Vincent Glowinski, le graffeur devenu danseur
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Vincent Glowinski, le graffeur devenu danseur
le spectacle DE LA SEMAINE Fini l’anonymat. Le street artist Bonom se fait un (autre) nom avec des spectacles où le corps lui-même devient pinceau. Il est au Botanique, au Théâtre National et au KunstenFestival ceux qui nous bassinent que tout a déjà été fait. Que, de toute façon, on ne voit pas ce qu’on pourrait encore inventer sur scène, on a désormais notre argument massue : Vincent Glowinski. L’ancien graffeur (aka Bonom) métamorphose son travail sur scène, en inventant le dessin impalpable, la danse-tableau, le pinceau humain et éphémère. Créée en 2008 avec Human Brush, la méthode se peaufine aujourd’hui dans Méduses, bientôt à l’affiche du Théâtre National. Le danseur-dessinateur se tartine le haut du corps avec une peinture blanche éclairée par des ultraviolets. Captés par une caméra, ses mouvements dessinent des fresques à l’écran. Méduses, taureau, python, fœtus, squelette : chaque ligne tracée à l’écran n’est qu’une émanation des contorsions du danseur. Vincent Glowinski danse et peint à la fois, sans crayon ni pinceau mais avec l’impulsion de ses muscles. Epoustouflant ! Sans aucune indication au sol, l’artiste tournoie, court, plonge, en gestes amples ou saccadés, et de cette danse presque tribale naissent à l’écran des visions oniriques, voire mythologiques, d’une précision inouïe. « Je regarde à la fois le sol, où je projette mentalement le dessin, et je regarde l’écran pour voir si ce que je fixe avec mon corps fonctionne, détaille notre dessinateur d’un nouveau genre. Derrière l’ordinateur, il y a Jean-François Roversi qui a développé le logiciel et qui réagit en live. Il règle le temps d’exposition, adapte la vitesse de mes mouvements, mo- A Repéré par Wim Vandekeybus au moment où il abandonnait les fresques illégales, Vincent Glowinski a travaillé avec les danseurs d’Ultima Vez. © D.R. dule le tempo aussi, la façon dont les dessins restent ou s’effacent à l’écran. Ce qui compte, ce n’est pas le dessin mais la manière dont il apparaît dans l’espace. En cela, ça se rapproche très fort du graffiti », précise celui dont le parcours est aussi sinueux que certaines de ses créatures fantastiques. Elevé à Paris, il se destinait d’abord aux sciences quand, au lycée, il tombe dans le graffiti. Ce qui le mène à des cours de dessin avant d’atterrir à la Cambre, à Bruxelles. Très vite, il applique son art dans l’espace public, dans les recoins les plus inattendus de la capitale belge. « Bruxelles, c’est l’idéal pour les graffeurs. Il y a plein de zones désorganisées, de grandes friches inoccupées. On ne sait pas très bien à qui ça appartient, du coup, c’est plus facile de se les approprier. Paris est plus densément habité, et donc les dessins sont plus confinés, plus propres. Bruxelles offre une dimension expérimentale, un chantier, un bordel créatif. » UNE ŒUVRE TENTACULAIRE Arrêté en 2010, Bonom met fin à ce jeu du chat et de la souris avec les autorités, exaspérées par ses fresques illégales et de plus en plus médiatisées, et transfère sa renommée sur un autre terrain de jeu : la scène. Repéré par Wim Vandekeybus, il continue sa recherche avec les danseurs d’Ultima Vez. Une aubaine pour ce trentenaire, qui était passionné de break dance et de hip hop à l’adolescence. « La danse était en moi et le spectacle me permet de renouer avec cet aspect-là. » Même en glissant vers la danse, Vincent Glowinski conserve ses obsessions, son imagerie, ses créatures. « Quand je prenais des cours de dessin, on nous conseillait d’aller au musée d’histoires naturelles ou au zoo. J’adorais essayer de saisir la position des animaux, c’était comme une chasse pour capter le mouvement. J’aime les métaphores que génèrent ces créatures. » Aujourd’hui, son œuvre est tentaculaire. Ses squelettes géants deviennent des marionnettes (Museum Night Fever), ses dessins sont les personnages d’histoires rocambolesques (Skia), son corps danse des tableaux hypnotiques (Human Brush et Méduses), ses sculptures dialoguent avec la figure de la mère (Mater Museum) et la musique vient toujours s’imbriquer au trait (La tête d’Actéon). On fait difficilement artiste plus complet. CATHERINE MAKEREEL ▶ Mater Museum jusqu’au 17 avril au Botanique. Méduses du 12 au 17 avril au Théâtre National. La tête d’Actéon au KunstenFestivaldesArts. Mad Mercredi 23 mars 2016 Page 25 scènes Vincent Glowinski, le graffeur devenu danseur