gares par les collectivités locales. Le conseil régional, en tant qu’autorité organisatrice des transports ferroviaires régionaux, est un des moteurs de la reprise de la gestion des gares par les collectivités locales, là où la SNCF ferme les bâtiments voyageurs. Comme nous l’avons évoqué, la région a porté des aides financières pour l’aménagement des abords des gares, en faveur des collectivités. Le conseil régional accompagne les collectivités afin qu’elles relaient la SNCF sur la gestion des gares TER, par ses incitations financières à la rénovation. Il a également été un moteur de l’amélioration du confort des usagers en gares TER et du service qui leur est offert, par sa politique de mise en place d’un service de base amélioré, qu’il a commandé auprès de SNCF-Gares & Connexions, avec la mise en place de l’affichage dynamique ou l’installation de consignes à vélo par exemple. Pour la mise en place de commerces et de services, même s’inscrivant dans des politiques nationales de TER comme les « points TER », pourtant normalement labellisés et rémunérés, le désengagement de la SNCF apparaît également. Les « points TER » ne sont pas toujours suivis, comme c’est le cas à Vinay par exemple, et l’appel à projets lancé en 2009 sur 14 gares n’a pas abouti partout et n’a pas été renouvelé depuis. Alors que le conseil régional n’était que partenaire dans ce premier appel à projets de 2009, il semble aujourd’hui réfléchir seul à la pérennité de ces dispositifs 100 Se référer au chapitre II 101 Accès au quai, communication des horaires par affichage papier, etc. 102 Espace d’attente fermé, présence humaine, etc. - 82 - Chapitre IV et aux opportunités de les dupliquer en tirant les enseignements nécessaires des projets déjà existants103. Le conseil régional réagit également face à la politique de SNCF-Gares & Connexions de vendre les bâtiments voyageurs fermés, car coûteux, sans regarder qui est l’acheteur et quel est le projet. En effet, le conseil régional n’est pas favorable à ce que ce patrimoine passe dans les mains de propriétaires privés et sorte ainsi du giron de la puissance publique. « On a vu des bâtiments voyageurs vendus à des privés qui sont très bien entretenus, mais d’autres qui sont complètements laissés à l’abandon, de vraies verrues » Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes Dans cette optique, il favorise les rachats de ces bâtiments voyageurs par les collectivités, afin qu’ils soient rénovés et entretenus par des acteurs publics. Pour l’unité « gares » de la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes, dans le contexte actuel de restriction budgétaire, les communes et intercommunalités doivent être un véritable partenaire de la remise en état des bâtiments « voyageurs », mais aussi du développement du TER. « Il n’est plus question aujourd’hui de financier des rénovations d’abords de gares sans demander une contrepartie aux communes ! » Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes Pour le conseil régional, cette contrepartie doit prendre la forme d’une appropriation des bâtiments voyageurs abandonnés et de l’installation, à l’intérieur de ceux-ci, de services publics ou de services aux usagers permettant d’éviter de réhabiliter les abords d’un bâtiment vide. Il souhaite s’engager sur des projets, portés localement par les communes et les intercommunalités, qui participeraient à la création de centralité autour des gares mais aussi au remplissage de ses trains, sur des lignes parfois difficiles à maintenir économiquement. Les communes et intercommunalités : des acteurs essentiels Les communes et intercommunalités sont les partenaires privilégiés de la région pour prendre la suite de la SNCF. Lorsque les bâtiments voyageurs sont à vendre, elles ont la possibilité de réinvestir ces lieux, avec le concours financier du conseil régional. Elles sont également compétentes pour mener les travaux de voirie pour l’accès à la gare, créer des parkings relais ou installer des points de location vélos, par exemple. 103 Etude menée par un stagiaire de la direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes, dans le cadre de la préparation de la nouvelle convention SNCF/Conseil Régional - 83 - Chapitre IV Plus encore, ce sont elles qui mènent les réflexions sur le développement urbain de leur territoire, dans le cadre des PLU/PLU intercommunaux ou de leur participation aux SCoTs. A ce titre, elles sont donc les acteurs opérationnels privilégiés de la réhabilitation des gares et de leur quartier. Par leur volonté de rénover ces quartiers et d’en faire de véritables lieux de vie, elles sont des appuis précieux au conseil régional pour l’implantation de commerces et de services. Aujourd’hui, les projets de réhabilitation de gares, mais également d’implantation de services, ne peuvent se faire sans la participation des communes et intercommunalités, appuyées, bien souvent par les régions. A Vinay par exemple, où le bâtiment gare appartient à la commune, le conseil régional a été un partenaire privilégié par son apport technique et financier. Le projet de SaintChamond, quant à lui, a été initié par le conseil régional dans le cadre du CPER sur un bâtiment propriété de SNCF-Gares & Connexions, et n’aurait pu aboutir sans la