Infertilité jument, Cv santé, Mars 2000
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Infertilité jument, Cv santé, Mars 2000
CHEVAL SANTE POURQUOI EST’ELLE RESTEE VIDE Jean-Marc BETSCH Docteur Vétérinaire Une jument qui reste vide c’est une lourde perte pour l’ éleveur. La liste des « maladies » ou anomalies de l’appareil génital responsables d’infertilité est longue mais sur le terrain on rencontre souvent les mêmes pathologies et les mêmes situations – vide une année sur deux, vide depuis le dernier poulinage, chaleurs fréquentes, etc. Dans le domaine de la gynécologie équine comme dans beaucoup d’autres, plus on cherche plus on a de chances de trouver. La base c’est donc de faire un état des lieux le plus complet possible pour diagnostiquer la ou les causes de l’infertilité. Le propriétaire est en général d’accord pour toutes les investigations ou prélèvements réalisables du moment que la jument donne naissance à un poulain ! Le travail d’information du vétérinaire est alors de lui expliquer la démarche diagnostique qu’il peut proposer, et à quel prix. Enfin cet état des lieux ou « bilan de fertilité » conduira à un pronostic d’avenir reproducteur de la jument. LES ORGANES RESPONSABLES DE L’INFERTILITE Quand tout se passe bien, l’orchestre joue de concert : les ovaires organisent la cyclicité (chaleurs) et donnent des ordres aux autres tissus (utérus, col, vulve) par le biais des hormones (œstrogène, progestérone). Le comportement sexuel de la jument est également sous dépendance hormonale. L’ovaire libère un ovocyte (follicule) dans l’oviducte et celui-ci est rejoint par les spermatozoïdes dans les minutes suivantes ; la fécondation a lieu. L’embryon reste alors 6 jours dans l’oviducte ce qui permet à l’utérus de se «débarasser » de la contamination bactérienne physiologique liée à la saillie ou à l’insémination. L’utérus accueille l’embryon et le nourrit par la sécrétion de ses glandes au cours des 3 premiers mois, puis le relais est pris par le placenta. Quand la jument reste vide, soit les ordres ovariens sont défectueux (anomalies ovariennes), soit l’oviducte ne permet pas la fécondation, soit l’utérus ne reçoit pas l’embryon dans de bonnes conditions (lésions utérines), soit le « timing » entre toutes ces structures n’est pas adéquat. Par ordre de fréquence la première cause d’infertilité est l’utérus, puis les ovaires, puis le col utérin. Dans une étude rétrospective récente nous avons montré que dans un groupe de 500 juments infertiles 91 % présentaient des lésions de leur utérus susceptibles d’expliquer le problème. Très schématiquement quand les ovaires sont fonctionnels, la cyclicité est régulière et les ovaires ne sont pas la cause du problème. Les oviductes (fins conduits entre les ovaires et l’utérus) sont rarement responsables d’infertilité contrairement à ce qui se passe chez la vache ou dans l’espèce humaine par exemple. Cet organe reste toutefois très difficile à étudier car l’on ne peut ni le palper, ni l’échographier, ni le prélever. Les anomalies des ovaires sont de deux ordres : soit ils fonctionnent peu ou pas, soit ils fonctionnent anarchiquement. Dans le premier cas il s’agit d’ovaires de petite taille : juments âgées ou immatures, juments stressées ou maigres, traitements hormonaux prolongés, dysfonctionnements hypophysaires, ou anomalies chromosomiques. Le rôle de l’alimentation est sans doute très important mais il n’est pas facile à déterminer. Le manque d’état peut inhiber le fonctionnement ovarien mais de nombreuses juments maigres sont parfaitement fertiles. Dans le second cas l’activité anarchique se traduit par un ou deux ovaires de grande taille et présentant des structures anormales (follicules hémorragiques, anovulatoires, tumeurs). Certaines de ces anomalies restent mal connues car elles n’ont été découvertes qu’avec le développement de l’échographie c’est à dire depuis une quinzaine d’années seulement (diapo 1) Les lésions de l’utérus peuvent être responsables d’absence de gestation constatée vers 14 jours ou de pertes embryonnaires au cours des premiers mois de gestation. Il peut s’agir d’endométrite (infection utérine), de fibrose, de glandes utérines trop dilatées, de canaux lymphatiques trop dilatées (kystes utérins), d’atrophie glandulaire, ou d’adhérences utérines. Certaines de ces lésions peuvent être mises en évidence par échographie utérine, d’autres par cytologie (prélèvement de cellules utérines), et certaines ne sont diagnostiquables que par biopsie utérine (section non douloureuse d’un petit fragment d’utérus). QUELS PRELEVEMENTS POUR QUELLES INFORMATIONS ? Par palpation rectale, votre vétérinaire ne diagnostiquera que peu de lésions, car c’est un peu comme regarder un cheval boiteux à cinquante mètres de distance. L’échographie a permis de mettre en évidence des anomalies de l’utérus ou des ovaires que l’on ne connaissait que par autopsie ou en introduisant un endoscope directement dans l’utérus. Les anomalies utérines de taille visible sont la présence de liquide anormal (souvent signe d’infection) ou la présence de kystes utérins. Ces derniers peuvent être gênants s’ils sont trop gros ou mal placés comme à la base des cornes utérines par exemple ; en effet l’embryon reste bloqué à côté du kyste ce qui perturbe le signal embryonnaire indiquant à la jument qu’elle est bien pleine. Avant l’utilisation de l’échographie, l’endoscopie