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Ni Rain Man, ni déficients : celui qui veut faire voir les autistes autrement
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Ni Rain Man, ni déficients : celui qui veut faire voir les autistes autrement
Événement. Philosophe et conférencier, Josef Schovanec, autiste de haut niveau, est sur le Caillou. Invité par l’association Moi je Ted, il tente de faire
passer un message de tolérance qu’il sème tout autour du monde.
Josef Schovanec est né le 2 décembre 1981 en région parisienne, « le même jour que Britney Spears ». « Non verbal » jusqu’à 6 ans et un temps
considéré comme schizophrène, il est reconnu à 22 ans autiste Asperger. Photo Cyril Terrien et C.R
Charlie Réné / [email protected]
Crée le 17.09.2016 à 04h45
Mis à jour le 19.09.2016 à 11h09
Deux semaines sur le Caillou. Une éternité dans l’emploi du temps de ministre de Josef Schovanec et un privilège accordé à l’association calédonienne Moi
Je Ted, qui l’a contacté voilà plusieurs mois. À Koné jeudi, au lycée Blaise Pascal hier matin, à l’UNC dans la soirée, ce docteur en philosophie et
conférencier globe-trotter est impatiemment attendu. C’est qu’il n’est pas un inconnu : beaucoup ont vu sa figure longiligne et son sourire vissé aux lèvres
sur les plateaux de télé, la couverture de ses livres* ou dans les documentaires auxquels il a participé. En quelques années, ce trentenaire atteint du
syndrome d’Asperger, qui ne représente aucune association ou institution, est devenu, par la force des choses, un réel ambassadeur de l’autisme.
Ce polyglotte - il parle onze langues et a traduit nombre de livres étrangers - le sait, il est une exception. « 99 % des autistes que je connais se moquent
complètement du militantisme, explique-t-il. C’est bien le problème : c’est dans le profil même des personnes autistes de choisir la discrétion ». Lui pas. Et
pour convaincre que les autistes ont leur place des écoles aux entreprises, ou que « l’acceptation des différences de chacun ne peut être que bénéfique à
tous », il use de toute sa créativité et son charisme.
« Simple particularité humaine »
Ne vous laissez pas tromper par sa chemise fermée jusqu’au dernier bouton, qui lui donne, il en rit lui-même, des airs de séminariste. Cet « autiste de haut
niveau », né « à une époque où on ne connaissait rien à l’autisme et où le diagnostic se limitait souvent à “idiot?? ou “inapte à la vie en société?? », sait
faire des pupitres son terrain de jeu. Devant lui, la salle rit, s’émeut, s’interroge, et au final apprend beaucoup… « Je suis devenu malgré moi un
saltimbanque de l’autisme », constate-t-il. Un saltimbanque au regard sans pudeur, sans complaisance ni mépris, sur les « bizarres », les « tordus », les «
fêlés », ceux qui ont « une araignée dans la tête », « les gens de chez nous » comme il le répète avec amusement… Une façon normale - mais « la
normalité dépend du référentiel » - de traiter cette « simple particularité humaine », qui rend souvent difficile d’extérioriser ses émotions. « Les Finlandais
non plus ne sont pas très expressifs, et pourtant, on ne les considère pas comme inférieurs », rigole celui qui fut un temps diagnostiqué comme
schizophrène.
Des discours, débités comme une partition qui s’adapterait à son public, Josef Schovanec en a faits à Cayenne, à Alger, au Canada, et aux quatre coins de
la France, où il est chargé de mission auprès du secrétariat d’Etat du handicap.
Bardé de diplômes après une scolarité chaotique
Mais s’il voyage autant, ça n’est pas seulement pour faire avancer la cause qu’il défend, c’est aussi, simplement, parce qu’il « adore ça ». Ses autres
passions, et notamment l’étude des langues - « si possibles obscures et inutiles » - il doit bien les laisser trop en retrait, vu son emploi du temps. Mais pour
ce diplômé de Science Po, brillant dans ses études supérieures après une scolarité plutôt chaotique - il parle librement du cauchemar de la récré, des
railleries, des angoisses ou des -, pas question d’être un « professeur en autisme ».