participation active et l’investissement de la municipalité, notamment sur la coordination avec les projets alentours et la création du PIMMS. Comme l’expliquent Juliette Maulat et Arnaud Passalacquales, les collectivités locales sont donc aujourd’hui les acteurs majeurs du ferroviaire : « Communes et intercommunalités tendent aussi à prendre plus de poids dans les politiques ferroviaires. Leur contribution financière à l’intermodalité et aux projets de gare, et leurs compétences en matière de transports urbains et d’urbanisme en font des partenaires devenus incontournables.»104 . Une substitution pertinente ? Malgré tout, le transfert ou la réappropriation de ces enjeux de « service public ferroviaire », par les collectivités locales et notamment les communes et les intercommunalités interroge. Ce transfert, questionne d’abord les usagers du train et leurs associations. Pour la FNAUT, il n’est absolument pas normal que ce soit aux collectivités, de payer pour un service correct destiné aux usagers du train et normalement du ressort de la SNCF. « Ce n’est pas aux collectivités de s’occuper des gares mais à la SNCF, ce sont ses gares, Il faut arrêter de faire cracher les collectivités au bassinet pour un service de la SNCF ! A ça ils sont très forts pour aller chercher l’argent ailleurs, c’est une entreprise de transport public ou pas ?! » Représentant régional de la FNAUT Nous pouvons également pointer deux difficultés opérationnelles. La première est la multiplication du nombre d’acteurs. L’implication et les financements des collectivités locales, permettent aujourd’hui à des projets de rénovation de bâtiments « voyageurs » fermés et d’implantation de services en gare de voir le jour. Cependant, l’implication de ces acteurs et l’apport 104 MAULAT Juliette et PASSALAQUA Arnaud « Les collectivités locales prises dans la nouvelle «bataille du rail» », 2014 ; http://www.metropolitiques.eu; consulté en juin 2014. - 84 - Chapitre IV de leurs financements, s’ils permettent aujourd’hui de voir les gares et leurs abords se rénover, participent également à l’augmentation du nombre d’acteurs à l’œuvre dans ce type de projet et vient augmenter encore la complexité de leur mise en œuvre. Ensuite, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, qu’il s’agisse de l’Etat ou des collectivités locales, ce « transfert de compétences », pose des questions de pérennité. En effet, le conseil régional Rhône-Alpes agit aujourd’hui en parallèle de sa politique de transport ferroviaire, pour en améliorer l’image et offrir un confort supplémentaire à ses usagers, mais sans que cela ne soit strictement de sa compétence105, et on peut penser que les communes n’ont et n’auront pas toujours les moyens d’investir lourdement en rachetant les bâtiments voyageurs. Cette substitution des collectivités locales à la SNCF, et en premier lieu de la région, permettent donc l’aboutissement de projets dans les gares TER périurbaines et le maintien de ces espaces dans le giron de la puissance publique. Cependant, il s’agit pour l’instant de projets portés au cas par cas, sans stratégie globale et qui posent la question de la pérennité de ces espaces et de la systématisation de ce transfert dans un contexte de réduction des dépenses publiques. 105 Par exemple pour l’aide financière à l’achat de la halle marchandises RFF en faveur de la municipalité de Vinay - 85 - Chapitre IV 2. Lutter contre la déqualification des gares et de leur quartier Le second constat de cette étude montre que, contrairement aux arguments pouvant être avancés dans les discours généraux, les projets de réhabilitation de gares et d’implantation de commerces et services dans le bâtiment voyageurs semblent plus souvent inscrits dans un projet de développement local et urbain, plus large qu’un seul projet de développement du transport. Cela signifie que, pour les porteurs de projets, il s’agit souvent de requalifier un espace de la commune ou de la ligne en désuétude, que ce soit le quartier ou la gare en elle-même. Il s’agit d’abord de favoriser une réappropriation des lieux du transport par les habitants de la commune et les voyageurs. La réappropriation de l’espace de la gare par les usagers Comme nous l’avons déjà évoqué, les gares périurbaines se trouvent souvent dans des secteurs auxquels l’urbanisation a tourné le dos, et donc, dans des quartiers peu aménagés et peu fréquentés. Si les enjeux de l’urbanisme mettent clairement aujourd’hui le doigt sur la nécessité de rénover les quartiers de gares et d’en faire les lieux du développement urbain à venir, se sont souvent aujourd’hui des espaces peu urbanisés, voire déqualifiés, en attente d’une reconversion urbaine. L’articulation urbanisme-transport passe donc, non seulement par une offre de transports adaptée mais aussi par des opérations d’aménagement urbain : il s’agit de permettre aux usagers de se réapproprier l’espace de la gare et ses abords. A Vinay, le projet s’est inscrit dans une volonté claire de la municipalité de travailler à la rénovation d’un quartier ayant vocation à accueillir le développement urbain futur de la commune. La rénovation du bâtiment « voyageurs » et le choix d’implanter des commerces, à l’intérieur et à proximité, viennent de la volonté de créer