utérine permettait d’observer ces lésions mais nécessitait une tranquilisation de la jument et contaminait l’utérus du fait de sa dilatation par du liquide ou de l’air. Aujourd’hui l’endoscopie utérine reste essentiellement un moyen de diagnostiquer les adhérences utérines mais cette pathologie est particulièrement rare. Au plan ovarien l’échographie a permis de diagnostiquer des structures anormales perturbant le cycle sexuel : follicules n’ovulant pas, hémorragies ovariennes, corps jaunes atypiques, etc. Certaines de ces structures restent encore mal connues. La bactériologie utérine est le prélèvement le plus connu car il permet le dépistage des juments infectées par l’agent de la métrite contagieuse (Taylorella). Ce terme est en fait assez mal choisi car d’autres bactéries peuvent être transmises de l’étalon aux juments (Klebsielles ou Pseudomonas par exemple). La bactériologie utérine permet donc de trouver la bactérie responsable de l’infection. Le principal problème d’aujourd’hui est que de nombreuses juments infectées présentent des résultats bactériologiques négatifs. La cytologie utérine consiste à prélever les cellules desquammées au centre de l’utérus, soit en utilisant un écouvillon soit en instillant un peu de liquide physiologique que l’on recueille ensuite. L’examen microscopique consiste alors à regarder si des globules blancs sont présents ou non dans le prélèvement : s’il y en a la jument est infectée (endométrite, cf diapo 2) et s’il n’y en a pas la jument est « propre ». Le gros avantage de la technique est de diagnostiquer rapidement la présence d’une infection (en moins de 15 minutes) ce qui non seulement évite de perdre une chaleur mais aussi de commençer rapidement un traitement. L’endométrite représente la principale lésion utérine responsable d’infertilité chez la jument. Quand une jument est restée vide depuis plus d’un an, une biopsie utérine est vivement conseillée. En effet, au fur et à mesure des mois d’autres anomalies utérines s’installent et seul un examen microscopique d’un fragment de muqueuse utérine permet de les diagnostiquer. Ce fragment d’utérus est prélevé grâce à une longue pince métallique mais n’est pas plus douloureux qu’un prélèvement bactériologique. La biopsie est ensuite interprétée par un spécialiste pour déterminer la nature des lésions de l’utérus ainsi que leur étendue. Il existe plusieurs lésions de l’utérus responsables d’infertilité chez la jument et la plupart d’entre elles ne sont mises en évidence que par l’analyse microscopique de la biopsie : endométrite, fibrose des glandes, dilatation kystique des glandes, lacunes lymphatiques, atrophie glandulaire, etc (diapo 3). Certaines de ces lésions empêchent le développement normal de l’embryon tandis que d’autres sont responsables de pertes embryonnaires. Dans les années 1980, la grande nouveauté de la biopsie utérine fut de pouvoir pronostiquer les chances de la jument de pouliner l’année suivante. Le principe est simple : plus il y a de lésions moins la jument a de chances de concevoir et mener une gestation à terme. Un vétérinaire américain (Kenney) a codifié les pathologies utérines en 4 catégories et montré que le pronostic reproducteur de la jument varie significativement d’une catégorie à l’autre (cf tableau 1 ). CATEGORIE de KENNEY % de chances d’obtenir un poulain I 80 – 90 % IIA 50 – 80 IIB 10 – 50 III <10% COMMENTAIRE Absence de lésions significatives Fertilité normale Lésions discrètes, Traitement raisonnable, eput revenir en catégorie I Lésions modérées Traitement conséquent, suivi rapproché, peut éventuellement revenir en catégorie IIA Lésions sévères Traitement lourd, peu de chances de réussite Tableau 1 : pronostic reproducteur de chaque catégorie de jument en fonction de la gravite des lésions utérines La biopsie utérine peut également être utilisée dans le cadre de la visite d’achat, pour s’assurer de la qualité de l’utérus avant une chirurgie importante, ou pour contrôler la qualité des donneuses dans un programme de transfert d’embryon. QUELS TRAITEMENTS POUR LA JUMENT VIDE ? Règle de base, le traitement suit le diagnostic. La plupart des pathologies utérines nécessitent un traitement intra-utérin ou par voie générale que chaque vétérinaire pourra adapter à la jument. Certaines lésions comme la fibrose sont malheureusement irréversibles. Ce que l’éleveur doit comprendre c’est qu’en matière de gynécologie équine on ne revient jamais vraiment à la case départ. Avec le temps, les lésions tendent à s’amplifier, surtout si des mesures préventives ne sont pas mises en œuvre. Prenons le cas de l’infection utérine par exemple : après un traitement l’utérus sera « stérilisé », mais que se passe t’il après ? Por éviter que la jument devenue sensible ne se réinfecte, la prévention est essentielle : saillies réduites, préférence de l’insémination artificielle, contrôle de l’absence de liquide dans l’utérus, suture vulvaire si nécessaire , etc. DIAPO 1 : anomalies ovariennes pouvant causer une subfertilité DIAPOS 2 : cellules de l’utérus prélevées par cytologie : présence de globules blancs signant une infection utérine (endométrite) DIAPO 3 : Aspect de l’utérus prélevé par biopsie : présence d’inflammation et de fibrose. DIAPO 4 : kystes de l’utérus pouvant gêner la mobilité de l’embryon au cours des 16 premiers jours s’ils sont de grande taille ou mal placés (base d’une corne) FIN