Dans ses discours, ce fin pédagogue préfère parler de son expérience, celle de ses amis, des petites anecdotes historiques et grandes réalisations
humaines, qui, on ne peut que le supposer, sont liées à l’œuvre d’autistes…
De Wikipedia à Apple, en passant par la science fondamentale ou la littérature, « tout le monde utilise des objets et connaît des créations techniques ou
artistiques que l’on doit à des autistes », précisait-il hier devant un parterre de lycéens absorbés et, au final, conquis. Là encore, le message est passé : «
Notre monde est beaucoup plus rigolo quand on est plusieurs, avec des mentalités différentes, dit-il. Et le monde serait beaucoup plus triste sans les gens
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Ni Rain Man, ni déficients : celui qui veut faire voir les autistes autrement
autistes ».
*Le dernier en date : Voyage en Autistan (Plon, 206) rassemble les textes de ses chroniques dans l’émission Carnets du Monde, sur Europe 1.
LE POINT DE VUE DE… Josef Schovanec, docteur en philosophie
« On ne doit plus connaître ces situations terribles où des autistes sont rejetés toute leur vie »
Les Nouvelles calédoniennes : Voilà plusieurs années que vous sillonnez le monde pour donner des conférences. Vous adaptez votre discours à
chaque fois ?
J’essaie, autant que possible. Au lieu et surtout au public. Quand je suis dans un établissement scolaire, j’essaie de parler « jeune », ce qui est un vrai défi
pour moi. On ne parle pas à un lycéen, un enseignant ou un chercheur de la même façon. Mais l’important, c’est le message. Il passe souvent mieux quand
on aborde les choses avec humour, mais il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège du rigolo. L’objectif, c’est qu’il n’y ait plus de situations terribles
où des autistes sont rejetés toute leur vie et qu’on accepte les différences sociales. Il y a du travail : le taux de scolarisation des autistes reste assez bas.
Il y a un message particulier à faire passer aux autorités calédoniennes, qui travaillent à un nouveau schéma du handicap ?
J’étais à Koné jeudi dans une des sessions permettant le « diagnostic » qui servira à élaborer ce schéma. Je suis très content que ce processus
démocratique puisse avoir lieu. Mais au-delà de ça, le défi, c’est que les hommes politiques, qui ne se sentent pas toujours très concernés, prennent le sujet
au sérieux. Le danger c’est d’avoir des textes très jolis sur la forme, mais sans mesures concrètes pour favoriser l’intégration.
Avez-vous vu l’image des autistes évoluer ?
Oui, il y a 40 ans, on avait seulement une vision déficiente de l’autisme. Celui qui bave et qui ne comprend rien. Puis il y a eu Rain Man, beaucoup de
documentaires, qui ont présenté le côté « petit génie », calculateur éclair. Cette image, plus flatteuse, est aussi déformée et problématique.
La difficulté, c’est de présenter l’autiste comme une personne, avec ses différences et ses aptitudes humaines. C’est un défi possible à relever. Dans
certains pays, où je passe, comme au Canada, quand je dis que je suis autiste, on me dit « oui, je m’en étais rendu compte, et alors ? ».
1%
C’est la proportion d’autistes dans la population. D’autres études parlent d’une personne sur 150. « Ça veut dire qu’il y a plus d’autistes en NouvelleCalédonie que d’habitants sur l’île des Pins », note en souriant Josef Schovanec, qui estime que 95% d’entre eux pourraient s’insérer dans le monde du
travail.
Repères
Conférences gratuites et travail politique
Alors que les autorités calédoniennes s’apprêtent à adopter un nouveau schéma directeur du handicap, l’association Moi Je Ted qui rassemble des familles
concernées par l’autisme, compte bien sur Josef Schovanec pour pousser le sujet dans le pays. Et lui a organisé une réelle tournée. Il s’exprimera le
mercredi 20 septembre à 18 heures à l'UNC, le 21 à l’auditorium de la province Sud (17 heures), le 23 septembre à Lifou, le 26 à 16 heures à la salle Pitiri
de Koné. Et rencontrera, avant son départ le 28, des représentants de l’ensemble des institutions politiques, du monde de l’entreprise ou de l’enseignement.
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