un cœur à ce nouveau quartier, de lui redonner vie et de faciliter ainsi son développement futur. Il s’agit de participer au développement d’une centralité dans un espace destiné à devenir une extension du bourg. A Saint-Chamond, les enjeux territoriaux sont différents. Si le quartier de la gare a également vocation à être un espace de croissance urbaine, l’enjeu de la rénovation de la gare se situait plutôt dans la réappropriation du bâtiment voyageurs en lui-même qui était soumis à des usages non souhaités. Il s’agissait de rendre la gare aux usagers du train, mais aussi aux habitants de la commune, de la réintégrer dans la ville. Si les contextes sont toujours différents, on constate toutefois que les deux projets de réhabilitation de gare TER avec implantation de commerces et services étudiés, cherchent à répondre à des enjeux plus larges que ceux du train. Il s’agit d’un élément dans un projet urbain, souvent tourné vers la requalification et la revitalisation du quartier de gare dans son ensemble. - 86 - Chapitre IV Les commerces et services : assurer une présence humaine Dans ce but de réappropriation de l’espace et de revitalisation des quartiers de gares, les commerces et services pouvant être implantés dans les gares ont alors des rôles importants à jouer, par la présence et l’animation qu’ils apportent. Dans un premier temps, ils relancent une activité dans un quartier souvent désaffecté et le font vivre grâce à sa clientèle. C’est par exemple le cas des clients de la « halle fermière » de Vinay ou des ouvriers qui viennent se restaurer chez Gourmand’Nine. L’idée est la même pour l’implantation du PIMMS de Saint-Chamond qui fait venir les habitants dans le quartier de la gare, mais également pour celui de la crèche de Roanne, de la « maison des services » de Notre-Dame de Briançon ou encore de l’office de tourisme du Bois d’Oingt-Légny. Tous ces commerces et services, s’ils ne sont pas forcément destinés à être utilisés par les voyageurs, ont pris place dans les gares ou à leur proximité et participent ainsi à l’animation des quartiers de gare. Ils permettent également d’apporter de la vie sur les sites des gares qui peuvent se déqualifier très vite, lorsqu’il n’y a plus de présence humaine, que le bâtiment « voyageurs » soit ouvert ou non. A Saint-Chamond, la mise en place des médiateurs du PIMMS a été un élément fort, avec la réhabilitation, du retour du bâtiment « voyageurs » à des usages « normaux ». La présence des commerçants contribue à sécuriser l’espace pour les usagers, et aide à mettre fin aux usages non désirés. Elle répond au besoin de sécurité et d’apaisement des voyageurs et apporte de la « chaleur humaine » dans un lieu de passage, froid et impersonnel. Plus que le service aux usagers, les commerces implantés dans les gares TER périurbaines sont des vecteurs de vie et d’animation et permettent de revaloriser l’image de ces lieux par leur simple présence. Une gare attractive, vecteur de report modal ? Les quelques retours d’expériences montrent que la création d’une gare plus attractive n’est pas forcément un facteur d’augmentation de la fréquentation. A Saint-Chamond comme à Vinay, les chiffres se maintiennent sur une tendance déjà existante de croissance du nombre de voyageurs mais sans bond de celui-ci106. S’il est difficile de tirer des enseignements généraux des deux exemples étudiés, la rénovation d’un bâtiment voyageurs ne semble donc pas être un facteur suffisant pour permettre de développement du TER. Toutefois, les services en gare contribuent à requalifier l’image de la gare et du train et à apporter plus de confort et de sécurité aux usagers. Il est donc essentiel que la gare soit un espace accessible mais également attractif, ou au minimum qui ne repousse pas les usagers à se diriger vers le train. 106 Comptages SNCF pour la direction des transports de la région Rhône-Alpes, 2012 - 87 - Chapitre IV 3. Le service aux voyageurs une utopie ? Cette étude permet également de se pencher sur la viabilité de ces commerces et services implantés dans les gares. Les voyageurs périurbains, de faibles consommateurs Les commerçants rencontrés nous en ont fait part, la direction régionale de SNCF-Gares & Connexions et la direction des transports du conseil régional l’ont également évoqué, les usagers quotidiens pendulaires du train ne sont pas de « grands consommateurs ». Leurs déplacements sont routiniers et orchestrés de façon précise, ils arrivent à la gare peu de temps avant le départ du train. Contrairement aux zones urbaines, leurs déplacements pour se rendre à la gare ou rentrer à leur domicile se faisant souvent en voiture, on peut faire l’hypothèse qu’ils ont sur leur trajet ou à proximité, un choix déjà étendu de commerces ou de services. Faire un arrêt supplémentaire ou un petit détour ne serait alors pas une véritable contrainte et ne les amènerait pas à se tourner vers les services ou commerces en gare afin de les éviter. Malgré tout, les enquêtes107 auprès des usagers des transports font écho d’un attrait des voyageurs pour l’implantation de commerces ou services dans leur gare. On remarque, de plus, que les services gratuits, qu’il s’agisse des toilettes de l’espace d’attente à Vinay ou des services points TER proposés par « Gare à l’appétit », sont bien utilisés et que la présence d’un personne dans la gare est appréciée. « Les gens ne prennent plus leur parapluie, ils savent que j’en prête, ils les utilisent » Commerçant en gare de Saint-Chamond Les services viennent donc répondre à une demande des usagers même si la consommation des services marchands reste limitée au regard du potentiel de clientèle. La nécessité de s’intégrer à un tissu commercial global Afin de faire face à l’absence de clientèle suffisante de voyageurs pendulaires, les commerces doivent alors êtres tournés vers la ville et chercher à s’intégrer à un tissu commercial plus global. Ils doivent proposer une offre qui n’existe pas encore sur la commune et le secteur, et non se positionner comme un commerce ou service à destination unique des voyageurs. Même pour les gares « importantes » de la région, celle de Saint-Chamond en faisant partie, on constate rapidement que la seule clientèle du train ne peut suffire à maintenir le commerce à flot. 107 Sondage CSA effectué pour SNCF-Gares & Connexions 2014, (op. cit.), et enquête de la région Alsace « Revitaliser les gares et favoriser leur accessibilité en mobilité alternative » (2014, op. cit.) présentés dans le chapitre II, partie 2 - 88 - Chapitre IV La commerçante de Vinay explique notamment que c’est bien la restauration du midi qui lui permet de maintenir son activité et non les quelques cafés vendus le matin aux voyageurs. Et cette restauration rapide du midi, si elle fonctionne, c’est parce que la commerçante est la seule à offrir ce type de repas chaud, à un prix raisonnable et dans un endroit abrité sur le secteur. De la même façon, le café de Saint-Chamond se positionne comme le seul café du secteur, dans un espace aujourd’hui en difficulté, mais destiné à être réhabilité. Dans cette optique d’intégration à l’offre commerciale communale, la gare dispose d’un atout indéniable pour faire vivre ses commerces en dehors, des usagers du train, elle dispose d’un parking permettant aux consommateurs d’accéder aux commerces par la route et non par le rail ! « Les gens viennent en voiture, ils se garent sur le parking, c’est pratique. » Gestionnaire de la halle fermière La localisation de la gare est également un facteur déterminant à son intégration à l’offre existante. Dans les communes où les gares sont implantées dans des espaces périphériques, la question de la concurrence à la centralité existante du bourg, doit être également étudiée et envisagée pour permettre au commerce d’exister. Si la gare doit devenir une centralité commerciale, elle ne doit pas l’être au détriment de l’offre existante pour permettre un développement local harmonieux et complémentaire. A Vienne, par exemple, le café/snack de la gare, labellisé « point TER » a du mal à trouver une véritable clientèle mais la gare se trouve en plein centre-ville et est entourée de nombreux commerces (tabacs, cafés) lui créant ainsi une concurrence directe. Il en est de même pour les implantations de services, ceux -ci ne doivent pas cibler uniquement les voyageurs mais aussi les habitants dans leur ensemble et être tournés vers le projet de développement urbain à venir autour de la gare et non vers la gare elle-même. Ils doivent également apporter un complément et un relais à l’offre existante sur le territoire. Quelle pérennité économique pour ce modèle ? Compte tenu de ces difficultés, pour les commerces et services implantés en gare, à se faire une véritable clientèle et sachant qu’ils ne peuvent compter sur l’apport des voyageurs, la question de la pérennité de ces commerces doit donc être envisagée et étudiée dans le détail, même si, pour les services publics (crèche, PIMMS), ces contraintes n’appliquent pas dans les mêmes mesures. Dans un premier temps, la gare peut donc être un support d’activités, si elle est tournée vers le quartier mais également si le commerce est aidé financièrement. Que ce soit pour Saint-Chamond ou Vinay, on constate une véritable difficulté des commerçants à faire face aux charges et notamment aux loyers. Pourtant ces loyers restent relativement faibles, la municipalité et SNCF-Gares & Connexions ne souhaitant aider le commerçant à maintenir sa présence en ces lieux. - 89 - Chapitre IV « On ne cherche pas à les assommer les commerçants, les loyers ne sont pas là pour les couler » Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est SNCF Gares & Connexions Il parait donc nécessaire que le commerçant soit aidé, au moins au moment du lancement du projet par un loyer modique, au regard du service et de l’animation du lieu qu’il offre aux usagers permettant de faire de la gare une nouvelle centralité. Il pourrait également être utile que la politique de SNCF-Proximités sur la gestion des « points TER » soit clarifiée : que le service soit réellement assuré et affiché, mais en échange d’une rémunération pour les commerçants. Cela leur attribuant ainsi un complément de salaire qui viendrait également prendre en considération la plus-value qu’ils apportent à la gare, en dehors de leur commerce. L’animation du réseau des « points TER » semble aussi une opportunité à envisager pour permettre aux commerçants, dès leur installation, de partager leurs expériences, cibler leur clientèle, et construire en regard une offre pertinente. Si aujourd’hui, il n’existe pas d’animation et de partage de retours d’expérience de ce type, de façon institutionnelle, elle prend toutefois forme de façon informelle. La commerçante de Vinay explique ainsi qu’elle est allée voir le « point TER » de la gare de Vienne, avec la municipalité, avant son installation pour savoir comment cela fonctionnait et qu’elle a également échangé avec la commerçante qui vient de reprendre le café situé en face de la gare de Saint-Marcellin. « Elle est venue me voir pour voir comment ça s’était passé ici, pour qu’on discute un peu » Commerçante en gare de Vinay Enfin lorsque le commerce est dans le bâtiment voyageurs, son aménagement doit être pensé de façon globale : les différents espaces et leurs usages doivent être définis et facilement identifiables pour permettre l’installation du commerce, tout en offrant aux usagers les services désirés. Dans cette étude, l’exemple de l’espace d’attente de la gare de Vinay montre bien la difficulté à répondre à la fois aux attentes du gestionnaire, du commerçant et des usagers, lorsque la répartition de l’espace n’est pas bien définie. Les accès doivent également être pensés afin de favoriser une synergie du projet dans sa globalité et faire fonctionner ensemble les différents services et commerces, présents sur un site. A Saint-Chamond, si le commerçant parle de très bonnes relations avec les agents du PIMMS, ils occupent toutefois deux espaces bien distincts, le PIMMS disposant d’un accès extérieur direct et n’étant donc pas réellement intégré au « pôle gare ». Enfin, le fonctionnement d’un commerce tourné vers le quartier dans son ensemble, implique que son implantation soit également en adéquation avec le projet urbain entourant la gare. En effet, à Vinay comme à Saint-Chamond, les commerces ont été installés en parallèle de la rénovation du bâtiment gare, puisqu’ils étaient principalement destinés aux voyageurs et devaient amener vie et - 90 - Chapitre IV apaisement dans cet espace de passage. Si ce choix s’explique, il se traduit aujourd’hui par des commerces situés dans des zones en attente de réhabilitation, et peu fréquentées en dehors des heures de pointe, où il leur est donc particulièrement difficile de se maintenir économiquement. Les usagers du train considèrent que la présence de commerces et services en gare leur apporte un véritable plus, mais les commerçants expriment cependant une difficulté à trouver un équilibre financier avec cette clientèle. Pour cela, ils doivent donc se tourner vers le quartier qui les entoure et s’intégrer au tissu commercial de la commune afin de devenir une offre particulière, à part entière et portée par les aménagements réalisés aux abords de la gare. - 91 - Chapitre IV 4. La difficile définition d’une politique unique pour des gares périurbaines diverses Enfin, cette étude nous permet de montrer la difficulté, voire l’impossibilité à mettre en place une politique, unique, déclinable sur l’ensemble des gares périurbaines. Les gares périurbaines, des objets et des environnements divers Si une homogénéisation de politique est déjà difficile à mettre en œuvre pour la SNCF sur les 220 gares d’intérêt national, dites « gares de catégories A » du réseau, il semble évident qu’une unique politique systématique de déploiement de commerces et de services n’est pas envisageable sur les 3 380 gares françaises restantes. En effet, les gares périurbaines sont des objets très divers, de par leur nature et leur environnement. Comme l’expliquent les parties précédentes, le contexte local est un facteur majeur de l’implantation de commerces et de services dans celles-ci, que ce soit par la place grandissante que prennent les collectivités territoriales dans le processus de réhabilitation des bâtiments « voyageurs », par le projet territorial global dont découle celui de la gare ou par la nécessité, pour les services implantés, à se tourner vers la ville et pas seulement vers le train pour fonctionner. Parce que les territoires sont différents, à l’échelle de la commune, du bassin de vie ou de la ligne TER qui dessert la gare, et parce que les projets ne peuvent pas fonctionner sans lien avec le territoire, la prise en compte du contexte local est essentielle. L’enquête de la région Alsace108 montre par exemple de très importantes disparités sur les attentes de voyageurs. Si, dans l’ensemble, ils sont favorables à l’implantation de commerces et services dans les gares TER périurbaines d’où ils viennent, les divergences sont fortement marquées quand on évoque le type de services qui répondrait à leurs besoins. Par exemple, 68% des enquêtés se déclarent favorables à la distribution de paniers fraîcheurs dans la gare d’Herrlisheim, alors qu’ils ne sont que 45% en gare de Molsheim où ils plébiscitent plutôt l’implantation d’un commerce de petite restauration ou d’un boulangerie (69% contre 58% à Herrlisheim) L’implantation territoriale du service ou du commerce et son inscription dans un contexte commercial et serviciel local influent donc énormément sur les attentes des voyageurs et sur l’usage qu’ils en feront ensuite. La place de la gare dans la ville et son accessibilité sont également d’importants facteurs à prendre en compte. Les gares, en elles-mêmes, sont également extrêmement différentes, en termes de taille du bâtiment voyageurs, d’aménagement, d’espace disponible ou encore de fréquentation. 108 Région Alsace, « La politique d’aménagement des gares de la région Alsace Mode d’emploi », 2014 (en cours) - 92 - Chapitre IV Tous les bâtiments voyageurs n’offrent pas les mêmes opportunités d’installation d’un commerce ou d’un service. Une volonté de créer des outils pour faciliter le déploiement des commerces et services La nécessaire contextualisation des projets rend donc impossible l’application d’une unique politique globale sur l’ensemble des gares TER ou même des gares périurbaines. Pourtant, le conseil régional explique sa difficulté à gérer aujourd’hui les projets de ses 260 gares au cas par cas, de la même façon qu’SNCF-Gares & Connexions. Cette gestion ne leur permet pas, aujourd’hui, d’avoir une vision globale des gares périurbaines TER de la région et une politique cohérente. Le conseil régional exprime donc sa volonté de passer à un processus « semi-industriel », afin de développer des réponses plus générales aux projets d’implantation de commerces et services en gare, et d’en faciliter les procédures. Dans cette optique, la région est en cours de réalisation d’une typologie de gares, prenant en compte le niveau de service qu’il est pertinent d’y assurer, compte tenu de leur fréquentation, mais également de leur contexte territorial. Elle cherche aussi à identifier les différents leviers opérationnels dont elle dispose pour inciter et soutenir la création de commerces et services dans les gares de son réseau TER, dans le but d’inscrire les plus pertinents dans la prochaine convention qu’elle signera avec SNCF-Gares & Connexions sur l’utilisation des gares. Par cet accord, le conseil régional souhaite également réinvestir SNCF de ces questions. De la même façon, la direction de l’exploitation de SNCF-Gares &Connexions a entrepris un recensement de ces espaces disponibles en gare afin d’identifier le patrimoine qu’elle peut vendre ou louer et proposer une réponse cohérente et adaptée aux projets pouvant lui être proposés. La simplification de ces procédures se traduit également par un accord passé entre SNCF/RFF et l’association des maires de France109, afin de garantir plus de clarté sur les démarches à mettre en œuvre pour implanter un projet en gare et sur les attentes et les contraintes de la SNCF à respecter dans ces lieux. Si l’implantation locale dans les projets est un facteur essentiel au bon fonctionnement des projets et qu’elle s’oppose à une politique systématique, une stratégie est aujourd’hui en cours d’élaboration par les acteurs institutionnels du ferroviaire, aux niveaux régional et national. Elle 109 Charte « Construire ensemble la gare durable de demain et son quartier dans la ville », avril 2012 ; http://www.rff.fr/IMG/pdf/charte-durable-GC_AMF_RFF-avril2012.pdf ; consulté en juin 2012 - 93 - Chapitre IV passe par la définition d’outils et d’objectifs clairs, éléments d’une politique cohérente mais adaptée aux différentes réalités du terrain. Ces politiques sont aujourd’hui en cours de développement, elles se basent sur des retours d’expérience récents comme ceux présentés dans cette étude. L’enjeu est notamment de simplifier les procédures d’accès aux gares pour les commerçants, des difficultés de procédure et des durées d’instruction importantes de la part de la SNCF étant constatées. Mais il s’agit aussi de soutenir des projets pérennes économiquement, afin d’éviter la déconvenue du « Buffet de la gare » de Saint-Gervais en Haute-Savoie qui a été approuvé par SNCFGares & Connexions, soutenu financièrement par le conseil régional, mais qui a fermé ses portes après 6 mois d’exploitation du fait de difficultés financières. Une des difficultés majeures évoquées par les acteurs, est donc la complexité à faire atterrir sur le terrain, des réflexions globales et théoriques à une échelle plus large. Cette politique générale ne peut donc se développer sans contextualisation, pour correspondre aux enjeux locaux, aux attentes des usagers, mais aussi à la réalité et la complexité opérationnelle du terrain. Si le débat est aujourd’hui plutôt consensuel et que l’on se trouve face à un véritable engouement pour le développement des commerces et services dans les gares périurbaines, l’étude montre une certaine déconnexion entre les discours généraux et les conditions de mise en œuvre réelles des projets. Si les premiers évoquent les enjeux majeurs de transport et de services aux usagers du train, dans la réalité, les projets se montent pour répondre à un besoin de développement local et urbain et doivent coïncider avec les attentes des usagers et des habitants. - 94 - Chapitre IV - 95 - Conclusion Cette étude a mis en évidence les dynamiques multiples dont les gares périurbaines font l’objet. La question de l’implantation de commerces ou de services dans ces gares interroge des politiques qui dépassent celles des transports et des déplacements. Elle touche également les politiques de l’aménagement, mais aussi du développement économique local et pose des questions administratives, juridiques ou encore financières complexes. Nous avons, dans un premier temps, présenté les enjeux nationaux, de déplacements mais également d’aménagement qui font, des politiques de développement des transports en commun, et notamment du TER dans les espaces périurbains des villes-centre, des questions majeures. Ces enjeux font des gares des points centraux dans le processus de valorisation des transports en commun, mais également de lutte contre l’étalement urbain. L’exemple des gares majeures du réseau ferré français, où se sont peu à peu implantés des commerces, jusqu’à devenir de véritables centres commerciaux, fait naître des nouvelles perspectives de développement pour les gares périurbaines. Cette idée de décliner l’implantation des commerces et services dans des gares moins importantes semble aujourd’hui faire son chemin et est reprise par les acteurs du ferroviaire comme par ceux des collectivités. Les régions notamment, ainsi que la SNCF, lancent des réflexions et des expérimentations sur ce thème. Dans un second temps, l’étude s’est penchée sur l’exemple de la région Rhône-Alpes et sur la façon dont cette réflexion se met en œuvre sur son territoire. On constate que le conseil régional, en tant qu’autorité organisatrice du transport express régional, est aujourd’hui moteur du développement des commerces et des services en gare, après avoir effectué d’importantes améliorations sur la desserte ferroviaire, la rénovation des gares et de leurs abords, et l’information aux voyageurs. Toutefois, quand on regarde la réalité du terrain, ces services et commerces sont aujourd’hui très peu implantés dans la région et les usagers, s’ils expriment leur intérêt, ne font pas des commerces et services en gare une priorité. Le faible nombre de projets réalisés, peut s’expliquer par la gestion complexe des gares, partagée entre un nombre important d’acteurs, avec une répartition des compétences et du foncier peu claire. A cela vient s’ajouter les objectifs et les enjeux propres à chaque acteur, pour le développement des commerces et services dont un désengagement de la SNCF sur les bâtiments voyageurs des petites gares périurbaines. Dans une troisième partie, l’étude des exemples de la gare de Vinay (38) et de Saint-Chamond (42) a mis en parallèle deux projets bien différents pour comprendre comment peuvent être mises en œuvre ces politiques sur le terrain. Dans le cas Vinay, c’est la municipalité, accompagnée de la région, qui a mis en place le projet et l’a financé. Il vient s’inscrire dans un projet plus global de développement urbain tourné vers le quartier de la gare, dans le cadre de la mise en œuvre du PLU - 96 - Conclusion de la commune. A Saint-Chamond, c’est SNCF-Gares & Connexions qui est propriétaire du bâtiment. Le projet correspond à un ensemble d’actions menées par des partenaires différents (municipalité, communauté d’agglomération, SNCF-Gares & Connexions, union nationale des PIMMS, etc.), et est coordonné par la municipalité et le conseil régional. Ici, c’est à un projet de rénovation urbaine que vient participer la requalification de la gare. Bien que très différents, les deux retours d’expérience montrent l’intégration de la rénovation de la gare dans une réflexion territoriale plus large et mettent en évidence la difficulté à trouver un équilibre économique pour les commerces. L’analyse de cette enquête met en avant la nécessité d’une contextualisation des politiques générales pour permettre un déploiement des services et commerces dans les gares périurbaines. Dans un premier temps, on constate la nécessité pour les collectivités locales de s’emparer de cette question face au désengagement de la SNCF, que ce soit la région, qui travaille à la mise en place d’une politique servicielle, ou les communes et intercommunalités appelées à investir aux abords des gares et parfois même dans les bâtiments voyageurs. Dans un second temps, on s’aperçoit que les projets d’implantation de services et commerces dans ces gares périurbaines viennent s’intégrer à des projets territoriaux globaux, et ne sont pas seulement centrés sur la gare et le train. Ils participent à la requalification de ces quartiers de gares plus qu’au développement de l’utilisation du TER. Dans un troisième temps, la question de la rentabilité économique des services marchands vient se poser, la clientèle pendulaire du train n’étant pas suffisante pour leur permettre de se maintenir économiquement. Il devient alors important, pour les commerces, de se tourner vers le quartier qui les entoure et de s’intégrer au tissu commercial de la commune pour pouvoir continuer à exister. Enfin, on observe qu’il est extrêmement difficile, voire impossible de proposer une unique politique d’installation de commerces et de services dans les gares périurbaines puisqu’elles sont des objets très divers. Malgré tout, les collectivités et la SNCF cherchent aujourd’hui à mettre en place des outils d’évaluations et des procédures simplifiées pour définir une politique claire, mais territorialisée, et aider les porteurs de projets à s’y retrouver entre les nombreux acteurs concernés. Si les gares périurbaines sont des points d’enjeux majeurs pour le transport comme pour l’urbanisme, leur développement, par l’implantation de commerces et de services dans les bâtiments voyageurs, ne peut être mis en œuvre que par une inscription du projet dans une réflexion urbaine global, et ne peut pas, non plus, être envisagé comme un simple service supplémentaire offert aux usagers du train. Ces politiques sont encore aujourd’hui balbutiantes et devraient monter en puissance dans les années qui viennent. Changeront-elles durablement l’image et la fonction des gares ? Permettront-elles de réintégrer les gares dans leur environnement urbain, et de les consacrer comme point de centralité ? - 97 - Bibliographie Ouvrages et Articles scientifique : - ASCHER François, « Le sens du mouvement, introduction » dans ALLEMAND Sylvain, ASCHER François, LEVY Jacques, Les sens du mouvement. 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69) .............................................................................................................- 7 3 - Schéma du groupe SNCF et filiales de sa branche "Gares & Connexions" .......................................- 8 4 - Aménagement de la gare de la Verpillère (69) ...................................................................................... - 37 5 - Partage du foncier sur un site ferroviaire (source - publication CERTU) ........................................ - 46 6 - Situation géographique de Vinay (source - OpenStreetMap) ............................................................. - 56 7 - Plan de la ville de Vinay (source - OpenStreetMap) ............................................................................ - 59 8- Gare de Vinay en 2007 ( source - direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes) ..... - 60 9 - Gare de Vinay en mai 2014 ...................................................................................................................... - 62 10 - Halle fermière, mai 2014 ........................................................................................................................ - 63 11- Schéma de principe du bâtiment voyageurs de la gare de Vinay....................................................... - 66 12 - Situation géographique de Saint-Chamond (source - OpenStreetMap) ......................................... - 69 13 - Plan du quartier de la gare de Saint-Chamond (source - OpenStreetMap) .................................... - 72 14 - Gare de Saint-Chamond rénovée, avril 2014 ...................................................................................... - 73 15 - Commerce "Gare à l'appétit" en gare de Saint-Chamond ................................................................ - 74 16 - Positionnement des activités dans le bâtiment voyageurs (source de la photo - Google maps) - 77 - NB : Toutes les illustrations dont la source n’est pas indiquée dans la légende sont la propriété de l’auteur. - 100 - ANNEXES Liste des entretiens menés (13) Directrice de la mission « Temps et services innovants » - Grand Lyon, Direction de la Prospective et du Dialogue Public - 2 avril 2014 Directeur de l’exploitation - Agence Centre-Est d’SNCF Gares & Connexions - 7 avril 2014 Gestionnaire du PIMMS de la ville de Saint-Chamond - entretien informel - 8 avril 2014 Membres de l’unité « Gares » - Direction des transports du conseil régional Rhône-Alpes 3 entretiens les 15 avril, 25 avril et 13 juin 2014 Directrice générale des services - Commune de Vinay - 12 mai 2014 Représentant régional de la FNAUT et président de l’association « Améliorer les Déplacements et les Transports en Loire Sud » - 19 mai 2014 Gestionnaire du commerce « Gare à l’appétit » en gare de Saint-Chamond - 19 mai 2014 Directrice de l’urbanisme - Services techniques de la ville de Saint-Chamond - 19 mai 2014 Gestionnaire du commerce « Gourmand’Nine » en gare de Vinay - 22 mai 2014 Gestionnaire de la « halle fermière » de Vinay - 22 mai 2014 Maire de Vinay - Entretien téléphonique - 26 mai 2014 Ancien élu au développement économique de Saint-Chamond - correspondance électronique - à partir du 28 mai 2014 Annexes - 2 Liste, non exhaustive, des services et commerces repérés dans les « petites » gares de Rhône-Alpes : Aix-les-Bains : retrait de paniers fraicheur Ambérieu : retrait de paniers fraicheur Amplepuis : PIMMS en projet Annecy : Boutique du quotidien, retrait de paniers fraicheur Annemasse : retrait de paniers fraicheur Belleville : retrait de paniers fraicheur Bois d’Oingt - Légny : Office du tourisme et pôle de commerces (boulangerie, cave, épicerie) à proximité, bâtiment voyageur transformé en pizzeria, Chambéry : retrait de paniers fraicheur Charbonnières-les-bains : retrait de paniers fraicheur Donzère : PIMMS Firminy : retrait de paniers fraicheur Givors ville : café de la gare en face Grenoble : retrait de paniers fraicheur La Léchère -: maison des services (Notre Dame de Briançon ) Lozanne : retrait de paniers fraicheur Lyon Jean Lacé et Perrache : retrait de paniers fraicheur Montélimar : buffet de la gare Montmélian: retrait de paniers fraicheur Roanne : crèche et point TER Saint Chamond : point TER (petite restauration) et PIMMS Saint-Etienne Chateaucreux : retrait de paniers fraicheur Sainrt marcellin : café de la gare, en face Vienne : point TER (petite restauration) Vinay : point TER (petite restauration) et halle fermière Voiron : café de la gare Annexes - 3